[ID00005] CODEX DIPLOMATICUS RUBENIANUS
[ID00006] CODEX DIPLOMATICUS RUBENIANUS DOCUMENTS
RELATIFS A LA VIE ET AUX OEUVRES DE
RUBENS PUBLIÉS SOUS LE
PATRONAGE DE L'ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE D' ANVERS TOME DEUXIÈME
[ID00007] CORRESPONDANCE DE RUBENS ET DOCUMENTS
ÉPISTOLAIRES CONCERNANT SA VIE ET SES OEUVRES PUBLIÉS, TRADUITS,
ANNOTÉS PAR
MAX ROOSES CONSERVATEUR DU MUSÉE PLANTIN-MORETUS A ANVERS ET FEU
CH. RUELENS CONSERVATEUR DES MANUSCRITS A LA BIBLIOTHÈQUE ROYALE DE BELGIQUE, A
BRUXELLES TOME DEUXIÈME
1609 - 25 JUILLET
1622 ANVERS
JOS. MAES, Éditeur, 10, Rue Gramaye
1898
|| [ID00008]
[1] INTRODUCTION.
Onze ans se sont passés depuis que le premier volume de la Correspondance de Rubens vit le jour. Un événement douleureux fut
cause de ce long retard: la mort de l'homme éminent qui avait donné l'idée et
pris l'initiative de la publication, M. Charles Ruelens. En terminant la première partie de son immense
travail, il se proposait de faire paraître et nous faisait espérer à bref délai
les volumes suivants: il avait réuni à cet effet une quantité considérable de
matériaux; le destin inexorable ne lui permit point de les utiliser. En
1887, immédiatement après l'impression du premier
volume, il eut à s'occuper activement des négociations entre l'Etat Belge et Sir Thomas Philips concernant l'acquisition, pour la
Bibliothèque royale
de Bruxelles, d'une partie des manuscrits appartenant à l'héritier des
collections de Cheltenham. Il fit deux
voyages en Angleterre pour étudier les
trésors qu'il s'agissait d'acquérir et rapporta de son séjour prolongé dans les
locaux, où ils étaient déposés, les germes d'une maladie qui devait être fatale.
A son retour, il rédigea un rapport étendu qui lui prit plusieurs mois. Pendant
le temps qu'il y consacra, il dut interrompre son travail de prédilection, la
Correspondance de Rubens. Quand il voulut s'y
remettre, sa santé ne le lui permit plus. Il eut des jours où les forces
semblaient lui revenir et où il se berçait de l'espoir de reprendre bientôt la
tâche momentanément abandonnée; vaine illusion, le mal s'aggrava et l'emporta le
8 décembre 1890. Il n'eut pas la suprême
joie du travailleur, celle de mener à bonne fin la grande oeuvre de sa vie. Lui
qui avait semé à tous les vents les fruits de son érudition, qui avait aidé
d'innombrables savants dans leurs recherches et leur avait fourni des matériaux
pour les livres les plus divers, ne put [2] léguer au monde
l'ouvrage auquel il avait consacré de si nombreuses années, voir se réaliser son
rêve chéri. La Commission pour la publication des documents rubéniens fut
atterrée en apprenant la fatale nouvelle. Qui, se demanda-t-elle, reprendra le
fardeau tombé des épaules les plus capables de le porter ? Et cependant il
fallait continuer l'oeuvre entreprise, ne pas laisser sans emploi les éléments
recueillis avec tant de zèle et de peine. Lorsque le dernier volume de mon OEuvre de Rubens356 eut paru, en 1892, mes collègues m'offrirent la tâche honorable autant que lourde. La
perspective d'y passer dix années de ma vie après en avoir consacré autant et
plus au travail que je venais de terminer, n'était pas fait pour me sourire.
Cependant, mû par le désir de tenir la parole que mon ami et moi nous nous
étions donnée de fournir un code de documents rubéniens digne du prince des
artistes flamands et certain de répondre au voeu du défunt en ne laissant pas en
souffrance la part qu'il s'était réservée, j'acceptai. J'étais et je suis
encore convaincu que je ne le remplacerai que très imparfaitement. Charles
Ruelens avait, depuis de longues années, concentré ses études, ses pensées, son
amour sur l'oeuvre monumentale; à preuve le volume Pierre-Paul Rubens,
Documents et lettres357, commencé en
1874 et terminé en 1877.
Il s'était familiarisé avec les contemporains de son héros, il les avait
fréquentés longuement, étudiant leurs actes, épiant leurs pensées, s'informant
des hommes et des choses, s'intéressant à l'ensemble et aux détails. Il les
reconstituait par sa science, les faisait revivre par son enthousiasme; lui seul
était à même de continuer et de terminer dignement ce prodige d'évocation, de
résurrection. Sa perte est et restera à jamais regrettable pour l'histoire de
Rubens. En m'efforçant d'atténuer jusqu'à un certain point cette perte,
j'ai pris à tâche, tout d'abord, d'utiliser intégralement les matériaux réunis
par mon prédécesseur et mis gracieusement à ma disposition par ses enfants. Pour
l'impression du second volume, Monsieur Ruelens avait préparé les documents
jusqu'à et y compris la lettre du 9 octobre 1616
(page 88 du présent volume); il avait en outre traduit les lettres publiées par
Noël Sainsbury 358 jusqu'à la date du 1r mars 1623; il
avait fait transcrire, il avait recopié et collationné toutes les lettres de Peiresc à Rubens et les avait
traduites jusqu'au 9 février 1623. Ces textes
figureront dans le présent volume et dans les suivants, ainsi que la plupart des
commentaires sur les lettres de Rubens, publiées par lui en 1877. Dans mon travail personnel, je me suis conformé aux
règles qu'il s'était tracées et qu'il a exposées dans l'Introduction du premier
volume. La seule [3] modification que j'ai cru pouvoir
apporter au plan suivi par lui, a été de réduire l'étendue des commentaires et
de n'admettre que des documents se rapportant directement à Rubens. Cette
limitation s'imposait si je ne voulais voir s'accroître outre mesure le nombre
des volumes consacrés à la correspondance d'un homme dont l'histoire se confond,
à certains moments, avec celle de son pays et de l' Europe. Même en restreignant ainsi la matière, je calcule
qu'il faudra, pour la publier dans son ensemble, au moins cinq, et probablement
six volumes de l'étendue des deux premiers. J'ai cru nécessaire de
collationner les textes que j'avais à éditer. J'ai revu moi-même ceux du Public Record
Office de Londres, de la Bibliothèque Méjanes d' Aix en Provence, de la Bibliothèque
Inguimbert de Carpentras, de la Bibliothèque
nationale de Paris, de la Bibliothèque
royale de Bruxelles et des Archives d'Anvers. Monsieur Claudio Perez y Gredilla, conservateur en chef
des Archives de
Simancas, a bien voulu faire collationner ceux du dépôt confié à sa garde;
Monsieur Byvanck, le conservateur de la
Bibliothèque royale
de La Haye, a fait le même travail pour les
autographes appartenant à ce dépôt. Je leur en exprime ici toute ma
reconnaissance. A diverses reprises, dans les revues et journaux de la France, de l' Allemagne et de l'Angleterre, j'ai fait appel aux
propriétaires de lettres inédites de Rubens afin d'en obtenir la copie. Cet
appel n'est pas resté sans résultat et de maint pays d'Europe et d' Amérique des documents de la plus grande
importance m'ont été communiqués. Je remercie bien vivement les nombreux amis
des arts et de la science qui m'ont rendu ce précieux service. Malgré
l'empressement dont j'ai eu à me louer, je crains bien que certaines autographes
n'aient échappé à mes recherches, et regrette entre autres de n'avoir pas réussi
à retrouver toutes les lettres mentionnées dans les catalogues de vente des
cinquante dernières années. Je me permets d'insister auprès de tous ceux qui
portent intérêt à notre publication pour que, éventuellement, ils me mettent sur
la trace de ces enfants égarés et m'aident à les faire rentrer à leur domicile
légal, ou pour qu'ils me signalent des documents non encore mentionnés et de
nature à compléter notre recueil. Anvers, le 5
juillet 1898. Max ROOSES. [ID00012]
[ID00013]
[ID00014]
[1]
INTRODUCTION.
[1] RUBENS REVENU A ANVERS.
Rubens revint d'Italie avec la plus grande rapidité. Montant à cheval (salendo a cavallo) le 28 octobre
1608, il arrive à Anvers, comme nous rapprend une lettre de Guillaume Verwilt à Jacques de Bie (1)((1) Publiée par Ch. Ruelens. Bulletin Rubens, III, p. 165.) avant le
11 décembre. Excellent cavalier, il est
probable que, selon une habitude dont nous constaterons d'autres exemples, le
jeune peintre aura fait à cheval toute la longue traversée, accompagné de son
inséparable Déodat del
Monte.(2)((2)«Citatis equis eo volavit» dit la
Vita: de toute la vitesse de leurs chevaux. On a traduit cela par «en
poste.» Il n'existait point de service postal à cette époque entre l'Italie et les pays éloignés, excepté
pour les lettres.) Nous n'avons guère de détails sur sa rentrée au
pays et il n'y a pas lieu de tenir compte des anecdotes rapportées par les
biographes. Il revenait dans la ville qu'il avait quittée depuis plus de huit
ans, n'étant qu'un modeste élève en peinture; n'ayant, par conséquent, aucune
autorité personnelle, comptant quelques liaisons, peut-être, parmi ses
condisciples, ne possédant, enfin, rien qui dut arrêter l'attention sur lui.
Pendant son absence, en dehors de sa mère et de ses anciens maîtres, personne ne
doit avoir pris grand intérêt à ses actes. Nous avons vu que Vincent de Gonzague ni personne de sa suite
n'ont daigné, quelques mois auparavant, donner de ses nouvelles pendant leur
séjour aux bords de l'Escaut. Il rentrait dans un douloureux moment. Ses
premiers pas devaient être [2] au tombeau de sa mère359,
ses premières occupations des arrangements de famille au sujet de la succession
maternelle. Le «licencié» Michel, suivi et paraphrasé par les biographes venus
après lui, dit qu'il «mit pied à terre dans l' abbaye de St. Michel et n'en sortit
que beaucoup de temps après, ayant choisi ce lieu retiré pour pleurer en
tranquillité la perte de ce qu'il possédait de plus précieux au monde.»
L'anecdote part d'un bon naturel, mais il est bien plus probable que Rubens sera
descendu chez son frère Philippe,
dans la maison maternelle. Le fait que celle-ci se trouvait dans la rue du
Couvent, à côté de l'abbaye Saint Michel, peut avoir été la source de l'anecdote
concernant le séjour de Rubens dans le monastère. La maison maternelle était
très probablement en ce moment habitée par Philippe Rubens, qui s'y trouvait
dans ses meubles. En effet, par le testament de Marie Pypelinckx 360 , les deux frères avaient hérité de tout le mobilier, lits, chaises,
bancs, armoires, coussins, service de table et linge, de la maison mortuaire.
Pierre-Paul était donc au débotté, chez lui, modestement, sans doute, car la
petite fortune maternelle, partagée en trois, ne donnait pas, à chacun des
enfants, de quoi faire grande figure, mais, enfin, il avait le toit, le couvert
pour le présent, et l'avenir pour richesse. Il ne fit donc pas une entrée
triomphale comme se sont plus à le dire des biographes. «Son arrivée dans nos
provinces avait partout excité au plus haut point la curiosité et
l'enthousiasme. La renommée qu'il s'était acquise en Italie avait retenti dans
toutes nos villes. Son nom volait par toutes les bouches. On était fier de lui.
On ne parlait de Rubens qu'avec orgueil, etc., etc.» Ainsi s'exprime et
poursuit, avec plus de lyrisme encore, M. André van Hasselt.(1)((1) Histoire de P.-P.
Rubens. Brux. 1840, p. 42.) Pure imagination! Nous ne trouvons aucune
trace de cet accueil. Il n'est point dans la logique des faits, pas un document
ne nous en dit plus que les six mots de la lettre que nous publions. Ce
n'est pas que Rubens soit rentré à Anvers comme un inconnu. Il se trouvait là
plusieurs témoins de ce qu'il avait fait en Italie; nous en avons nommé: Jean van den Wouwere, Jean-Baptiste Perez de Baron, Jean Hemelaer, revenu de Rome depuis un an. Il devait y avoir aussi plus
d'un peintre; mais de tous leurs témoignages, il ne pouvait sortir encore qu'une
renommée intime, une appréciation sympathique de l'homme, des espérances fondées
de talent. Van den Wouwere, l'ami, le protecteur de Philippe, revoyait, sans
doute, avec bonheur, celui qu'il avait vu à Vérone, Perez de Baron, le neveu du bourgmestre Rockox, devait l'avoir chaudement recommandé à
son oncle; Hemelaer ne [3] peut manquer d'avoir parlé de ses
connaissances en matière d'antiquités; Balthasar Moretus, son ancien condisciple,
l'imprimeur des Electorum libri II361 pour lequel Pierre-Paul venait de
dessiner six planches, ne l'avait assurément pas oublié. Il était donc précédé
d'une haute estime et ses confrères, les peintres, éprouvaient, peut-être, déjà
une respectueuse curiosité à l'annonce de son nom. Ses trois maîtres, Tobie Verhaeght, Adam van Noort et Otho Vaenius, ne l'ont pas accueilli avec
indifférence, on peut en être certain. De l'ensemble des documents relatifs
au séjour de Rubens en Italie362, on peut
conclure qu'il y avait inspiré de nombreuses sympathies et que son talent
remarquable déjà, n'y était pas méconnu. Mais le bruit de cette renommée
naissante ne semble point être sorti du cercle étroit de ses relations avec la
cour de Mantoue, et de quelques personnages
à Rome ou à Gênes. En dehors de ces pièces
officielles ou privées, nous n'avons découvert qu'un seul témoignage
contemporain qui le concerne. Mais ce témoignage qui, croyons-nous, est resté
inconnu aux nombreux biographes du peintre, acquiert, à cause de sa date et de
son origine, une véritable importance. Il émane de ce Gaspard Scioppius dont il a été déjà si
souvent question, et il mérite d'être reproduit. On sait que le savant
professeur de Leyde, Joseph Scaliger, aussi vaniteux que Jules César son père, se
vantait, avec celui-ci, d'être un descendant de l'illustre famille des Scaliger
de Vérone. Il avait publié, pour en fournir les preuves, un livre stupéfiant:
Epistola de Vetustate et Splendore Gentis Scaligerae et
Jul. Caes. Scaligeri Vita.
Leida
1594.363 Ce livre,
pitoyable faiblesse d'un homme qui avait d'autres titres que ceux d'une origine
illustre, ne méritait d'autre accueil qu'un sourire et le silence, mais il se
trouva quelqu'un pour entreprendre de le réfuter, le non moins vaniteux G.
Scioppius. Celui-ci publia donc, treize ans après," un gros volume qui doit lui
avoir coûté un énorme travail de recherches et dont le titre seul est un poème.
Nous ne pouvons nous dispenser de le donner en entier: Gasp.
Scioppii Scaliger Hypobolymaeus, hoc est, Elenchus epistolae Josephi
Burdonis Pseudo-Scaligeri de Vetustate et Splendore gentis Scaligeranae. Quo
praeter crimen falsi et corruptarum litterarum Regiarum, quod Thrasoni isti
impingitur, instar quingenta ejusdem mendacia deteguntur et coarguuntur.
Moguntiae, apud Johannem Albinum, M.DC.VII, in-4°.364 Dans ce livre que Scioppius dédie à l' Archiduc Ferdinand d' Autriche, l'auteur, fougueux
catholique, s'attaquait, au fond, bien plus à Scaliger, zélé protestant, qu'à
Scaliger, descendant douteux des anciens potentats de Vérone. Il y établit
donc, par ce qu'il appelle les cinq cents mensonges de Scaliger et par une foule
d'actes et de documents, que ce dernier est un Burdo, c'est-à-dire un descendant
de la famille des Bordone, famille à laquelle entre autres personnages connus,
appartient aussi le peintre Paris
Bordone et [4] c'est en parlant de celui-ci qu'il
appelle Rubens en témoignage.(1)((1) Amicus quidem meus
Petrus Paulus Rubenius, in quo utrum commendem magis nescio, pingendi ne
artificium, ad cujus ipse summam, si aetatis hujus quisquam pervenisse
intelligentibus videtur, an omnis humanioris litteraturae peritiam
politumque judicium cum singulari sermonis et convictus suavitate
conjunctum: is ergo non paucas in Italia passim videri mihi affirmavit
picturas, in quibus Paridis Burdonis nomen plane et probe perscriptum
visatur (Hypobolymaeus, p. 110).) «Mon ami Pierre-Paul Rubens, dit-il,
un homme en qui je ne sais ce qu'aurais le plus à louer, ou son habileté dans
l'art de peindre, art dans lequel, aux yeux des connaisseurs, il semble avoir
atteint la perfection, si quelqu'un y est parvenu en ce temps, ou son savoir en
tout ce qui concerne les bonnes lettres, ou cette délicatesse de jugement qu'il
joint à un charme tout particulier de parole et de conversation, mon ami Rubens
m'a affirmé qu'il a vu çà et là en Italie de nombreux tableaux sur lesquels le
nom de Paris Bordone est inscrit nettement et authentiquement.» Cette
appréciation de l'artiste et de l'homme, écrite à cette date, par un personnage
à qui, malgré sa triste perversité, l'on ne peut méconnaître une très haute
intelligence, cette appréciation provoque à bon droit l'étonnement, on pourrait
dire même l'admiration, tant elle est empreinte d'une prophétique justesse.
Trente-cinq ans plus tard, elle eût pu être taillée en guise d'épitaphe sur la
pierre tombale de Rubens et elle eût paru saisissante de vérité dans sa
laconique précision. Et pourtant, à l'époque où elle fut tracée, en 1605 ou 1606(2)((2) L'ouvrage de Scioppius porte une introduction datée Kal.
feb. 1607: il parut donc au commencement de cette année. Mais le livre est
gros, l'impression a dû demander de longs mois; la copie n'a pû être fournie
que dans le courant de 1606. C'est pendant cette année et antérieurement
déjà, que nous avons constaté les rapports des frères Rubens avec Scioppius,
à Rome.), le peintre n'avait pas trente ans et, comme nous le disions,
la portée de son renom ne pouvait être étendue. L'éloge ici tracé par Scioppius
est un jugement tout personnel et absolument sincère: mais tout brillant qu'il
soit, perdu dans l'épais fourré d'un livre filandreux, peu intéressant par son
sujet et devenu très rare, cet éloge n'a pas contribué à augmenter ce renom. En
Belgique, il semble avoir passé
inaperçu comme le livre lui-même. Quelques années après, Scioppius eut
encore l'occasion de dire quelque chose à l'avantage des frères Rubens, en
racontant un épisode datant de sa liaison avec eux. Nous pouvons donner ici le
résumé de ce témoignage rétrospectif. En 1606, un
Anversois, Daniel Lhermite, devenu
secrétaire de Ferdinand de
Médicis, Grand-Duc de Toscane, pendant
un séjour à Rome, y avait vécu dans l'intimité de Scioppius et des frères
Rubens. Un jour, les trois amis en compagnie de deux autres Flamands, firent une
excursion à Tivoli. Pendant [5] la route, dit Scioppius, ce Lhermite ne cessa de commenter les
obscénités de Pétrone et de l'Aretin, il traçait des dessins orduriers sur les
murs d'un cabaret et tint des discours tellement impudiques que les Rubens et
lui, Scioppius, s'en montrèrent très scandalisés. Mais cette anecdote est fort
suspecte. Elle se trouve dans un autre ouvrage contre Scaliger, ouvrage plus
violent encore que le précédent, et n'apparaît là que comme une diatribe contre
Lhermite qui avait osé prendre la défense de Scaliger contre Scioppius (1).((1) L'ouvrage de Scioppius parut en 1610 sous le titre de
Oporini Grubini Amphotides Scioppianae. Il est plus rare que l'ouvrage
précédent. On peut lire sur toute cette affaire le Dictionnaire de Bayle et
l'introduction du recueil: Daniel Eremitae Aulicae Vitae ac civilis libri
quatuor. Ultrajecti, 1701, publié par le savant Jean-Georges
Graevius.)
[1]
RUBENS REVENU A ANVERS.
CXVII JOACHIM D'ENCENHEAR A...(8 août 1609.)
Señor,
Su Alteza me ha mandado diga á Vm. de su parte, que Vm. mande hazer una órden de
600 fl. sobre nosotros, para darlos á Roberto Staes, su platero de oro: los 300,
para hazer dellos una cadena de oro con una medalla de los rostros de Sus
Altezas, para darla á un pintor que se llama Pedro Paulo Rubens, vezino de Amberes, que Su Alteza le haze merced
della, y los otros 300 á buena quenta de las obras que está haziendo y haze
hazer el dicho platero. Y con esto guarde Nuestro-Señor Vm. como
puede y Vm. dessea.
De palacio, oy 8 de agosto
1609.
Joachim
.
Soy muy cierto servitor de Vm.
Joachim
.
Aux Archives du Royaume à Bruxelles. — Papiers d'État et de l'audience. — Publié
par M. Alex. Pinchart: Archives des Arts, etc., II, p. 170 (1863).
[6] TRADUCTION. JOACHIM
D'ENCENHEAR A...
[6]
TRADUCTION. JOACHIM
D'ENCENHEAR A...Monsieur,
Son Altesse m'a commandé de vous dire de sa part que vous ayez à faire sur nous
une ordonnance de paiement de 600 florins pour être donnés à son orfèvre, Robert
Staes: 300 florins pour faire une chaîne d'or avec une médaille aux effigies de
Leurs Altesses, à offrir par Son Altesse en cadeau à un peintre qui se nomme
Pierre-Paul Rubens, habitant d'Anvers, et les 300 autres florins en acompte des
ouvrages qu'elle fait exécuter par ledit orfèvre. Et sur ce Dieu vous garde en
sa puissance et selon vos désirs.
Du palais, ce 8 août 1609.
Joachim
.
Votre très dévoué
serviteur,
Joachim
.
COMMENTAIRE.
Adressée à quelque employé de la trésorerie, par le garde-joyaux des Archiducs,
cette lettre est le premier acte officiel qui nous parle des rapports des
Archiducs avec Rubens depuis le retour de celui-ci aux Pays-Bas. Ce cadeau d'une
chaîne d'or sera suivi bientôt d'une faveur plus grande: c'est à propos de cette
dernière que nous examinerons ce qui a pu porter les princes à ces hautes
largesses envers un homme que Joachim Encenhear qualifie encore tout simplement:
«un peintre d'Anvers, qui se nomme Pierre-Paul Rubens».
Albert et Isabel-Clara-Eugenia, infante d' Espaigne, par la grâce de Dieu, archiducqz d'Austrice, etc. à tous ceulx qui ces présentes verront, salut. Sçavoir faisons que, pour le bon rapport que faict nous a esté de la personne de Pierre-Paul Rubens, et de ses sens et grande expérience, [7] tant en faict de paincture, que de plusieurs aultres artz, nous confians à plain de ses léaulté et bonne diligence, eu sur ce l'advis de noz très chers et féaulx les chiefs, trésorier-général et commis de noz domaines et finances, avons icelluy Pierre-Paul Rubens retenu, commis, ordonné et establi, retenons, commettons, ordonnons et establissons, par ces présentes, à l'office de paintre de nostre hostel, en luy donnant plain pouvoir et mandement espécial dudict office de paintre de nostre hotel doresnavent tenir, exercer et desservir, et au surplus faire bien et deuement toutes et singulières les choses que bon et léal paintre susdit peult et doibt faire, et que audict office compètent et appertiennent, aux gaiges et traictement de cincq cens livres, du pris de quarante gros de nostre monnaye de Flandres la livre, par an, dont voulons et ordonnons qu'il soit payé et contenté par les mains de nostre amé et féal conseiller et receveur-général de nosdictes finances, Christophe Godin, présent et advenir, depuis cejourd'huy en avant, de demy-an en demy-an, par esgale portion, et au surplus aux droitz, honneurs, libertez, exemptions et franchises accoustumez et y appertenans, et dont joyssent aultres noz domesticques et serviteurs de nostredict hostel par tous les lieux de nostre obéissance, avecq pouvoir qu'il pourra enseigner à ses serviteurs et aultres qu'il voudra sondict art, sans estre assubjecti à ceulx du mestier, tant qu'il nous plaira.
Publié par Mr Gachard. Trésor natonial, Juin 1842, page
161.
COMMENTAIRE.
Suit un long dispositif d'exécution et de formalités à remplir. L'ordonnance est
datée du 23 septembre 1609. Pierre-Paul était de retour à Anvers depuis onze
mois à peine. Le neuf janvier 1610, il prêta serment en sa nouvelle qualité.
Quel chef-d'oeuvre, quel acte, même, avait valu au jeune peintre cette faveur
exceptionnelle, qui n'était pas la première, car les Archiducs lui avaient
offert déjà, comme nous venons de le voir, quelque temps auparavant, une chaîne
et une médaille d'or à leurs effigies? Ce n'est donc pas tout à fait au figuré
que s'expriment Philippe Rubens dans sa lettre à Pecquius, et après lui son fils
Philippe dans la Vita, quand ils disent que les archiducs s'attachèrent
Pierre-Paul par des liens d'or.
M. Gachard avait déjà signalé deux points remarquables dans ces lettres patentes:
«En premier lieu, le considérant: ce n'est pas seulement pour sa [8] grande expérience en fait de peinture, mais aussi en plusieurs autres
arts, que les Archiducs confèrent à Rubens le titre de peintre de leur hôtel.
A quels «autres arts» est-il fait allusion? Si ces mots ne sont pas une simple
formule de chancellerie, ils ne paraissent pas aisément explicables. Pour leur
donner une signification, il faudrait savoir ce qui s'est passé entre l'artiste
et les Archiducs et comment ceux-ci ont été amenés à octroyer à Rubens une
faveur aussi haute en des termes aussi distingués.
Nous avons vu, qu'en septembre 1607, l'Archiduc Albert avait fait une démarche
auprès du duc de Mantoue pour obtenir de celui-ci le retour de Pierre-Paul dans
les Pays-Bas. Cette démarche s'était faite, évidemment, à la sollicitation de
Marie Pypelinckx et de Philippe Rubens. Celui-ci, nous l'en soupçonnons fort, a
été le promoteur de cette nouvelle mesure pour empêcher son frère de retourner
en Italie où l'attiraient ses prédilections d'artiste, et, comme la première
fois, il a fait agir les Archiducs. Voici comment il est probable que les choses
se sont passées.
On s'occupait alors avec une grande activité de la conclusion de la fameuse trêve
de douze ans, afin d'arrêter la guerre implacable qui régnait depuis tant
d'années entre l'Espagne et les Pays-Bas du Nord. Après de longues et
infructueuses négociations, on réunit à Anvers, sous la médiation de la France
et de l'Angleterre, un dernier congrès où les Archiducs envoyèrent comme
délégués Ambroise Spinola, le Président Richardot, don Juan Mancicidor, le Frère
Jean Neyen et Louis Verreycken. Ces délégués, ainsi que ceux des Pays-Bas, de la
France et de l'Angleterre, arrivèrent à Anvers dans le courant de février 1609
et tinrent immédiatement leurs réunions à l'Hôtel-de-Ville (1).((1) Richardot y arriva le 4 février (Voir Négociations du
Président Jeannin.) — Lettres de Richardot du 21 janvier 1609. — Voir Vander
Vynckt. Histoire des Troubles. Brux. 1822, II, 446, etc.).)
Pendant le séjour de Richardot, n'est-il pas infiniment probable que Philippe
aura présenté son frère à cet homme d'État que Pierre-Paul connaissait déjà,
d'ailleurs, et que, par l'entremise de celui-ci, le jeune peintre aura été mis
en relation avec les Archiducs? Nous savons par la Vita que ces Princes lui
demandèrent leurs portraits. Cette demande n'a pu être faite que dans une
audience ou par suite d'une puissante recommandation.
L'exécution de ces portraits a nécessité plus d'une entrevue de Pierre-Paul avec
Albert et Isabelle. Or, ces téte-à-tête ont dû opérer l'effet que produisaient
toujours les entretiens du peintre avec des rois ou des princes. Sa haute
intelligence, son esprit cultivé, sa raison déjà mûrie et au-dessus de tout
cela, peut-être, la droiture de son caractère devaient impressionner les
souverains de ce temps-là, peu habitués à entendre d'autres voix que celle des
courtisans, [9] des grands ou des premiers ministres. Il
n'est pas à douter que les Archiducs ne l'aient interrogé sur sa vie et ses
travaux à Mantoue ou à Rome, sur sa mission en Espagne; il n'est pas à douter
non plus qu'ils ont appris du jeune homme d'intéressantes particularités. Lui
qui avait vécu auprès de Vincent de Gonzague, frayé à Rome avec des cardinaux,
vu la cour de Philippe III, conversé avec le duc de Lerme, il a pu donner à ses
propres souverains plus d'une indication utile, peut-être de respectueux
conseils dans les circonstances perplexes du moment. Jadis, il avait quitté son
pays en proie aux malheurs de la guerre, il y revenait le deuil au coeur et n'y
trouvait point la paix dont il avait besoin pour cultiver son art. Son plus
ardent désir de citoyen devait donc le porter à travailler, autant qu'il était
en lui, à l'avènement d'une ère de calme et de sécurité. A en juger par
l'intensité de cette passion de la paix qu'il eut pendant toute sa vie, et qui
fut le mobile de ses actions politiques, nous pouvons très bien admettre que dès
ce moment dèjà, il n'a point négligé d'exprimer hautement ses idées pacifiques
et nous croyons donc que parmi ses «autres arts» dont il est parlé dans le
rescrit de l'Archiduc, on peut compter l'art de la politique. En faisant ainsi
la conquête de ses souverains, le peintre jetait la première base de son
influence future dans les affaires de l'État.
La trêve fut signée le 9 avril 1609, ratifiée le 14, accueillie à Anvers par de
grandes démonstrations de joie. Cet événement, dont les conséquences heureuses
étaient aisées à prévoir, a dû ébranler déjà très fortement la résolution du
jeune peintre de retourner en Italie: elle chancela tout à fait, comme Philippe
le donne à entendre, après un mariage auquel celui-ci, en sa qualité d'oncle de
la future, doit avoir puissamment prêté la main.
La seconde disposition de la Patente des Archiducs que M. Gachard nous fait
remarquer, c'est celle qui concerne les exemptions et franchises vis-à-vis des
corps de métier. Sans devoir s'astreindre aux règlements sévères et méticuleux
de la ghilde des peintres, il peut enseigner son art en toute liberté.
Bien que cette haute faveur fût peut-être inhérente au titre de peintre de
l'hostel, il n'en est pas moins vrai que, comme le titre lui-même, elle n'est
pas due exclusivement au mérite «en faict de peinture» de celui qui en est
l'objet. D'autres considérations, d'autres influences ont pesé sur l'acte des
Archiducs.
Carissime Frater,
Mitto computus Hollandorum: nec aliud fere quod scribam. Heri per nuncium
Italicum scripsi, et misi computum Joannis ab Hollandt, quem Francfurti a fratre
ejus solvi curares: dubito an in tempore. Hodie nupta Brantii filia
Petro Rubenio Pictori. De
negotiis Batavicis nihil certi, praeter bonam atque eam haud satis certam spem,
inaudimus.
Vale, mi frater, cum conjuge quam saluto, et prole jam fecundam opto. Antverpiae
III Octob. M. DC. IX.
Tui amantissimus,
Balth. Moretus.
Adresse: Ornatissimo Viro Joanni Moreto J. F. Bibliopolae. Ten huyse van
Sr Nicolas van Egmondt Tot ColenColoniam.
Original au Musée Plantin-Moretus, à Anvers. — Lettres reçues. Registre LXXXIX,
p. 91.
TRADUCTION.BALTHASAR MORETUS A SON FRÈRE JEAN.
Très cher frère,
Je vous envoie les comptes des Hollandais, je n'ai presque rien d'autre à vous
écrire. Hier, j'ai écrit par le messager d'Italie et vous ai envoyé le compte de
Jean van Hollandt; ayez soin de le faire payer par son frère à Francfort, je
doute qu'il arrive à propos. Aujourd'hui s'est mariée la fille de Brant avec
Pierre Rubens, le peintre. Nous n'avons rien appris de certain des affaires
bataves, à l'exception de bonnes espérances, hélas! pas encore assez certaines.
Portez-vous bien, cher frère, vous et votre femme qui, je le souhaite, ne vous
laissera pas sans héritier. Anvers, le 3 octobre 1609.
Adresse: à M. Jean Moretus, libraire, chez M. Nicolas van Egmondt, à Cologne.
[11] COMMENTAIRE.
Le 3 octobre 1609, Pierre-Paul Rubens épousa Isabelle Brant, fille de Jean Brant,
greffier de la ville d'Anvers et de Claire de Moy. La bénédiction nuptiale fut
donnée aux conjoints dans l'église de l'abbaye de Saint Michel, où la mère du
peintre avait sa tombe. Cette église n'était pas une paroisse; un mariage ne
pouvait donc y être célébré que par dispense spéciale et après la publication
des bans à la paroisse de St. André, dont Rubens et sa fiancée relevaient tous
deux.
Cette circonstance a donné lieu à une curieuse incertitude relativement à la date
précise des noces de Rubens. L'inscription du mariage au registre paroissial de
St. André n'a eu lieu qu'à la fin de l'année 1609, sans mention de mois ou de
jour: Sr Petrus-Pauwels Rubens, Joff. Isabella Brant.
Solennisatum in Ecclesia D. Michaelis.
Les divers biographes du peintre, sans avoir connu ce document, ont fixé des
dates différentes: au commencement de l'année 1610, dit Michel; «selon les uns,
le 13 octobre, dit M. van Hasselt; vers le 13 octobre, dit M. Génard. M. A.
Michiels affirme davantage; il cite l'inscription au registre de St. André en y
introduisant cette date du 13, qui n'y est positivement pas. Le 9 novembre, dit
à deux reprises J. F. Mols (Bibliothèque royale de Bruxelles mss. 5730, p. 16),
l'infatigable collectionneur de documents concernant Rubens. M. van Hasselt ne
fait pas connaître «les uns» qui ont précisé, avant lui, la date du 13: nous
ignorons donc sur quel témoignage elle est fondée. Et voici la lettre d'un ami
de Rubens qui nous donne la date du 3, et qui a été écrite le jour même.
Cette date est la vraie: elle nous est fournie par un ancien condisciple du
peintre, ayant très probablement assisté à la noce.
[11]
COMMENTAIRE.
[12] CXX DANIEL HEINSIUS A PIERRE-PAUL RUBENS. In Pauli Rubenii
praestantissimi pictoris, et Isabellae
Brantiae, nuptias.
Ille decus rerum, cedit cui tota vetustas,Et pariter Coae Parrhasiaeque
manus,Ausus inaccessos heroum ducere vultus,Sacraque divina principis
ora manu,Cesserat ignoto (quis enim non cedit?) amori,Et tenerae lusus
virginitatis erat.Pinxerat in toto festivum pectore vultum,Mortales
lepide tangere nata Venus.Ah quoties saevas conatus fallere curasArte
sua, cessit victaque terga dedit!Ah quoties blandam dominae duxere
figuram,Conantemque iterum destituere manus.Exorandus erat facundo
Brantius ore;Sed niveum pectus, qualia Phoebus amat,Et magis accendit
soceri praestantia mentem,Quem celebrem tanto nomine fama canit.Sed
tamen et flectit socerum tangitque vicissim,Et similem simili captus amore
capit.Cumque suo jungit germani nomine laudes,Et merito fratrem
vindicat ipse sibi.Jam patuit toti virtus Rubenia mundo,Lectoremque sibi, qua patet
orbis, habet.Haec quoque persuadent: cedunt genitrixque paterqueDat
quoque paulatim victa puella manum.Jam tibi felicem, juvenis dignissime,
noctemNumina concedunt, nec negat ipsa Venus.Incipe festivos socero
debere nepotes,Et simili totam prole beare domum.Sic qui saepe soles
alienum ducere vultum,Pingendo melius, jam dabis ipse tuum.
[12]
CXX DANIEL HEINSIUS A PIERRE-PAUL RUBENS. In Pauli Rubenii
praestantissimi pictoris, et Isabellae
Brantiae, nuptias.
Daniel Heinsius. Poemata. Leyde, Elzevier, 1621, p. 236.
[13] TRADUCTION. DANIEL
HEINSIUS. En l'honneur du mariage de Pierre-Paul Rubens l'excellent peintre avec
Isabelle Brant.
Celui qui nous honore tous, qui dans son art surpasse tous les anciens y compris
Apelles, le peintre de Cos, et Parrhasius, celui qui sut représenter les fronts
des héros inaccessibles et dont la main divine retrace les traits sacrés des
princes, céda devant l'amour mystérieux (et qui ne lui céda point?) et devint le
jouet d'une jeune vierge. Vénus, née pour toucher le coeur des mortels, remplit
tout son être de la peinture d'un visage charmant. Oh, combien de fois
n'essaya-t-il point, par son art, de se dérober aux soucis poignants et ne
dut-il point se déclarer vaincu? Oh, combien de fois n'essaya-t-il point de
retracer la douce figure de sa bien-aimée et combien de fois sa main ne dut-elle
point cesser le travail? Il fallait, par d'éloquentes paroles, fléchir Brant;
mais une blanche gorge telle que Phébus l'aime et plus encore l'illustration du
beau-père dont la renommée chante la gloire, l'enflamment. Il touche enfin et il
adoucit le beau-père et gagné par l'amour, il le gagne à son tour. Il joint à
son mérite celui de son frère et s'en prévaut à bon droit. Déjà la gloire de
Philippe Rubens s'est révélée au monde entier, il trouve des lecteurs dans tout
l'univers. Ces motifs apportent la persuasion: la mère cède, et le père, et peu
à peu la fille se laisse gagner. Déjà, heureux jeune homme, les dieux
t'accordent une nuit heureuse et Vénus ne te la refuse point. Commence à faire
bientôt entrevoir au beau-père de gentils petits-enfants et égaie toute la
famille par des descendants qui te ressemblent. Toi qui as l'habitude de
reproduire le visage des autres, fais mieux que de peindre et fais renaître le
tien dans celui de tes enfants.
[13]
TRADUCTION. DANIEL
HEINSIUS. En l'honneur du mariage de Pierre-Paul Rubens l'excellent peintre avec
Isabelle Brant.
COMMENTAIRE.
L'auteur de cette pièce de vers, Daniel Heins ou Heinsius, naquit à Gand, le 9
juin 1580 et mourut à Leyde le 25 février 1655. Son père appartenait à la
religion protestante et s'enfuit en Angleterre au moment où Alexandre Farnèse
alla s'emparer de Gand. Quelques mois après, il revint dans les Pays-Bas. Daniel
fit ses humanités à Middelbourg et étudia le droit et les belles-lettres aux
universités de Franeker et de Leyde. A cette dernière, il fut l'élève favori de
Joseph Scaliger et négligea les études juridiques pour s'appliquer exclusivement
aux langues latine et grecque. A partir de 1602, [14] il fut
attaché à l'université de Leyde, d'abord comme chargé d'un cours d'explication
de poètes anciens, ensuite comme professeur extraordinaire et, à partir de 1610,
comme professeur ordinaire. Il y enseigna successivement le latin, le grec, la
politique et l'histoire. Il publia de nombreux ouvrages de philologie latine et
grecque, de polémique et d'histoire, des discours, des poésies latines, grecques
et néerlandaises. Il était un des plus brillants représentants de cette école de
philologues classiques qui illustrèrent la jeune université de Leyde. Ses études
favorites le mirent probablement en rapport avec Philippe Rubens et il est
probable encore qu'au moment du mariage de Pierre-Paul Rubens, Daniel Heins se
trouvait en Belgique. En effet, la conclusion de la trêve (9 avril 1609) lui
permit de rentrer dans les Pays-Bas espagnols et il en profita pour faire dans
le courant de l'année un voyage dans son pays natal, excursion dont il est
question dans plusieurs de ses pièces de vers.
En faisant une large part à l'hyperbolisme du poète et à la bienveillance de
l'ami, il est encore permis d'invoquer le témoignage de Daniel Heinsius, un des
hommes les plus en vue dans nos contrées, pour prouver que, dès la première
année de son retour dans la patrie, Rubens jouissait d'une excellente réputation
artistique dans le cercle des lettrés auquel appartenaient son frère et son
beau-père. Nous verrons que bientôt sa renommée s'étendit et qu'en peu de temps
il devint le peintre le plus admiré et le plus recherché de son pays.
CXXI PHILIPPUS RUBENS
PETRO PECKIO V. A. AD REGEM GALLIAE
LEGATO.
(5 november
1609.) Quod de me jampridem, id nunc de fratre meo nuntio, maritorum
in ordinem relatum. Est is, ut aliquo modo notorem agam, ingenio peracri et
eleganti, et Apelleae, quam profitetur, artis peritia singulari. Quod Principem
haud fefellit, qui eum ne vorsoriam in Italiam caperet, quo praemiorum ingentium
illecebris revocabatur, in familiam adscriptum suam compedibus aureis ligavit.
Verum ipsus sese nunc multo magis hoc maritali vinclo: quod et fraternitatem
inter nos artius ligat. Nam †† comparis est meae e sorore
maxima neptis, eademque Brantij
Graphiarij filia; cui praeter adfinitatem, studiorum similitudo me etiam jungit. Quare
non mirum, si inter gratulantium voces, inque gestientis laetitiae strepitu [15] Thalia mea non omnino obticuit. Mirum potius, quod ea
sistere se tibi summae cum dignitatis tum eruditionis viro, vocemque coram
Roscio (ut ita dicam) mittere non dubitet. Etsi id quidem fit non captandi
plausus gratia, quem tenuitas mea non exspectat; sed ut absentem aliquo saltem
††symbolo participaremus. Inter haec laeta, ecce fulmen
de Richardoti Praesidis fato: quod non
privata tantum, sed et publica caussa graviter nos percussit; in quo tamen
acerbissimo luctu magno opere me recreat et solatur fama publica, quae raro
mentitur, omniumque fere destinatione Peckius successor. Id si lepide et ex voto
nostro procedit, vocisque publicae praerogativam Principum puncta sequuntur,
paene dixerim (ignoscite magni manes) tanti fuit:
... damna ista nefasqueHac mercede placent...
Spero equidem ita fore, et in omine tam laeto, quod Deus Opt. Max.
ipsa re firmet, epistolam concludo
. Antverpiae, Nonis
Novembris M. DC. IX.
Philippi Rubenii. S. Asterii Homiliae, p. 270.
TRADUCTION. PHILIPPE RUBENS A PIERRE PECQUIUS,
AMBASSADEUR AUPRÈS DU ROI DE FRANCE.
Ce que je vous ai annoncé d'abord de moi-même, je vous l'annonce maintenant de
mon frère: il vient d'entrer dans l'ordre des maris. Mon frère — pour vous le
présenter en quelque sorte — est un esprit subtil et aimable, et, dans l'art
d'Apelles, dont il fait profession, il est d'une habileté singulière. Notre
Prince l'a remarqué: pour l'empêcher de retourner en Italie où il était appelé
par l'attrait des grands avantages pécuniaires, il l'a attaché à son service par
des chaînes d'or. Il est vrai, qu'à présent, mon frère est fixé ici plus
solidement encore par cette chaîne conjugale, qui resserre plus fortement aussi
notre fraternité. Car, la nouvelle mariée est la nièce de ma femme, étant la
fille de la soeur aînée de celle-ci; elle est la fille du greffier Brant auquel
je suis lié, non seulement par ce lien de famille, mais aussi par une communauté
d'études. Ne vous étonnez donc point, si, dans le concert des félicitations et
les chants de joie, ma Muse a tenu à ne pas garder le silence. Il est plus
étonnant qu'elle ait la hardiesse de se présenter [16] devant
vous qui êtes si élevé en dignité et en érudition, et — si je puis m'exprimer
ainsi — qu'elle ne craigne pas de porter la parole devant Roscius. Il est vrai
qu'elle ne le fait point pour recueillir des applaudissements que ma médiocrité
n'attend pas, mais uniquement pour faire au moins participer en quelque façon
l'absent à la noce.
Au milieu de notre joie, tombe ce coup de foudre de la mort du Président
Richardot: ce n'est pas seulement nous en particulier, c'est aussi la chose
publique que cette mort vient de frapper. Mais, dans la grande douleur qu'elle
cause, je me réjouis et me console en entendant l'opinion publique, qui se
trompe rarement, proclamer, d'une voix presque unanime, Pecquius comme le
successeur du défunt. Si ce bonheur arrive selon nos voeux et que les suffrages
de nos Princes confirment la décision de la voix publique, je dirais presque, —
pardonnez-moi, ô mânes illustres! — tant ce bonheur serait grand:
... ces malheurs, ce désastreSont, à ce prix, aisément agréés.
J
'espère que notre voeu sera réalisé et que le Dieu très bon et très
grand lui donnera sa vraie sanction. Sous cet heureux présage, je finis
cette lettre.
Anvers, 5 novembre 1609.
COMMENTAIRE.
L'année 1609 fut pour le peintre l'aube d'une existence de bonheur et de gloire:
il avait conquis la faveur des Archiducs, il épousait une femme de son choix, il
s'alliait à une famille dont le chef était un savant et un lettré.
Jean Brant, le père d'Isabelle, le beau-père de Philippe Rubens, avec lequel il
était en communauté d'études, naquit à Anvers, le 30 septembre 1559. Valère
André, qui l'a connu personnellement, nous a laissé de lui une courte biographie
(1).((1) Bibliotheca Belgica, 1re
éd. 1623; 2e éd. 1643. Cette notice de Valère André a
été servilement reproduite par Foppens, Paquot et, en dernier lieu, par M.
vander Meersch, dans la Biographie nationale.) Après avoir fait ses
humanités, il se rend à Louvain à la pédagogie du Porc, y reçoit le diplôme de
maître ès-arts et commence ses études de droit. Mais à cause des troubles, il
s'expatrie, se rend à Orléans où il suit les leçons de Jean Robert et de
Guillaume Fournier, puis à Bourges auprès du célèbre Cujas, qui lui donna le
grade de jurisconsulte et pour lequel il professa toujours la plus grande
vénération. Suivant la coutume des fils de bonne famille, il entreprend le
voyage d'Italie, visite les Universités de Bologne, de Padoue, de Pavie et de
Rome, revient par l'Allemagne dans [17] les Pays-Bas, vers
1585, et se fixe à Bruxelles, où il exerce la profession d'avocat pendant cinq
ans. Le 23 octobre 1590, il épouse, à Anvers, Clara de Moy, fille du secrétaire
Henri de Moy, dont l'autre fille Marie épousa, comme nous l'avons vu, Philippe
Rubens. Peu de temps après, le 22 janvier 1591, le magistrat d'Anvers lui offre
une des quatre places de secrétaire de la Ville, ce qui l'obligea de quitter sa
position au barreau de Bruxelles.
Jean Brant est au nombre des humanistes les plus distingués de cette phalange
dont Juste Lipse était le chef. Épris de latinité et des choses de Rome, il
employa, comme il le dit lui-même, toutes ses heures de loisir à l'étude des
auteurs et à leur interprétation historique ou littéraire.
Il jeta son dévolu d'abord sur Jules César, dont Juste Lipse avait publié une
édition nouvelle en 1593, à Leyde, chez Raphelengius. C'est à cette occasion,
sans doute, qu'il se mit en correspondance avec le professeur de Louvain: il lui
écrivit une lettre de félicitations au sujet de son arrivée en cette ville.
Juste Lipse lui répondit, le 26 février, qu'il était venu chercher le calme et
la tranquilité.
Nous trouvons, dans le recueil épistolaire de Juste Lipse, quatre autres lettres
de celui-ci, adressées à Brant en 1594, 1595, 1598 et 1601, qui toutes
témoignent de l'intimité littéraire qui s'était établie entre ces deux hommes.
Il ressort de ces lettres et d'autres témoignages que Brant était lié avec tous
ceux qui tenaient un rang à Anvers, soit par la plume, soit par la position. En
1598, quand Abraham Ortelius vint à mourir, il aida Fr. Swertius à former le
recueil lacrymatoire, c'est-à-dire les poèmes et autres pièces écrites par une
foule de savants pour déplorer la perte du célèbre géographe. Il y contribua
lui-même par une petite pièce de vers latins qui est la première chose imprimée
que nous ayons rencontrée de lui. Lorsque Erycius Puteanus fut appelé à
remplacer Juste Lipse à Louvain, Brant fut un des premiers à le féliciter
(1).((1) Lettre originale du VII des Cal. de Février
1607, dans la correspondance de Puteanus, à la Bibliothèque royale.)
Mais cette correspondance ne fut pas suivie: la rupture qui s'était produite
entre Philippe Rubens et Puteanus explique la cessation de ce commerce. Dans les
recueils des centuries de ce dernier, on ne trouve aucune épître adressée à
Brant.
Le premier ouvrage imprimé de celui-ci est une suite considérable de notes
historiques et littéraires, jointes à l'édition de Jules César, publiée par
Godefroid Jungermann, à Francfort, en 1606 (2).((2) C. Julii
Caesaris quae extant ex nupera viri docti accuratissima recognitione.
Accedit nunc vetus interpres Graecus librorum VII de Bello Gallico, ex
bibliotheca P. Petavii. Praeterea Notae, Adnotationes, Commentarii partim
veteres, partim novi, in quibus Notae tum Politicae, tum Criticae Jo.
Brantii Antverpiani. Editio adornata opera et studio Gothofredi Jungermani
Lipsiensis. Francofurti, apud Claudium Marnium et heredes Joannis Aubrii,
1606, in-4°. — 2a Ed. ibid. 1669, in-4°.) Elles
y forment un appendice [18] de 110 pages à 2 colonnes
compactes, avec titre spécial, table et dédicace au magistrat d'Anvers, datée du
1er août 1606. C'est un travail important commencé à
l'époque où il était au barreau et communiqué à Juste Lipse. S'il ne l'a point
publié plus tôt, c'est qu'il a été devancé par une édition de César, avec notes
de Ciacconius et de Fulvius Ursinus, qui a paru à l'officine Plantinienne. Pour
la correction du texte de César, il s'est servi d'un vieux manuscrit appartenant
aux Jésuites d'Anvers.
Ce travail, qui a une valeur réelle, confirme l'assertion de Philippe Rubens
relativement à la communauté d'études existant entre Jean Brant et lui,
communauté d'où est sortie, sans doute, la liaison de famille. Quelques mois
après, en effet, Philippe publie aussi son premier ouvrage, Electorum libri II,
ouvrage terminé sous les yeux de Brant dont il va devenir le beau-frère
(1).((1) Voir ce que nous en avons dit, t. I, p.
10.)
A peine eut-il mis au jour ses notes sur César que Brant se tourna, comme il le
dit, vers le divin Cicéron et s'occupa d'extraire des oeuvres du grand romain
tout ce qu'elles contiennent de renseignements historiques. Ce nouveau travail
porte pour titre: Elogia Ciceroniana Romanorum domi militiaeque illustrium annis
amplius septingentis ab Urbe condita usque ad Augusti imperium: selecta a Joanne
Brantio Antverpiano. J. C. Antverpiae. Ex typographia Hieronymi Verdussen, 1612.
1 vol. in-4°. L'ouvrage est dédié à Pierre Pecquius et parut quelques mois après
la mort de Philippe Rubens. Nous avons déjà cité la publication qu'il fit des
oeuvres posthumes de son beau-frère et la biographie qu'il lui consacra (Voir t.
I, p. 11).
Plus tard, il enrichit d'un Spicilegium criticum l'édition des oeuvres d'Apulée,
publiée par G. Elmenhorst, chez Wechel, à Francfort, 1621.
Après avoir exercé les fonctions de secrétaire pendant 31 ans, il obtint de se
démettre de cet emploi en faveur de son fils Henri et en même temps, il fut
nommé échevin. Il employa alors ses loisirs à composer un dernier livre: Joannis
Brantii J. C. Senator sive de perfecti et veri senatoris officio libri duo.
Antverpiae, ex officina Plantiniana Balthasaris Moreti, 1633, livre qu'il dédia
au magistrat d'Anvers. C'est un de ces exercices de classicisme, comme il en a
paru plusieurs en ce temps-là, dans lesquels on met à contribution toute
l'antiquité pour y découvrir des exemples, des idées, des maximes applicables à
quelque institution moderne. L'auteur y expose, à grand renfort de citations,
[19] l'origine des états, la constitution des pouvoirs,
les magistratures, leurs modes d'action, etc. Tout cela est écrit en bon style
latin, on y trouve même de louables idées: ainsi, l'auteur n'est point partisan
de la torture dans l'instruction judiciaire. En un mot, c'est un livre qui
attire l'estime sur celui qui l'a écrit.
Après une vie longue, active, toute remplie par le devoir, entouré de respect,
mais survivant à ses quatre enfants, Jean Brant mourut octogénaire le 28 août
1639, quelques mois avant son glorieux gendre Pierre-Paul.
Il a fallu entrer dans ces détails pour faire connaître le milieu vraiment
exceptionnel dans lequel va s'épanouir le génie du jeune peintre. Il venait de
quitter la grande cité de l'art, le centre du classicisme, il pouvait s'attendre
à revoir sa patrie, minée par la désolation, affaissée par l'abattement à la
suite d'une longue période de guerre, et il se retrouve dans une ville pleine de
richesse encore, renaissant à l'espoir, après la signature de la trêve,
renfermant dans son enceinte un groupe considérable d'artistes, de savants, de
lettrés. Pour citer les noms des peintres, des graveurs, même des statuaires, il
faudrait une page entière; quant aux érudits, aux humanistes, à ceux qui
s'occupaient des études chères à Pierre-Paul Rubens lui-même, ils formaient un
noyau qui eût honoré de plus grandes capitales. Le premier d'entr'eux est le
fécond et infatigable jésuite, André Schott, autour duquel gravitaient Laurent
Beyerlinck, Léon de Meyer, Jean Woverius, Jean Brant, Caspar Gevaerts, Philippe
Rubens, Jean Hemelaer, François Swertius, François Schottus, Rockox, et vingt
autres, tous hommes dont la pensée se dirigeait volontiers vers ce double pôle
d'Athènes ou de Rome et qui, presque tous, avaient habité la ville éternelle. On
sait qu'à Anvers il existait une association toute spéciale, celle des
Romanistes, ou la confrérie des SS. Pierre et Paul, instituée en 1572, à
l'église de St. Georges. Pour en faire partie, il fallait avoir visité Rome. A
peine de retour depuis quelques mois, Rubens devint membre de la confrérie; il
fut reçu en 1609, probablement le 29 juin, par Jean Breughel de Velours (1)((1) De Liggeren der Antwerpsche Sint Lucasgilde, afgeschreven
en bewerkt door Ph. Rombouts en Th. Van Lerius. I, 397, 401.), qui
était alors doyen des Romanistes et devint en même temps son collaborateur et
ami.
Presque tous ces Romanistes parlaient ou cultivaient la langue italienne,
l'idiome dont Pierre-Paul se servit habituellement dans ses relations avec
l'étranger. On peut donc admettre qu'il n'a pu longtemps regretter Rome et
l'Italie, puisqu'il en retrouvait, en quelque sorte, l'esprit et l'activité
intellectuelle à Anvers.
Philippe Rubens parle dans sa lettre de la mort du Président Richardot, [20] son protecteur. Il venait, en effet, de mourir à Arras,
le 3 octobre, au retour de son ambassade de France; son corps fut transporté à
Bruxelles et inhumé dans l'église de Ste Gudule. Quant au voeu formé par
Philippe de voir Pecquius devenir le successeur de Richardot au Conseil privé,
il ne se réalisa point. Pecquius fut nommé membre de ce Conseil par les
Archiducs, le 24 octobre 1610. Mais comme il se trouvait toujours à Paris pour
terminer des négociations diplomatiques, au sujet du maintien de la neutralité
des duché et comté de Bourgogne, il ne fut installé que le 28 avril 1611.
Toutefois, il ne devint pas le Président du Conseil comme l'avait été Richardot;
pendant cinq ans, la Présidence fut vacante, le 8 octobre 1614, le titre reparut
en la personne de Messire Engelbert Maes.
Philippe Rubens félicita Pecquius par une lettre datée du 12 novembre 1610, la
dernière que nous ayons de la correspondance des deux cousins. Pecquius doit
être rentré au pays vers la fin de mars 1611; alors des entrevues continuèrent,
sans doute, les relations établies par les lettres que nous avons données. Un
peu plus tard, après la mort de Philippe, Pecquius reporta sur le peintre la
faveur et l'affection qu'il avait accordées au secrétaire de la ville d'Anvers.
Mais la gloire croissante de l'artiste, sa supériorité intellectuelle,
l'ascendant qu'il prenait, transformeront insensiblement chez Pecquius le mobile
de sa protection. Il ne sera plus pour Pierre-Paul le cousin auquel Philippe
adressait des lettres si respectueuses, l'artiste le regardera bientôt comme un
collègue, un aide même dans la conduite des affaires.
La lettre de Philippe Rubens accompagnait la pièce de vers suivante:
CXXII PHILIPPE RUBENS A SON FRÈRE PIERRE-PAUL PETRO PAULLO RUBENIO Fratri suo et ISABELLAE BRANTIAE Nuptiale
FoedusAnimo stilo gratulatur.
Qui nos optati voluisti litoris oramTangere, et in tuto tandem considere
portu, [ID00035]
[ID00036] [21] Huc ades, o Hymenaee,
tuo sine numine sacraNon fuerint haec sacra; bonae tu Cypridis
auspexAtque auctor: sancti tu conciliator Amoris.Jam fratris te nocte
citamus, nocte beata,Quam cupide dudum ille cupit: quam tu quoque,
virgo,Virgineo quamvis aliquantum more modoqueNunc trepidas, omni cras
dices luce priorem.Quin Hymenaee tuum facis ocyus? illa jocosaQuin
properas, quae nox provectior ipsaque suadentSidera proclinata, atque
aethere jam cessura?Quam bene cum patula vitis conjungitur
ulmo,Vegrandesque alte ramos lascivior ambit,Tam bona felices
committet copula amantes.Florentes annis, florentes dotibus
amboCorporis atque animi: sed et ipsa stirpe locoqueConsimiles.
Sponsae genitor tu, pectoris o pars Branti magna mei, Themidi carissime BrantiMusarumque choro:
quarum tibi munere raraDoctrina, ac felix scribendi copia cessit.Quid
memoremus avum, quo nec pietate prioremSol videt, aut studio qui plus
deflagret honesti?Quo nec quisquam alius populi tabularia
novitRectius, Aduaticis qui prisco tempore ritus,Et qua Caesareo jus
municipale repugnet.Unde, pari premitur si quando pondere libra,Nec
liquido verum dignoscitur, itur ad istamCanitiem, et velut ex adyto
responsa petuntur.Vera cano, neque judicii caligine lumenFuscat amor,
quia nos respublica jungit eodemMunere, tum gnatae torus ac spes certa
nepotum.Et nostrum, o frater, genitorem Curia vidit,Suspexitque olim
non ima in parte Senatus,Sive evolventem dubiarum aenigmata legum,Seu
cum sensa animi facundo expromeret ore.Sed taceo, ne quis propriae
prurigine laudis,Fraternae arguerit praetextu laudis abuti; [22] Jamque alium Fati dedit indulgentia Vatem,Cui
Phoebi cortina patet, cui carmine dignoEt vis ingenii mirabilis et
PolygnotiSive et Apelleae manus aemula decantetur.Jamque facem Deus,
euge, facem lucere jugalem,Ac laris interiora citato irrumpere
gressuGestit, et apparet genialis lectus, arenaCypridis, innocuo
jamjam devota cruori.Ilicet, ite foras: par hic componitur unum;Sola
manes, nova nupta, tuo cum conjuge sola.Is te corde amat, is dicet tibi
blanditiarumQuantum vix tenuit teneri praeceptor amoris;Et cum
blanditiis dabit oscula, qualia PsychaeAut Veneris puer, aut Veneri libavit
Adonis.Tu cede instanti. Sic Jus Fas, sic pia materVult, jubet. Haec
victam et victorem palma juvabit.Quid reliquum, nisi vota? Deus Deus hos
hymenaeosAuspiciis junctos caelestibus usque secunda,Pallide Livor
abes: Lis et Querimonia semperExsulet; ac prima sit tantum rixula
nocte.Enumeret mox sponsa dies et menstrua LunaeCurricula: incrementum
uteri miretur, et anteQuam caeli metas confecerit auricomus Sol,Prole
virum simili felix beet. Haec mea votaHaec nostrae, germane, preces, quae
pectore laetoConcipio, solvamque lubens. Tibi grata voluntasSit nostra
ac tenui deducta haec pagina filoPagina ab invito quam vis exsculpsit
amoris,Quo modo signifero desueta resumpsimus arma.
Philippi Rubenii. S. Asterii Homiliae, p. 118.
TRADUCTION.PHILIPPE RUBENS A SON FRÈRE
PIERRE-PAUL.A Pierre-Paul Rubens, son frère, et à Isabelle Brant, a
l'occasion de leur mariage.
Toi qui as voulu que nous touchions le rivage tant désiré et que nous abordions
dans un port sûr, ô Hyménée, tu es là. Sans ta divine intervention [23] ces saintes cérémonies perdraient leur caractère sacré,
toi le patron et le tuteur de la déesse de Chypre, toi le médiateur du saint
amour. Nous t'appellons pour cette nuit, cette nuit si heureuse pour mon frère,
cette nuit qu'il désire si ardemment et que toi aussi, jeune mariée, tu
appelles. Certes ton impatience virginale est plus modérée aujourd'hui, mais
demain tu avoueras que cette nuit l'emporte sur le jour le plus beau. Pourquoi,
Hyménée, ne pas remplir ton devoir plus rapidement, pourquoi ne pas hâter ces
moments délicieux qu'annoncent la nuit tombante, les étoiles qui se couchent et
qui heureusement vont disparaître du ciel. De même que la vigne se marie bien à
l'ormeau touffu et entoure plus amoureusement les faibles branches supérieures,
de même une union bien assortie joindra les amants heureux. Tous deux vous
brillez par la jeunesse, par les dons de l'esprit et du corps, vous êtes nés
d'une même souche et d'un même lieu. Tu es le père de la mariée, toi Brant, que
j'aime de tout coeur, homme cher à Thémis et au choeur des Muses, qui vous
dotèrent de votre rare science et de votre style fleuri. A quoi bon rappeler
l'aïeul, l'homme le plus vertueux, le plus enflammé par l'amour du bien que le
soleil éclaire. Nul ne connaît mieux que lui les archives de notre ville, les
coutumes de nos ancêtres, les différences entre le droit municipal et les
institutions impériales. C'est pourquoi, quand la balance hésite à se pencher,
quand la vérité tarde à se montrer, on va trouver ce vieillard et on le consulte
comme un oracle. Et ici l'affection ne vient pas de son brouillard obscurcir la
lumière de mon jugement, je ne chante que la vérité et ne me laisse point guider
par la pensée qu'une même charge publique nous unit et que les enfants de votre
fille seront mes neveux.
Et, mon frère, notre père siégea à la même curie et la place qu'il occupa au
Sénat ne fut pas la moindre, soit qu'il expliquât les énigmes des lois
douteuses, soit que de sa parole éloquente il donnât son avis. Mais je me tais
de peur d'être soupçonné d'abuser du prétexte de louer un frère pour faire mon
propre éloge. Et voici que le sort propice nous accorde un autre artiste inspiré
auquel le trépied d'Apollon est réservé, dont l'esprit merveilleux et la main
rivale de celles de Polygnote et d'Apelles, seront chantés par les poètes.
Mais déjà le dieu Hymen est impatient d'allumer le flambeau nuptial et de
pénétrer dans le sanctuaire domestique où s'aperçoit le lit conjugal, l'arène de
Vénus destinée aux luttes inoffensives. Que les convives se retirent et laissent
la place à un couple unique. Reste seule, jeune mariée, seule avec ton époux. Il
t'aime de tout son coeur, il te dira toutes les douces choses que le grand
maître de l'amour peut enseigner. Et en te disant ces tendresses il te donnera
des baisers comme Cupidon en prodigua à Psyché [24] et Adonis
à Vénus. Et toi, cède à ses instances, c'est la loi, c'est son droit, ainsi même
ta vertueuse mère le veut, l'ordonne. La palme ici restera à la vaincue comme au
vainqueur.
Que nous reste-t-il à faire? Des voeux! Dieu tout puissant bénis cet hymen. Que
la pâle Envie reste loin! Que la Dispute et les Querelles soient à jamais
bannies et que l'escarmouche de cette première nuit ne soit suivie par aucune
autre! Que bientôt l'épouse décompte les jours et les mois, qu'elle se réjouisse
en voyant ses flancs s'arrondir et qu'avant que l'astre à l'auréole d'or ait
accompli sa course annuelle, elle s'enorgueillisse d'un descendant semblable à
son époux. Voilà mes voeux, voilà les voeux de nous tous, ô mon frère, et les
prières que, d'un coeur aimant, nous formons pour toi. Que ces souhaits te
soient les bienvenus, ainsi que cette page cousue d'un fil bien léger et
inspirée par une affection qui me fit reprendre un métier depuis longtemps
abandonné.
CXXIIILES ARCHIDUCS AU MAGISTRAT D'ANVERS.
Les Archiducqz etc.Chers et bien amez.
(20 janvier
1610.) Comme nous ayons retenu en nostre service maistre Pierre-Paul
Rubbens, peinctre, résident en nostre ville d'Anvers, à cincq cens florins de
gages par an, nostre intention et volonté est que le faciez jouir de l'exemption
et franchise des impostz et assises, ainsi qu'en jouissent tous aultres exemptz
par les escroeues de nostre hostel,
et Dieu vous ait, chers et bien amez, en sa continuèle garde.
A Bruxelles, le XXe janvier
1610.
Aux Archives du Royaume, Collection des Papiers d'État et de l'Audience. — Publié
par M. Alex. Pinchart: Archives des Arts, etc. II, 170 (1863).
Cette missive fut envoyée au magistrat d'Anvers en suite de la nomination de
Rubens au titre de peintre des Archiducs, par les lettres patentes du 23
septembre 1609 que nous avons données plus haut. M. Pinchart nous apprend que
les paiements des gages du peintre sont annotés dans le Registre des gages et
pensions, de 1625 à 1639, de la Chambre des Comptes aux Archives du Royaume.
Monsieur,
(3 janvier
1611.) J'ay entendu par Monsr Thomas Wallis
vostre partement à Gand, je croy que c'est pour recouvrer ce que reste des
antiquitez de Goltzius, en quoy vous soubhaite bon succès, et me ferez plaisir
de m'advertir, je vous envoyé icy ce que Monsr Rubens at
conceu touchant le frontispice de vostre livre, ce qui me plaît fort en cas que
le trouvez bon il le mettrat en net, c'est la déesse Moneta. J'ay trouvé
qu'avons failly d'avoir mis nostre Auguste d'or avec le chevalier au revers à la
fin du premier feullé, car il devroit estre mis sur la fin du 2e feullé auprez des deux figures de C et L Caesares, ou au
commencement du 3e feullé en la place de Tiberius, mais
s'il y est mis au premier feullet, il passera avec le reste. Je ne sçay ce que
pouvez avoir négotié avec le père recteur de Louvain et attens vostre responce. Le père Schottus ne pourat faire
les explications de vostre livre, de sorte qu'il faudrat que le n'employés, et
sur ce demeureray..
Monsieur
. D'Anvers ce 3 de jan. 1611.
Vostre très affectioné servitr et
amys
N. Rockox
Adresse: A Monsieur Mr Jacques de Bie à Bruxelles.
Ten huyse van Sr Philips Dardenne hartsier van syne Hocheyt
achter de Capelle Kerke.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles, Ms. n° 14666. — Correspondance de
Jacques de Bie, f. 186.
Monsieur,
La Vostre du 8 de ce mois m'avoit donné grand contentement, par l'espoir que me
donniez de vostre retour par ceste ville, et que par ce moyen j'eusse eu le
bonheur de veoir ce grand thrésor de toute l'antiquité (que Goltzius avec tant
de despens et travail at requelly) mais combien que je sois frustré pour asteur
de mon espoir, j'espère toutesfois que vostre voyage n'aura esté en vain, et
qu'aurez obtenu ce que demandez, et que par ce moyen Son Exce serat honoré et loué à jamais de tous les antiquaires et gens doctes,
d'avoir faict ce bien que ce thrésor sera mis en lumière. Cependant il est plus
que tems qu'avancez vostre petit livres des médalles d'or pour la première feste
de Francfort et que m'envoyez le premier quaternion, car de celles de feu le
Révérend M. Torrentius n'y at espoir de les pouvoir jetter en plomb, sinon en
les achaptant. Combien que j'ay présenté la lettre du père recteur de Louvain,
et quand à moy, je ne les voudroy sinon à 2000 florins ou environ, mais à cela
il ny faut pas penser car ilz les estiment plus que le double. J'ay aussy
délivré à Monsieur Rubens le frontispice de la Moneta pour le mettre à net et
sur ce me recommanderay à vos bonnes grâces et demeureray.
Monsieur
. Votre très affectioné serviteur et
amis
N. Rockox.
Pardonez moy que j'escrips si mal, car l'encre gèle à la plume.
D'Anvers, ce 22 de janvier 1611.
Adresse: A Monsieur, Monsr Jacques de Bie demourant chez
Phls d'Ardenne, archer de S. A. à Bruxelles.Achter de Capelle kerke byden
Choor.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles, Ms. n° 14466. — Correspondance de
Jacques de Bie, f. 183.
Monsieur,
J'ay receu la vostre avec les papiers, hier environ le disner, et combien que je
devoy aller disner chez Monsgr le Marcqgrave ce nonobstant
je m'ay employé tout le soir et ce matin pour ayder à l'advancement de vostre
ouvrage, et vous envoye par provision, 16 feulles qui feront deux quaternions,
et la reste en trois semblables parties vous envoyeray dedans 2 ou 3 jours, avec
vostre livre, que je retiens icy pour corriger ladicte reste, et cependant ne
perderez temps, à cause que tout ce que j'ay annoté en Julius et Auguste
trouverez aux livres imprimez de Goltzius, vous supliant de faire le devoir
requis au commencement, car ce qu'avez faict au commencement du livre qu'avez
commencé en feulle, ne me contente tant comme cestuy icy, de sorte que je pensoy
qu'un aultre avoit mis la main au grand livre, car cecy m'at donné grand
contentement, et le voudroy veoir parfaict, et quand seront achevez ces deux
quaternions il vous plairat m'envoyer les printes pour faire les explications,
cependant ferez que Monsr
Rubens achève la dédicatoire et
son frère la première page de Moneta et demeureray.
Monsieur.Vostre très affectioné Serviteur,
N. Rockox.
D'Anvers, ce 11 de feb. 1611.
Adresse: A Monsieur Jacques de Bie à Bruxelles.
Achter de choor van de Capelle kercke, by Phls d'Ardenne, hartsier van syne
Hoocheyt.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles, Ms. n° 14466. —
Correspondance de Jacques de Bie, f. 190.
Monsieur,
Je vous envoye icy ce que Monsieur Rubens at désigné pour le premier feullet de vostre livre, vous pourez
adviser si le laisserez tailler à Cornille Galle, ou si le ferez vous mesmes, en
quel cas il vous faudrat bien considérer ce qu'il at escript du costet de la
figure, à prendre quelque belle teste de Rome en la bague, hors des fastes de
Goltzius. La figure est du tout à l'antique jusques aux piedts. Je vous envoye
aussy le titre du livre, que j'ay faict avec advis du secrétaire Rubens et de
Moretus. Je trouveray bon que m'advisez incontinent si trouvez bon qu'on donne
charge audit Moretus de mettre le titre de vostre livre au Catalogue des livres
qui seront prests pour la foire d'icy a six mois, en quel cas il voudroit bien
avoir aulcunes feulles pour les montrer à ceste foire de Francfort aux libraires
pour savoir quelle quantité il en aporterat alors. Le titre contient que Son
Excce at la pluspart des médalles, mais la meilleure
part est celle qu'avons du livre de Goltzius
et sur ce me recommande et demeureray. Monsieur.Vostre très
affectionné servitr et amys
N. Rockox.
D'Anvers, ce 26 de febv. 1611.J'attens le plus tost vostre responce avec les
feulles, car ceux de Francfort partiront bien tost.
Sans adresse.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles, Ms. n° 14466. — Correspondance de
Jacques de Bie, f. 185.
COMMENTAIRE.
Nous avons rencontré souvent déjà le nom de Rockox dans ces documents et nous
venons de donner quatre lettres de lui. C'est ici le lieu, nous [29] (3 janvier - 26 février 1611.)
semble-t-il, de faire connaître cet homme qui occupe une si grande place dans
l'histoire de Rubens, comme dans l'histoire même de la ville dont il fut le
premier magistrat. Malheureusement, les documents épistolaires concernant ses
relations avec le peintre sont en petit nombre: la perte de ceux qui ont dû
exister est une des plus regrettables lacunes que nous ayons à signaler.
Le Bulletin Rubens (II, 24) a déjà consacré une notice à ce noble ami de Rubens:
nous pouvons y recourir pour ce commentaire.
Fils d'un riche bourgeois d'Anvers', qui avait pris ses licences de juriste,
Nicolas Rockox naquit en 1560, et perdit son père en 1570. Il fit ses études à
Louvain, à Paris et à Douai, où il prit ses grades académiques en 1584, puis
revint au pays, à Bruxelles d'abord, dans sa ville natale, ensuite. En 1589, il
épousa Adrienne Perez, d'une famille d'opulents négociants d'origine espagnole.
L'année précédente, il était entré dans le magistrat de la ville, comme échevin,
et dès lors il se consacra tout entier et sans réserve à l'administration et à
la prospérité de la métropole des Pays-Bas.
Il gouverna la ville à une époque malheureuse et troublée. La guerre eut un
terme, il est vrai; une souveraineté nationale s'établit en 1598, par la
concession de nos provinces aux Archiducs Albert et Isabelle, mais cette
souveraineté était précaire; les esprits n'étaient point calmés; si la paix
semblait régner, ce n'était qu'une paix de résignation, de lassitude, de
compression.
La Ville d'Anvers, l'âme, la gloire, le centre de la richesse du pays, avait
souffert le plus, entre toutes, des fureurs de la guerre contre l'Espagne: elle
subit d'épouvantables désastres, son commerce était détruit. Néanmoins, il s'y
conservait de grandes épaves de sa splendeur passée, elle comptait encore dans
son sein un groupe puissant d'hommes remarquables: des fils de ceux qui jouèrent
un rôle dans les événements, des érudits, des écrivains qui, presque tous,
avaient cherché leur savoir en d'autres pays, des artistes formant une école
nombreuse et déjà renommée. C'étaient là des éléments sérieux pour opérer, sur
d'autres bases, une restauration de la ville. Il n'était plus possible, par
suite de la fermeture de l'Escaut, d'y faire affluer des richesses acquises par
le trafic lointain, mais la culture des lettres et des arts pouvait encore
relever la cité. Ce travail social ne se fit point, sans doute, d'après un plan
conçu, tracé d'avance, il se produisit de lui-même, par l'impulsion simultanée,
inconsciente, en quelque sorte, de ce groupe de lettrés, d'artistes, de
fonctionnaires dont les noms sont parvenus jusqu'à nous, entourés de plus ou
moins de célébrité et de faveur.
Nicolas Rockox fut un des plus ardents à seconder ce mouvement réparateur. [30] Pendant un demi-siècle, de 1588 à 1636, il fit partie
du magistrat, comme échevin ou comme premier bourgmestre, il revêtit neuf fois
cette dernière dignité, et l'on ne cite de son intelligente administration que
des actes de courage civique, de bienfaisance, de protection aux lettres et aux
arts. De patientes recherches dans les comptes de la ville ont fait connaître
les fréquentes mentions de récompenses offertes à des écrivains pendant ses
années de magistrature. Ses amitiés littéraires étaient nombreuses: on y compte
Philippe Rubens, André Schott, Louis Nonnius, Caspar Gevartius, Abraham
Ortelius, Juste Lipse, Aubert Miraeus, Godefroid Wendelinus, Hemelaer, etc.,
etc. Mais c'est pour les artistes surtout qu'il nous apparaît comme un vrai
Mécène. Sa grande fortune lui permettait de se donner la satisfaction de
commander des oeuvres aux maîtres de l'École flamande et particulièrement à
Rubens.
Dès son retour au pays, celui-ci trouva dans Rockox un ami, un protecteur dévoué.
Il exécuta d'abord, à la demande du magistrat, une Adoration des Mages pour la
Chambre des États à l'Hôtel-de-Ville; deux ans après, le Serment des
Arquebusiers, dont Rockox était le chef-homme, traitait, sous ses auspices, avec
Rubens, pour la Descente de Croix de la cathédrale. Il lui fit aussi, à diverses
reprises, des commandes personnelles qui attestent le goût de l'illustre
magistrat autant que ses sentiments d'amitié envers le peintre: on ne peut
regarder sans émotion, au Musée d'Anvers, le triptyque l'Incrédulité de St.
Thomas dont les volets nous montrent, l'un le célèbre magistrat, l'autre son
épouse, Adrienne Perez, qui mourut le 22 septembre 1619, tous deux rendus à la
vie par le prestigieux pinceau de l'artiste. Le Musée d'Anvers qui possède ce
triptyque conserve également le Christ entre les deux larrons peint en 1620 par
Rubens pour le maître-autel de l'église des Récollets et commandé par Rockox à
son illustre ami. Un autre tableau du même Musée (n° 313) le Christ en Croix,
porte les initiales de Nicolas Rockox et a fort probablement été commandé par
lui vers 1610. Il est certain, en effet, que le catalogue du Musée fait erreur
en affirmant que ce tableau provient du tombeau de Corneille de Winter. Celui-ci
ne mourut qu'en 1675 et le tableau qui ornait son monument funéraire était une
copie du Christ en Croix dont nous parlons et se trouve actuellement au Musée de
Bordeaux (Voir OEuvre de Rubens, n° 287).
Rockox était un savant et un lettré: il s'attachait à l'étude de l'antiquité par
la formation d'un riche cabinet de médailles, de monnaies, de pierres gravées,
de bustes anciens, et cette étude l'avait mis en correspondance avec plusieurs
des hommes marquants de son époque. Il existe encore quelques fragments de ces
relations intéressantes: des lettres à Abraham Ortelius, deux lettres de Juste
Lipse, quelques lettres de Peiresc que nous avons données dans le Bulletin
Rubens (T. II, 32, 89), ses lettres à de Bie dont nous [31] en publions ici quelques-unes sont, avec les lettres à Ortelius, les seuls
écrits de sa main que nous connaissions.
Ses prédilections pour les choses de l'antiquité classique, ses goûts de
collectionneur, son amour pour les arts, tout s'unissait pour établir entre
Rubens et lui les plus intimes rapports. On en trouve de nombreuses traces dans
les documents biographiques: leurs noms se présentent fréquemment dans les
lettres de l'un et de l'autre, quoique nous ne possédions plus une seule de
celles qu'ils ont dû échanger entre eux.
Dans la première lettre de Rockox à J. de Bie (3 janvier), il est parlé des
démarches que fait le graveur pour «recouvrer ce que reste des antiquitez de
Goltzius». Comme Rubens sera mêlé plus tard à cette affaire, il convient
d'entrer dans quelques détails.
Né à Venloo, en 1526, Hubert Goltzius, peintre, graveur, antiquaire, fut un des
savants les plus laborieux de son temps: ses études spéciales avaient pour objet
la numismatique grecque et romaine. Son premier ouvrage, Vivae omnium fere
Imperatorum imagines, etc., les Effigies des Empereurs Romains depuis
Jules-César jusqu'à Charles-Quint et Ferdinand, son frère, parut à Anvers, en
1557, et lui valut la protection du généreux Marc Laurin, seigneur de
Watervliet, qui lui fournit les moyens d'aller voir les principaux cabinets de
médailles existant en Europe. Parti en décembre 1558, le graveur-antiquaire
était de retour en décembre 1560. Il avait visité 950 collections et rapporta
d'immenses matériaux au moyen desquels il exécuta et publia, sous les auspices
de son Mécène, son immense ouvrage. Le mémorial autographe de l'excursion
numismatique de Goltzius est conservé à la Bibliothèque royale de Bruxelles.
L'oeuvré de Goltzius se compose, comme on sait, de 6 volumes in-f° qui parurent
de 1557 à 1579. L'auteur mourut à Bruges, le 24 mars 1583, laissant son oeuvre
inachevée, mais de nombreux matériaux pour la continuer. C'est de ceux-ci qu'il
est question dans les lettres de Rockox et dans celles de Peiresc à Rockox que
nous avons publiées au tome II du Bulletin Rubens. Jacques de Bie était entré en
possession des gravures déjà faites par Goltzius, il les compléta et avec la
collaboration du médecin Louis Nonnius ou Nuñez, d'Anvers, pour le
commentaire, il publia: Graeciae universae Asiaeque minoris et Insularum
numismata veterum Huberto Goltzio quondam sculptore nunc demum e tenebris in
lucem prolatae. Antverpiae, apud Jacobum Biaeum, 1618, in-f°.
Quant à l'ouvrage pour lequel Rubens composa le frontispice dont il est question
dans la lettre du 3 janvier 1611, il parut sous ce titre: Imperatorum Romanorum
a Julio Caesare ad Heraclium usque, numismata aurea. Excell. nuper dum viveret
Caroli ducis Croit, etc. magno et sumptuoso studio collecta net minori [32] fide atque industria Jacobi De Bie ex archetypis in
aere incisa brevi et historico commentario explicata. Aniverpiae, Typis Gerardi
Wolsschatii et Henrici Aertssii MDCXV. 1 vol. in-4° (1).((1)
Voir Max Rooses. OEuvre de Rubens. Anvers, Jos. Maes, 5 vol. in-4°,
1886-1892. N° 1243.) Le volume fut dédié à Alexandre duc de Croy,
neveu et héritier du duc Charles. Nous renvoyons à la description de ce volume
et de ses différentes éditions au Bulletin Rubens, tome II, p. 40-47.
Les matériaux rapportés par Goltzius de son grand voyage archéologique ainsi que
les débris des collections numismatiques et littéraires formées par Marc Laurin
et son frère Guy, se trouvaient aux mains des enfants de ce dernier. C'est pour
traiter de leur acquisition que de Bie, envoyé par le duc de Croy, était allé à
Gand.
Dans la correspondance de Rubens, il sera souvent question du duc de Croy, de son
cabinet de médailles, de camées, d'antiquités, etc.; il nous faut donc entrer
dans quelques détails sur l'homme et ses collections célèbres.
Charles, sire et duc de Croy et d'Arschot, fut le plus «grand Seigneur» des
Pays-Bas au XVIe siècle. Il naquit à Beaumont, le 1er juillet 1560, se maria d'abord, à 20 ans, avec Marie de
Brimeu, qui en avait 30, puis après la mort de celle-ci, avec laquelle il fit
assez mauvais ménage, il épousa sa cousine Dorothée de Croy, qui a écrit
beaucoup de lettres et de poésies. Il mourut sans laisser d'enfants, le 13
janvier 1612.
Lui-même était lettré: il avait suivi des cours à l'université de Louvain, appris
les bonnes lettres par les leçons de maître Corneille Valerius, il lisait
beaucoup, même des livres en latin, il écrivait plus volontiers que la plupart
de ceux de sa caste, enfin, il nous a laissé des Mémoires dont le manuscrit,
signé de lui, est à la Bibliothèque royale de Bruxelles et qui ont été publiés
par M. de Reiffenberg, sous le titre de: Une existence de grand Seigneur au
XVIe siècle (Bruxelles, 1845). Il y raconte surtout
ses actes militaires et politiques, une suite ininterrompue de contradictions et
de coups de tête qu'il n'essaie pas de justifier, n'admettant pas qu'on le
discute.
Possesseur de la plus vaste fortune territoriale des Pays-Bas, il affectait les
allures d'un petit potentat et se permettait toutes les magnificences. Celles-ci
se manifestaient surtout en collections par lui formées dans toutes les branches
de la curiosité. Il remplit ainsi ses nombreux châteaux des meubles les plus
riches, des objets d'art les plus précieux: manuscrits, livres, tableaux,
statues; mais il semble avoir recueilli avec une passion toute particulière les
médailles, les monnaies, les camées et intailles. Il s'occupa même très
activement, pendant les derniers temps de sa vie, de faire profiter la science
de ses trésors numismatiques, en les faisant connaître par la gravure et la
description [33] raisonnée. Il avait chargé Jacques de Bie
de la reproduction graphique et se proposait d'écrire le texte, avec
l'assistance de Jean de Hemelaer, chanoine de Notre-Dame d'Anvers. Mais les
infirmités étant survenues, il s'aperçut de l'impossibilité d'achever ce travail
de son vivant. Par un testament aussi curieux que prolixe, daté du 3 juillet
1610, augmenté d'un codicille, le 2 janvier 1611, il prescrivit, dans les termes
les plus formels, à sa veuve, à son neveu et héritier Alexandre d'Arenberg, à
ses exécuteurs testamentaires «que incontinent après nostre mort, ils ayent à
faire mettre en lumière et imprimer, s'ils ne sont esté imprimés et mis en
lumière en nostre vivant — les libvres des mesdailles d'or, d'argent et cuivre,
avecq les statues, tant grecqs, consulaires que des empereurs, impératrices et
Césars romains, avecq les monnoies, tant d'or que d'argent, y faisant adjouter,
selon leur ordre, toutes celles qui ont esté gravées et imprimées auparavant par
divers et différens auteurs, et signamment celles qu'avons aschaptées et mises
en ordre hors des libvres de Holcius (Goltzius) et le sieur de Vauterliet (Marc
Laurin, seigneur de Watervliet) comme aussy hors de trois volumes de Livinus
Hulcius, desjà mis en ordre, qu'avons aschaptés.» C'est de cette publication
qu'il s'agit dans les lettres de Rockox ici données.
Le personnage à qui sont adressées ces lettres, Jacques de Bie, graveur, marchand
de tableaux, antiquaire, éditeur, peut, à certains égards, être considéré comme
un artiste de mérite, doué d'une rare activité et qui ne manquait pas de savoir.
Selon Verachter (Catalogue de la Collection Terbruggen), Jacques de Bie (de Bye
ou Biaeus) naquit à Anvers le 5 octobre 1580. En 1594, il fut inscrit à la
corporation de Saint Luc comme élève d'Adrien Collaert; en 1607, il fut reçu
maître; en 1620, les Liggeren le désignent comme marchand de tableaux. Comme
nous l'avons constaté plus haut, il travailla pour Charles, duc de Croy, au
service duquel il entra vers 1603 et, comme nous le verrons plus loin, il servit
également d'intermédiaire à son patron dans l'achat d'oeuvres d'art.
Jacques de Bie s'établit d'abord à Beaumont où Charles de Croy possédait un de
ses châteaux. Il y dessina et grava les portraits des principaux Seigneurs et
Dames de la famille des Croy, le duc lui-même écrivit un texte pour ces
effigies. Il suivit son patron dans ses diverses résidences de Mons, Bruxelles,
Heverlé. De Bie gagnait beaucoup d'argent, mais il n'en dépensait pas moins. En
général, il ména une vie joyeuse et dissipée qui lui prépara un âge mûr plein de
soucis et de misère.
Le principal travail dont Charles de Croy chargea de Bie fut la gravure de son
médailler. Le volume qui renferme les planches de Jacques de Bie [34] ne fut pas publié du vivant du duc d'Aerschot, mort le 13 janvier
1612. En 1615 parut le recueil des médailles d'or des empereurs romains:
Imperatorum romanorum, a Julio Caesare ad Heraclium usque, numismata aurea. En
1617 parut une seconde édition augmentée des monnaies d'argent et de cuivre:
Numismata imperatorum romanorum aurea, argentea, aerea a C. Julio Caesare usque
ad Valentianum Aug. opera Jacobi Biaei Antverp. aeri graphice incisa, etc.
Antverp. 1617. 1 vol. in-fol. avec un texte de Jean de Hemelaer. Ce volume fut
réédité en 1627. Une nouvelle description du médailler du duc de Croy fut
publiée en 1654 à Anvers, chez Henri Aertssens, en format in-folio avec un texte
d'Albert Rubens et avec d'autres gravures. Ce dernier volume fut reproduit à
Brandeburg en 1700.
Ce ne fut pas le seul ouvrage de numismatique dont s'occupa Jacques de Bie. Vers
1617, il acquit les volumes restant de la première édition des ouvrages de
Hubert Goltzius sur les médailles anciennes grecques et romaines: Fasti
Magistratuum et Triumphorum romanorum, — Sicilia et Magna Graecia, — C. Julius
Caesar sive historiae Imperatorum Caesarum romanorum ex antiquis numismatibus
restitutae. Il les munit de titres et de liminaires nouveaux, il y ajouta un
quatrième volume: Graeciae universae Asiaeque Minoris et insularum numismata
veterum Huberto Goltzio quondam scalptore, dont il avait acquis le manuscrit et
les gravures. Il publia le tout en 4 volumes in-folio, de 1617 à 1620. Le volume
des empereurs avec les gravures sur camaïeu, dont les planches s'étaient
perdues, fut publié la seconde fois par Moretus en 1645.
En 1621, Jacques de Bie pour échapper à ses créanciers dut s'enfuir en France. Il
y fut bien reçu et obtint du roi le privilège de graver le Théâtre de la France
donnant la représentation de tout le pays avec les cartes des provinces, les
plans des villes et des villages. Il ne parvint cependant pas à mettre ses
affaires pécuniaires à flot. Le 26 décembre 1625, Rubens écrit à Valavez que,
par sa mauvaise conduite, Jacques de Bie a dissipé tout son bien et l'a engagé
en différentes mains. Rubens, à cette époque, aida à le tirer d'embarras. A une
date incertaine, mais sans aucun doute entre 1626 et 1628, il acquit d'un
certain Jacques Loemans les planches et les volumes des ouvrages de Goltzius que
de Bie avait possédés et publiés. Le 27 novembre 1630, Rubens revendit le tout à
Balthasar Moretus pour la somme de 5920 florins auxquels vinrent s'ajouter 300
florins pour quelques exemplaires qui primitivement n'étaient pas compris dans
la vente et 457 florins pour les intérêts du capital.
En 1636, il publia, à Paris, les Vrais Portraits des rois de France et les
Familles de France illustrées par les médailles, après avoir encore gravé et
fait paraître d'autres ouvrages historiques et numismatiques.
[35] (11
mai 1611.) En 1641, il grava les Reines de France, pour
l'histoire de Mezeray; dans la même année, les Vrays Portraits des Dauphins; en
1643, il grava encore des planches pour l'Iconologie de Baudoin. Après cette
date, nous n'avons plus de renseignements sur lui. Le Catalogue de la Collection
de Terbrugghen le fait mourir à Anvers; cette affirmation est peu vraisemblable.
Il est plus probable qu'il mourut en France vers 1650 (1).((1) Ch. Ruelens. Brieven van Nederlandsche kunstenaars, De Vlaamsche
School, 1889, p. 66. — Id. Nicolas Rockox, Bulletin Rubens, II 38. — Id.
Rubens et les médailles de Charles de Croy. Ibid. 213. — Max Rooses. Rubens
en Balthasar Moretus. Ibid. 182. — Edm. de Busscher. Biographie nationale,
IV, p. 790.)
CXXVIII P. P. RUBENS A JACQUES DE BIE.
Monsieur de Bye.
My is seer lieff te mercken dat UL. die confidentie met my toont van iet op my
te begheren daer ic UL. in soude connen dienen maer daer teghen is my van herte
leet dat die occasie niet mede en brenght te connen meer met wercken als woorden
getuyghen myn affectie t' uwaerts. Want dien jonckman die UL. my raccommandeert
onmoghelyck is te accommoderen want ic van alle canten gheprevenieert ben soo
dat noch sommighe voor etlycke jaren by ander meesters haer onderhouden om myn
commoditeyt te verwachten, onder ander mynen vriendt ende patroon ghelyck UL.
weet mynheer Rouckocx heeft met
groote difficulteyt een plaetse vercreghen voor een jonghesken dat hy daer toe
opvoet en darentuschen laet leeren by andere. Voorts mach ic segghen met der
waerheyt sonder eenich hyperbole dat ic over die hondert hebbe moeten refuseren
ooc sommighe van myn ende myns huysvrouwen maegen niet sonder grooten ondanck
van veele van myn beste vrienden. Daerom bidde ic UL. my toch te willen
excuseren in dese sake ende in alle andere saken proeve doen van myn affectie
die gheenselincx manqueren en sal soo veel als in myn macht syn sal. Hier mede
raccommanderende my seer hertelycken in UL. goede gratie wensche UL. van Godt
volcomen geluck en salicheyt. Wt Antwerpen desen 11 mey 1611.
UL. DienaerPietro Pauolo Rubens. [36] P. S. Ic meyne dat
UL. niet qualyck nemen en sal dat ic met het stuck van Juno en Argus, mits een
ocasie die haer offereert van redelyck te vercoopen myn profyt doene want soo ic
hope met der tyt iet anders wt den pinceel vallen sal dat UL. beter contenteren
mochte, nochtans hebbe ic UL. willen aviseeren van die sake eer ic sal daer af
concluderen want ic seer gheerne puntualyck handele ende een ieghelyck
principalyck myn vrienden volle sadisfactie gheve, ende ic weet wel datmen met
Princen niet altyt en can tot effect brenghen synen goeden wille waer af ic UL.
evenveel gheobligeert blyve.
Adresse: Monsieur | Monsieur Jaques de Bije tot Brussel (Trace de cachet
armorié)
Autographe aux Archives générales du Royaume.
Publié par M. Pinchart. Archives des Arts, Sciences et Lettres. Gand, 1863, tome
II, p. 163. Ce recueil est formé d'articles tirés à part du Messager des
Sciences, etc., de Gand. La lettre a paru dans la deuxième livraison de l'année
1863, p. 165. — Reproduit dans Rosenberg. Rubensbriefe, p. 36. — Une traduction
dans Michiels. Rubens et l'École d'Anvers, 1877, p. 185.
La réputation du peintre s'établissait dans sa patrie avec une rapidité
extraordinaire: cette lettre en apporte un témoignage sincère et frappant.
Il est de retour depuis deux ans et déjà l'on se dispute l'honneur de se
mettre sous sa direction. Cette lettre est en quelque sorte la première page
de l'histoire de l'école de Rubens. Le post-scriptum a donné lieu à une
interprétation erronée: on croyait qu'il s'agissait là d'une demande faite
par Jacques de Bie de pouvoir reproduire par la gravure le tableau de Junon
incrustant les yeux d'Argus au plumage du paon.
Mais M. Henri Hymans, en son Histoire de la gravure dans l'école de Rubens
(p. 98), a parfaitement restitué le véritable sens des expressions de la
lettre. «Il nous paraît résulter à toute évidence, dit-il, de la lettre à de
Bye que cet artiste avait offert ses bons offices pour l'acquisition d'une
oeuvre de Rubens, destinée à son maître, le prince Charles de Croy, mais que
celui-ci témoignait quelque hésitation à conclure le marché.»
Il résulte, en effet, de la correspondance de de Bie, conservée à la
Bibliothèque royale de Belgique, que ce graveur en titre de Charles de Croy
était, en quelque sorte, aussi son factotum artistique. Les marchands
s'adressaient à lui pour offrir des tableaux au duc et celui-ci le chargeait
de négociations diverses au profit de ses collections. Il est assez probable
que de Bie faisait en cette circonstance une offre de service proprio motu,
car le Duc, à ce moment-là, n'était plus en disposition d'esprit de
s'occuper de ses [38] collections: il était malade, il
avait fait son acte de dernière volonté, trois mois auparavant, et ne traîna
plus qu'une vie de souffrances jusqu'aux premiers jours de l'année suivante.
Charles de Croy ne semble pas, d'ailleurs, avoir beaucoup favorisé les
artistes de son temps. Dans l'inventaire de sa collection de tableaux,
publié par M. Pinchart (Archives des Arts etc., I, p. 158) et qui se compose
de 234 articles, on ne remarque guère que des oeuvres anciennes, dues à des
maîtres primitifs ou à des peintres décédés, tels que le Véronèse ou Frans
Floris, à qui, certainement, elles n'ont pu être commandées. Le Duc était,
avant tout, un «antiquaire.»
Le tableau Junon et Argus, dont parle la lettre de Rubens, fut exposé, en
1857, par Mathieu C. Wyatt à Manchester dans les Art Treasures of the United
Kingdom, sous le n° 553 des tableaux anciens. Le 28 juin 1892, il fut adjugé
dans la vente de lord Dudley au prix de 1500 guinées. En 1894, le Musée de
Cologne l'a acquis de M. Steinmeyer. Il est décrit sous le n° 632 dans
l'OEuvre de Rubens, par Max Rooses.
TRADUCTION. P. P. RUBENS A JACQUES DE BIE.
Monsieur de Bye.
Je suis très agréablement flatté de la confiance que vous me montrez en me
demandant une chose qui vous rendrait service, mais je suis désolé au fond
du coeur de n'avoir pas l'occasion de vous témoigner par des actes plutôt
que par des paroles l'affection que je vous porte. Il m'est impossible de
recevoir le jeune homme que vous me recommandez; de tous côtés il m'arrive
de semblables aspirants. Quelques-uns restent même quelques années encore
chez d'autres maîtres, pour y attendre une vacance chez moi. Entr'autres, M.
Rockox, mon ami et mon protecteur, comme vous savez, a obtenu, avec grande
difficulté, une place pour un jeune garçon qu'il entretient à cet effet et
qu'il laisse, en attendant, s'instruire chez d'autres. Je puis dire
sincèrement, sans aucune hyperbole, que j'en ai dû refuser plus de cent,
parmi lesquels il y en avait de ma famille ou de celle de ma femme, et que
je ne l'ai pas fait sans causer un grand déplaisir à plusieurs de mes
meilleurs amis. C'est pourquoi, je vous prie de vouloir bien accepter mes
excuses dans la présente circonstance et de me demander, en toute autre
chose, des preuves [37] de mon affection. Je n'y
faillirai pas pour autant que cela dépendra de moi. En terminant, je me
recommande cordialement à vos bonnes grâces et prie Dieu de vous accorder
bonheur sur terre et salut éternel. Anvers, 11 mai 1611.
Votre serviteur,Pierre-Paul Rubens.
P. S. Vous ne prendrez point de mauvaise part, je pense, que je profite d'une
occasion qui s'est présentée de vendre à un prix raisonnable mon tableau de
Junon et Argus. J'espère, qu'avec le temps, il tombera de mon pinceau
quelque chose qui vous satisfera davantage; néanmoins, j'ai voulu vous
donner cet avis, avant de conclure, car j'aime à être ponctuel en affaires
et à donner pleine satisfaction à tout le monde, principalement à mes amis,
et je sais bien qu'avec les princes on ne réalise pas toujours ses bonnes
intentions, mais je ne vous en reste pas moins obligé.
Adresse: Monsieur, Monsieur Jacques de Bije, à Bruxelles.
COMMENTAIRE.
La réputation du peintre s'établissait dans sa patrie avec une rapidité
extraordinaire: cette lettre en apporte un témoignage sincère et frappant.
Il est de retour depuis deux ans et déjà l'on se dispute l'honneur de se
mettre sous sa direction. Cette lettre est en quelque sorte la première page
de l'histoire de l'école de Rubens. Le post-scriptum a donné lieu à une
interprétation erronée: on croyait qu'il s'agissait là d'une demande faite
par Jacques de Bie de pouvoir reproduire par la gravure le tableau de Junon
incrustant les yeux d'Argus au plumage du paon.
Mais M. Henri Hymans, en son Histoire de la gravure dans l'école de Rubens
(p. 98), a parfaitement restitué le véritable sens des expressions de la
lettre. «Il nous paraît résulter à toute évidence, dit-il, de la lettre à de
Bye que cet artiste avait offert ses bons offices pour l'acquisition d'une
oeuvre de Rubens, destinée à son maître, le prince Charles de Croy, mais que
celui-ci témoignait quelque hésitation à conclure le marché.»
Il résulte, en effet, de la correspondance de de Bie, conservée à la
Bibliothèque royale de Belgique, que ce graveur en titre de Charles de Croy
était, en quelque sorte, aussi son factotum artistique. Les marchands
s'adressaient à lui pour offrir des tableaux au duc et celui-ci le chargeait
de négociations diverses au profit de ses collections. Il est assez probable
que de Bie faisait en cette circonstance une offre de service proprio motu,
car le Duc, à ce moment-là, n'était plus en disposition d'esprit de
s'occuper de ses [38] collections: il était malade, il
avait fait son acte de dernière volonté, trois mois auparavant, et ne traîna
plus qu'une vie de souffrances jusqu'aux premiers jours de l'année suivante.
Charles de Croy ne semble pas, d'ailleurs, avoir beaucoup favorisé les
artistes de son temps. Dans l'inventaire de sa collection de tableaux,
publié par M. Pinchart (Archives des Arts etc., I, p. 158) et qui se compose
de 234 articles, on ne remarque guère que des oeuvres anciennes, dues à des
maîtres primitifs ou à des peintres décédés, tels que le Véronèse ou Frans
Floris, à qui, certainement, elles n'ont pu être commandées. Le Duc était,
avant tout, un «antiquaire.»
Le tableau Junon et Argus, dont parle la lettre de Rubens, fut exposé, en
1857, par Mathieu C. Wyatt à Manchester dans les Art Treasures of the United
Kingdom, sous le n° 553 des tableaux anciens. Le 28 juin 1892, il fut adjugé
dans la vente de lord Dudley au prix de 1500 guinées. En 1894, le Musée de
Cologne l'a acquis de M. Steinmeyer. Il est décrit sous le n° 632 dans
l'OEuvre de Rubens, par Max Rooses.
CXXIX PHILIPPUS RUBENS
MARCO VELSERO REIP. AUGUSTANAE PRAEFECTO.(22 juillet 1611.)
Quam censendi judicandique operam sponte mea sumere vererer, eam te Praetore
volente jubente non possum non suscipere. Dicam itaque, quae mea, quae fratris
rerum antiquarum nec incuriosi nec imperiti super sigillo tuo conjectura sit.
Sed prius tamen aliorum, quas epistola tua habet, sententias ††leviter attingam. Est qui symbolice explicet, et, quod
indulgendum magis auribus quam linguae, significari putet. Ingeniose quidem; sed
satin' obsecro decore Taciturnitati et Attentioni, quae Prudentiae affines,
ferinae aures affingantur? Sunt qui Sigalionem aut Harpocratem designatum
existiment; renuentibus et obstrigillantibus tot passim simulacris, quibus ille
silentii Deus digito ori admoto silentium imperans graphice exprimitur. Nec
desunt qui amphotides nescio quas hic videant; quos mirum est, ut Comicum illud
usurpem, lolio victitare tam vili tritico. Nullae enim in icone nostra
amphotides, patentibus auribus et ab omni prorsus tegumento liberis, et a loco
sive lamina discretis, ad modum scilicet athletarum. Nam [39] his nudae et extra vincula sive ligamina capitii exertae aures. Saltim in
iconibus, quae penes fratrem meum sunt, altera pugilis, altera pugnam caestibus
committentis. Et alia profecto facies aurigarum et agitatorum, quibus aures
ipsae tectae munitaeque contra flagellorum ictus: quemadmodum hodieque Romae et
alibi in Italia pueris singulare equos ex Mauritania agitantibus. Sed haec
hactenus. Quid os fraenatum? Optime sane de quodam poenae genere quibusdam in
mentem venit. Et facere planissime huc videntur, quae ex Plauto et Chrysostomo
citantur, itemque quod ex oratione Pacati ad Theodosium subjicimus: Cum in
judiciis capitalibus astitissent, cum gemitus et tormenta miserorum auribus ac
luminibus hausissent; cum lictorum arma, cum damnatorum fraena tractassent,
pollutas poenali manus contactu ad sacra referebant. Hinc enim liquido constat,
reorum id ac damnatorum fuisse. Verum cuinam reo caprinae ejusmodi aures?
Neminem certe quemquam facile reperiam praeter Marsyam, in quem utrumque
quadret. Satyrus enim hic ab Ovidio non semel appellatur; et ea forma, auribus
inquam, non item pedibus ut alii Satyri, belluinis, antiquis effigiatur. Adde
quod in poenam, ut quidam ait, et cecinit et cecidit, et pro linguario
supplicium luit, quod Apollinem non solum temere provocare, sed etiam, ut
Milesiarum scriptor memoriae prodidit, priusquam tibias occiperet inflare,
deliramenta quaedam barbare de eo effutire, ipsasque Dei virtutes culpare,
suisque vitiis posthabere ausus. Quid, quod et certamen hoc ore commissum? Nam
et tibiae ore inflantur, nec alio quam linguae plectro opus; et intercinere
insuper moris, ac per intervalla versus ore modulari. Itaque non inepte membrum
illud effraenum, quo nempe peccatum, ab artifice fraeno coërcitum. Confirmare
nostram hanc cogitationem videtur gestus pavitantis, et gravius aliquod malum
metuentis. Oculorum enim tristis obtutus et acris ac recta in aliquem intentio,
manus articulique suspensi, tum pedis illa reductio figuram huic alteram
appositam fuisse declarant: Phaebi puta victoris ac minitantis, aut Scythae
illius cultrum intentantis, quem veteres Apollini vicarium dederunt, foedum hoc
ministerium et carnificinam infra Dei majestatem rati. Quod superest de circulo
collum ambiente cum taenia quae a pectore prominet, an id tibiae seu fistulae,
sicut in aliquorum Satyrorum iconibus, suspendendae? (1)((1)
En marge: Virg. de Polyphemo: Solamenque viae de collo fistula
pendet.) Quae quidem tibia vel ut arma [40] ac spolium
victo detracta, vel temporis spatio, ut fere ea quae eminent et exstant in
statuis (etiam aereis, etsi rarius) aliquo casu fracta cum parte lori deciderit.
Vides, Vir Amplissime, ut omnia undique colligamus hariolationi nostrae
firmandae. Nam divinationem numquam dixero, cum haec talia nubila fere semper et
††, neque tam exacte conjectura vel indagari vel
explicari possint, quin aliqua dubitandi dissentiendique materies relinquatur.
Per caliginem hic videmus, et more Scepticorum ††, et
dumtaxat opinamur.
Eoque veniae, sicubi hallucinamur, securus, epistolae finem facio,
cumque fratre meo, qui te salutat officiosissime, et majorem quam pro virili
parte symbolam contulit, longissimum aetatis progressum Amplitudini tuae
precor.
Antverpiae, A. D. XI Kal. Sextil. A° M. DC. XI.
Philippi Rubenii S. Asterii Homiliae, p. 272.
Cette tâche d'expert et de juge que je craindrais d'assumer de mon chef, je
ne puis la décliner quand vous, le magistrat, le voulez et l'ordonnez. Je
vous dirai donc quelle est mon opinion sur votre cachet, et celle de mon
frère qui est un curieux et un connaisseur des choses de l'antiquité. Mais
d'abord je toucherai légèrement, comme en passant, les opinions des autres
dont votre lettre fait mention.
L'un donne une explication symbolique et prétend que le sujet signifie qu'il
faut accorder plus à ses oreilles qu'à sa langue. C'est fort ingénieux; mais
je vous le demande, peut-on décemment adapter des oreilles d'animal à la
Taciturnité et à l'Attention, ces soeurs de la Prudence? Il en est qui y
voient Sigalion ou Harpocrate, malgré l'opposition et le démenti de ces
nombreuses figures qui de tous côtés représentent ce Dieu du silence,
ordonnant de se taire par le doigt posé devant la bouche? D'autres croient y
voir je ne sais quelle espèce d'oreillon d'athlète; je les admire ceux-là de
se nourrir, pour me servir de l'expression comique, d'un froment aussi
grossier que l'ivraie. En effet, dans notre image, il n'y a pas de trace
d'oreillon, les oreilles étant largement ouvertes, libres de toute
couverture et dégagées du fond ou de la plaque, à la façon des athlètes.
Ceux-ci, en effet, avaient [41] les oreilles nues et
découvertes en dehors des chaînettes ou des liens du capuchon. Du moins il
en est ainsi dans des figures qui se trouvent chez mon frère, l'une d'un
lutteur au poing, l'autre d'un lutteur engageant le combat du ceste. Toutes
différentes, certainement, sont les figures des concurrents aux courses de
chars ou de chevaux: celles-là ont les oreilles couvertes ou défendues
contre les coups de fouet; particularité qui se voit encore aujourd'hui à
Rome et ailleurs en Italie chez les domestiques quand ils montent des
chevaux africains. Mais en voilà assez. Que signifie cette bouche bridée?
Quelques-uns ont pensé, avec raison, qu'il s'agit là de quelque genre de
supplice, auquel s'appliquent parfaitement, ce nous semble, les citations de
Plaute et de Chrysostome et celle que nous ajoutons, tirée du discours de
Pacatus à Théodose: Aprés avoir assisté à des arrêts de mort, savouré des
yeux et des oreilles les gémissements et les supplices des malheureux; après
avoir manié les armes des licteurs et les freins des condamnés, ils
touchaient aux autels de leurs mains souillées par le contact patibulaire.
De tout cela il résulte clairement qu'il est question de coupables ou de
condamnés. Mais quel est le coupable auquel reviennent ces oreilles de bouc?
Je n'en trouve guère d'autre que Marsyas dans lequel ces deux qualités se
rencontrent. Ovide, en plus d'un passage, le nomme un Satyre et, chez les
anciens, il est représenté sous cette forme avec des oreilles de bouc, mais
non pas, comme les autres Satyres, avec des pieds d'animal. Ajoutez-y que,
comme l'a dit un auteur, il mérita son châtiment et expia son intempérance
de langage, non seulement pour avoir témérairement osé provoquer Apollon,
mais encore, comme le rapporte l'auteur des contes Milésiens, pour avoir,
avant de souffler dans sa flûte, débité de grossières extravagances sur le
compte du dieu, dont il blâmait les vertus qu'il ravalait au-dessous de ses
propres vices. En outre, n'est-ce pas par la bouche que cette lutte
s'engagea? Car c'est elle qui souffle dans la flûte, c'est la langue seule
qui sert d'archet; après des repos la bouche s'ouvre pour chanter ou pour
réciter des vers par intervalles. Cet organe peut donc très à propos être
considéré comme manquant de frein et comme il a commis une faute, l'artiste
l'a retenu par la bride. Notre conjecture paraît confirmée par le geste de
l'homme qui trahit la peur et la crainte de quelque malheur plus grave. En
effet, les yeux ont le regard triste, ils portent vers quelqu'un une
attention perçante et directe; les mains et les doigts pendants et le pied
ramené démontrent qu'une autre figure était accolée à celle-ci, probablement
celle de Phébus victorieux et menaçant, ou celle du Scythe étendant son
couteau, que les anciens donnaient pour aide à Apollon, dans l'idée que le
honteux office de bourreau était incompatible avec la majesté d'un Dieu. Ce
qui subsiste encore du cercle entourant le cou et de la bande [42] qui se détache sur la poitrine, était-ce pour
suspendre cette flûte ou ce pipeau que l'on remarque sur les statues de
quelques Satyres? Cette flûte aurait alors été arrachée comme on le fait des
armes et des dépouilles du vaincu, ou bien à la suite des temps, brisée par
quelque accident, sera tombée avec une partie de la courroie, comme il
arrive à presque tout ce qu'il y a de proéminent sur les statues, même,
quoique plus rarement, sur celles d'airain.
Vous le voyez, nous recueillons de tous côtés tout ce qui tend à confirmer
notre conjecture; je ne dirai jamais: notre explication, car semblables
choses sont presque toujours obscures et incertaines et ne peuvent être
débrouillées et éclaircies par des hypothèses sans laisser quelque matière
au doute ou à la contradiction. Nous voyons ici et nous visons à travers les
ténèbres à la façon des Sceptiques, et nous émettons seulement une opinion
sur tout cela. Si donc nous avons rêvé, nous sommes assurés du pardon.
Nous ne connaissons que cette seule lettre adressée par Philippe Rubens au
célèbre duumvir d'Augsbourg, mais, d'après son allure, elle semble ne pas
être la première échangée entre eux. Cette lettre, hélas! n'a été suivie
d'aucune autre, car cinq semaines plus tard, le 28 août, Philippe Rubens fut
enlevé par une mort rapide et prématurée. Si une réponse fut arrivée, nul
doute que Brant ne l'eût publiée.
Welser possédait une médaille ou un sceau représentant un homme nu, sans
doute un esclave debout, ayant la bouche obturée par une sorte de muselière
formée d'une étroite ceinture passant sur les lèvres et derrière la tête,
laissant libre l'oreille qui était une oreille d'âne. Il envoya le dessin de
cette pièce antique au savant jésuite André Schott, à Anvers, avec une
lettre pour lui et pour Philippe Rubens à l'effet d'avoir leur sentiment sur
le sujet représenté. On vient de voir l'opinion de Philippe et de
Pierre-Paul. C'est par cette dernière lettre de son frère que le peintre
fait, en quelque sorte, son entrée dans le monde de l'érudition classique:
c'est la première fois, en effet, que nous rencontrons de lui un de ces
essais d'explication comme il en fit plusieurs depuis, de monuments figurés
de l'antiquité.
Dans un grand ouvrage publié l'année suivante: Adagia sive Proverbia
Graecorum (Antv. Plantin 1612, in-4°), André Scott insère dans une longue
note à propos du Proverbe 75 (Appendix Vatic. p. 272), l'opinion des frères
Rubens [43] qu'il appelle une paire d'érudits (eruditum
par), mais il ne l'adopte point. Plus tard, Gisbert Cuperus (1)((1) Gisb. Cuperi Observationum libri III nummis
elegantiss. illustrati. Traj. ad. Rh. 1670. Lib. I, c. 12.) et
Caspar Bartholini (2)((2) Casp. Bartholinus. De Tibiis
veterum. Amst. 1679. Liv. III, ch. 3.) se sont également occupés
de cette pièce dont Schottus avait reproduit la tête seulement. Ils n'y
virent que la représentation d'un joueur de flûte, la muselière servait à
empêcher la trop forte tension des joues et des lèvres, etc. etc. D'autres
conjectures auront encore été formulées, sans doute, sur ce sujet. Nous n'en
dirons pas davantage. On remarquera que dans cette lettre il est parlé déjà
d'objets faisant partie de la collection d'antiquités que le peintre était
en train de recueillir.
TRADUCTION. PHILIPPE RUBENS A MARCUS
VELSERUS, DUUMVIR D'AUGSBOURG.
Cette tâche d'expert et de juge que je craindrais d'assumer de mon chef, je
ne puis la décliner quand vous, le magistrat, le voulez et l'ordonnez. Je
vous dirai donc quelle est mon opinion sur votre cachet, et celle de mon
frère qui est un curieux et un connaisseur des choses de l'antiquité. Mais
d'abord je toucherai légèrement, comme en passant, les opinions des autres
dont votre lettre fait mention.
L'un donne une explication symbolique et prétend que le sujet signifie qu'il
faut accorder plus à ses oreilles qu'à sa langue. C'est fort ingénieux; mais
je vous le demande, peut-on décemment adapter des oreilles d'animal à la
Taciturnité et à l'Attention, ces soeurs de la Prudence? Il en est qui y
voient Sigalion ou Harpocrate, malgré l'opposition et le démenti de ces
nombreuses figures qui de tous côtés représentent ce Dieu du silence,
ordonnant de se taire par le doigt posé devant la bouche? D'autres croient y
voir je ne sais quelle espèce d'oreillon d'athlète; je les admire ceux-là de
se nourrir, pour me servir de l'expression comique, d'un froment aussi
grossier que l'ivraie. En effet, dans notre image, il n'y a pas de trace
d'oreillon, les oreilles étant largement ouvertes, libres de toute
couverture et dégagées du fond ou de la plaque, à la façon des athlètes.
Ceux-ci, en effet, avaient [41] les oreilles nues et
découvertes en dehors des chaînettes ou des liens du capuchon. Du moins il
en est ainsi dans des figures qui se trouvent chez mon frère, l'une d'un
lutteur au poing, l'autre d'un lutteur engageant le combat du ceste. Toutes
différentes, certainement, sont les figures des concurrents aux courses de
chars ou de chevaux: celles-là ont les oreilles couvertes ou défendues
contre les coups de fouet; particularité qui se voit encore aujourd'hui à
Rome et ailleurs en Italie chez les domestiques quand ils montent des
chevaux africains. Mais en voilà assez. Que signifie cette bouche bridée?
Quelques-uns ont pensé, avec raison, qu'il s'agit là de quelque genre de
supplice, auquel s'appliquent parfaitement, ce nous semble, les citations de
Plaute et de Chrysostome et celle que nous ajoutons, tirée du discours de
Pacatus à Théodose: Aprés avoir assisté à des arrêts de mort, savouré des
yeux et des oreilles les gémissements et les supplices des malheureux; après
avoir manié les armes des licteurs et les freins des condamnés, ils
touchaient aux autels de leurs mains souillées par le contact patibulaire.
De tout cela il résulte clairement qu'il est question de coupables ou de
condamnés. Mais quel est le coupable auquel reviennent ces oreilles de bouc?
Je n'en trouve guère d'autre que Marsyas dans lequel ces deux qualités se
rencontrent. Ovide, en plus d'un passage, le nomme un Satyre et, chez les
anciens, il est représenté sous cette forme avec des oreilles de bouc, mais
non pas, comme les autres Satyres, avec des pieds d'animal. Ajoutez-y que,
comme l'a dit un auteur, il mérita son châtiment et expia son intempérance
de langage, non seulement pour avoir témérairement osé provoquer Apollon,
mais encore, comme le rapporte l'auteur des contes Milésiens, pour avoir,
avant de souffler dans sa flûte, débité de grossières extravagances sur le
compte du dieu, dont il blâmait les vertus qu'il ravalait au-dessous de ses
propres vices. En outre, n'est-ce pas par la bouche que cette lutte
s'engagea? Car c'est elle qui souffle dans la flûte, c'est la langue seule
qui sert d'archet; après des repos la bouche s'ouvre pour chanter ou pour
réciter des vers par intervalles. Cet organe peut donc très à propos être
considéré comme manquant de frein et comme il a commis une faute, l'artiste
l'a retenu par la bride. Notre conjecture paraît confirmée par le geste de
l'homme qui trahit la peur et la crainte de quelque malheur plus grave. En
effet, les yeux ont le regard triste, ils portent vers quelqu'un une
attention perçante et directe; les mains et les doigts pendants et le pied
ramené démontrent qu'une autre figure était accolée à celle-ci, probablement
celle de Phébus victorieux et menaçant, ou celle du Scythe étendant son
couteau, que les anciens donnaient pour aide à Apollon, dans l'idée que le
honteux office de bourreau était incompatible avec la majesté d'un Dieu. Ce
qui subsiste encore du cercle entourant le cou et de la bande [42] qui se détache sur la poitrine, était-ce pour
suspendre cette flûte ou ce pipeau que l'on remarque sur les statues de
quelques Satyres? Cette flûte aurait alors été arrachée comme on le fait des
armes et des dépouilles du vaincu, ou bien à la suite des temps, brisée par
quelque accident, sera tombée avec une partie de la courroie, comme il
arrive à presque tout ce qu'il y a de proéminent sur les statues, même,
quoique plus rarement, sur celles d'airain.
Vous le voyez, nous recueillons de tous côtés tout ce qui tend à confirmer
notre conjecture; je ne dirai jamais: notre explication, car semblables
choses sont presque toujours obscures et incertaines et ne peuvent être
débrouillées et éclaircies par des hypothèses sans laisser quelque matière
au doute ou à la contradiction. Nous voyons ici et nous visons à travers les
ténèbres à la façon des Sceptiques, et nous émettons seulement une opinion
sur tout cela. Si donc nous avons rêvé, nous sommes assurés du pardon.
Je termine cette lettre et mon frère qui vient de vous apporter une
contribution au-dessus de ses forces, vous salue affectueusement et
comme je le fais, il prie le Ciel de vous accorder de longs jours.
Anvers, le 22 juillet 1611.
COMMENTAIRE.
Nous ne connaissons que cette seule lettre adressée par Philippe Rubens au
célèbre duumvir d'Augsbourg, mais, d'après son allure, elle semble ne pas
être la première échangée entre eux. Cette lettre, hélas! n'a été suivie
d'aucune autre, car cinq semaines plus tard, le 28 août, Philippe Rubens fut
enlevé par une mort rapide et prématurée. Si une réponse fut arrivée, nul
doute que Brant ne l'eût publiée.
Welser possédait une médaille ou un sceau représentant un homme nu, sans
doute un esclave debout, ayant la bouche obturée par une sorte de muselière
formée d'une étroite ceinture passant sur les lèvres et derrière la tête,
laissant libre l'oreille qui était une oreille d'âne. Il envoya le dessin de
cette pièce antique au savant jésuite André Schott, à Anvers, avec une
lettre pour lui et pour Philippe Rubens à l'effet d'avoir leur sentiment sur
le sujet représenté. On vient de voir l'opinion de Philippe et de
Pierre-Paul. C'est par cette dernière lettre de son frère que le peintre
fait, en quelque sorte, son entrée dans le monde de l'érudition classique:
c'est la première fois, en effet, que nous rencontrons de lui un de ces
essais d'explication comme il en fit plusieurs depuis, de monuments figurés
de l'antiquité.
Dans un grand ouvrage publié l'année suivante: Adagia sive Proverbia
Graecorum (Antv. Plantin 1612, in-4°), André Scott insère dans une longue
note à propos du Proverbe 75 (Appendix Vatic. p. 272), l'opinion des frères
Rubens [43] qu'il appelle une paire d'érudits (eruditum
par), mais il ne l'adopte point. Plus tard, Gisbert Cuperus (1)((1) Gisb. Cuperi Observationum libri III nummis
elegantiss. illustrati. Traj. ad. Rh. 1670. Lib. I, c. 12.) et
Caspar Bartholini (2)((2) Casp. Bartholinus. De Tibiis
veterum. Amst. 1679. Liv. III, ch. 3.) se sont également occupés
de cette pièce dont Schottus avait reproduit la tête seulement. Ils n'y
virent que la représentation d'un joueur de flûte, la muselière servait à
empêcher la trop forte tension des joues et des lèvres, etc. etc. D'autres
conjectures auront encore été formulées, sans doute, sur ce sujet. Nous n'en
dirons pas davantage. On remarquera que dans cette lettre il est parlé déjà
d'objets faisant partie de la collection d'antiquités que le peintre était
en train de recueillir.
CXXX DOMINICUS BAUDIUS
PETRO RUBENIO S. P. D. ANTVERPIAM. (4 octobre 1611.)
Laetus sum oblatam mihi fuisse occasionem ad te scribendi per hune tabellarium,
qui id officium comiter elicuit, injecta clarissimi nominis tui mentione. Sed
quam libens ac volens usurpo munus istud literarium, tam mihi grave atque
acerbum fuit audire, quum essem Bruxellis,
praematuram ad beatas sedes abitionem fratris tui, viri sine ambitione
eruditissimi, et quo nullus e disciplina magni Lipsii uberiorem frugem reportavit. Non jam
inculcabo meditationi tuae monita sacrarum litterarum, quibus exulceratae mentes
ad sanitatem revocantur. Nam et ea tibi sunt notissima, qui cum eximiae artis
instructu junxisti studia humanitatis et gloriam eruditionis; tum autem si non
ratio, certe dies jam magna ex parte vim aegritudinis ac moeroris imminutum
ivit. Communis iste sane dolor fuit, et velut publicus luctus justitio
lustrandus ab iis omnibus, qui doctrinam, virtutem ac probitatem venerantur.
††.††.
ut Homerico alloquio te compellem. Reliquum est, ut absentis desiderium grata
recordatione prosequamur, quod pro virili parte faciam, et qua [44] voce, qua stylo testatum relinquam apud posteros, et eos qui nunc
vivunt homines, quam fuerit intime carus animo meo germanus tuus, ††. Nomen tuum heic illustri fama celebratur, et.
Credimus, an qui amant, ipsi sibi somnia fingunt?
Nescio qui faustus rumor nobis ad aures accidit, tibi esse in animo huc
excurrere. Gratus omnibus candidis ingeniorum aestimatoribus et exoptatus
advenies, mihi inprimis, in cujus animo defixisti aculeum reverentiae atque
admirationis. Nec sine quodam sacro horrore sum contemplatus artis tuae
monumenta cum naturae veritate certantia. Macte Apelles nostri aevi. Utinam
virtuti ac meritis tuis contingeret Alexander! Quanquam non tam male ac maligne
agitur cum praesenti saeculo, quin exstent plurimi et intelligentes, et
remuneratores praestantissimorum tuorum operum ac laborum. Nos etiam, ut captus
est mediocrium, in hoc vitae mortalis praesidio non inhonorificam stationem
tueri conabimur, et jam exornare Spartam, quae nobis judicio Illustrissimorum
Ordinum assignata est. Praecipue operam dabimus ut primarios saeculi viros,
inter quos tu insignem locum obtines, amicitiae mecum initae non pudeat aut
poeniteat. Hujusce voti ac propositi syngrapham esse cupio hanc epistolam, teque
pro immortali munere ac beneficio rogo atque obtestor, ut nos amore complecti
non dedigneris. Datum Amsterdami in
aedibus cognati mei, qui te a facie ignotum, a fama notissimum summa observantia
colit.
Joanni Wouwerio viro eximiae
humanitatis, et cui ego multis me nominibus devinctum esse fateor, plurimam a me
salutem nunciari cupio. Socero item tuo, nec non amoenissimi ingenii et
inculpatae libertatis viro Francisco
Sweertio: tum si qui erunt, quos nostri meminisse non pigebit.
Octavianum Venium sine piaculo praeterire non possum, commilitonem olim
studiorum, et nunc plurimis de causis unice mihi carum.
Iterum vale, et nostram in scribendo hallucinationem aequi
consulito
. Scripsi IV Octobris M. DC.
XI.
Dominici Baudii. J. C. ex Hist. prof. Epistolarum Centuriae III. Quarum tertia
nunc in lucem emissa. Lugduni Batavorum, 1620. Cent. III. Epist. 52, p. 644.
(Dans d'autres éditions Cent. III. Epist. 86.)
Traduite en partie par Michiels. Rubens et l'École d'Anvers. Paris, 1877, p. 249.
Je me réjouis de ce qu'une occasion se soit présentée pour moi de vous écrire
par ce messager qui, dès que j'eus prononcé votre nom illustre, s'est
gracieusement engagé à remplir ce devoir. Mais autant j'éprouve du bonheur à
m'emparer de cette fonction littéraire, autant j'ai été frappé et affligé en
apprenant, à mon passage à Bruxelles, la nouvelle du départ prématuré de
votre frère pour le séjour des bienheureux. C'était un homme du plus profond
savoir, sans ambition, et parmi les disciples du grand Juste Lipse, aucun
n'avait plus abondamment profité des leçons du maître. Je ne vais pas offrir
à vos méditations les leçons des Saintes Écritures par lesquelles on ramène
à la saine raison les esprits ulcérés. Vous les connaissez d'ailleurs, très
bien, vous qui avez su joindre au génie élevé de l'art la passion des
belles-lettres et une glorieuse érudition; si ce n'est donc pas la raison,
c'est le temps, sans doute, qui aura grandement diminué déjà la violence de
l'accablement et de la tristesse. La douleur a vraiment été générale et
semblable à un deuil public elle a dû solennellement être manifestée par
tous ceux qui vénèrent le savoir, la vertu, l'honnêteté.
Mais laissons là ce qui s'est passé tout en nous en affligeant,Car la
morne plainte ne sert de rien
pour vous parler par la bouche d'Homère. Il nous reste à joindre aux regrets
de sa perte notre souvenir reconnaissant; pour ma part, je le ferai par la
parole et par la plume; j'attesterai ainsi auprès des vivants et à la
postérité combien fut cher à mon coeur votre frère, lui dont la gloire
jamais ne disparaîtra. La renommée publie tous les jours votre gloire;
Nous le croyons, ou bien, ceux qui aiment se forgent-ils des chimères?
Je ne sais quelle heureuse rumeur est venue jusqu'à nous, annonçant votre
projet de faire une excursion par ici. Vous serez le bienvenu pour tous les
admirateurs sincères du talent. Vous comblerez leurs voeux et les miens tout
d'abord, car vous avez fait pénétrer dans mon esprit comme un aiguillon de
respect et d'admiration et je n'ai pu contempler sans éprouver une sorte de
sainte extase ces chefs-d'oeuvre de votre pinceau dans lesquels vous luttez
de vérité avec la nature. Courage, à vous, l'Apelles de notre siècle! Un
Alexandre puisse-t-il reconnaître votre génie et vos mérites! Quoique notre
siècle ne soit pas si mauvais et si méprisable qu'il n'existe un grand
nombre d'hommes qui savent comprendre et rémunérer vos oeuvres excellentes.
Et moi [46] aussi, je m'efforcerai, selon la portée des
esprits modestes, de maintenir, dans ce bas monde, une position qui ne soit
pas sans honneur, et d'être un ornement pour ce Sparte où j'ai été placé par
la décision des États-Généraux. Je veillerai surtout à ce que les hommes les
plus éminents du siècle, entre lesquels vous obtenez une place d'élite,
n'aient pas à rougir ou à se repentir d'avoir contracté une amitié avec moi.
Je désire que cette lettre vous atteste mon voeu et ma résolution; je vous
demande et je vous supplie de m'accorder, comme don et bienfait suprêmes, la
faveur de votre affection. Écrit à Amsterdam dans la maison d'un parent, qui
ne vous connaît pas de vue, mais qui a pour vous un culte fondé sur votre
grande réputation.
Veuillez, je vous prie, présenter mes meilleures salutations à M. Jean
Wouwerius, un éminent lettré auquel je me flatte d'être lié à plusieurs
titres; présentez-les aussi à votre beau-père et à M. François Sweertius, un
homme qui joint l'esprit le plus agréable à une irréprochable franchise;
présentez-les enfin à tous ceux, s'il en est, qui veulent bien se souvenir
de moi. Mais je ne puis sans crime omettre Otto Vénius: il fut autrefois mon
condisciple aux études, et pour plusieurs motifs, il m'est aujourd'hui
particulièrement cher.
L'auteur de cette lettre est un nouveau venu dans le cercle des relations de
Rubens, et n'y sera qu'un hôte passager.
Dominique De Bauldier ou Baudier, né à Lille en 1561, de parents protestants,
fit ses premières études à Aix-la-Chapelle; il alla les achever à Leyde en
1576, puis à Genève sous Théodore de Bèze pour la théologie. Étant retourné
à Leyde, il y devint docteur en droit en 1585. Peu après, il passe en
Angleterre avec les envoyés des Pays-Bas; il revient à La Haye en 1587, où
il se fait avocat; part pour Paris, où il se fait recevoir avocat au
Parlement, en 1591, accompagne en Angleterre Christophe de Harlay,
ambassadeur du roi de Navarre Henri (IV) auprès d'Elisabeth. En 1602, il est
nommé à la chaire d'Éloquence à Leyde. En 1607, il y est professeur
d'histoire et de droit; en 1611, il est nommé Historiographe des États de
Hollande; une mort prématurée l'enlève en quelques jours, le 22 août 1613.
Nous ignorons sur quel fondement s'appuie l'assertion du Baron de St-Genois dans son article Baudius de la Biographie
nationale d'après laquelle [47] Rubens aurait peint le
portrait de Baudius qui porte comme souscription les deux vers: Vane pictor
etc. Des deux portraits de cet auteur que nous connaissons par les gravures
figurant dans ses oeuvres et qui, à vrai dire, ne sont que des variantes
d'une seule effigie, aucun ne peut être attribué avec quelque vraisemblance
à Rubens.
Baudius était encore un de ces virtuoses du latin en vers ou en prose, comme
il en pullulait en ce temps-là et qui était affligé aussi de la manie
d'adresser des épîtres ou des poèmes à tous ceux qui portaient un nom ou
occupaient un rang élevé. Vaniteux à l'excès, en même temps solliciteur et
besogneux, il distribuait les louanges aux uns du haut de sa prétentieuse
supériorité, aux autres dans l'espoir d'en retirer quelque avantage.
Rubens ne pouvait donc pas échapper aux poursuites de ce quémandeur d'amitié.
Mais la démarche de Baudius nous apporte une preuve éclatante de la haute
position que le peintre s'était acquise dans le monde des arts depuis son
arrivée au pays. Pour la première fois, nous lui voyons décerner ici le
titre d'Apelles nostri aevi qui deviendra en quelque sorte l'épithète
consacrée pour ses admirateurs. Il avait produit déjà quelques
chefs-d'oeuvre: entr'autres l'Érection de la Croix, pour l'église Ste-Walburge, présentement à Notre-Dame; il entamait
pour celle-ci la célèbre Descente de Croix.
Philippe Rubens était mort le 28 août: on pourrait s'étonner de ce que
Baudius ait attendu cinq semaines pour envoyer ses condoléances à
Pierre-Paul, mais c'est apparemment en revenant d'une excursion en France
qu'il apprit assez tard à Bruxelles le décès de Philippe. Il n'a pas, cette
fois, en passant par Anvers pour rentrer à Leyde, rendu visite au peintre;
ce n'est donc pas dans l'atelier de celui-ci qu'il a vu les oeuvres qui
l'ont enthousiasmé; il ressort du reste, de l'allure de la lettre qu'il n'a
connu antérieurement aucun des deux frères. La mort de Philippe a été pour
lui une occasion d'entrer en rapport avec Pierre-Paul: il y réussit.
Malheureusement, nous ne connaissons point la réponse qu'il reçut. Celle-ci
dut être affectueuse. Rubens, de son côté, devait ressentir de la
satisfaction d'une démarche faite par un homme qui, malgré ses défauts,
était après tout, doué d'une belle intelligence et jouissait d'un renom
mérité de poète aisé, élégant, original.
Baudius parle dans sa lettre de son intention d'exprimer par la plume ses
regrets de la perte de Philippe, ce qui doit s'entendre, sans doute, dans ce
sens qu'il écrira en l'honneur du défunt une élégie ou, comme il en avait
l'habitude, un Iambus funeralis. Nous ne savons s'il a exécuté ce projet.
Dans son Iamborum funeralium liber, il n'y en a pas au nom de Philippe. Dans
le petit recueil de pièces, en prose et en vers, écrites à la mémoire de
celui-ci, recueil annexé par Jean Brant à la suite de S. Asterii Homiliae
(T. I. p. 14), [48] il en est une signée des initiales D.
B. qui est entièrement dans le goût des Iambes funèbres de Baudius: elle est
intitulée Alloquium ad eximium virum Petrum Paullum Rubenium super obitu
fratris ejus Philippi Rubenii. On y retrouve sa prosodie, quelques-unes de
ses petites affectations: lepos, honos, etc. Cependant elle ne peut être de
lui: elle émane de quelqu'un qui a connu personnellement Philippe et elle se
termine par une invocation à Dieu, fils de la Mère-Vierge, qui n'a pu être
écrite que par un catholique. Au lieu d'une élégie qui nous aurait
probablement fourni un assemblage de lieux communs, il a fait mieux un peu
plus tard: une pièce en l'honneur de Pierre-Paul et de quelques-unes de ses
oeuvres. Celle-là nous apprend quelque chose.
Nous ne savons ce qu'il y a eu de vrai dans cette rumeur qui courait, selon
Baudius, d'une excursion de Rubens aux Pays-Bas. En ce moment, où le peintre
arrangeait la grande et magnifique demeure dans laquelle il passa le reste
de sa vie, où il était déjà surchargé de commandes, ce projet d'excursion
semble assez improbable.
Nous avons fait connaître antérieurement Jean Woverius, l'ami des Rubens,
dont le nom vient dans la lettre. François Sweertius était un gros négociant
d'Anvers qui cultivait en même temps les lettres avec passion et publiait de
nombreux ouvrages dont un seul, les Athenae belgicae, est plus connu que ne
le sont les autres. Paquot a donné sa notice (T. IV, p. 282).
Otto Vénius, on le sait, a été un des maîtres de Rubens. La mention de son
nom dans la lettre de Baudius est un des rares témoignages de la
continuation des bons rapports entre les deux peintres après le retour de
l'ancien élève à Anvers.
[45] TRADUCTION.DOMINIQUE BAUDIUS A PIERRE RUBENS A ANVERS.
Je me réjouis de ce qu'une occasion se soit présentée pour moi de vous écrire
par ce messager qui, dès que j'eus prononcé votre nom illustre, s'est
gracieusement engagé à remplir ce devoir. Mais autant j'éprouve du bonheur à
m'emparer de cette fonction littéraire, autant j'ai été frappé et affligé en
apprenant, à mon passage à Bruxelles, la nouvelle du départ prématuré de
votre frère pour le séjour des bienheureux. C'était un homme du plus profond
savoir, sans ambition, et parmi les disciples du grand Juste Lipse, aucun
n'avait plus abondamment profité des leçons du maître. Je ne vais pas offrir
à vos méditations les leçons des Saintes Écritures par lesquelles on ramène
à la saine raison les esprits ulcérés. Vous les connaissez d'ailleurs, très
bien, vous qui avez su joindre au génie élevé de l'art la passion des
belles-lettres et une glorieuse érudition; si ce n'est donc pas la raison,
c'est le temps, sans doute, qui aura grandement diminué déjà la violence de
l'accablement et de la tristesse. La douleur a vraiment été générale et
semblable à un deuil public elle a dû solennellement être manifestée par
tous ceux qui vénèrent le savoir, la vertu, l'honnêteté.
Mais laissons là ce qui s'est passé tout en nous en affligeant,Car la
morne plainte ne sert de rien
pour vous parler par la bouche d'Homère. Il nous reste à joindre aux regrets
de sa perte notre souvenir reconnaissant; pour ma part, je le ferai par la
parole et par la plume; j'attesterai ainsi auprès des vivants et à la
postérité combien fut cher à mon coeur votre frère, lui dont la gloire
jamais ne disparaîtra. La renommée publie tous les jours votre gloire;
Nous le croyons, ou bien, ceux qui aiment se forgent-ils des chimères?
Je ne sais quelle heureuse rumeur est venue jusqu'à nous, annonçant votre
projet de faire une excursion par ici. Vous serez le bienvenu pour tous les
admirateurs sincères du talent. Vous comblerez leurs voeux et les miens tout
d'abord, car vous avez fait pénétrer dans mon esprit comme un aiguillon de
respect et d'admiration et je n'ai pu contempler sans éprouver une sorte de
sainte extase ces chefs-d'oeuvre de votre pinceau dans lesquels vous luttez
de vérité avec la nature. Courage, à vous, l'Apelles de notre siècle! Un
Alexandre puisse-t-il reconnaître votre génie et vos mérites! Quoique notre
siècle ne soit pas si mauvais et si méprisable qu'il n'existe un grand
nombre d'hommes qui savent comprendre et rémunérer vos oeuvres excellentes.
Et moi [46] aussi, je m'efforcerai, selon la portée des
esprits modestes, de maintenir, dans ce bas monde, une position qui ne soit
pas sans honneur, et d'être un ornement pour ce Sparte où j'ai été placé par
la décision des États-Généraux. Je veillerai surtout à ce que les hommes les
plus éminents du siècle, entre lesquels vous obtenez une place d'élite,
n'aient pas à rougir ou à se repentir d'avoir contracté une amitié avec moi.
Je désire que cette lettre vous atteste mon voeu et ma résolution; je vous
demande et je vous supplie de m'accorder, comme don et bienfait suprêmes, la
faveur de votre affection. Écrit à Amsterdam dans la maison d'un parent, qui
ne vous connaît pas de vue, mais qui a pour vous un culte fondé sur votre
grande réputation.
Veuillez, je vous prie, présenter mes meilleures salutations à M. Jean
Wouwerius, un éminent lettré auquel je me flatte d'être lié à plusieurs
titres; présentez-les aussi à votre beau-père et à M. François Sweertius, un
homme qui joint l'esprit le plus agréable à une irréprochable franchise;
présentez-les enfin à tous ceux, s'il en est, qui veulent bien se souvenir
de moi. Mais je ne puis sans crime omettre Otto Vénius: il fut autrefois mon
condisciple aux études, et pour plusieurs motifs, il m'est aujourd'hui
particulièrement cher.
[45]
TRADUCTION.DOMINIQUE BAUDIUS A PIERRE RUBENS A ANVERS.Adieu, de nouveau, et veuillez prendre en bonne part le décousu de
ma lettre.
Le 4 octobre 1611.
COMMENTAIRE.
L'auteur de cette lettre est un nouveau venu dans le cercle des relations de
Rubens, et n'y sera qu'un hôte passager.
Dominique De Bauldier ou Baudier, né à Lille en 1561, de parents protestants,
fit ses premières études à Aix-la-Chapelle; il alla les achever à Leyde en
1576, puis à Genève sous Théodore de Bèze pour la théologie. Étant retourné
à Leyde, il y devint docteur en droit en 1585. Peu après, il passe en
Angleterre avec les envoyés des Pays-Bas; il revient à La Haye en 1587, où
il se fait avocat; part pour Paris, où il se fait recevoir avocat au
Parlement, en 1591, accompagne en Angleterre Christophe de Harlay,
ambassadeur du roi de Navarre Henri (IV) auprès d'Elisabeth. En 1602, il est
nommé à la chaire d'Éloquence à Leyde. En 1607, il y est professeur
d'histoire et de droit; en 1611, il est nommé Historiographe des États de
Hollande; une mort prématurée l'enlève en quelques jours, le 22 août 1613.
Nous ignorons sur quel fondement s'appuie l'assertion du Baron de St-Genois dans son article Baudius de la Biographie
nationale d'après laquelle [47] Rubens aurait peint le
portrait de Baudius qui porte comme souscription les deux vers: Vane pictor
etc. Des deux portraits de cet auteur que nous connaissons par les gravures
figurant dans ses oeuvres et qui, à vrai dire, ne sont que des variantes
d'une seule effigie, aucun ne peut être attribué avec quelque vraisemblance
à Rubens.
Baudius était encore un de ces virtuoses du latin en vers ou en prose, comme
il en pullulait en ce temps-là et qui était affligé aussi de la manie
d'adresser des épîtres ou des poèmes à tous ceux qui portaient un nom ou
occupaient un rang élevé. Vaniteux à l'excès, en même temps solliciteur et
besogneux, il distribuait les louanges aux uns du haut de sa prétentieuse
supériorité, aux autres dans l'espoir d'en retirer quelque avantage.
Rubens ne pouvait donc pas échapper aux poursuites de ce quémandeur d'amitié.
Mais la démarche de Baudius nous apporte une preuve éclatante de la haute
position que le peintre s'était acquise dans le monde des arts depuis son
arrivée au pays. Pour la première fois, nous lui voyons décerner ici le
titre d'Apelles nostri aevi qui deviendra en quelque sorte l'épithète
consacrée pour ses admirateurs. Il avait produit déjà quelques
chefs-d'oeuvre: entr'autres l'Érection de la Croix, pour l'église Ste-Walburge, présentement à Notre-Dame; il entamait
pour celle-ci la célèbre Descente de Croix.
Philippe Rubens était mort le 28 août: on pourrait s'étonner de ce que
Baudius ait attendu cinq semaines pour envoyer ses condoléances à
Pierre-Paul, mais c'est apparemment en revenant d'une excursion en France
qu'il apprit assez tard à Bruxelles le décès de Philippe. Il n'a pas, cette
fois, en passant par Anvers pour rentrer à Leyde, rendu visite au peintre;
ce n'est donc pas dans l'atelier de celui-ci qu'il a vu les oeuvres qui
l'ont enthousiasmé; il ressort du reste, de l'allure de la lettre qu'il n'a
connu antérieurement aucun des deux frères. La mort de Philippe a été pour
lui une occasion d'entrer en rapport avec Pierre-Paul: il y réussit.
Malheureusement, nous ne connaissons point la réponse qu'il reçut. Celle-ci
dut être affectueuse. Rubens, de son côté, devait ressentir de la
satisfaction d'une démarche faite par un homme qui, malgré ses défauts,
était après tout, doué d'une belle intelligence et jouissait d'un renom
mérité de poète aisé, élégant, original.
Baudius parle dans sa lettre de son intention d'exprimer par la plume ses
regrets de la perte de Philippe, ce qui doit s'entendre, sans doute, dans ce
sens qu'il écrira en l'honneur du défunt une élégie ou, comme il en avait
l'habitude, un Iambus funeralis. Nous ne savons s'il a exécuté ce projet.
Dans son Iamborum funeralium liber, il n'y en a pas au nom de Philippe. Dans
le petit recueil de pièces, en prose et en vers, écrites à la mémoire de
celui-ci, recueil annexé par Jean Brant à la suite de S. Asterii Homiliae
(T. I. p. 14), [48] il en est une signée des initiales D.
B. qui est entièrement dans le goût des Iambes funèbres de Baudius: elle est
intitulée Alloquium ad eximium virum Petrum Paullum Rubenium super obitu
fratris ejus Philippi Rubenii. On y retrouve sa prosodie, quelques-unes de
ses petites affectations: lepos, honos, etc. Cependant elle ne peut être de
lui: elle émane de quelqu'un qui a connu personnellement Philippe et elle se
termine par une invocation à Dieu, fils de la Mère-Vierge, qui n'a pu être
écrite que par un catholique. Au lieu d'une élégie qui nous aurait
probablement fourni un assemblage de lieux communs, il a fait mieux un peu
plus tard: une pièce en l'honneur de Pierre-Paul et de quelques-unes de ses
oeuvres. Celle-là nous apprend quelque chose.
Nous ne savons ce qu'il y a eu de vrai dans cette rumeur qui courait, selon
Baudius, d'une excursion de Rubens aux Pays-Bas. En ce moment, où le peintre
arrangeait la grande et magnifique demeure dans laquelle il passa le reste
de sa vie, où il était déjà surchargé de commandes, ce projet d'excursion
semble assez improbable.
Nous avons fait connaître antérieurement Jean Woverius, l'ami des Rubens,
dont le nom vient dans la lettre. François Sweertius était un gros négociant
d'Anvers qui cultivait en même temps les lettres avec passion et publiait de
nombreux ouvrages dont un seul, les Athenae belgicae, est plus connu que ne
le sont les autres. Paquot a donné sa notice (T. IV, p. 282).
Otto Vénius, on le sait, a été un des maîtres de Rubens. La mention de son
nom dans la lettre de Baudius est un des rares témoignages de la
continuation des bons rapports entre les deux peintres après le retour de
l'ancien élève à Anvers.
CXXXI P. P. RUBENS AU CARDINAL SERRA. (2 mars
1612.)
Illustrissimo Signore
Havendo inteso per l'amorevolisma sua del 4 di Febbraro,
come V. S. Illma era per rimettere quei poci denari della
Chiesa Nova, m'è parso bene levarli questo fastidio colla occasione d'un amico
mio chiamato Jacomo de Haze portator di questa presente polizza, al quale ho
dato commissione di comprarme no so che bagatelle in Roma. Perciò [49] supplico V. S. Illma sia servita
di farli pagare con commodità sua li suddetti denari senza che gli sappia niente
della Chiesa Nova, nè abbia da trattar con quelli Padri.
Mi perdoni del fastidio e mi conservi V. S. Illma
nella sua bona gracia, alla quale io humilmente baccio le mani.
D'Anversa alli 2 di Marzo 1612.
Di V. S. IllmaDevotissimo Servitore
Pietro Pauolo Rubens.
Au dos: All' illmo Signor mio colendissimo il Cardinale
Serra in Roma.
Original aux Archives de l'Église Sta Maria in Vallicella,
à Rome. — Publié dans le Journal des Beaux-Arts, 1867, n° 12. — Bulletin Rubens,
I, p. 109. Article de M. Pinchart. — Rosenberg, p. 38.
Nous avons vu qu'au moment de quitter Rome pour revenir auprès de sa mère, à
Anvers, Rubens venait de terminer les trois tableaux qu'il devait exécuter
pour la Chiesa Nuova (Voir OEuvre de Rubens, Nos 205,
442, 443). La lettre au Cardinal Serra nous fournit, quatre années après, un
dernier souvenir de ce travail, lequel, comme on sait, ne fut pas sans avoir
provoqué divers incidents.
[50] Le paiement de cette oeuvre assez considérable n'eut
pas lieu immédiatement et d'un seul coup. L'artiste doit avoir eu des
difficultés à ce sujet, bien qu'il y ait eu un prix convenu, 800 écus, et
que les Pères eussent trouvé l'oeuvre excellente. Cela ressort d'une
convention passée entre la Congrégation de l'Oratoire et Rubens, trois jours
avant son départ. Il venait, sans doute, de recevoir la lettre pressante de
son rappel. Dans cette circonstance, il a dû faire une démarche sérieuse
pour obtenir un règlement de compte. En effet, les archives de la
Congrégation contiennent cette quittance que nous traduisons:
«Le 25 octobre 1608, à Rome. Je, Pierre-Paul Rubens, ai reçu des Pères de la
Congrégation de l'Oratoire de Rome deux cents écus, à dix jules par écu, en
acompte du prix qui m'est dû pour trois tableaux que j'ai peints pour le
choeur de leur église; c'est à dire l'un pour le grand autel et les deux
autres pour les côtés du choeur. Lesquels trois tableaux doivent m'être
payés, l'un, c'est à dire celui du milieu, selon l'estimation qui en sera
faite par deux hommes probes dont chaque partie en nommera un et aussitôt
que l'estimation sera opérée, on en déduira cinquante écus dont je fais
l'abandon, et trois cents écus qui m'ont été payés par Monseigneur Serra.
Pour les deux autres tableaux, ils me seront payés, selon notre accord, deux
cents écus chacun, en trois années, à cent écus par an, et cent écus
immédiatement (1).((1) On constate entre les deux textes
publiés des différences assez notables. N'ayant pu voir les documents
nous-même, comme nous avons fait ailleurs, nous avons préféré le texte
donné par M. Pinchart, d'après une copie certifiée qui lui avait été
communiquée par M. Gachard (Bulletin Rubens, I, p. III).)
En foi de quoi j'ai écrit et souscrit de ma main la présente quittance.
Moi P. P. Rubens.
Je, Jean Marie Ferraresi, fus présent à ce qui est dessus.
Je, Jean Passini, fus présent à ce qui est dessus.
Le 18 septembre 1610 ont été payés à l'illustrissime seigneur Cardinal Serra,
cent écus pour compte de Monsieur Rubens.»
Grâces à ce premier paiement, Rubens avait du viatique pour son voyage de
retour. Les termes de la quittance sont peu claires et d'une arithmétique
douteuse. Le tableau du maître-autel fut évalué à 330 écus, le 29 décembre
1609. La somme totale due à Rubens s'élevait donc à 730 écus; il en
abandonnait 50 et en avait reçu 300, avant le 25 octobre 1608; à cette date
il en reçut encore 200 dont il donne quittance et 100 autres qu'il doit
toucher immédiatement. On ne lui reste donc plus redevable que 80 écus.
Cependant il en reçut encore 100, le 18 septembre 1610, ce qui prouve que la
convention concernant le paiement immédiat de cette dernière somme ne fut
pas observée, le 25 octobre 1608. Le solde de 80 écus fut touché par le
peintre Jacques de [51] Hase, directement des Pères de
l'Oratoire, le 31 Mars 1612, ainsi qu'il conste du reçu qui en existe écrit
sur la lettre de Rubens et dont voici la traduction: «Je, Jacques de Haze,
ci-dessus nommé, ai reçu des Pères de la Chiesa Nuova, par les mains du Père
Jules Sesaro, 80 écus pour reste et paiement entier de ce que devait avoir
M. P. P. Rubens pour les trois tableaux qu'il a exécutés pour la dite
église.
Jacques de Haze
, manu propria.»
TRADUCTION.P. P. RUBENS AU CARDINAL SERRA.
Très illustre Seigneur,
Ayant appris par votre très gracieuse lettre du 4 février que Votre
Seigneurie Illustrissime avait à me remettre cette petite somme due par la
Chiesa Nuova, il m'a paru bon de vous épargner cette peine, par cette
occasion d'un mien ami, nommé Jacques de Haze, porteur du présent billet,
auquel j'ai donné la commission de m'acheter divers menus objets à Rome. En
conséquence, je supplie Votre Seigneurie Illustrissime de vouloir bien, à
votre convenance, lui faire payer la somme susdite, sans qu'il sache rien de
la Chiesa Nuova, ni qu'il ait à traiter avec ces Pères. Que Votre Seigneurie
Illustrissime me pardonne l'ennui que je lui cause et qu'Elle me conserve
dans ses bonnes grâces. Je vous baise humblement les mains. D'Anvers, le 2
mars 1612.
COMMENTAIRE.
Nous avons vu qu'au moment de quitter Rome pour revenir auprès de sa mère, à
Anvers, Rubens venait de terminer les trois tableaux qu'il devait exécuter
pour la Chiesa Nuova (Voir OEuvre de Rubens, Nos 205,
442, 443). La lettre au Cardinal Serra nous fournit, quatre années après, un
dernier souvenir de ce travail, lequel, comme on sait, ne fut pas sans avoir
provoqué divers incidents.
[50] Le paiement de cette oeuvre assez considérable n'eut
pas lieu immédiatement et d'un seul coup. L'artiste doit avoir eu des
difficultés à ce sujet, bien qu'il y ait eu un prix convenu, 800 écus, et
que les Pères eussent trouvé l'oeuvre excellente. Cela ressort d'une
convention passée entre la Congrégation de l'Oratoire et Rubens, trois jours
avant son départ. Il venait, sans doute, de recevoir la lettre pressante de
son rappel. Dans cette circonstance, il a dû faire une démarche sérieuse
pour obtenir un règlement de compte. En effet, les archives de la
Congrégation contiennent cette quittance que nous traduisons:
«Le 25 octobre 1608, à Rome. Je, Pierre-Paul Rubens, ai reçu des Pères de la
Congrégation de l'Oratoire de Rome deux cents écus, à dix jules par écu, en
acompte du prix qui m'est dû pour trois tableaux que j'ai peints pour le
choeur de leur église; c'est à dire l'un pour le grand autel et les deux
autres pour les côtés du choeur. Lesquels trois tableaux doivent m'être
payés, l'un, c'est à dire celui du milieu, selon l'estimation qui en sera
faite par deux hommes probes dont chaque partie en nommera un et aussitôt
que l'estimation sera opérée, on en déduira cinquante écus dont je fais
l'abandon, et trois cents écus qui m'ont été payés par Monseigneur Serra.
Pour les deux autres tableaux, ils me seront payés, selon notre accord, deux
cents écus chacun, en trois années, à cent écus par an, et cent écus
immédiatement (1).((1) On constate entre les deux textes
publiés des différences assez notables. N'ayant pu voir les documents
nous-même, comme nous avons fait ailleurs, nous avons préféré le texte
donné par M. Pinchart, d'après une copie certifiée qui lui avait été
communiquée par M. Gachard (Bulletin Rubens, I, p. III).)
En foi de quoi j'ai écrit et souscrit de ma main la présente quittance.
Moi P. P. Rubens.
Je, Jean Marie Ferraresi, fus présent à ce qui est dessus.
Je, Jean Passini, fus présent à ce qui est dessus.
Le 18 septembre 1610 ont été payés à l'illustrissime seigneur Cardinal Serra,
cent écus pour compte de Monsieur Rubens.»
Grâces à ce premier paiement, Rubens avait du viatique pour son voyage de
retour. Les termes de la quittance sont peu claires et d'une arithmétique
douteuse. Le tableau du maître-autel fut évalué à 330 écus, le 29 décembre
1609. La somme totale due à Rubens s'élevait donc à 730 écus; il en
abandonnait 50 et en avait reçu 300, avant le 25 octobre 1608; à cette date
il en reçut encore 200 dont il donne quittance et 100 autres qu'il doit
toucher immédiatement. On ne lui reste donc plus redevable que 80 écus.
Cependant il en reçut encore 100, le 18 septembre 1610, ce qui prouve que la
convention concernant le paiement immédiat de cette dernière somme ne fut
pas observée, le 25 octobre 1608. Le solde de 80 écus fut touché par le
peintre Jacques de [51] Hase, directement des Pères de
l'Oratoire, le 31 Mars 1612, ainsi qu'il conste du reçu qui en existe écrit
sur la lettre de Rubens et dont voici la traduction: «Je, Jacques de Haze,
ci-dessus nommé, ai reçu des Pères de la Chiesa Nuova, par les mains du Père
Jules Sesaro, 80 écus pour reste et paiement entier de ce que devait avoir
M. P. P. Rubens pour les trois tableaux qu'il a exécutés pour la dite
église.
En foi de quoi, je fais la présente quittance.
A Rome, 31 mars 1612.
Jacques de Haze
, manu propria.»
Outre ces documents nous avons, relativement à cette affaire, deux articles
tirés des registres de la Congrégation de l'Oratoire par M. Bertolotti, qui
ne doivent pas être omis ici. L'un, à la date du 25 octobre 1608, dit que
«l'église doit donner 200 ducats payés à P. P. Rubens, peintre flamand, à
compte de ce qui lui est dû pour les peintures du choeur.» L'autre, à la
date du 1 avril 1612, porte: «A M. P. P. Rubens, et à son ordre par la
lettre écrite à l'illustrissime Cardinal Serra, datée d'Anvers, 2 mars, payé
80 écus en monnaie à M. Haze, pour reste et entier paiement des peintures de
notre église (1).»((1) A. Bertolotti. Artisti Belgi et
Ollandesi nei Secoli XVI e XVII. Firenze 1880, p. 186.)
Il semble résulter de ces pièces, pour autant qu'on les comprenne, que le
Cardinal Serra a payé une grande partie du prix de l'oeuvre, c'est à dire
300 écus, et que l'Église en a fourni 430. Rubens n'aurait reçu que, au
total, 730 écus au lieu de 800 qui était le prix convenu primitivement.
CXXXII DOMINICUS BAUDIUS
PETRO RUBENIO S. P. D. ANTVERPIAM. (11 avril 1612.)
Ne ad inania excusationum diverticula confugiam, ingenue confitebor assignandam
esse oblivioni ac negligentiae culpam tam diuturni silentii. Nam ex eo tempore,
quo a vobis discessi, ita me totum sibi vindicavit procandi occupatio, ut omnium
aliorum vitae et amicitiae officiorum fuerim oblitus. Nunc in optimae spei vado
consistunt mea vota; et propediem fore spero, ut epithalamium mihi conscribant
duo primaria Belgicae juventutis ornamenta Grotius et Heinsius, quos amore paterno [52] complector, quod et apud posteros testatum iri confido duraturis in
perpetuum monumentis. Si nos dignaveris honestare aliquo tuae artis specimine,
gratias immortales eo nomine tibi sum debiturus, et vicissim a me exsolvetur
Quicquid in arte mea possum promittere curae.
Utinam te caperet impetus hue excurrendi! Invenies non ineptos industriae tuae
aestimatores, inter quos sunt ea duo lumina quae ante commemoravi. Nec desunt
etiam qui penicilli gloria celebrantur. Michael a Mierevelt jampridem a fama
notus est, et judicio recte sentientium magnam laudem non sine lucro consequitur
exprimendis ad vivum vultibus hominum. Multique alii in his provinciis florent.
Sed ut simpliciter dicam quod sentio, non accedunt ad decus tuorum operum, si
oculos eruditos habemus, qui talia suis pretiis arbitrari possint. Non sum
factus ad assentandum, nec ea labes cadere debet in generosum pectus, sed loquor
uti sentio, non possum sine horrore contemplari monumenta tuarum manuum, quae
vivent quamdiu ars aemulatrix naturae et humanitatis genius, in terris
celebrabuntur. Sed ut coepi dicere, totus jam sum in procando, et fere ad mille
Scazontes effudi in meos amores, quibus ad vivum expressi varios affectus eorum,
qui hac amabili insania tenentur. Fortasse lucem videbunt non sine suffragatione
literatorum, nisi me communis philautia decipit. Tu qui omnia nostra favore
prono complecti soles, non aegre feres jactatiunculam, vitium agnatum
erectioribus ingeniis, praesertim generi Poëtarum, quos ideo arbitror esse sub
tutela Phoebi, qui Medicinae praeest, quod illis non sit sana mens, et quod
curatoris egere videantur. Accedit nunc eodem amor, ut si admoveatur oleum
camino, ne quid desit ad efficiendum poëtam omnibus insaniae numeris absolutum.
Negat enim princeps ingenii et doctrinae Plato quemquam absque sacro furore
Musarum unquam pepulisse fores Poëticas. Sed furor hic optandus est omnibus
quibus cor sapit, et acetum acre est in pectore, ut cum ingeniosissimo vate
gloriari possint,
Est deus in nobis, agitante calescimus illo.Impetus hic sacrae semiua mentis
habet.
Sed jam satis est ineptiarum, et tempus videtur finiendi nugacem epistolam, cum
solenni formula, ut valeas, nos ames, et strenue rem famamque augeas. Socero
totique familiae salutem meo nomine plurimam dicas. Datum Lugduni Batavorum
XI Aprilis M D C XII. [53]
In effigiem celeberrimi pictoris Petri
Rubenii et uxoris eius ab ipso expressam, cum naturae veritate
certantem.
Principis os pictoris habes cum conjuge fida,Cui par dulce jugum vix vetus
ordo tulit.AEmulus ille manu naturam exaequat et arte.Haec ipsam
formae vincit honore Cyprin.Caetera concordes, lis est haec una
duorum,Officio atque fide quis potiora ferat.
Dominici Baudii Epist. Cent. III. L. B. 1620. (Cent. III. Epist. XLVII. p. 632).
Dans d'autres éditions: Cent. III. Epist. LXXXI.
Dans Dominici Baudii Amores, publié par Pierre Scriverius, Leyde 1638, cette
lettre se rencontre à la page 29 (ou plutôt 33) et porte la date du 11 avril
1611; dans l'édition des lettres, elle se trouve parmi celles de l'année 1611
quoique là elle soit datée de 1612. C'est probablement parce qu'elle s'est
égarée dans les épitres de l'année précédente que l'éditeur des Amores l'a
classée parmi celles de 1611. Le texte de la lettre prouve clairement qu'elle
date de l'année 1612. Baudius y parle de son prochain mariage qui eut lieu vers
la fin de cette année, peu de mois par conséquent avant sa mort. Les Amores sont
un recueil de pièces en vers et en prose où l'amour et le mariage jouent le
grand rôle. Elles sont composées par différents littérateurs et n'ont, pour le
plus grand nombre, que peu ou point de rapport à Baudius. On ne voit pas trop ce
que la présente lettre et celle du 21 février 1613, toutes deux adressées à
Rubens, viennent faire dans ce recueil érotique.
TRADUCTION. DOMINIQUE BAUDIUS A PIERRE RUBENS, A
ANVERS, SALUT.
Pour ne pas me réfugier dans les inutiles détours des excuses, je vous avouerai
ingénument qu'un aussi long silence est de ma part une faute imputable à l'oubli
et à la négligence. Car depuis le temps que je vous ai quitté, je me suis occupé
de faire la cour et cela m'a tenu si entièrement que je n'ai plus songé à aucun
des autres devoirs de la vie et de l'amitié. Maintenant, j'ai la meilleure
espérance de voir s'accomplir mes voeux et je me flatte, qu'au premier jour
Grotius et Heinsius, qui sont l'honneur de la jeunesse des Pays-Bas et que
j'aime d'un amour paternel, m'écriront des épithalames lesquels, j'en ai la
confiance, seront des monuments qui en rendront un témoignage éternel auprès de
la postérité. Si vous daigniez m'honorer de quelque production de [54] votre pinceau, je vous en devrais une reconnaissance
éternelle et, à mon tour, je m'acquitterais envers vous
Par tout ce que mon art peut promettre de mieux.
Si vous étiez pris du bon mouvement de venir ici! Vous y trouveriez d'excellents
appréciateurs de votre talent, entre lesquels je compte ces deux étoiles que je
viens de nommer. Et même nous ne manquons pas de peintres dignes de réputation:
celle de Michel Mierevelt est faite depuis longtemps; de l'avis des bons
connaisseurs, ses portraits d'après nature méritent les grands éloges qu'on leur
décerne et les profits qu'ils rapportent. Plusieurs autres peintres fleurissent
dans nos provinces. Mais pour le dire franchement comme je le sens, ils
n'atteignent pas à la splendeur de vos oeuvres si mes yeux sont assez fins pour
apprécier ces choses à leur valeur. Je ne suis pas fait pour la flatterie, c'est
une souillure qui ne doit pas entacher un noble coeur, mais je dis ce que je
pense: il m'est impossible de contempler les chefs-d'oeuvre qui sortent de vos
mains sans être saisi d'admiration; ces chefs-d'oeuvre vivront aussi longtemps
que l'on glorifiera sur terre l'art rival de la nature et le génie du beau. Mais
comme je vous le disais tout à l'heure, je suis tout à mes amours pour lesquels
j'ai épanché déjà près de mille vers dans lesquels j'ai exprimé au vif les
émotions diverses de ceux qui sont pris de l'amoureuse folie. Si je ne suis pas
trompé par ce vulgaire aveuglement qu'on a pour soi-même, ce n'est point sans
obtenir les suffrages des lettrés que ces vers verront peut-être le jour. Vous
qui avez coutume de faire le meilleur accueil à tout ce qui vient de moi, vous
ne serez pas offensé de ma petite jactance, un défaut qui s'accroche aux esprits
les plus élevés, surtout s'ils sont de la race des poètes. Aussi je crois que
ceux-ci sont placés sous le patronage de Phébus qui préside à l'art de guérir,
parce qu'ils ont l'esprit malade et semblent avoir besoin d'un médecin. Puis si
l'amour vient s'y mêler, ce sera comme de l'huile jetée sur le feu, afin que
rien n'y manque pour créer un poète tout à fait atteint de folie. Platon, le
prince de la raison et de la doctrine, ne dit-il pas que jamais personne n'a pu
heurter aux portes du temple des Muses à moins d'être pris d'un saint délire?
Mais il est à souhaiter que ce délire s'empare de tous ceux qui ont la
sensibilité du coeur et la vivacité de l'esprit, afin qu'ils puissent dire
résolument avec un très spirituel poète:
Un dieu est en nous, il s'agite et nous nous enflammons.Son impulsion fait
éclore les germes du génie.
Mais en voilà assez de fadaises, il est temps, ce me semble, de clôturer cette
lettre folle, par la formule solennelle: Portez-vous bien, aimez-nous, augmentez
vaillamment votre fortune et votre renommée. Saluez de ma part votre beau-père
et toute votre famille. Leyde, 11 avril 1612.
[55] Sur le tableau représentant le très célèbre peintre
Pierre Rubens et sa femme peinte par lui-même en luttant de vérité avec la
nature.
Voici l'éminent peintre et sa compagne sûre,Heureux couple! jamais son
pareil ne s'est vu:Lui, par son art, s'est fait rival de la
nature,Elle, par sa beauté, sur Cypris a vaincu.Parfaits tous deux, un
point seul est en procédure:Qui l'emporte des deux en tendresse, en
vertu.
COMMENTAIRE.
Dans sa lettre précédente du 2 octobre 1611, Baudius ne sollicitait de Rubens
qu'une petite place dans son amitié, ici on le voit demander davantage: une
oeuvre de sa main en guise de cadeau de noces. En échange, il lui donnera... un
poème. Et déjà, à la fin de la lettre, il offre un spécimen de son talent.
Rubens a-t-il réalisé le désir du poète? Nous ne le croyons pas; mais, à coup
sûr, il en fit la promesse, comme on le verra par une autre lettre; et c'est,
sans doute, pour apostiller sa requête que Baudius écrivit en l'honneur du
peintre une assez longue pièce que nous trouvons sans date, dans le recueil de
ses poésies.
Le tableau visé par la pièce de vers imprimée à la suite de la lettre représente
Rubens et Isabelle Brant actuellement à la Pinacothèque de Munich (OEuvre de
Rubens, N° 1050).
CXXXIII DOMINIQUE BAUDIUS A RUBENS.Ad Clarissimum
et Ornatissimum Virum D. Petrum
Rubenium Principem pictorum hujus aevi.
Artis Magistrae dum stupenda contuorExempla quae sic exprimit tuus
labos,Ut ipsa se Natura vinci gestiatAb hoste tali: pectus expleri
nequit, [56] Oculisque praesens ipse vix credo
meis,Nec est semel lustrasse talia haec satis,Juvat morari, plusque
simplici vice,Plus triplicique (numerus haud capit modum)Contemplor
horrens non sine instinctu sacroMonumenta nullis sat loquenda
vocibus.Illic Ephebum raptat uncis unguibusJovis satelles et minister
fulminis.Puer pavens anhelat exanguis metu,Trepidare visus; at canes
latratibusAuras fatigant, et suum spectant herumUlulante quaestu;
nescit haec Pius pater.Heic rostro adunco vultur immanis foditJecur
Promethei, nec datur quies malis,Sic usque et usque rabidus aies
imminetFaecunda poenis appetens praecordia.Non est eo contentus
infandae dapisPastu, sed ungue laniat insuper feroHinc ora
palpitantis, hinc femur viri.Ipse involaret in necem spectantiumNi
vincla tardent; quod potest unum tamenFlammata torquens huc et illuc
lumina,Terret timentes; pectore ebullit cruor,Et parte ab omni qua
pedes signant notam,Trucesque flammas vibrat acies luminumRapidae
volucris; hanc moveri, hanc tu putesQuassare pennas; horror adstantes
habet.Parte alia Adonis et Cupidinum Parens.Sed plura non attexo,
sistamus pedem.Non est mihi vox digna tantarum decusAEquare laudum,
res voluminis foretReferre versu persequique singula.Non ista Zeuxis,
non Appelleus laborAEquavit unquam, quos ad astra laudibusEffert
vetustas; nemini concesseris,Tecumque certes absque rivalis metu. [57] Heic non movendus haeret ille Terminus,Quem
tendere ultra vix queat mortalitas.Illos celebrat fama, te coram
vident,Consentiensque publicae vocis favorLate per Orbem dissipat
nomen tuum.Plerunque mendax Graecia, et prisci PatresIn majus evexere
virtutes virûm:Nos quae tuemur aestimare possumusLivore dempto qui
nocet praesentibus.Haud semper errat vulgus, est ubi eligit,Censuque
claros censet heroas suo.Nemo universos, universi neminemDecepse sensu
deprehendentur pari.Nec Sola te pictura laudibus vehitAntiquitatis
gloria nihil minor.Sed comitatis laude cedis nemini,Sed promptus et
paratus adspiras bonis:Virtus reperta rara nostris moribusIn arte
vestra; nam frequenter id genus(Quod cum bonorum nullius dicam
probro,Namque et Poetas metior modo pari)More hoc laborat, sive morbo
verius,Nec eleganti, nec faceto, nec bono,Sed innocenti, quo Tigellium
refertFuisse tactum Flaccus arbiter Lyrae.At te subactum pectus
artibus bonis,Doctrinaque haud vulgaris, et genii lepos,Politiesque
segregat vulgo rudi.Si quid meus promittere audebit labosQuod vincat
annos, et venustatem ferat,Tu me canente dona Musarum legesForsan
probanda postumis nepotibus:Tuumque nomen Gloria et fama
auspicePerennitatis arduam sedem colet.
Dominici Baudii Poematum nova editio, Lugduni Batavorum, Ex Officina Godefridi
Basson. MD CXVI, p. 577.
[58] TRADUCTION.DOMINIQUE
BAUDIUS A RUBENS.Au très illustre et distingué Pierre Rubens, prince des
peintres de ce siècle.
Quand je contemple les produits d'un art magistral créés par ton pinceau de façon
si parfaite que la nature même se réjouit d'être vaincue par un tel rival, mon
esprit ne peut se rassasier de pareil spectacle et j'en crois à peine mes
propres yeux; il ne me suffit pas de les examiner une fois, je me sens captivé
et m'arrête pour les revoir une seconde et une troisième fois et puis encore
indéfiniment. J'admire avec des transports d'enthousiasme des oeuvres au-dessus
de tout éloge.
Dans l'une, le compagnon de Jupiter et le porteur de la foudre enlève dans ses
serres crochues un éphèbe. L'enfant, pâle d'effroi, respire à peine et tremble
visiblement. Ses chiens font retentir les airs de leurs aboiements plaintifs en
voyant leur jeune maître monter dans les airs, à l'insu de son vénérable père.
Dans une autre, un vautour féroce de son bec crochu fouille la poitrine de
Prométhée, et n'accorde aucune trève à son supplice: l'oiseau cruel dévore sans
cesse le foie toujours renaissant. Il ne se contente pas de ce repas affreux,
mais de ses ongles il déchire encore le visage et la cuisse du supplicié.
Celui-ci se lancerait sur les spectateurs, au risque de les tuer, si ses liens
ne le retenaient. Tout ce qu'il peut c'est de leur inspirer l'effroi par ses
regards enflammés. Le sang jaillit de sa poitrine et teint toute place où il
pose les pieds. Les yeux perçants de l'aigle dardent des flammes sauvages. Les
spectateurs croient le voir s'agiter et battre l'air de ses ailes, l'horreur les
saisit.
Sur un troisième tableau, on voit Adonis et la Mère des Amours. Mais je n'en
mentionnerai pas davantage et je m'arrêterai. Il me manque une voix capable de
s'élever à la hauteur de tant de mérites, il faudrait un volume pour mentionner
chaque oeuvre en particulier. Jamais Zeuxis, jamais Apelles, portés aux nues par
les anciens, n'égalèrent ces oeuvres. Personne ne l'emporte sur toi et tu
n'auras d'autre rival que toi-même.
Ici s'arrête la borne de l'art que les mortels s'efforceront en vain de reculer.
Ceux-là la Renommée les célèbre, toi nous te voyons devant nos yeux et la faveur
unanime proclame ta gloire à la face de l'Univers. Mainte fois la Grèce
mensongère et les hommes de l'antiquité ont grossi le mérite des leurs; nous
pouvons juger de ce que nous voyons en faisant taire l'Envie pernicieuse [59] aux contemporains. La multitude ne se trompe pas
toujours, il est des cas où elle fait son choix et accorde son suffrage aux
grands hommes. Personne ne soupçonnera que tous d'un commun accord se trompent,
tous n'admettront jamais que personne ne s'est trompé. La peinture seule ne te
vaut pas toutes ces louanges, ta gloire comme connaisseur de l'antiquité n'est
pas moins grande. Tu ne le cèdes à personne par ton affabilité, tu es toujours
prompt et prêt à tendre au bien. Ta vertu est chose rare parmi ceux de ton art.
Car, sans vouloir médire des bons et jugeant de la même manière les poètes, la
race des peintres est atteinte de ce travers, ou plutôt de cette maladie, ni
élégante, ni aimable, ni bonne, mais innocente dont Tigellius était affligé,
comme le déclare Horace, l'arbitre de la poésie. Mais toi, dont l'affection est
vouée aux beaux-arts et à la science, ton esprit charmant et cultivé te sépare
de la multitude grossière. Si mon travail pouvait produire une oeuvre vainqueur
des années et douée de quelque grâce, mes vers, confirmés peut-être par la
postérité te feront recueillir les dons des Muses et protégé par la Gloire et
par la Renommée, ton nom conquerra l'immortalité.
[58]
TRADUCTION.DOMINIQUE
BAUDIUS A RUBENS.Au très illustre et distingué Pierre Rubens, prince des
peintres de ce siècle.
COMMENTAIRE.
En écrivant cette pièce de vers Baudius tient la promesse faite dans la lettre
précédente. Son épître porte visiblement le cachet d'une flagornerie intéressée;
mais elle prouve, même en tenant compte des exagérations voulues du
versificateur, à quel haut degré la renommée de Rubens s'était élevée en peu de
temps.
Les trois tableaux que Baudius mentionne sont le Prométhée enchaîné sur le mont
Caucase (OEuvre de Rubens, n° 671, tome III, p. 152 et tome V, p. 340),
actuellement au Musée d'Oldenbourg; un Ganymède enlevé par l'aigle de Jupiter et
une Vénus et Adonis. Nous ne saurions déterminer exactement quelles
représentations de ces deux derniers sujets sont visées. Le Ganymède que nous
connaissons par une gravure de Henriquez et par une répétition au Musée de Dijon
(OEuvre de Rubens, 612) ne correspond qu'imparfaitement à la description de
Baudius et sa mention de Vénus et Adonis est trop vague pour pouvoir nous
permettre de l'appliquer à un des nombreux tableaux connus qui portent ce titre
(OEuvre de Rubens, 690 à 695). Il est assez probable que le poète vit en
Hollande les peintures dont il parle; malheureusement, il ne nous dit pas chez
quel propriétaire ni dans quelle circonstance.
Ilustrissimo Señor.
Los del Magistrado de esta ciudad han recebido mucha honra con la presencia de
Vuestra Señoria Ilustrissima, que Dios guarda por muchos
años, y le de muy buen viaje y llegada a España,
suplicando la, en todas occasiones que se offrecieren, tenga esta ciudad por
encomendada, laqual al presente està muy descayda, con esperança que con favor
de la Sacra Catolica Maiestad de España, por la mano de Vuestra
Señoria Ilustrissima, podrà ser ayudada, estimando mucho la buena
volontad que ha muestrado de ser aficionado d'accudir a ello; los del Magistrado
por en parte reconoscer la obligacion que tienen, han determinado de presentar a
Vuestra Señoria Ilustrissima la pintura de «Los Reyes» que està en la
casa della villa, el mayor presente y mas raro que tienen, suplicando la de los
hazer el favor de recevirla en memoria d'esta ciudad, non considerando el valor
mas la buena volontad con que la presentan.
RESPUESTA DEL SEÑOR CONDE DE OLIVA.
Mucha obligacion tengo a esta ciudad, mi patria, y lugar de mi nascimiento,
que ha tanto honrado, de que tiendrè memoria por hazer la relacion al Rey, mi
Señor; holgaria de poder tener occasion por hazer algun favor a ella
y a todos del Magistrado, los engratiando del presente de la pintura que me dan,
laqual estimo mucho, y la pondrè en mi mayorasgo, assegurando los que harè todo
lo que puedo por ellos y por la ciudad, para favorescerla en todo lo que se
offreciere.´
Ces deux documents sont extraits du manuscrit intitulé: Harangues et bienvenues
des Pensionaires de la Ville d'Anvers faictes aux Ducs, Comtes, etc. de 1562 à
1618. Ms. conservé aux Archives d'Anvers. — Publiés dans le Bulletin des
Archives d'Anvers, VI. 352. — Genard. P. P. Rubens. Aanteekeningen, etc.
Antwerpen 1877, p. 396.
[61] TRADUCTION.LE
PENSIONNAIRE JOSSE DE WEERDT A DON RODRIGO CALDERON, COMTE DE OLIVA.
[61]
TRADUCTION.LE
PENSIONNAIRE JOSSE DE WEERDT A DON RODRIGO CALDERON, COMTE DE OLIVA.Très illustre Seigneur.
Les Membres du Magistrat de cette ville ont reçu grand honneur de la présence de
Votre Seigneurie Illustrissime à laquelle Dieu veuille accorder de longues
années, ainsi qu'un heureux voyage et arrivée en Espagne. Ils La supplient de
vouloir bien en toutes les occasions qui se présenteraient, prêter son
assistance à cette ville à présent fort déchue; ils espèrent qu'avec la grâce de
Sa Majesté Catholique et par l'appui de Votre Seigneurie Illustrissime, elle
recevra du secours. Tenant en haute estime la bonne volonté qu'Elle a montrée de
se dévouer à cette protection, et dans le but de reconnaître en partie
l'obligation qu'ils ont contractée, les membres du Magistrat ont résolu de
présenter à Votre Seigneurie Illustrissime le tableau «des trois Rois» qui se
trouve à l'Hôtel-de-Ville: c'est le présent le plus considérable et le plus rare
qu'ils ont à offrir; ils La supplient de leur faire la faveur de l'accepter en
souvenir de cette ville, et de considérer, non la valeur de l'oeuvre, mais la
bonne volonté de ceux qui la présentent.
RÉPONSE DU SEIGNEUR COMTE D'OLIVA.
J'ai une grande obligation envers cette ville, ma patrie et le lieu de ma
naissance, envers cette ville qui m'a reçu avec tant d'honneur. J'en garderai
mémoire afin d'en faire la relation au Roi, mon maître; je serais heureux
d'avoir l'occasion d'obtenir quelque faveur pour elle et pour les membres du
Magistrat. Je remercie ceux-ci du présent qu'ils me font d'un tableau que
j'apprécie beaucoup et que je vais placer au siège de mon majorat. Et je donne
au Magistrat l'assurance qu'en toute occasion je ferai pour lui et pour la
ville, tout ce qu'il me sera possible de faire à leur avantage.
COMMENTAIRE.
Rédigée par Josse de Weerdt, pensionnaire de la Ville, qui avait en cette qualité
la charge de formuler les harangues, lettres de bienvenue et d'adieu adressées
aux grands personnages, la première des pièces que nous venons de donner, se
rapporte à un petit événement local dans lequel un tableau de Rubens intervient
avec éclat.
[62] Depuis la fermeture de l'Escaut, la décadence du
commerce s'accentuait de plus en plus: la ville cherchait à l'arrêter par tous
les moyens, surtout par l'obtention de faveurs fiscales, douanières ou autres.
Une occasion vint à se présenter de solliciter avec succès une de ces faveurs.
Un haut et puissant seigneur, envoyé extraordinaire du roi d'Espagne Philippe
III aux Pays-Bas, Don Rodrigo Calderon, comte d'Oliva, se rendit de Bruxelles à
Anvers, le 28 août 1612. Ce personnage dont la destinée fut si tragique, était
né à Anvers, de don Francisco Calderon, capitaine dans le régiment du fameux
colonel Mondragon, et de Maria de Aranda (1).((1) Des
auteurs disent qu'il était un aventurier, fils de Francesco Calderon et
d'une fille flamande ou allemande, Maro Sandelin, que son père épousa
depuis. Ils sont dans l'erreur. C'est son bis-aïeul maternel, Don Louis de
Aranda, qui avait épousé une Maria Sandelin. Une fille de ceux-ci, Maria,
épousa Rodrigo Calderon, qui fut le père de Francesco. Celui-ci épousa sa
cousine germaine, nommée aussi Maria de Aranda.) Rentré en Espagne
avec son père, nommé capitaine des hallebardiers espagnols et allemands de la
garde du roi, don Rodrigo devint un des secrétaires et le favori du duc de Lerme
qui l'attacha comme secrétaire à la chambre du roi, le nomma comte d'Oliva,
«alguazil mayor» de Valladolid et le combla d'honneurs et de biens. De Lerme, on
le sait, dominait le faible et indolent Philippe III; à son tour, Calderon
dominait de Lerme (2).((2) La Fuente. Historia de
España. XV.) Il était au comble de la puissance quand, en
1612, le roi le chargea d'une mission diplomatique auprès des Archiducs. Ceux-ci
le reçurent avec les plus grands honneurs.
Lorsqu'il vint à Anvers, sans doute pour revoir la ville qui fut son berceau, le
Magistrat lui fit adresser une «bienvenue» avec l'espoir que Sa Seigneurie,
«voyant le présent estat de la ville, pour considérations et respects
particuliers et selon la naturelle inclination qu'un chascun porte à sa patrie,
aura icelle, ses affaires et tous inhabitans pour recommandez.» A quoi
l'ambassadeur répondit que, né dans cette ville, il saisira toutes les occasions
de la favoriser.
Pendant son séjour, il fit de grandes libéralités à des églises (3)((3) A la seule église de St Georges il
donna 1500 florins.), à des couvents, aux pauvres et il promit au
Magistrat d'employer tout le crédit dont il jouissait auprès de Sa Majesté, afin
d'obtenir en faveur de la ville le droit d'étape pour les épices et autres
marchandises venant d'Espagne. Désirant témoigner sa reconnaissance pour cette
heureuse promesse, le Magistrat, par délibération du 31 août et du 1er septembre, résolut d'offrir à l'ambassadeur le grand
tableau des Trois Rois ou de l'Adoration des Mages, par Rubens, tableau qui
ornait la Salle des États, à l'Hôtel-de-Ville.
Ce tableau avait été commandé à l'artiste au commencement de l'année [63] 1610, sur la proposition de Rockox: c'était le premier
qu'il avait exécuté pour la ville et c'était un chef-d'oeuvre. Le magistrat
pouvait dire à bon droit dans sa lettre au Comte que «c'est le plus grand et le
plus rare des présents qu'il pouvait offrir.» D'après la réponse du comte, on
voit que le cadeau fut reçu avec empressement.
On peut s'étonner de ce que le Pensionnaire, dans son allocution, ne prononce
point le nom du peintre. Cette mention nous paraît superflue. Il est infiniment
probable que le tableau avait été vu, admiré, convoité même par le comte,
pendant sa visite à l'Hôtel-de-Ville, où peut-être il avait été accompagné de
Rubens lui-même, car l'ambassadeur et l'artiste devaient s'être rencontrés à
Ventosilla, lorsque Rubens était l'hôte du Duc de Lerme. Pour que
l'administration communale ait consenti à se dessaisir d'une oeuvre qui venait
d'être exécutée pour la décoration de l'Hôtel-de-Ville, il faut qu'il y ait eu
une raison déterminante toute particulière. Ce qui le fait conjecturer encore,
c'est que dans la délibération qui eut lieu au sujet de l'offre, deux corps de
métier votèrent contre la proposition; mais la majorité passa outre. La
personnalité de l'artiste nous semble avoir été, dans cette circonstance, d'un
poids décisif. Le favori du duc de Lerme devait désirer une oeuvre de l'auteur
du portrait équestre de son maître.
L'ambassadeur emporta le tableau en Espagne. Pendant son absence, de vigoureuses
intrigues avaient été ourdies contre lui: on essaya de miner son autorité, on
n'y réussit point. Le roi, toujours fasciné, lui conféra au retour le titre de
Marquis de Siete Iglesias, et augmenta ainsi sa puissance et son prestige. Mais
peu d'années après, l'opposition qui s'acharnait contre le duc de Lerme et
Calderon parvint à triompher. En 1618, tous deux tombèrent en disgrâce. Calderon
fut accusé de divers crimes imaginaires et mis en prison. A l'avènement de
Philippe IV, en 1621, Olivarès, le futur grand ministre, qui commençait à
s'élever, exerça cruellement sa vengeance contre le malheureux Comte d'Oliva; il
le fit juger, soumettre à la torture et exécuter. Calderon mourut avec le plus
grand courage, le 21 octobre 1621.
On vendit ses biens, le roi fit acquérir le tableau de Rubens. Celui-ci se trouve
aujourd'hui au Musée de Madrid. Lors de son second voyage en Espagne, Rubens le
retoucha et l'élargit (Voir OEuvre de Rubens N° 157).
Rogatus sum a communi amico, et unico artis tuae admiratore, Bartholomaeo Ferrerio, ut filium suum, qui feliciter pro captu aetatis ad penicilli gloriam adspirat, humanitati tuae commendarem. Nolo promiscuis commissionibus obsolefieri gratiam quam apud te mihi esse pateris; itaque hactenus morem gessi desiderio patris, et antiqui sodalis, ut me internuncio, scires ipsum beneficio immortali devinctum iri, si cum Francisco Snyders egeris, ut adolescentulum non tantum †† adsciscere dignetur, ut assiduam magistro operam navare possit. Non parcet parens ulli sumptui, et infinitum se debere utrique confitebitur. Quum haec scribebam, eram occupatissimus, alias occuratiores erimus. Elogia Ciceroniana soceri tui, viri ad genium humanitatis facti, magna cum voluptate et utilitate legi, praesertim epistolam quae tota Tullianae dictionis indolem spirat. Opinor jam te ex fama audiisse, me choro maritorum iterum esse adscriptum. Contigit uxor prorsus ex animi mei sententia, imo (sed penes te pereat hoc horribile arcanum) supra votum. Feriis Augustalibus, si potestas data erit, ad vos cum Junone excurram, ut serio te admoneam promissi, quod ego in praecipua census mei parte deputo. Nam bona nomina non appellando fiunt mala.
Bene vale, et festinationi ignosce.
Datum Lugduni Batavorum
IX Kal. Martias M DC XIII.
Dominici Baudii Epistol. Centuriae tres. Lugd. Bat. 1620. (Cent. III. ep. 69 p.
682.) Dans d'autres éditions: Cent. IV. Epist. 3. Dans les Dominici Baudii
Amores, p. 106.
TRADUCTION.DOMINIQUE BAUDIUS A PIERRE RUBENS A
ANVERS.
Un de nos amis communs, admirateur insigne de votre talent, Barthélemi Ferrier,
me demande de recommander à votre bienveillance son fils qui aspire avec
l'heureuse ardeur de son âge à se faire un nom dans la peinture. Je ne veux
point par de banales commissions déprécier l'influence que vous me permettez
d'avoir auprès de vous; donc je me rends aux désirs d'un père, un [65] ancien camarade, mais seulement pour que vous sachiez
par mon intermédiaire qu'il vous serait éternellement obligé si vous lui rendiez
le service d'agir auprès de François Snyders, afin qu'il veuille bien accepter
le jeune homme, non seulement pour élève, mais encore pour commensal, pour qu'il
puisse être à l'oeuvre avec assiduité auprès de son maître. Le père n'épargnera
aucune dépense et il sera infiniment reconnaissant envers vous deux. J'étais
très occupé en écrivant ces lignes, une autre fois j'y mettrai plus de soin.
J'ai lu avec grand plaisir et grande utilité les Elogia Ciceroniana de votre
beau-père; c'est un homme doué du goût des bonnes lettres; j'aime surtout
l'épître dédicatoire laquelle tout entière respire le parfum du style
cicéronien. La renommée doit déjà vous avoir appris, je pense, que je suis entré
de nouveau dans la corporation des maris. J'ai trouvé une femme réalisant
absolument mes voeux et même les dépassant; mais que cette horrible confidence
meure auprès de vous! Aux vacances d'Août, si on me le permet, je vous arrive
avec ma Junon, afin de vous rappeler une promesse qui me procurera la meilleure
part de mon avoir. Car si l'on ne remue pas les bons débiteurs, ils deviennent
mauvais.
Portez-vous bien et pardonnez-moi ma précipitation.
Leyde, 21 février 1613.
COMMENTAIRE.
Nous n'avons pu découvrir s'il a été donné suite à la demande d'admission du
jeune Ferrier, chez François Snyders: ce nom ne figure pas dans les Liggeren ou
Registres de la Corporation de St Luc d'Anvers et nous ne
connaissons point de peintre hollandais de ce nom.
Dans la notice de Jean Brant que nous avons donnée plus haut, il a été parlé des
Elogia Ciceroniana Romanorum, publiés par le beau-père de Rubens, l'année
précédente. L'épitre dédicatoire, admirée par Baudius, est adressée à Pierre
Pecquius, en date du 1r avril 1612.
La deuxième union conjugale de Baudius et le bonheur dont il se vante ne furent
pas de longue durée: sept mois après, le 22 août 1613, au moment même où,
d'après cette lettre, il se proposait de venir à Anvers, l'infortuné poète
mourait à Leyde. Sa santé, minée par les excès et des désagréments qu'il éprouva
de la part des curateurs de l'Université, hâtèrent sa fin.
La promesse dont il est question dans la lettre et dont il se propose de venir
demander le paiement, est, sans aucun doute, relative à une oeuvre de Rubens que
celui-ci se serait engagé à donner en cadeau après la lettre de Baudius du 11
avril 1612 et la pièce de vers en l'honneur du peintre. La promesse est tombée
caduque par la mort de Baudius. Il s'agissait probablement d'un [66] portrait du professeur et de sa nouvelle femme. Le voyage d'Anvers
aurait mis le peintre à même d'exécuter cette oeuvre.
Le cadeau si vivement attendu aurait été, dit Baudius, «la meilleure part de son
avoir». Cette phrase que l'on pourrait prendre pour une fleur de rhétorique, ne
l'était pas dans l'intention de celui qui l'écrivait. Aussi besoigneux que
vaniteux, il avait la manie de se plaindre sans cesse de sa pauvreté, qui
n'était que la suite de ses désordres, essayant ainsi d'insinuer que l'on ne
reconnaissait pas suffisamment sa supériorité littéraire. Ses éloges poétiques
adressées à de hauts personnages étaient souvent dictés par l'espoir d'obtenir
des rémunérations sonnantes: s'il eut obtenu de Rubens quelque toile en cadeau,
il est plus que probable qu'elle aurait bientôt servi à désintéresser quelque
créancier et l'on comprend un peu que le peintre, connaissant le personnage, ne
se soit pas empressé de le satisfaire en ce point.
CXXXVI JEAN MORETUS A JEAN HASREY.
(10 mars
1614.)
Aen Sr Jan Hasrey te Madrid.
Het Brevier in f° sal alleen met coperen figuren wesen, die daer toe nieuw van
Peter Rubbenio hebbe doen inventeren ende teekenen, ende sullen desghelycks in
het korte ghesneden wesen
In Antwerpen, den 10en Martii
1614.
Archives du Musée Plantin-Moretus, à Anvers, Registre XIII, p. 217.
TRADUCTION.JEAN MORETUS A JEAN HASREY.
Au Sieur Jean Hasrey a Madrid.
Le Bréviaire in-folio sera uniquement orné de figures sur cuivre, que j'ai fait
expressément composer et dessiner par Pierre Rubens et qui sous peu seront
gravées
A Anvers, le 10 mars 1614.
[67] COMMENTAIRE.
En 1614, les frères Balthasar et Jean Moretus firent paraître une édition
in-folio du Breviarium Romanum ex decreto Sacrosancti Concilii Tridentini
restitutum (1).((1) Max Rooses. OEuvre de Rubens Nos 1250-1262.) Outre le frontispice, Rubens
dessina pour cette édition dix planches que Corneille Galle grava sur cuivre.
Rubens avait été chargé de ce travail en 1612 et reçut, entre 1613 et 1616, 132
florins pour ces dessins et pour ceux du Missel. Les planches de ce dernier
livre étaient les mêmes que celles du Bréviaire, excepté l'une d'elles, le
David, qui ne parut que dans ce dernier ouvrage. Rubens dessina spécialement
pour le Missel une vignette la Cène, un encadrement l'Arbre de Jessé et une
planche le Calvaire. En tout, il avait donc dessiné 14 planches. Les 11 planches
du Bréviaire lui furent payées à raison de 12 florins la pièce.
Jean Hasrey, ou Hertsrey, à qui la présente lettre est adressée, était un
libraire flamand établi à Madrid. Il était en relations fort suivies avec Jean
Moretus, de 1613 à 1615, et débita de grandes quantités de livres liturgiques
fournies par l'imprimerie plantinienne. Le 22 octobre 1615, Jean Moretus écrit à
son successeur, Corneille Martens, une lettre dans laquelle il exprime ses
regrets de la mort de Jean Hasrey qu'il venait d'apprendre.
[67]
COMMENTAIRE.
CXXXVII JEAN
VAN DEN WOUWER A MORETUS. (17 mars
1614.)
Doctissime et Amicissime Domine.
Iterum fores tuas pulso, iterum molestus sum. Vitam B. Simonis Valentini, ut
nuper indicavi, aliquot exemplaribus tantum, et meo omnino sumptu a te excudi
velim. Si importunus sum, ignosce, amicus sum, sane ex animo. Quem adfectum
serio scribo, nisi ††mihi eripiet. Nunc dedicatoriam ad te
mitto, ut examines diligenter, et libere admodum judicium tuum perscribas.
Imago, quam nuper te comitante, Gallaeo tradideram, in manibus elegantissimi Rubenii nostri nunc est; inde
spero ornatiori cultu et artificiosa magis positura exibit, ut cum [68] spectabili quoque arte in aes incidatur.
Salve, et me quod facis, semper ama.Ex animo tuus
Jo: Woverius.
Sans date.
Adresse: Ornatissimo Doctissimoque DnoD. Balthasari
Moreto Antverpiae.
Archives du Musée Plantin-Moretus. Lettres reçues T-Z, p. 479.
TRADUCTION.JEAN VAN DEN WOUWER A BALTHASAR
MORETUS.
Cher Ami,
Je viens de nouveau frapper à votre porte et vous importuner. Je voudrais que
vous imprimiez, comme je vous ai dit naguère, à mes frais exclusivement et en
petit nombre d'exemplaires seulement, la Vie du bienheureux Simon de Valence. Si
ma demande vient mal à propos, pardonnez-le moi comme à un bon ami dont
l'affection, je vous le dis sérieusement, ne s'éteindra qu'avec la vie. Pour le
moment, je vous envoie la dédicace pour que vous l'examiniez attentivement et
m'en fassiez connaître librement votre opinion. Le portrait que dernièrement
j'ai remis en votre présence à Corneille Galle se trouve maintenant entre les
mains de notre ami Rubens, l'artiste exquis, dont il sortira, j'en suis sûr,
plus élégamment orné et dans une pose plus artistique pour être gravé sur cuivre
avec un art insigne.
Je vous salue et vous prie de m'aimer toujours comme vous
faites.Cordialement
Jean Woverius.
COMMENTAIRE.
Cette lettre se rapporte à la publication de l'opuscule: Vita B. Simonis
Valentini Sacerdotis á Joanne Woverio Antverp. descripta. Antverpiae, ex
Officina Plantiniana. Apud Viduam et filios Jo. Moreti. M. DC. XIV. In-8°. Le
livre renferme un portrait du Saint entouré d'un encadrement de style rubénien.
Dans un cartouche, sous le portrait, on lit: Viva imago B. Simonis Sacerdotis
|| [ID00085]
[ID00086] [69] Valentini vixit sanctissime Ann.
XXXIII esse mortalis desiit VII. Kal. Maia M. D. CXII. Nul doute que cette
planche ne fût gravée par Galle d'après le dessin de Rubens. Le volume fut tiré
à 500 exemplaires. La gravure est mentionnée par Voorhelm Schneevoogt p. 110, n°
143.
Woverius avait la déplorable habitude de ne pas dater ses lettres. Nous ne savons
donc pas au juste quand celle-ci fut rédigée. Son livre fut approuvé le 17 mars
1614; c'est à cette date que nous avons classé son billet à Moretus, certain
qu'il fut écrit à peu de distance de ce jour.
Ben si deve ricordar secondo l'estrema bontà della sua memoria el arciducca d'haver veduto duoi anni fà un dissegno colorito fatto di mia mano per servicio della tavola colle porte del altar maggior del duomo di Gandt, ad instanza del Riverendmo Masio vescovo di quella città che sia in gloria, il quale haveva destinato di fare questa opera con ogni magnificenza possibile, come senza altro sarebbe riuscita la più grande i bella che mai si facesse in questi paesi, se la morte non l'havesse prevenuto per la quale ben che il capitolo havesse il tutto approvato, ogni cosa restò sospesa, et io havendomi affaticato molto nel fare el apparato di tutta l'opera tanto per l'ornamento di marmo quanto per la pittura, restai senza ricompensa alcuna, pascendomi di speranza che monsigr vescovo al presente dovesse insieme colla dignita succeder anco in questa impresa, ma m'ingannai molto, poi chegli si è lasciato di perverso consiglio persuader senza pur veder una volta li mei dissegni di (1)((1) En marge: Non ha però fatto ancora alcun patto o concesso con li scultori sin adesso, ne fatto alcuna provisione de marmi.) far laltar maggiore d'una maniera scioccissima senza pittura di sorte alcuna, ma solo con una statua di S. Bavone et un recinto de marmo con alcune colonne et un ripositorio di dietro l'altare per il Santissimo Sacramento, che non ostante la Pittura anco secondo il mio dissegno, ci doveva essere, insieme con la base sopra l'altare per riponere le reliquiè. I quello ch'importa questo monsigr vescovo ha destinato di [70] spendervi la medesima somma de dinari che havrebbe fatto il suo antecessore, di maniera che mi dispiacce in estremo che una cosi bella impresa sen irà à monte, non già per l'interesso mio particolare, che poco importa, mà per la perdita del ornamento publico di quella città, se non e che S. A. Serema, per laffettion grandissima che ha dimostrato sempre di portar a l'arte della Pittura et a me in particolare, come anco per accrescere la bellezza di quella chiesa principale dalle cui intrate si farà questa spesa, dico che S. A. voglia risolversi di far saper al vescovo di Gandt di haver visto questo dissegno mio, et che li pareva buono et che S. S. Rma farià bene di tenersi à quello ò almeno vederlo una volta prima di pigliar altra rissolutione. Io certo resterei obligatissimo quanto dir si possa à l'amorevolezza di S. Altezza Serma se volesse favorirmi di una letterina a monsigr vescovo di Gandt di un tal tenore come si e detto, assicurandola chio non sono mosso di quel utile che mi risultarebbe di quell' opra (1)((1) En marge: Poi chè sono al presente più cargato d'opere grandisime che non fossi giamai, delle quali penso di portarne alcune à Brusselles per mostrar a S. A. quando saranno finite poi chè si fanno in tela.) ma solo per che posso dir in conscienza di cristiano, quel dissegno di Gandt esser la più bella cosa che facessi giamai in vita. I perciò m'induce il zelo di condurlo ad effetto, ad usar con S. Altezza forse termini troppo importuni.
Che prego il Sigr Idio conservi con buona salute.
D'Anversa, alle 19 de Marzo 1614.
Di S. A. SmaDevotissimo Servitore
Pietro Paulo Rubens.
(En note de la main d'un secrétaire:)Escrire une lettre au Révérme de Gand de la part de S. A., qu'il veuille faire venir
le tableau d'aultel par ce suppliant peint à la réquisition et par charge de fut
Révérme évesque Maes, afin de le faire parachever, et
la prendre si avant qu'il puisse luy estre désireux ou à son église.
Original aux Archives du Royaume à Bruxelles. Correspondance historique A° 1614,
f° 20, dans les Archives de l'Audience N° 628. — Publiée par Al. Pinchart dans
Archives des Arts, Sciences et Lettres, Gand 1863. Tome II, p. 168. — Rosenberg.
Rubensbriefe, p. 39. — Traduction dans Michiels. Rubens et l'École d'Anvers,
1877. p. 278.
[71] TRADUCTION.RUBENS A
L'ARCHIDUC ALBERT.
Grâce à sa mémoire extrêmement heureuse, l'archiduc doit parfaitement se rappeler
d'avoir vu, il y a deux ans, un dessin colorié fait de ma main, servant
d'esquisse du tableau avec volets destiné au maître-autel de la cathédrale de
Gand, dessin que j'avais fait à la prière du révérendissime évèque de cette
ville, Mgr Maes, que Dieu reçoive en sa gloire. Ce prélat
avait résolu de faire exécuter cette oeuvre avec toute la magnificence possible,
et certainement, s'il n'avait été prévenu par la mort, l'oeuvre aurait été la
plus grande et la plus belle qui jamais eût été produite en ce pays. Et
cependant, quoique le chapitre eût approuvé le tout, toutes choses restèrent en
suspens. Je me suis donné beaucoup de peine pour dresser le projet de tout le
travail, tant pour la construction en marbre que pour la peinture et je reste
sans aucun dédommagement, me nourrissant de l'espoir que Monseigneur l'évêque
actuel en acceptant la succession de la dignité aurait accepté aussi celle de
cette entreprise. Mais je me suis grandement trompé: écoutant de mauvais
conseils et se refusant à regarder mes dessins même une seule fois, il s'est
laissé persuader d'élever un maître-autel des plus déraisonnables, sans tableau
d'aucune sorte, avec la seule statue de St Bavon dans une
niche de marbre avec quelques colonnes et, derrière l'autel pour le très Saint
Sacrement, un reposoir lequel, d'après mon dessin, devait, malgré l'existence
d'un tableau, se trouver sur l'autel avec son soubassement pour y loger les
reliques (1).((1) En marge: Cependant il n'a fait jusqu'à
présent encore aucune convention ou arrangement avec des sculpteurs, ni
aucun achat de marbres.)
Et ce qui est important à dire c'est que Monseigneur l'Évêque a résolu de
dépenser pour cet objet la même somme que voulait y consacrer son prédécesseur:
de sorte qu'à voir une entreprise aussi belle s'en aller à rien, je suis pris
d'un regret extrême, non pas à cause de mon intérêt particulier lequel importe
peu, mais à cause de la perte que la ville va faire de ce grand ornement, à
moins que S. A. Sérénissime, mue par la très grande affection qu'Elle a toujours
montré de porter à l'art de la peinture et à moi en particulier, et désireuse
aussi d'augmenter la splendeur de cette cathédrale dont les revenus doivent
servir à payer la dépense, à moins que S. A., dis-je, ne veuille se résoudre à
faire savoir à l'évêque de Gand que S. A. a vu mon dessin, qu'il l'a trouvé bon,
et que Sa Seigneurie Révérendissime ferait bien de s'en tenir à ce dessin ou, du
moins, d'y jeter un seul coup d'oeil avant de prendre une [72] autre résolution. Pour moi, je ne puis assez dire combien je serais
obligé pour la bienveillance envers S. A. S. si elle daignait me favoriser d'une
petite lettre conçue dans le sens qui vient d'être dit et adressée à Monseigneur
de Gand. Je donne à S. A. l'assurance que je n'ai nullement en vue le profit qui
résulterait pour moi de cet ouvrage (1)((1) En marge: Car
pour le moment je suis chargé d'oeuvres très importantes plus que je ne l'ai
jamais été. Je pense d'en apporter quelques-unes à Bruxelles, quand elles
seront terminées, pour les faire voir à S. A. car se sont des tableaux sur
toile.), mais je puis le dire avec ma conscience de chrétien, ce
dessin de Gand est la plus belle chose que j'aie conçue de ma vie.
[71]
TRADUCTION.RUBENS A
L'ARCHIDUC ALBERT.Aussi dans le vif désir que j'ai de le conduire à sa réalisation, j'ai
été porté peut-être à user de termes empreints de trop d'importunité à
l'égard de S. A. que je prie le Seigneur Dieu de conserver en bonne santé.
D'Anvers, le 19 mars 1614.
De S. A. SérénissimeLe très dévoué Serviteur
Pierre-Paul Rubens.
COMMENTAIRE.
L'omission des formules d'étiquette et la rédaction générale de cette pièce nous
la font considérer, non comme une lettre adressée directement à l'Archiduc
Albert, mais comme un mémoire destiné à être mis sous les yeux du prince par
quelque haut fonctionnaire.
Selon le texte de la pièce, l'archiduc Albert avait vu en 1612 un dessin colorié
fait de la main du peintre et devant servir d'esquisse au tableau de St Bavon qui se trouve actuellement à la cathédrale de Gand
(OEuvre de Rubens, N° 396). Par dessin colorié, il faudra bien entendre «panneau
peint» et en effet, telle est l'esquisse où le sujet est traité en triptyque et
qui nous a été conservée et se trouve à la National Gallery de Londres (OEuvre
de Rubens, N° 396bis).
L'évêque Charles Maes, qui avait fait la commande du retable à Rubens, naquit à
Bruxelles en 1559. Il fut nommé doyen de la cathédrale d'Anvers le 10 mai 1590,
puis grand aumônier des archiducs Albert et Isabelle. Le 24 juin 1607, il fut
sacré évêque d'Ypres; le 5 novembre 1610, il prit possession du siège épiscopal
de Gand. Il mourut le 21 mai 1612. C'est donc entre ces deux dernières dates que
Rubens fit l'esquisse dont parle sa lettre. Au défunt évêque de Gand succéda
François-Henri Yan der Burch, né à Gand le 26 juillet 1567; successivement
chanoine de la cathédrale d'Arras et archidiacre de [73] l'archevêché de Malines, il se démit de cette dernière charge et fut pendant
trois ans simple chanoine de Sainte-Waudru à Mons. Au bout de ce temps,
l'archiduc lui fit accepter le siège épiscopal de Gand. Sa nomination fut
confirmée par le pape Paul V, le
premier octobre 1612. En 1616, il fut appelé à l'archevêché de Cambrai, à la
tête duquel il resta jusqu'à sa mort arrivée le 23 mai 1644.
Ce fut lui qui, préférant voir figurer au maître-autel de la cathédrale de Gand
la statue du patron Saint Bavon, ne donna pas suite au projet de son
prédécesseur, ce qui froissa Rubens au point de lui faire écrire la présente
supplique. L'archiduc intervint en faveur de son peintre; nous ne connaissons
pas la lettre qu'il adressa à l'évêque, mais sur l'original de la missive de
Rubens, nous lisons l'annotation reproduite déjà plus haut: «Escrire une lettre
au Révérendissime de Gand de la part de Son Altèze, qu'il veuille faire venir le
tableau d'autel par ce suppliant peint à la réquisition et par charge de fut
[feu] Révérendissime évesque Maes, afin de le faire parachever et la prendre si
avant qu'il puisse luy estre désireux ou à son église.» Cette note, qui laisse à
désirer quant à la clarté, parle d'un «tableau peint, » mais il ressort de la
lettre de Rubens qu'en 1614 il n'en avait fait que l'esquisse. L'intervention de
l'archiduc n'eut pas plus de succès que les réclamations que, sans aucun doute,
Rubens n'aura pas épargnées à l'évêque. En 1615, celui-ci fit construire, par
Robert de Noie d'Anvers, l'autel en marbre au milieu duquel s'élevait la statue
de St Bavon. Au moment où l'évêque Van der Burch quitta
Gand pour aller occuper le siège de Cambrai, l'autel n'était pas terminé et son
successeur l'évêque Jacques Boonen, introduisit de notables modifications dans
le plan primitif de Robert de Nole. Au lieu d'un Saint Bavon, les sculpteurs
anversois Robert et Jean de Nole entreprirent de fournir un Christ ressuscitant
en marbre blanc, de six pieds de haut, une Vierge, de quatre pieds et demi, un
Saint Bavon, un Saint Amand d'albâtre blanc et deux anges. Le Christ devait
orner le retable, le Saint Bavon et le Saint Amand devaient se trouver sur les
deux côtés de l'autel, la Vierge et les deux anges devaient couronner l'oeuvre.
Ce travail n'était pas terminé que l'évêque Boonen quitta Gand pour aller occuper
le siège archiépiscopal de Malines. Antoine Triest lui succéda en 1622. Il
ordonna une nouvelle modification de l'autel. Le tableau de Saint Bavon, peint
par Rubens, occupa le milieu de l'autel et la statue du même Saint fut placé au
sommet. Ainsi Rubens reçut enfin la satisfaction longtemps attendue. Cependant,
au lieu du triptyque primitivement projeté, il ne peignit qu'un simple retable.
Celui-ci ne conserva point la place que le peintre lui avait assignée. De 1702 à
1719, le sculpteur anversois Pierre Verbruggen construisit [74] un nouveau maître-autel pour l'église de Saint-Bavon où l'oeuvre de
Rubens ne trouvait plus de place. L'infortuné tableau fut accroché dans une
chapelle du pourtour du choeur; enlevé par les commissaires de la république
française, déposé en 1815 au Musée de Gand, il fut rendu à l'église en 1825 et
promené depuis lors d'une chapelle à l'autre, toutes également mal disposées
pour le faire valoir. Gâtée par les restaurateurs, déshonorée par la place où on
l'a reléguée, cette oeuvre dont Rubens eut une si haute idée avant de l'avoir
terminée subit, comme on voit, toute espèce de vicissitudes et d'avanies.
Remarquons encore qu'il ressort de la présente lettre que Rubens avait dressé le
plan de l'autel où devait figurer son tableau de Saint Bavon. On peut déduire de
ce fait isolé qu'en mainte autre circonstance il fournissait des dessins ou
donnait des indications pour la construction des autels destinés à recevoir ses
retables.
CXXXIX JUSTUS RYCQUIUS V. CL. PETRO-PAULLO RUBENIO
ANTVERPIAM. (28 août 1614.)
Jamdudum ad te scripturio V. C. sed per negotia et occupationes tarde (quod
cogitaveram) persolvo. Urgebat quidem me recenter, juvenis hujus, cognati mei,
Stadii (quem tibi commendatum esse cupiebam) voluntas, praeclara certe erga
praeclaros viros: te praesertim summum effectissimae artis magistrum, summa.
Illum si cognosceret, imo si cum religione aliqua, tanquam ad Numen introiret
nonnunquam, satis se beatum putabat. Obstabat tamen ingenitus illi pudor, et
verecunda contatio, quam perrumpere fortasse non suae frontis fuisset.
Praesidium itaque et confidentiam a meis litteris petivit, quas ideo Stadio meo
non negavi, ut quia posse me aliquid apud Rubenium opinaretur, vel falsa quadam
persuasione fidentior ad te veniret. Quanquam apud istam Humanitatem nemo est
quin aliquid possit, nisi qui malus aut inhumanus sit: aut quem Gratiae omnes et
Virtutes prorsus e contubernio suo ejecerint. Talis nec iste est placidis
moribus, proba fide, †† summa, prorsus ut credam, sub
magnis magistris, magnum aliquando et †† futurum. Quod
petebam itaque jam non peto, tua Benignitas ultro dabit: [75] non ut in penitius Amicitiae conclave juvenem hunc admittas (quo neque vota
ipsius aspirare audeant) sed ut primo saltim velo nomen ejus accenseas. Rubenium
vidisse, salutasse, parce fruitum esse, in felicitate ille ponet maxima, et ego
consanguineo nomine, tabulis jam nunc meis acceptum consigno.
V. C. Socerum tuum amicè salutatum cupio.
Gandavi, V
Kal. Septemb. CIƆ. IƆC. XIV.
Justi Rycquii Epistolarum centuria nova. Epistola 94, p. 261. Louvain,
Jean-Christophe Flavius, 1615.
TRADUCTION.JUSTUS RYCQUIUS A PIERRE-PAUL RUBENS.
Depuis longtemps j'avais envie de vous écrire, mais les affaires et les
occupations m'ont empêché de donner suite à mon projet. Tout récemment, je fus
sollicité de le faire par le jeune Stadius, mon parent, que je voulais vous
recommander et qui désire vivement connaître les hommes distingués et désire
par-dessus tout apprendre à vous connaître, vous le plus grand des maîtres dans
l'art le plus délicat. Vous connaître, pénétrer dans votre maison comme dans le
temple de quelque divinité serait pour lui un grand bonheur. Mais il est retenu
par une timidité naturelle, par une hésitation modeste, que peut-être il
n'aurait pas été en état de surmonter. Il demanda donc à mes lettres un appui et
la confiance nécessaire, que je n'ai pas voulu refuser à mon cher Stadius. Il se
figure que j'ai quelque pouvoir sur Rubens et quand même cette idée serait
fausse, elle lui donnera plus d'assurance en se présentant chez vous. On ne
saurait rien refuser à sa politesse, à moins d'être méchant ou impoli, ou bien
d'être banni à tout jamais de leur société par les Grâces et les Vertus. Tel
n'est pas mon jeune parent; il est de moeurs douces, de grande probité, d'un
amour extrême pour l'étude; je m'imagine même que, sous de grands maîtres, il
deviendra lui-même grand et érudit. Ce que je demandais et ce que votre
bienveillance m'accordera volontairement sans que je le demande, ce n'est pas
que vous accueilliez le jeune homme dans votre intimité, faveur à laquelle
lui-même d'ailleurs n'oserait aspirer, mais que du moins vous lui accordiez
l'accès à votre antichambre. Voir Rubens, le saluer, jouir de son entretien,
voilà ce qu'il regardera comme un suprême bonheur et moi-même je consigne déjà
sur mes tablettes cette faveur accordée à mon parent comme reçue par moi-même.
Veuillez saluer amicalement votre beau-père.
Gand, le 28 août 1614.
[76] COMMENTAIRE.
Lettre intéressante parce qu'elle atteste une fois de plus combien rapidement la
réputation de Rubens avait grandi, non seulement dans son entourage immédiat,
mais dans le pays entier. Ce jeune Stadius qui ne l'aborde que comme un génie
surnaturel, peint bien la profonde admiration que ses premières oeuvres
produites en Flandre avaient inspirée pour leur auteur.
Justus Rycquius ou Josse de Rycke était un latiniste, cultivant la poésie et
l'archéologie comme la plupart de ses confrères. Il naquit à Gand, le 16 mai
1587; sa mère était la fille de Jean Stadius, mathématicien célèbre. Il étudia à
Gand et à Douai et fit, en 1606, le voyage d'Italie; il s'arrêta pendant
plusieurs années à Rome où il fut bibliothécaire du comte Louis Sarego. Il en
partit en 1611, mais s'arrêta pendant l'hiver de 1611-1612 à Milan, où il fut
attaché à la bibliothèque du cardinal Borromée. Le 21 mai 1612, il est de retour
à Gand. Bientôt après, il se rend à Furnes où il séjourna aussi en 1613. En
1614, il retourne à Gand qu'il quitte bientôt pour s'établir à Louvain. Il y
embrassa l'état ecclésiastique et fut pourvu d'un canonicat à Gand. En 1624, il
retourna à Rome et fut nommé par le pape Urbain VIII professeur d'éloquence à
Bologne. Il mourut dans cette dernière ville, le 8 décembre 1627. Il est à peu
près certain qu'il a connu Pierre-Paul Rubens en Italie et que leurs relations
nouées à Rome, se sont continuées après la rentrée de Rycquius en Flandre,
quoique nous n'en possédions que la seule preuve fournie par la présente lettre.
Le jeune Stadius doit être un cousin germain de Rycquius, fils d'un frère de sa
mère, qui n'a pas laissé de trace dans l'histoire.
[76]
COMMENTAIRE.
CXL JEAN BREUGHEL DE VELOURS A ERCOLE BIANCHI. (24
décembre 1614.)
Il Rubens rende a V S li suoi
bacçiamani duplicati, et augura à V S un felicissimo novel anno, con esterminio
delle sue liti con ogni buon successo; et si maraviglia non poco della divina
memoria di V S, che si ricorda così puntualmente d'ogni minutezza circa quel
remedio per la vertigine. Il quale adoprerà con buona impressione venendo di tal
mano
d'Anversa alli 24 di Xcembre 1614.
[77] Original à l'Ambrosiana de Milan. Publié par Giovanni
Crivelli dans Giovanni Brueghel pittor fiammingo o sue lettere e quadretti
esistenti presso l'Ambrosiana. Milano 1868, p. 219.
TRADUCTION.JEAN BREUGHEL DE VELOURS A ERCOLE
BIANCHI.
Rubens vous rend doublement votre salut et vous souhaite une heureuse nouvelle
année, ainsi qu'une bonne issue de vos procès. Il s'étonne grandement de votre
mémoire surhumaine qui vous permet de vous rappeler aussi ponctuellement ce
remède contre le vertige. Il l'emploiera avec pleine confiance venant de si
bonne main
Anvers, le 24 décembre 1614.
COMMENTAIRE.
Jean Breughel de Velours, en revenant de Rome pour retourner en son pays, passa
par Milan au mois d'aoùt 1595; il y fut accueilli avec beaucoup de bienveillance
par l'archevêque, le cardinal Frédéric de Borromée, qui l'admit comme son
peintre domestique et qui, le 30 mai 1596, au retour du peintre dans sa patrie,
lui remit des lettres de recommandation pour l'évêque d'Anvers. Le 12 septembre
1596, il était rentré à Anvers. Quatre semaines plus tard, il envoya au cardinal
une petite oeuvre de sa main en signe de reconnaissance. En 1597, il paraît lui
avoir encore fait parvenir deux de ses tableautins; mais de cette année jusqu'en
1605, on ne trouve pas de traces de relations entre l'artiste et son protecteur
milanais. En 1605, il lui envoya un petit tableau et depuis lors jusqu'à sa
mort, arrivée en 1625, leurs relations ne furent plus interrompues. Breughel
exécuta de nombreuses peintures pour le cardinal et pour Ercole Bianchi, amateur
d'art à Milan et intermédiaire dévoué entre l'artiste anversois et l'archevêque.
Durant les mêmes 21 années, Breughel fut en correspondance suivie avec ses deux
protecteurs. La Bibliothèque Ambroisienne conserve une partie des tableaux
exécutées pour Frédéric de Borromée et les lettres que Jean Breughel écrivit au
Cardinal et à Bianchi. Ces documents fort intéressants ont été publiés par
Giovanni Crivelli et forment une épisode assez singulière dans la vie de
Pierre-Paul Rubens.
En effet, ce dernier, à partir du 7 octobre 1610 jusqu'en 1622, servit
ordinairement de secrétaire à Breughel, qui n'écrivait qu'un italien de
fantaisie. Le contenu de ces lettres en général ne présente guère d'intérêt pour
la vie de Rubens; nous nous contenterons d'en extraire ce qui se rapporte
directement [78] à son histoire et d'indiquer ici les
dates auxquelles elles furent écrites. Ces dates sont les suivantes: en 1610, le
7 octobre; en 1612, le 22 novembre; en 1613, le 25 janvier, le 19 et un autre
jour du mois d'avril, le 9 août; en 1614, le 31 octobre et le 24 décembre; en
1615, le 13 février; en 1616, le 13 mars, le 13 mai, le 17 août, le 9 décembre;
en 1617, le 3 février; en 1618, le 15 juin, le 12 octobre, le 6 novembre; en
1619, le 15 mars, le 10 mai, le 31 mai, le 6 décembre; en 1620, le 7 février, le
4 juin, le 26 novembre; en 1622, le 7 mai, le 8 juillet, le 23 septembre.
La première de ces lettres écrites par Rubens dans laquelle il est question de
lui-même, est celle du 24 décembre 1614 adressée à Ercole Bianchi que l'on vient
de lire.
CXLI BALTHASAR MORETUS
PHILIPPO DE PERALTA SOC. JESU.
TOLETUM. (9 avril 1615.)
De pretiis Officii Toletani, Breviariorum in-4° 2 tomis, Diurnalium in-24°,
aliisque, jam binis meis litteris abunde et candide perscripsi: quae frustra
nunc repetam. Si conditiones placuerint, libenter prae aliis (qui noster est
erga R. V. et universam Societatem vestram cultus) serviemus. Tantum de tot
librorum compactura excusari rogamus, cujus minor Antverpiae est commoditas. Quod ad minores
characteres, quos Officio Toletano cudendo suggesseram, fateor parum attritos
videri in Officio B. Mariae: at refundi possent, ut eum quem in Sacris Bibliis
anno M. DC. III in-folio excusis nitorem repraesentent. Si vero R. V. amicus
alibi operas conduxerit, quae viliori pretio ipsi operentur, minime invidemus:
imo libentes, qui undiquaque cudendis libris satis superque obruimur, ad alios
typographos remittimus; eos maxime, qui pretii magis vilitatem quam operis
praestantiam attendunt. Atque ea in re elegantiorem aliquem pictorem imitamur
(qualem Antverpiae Rubenium
habemus) qui imperitum artis aestimatorem, ad rudem, et proinde minoris pretii
artificem, a se ablegat: neque enim ipsi desunt elegantissimae suae picturae,
etsi alias carioris, emptores
Antverpiae in Officina
Plantiniana, IX Aprilis M. DC. XV.
[79] Archives du Plantin-Moretus à Anvers. — La minute de la
main de Balth. Moretus, dans le registre des lettres latines de 1607 à 1615, p.
249.
TRADUCTION.BALTHASAR MORETUS A PHILIPPE DE
PERALTA DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS, A TOLÈDE.
Dans deux de mes lettres, je vous ai déjà largement et exactement renseigné sur
le prix de l'Office de Tolède, des Bréviaires in-4° en deux volumes, des
Diurnaux in-24° et de plusieurs autres livres. Inutile de répéter ce que je vous
disais alors. Si ces conditions vous plaisent, nous vous servirons avant tous
les autres, à cause du grand respect que nous ressentons envers vous et envers
toute votre Société. Mais nous vous prions de nous décharger de la reliure d'un
si grand nombre de livres, Anvers n'offrant pas beaucoup de ressources pour
faire ce travail. Quant aux petits caractères que je vous conseillai d'employer
pour imprimer l'Office de Tolède, j'avoue qu'ils paraissent quelque peu usés
dans l'Office de la Vierge; mais ils pourraient être refondus, de manière à
reprendre l'éclat qu'ils ont dans la Bible in-folio de 1603. Mais si l'ami de
votre Révérence se trouve ailleurs à la tête d'un atelier qui fournit le travail
à moindre prix, nous ne lui en voudrons pas, puisque de tous côtés on nous
accable tellement de livres à imprimer, que nous sommes obligés de les renvoyer
à d'autres typographes, ce que nous faisons tout d'abord pour ceux qui regardent
plutôt au bon marché qu'à la perfection du travail. Nous imitons en ceci un
peintre distingué, comme nous en avons un à Anvers dans la personne de Rubens.
Il renvoie les amateurs d'art peu compétents à un artiste moins habile et
conséquemment moins cher; lui-même ne manque pas d'acheteurs pour ses peintures
excellentes, mais plus coûteuses
Anvers, de l'imprimerie plantinienne, le 9 avril 1615.
COMMENTAIRE.
Le père Philippe de Peralta était l'intermédiaire ordinaire entre la Société de
Jésus en Espagne et l'imprimerie plantinienne. Les comptes que l'Officine
anversoise lui fait sont à l'adresse tantôt de Tolède tantôt de Madrid. Les
fournitures se composent de grandes quantités de livres liturgiques destinés aux
pères de la Compagnie et probablement encore à d'autres ecclésiastiques ou à des
laïcs. Les détails typographiques que renferme la partie de la lettre [80] citée et la fin que nous supprimons sont sans
importance pour nous. Le seul passage à noter est celui ou Balthasar Moretus
cite Rubens comme l'exemple d'un artiste surchargé de besogne. La lettre date de
1615, elle confirme que dès lors le grand artiste était fort recherché et ne
pouvait pas suffire aux commandes. Elle est importante parce qu'elle émane d'un
de ses amis intimes. A propos de la première lettre de cet ouvrage, nous avons
fait connaître en peu de mots le vie de Balthasar Moretus. Il avait été le
condisciple de Pierre-Paul à l'école latine, et leurs relations, interrompues
par l'absence de ce dernier, reprirent immédiatement après son retour.
Le père de Balthasar étant mort en 1610, Rubens fut chargé de peindre l'épitaphe
qui se trouve encore à la Cathédrale d'Anvers; dans la suite, il exécuta pour
son ami de nombreux tableaux que nous trouvons énumérés dans les livres de
comptes et dans les inventaires du Musée Plantin-Moretus et dont une partie
appartiennent encore à cette maison. Entre le 17 mars 1613 et le 2 mai 1616, il
peignit dix portraits: Christophe Plantin, Jean Moretus, Juste Lipse, Platon,
Sénèque, Léon X, Laurent de Médicis, Pic de la Mirandole, Alphonse, roi
d'Arragon, et Matthias Corvinus, roi de Hongrie. Entre 1630 et 1636, il peignit
encore sept portraits: Pierre Pantinus, Arias Montanus, Abraham Ortelius,
Jacques Moretus, Jeanne Rivière, Martine Plantin et Adrienne Gras. Ces dix-sept
portraits, commandés par Balthasar Moretus, servirent à l'ornement de son salon,
où ils formèrent une frise au-dessus de la boiserie. Tous se trouvent encore
dans le musée Plantin-Moretus à l'exception de ceux de Platon et de Sénèque.
Deux autres qui ne sont pas mentionnés dans les comptes de la maison se trouvent
encore dans le même musée, ce sont ceux du pape Nicolas V et de Cosme de
Médicis, faisant évidemment partie de la même série. Vers 1630, Rubens peignit
pour compte de Balthasar Moretus le Martyre de St Just,
destiné à l'autel de l'église des Annonciades, actuellement au Musée de
Bordeaux. Les autres tableaux mentionnés dans le compte de Rubens avec Balthasar
Moretus sont: la Madone avec l'Enfant, St Joseph, St Gaspar, St Melchior et St Balthasar, une Tête du Christ et une Tête de la Vierge,
une marque d'imprimerie pour Jean Van Meurs.
Dans l'inventaire dressé le 31 décembre 1658 par le neveu de Balthasar, qui lui
succéda dans la direction et portait le même nom, nous trouvons encore
mentionné: l'Adoration des Rois, pièce de cheminée, la Chasse aux Lions, Joseph
et Marie, le Christ, Marie et treize Apôtres; ces 18 derniers tableaux étaient
des copies d'après Rubens.
Bien plus nombreux furent les dessins faits par le peintre pour son ami. Il était
encore en Italie quand il envoya six dessins destinés à être gravés comme
illustrations du livre de son frère Philippe, Electorum libri II, qui parut [81] en 1608. Philippe en exprima sa reconnaissance dans la
phrase que nous avons citée dans le premier volume de cet ouvrage p. 241:
«Discupio enim aliquod hic exstare amoris et grati in ipsum animi monimentum,
qui tum artifici manu, tum acri certoque judicio non parum in Electis me juvit
(1).((1) Philippus Rubenius. Electorum libri II, p.
122.) » Successivement, il dessina pour les publications de Balthasar
Moretus le frontispice et six vignettes pour Francisci Aguilonii Opticorum libri
sex, 1613; le frontispice et dix planches pour le Bréviaire de 1614, les trois
planches pour le Missel que nous avons mentionnées plus haut (p. 67); le
portrait de son frère Philippe pour S. Asterii Homiliae, 1615; le portrait de
Juste Lipse, une tête de Sénèque et Sénèque mourant pour les OEuvres de Sénèque
de 1615; le frontispice de Jacobus Bosius, Crux triumphans et Gloriosa, le
frontispice de Leonardus Lessius, de Justitia et Jure, tous deux de 1617; le
frontispice de Augustinus Torniellus, Annales Sacri et de Thomas a Jesu, de
Contemplatione divina, tous deux de 1620; deux frontispices pour Franciscus
Haraeus, Annales ducum seu principum Brabantiae et le frontispice de Augustini
Mascardi Sylvarum libri IV, 1622; le frontispice de Franciscus Longus, Summa
Conciliorum omnium, 1623; celui de Hermannus Hugo, Obsidio Bredana, 1626; le
portrait de Leonardus Lessius pour ses Opuscula, 1626; celui de Joannes van
Havre pour son Arx Virtutis, 1627; le frontispice de Balthasar Corderius, Catena
Sexaginta quinque Graecorum Patrum in S. Lucam, 1628; les armes de l'empereur
Ferdinand III pour Catena Patrum Graecorum in S. Johannem du même auteur, 1630;
le frontispice de Ludovici Blosii Opera et de Mathiae Casimiri Sarbievii
Lyricorum libri IV, tous deux de 1632; le frontispice des OEuvres de Hubert
Goltzius qui fut dessiné en 1632, mais ne parut que douze ans plus tard; le
portrait du pape Urbain III, les frontispices de Urbani VIII poemata, Opera S.
Dionysii Areopagitae, Bernardi Bauhusii et Balduini Cabbillavi epigrammata,
Jacobi Bidermanni Heroum Epistolae, Epigrammata, Herodias, la Peinture de Son
Altesse, Silvester a Petra-sancta de Symbolis heroicis, auxquels il faut encore
ajouter une vignette réprésentant les armoiries du Cardinal François de
Dietrichstain sur le titre du second volume des Opera S. Dionysii Areopagitae,
le tout datant de 1634; le frontispice de Benedictus Haeftenus, Regia Via
Crucis, 1635; celui des OEuvres de Juste Lipse et deux marques plantiniennes
pour le même ouvrage, 1637; en 1638, le frontispice du Legatus de Frederic
Marselaer, qui ne parut qu'en 1666. A partir de 1638, Rubens ne dessine plus
lui-même les frontispices des publications de Balth. Moretus. Son élève Érasme
Quellin le remplace, mais se laisse guider par les conseils de son maître.
Rubens achetait ses livres chez le grand imprimeur et lui vendit, en [82] novembre 1630, les exemplaires et les cuivres gravés
des oeuvres de Hubert Goltzius, rééditées par Jacques de Bie, dont il s'était
rendu acquéreur sept ans auparavant. Bien souvent le nom de Rubens est mentionné
dans les lettres de Balthasar Moretus et toujours comme celui d'un ami de la
maison. Leur amitié dura plus d'un demi-siècle; elle était fondée sur les
qualités qu'ils avaient en commun et sur le vif intérêt que tous deux portaient
aux oeuvres de l'esprit et aux événements politiques de leur temps (1).((1) Max Rooses. P. P. Rubens en Balthasar Moretus. Antwerpen,
Wed. de Backer, 1884. (Extrait du Bulletin Rubens, tomes I et
II).)
CXLII GULIELMO CAMDENO
FRANC. SWEERTIUS S. D. (1 juin 1616.)
Si quid recte curatum velis, mihi mandes velim. Habes in hac charta complicata
variantes lectiones a P. Heriberto Roswey transcriptas; item epistolium ad me P.
Andreae Schotti. Spero erunt quaedam, quae tuo servient palato. Quid noster
Colius? Vivitne adhuc? Jam seculum est, quod nihil ab eo viderim literarum. Est
apud nos Rubenius celeberrimus
pictor, toto orbe notus, et bene doctus; audivit apud vos extare libellum, cui
titulus Icon Animorum, quem videre desiderat: certe beabis me et illum uno
exemplari.
Vale et plurimum salve, ab eo qui te amat medullitus.
In
Gallia omnia pacata. Antverpiae. M DC XVI. Kal.
Junii.
Imprimé dans V. Cl. Gulielmi Camdeni et illustrium virorum Epistolae. Londini,
Impensis Richardi Chiswelli, 1691, p. 165.
TRADUCTION.FRANÇOIS SWEERTS A GUILLAUME CAMDEN.
Si vous voulez que l'on prenne soin d'une de vos commissions, veuillez m'en
charger. Vous trouverez dans ce pli les variantes transcrites par le père
Heribert Rosweyde, ainsi qu'un billet du père André Schot adressé à moi. [83] J'espère que ce seront là des choses qui vous feront
plaisir. Comment se porte notre ami Cools? Vit-il encore? Il y a un siècle que
je n'ai plus reçu de lettre de lui. Nous avons ici un peintre très célèbre du
nom de Rubens, connu dans le monde entier et réellement érudit. Il a appris que
l'on trouve chez vous un petit livre intitulé Jcon Animorum, qu'il désirerait
voir. Vous me feriez plaisir autant qu'à lui en m'en procurant un exemplaire.
Portez-vous bien et agréez les salutations de quelqu'un qui vous
aime de tout coeur.
En France rien ne trouble plus la paix.
Anvers, le 1 juin 1616.
COMMENTAIRE.
François Sweerts, l'auteur du billet précédent, dont nous avons déjà rencontré le
nom, était grand connaisseur d'antiquités; il écrivit sur l'histoire de la
Belgique, recueillit des inscriptions funéraires dans le pays et à l'étranger et
publia sur tous ces sujets divers ouvrages. Il naquit à Anvers en 1567, il y
mourut en 1629. De l'épître que l'on vient de lire, il ressort qu'il était lié
avec Rubens par l'amitié et par le goût commun des études sur les monuments de
l'art antique. Il était en relation épistolaire avec l'historien anglais
Guillaume Camden à qui il envoya, à diverses reprises, des livres qui venaient
de paraître sur le continent et pour lequel il achetait des tableaux. Camden
recherchait en ce moment les variantes et les commentaires sur l'Itinerarium
Antonini se rapportant à l'Angleterre. Cet ouvrage avait été publié par André
Schot (1)((1) Itinerarium Antonini Aug. et burdigalense;
quorum hoc nunc primum est editum illud ad mss. codd. et impressos
comparatum, emendatum et H. Suritae comment. explicatum (edente Andrea
Schott). Coloniae-Agripp. 1600, in-8°.); Heribertus Rosweyde en
possédait un manuscrit qu'il avait collationné avec deux autres (2).((2) G. Camdeni Epistolae. Epist. CXIX.) Ce sont les
variantes, fruits de ces collations, que François Sweerts envoie à Camden et le
billet d'André Schot se rapporte sans aucun doute au même livre. André Schot et
Heribert Rosweyde étaient deux savants jésuites habitant Anvers à cette époque.
Schot, naquit dans cette ville en 1552, étudia à Louvain et à Paris, fut nommé
professeur de littérature grecque à l'Université de Salamanque et entra dans
l'ordre des Jésuites en 1586. Il fut nommé professeur d'éloquence à Rome dans le
Collège de son ordre et retourna plus tard à Anvers où, jusqu'à sa mort, qui
arriva en 1629, il enseigna le grec. Il commenta et publia maint auteur
classique grec et latin, et traita, dans d'autres ouvrages, de la religion, de
la morale et de l'archéologie. Heribertus Rosweyde est le célèbre hagiographe,
fondateur de l'oeuvre des [84] Bollandistes. Il naquit à
Utrecht en 1569, entra dans l'ordre des Jésuites, enseigna les lettres sacrées à
Douai et à Anvers, et mourut dans cette dernière ville en 1629.
Jacques Colius (Cools) était fils de Jacques Cools, anversois, établi à Londres
qui, en secondes noces, avait épousé Elisabeth, la soeur d'Abraham Ortelius, le
grand géographe. Le père avait embrassé le protestantisme et le fils appartenait
à la même religion, ce qui ne l'empêcha pas d'entretenir les meilleures
relations avec des catholiques fort distingués d'Anvers. Il naquit le 31
décembre 1563, lorsque fort probablement ses parents habitaient encore Anvers.
En 1574, ils sont établis à Londres et leur fils y habite avec eux. Parvenu à
l'âge d'homme, il fut fabricant de soieries, état que probablement son père
exerça également. Il cultiva en même temps les lettres et l'archéologie et
publia plusieurs ouvrages en latin et en flamand. Le 14 juillet 1594, il épousa
Marie Theeus; le 16 décembre 1606, en secondes noces, Louise, fille de Mathieu
de Lobel, le célèbre médecin de la reine d'Angleterre. Il fut enterré le 14 mai
1628. Ses relations de parenté avec Ortelius et son mérite personnel, qui le
rendirent le digne neveu de son oncle, lui firent décerner le nom de Colius
Ortelianus. Ce fut lui qui recueillit et légua à l'église réformée hollandaise à
Londres la correspondance du grand géographe, correspondance qui, dans ces
dernières années, fut publiée par J. H. Hessels.
L'Icon Animorum que Rubens désire consulter est le livre de John Barclay qui
venait de paraître l'année précédente à Londres (1).((1) Jo.
Barclaii Icon Animorum. Londini apud Jo. Billium, 1615, in-8°.) Il en
parut une traduction française à Paris chez Jean Petit-Pas, en 1625, sous le
titre Le Tableau des Esprits de M. Jean Barclay. Par lequel on cognoist les
humeurs des Nations, leurs advantages et défaux, les inclinations des hommes,
tant à cause de leurs propres naturels que des conditions de leurs charges.
C'est une étude des qualités et des défauts caractéristiques dans les diverses
nations, les divers tempéraments et les différentes conditions. Nous en
transcrivons quelques lignes pour faire connaître le genre de l'ouvrage qui
avait excité la curiosité de Rubens et qui réellement présentait de l'intérêt
pour l'artiste.
L'auteur peint le caractère des Français (page 62).
«Nuls d'entre les humains n'ont une disposition mieux faicte en une gentillesse
virile, et une contenance asseurée de visage résolu: des mouvemens et des gestes
qui rendent tout le corps agréable et ceste grâce sert d'ornement à la vertu des
grands personnages, et de fard et comme de rempart naturel aux esprits foibles,
pour cacher ou desguiser leur bassesse. Ainsi agréablement composez, quelques
vestemens qu'ils choisissent dans le nombre infiny de leurs [85] changemens, comme dans un magazin inespuisable, et en quelque sorte
d'artifice, qu'ils portent le corps pour saluer, rien ne semble plus propre que
cette façon-là. Les nations voisines surprises d'un erreur ridicule pensent
approcher de cette façon, par l'imitation diverses des habits, pour ce qu'elles
ne sçavent pas que tout est bien séant à quelques-uns à cause de leur grâce et
belle disposition, mais que l'imitation de ceste gentilesse se rend ridicule et
moquable en eux, ausquels la nature a dénié ceste grâce et addresse de se
diversifier. Car les vertus et les vices, et tous les autres mouvemens qui sont
cachez, dans les replis et les cabinets de l'âme, peuvent estre déguisez sans
beaucoup de peine, d'autant que nos affections sont refermées dans des cachettes
si profondes, qu'il est presqu'impossible de descouvrir si elles sont vrayes ou
passagères. Ainsi l'on feindra facillement l'humilité, la hayne, et la piété:
mais l'on ne peut, contre le gré de nature, transférer à soy l'image de ce qui
prend sa perfection, non tant de l'ordonnance de l'Esprit, que de l'usage et
obéissance extérieure du corps: comme est la disposition du corps, agréable par
une grâce propre et bien séante, la facilité de gausser gayement, et sur tout
une éloquence laquelle ne sort du fond de l'estomach, ains qui naist sur le bord
des lèvres. Or ces choses estant en leur perfection entre les François, l'on
perdra sa peine à les vouloir imiter, si le naturel n'y porte de son gré.»
CXLIII TOBY
MATTHEW A SIR DUDLEY
CARLETON. (9 octobre
1616.)
May it please your Lp.
I was lately at Antwerpe to take leave of
my Lady of Pembrooke, who departed thence towardes England on the third of this
moneth. Mr
Gage and I dealt wth
Rubens, for the peece of
huntinge accordinge to your Lps Commission; savinge that
betweene my receavinge of your Lps former letter, wch was at Lovaine, and
my goinge to Antwerp, I had not the chaine of diamondes in my hand, for I had
left it here in Brussells, so as Reubens sawe it not. But that
importeth not much, for the very lowest price, to wch wth much adoe Mr. Gage could drawe him, was fowerscore
poundes sterlinge; wch he said not expressely he would
take, [86] but I thincke he will. Wee tell him of a
chaine, and described it the best we could; but those thinges worke not upon
him, and he will not meddle with it but so farre forth as by the estimation of
gouldsmithes and jewellers, it shall rise to his price. What it shall wante, he
will expecte to be punctually made up in money; and I must tell your Lp I meete wth noebodie of any
condition, who will geve much above fifty poundes for the chaine. There have not
yet beene stirringe any other chaines of diamondes, for wch I might exchaunge yours; so as it may please your Lp to commaunde what I shall doe, whether I shall sell the chaine as highe
as I can und make good the reste to Reubens for his picture; or whether I shall
expecte yet a little longer, to see if I can finde for my Ladie, a chaine of
diamondes wch she will like better; or els (without
medlinge either with the picture or the exchaunge) whether I shall embrace the
firste good commodity of sendinge the chaine to her handes
Your Lps humble and most affectionate servaunte,
Tobie Matthew.
Brusselles, this 9th of October 1616.
Original au Public Record Office à Londres. Foreign State Papers. Holland III.
Publié dans le IXe volume Catalogue raisonné of the Works
of the most eminent Dutch, Flemish and French Painters, de John Smith, p. 234-5.
— Item, par Noel Sainsbury. Original unpublished papers illustrative of the life
of Sir Peter Paul Rubens, as an artist and a diplomatist, preserved in H. M.
State paper office. London, Bradbury & Evans, n° III, p. 14.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
Je fus dernièrement à Anvers pour prendre congé de Lady Pembroke qui est partie
de là pour l'Angleterre, le 3 de ce mois. Mr Gage et moi
nous avons traité avec Rubens pour le tableau de la chasse, suivant la
commission reçue de Votre Seigneurie; hormis que, dans l'intervalle entre la
réception de votre première lettre à Louvain et mon excursion à Anvers, je
n'avais pas la chaîne de diamants sous la main, car elle était restée ici à
Bruxelles; de sorte que [87] Rubens ne l'a pas vue. Mais cela
était sans importance, car le prix le plus bas auquel M. Gage parvint à
l'amener, avec beaucoup de peine, ce fut quatrevingts livres sterling; il ne dit
pas expressément qu'il l'eût accepté à ce prix; je crois cependant qu'il le
ferait. Nous lui parlâmes de la chaîne en la décrivant de notre mieux; mais ces
choses n'opèrent pas sur lui, il ne veut s'en occuper que pour autant que
l'objet atteindrait cette valeur d'après l'estimation des orfèvres et des
joailliers. Ce qu'elle vaudra moins, il s'attend à ce que vous le suppléiez en
espèces, et je dois avouer à Votre Seigneurie que je n'ai trouvé personne, de
quelque condition que ce soit, qui veut donner pour la chaîne beaucoup au-delà
de cinquante livres. Je n'ai pas encore rencontré quelqu'autre chaîne de
diamants contre laquelle je voudrais échanger la vôtre; qu'il plaise à Votre
Seigneurie de m'ordonner ce que je dois faire avant que je ne vende la chaîne au
prix le plus élevé qu'il me sera possible, pour en employer le produit à payer
le tableau de Rubens, ou si je dois attendre quelque temps et chercher pour
Milady une chaîne de diamants qui lui plaise davantage, ou bien (cessant de
m'occuper des affaires du tableau et de l'échange) si je dois saisir la première
occasion favorable de lui renvoyer la chaîne
Votre très humble et très affectionné serviteur
Toby Matthew.
Bruxelles, le 9 octobre 1616.
COMMENTAIRE.
La partie de la correspondance qui s'ouvre avec cette lettre est extrêmement
importante: elle nous fait connaître les relations de Rubens avec Sir Dudley
Carleton, le grand seigneur anglais, amateur des beaux-arts, elle a jeté un jour
nouveau sur la vie et le caractère de Rubens: elle nous apporte la preuve aussi
de la hauteur de renommée et de considération à laquelle il était parvenu en un
petit nombre d'années. Plus tard, elle entrera dans une sphère plus élevée.
La plus grande partie de ces documents, conservés aujourd'hui au Public Record
Office, à Londres, ont été publiés pour la première fois par M. W. Noel
Sainsbury, attaché à cet immense Dépôt d'Archives, dans son ouvrage intitulé:
Original unpublished Papers illustrative of the live of Sir Peter Paul Rubens as
an artist and a diplomatist, etc. London, 1859, I vol. in-8°, XXIV et 391 pages
(1).((1) Noel Sainsbury n'a publié les textes originaux
que des lettres écrites par Rubens. Celles qui émanent d'autres personnages
ne sont reproduites par lui dans la langue originale que pour autant
qu'elles soient en anglais. Nous avons remplacé ces traductions par le texte
original, nous avons collationné sur les originaux les textes imprimés et
les avons complétés en plusieurs endroits. Max Rooses.)
[88] Le savant auteur de cette belle et consciencieuse
publication, à bien voulu nous autoriser non seulement à en reproduire et
traduire les documents qui devaient entrer dans notre recueil de la
Correspondance de Rubens, mais encore, avec une bienveillance que nous ne
saurions assez reconnaître, il nous a donné quelques pièces inédites,
découvertes par lui depuis l'apparition de son ouvrage. Nous ajoutons aussi que
pour nos commentaires nous avons puisé largement dans les notes sur les hommes
et les choses dont M. Sainsbury a enrichi son beau livre. Lui seul était en
position de recueillir la plupart des détails sur les personnages anglais qui se
meuvent dans ces épisodes de la vie de Rubens.
(Ici s'arrêtent les commentaires fournis par M. Charles Ruelens sur les lettres
qu'il avait recueillies. Il traduisit pour la suite de l'ouvrage jusqu'à la date
du 28 mai 1619, les lettres publiées par Noel Sainsbury. Il traduisit également
la correspondance de Rubens avec Peiresc, Valavez et Dupuy, pour autant que ce
travail n'avait pas été fait par Emile Gachet dans ses Lettres inédites de P.
-P. Rubens.)
Toby Matthew, fils de Toby, évêque de Durham et plus tard archevêque d'York,
naquit en 1578. Il entra au collège en 1589 où il causa de grands désagréments à
ses parents; il quitta l'Angleterre en 1604 avec l'autorisation de voyager
durant trois années. Il rentra en 1607 et bientôt après il fut incarcéré pour
avoir refusé de jurer fidélité à Jacques I et comme suspect d'avoir embrassé le
catholicisme. En février 1608, il reçut l'ordre de quitter le royaume. Il obtint
la permission de rentrer en 1617, mais fut banni une seconde fois, le 11 mars
1618, comme persistant toujours à refuser le serment au roi. Il rentra dans la
suite, suivit le prince Charles en Espagne, fut créé chevalier par le roi, en
1623, et fut attaché plus tard à la cour de Charles I. Il accompagna en Irlande
le Comte de Strafford, mais quand la rebellion éclata il se rendit à Gand chez
les Jésuites, où il mourut le 13 octobre 1655. Dans sa vie fortement agitée et
accidentée d'aventures galantes, il trouva le loisir de s'adonner à la poésie et
à la peinture; il fut un catholique fervent et usa probablement de son influence
pour favoriser cette religion. Sir Dudley Carleton le protégea beaucoup et
l'employa dans ses négociations avec les artistes.
Sir Dudley Carleton naquit à Baldwin Brightwell dans l'Oxfordshire, le 10 mars
1573. Il fut élevé à Westminster School et au Christ Church College d'Oxford. Au
mois d'avril 1598, il se rendit à Ostende à la suite de Sir Edward [89] Norris, gouverneur de cette ville. Il obtint le diplôme
de Maître-ès-Arts à Oxford, le 12 juillet 1600, et immédiatement après il
commença à voyager. Il se trouvait à La Haye en décembre 1600 et à Paris en
juillet 1601. En 1602, il était secrétaire de Sir Thomas Parry, ambassadeur en
France, et fut nommé secrétaire du Comte de Northumberland vers le mois d'août
1603. Au premier parlement de Jacques I, il représentait un bourg de
Cornouailles; il était à Paris, en novembre 1605, quand la conspiration des
Poudres fut découverte, mais il rentra et fut arrêté sous le soupçon d'être mêlé
à ce complot, à cause de sa relation avec le Comte de Northumberland; il resta
exclu pendant cinq ans de toute fonction publique. Dans la seconde moitié de
l'année 1607, il épousa Anne, fille de George Gérard; sa femme mourut le 18
avril 1627. Il fut créé chevalier au mois d'août 1610, et remplaça Sir H. Wolton
comme ambassadeur à Venise; il fut rappellé le 6 septembre 1615 et arriva à
Londres le 11 décembre suivant. Il succéda à Sir Ralph Winwood comme ambassadeur
à La Haye (ses instructions sont datées du 6 janvier 1616), où il résida
jusqu'en octobre 1625. Le mois suivant, il fut nommé Vice-Chambellan et
immédiatement après il fut envoyé en mission spéciale en France avec le Comte de
Hollande; le 24 novembre, un mandat de 1535 livres sterling fut signé pour
couvrir les frais d'un voyage de Paris à Londres et retour, à faire par Sir
Dudley Carleton et par le roi de France avec sa suite. En mars 1626, il fut élu
membre du parlement pour le bourg de Hastings et, le 21 mai de la même année, il
fut créé baron Imbercourt, en Surrey, pour contrebalancer l'influence des
ennemis du duc de Buckingham dans la Chambre des Lords. Il fut de nouveau envoyé
en France comme ambassadeur extraordinaire en juillet 1626 et à La Haye le 27
mai 1627. Sa dernière lettre est datée de Briel le 27 mai 1628. Charles I le
créa Vicomte de Dorchester, le 25 juillet 1628, et secrétaire d'État, le 14
décembre suivant. En juin 1630, il épousa en secondes noces Anne, fille de Sir
Henry Glemham, veuve de Paul vicomte Banning. Sa seconde femme lui survécut. Il
mourut le 15 février 1632 et fut enterré le 19 à Westminster Abbey. Il était un
grand amateur des beaux-arts et acquit, pendant son séjour sur le continent, un
grand nombre de tableaux et de statues, non seulement pour lui-même, mais encore
pour ses amis qui faisaient grand cas de lui comme bon connaisseur. Pendant les
deux séjours qu'il fit à La Haye en qualité d'ambassadeur (1616-1625 et
1627-1628), il fut en relation avec Rubens, qui lui dédia, en 1620, la superbe
gravure de Luc Vorsterman d'après La Descente de Croix d'Anvers.
Après avoir collectionné avec ardeur des marbres antiques en Italie, Carleton
s'éprit dans les Pays-Bas d'un grand amour pour les tableaux et montra une vive
prédilection pour les oeuvres de Rubens. Il débuta dans ses relations [90] avec le peintre par l'échange d'un collier de sa femme
contre un tableau du maître anversois; plus tard il troquera ses marbres contre
des tableaux de Rubens et des tapis. Il employait, comme agents dans ces
transactions, des Anglais, moitié artistes, moitie brocanteurs, qui évoluaient
autour de lui comme autour d'un chef dans les opérations sur le marché
artistique. C'est par eux qu'il fut mis en relation avec Rubens, c'est par eux
que celui-ci apprit à connaître l'existence de la grande collection de marbres
antiques de Carleton, objet des négociations ultérieures.
Par un heureux hasard, dont l'histoire de la Correspondance de Rubens en compte
si peu, la correspondance diplomatique de Sir Dudley Carleton fut conservée:
elle appartient aux Archives du royaume de la Grande Bretagne. Dans cette
correspondance se sont retrouvées les lettres échangées entre le peintre et le
diplomate, avec les pièces accessoires provenant des agents de ce dernier. Par
un bonheur non moins rare, d'innombrables papiers d'état, provenant de Balthasar
Gerbier, l'agent diplomatique anglais fort lié avec Rubens, ont été recueillis
par le même dépôt et dans les registres qui les renferment, nous retrouvons de
précieux renseignements concernant la vie politique et artistique de notre
héros.
Lady Mary Pembroke était une des trois filles de Gilbert Talbot, comte de
Shrewsbury. Elle épousa, en 1604, William Herbert, comte de Pembroke et de
Montgomery, lord Chambellan, l'homme le plus aimé et le plus estimé de ce temps.
Son mari mourut en 1630, elle lui survécut de longues années.
George Gage, prêtre de nationalité anglaise, fut employé par Sir Dudley Carleton
dans l'acquisition de tableaux. Le roi Jacques I se servit de lui dans plusieurs
missions spéciales. En 1621, il intervint dans la négociation de l'alliance de
son pays avec l'Espagne; en 1623, il fut envoyé par le roi en Italie. Les
lettres qui l'accréditaient auprès du pape Grégoire XV pour obtenir la dispense
nécessaire au mariage du prince Charles avec l'Infante d'Espagne datent du 30
septembre 1622. Van Dyck, qui l'avait connu en Italie, lui dédia la gravure de
Vorsterman d'après son tableau le Christ mort pleuré par la Vierge et les Anges.
Le tableau, dont George Gage était chargé de poursuivre l'échange contre un
collier en diamants, était une Chasse aux Lions dont il sera encore question
plus loin et sur laquelle, à cette occasion, nous reviendrons.
Lady Carleton, mentionnée dans cette lettre, partagea le goût de son mari pour
les objets d'art. Bien souvent elle l'aida à faire des achats ou des échanges,
ou joua le principal rôle dans ces sortes de transactions.
May it please your Lp.
Concerninge the chaine, there is noe possibility to accorde the difference
betwene your Lp and Reubens; especially considering that whereof I
have written to my Lady about the litle wch wilbe geven
for the chaine here; but howesoever, Mr Gage, who is going to Antwerp
within these fower or five dayes, will take it with him, together wth the instructions of your last letter, and see what can
be done for you
Your Lps most humble and affectionate servant,
Tobie Matthew.
Lovaine this 21th of November stilo novo 1616.
Original au Public Record Office à Londres. — Foreign State Papers, Flanders 45.
Publié par Sainsbury, N° IV, p. 15.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
En ce qui concerne la chaîne, il est impossible d'accommoder le désaccord
existant entre Votre Seigneurie et Rubens, surtout en considérant ce que j'ai
écrit à Milady au sujet de la faible somme que l'on veut en donner ici; mais
quoiqu'il en soit, M. Gage, qui se rend à Anvers dans quatre ou cinq jours,
prendra la chaîne avec lui, suivant les instructions de votre dernière lettre et
verra ce qu'il y a à faire pour vous
Votre très humble et très affectionné serviteur
Toby Matthew.
Louvain, 11 novembre 1616.
TRADUCTION.JEAN BREUGHEL A ERCOLE BIANCHI.
Mon secrétaire Rubens est parti pour Bruxelles pour finir les portraits de leurs
Altesses Sérénissimes
Bibliothèque Ambroisienne à Milan. — Publié par E. Crivelli, op. cit. p. 241.
COMMENTAIRE.
Dans le courant de l'année 1616, Rubens fit offrir plus d'une fois ses hommages à
Ercole Bianchi par Jean Breughel, ou plus exactement il inséra dans les lettres
qu'il écrivait pour son ami anversois des salutations pour Bianchi. Nous
trouvons pareille mention dans les lettres du 13 mars, du 16 avril, du 13 mai et
du 17 août de cette année. Nous retrouvons les mêmes témoignages de bons
rapports entre Rubens et Bianchi dans les lettres du 15 juin et du 6 novembre
1618, du 6 décembre 1619, du 7 février et du 4 juin 1620.
La présente note relative à une excursion que fit Rubens à Bruxelles pour peindre
les portraits des archiducs est insérée par Jean Breughel en postcriptum d'une
lettre écrite pour lui par Rubens.
Nous manquons de données suffisantes pour conjecturer avec quelque vraisemblance
de quels portraits il s'agit ici. L'auteur de la Vita nous apprend que les
Archiducs se firent peindre par Rubens en 1609, immédiatement après son retour
d'Italie. Les portraits gravés par Jean Muller sont datés de 1615 et peuvent
passer, en quelque sorte, pour les effigies officielles des Archiducs (OEuvre de
Rubens, n° 875 et 967). La phrase de Jean Breughel prouve qu'en 1616 Rubens fut
de nouveau appelé à peindre les portraits de Leurs Altesses.
May it please your Lp.
The reason of my writinge no sooner to your Lp about Mr.
Gage's Treaty with Rubens was
this. He came by Brussells, where he staid
long, but with dayly purpose of cominge hether, wch made
him forbeare to write, especially considering that Rubens did absolutely refuse
his offer. To that absolute refusall peradventure Rubens was the more hastned,
by reason that at the same time the Duke of Ariscott was in Antwerp, and in highe termes to buye the huntinge
peece. Howe it hath succeeded I knowe not, but I rather thincke it is sold; for
as the painter esteemes it to be richly worth a hundred poundes in itself, so yet he
wilbe glad of fowerscore, in regard of the errour wch nowe
he acknowledgeth himself to have committed in makinge the picture so very bigge,
that none but great Princes have houses fitt to hange it up in. But howsoever,
his resolute answere was, that whether the Duke of Ariscott bought it or no, he
would not sell it a penye under fowerscore pound, whereof your chaine was nowe
lastly valewed in Antwerp but at fiftye. Rubens for the gusto wch he takes in that peece of hunting, is makinge another picture of
it, but much lesse. For whereas the great picture is eighteene foote long and
betweene eleven and twelve foote highe, this other is but ten foote long, and
seaven foote highe. This later picture if you like to have for your chaine, you
may; and he undertakes to make it of as much perfection as the other, if not
more; and if you like the matche, Mr. Gage will see that he shall performe it. He hath already seene so much of
it as is done, and likes it exceedingly, and saith he had rather geve threescore
pound for this, then fowerscore for the other. For besides that he assureth
himself that this wilbe better finished, he saieth that the other picture is so
bigge as that it cannot be hunge up in the house of less then a Prince. It may
please your Lp to make what resolution you like beste, and
you see upon what reason I forbeare to sende your chaine till I have an answer
hereunto
Your Lps most affectionate, and most humble
servaunt
Tobie Matthew.
Lovaine this 30th of december 1616.
[94] Original au Public Record Office à Londres. — Foreign
State Papers, Holland 113. Publié dans le IXe volume du
Catalogue raisonné of Painters, de John Smith, p. 235-6. — Item par Noel
Sainsbury, N° V, p. 15.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
Voici la raison pour laquelle je n'ai pas écrit plus tôt à Votre Seigneurie au
sujet de la transaction de M. Gage avec Rubens. M. Gage est passé par Bruxelles
où il s'est arrêté longtemps, mais en se proposant tous les jours de venir ici,
ce qui l'a empêché d'écrire, surtout par la considération que Rubens avait
absolument refusé son offre. Le hasard a voulu que Rubens a été extrêmement
pressé de faire le refus formel, par la raison que le duc d'Arschot se trouvait
au même moment à Anvers et en grands pourparlers pour acheter le tableau de la
chasse. J'ignore quelle en a été la suite, mais je penche à croire que l'oeuvre
est vendue. Quoique le peintre l'ait estimée valoir par elle-même largement cent
livres, il serait néanmoins satisfait de la vendre pour quatre-vingts, à cause
de l'erreur qu'il s'aperçoit aujourd'hui d'avoir commise, en exécutant sa
peinture, d'une dimension telle que personne, hormis de grands princes, ne
possède de maison assez spacieuse pour la recevoir. De toute manière, cependant,
telle a été sa réponse décisive, que le duc d'Arschot l'achète ou ne l'achète
pas, il ne veut point céder le tableau un denier au-dessous de quatre-vingt
livres, et votre chaîne a été estimée récemment à Anvers cinquante livres
seulement. Rubens a pris goût pour cette Chasse et il en exécute une répétition,
mais sur une échelle moindre; car tandis que la grande composition mesure
dix-huit pieds en longueur sur onze ou douze en hauteur, l'autre n'en a que dix
en longueur sur sept en hauteur. S'il vous plaisait d'avoir cette dernière pour
votre chaîne, vous le pouvez; Rubens s'engage à la rendre aussi parfaite que
l'autre, sinon meilleure: si l'échange vous sourit, M. Gage verra à le conclure.
Il a déjà vu l'oeuvre au point où elle est arrivée et elle lui plaît
excessivement et dit qu'il donnerait plutôt soixante livres pour celle-ci que
quatre-vingts pour l'autre; il s'est assuré d'ailleurs par lui-même qu'elle sera
plus terminée; l'autre, dit-il encore, est tellement vaste qu'elle ne peut
trouver place que dans un palais princier. Qu'il plaise à V. S. de me dire la
résolution qu'elle prendra et de considérer lemotif pour lequel je m'abstiens de
lui renvoyer la chaîne avant d'avoir reçu une réponse
Votre très affectionné et très humble serviteur,
Toby Matthew.
De Louvain, le 30 décembre 1616.
[95] COMMENTAIRE.
Le duc d'Arschot qui, traitait avec Rubens de l'achat d'une Chasse peinte par le
grand artiste, était Philippe-Charles, prince comte d'Arenberg, né le 18 octobre
1587, qui, depuis 1616, portait le titre de duc d'Arschot, en vertu de
l'autorisation de sa mère Anne de Croy, qui hérita ce duché de Charles de Croy.
Il était fils de Charles, comte d'Arenberg, et servit à partir de 1606 dans les
armées des archiducs. En 1609, lors de la conclusion de la trêve, il prit
service dans les troupes que les archiducs envoyèrent au secours du duc de
Neubourg en lutte avec l'électeur de Brandebourg pour la succession de Clèves et
de Juliers. En 1616, l'archiduc Albert le nomma mestre de Camp d'un régiment
d'infanterie wallonne; en 1618, il lui remit au nom du roi le Collier de la
Toison d'or; en 1619, il le nomma conseiller d'État; en 1620, il le plaça à la
tête d'un régiment d'infanterie haute allemande et, en 1621, il l'envoya en
mission extraordinaire à Madrid à l'occasion de l'avènement de Philippe IV. Ce
roi le nomma gouverneur du comté de Namur et lui accorda beaucoup d'autres
titres et faveurs. Après le départ d'Ambroise Spinola, en 1627, la guerre contre
les Provinces-Unies des Pays-Bas prit une tournure de plus en plus défavorable.
Lorsque Bois-le-Duc fut pris, en 1629, par le prince d'Orange, Frédéric-Henri,
un grand mécontentement se manifesta dans les provinces belges et des membres du
clergé et de la noblesse se concertèrent en vue de traiter directement avec les
Provinces-Unies. Le duc d'Arschot et l'archevêque de Malines, se faisant les
interprètes des mécontents, c'est-à-dire de la nation entiére, prièrent
l'infante Isabelle de s'adresser au roi pour le supplier de laisser dorénavant
les Belges se défendre et s'administrer eux-mêmes. Le roi fit les promesses les
plus satisfaisantes, mais n'en tint aucune. Le prince d'Orange poursuivit ses
conquêtes et les habitants de nos contrées réclamèrent la convocation des
États-Généraux. L'infante Isabelle accueillit leur demande, les États furent
convoqués en 1632, le duc d'Arschot y exerça une grande influence et fut l'un de
ceux que les États chargèrent d'aller négocier la paix ou une trêve avec les
Provinces-Unies. Ce fut dans le cours de ces négociations que se produisit
l'incident entre le duc d'Arschot et Rubens, qui donna lieu à la lettre
violemment injurieuse qu'adressa le grand seigneur au peintre, lettre que nous
donnerons à sa date. La mission des députés des États n'aboutirent point. A un
moment donné, les plénipotentiaires des Provinces-Unies exigèrent que les
commissaires belges produisissent l'acte par lequel le roi d'Espagne confirmait
leurs pleins pouvoirs. Après avoir longtemps attendu ce document, l'infante
envoya le duc d'Arschot pour le solliciter du roi. Il arriva à Madrid en
décembre 1633. Le roi l'accueillit fort gracieusement, mais Balthasar Gerbier [96] et l'abbé Scaglia venaient de dévoiler la conspiration
formée par la noblesse belge à laquelle le duc d'Arschot avait été mêlé. Dès ce
moment, le roi le leurra de fallacieuses promesses et l'occupa de questions
oiseuses en attendant que de Bruxelles lui parvinssent les renseignements sur le
rôle que le duc d'Arschot avait joué dans les menées des mécontents. Ces
renseignements furent défavorables; l'envoyé de l'infante fut retenu prisonnier
à Madrid d'abord sévèrement, puis sous un régime plus adouci et mourut sans
avoir recouvré sa liberté, le 24 septembre 1640. Nous aurons à revenir plus en
détail sur tous les incidents que nous mentionnons ici.
La Chasse dont il s'agit est un tableau de Rubens représentant une «Chasse
européenne aux Loups et aux Renards». Lorsque, le 12 mai 1618, Rubens proposa à
Sir Dudley Carleton, en échange de marbres antiques, entre autres tableaux une
Chasse aux Lions avec des personnages maures ou turcs, il lui écrivit qu'elle
pourrait servir de pendant à la Chasse avec des personnages européens de sa
main, que le seigneur anglais possédait déjà. Le premier septembre de la même
année, Sir Dudley Carleton adresse au marchand de S. M. le roi de Danemarck une
liste des tableaux se trouvant dans sa collection; sous le n° 6, nous y trouvons
mentionnée «Une Chasse européenne aux Loups et aux Renards. Entièrement par
Rubens mesurant 9 pieds de large sur 7 pieds de haut.»
Vu la concordance des dimensions, ce doit être le tableau qui se trouve dans la
collection de lord Methuen à Corsham Court (OEuvre de Rubens, n° 1157). Lord
Ashburton possède un exemplaire plus grand du même sujet; il mesure en hauteur
247 centimètres, en largeur 375 (OEuvre de Rubens, n° 1156). Ce ne peut pas être
la grande peinture dont parle Toby Matthew dans la présente lettre; en effet, il
dit de cette immense pièce qu'elle mesure 18 pieds en largeur et 11 ou 12 en
hauteur, soit 5. 50 mètres sur 3. 36 à 3. 66 mètres. Le 24 avril 1617, Matthew
écrit à Sir Dudley Carleton que le grand tableau de Chasse est vendu à 100
livres sterling; le 6 février précédent, il avait écrit qu'il croyait le grand
tableau vendu au duc d'Arschot pour 100 livres, en ajoutant que l'archiduc
Albert l'aurait acheté s'il avait eu une salle assez grande pour le placer.
L'exemplaire de la Chasse aux Loups et aux Renards appartenant à lord Ashburton
et celui de Lord Methuen, représentent la même composition en dimensions
différentes. Il serait téméraire d'affirmer que dans le troisième exemplaire,
acheté par le duc d'Arschot et disparu sans avoir laissé de trace, Rubens n'ait
pas amplifié sa composition pour remplir une toile beaucoup plus grande.
[95]
COMMENTAIRE.Maie it please your Lordship:
Mr. Gage hath written to Rubens to know what he will
undertake concerninge the paintinge of those Birds, wherin yu shalbe advertised; but we are alredie out of doubt but that in other
respects your huntinge peece will be at least as good as the other, wch I thinke the Duke of Arscot buyeth for an hundred
pounds, and wch the Arch-Duke had bought long ere this, if
anie roome of his howse at Brussells would
have held it, excepting alwaies his great hall, wch is
yours, or mine, as much as his. But I verilie thinke the Painter will not take anie thing lesse then your Chaine, especiallie if he
cause the Birds to be painted by that other Maister; and I rather doubt whether
he will oblige himself to that. Your Lp shall know what he
saieth as soone as I know it, and I will governe myself for yu, as if it were mine owne case.As for the picture of the bataille
wch yu desire, yu mistooke Mr. Gage if yu thinke he spake of
tenne pound as the price of it; for he and I caused a coppie of eleven feet in
length, and eight in depth as I remember to be taken for Generall Cecill, wch cost twentie pounds, though it were drawn not by
Franck, who was the first Master, but by another. Soc as herin yr Lp must resolve eyther to spend more, or to
content your self wth a coppie in small volume
I continue a most humble and affectionte Servant
Tobie Matthew.
Louvaine 6 of feb. 1617.
Original au Public Record Office à Londres. Foreign State Papers. Holland 116.
Publié dans le Catalogue raisonné etc., de J. Smith. IX, p. 237. — Item par Noel
Sainsbury. Op. cit., N° VI, p. 17.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
Mr Gage a écrit à Rubens pour connaître ce qu'il compte
faire à l'égard du tableau d'oiseaux, et vous en serez informé. [98] En tous cas, il est déjà hors de doute pour nous que votre Chasse
sera aussi achevée que celle dont le duc d'Arschot s'est, je crois, rendu
acquéreur pour cent livres et que l'archiduc aurait achetée longtemps
auparavant, s'il y eut eu à son palais de Bruxelles une pièce assez grande pour
la contenir, autre que le grand vestibule, ouvert à tout venant. Cependant, je
crois vraiment que le peintre n'acceptera pas moins que votre chaîne, surtout
s'il fait peindre vos oiseaux par cet autre maître; je doute même qu'il veuille
s'y engager. Dès que j'aurai sa réponse, Votre Seigneurie en sera informée; je
m'emploierai dans cette affaire comme si c'était pour moi-même.En ce qui
concerne ce tableau de bataille que vous désirez, vous vous êtes mépris sur le
dire de M. Gage, si vous avez cru qu'il a parlé de dix livres comme prix de ce
tableau. Pour M. Gage, comme pour moi, il s'agit d'une copie de onze pieds de
long sur six de large qui, je me le rappelle, était faite pour le général Cecill
et coûtait vingt livres, bien qu'elle fût peinte non point par Franck, l'auteur
de l'original, mais par un autre. De même en ceci, Votre Seigneurie doit se
résoudre à une plus grande dépense ou se contenter d'une copie de moindre
dimension
Je suis toujours votre humble et affectionné serviteur
Toby Matthew.
De Louvain, le 6 février 1617.
COMMENTAIRE.
En dehors des deux exemplaires de la Chasse aux Loups et aux Renards que nous
avons appris à connaître, cette lettre traite de deux autres tableaux destinés à
Sir Dudley Carleton.
Le premier est un tableau d'oiseaux; il n'est pas dit que Rubens l'exécuterait,
mais seulement qu'éventuellement il s'occuperait de ce tableau, dont l'exécution
pourrait être confiée à un autre peintre. Nous ne rencontrons plus rien de
précis à l'égard de cette peinture, mais dans la lettre de Toby Matthew du 24
avril suivant, nous lisons que Snyders peint un tableau pour le diplomate
anglais et dans celle du premier novembre, G. Gage écrit qu'il évalue la pièce
de Snyders à 100 couronnes. Il nous paraît donc plus que probable que le grand
peintre d'animaux, excellant surtout à peindre des oiseaux morts, comme le
constate Toby Matthew dans la lettre suivante, fut chargé de peindre, pour Sir
Dudley Carleton, le tableau d'oiseaux dont il est question ici.
Le second tableau est une bataille copiée d'après un tableau, non de Franck,
comme il est dit ici, mais de Sébastien Vrancx, comme nous l'apprenons par la
lettre de G. Gage du 23 août 1617. Cet artiste était surtout connu [99] comme peintre de batailles. Parmi ses oeuvres
conservées, il ne s'en trouve pas de dimensions aussi considérables que celles
du tableau dont il est question dans la présente lettre. Les peintures connues
de Sébastien Vrancx sont des pièces de chevalet, exécutées avec un soin
minutieux.
La chaîne que Sir Dudley Carleton voulait troquer contre des tableaux sera encore
mentionnée dans les lettres suivantes.
CXLVIII TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY
CARLETON. (25 février
1617.)
Maie it please Yr Lop.
I have seene, at last, the answeare of Rubens to Mr. Gage, wch is precisely thus. He will not make the lesser huntinge
peece for lesse then Yr Lps chaine.
Concerninge the causinge of anie part thereof to be made by Snyder, that other
famous Painter, Yr Lp and I have
been in an errour, for I thought as yu doe, that his hand
had been in that Peece, but sincerley and certainly it is not soe. For in this
Peece the beasts are all alive, and in act eyther of escape or resistance, in
the expressing whereof Snyder doth infinitlie come short of Rubens, and Rubens
saith that he should take it in ill part, if I should compare Snyders wth him in that point. The talent of Snyders, is to
represent beasts but especiallie Birds altogether dead, and wholly wthout anie action; and that wch yr Lp, Mr. Gage, and I sawe of his
hand, wch we liked soe well was a gruppo of dead Birds, in
a picture of Diana, and certaine other naked Nimphes; as Rubens protesteth, and
Mr. Gage avoweth, and now myself doe well remember it. This was the ground of
yr Lps errour and mine. I wrote
to yr Lp some fortnight since, but
then I was not able to speake soe clearly Ex mente authoris; soe as I shall doe
nothing upon yr Lps answeare to my
last, but will expect yrs to this, because to this it maie
be absolute. If yr Lp like not the
condition, I will presentlie put the chaine into Mr. Tromball's hands, well seene and sealled up,
accordinge to former directions, to be convayed; if yr
Lp be pleased to exchange yr
Chaine for the Picture, I will take [100] ail the paines I
can, and Mr. Gage will gladlie use all the judgement he hath, to make the
Maister doe it excellentlie. But indeed there will be no neede of it, for I see
he is disposed to doe his best; and me thinkes he rather chuseth not to doe it,
then to doe it soe as not to get honr by it.
Yr Lps ever most humble and
affectionate servant
Tobie Matthew.
Louvaine 25 of feb. 1617.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 116.
Publié dans le Catalogue raisonné de J. Smith. IX, p. 237. — Item par Noel
Sainsbury. Op. cit., VII, p. 17.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
J'ai eu, enfin, la réponse de Rubens à M. Gage; la voici exactement. Il ne veut
pas exécuter la plus petite des deux chasses pour moins que votre chaine. En ce
qui concerne le fait qu'une certaine portion serait l'oeuvre de Snyders, cet
autre fameux peintre, nous avons été induits en erreur, Votre Seigneurie et moi,
en croyant que sa main y a contribué: sincèrement et certainement il n'en est
pas ainsi. Dans cette composition, tous les animaux sont vivants, en action de
fuite ou de résistance: or, en ce genre d'expression, Snyders est infiniment
inférieur à Rubens et celui-ci nous dit qu'il prendrait en mauvaise part qu'on
voulût mettre Snyders en comparaison avec lui sous ce rapport. Le talent de
Snyders consiste à représenter des bêtes et spécialement des oiseaux morts et
dans une complète inaction: Ce que nous avons vu de sa main, Votre Seigneurie,
M. Gage et moi, et ce qui nous avait tant plu, était un groupe d'oiseaux morts
dans un tableau représentant Diane et quelques autres Nymphes nues. Rubens l'a
soutenu, M. Gage l'avoue et moi-même je me le rappelle fort bien maintenant.
C'est là-dessus qu'était fondée l'erreur de V. S. et la mienne. J'ai écrit
environ quinze jours après à V. S. mais je n'étais pas alors en mesure d'en
parler aussi clairement ex mente authoris. Je ne ferai donc rien d'après votre
réponse à ma dernière lettre, j'attendrai à la présente lettre une nouvelle
réponse d'après laquelle je pourrai agir d'une manière positive. Si Votre
Seigneurie n'agrée pas la condition proposée, je [101] remettrai immédiatement la chaîne entre les mains de M. Trumbull, bien vue et
bien renfermée, selon vos ordres précédents, prête à être transportée. S'il
plaît à V. S. de l'échanger avec le tableau, je me donnerai toutes les peines
possibles et M. Gage usera volontiers de toutes ses qualités de connaisseur pour
amener le maître à exécuter une oeuvre excellente. Toutefois, il n'y aura
vraiment pas besoin d'intervenir, car je vois que le peintre est disposé à faire
de son mieux et je crois qu'il préfèrerait de ne rien faire que de faire quelque
chose dont il ne tirerait pas de l'honneur
De V. S. le très humble et très affectionné serviteur
Toby Matthew.
De Louvain, le 25 février 1617.
COMMENTAIRE.
Une partie intéressante de cette lettre est celle qui se rapporte au peintre
anversois François Snyders, un des collaborateurs de Rubens. Le grand maître
caractérise parfaitement les qualités du célèbre animalier. Il l'appelle un
peintre d'animaux, spécialement d'oiseaux morts, incapable d'exécuter avec
succès les animaux vivants et agissants, auxquels Rubens assignait un rôle dans
ses compositions dramatiques. C'est faute d'avoir connu ce caractère du talent
de. Snyders que, bien souvent, à tort, on l'a fait collaborer à l'une ou l'autre
oeuvre de Rubens, ou qu'on lui attribue des tableaux sans acteurs humains qui ne
sont point exécutés par lui, mais par un autre collaborateur du maître, le
peintre plus fougueux et plus rude Paul De Vos.
La Diane avec quelques Nymphes nues, dont il est question dans la lettre, désigne
un des tableaux représentant Diane au retour de la Chasse, dont le Musée de
Dresde possède deux exemplaires, l'un montrant les personnages en pied (OEuvre
de Rubens, n° 595), l'autre où ils ne sont vus que jusqu'aux genoux (OEuvre de
Rubens, n° 597); un troisième exemplaire de cette composition, ayant les figures
en pied, appartient au Musée de Darmstadt (OEuvre de Rubens, n° 596). Dans tous
les trois, Diane porte une brassée d'oiseaux morts, admirablement exécutés par
Snyders. Ce dernier exécuta également les fruits, le gibier et les chiens qui
figurent dans ces tableaux.
M. Trumbull dont il est question dans cette lettre et que nous retrouverons
souvent encore est William Trumbull qui fut envoyé en 1605 à Bruxelles, comme
agent du roi Jacques I auprès des archiducs, et y resta jusqu'au 17 octobre
1625, lorsqu'il retourna en Angleterre où il occupa l'office de Commissaire
militaire général jusqu'à sa mort qui arriva avant le 26 mars 1636.
Maie it please yr Lp.
I am called by some necessarie occasion to Paris, or elce I would not goe in these times of soe great danger. If this
purpose had not come suddenlie upon me I had offred sooner to serve yr Lp in that place. It will
certainlie be after Easter before I returne, and if in the meane tyme yu need anie factour there I desire that I maie be the man.
Anie letters that come in the meane tyme hither concerning yr Pictures, of Chaine, I have appointed to be delivered [to] Mr Gage, that he maie doe upon the
reading of them, as I would, if I were present. Soe in great hast I humblie
kisse my good Ladies hand, and yours.
Your Lps most affectionate servant
Tobie Matthew.
Brussels 2 of march 1617.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 116.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., VIII, p. 18.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
Je suis appelé à Paris par une circonstance impérieuse, sinon je ne me
hasarderais pas d'y aller à un moment si grandement dangereux. Si cet appel ne
fut pas arrivé soudainement, je vous aurais offert plus tôt mes services en
cette ville. Mon retour aura lieu certainement après Pâques. En attendant, si
vous aviez besoin là d'un agent, je serais heureux d'être l'homme. Quant aux
lettres qui m'arriveraient ici concernant vos tableaux ou votre chaîne, j'ai
ordonné de les remettre à M. Gage, qui peut agir après les avoir lues, ainsi
qu'il voudra, comme si j'étais présent. En grande hâte, je baise humblement la
main de Milady et la vôtre.
Votre affectionné serviteur
Toby Matthew.
Bruxelles, 2 mars 1617.
Bruxelles this 4/14 of Marche 1617.
Right honorable my very good Lord.
I have delivered yr l. lres to Mr.
Gage, beeing nowe in this Towne:
and he pretendeth that in the ende of this weeke, he will make a journey to Antwerp; of purpose to speake wth
Rubens about yor l. pictures.
Yor good L. moste ready to be commanded
W. Trumbull.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 46.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., IX, p. 19.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Bruxelles, le 14 Mars 1617.
Très honorable Mylord.
J'ai remis les lettres de Votre Seigneurie à M. Gage qui se trouve en cette
ville: il a l'intention, à la fin de cette semaine, de faire une excursion à
Anvers, à l'effet d'avoir une entrevue avec M. Rubens au sujet de vos peintures.
Votre serviteur prêt à recevoir vos ordres
W. Trumbull.
COMMENTAIRE.
La présente lettre est datée en double: du 4/14 mars 1617. Le calendrier anglais
de l'époque était encore en retard de dix jours sur celui de la plupart des
états du Continent. Les agents anglais, dont nous publions les lettres, se
conforment tantôt à l'un tantôt à l'autre des systèmes; d'autres fois encore,
ils datent leurs lettres, comme la présente, selon l'ancien et le nouveau.
Nous [104] reproduirons partout la date mise par l'auteur
de la lettre, sauf à la redresser au besoin selon le calendrier grégorien.
Sainsbury a remplacé souvent la mention originale par celle qui lui paraissait
plus conforme au système moderne, ce qui lui a fait commettre quelques erreurs.
La Russie, comme on sait, est le seul des états chrétiens de l'Europe qui
conserve encore le calendrier julien; l'Angleterre y renonça seulement en 1752.
CLI GEORGE
GAGE A SIR DUDLEY
CARLETON.
May it please your Lordp.
I have receaved your letter to Mr
Matthew and to myself, bothe of them
by one affect in as much as concernes the service I am to doe yow. I missed very
narrowly Sigr
Rubens 3 dayes since at Lovain,
but I purpose to goe shortly to Antwerp,
where I will not faile to complye in all diligence with yr
L. order, taking it to bee aliquid boni propter vicinum bonum to bee imploied in
yr service whom my frende and I so much honour. I doe
not see how (with all the craft I have) I shall bee able to make any other
bargain with Rubens then for the chaine his picture. The rest of the money will
procure two pictures of Brugel and Sniers, but they are like to bee very little. That which
occures to mee is to deale by Rubens as for myself, who by continual exchainge
of workes and truckings can get them to doe something, as for him, better cheape
then any man els. If any thing occurre better I will follow it. There is no
harme in proposing. They have in Antwerp a yong man who hath lived long in
Italy, who I think is the rarest man living in Lantscape. I am sorry I forgot to
show yr L. him at yr being there. If
yr L. shall give mee order, I thinck a matter of 20
crownes would not bee worse bestowed that way if you care for Landscapes then of
any of the rest.
The others shall goe in hands as soon as may beeYr L. most humble servant
G. Gage.
Brussels 14 of March 1617.
[105] Original: Londres, Public Record Office. Foreign State
Papers. Flanders 46. Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., X, p. 19. — John
Smith. Catalogue raisonné, IX, p. 238.
TRADUCTION.GEORGE GAGE A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
J'ai reçu vos lettres adressées à M. Matthew et à moi-même, écrites toutes deux
dans la même intention et se rapportant à la mission dont je me suis chargé à
votre service. Il y a trois jours, j'ai manqué M. Rubens de très peu à Louvain;
mais je me propose d'aller bientôt à Anvers, où je ne manquerai pas de
m'employer en toute diligence selon l'ordre de V. S., en regardant comme aliquid
boni propter vicinum bonum, d'être attaché à votre service, que mon ami et moi
nous avons tout en vénération. Je ne vois point comment, avec toute l'habilité
que je puis avoir, j'arriverai à faire avec Rubens d'autre marché que de donner
la chaîne pour sa peinture. Avec le reste des fonds, on pourrait se procurer
deux tableaux de Breughel et de Snyders; cependant, il semble qu'ils sont
vraiment petits. Ce que je rencontre doit être négocié par Rubens comme si
c'était pour moi; par de continuels échanges d'oeuvres et par des trocs, il
arrive à ce qu'on lui exécute, comme pour lui-même, des objets à meilleur marché
que pour n'importe qui. Si l'on me présente quelque chose de meilleur, j'en
poursuivrai l'acquisition. On ne court aucun risque à faire des propositions. Il
y a à Anvers un jeune homme qui a vécu longtemps en Italie et qui est, à mon
avis, entre les peintres vivants le plus fort dans le paysage. Je suis au regret
d'avoir oublié de le faire connaître à Votre Seigneurie pendant que vous étiez
là. Si vous m'en donnez l'ordre, je crois qu'une somme de vingt couronnes ne
serait pas mal employée par là, si vous aviez envie de paysages ou de quelque
autre chose. Les autres tableaux seront commencés aussitôt que possible
De V. S. le très humble serviteur
George Gage.
Bruxelles le 14 Mars 1617.
COMMENTAIRE.
La présente lettre nous apprend que Rubens s'est trouvé à Louvain le 11 mars
1617. On peut présumer qu'il y vint pour traiter de l'exécution de quelque
tableau. Nous savons qu'il peignit deux retables pour les églises de [106] cette ville. Une Adoration des Rois que lui fut
commandée pour l'église du couvent des Dames blanches par Anna Van Zeverdonck,
en 1633 (OEuvre de Rubens, n° 176) et un Saint Ivon exécuté pour l'église du
couvent des Jésuites. (OEuvre de Rubens, n° 460). Cette dernière peinture,
enlevée lors de la suppression de l'ordre des Jésuites au siècle dernier, a
disparu sans laisser de trace. Smith (Catalogue, IX, p. 73) qui décrit le
tableau sans dire où il l'a vu, constate la sobriété du coloris, ce qui peut
être pris comme un indice que l'oeuvre fut exécutée vers 1617. Il ne nous paraît
pas trop téméraire d'émettre l'hypothèse que la présence de Rubens à Louvain,
signalée par Gage, est en rapport avec l'exécution du Saint Ivon.
Les deux peintres dont Gage veut acquérir des tableaux sont Jean Breughel de
Velours et François Snyders. Le doute n'est pas possible sur l'identité de ces
deux artistes, mais dans la lettre il est fait mention d'un troisième peintre
qu'il est plus difficile d'authentiquer. «Il y a à Anvers un jeune homme qui a
vécu longtemps en Italie et qui est, à mon avis, entre les peintres vivants, le
plus fort dans le paysage.» Lequel de nos paysagistes pourrait bien se trouver
désigné par ces mots? Le choix paraît se borner entre Luc Van Uden et Jean
Wildens, les collaborateurs bien connus de Rubens. Le premier naquit en 1595, il
ne fut admis comme maître dans la Corporation de St Luc
qu'en 1627; mais, dès l'année 1620, sa présence à Anvers est constatée. En 1617,
il avait 22 ans et pouvait donc à juste titre être appelé «... un jeune homme».
Il n'est pas du tout impossible que dans sa jeunesse il quitta le pays, se
rendit en Italie, revint vers 1617 à Anvers et entra dans l'atelier de Rubens,
ce qui lui aurait procuré le privilège de ne pas se faire inscrire au registre
de la Corporation des peintres. Jean Wildens naquit en 1584, ce qui rend
difficile de le faire désigner en 1617, alors qu'il avait 31 ans, comme un jeune
homme. Il partit pour l'Italie en 1613 d'où il revint en 1617 ou en 1618. Il est
d'autant plus difficile de le regarder comme le peintre paysagiste désigné par
G. Gage, que son talent est notoirement inférieur, non seulement à celui de Van
Uden, mais encore à celui de son contemporain anversois Adrien Van Stalbemt, né
en 1580. Pas plus que van Uden, Wildens ne figure dans la liste des membres de
la Corporation de St Luc, dressée par Jean Moretus en
1616-1617 (1).((1) Max Rooses. Boek der St Lucasgilde, gehouden door Jan Moretus I. Antwerpsche Bibliophilen
I.) Nous sommes donc porté à croire que, malgré l'absence de preuves
positives, le peintre paysagiste ici désigné est Luc Van Uden qui est d'ailleurs
le seul anversois de cette époque méritant les éloges du correspondant de Sir
Dudley Carleton.
May it please yr Lordship.
At my returne from Paris I finde a letter of yr Lps concerninge yr Pictures, wherin
the paines that Mr. Gage hath alredy
taken dischardgeth mine. He went to Antwerpe to see them all in hand, and I dare say by his report who hath
seene the beginninge of them that they will be to yr Lps contentment. If any thinge more occurre concerninge
this matter I will adde it by way of proscript if the Phisicke wch he is takinge will not give himselfe leave to write at this tyme.
Your Lps ever at comaundement
Tobie Matthew.
Lovaine 24 of april 1617
Post. Noe more occurreth concerninge yr Lps pictures but that yr Lp
cannot have them all these two or three moneths, and that Bruegel hath two peeces in hand almost
finished, whereof the bigger is to be of fourteene pounds sterlinge at the last
word, it beinge of a baskett full of flowres; the lesser is a pott of flowers,
and a garland of flowres lyinge by it, and the lowest price of that is twelve
pound. Mr. Gage conceiveth the lesse much more exquisitely to be done then the
other, and desireth to know yr minde. Franck and Snyer
have both begunne pictures for yr Lp: Rubens is well forward,
and it will be a rare peece. The great peece of huntinge is sould and carried
away for an hundred pound sterlinge.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 117.
Postcriptum publié dans le Catalogue raisonné, etc. de J. Smith, IX, p. 239. —
L'extrait entier dans Noel Sainsbury. Op. cit., IX, p. 20.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
A mon retour de Paris, je trouve une lettre de V. S. relative à vos peintures,
lettre par laquelle je vois que la diligence, déjà faite par M. Gage, allège [108] ma tâche. Il est allé à Anvers pour voir toutes les
peintures en mains et j'ose dire par son compte-rendu du travail commencé que
toutes seront exécutées à la satisfaction de V. S. S'il m'apprend quelque chose
de plus sur ce sujet, je l'ajouterai par un postscriptum, dans le cas où la
médecine qu'il doit prendre ne lui laisse pas la liberté d'écrire lui-même à ce
moment
Votre serviteur soumis à vos ordres
Toby Matthew.
Louvain, le 24 avril 1617.
Postcriptum. Il ne s'est rien représenté de neuf concernant vos peintures, sinon
que V. S. ne pourra les avoir toutes dans les deux ou trois mois prochains et
que Breughel a en mains deux pièces à peu près terminées dont la plus grande,
représentant une corbeille pleine de fleurs, doit coûter, au dernier mot,
quatorze livres sterling; la plus petite, une corbeille de fleurs et une
guirlande posée à côté, est estimée au plus bas prix, à douze livres. M. Gage
estime que cette deuxième pièce est plus délicatement achevée que l'autre et il
désire connaître votre intention. Franck et Snyders ont tous deux commencé leurs
commandes pour V. S., Rubens est très avancé dans la sienne et ce sera une pièce
excellente. La grande Chasse est vendue et enlevée pour une centaine de livres
sterling.
COMMENTAIRE.
Il est à noter que le Franck, dont il est question dans les dernières lignes de
cette lettre, est Sébastien Vrancx. La grande Chasse dont il s'agit dans la
dernière phrase, est celle dont Toby Matthew parle dans la lettre du 30 décembre
1616 et dont le duc d'Arschot songeait à faire l'acquisition.
May it please your Lordship.
I have received your Lps of the 20th
of June, and concerninge my returne into England I meane to putt in effect, by
Gods grace, the goodnes wch his Matie hath beene pleased to extend towards me at the instance of my freinds,
as soone as I shall have recovered a litle healthe wch I
am going to seeke at the SpawYour Pictures shalbe done before I goe, and if
they should not Mr. Gage hath soe
diligent an affection towards your service as that nothinge will be lost by my
absence. I have in my hand fortie florens of your Lps, and
your Lp maie at your comoditie make over as payable to Mr.
Gage or me the hundred and twentie crownes whereof you wrote for your three
lesser pictures. That wch I have of yours in my hand maie
defraie the chardge of makinge them up in cases, and the rest I will leave in
Mr. Wake 's hand to be disposed of at
your Lps pleasure upon anie such imployment as maie arise
herafter.
Your Lps ever humble and affectionate servant
Tobie Matthew.
Lovaine 26 June 1617
Original.: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 117.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., XII, p. 21.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
J'ai reçu la lettre de V. S. du 20 juin. En ce qui concerne mon retour en
Angleterre, je compte l'effectuer par la grâce de Dieu, et la bonté que S. M. a
daigné me montrer aux instances de mes amis, dès que j'aurai recouvré un peu de
santé: ce que je vais chercher à SpaVos peintures seront finies avant mon
départ; si elles ne l'étaient pas, M. Gage est si soigneux et tant porté à votre
service que rien ne sera négligé pendant mon absence. J'ai en main de V. S.
quarante florins et vous pouvez, [110] à votre convenance,
émettre payables soit à M. Gage soit à moi, les cent vingt couronnes dont vous
m'avez écrit pour vos trois peintures de moindre dimension. Ce que j'ai de vous
en main défraiera leur mise en caisses, et je remettrai le reste à M. Wake qui
en disposera selon votre bon plaisir pour quelque autre emploi que vous
désigneriez
De V. S. le très humble et affectionné serviteur
Toby Matthew.
Louvain, le 26 juin 1617.
COMMENTAIRE.
Les trois petites peintures sont celles de Breughel, Snyders et Vrancx.
Lionel Wake était un négociant anglais, établi à Anvers, dont Rubens se servit
maintefois pour expédier des tableaux en Angleterre. Il était probablement de
religion catholique, vu qu'il refuse de jurer fidélité à Jacques I; il était
fort riche et prêta de grosses sommes à l'archiduc Albert.
CLIV BALTH. MORETUS
LEONARDO LESSIO, LOVANII.(15 juillet 1617.)
In Operis frontispicio, prout antehac, Editio tertia, auctior et castigatior
praescribebatur; ita nunc Editio quarta haec appellanda, auctior et castigatior,
non addita voce ceteris. Porro frontispicii imaginem, quia vetus jam attrita
esset, ex Rubeni nostri ingenio
novam depingi curavi, quae postremam hanc editionem aliquatenus exornet.
Vale Rde in Christo Pater, et a fratre meo salve,
nostri in precibus memor.
Antverpiae, in officina
Plantiniana XV Julii 1617.
Minute aux Archives du Musée Plantin-Moretus. Lettres latines, Registre
1615-1620, p. 126.
TRADUCTION.BALTH. MORETUS A LEONARD LESSIUS, A
LOUVAIN.
Sur le frontispice de l'ouvrage où on lisait antérieurement Edito tertia auctior
et castigatior, on inscrira maintenant Editio quarta auctior et castigatior sans
ajouter le mot ceteris. En outre, pour remplacer [111] la planche gravée du frontispice qui était vieille et usée, j'ai confié au
talent de notre ami Rubens le dessin d'une nouvelle planche qui ornera cette
dernière édition.
Je vous salue, mon révérend père; mon frère se joint à moi et nous vous
prions de vous souvenir de nous dans vos prières.
Anvers, de l'Officine plantinienne, le 15 juillet 1617.
COMMENTAIRE.
Léonard Lessius (Leys) naquit le 8 octobre 1554, à Brecht dans la province
d'Anvers, entra en 1572 dans la Compagnie de Jésus, professa successivement la
philosophie à Douai et la théologie à Louvain. Il écrivit de nombreux ouvrages
de controverse religieuse et de théologie, imprimés la plupart par Balth.
Moretus. Il mourut en 1623. Le volume, dont il s'agit ici et pour lequel Rubens
exécuta un frontispice, est la quatrième édition du livre De Justitia et Jure
ceterisque Virtutibus Cardinalibus libri quatuor, parue en 1617 à l'officine
plantinienne (OEuvre de Rubens, n° 1279). Le 12 octobre 1617, Léonard Lessius
écrivit à Balth. Moretus: «Le nouveau frontispice me plaît; en effet, il est
plein d'élégance et d'esprit (1).((1) Frontispicium novum
placet, utpote plenum elegantiae et ingenii.) » Rubens dessina encore
le portrait de Lessius pour les Opuscula de cet auteur parus en 1626 (OEuvre de
Rubens, n° 1280).
CLV TOBY
MATTHEW A SIR DUDLEY
CARLETON.(18 juillet
1617.)
May it please your Lordship.
As for the second (sending away your Pictures before I went) Mr. Gage will be as carefull in seinge
them well put into your hands as he hath beene in makinge your severall painters
to outstrippe themselves in what they have done for yw;
and I dare say yw are to have somwhat from them wch is trice worth your money. He stayeth here, and will
upon all occasions be most affectionately redie to serve your LpMr. Gage will sett all accompts streight betweene us, and I
continue.
Your Lps intirely affectionate freind and servant
Tobie Matthew.
Brussels 18 of July 1617.
[112] Original: Londres, Public Record Office. Foreign State
Papers. Holland 118. Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., XIII, p. 22.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
Quant au second envoi de vos peintures avant mon départ M. Gage sera aussi
soigneux à les faire bien arriver entre vos mains, qu'il l'a été à pousser vos
différents peintres à se surpasser eux-mêmes dans ce qu'ils fesaient pour vous;
et j'ose dire que vous aurez reçu d'eux des objets d'une valeur triple de ce que
vous les payez. Il s'arrête ici et sera, en toute occasion, très affectionné à
vous servirM. Gage règlera tous les comptes directement avec vous.
Je suis, Milord,De V. S. le tout affectionné ami et serviteur
Toby Matthew.
Bruxelles, le 8 Juillet 1617.
CLVI BERNARD BAUHUSIUS A BALTHASAR MORETUS.(1
août 1617.)
Ornatissime Domine Morete.Pax Jesu.
De recudendis meis, bene statuis, sic enim necesse est nam et hic vulgo petuntur,
quotidieque ut audio desiderantur. Ego interim limam in manu sumo, video an
alicubi ea usurus sim; certe erit nonnullum mutandum, tollendum, addendum
quippiam. Ante nundinas etsi excudere non possit, excusa tamen erunt uti spero
ante nundinarum finem, ut merito et vere, in Catalogo francofurtensi recusa
Epigrammata lectori profiteri possit.In fronte libri, mi Morete, plures
sunt, qui iconem aliquam desiderent. (Ita enim passim jam fieri videmus. Ita Heinsii prodeunt, [113] ita nuper P. Surii carmina Atrebati prodierunt. Ita quoque vos ipsi
fecistis in meditationibus R. P. provincialis nostri aliisque libris.) Mire enim
lectorem recreat, emtorem allicit, librum ornat, neque pretium multum auget. Et
libelli nostri pretium tantum patiamur crescere, est enim satis exiguum. D.
Rubenus divino illo ingenio suo inveniet scio aliquid appositurum et lauro meae
conveniens, et ordini in quo sum, et pietati.
Salutem illi a me officiosissimam. Salve, mi dulcissime Morete, ab amico
medullitus tuo.Et in Christo Jesu servoDominationis Vestrae
Bern° Bauhusio.
Lovanio 1 Aug. (1617).
Original aux Archives du Musée Plantin-Moretus. Lettres reçues, Registre LXXVI,
p. 485.
TRADUCTION.BERNARD BAUHUSIUS A BALTH. MORETUS.
Cher Monsieur Moretus.Paix en Jésus.
Vous avez pris une bonne résolution quant à la réimpression de mon livre, car
c'est là ce que le public demande et ce que tous les jours on désire d'après ce
que j'entends. Dans l'intervalle, je prendrai la lime en main et verrai si je
n'ai pas à en user par-ci par-là. Certes il y aura, dans certains endroits, à
changer, à rayer ou à ajouter quelque chose. Si, avant l'ouverture de la foire,
l'ouvrage ne peut pas être imprimé, il sera au moins terminé, j'espère, avant la
fin pour que, à bon droit et selon la vérité, le catalogue de Francfort de cette
année puisse annoncer au lecteur la réimpression de mes épigrammes.Il y en
a beaucoup, mon cher Moretus, qui voudraient trouver une gravure en tête du
volume et nous voyons que cela se fait de temps en temps. Ainsi se publient les
poésies de Heinsius et l'ont été tout récemment, à Arras, celles du père Surius.
Vous en avez fait de même pour les méditations de notre R. P. provincial et pour
d'autres livres. Pareil ornement amuse le lecteur, attire l'acheteur, embellit
le livre et n'augmente guère le prix. D'ailleurs, selon nous, il n'y aurait pas
d'inconvénient à voir s'élever quelque peu le prix du nôtre qui est assez bas.
Je sais que Rubens, avec son talent divin, trouverait [114] quelque chose pour mettre là qui conviendrait et à ma poésie et à l'ordre dont
je fais partie et à la religion.
Veuillez lui présenter mon très humble salut. Et vous aussi, mon très
cher Moretus, je vous salue comme le plus dévoué de vos amis et votre
serviteur en Jésus-Christ.
Bernard Bauhusius.
Louvain le 1r août (1617).
CLVII BERNARD BAUHUSIUS A BALTHASAR MORETUS.(12
octobre 1617.)
Vir Ornatissime Amicissime Morete.
Coram etiam de frontispicio agemus; explicabo clare quid velim fieri (nam
Reverendo Patri Vice-provinciali placet pulcram aliquam libro frontem praeponi).
Excogitavi Parnassum sacrum, Musas, Mnemosynem, Apollinem, omnia sacra
Raptim Lovanio
12 8bris(1617).
Bernardus Bauhusius.
Bernardus Bauhusius.
Original aux Archives du Musée Plantin-Moretus. Lettres reçues, Registre LXXVI,
p. 497.
TRADUCTION.BERNARD BAUHUSIUS A BALTHASAR
MORETUS.
Cher Monsieur Moretus.
Parlons d'abord du frontispice; je vous expliquerai clairement ce que je désire
(car le R. P. Vice-provincial veut qu'une belle gravure soit placée en tête du
livre). J'ai pensé au Parnasse sacré avec les Muses, Mnémosyne, Apollon et tout
l'appareil sacré
En hâte à Louvain 12 8bre(1617).
Bernard Bauhusius.
Bernard Bauhusius.
COMMENTAIRE.
Bernard van Bauhuysen ou Bauhusius naquit à Anvers en 1575 et y mourut le 25
novembre 1619. Il entra, à l'âge de seize ans, dans la Compagnie [115] (1 août-12 octobre 1617.) de Jésus,
fut professeur à Bruges, prêcha longtemps et avec distinction à Louvain et dans
d'autres villes, publia un recueil d'épigrammes latines et un recueil de
cantiques en flamand.
Les lettres que nous publions ici se rapportent à la seconde édition des
épigrammes. La première édition date de 1616. Avant qu'elle n'eût paru,
Bauhusius avait demandé à Moretus de l'orner d'un frontispice, car à la date du
22 octobre 1615, l'imprimeur lui répond: «Les beaux caractères et le nom de
Jésus qui ornent le titre rendent toute illustration superflue; mes graveurs ont
d'ailleurs les mains bien pleines à tailler les planches des Bréviaires et- des
Missels.»
La première édition des épigrammes de Bauhusius parut donc sans frontispice; le
titre porte un nom de Jésus gravé sur bois, vignette tellement insignifiante que
l'on ne saurait regarder que comme une plaisanterie l'affirmation de Moretus
qu'elle rendait superflue toute autre illustration. La seconde édition de 1620
n'a pas non plus de frontispice, mais le nom de Jésus qui paraît sur le titre
est gravé sur cuivre. Ce n'est que dans la troisième édition, parue en 1634,
quinze ans après la mort de l'auteur, que nous trouvons le frontispice gravé
d'après le dessin de Rubens (1).((1) Bernardi Bauhusii et
Balduiui Cabillavi e Soc. Jesu Epigrammata. — Caroli Malapertii ex eadem
Soc. Poemata. Antverpiae, ex Officina Plantiniana, Balthasaris Moreti, M.
DC. XXXIV. In-24. (Voir OEuvre de Rubens, N° 1241.)) L'artiste a
évidemment tenu compte du voeu exprimé dans la lettre de Bauhusius du 12 octobre
1617. Il a choisi comme motif de sa composition très simple les bustes accolés
de Minerve et d'une Muse. Sur le dessin qui se conserve au Musée
Plantin-Moretus, Rubens écrivit de sa main: «Habes hic Musam sive Poesim cum
Minerva seu Virtute forma Hermatenis conjunctam nam Musam pro Mercurio apposui
quod pluribus exemplis licet, nescio an tibi meum commentum placebit ego certe
mihi hoc invento valde placeo ne dicam gratulor. Nota quod Musa habeat pennam in
capite, qua differt ab Apolline.» (Vous avez ici une Muse, ou la poésie, et
Minerve, ou la Sagesse, réunies en forme d'Hermathène. J'ai remplacé Mercure par
une Muse, ce que de nombreux exemples autorisent à faire. J'ignore si mon projet
vous plaira; quant à moi, je me réjouis, pour ne pas dire que je me félicite de
cette invention. Notez que la Muse ait une plume sur la tête, attribut qui la
distingue d'Apollon.) Ces lignes étaient évidemment adressées à son ami
Balthasar Moretus.
Comme la plupart des lettres que les Archives du Musée Plantin-Moretus possèdent
de Bauhusius, les deux que nous publions ici ne portent pas l'indication de
l'année où elles furent écrites. La mention de la publication récente du livre
du P. Surius nous permet de conclure avec certitude, qu'elles [116] datent de 1617. En effet, le seul ouvrage que le père Surius fit
paraître à Arras, est un recueil de poésies en deux volumes (Moratae poesos,
volumen 1 et volumen 2) qui fut imprimé chez Guillaume Rivière, en 1617.
CLVIII GEORGE GAGE A SIR DUDLEY
CARLETON.(23 août
1617.)
May it please your Lordp.
To deale plainly and ingeniously with yr Lordship, I must
confesse that by my negligence it hath happened, that you have not receaved your
Pictures almost a month since. For before my going to Dunkerck (whither I did
accompany my frend Mr. Matthew) your
pictures were finished, payed for, and encassed up in Mr. Wake 's house. The error was, that at my departure
out of Brussels, having many things to
troble a weake braine, I forgot to get by Mr. Trumbal a billet of free passage for those
peeces, which only hath bin the cause of their stay. I hope their goodnesse will
make some part of amends for this fault. I will not commend them, only I will
tell yr Lordsp: concerning that of
Sniers, yt I have bin wooed to let some have it for more
money then it cost, and I doe assure yow that it hath bin esteemed by some very
judicious workemen and gentelmen at a 100 crownes. Your Ls
money hath bin thus reparted according to the best bargaines that I could make:
Rubens had the cheyne never
valued above £ 44 sterling, Bruegell had £ 14, Sniers £ 12, and Sebastian Franc £ 10. Some little
charges will bee found in the packening and accommodating of those thinges,
which I lay out of £ 4 sterling which is in my handes of y. Lordships money, the
rest hereof I will deliver to Mr Wake to bee disposed of
according yr Lps order.
Yr L. most humble servant
G. Gage.
Brussels this 23 of August 1617.
Understands he has received divers antique heads and statues out of Italy, wishes to
know if they were bot of Daniel Nice, shd much like to see them, especially if any Statues as large as life.
[117] Original: Londres, Public Record Office. Foreign State
Papers. Holland 118. Publié dans le Catalogue raisonné de J. Smith, IX, p. 240.
— Item par Noel Sainsbury. Op. cit., XV, p. 22.
TRADUCTION.GEORGE GAGE A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord,
Pour en user en toute sincérité avec Votre Seigneurie, je dois lui confesser
qu'il est arrivé par ma négligence, que vous n'avez point reçu vos peintures
depuis un mois au moins, car avant mon excursion à Dunkerque, où j'ai accompagné
mon ami M. Matthew, vos peintures étaient achevées, payées et emballées en
caisses dans la maison de M. Wake. La faute commise provient de ce qu'à mon
départ de Bruxelles, ayant ma faible cervelle agitée par diverses affaires, j'ai
oublié de me procurer par M. Trumbull une lettre de libre passage pour ces
pièces; c'est là la seule cause du retard. J'espère que votre indulgence
m'accordera un peu de pardon pour cette faute.Je ne veux pas vanter les
peintures, cependant je dois le dire à V. S.: en ce qui concerne le tableau de
Snyders, j'ai dû supplier pour empêcher quelques personnes de l'enlever pour un
prix supérieur à ce qu'il coûte et je puis vous assurer que des artistes et des
connaisseurs compétents l'ont estimé cent couronnes. Les fonds de Votre
Seigneurie ont donc été employés suivant les meilleures conventions que j'ai pu
faire, de cette façon: Rubens a la chaîne qui n'a pas été évaluée ici au-delà de
44 livres sterlings; Breughel a eu 14 livres, Snyders 12 et Sébastien Vrancx 10
livres. Il y aura à payer pour l'emballage et l'arrangement de ces tableaux
quelques petites dépenses que j'évalue à 4 livres sterling, je suis à même de
payer cette somme au moyen de l'argent que vous m'avez fourni. Ce qui me restera
je le remettrai à Mr Wake qui en disposera comme vous le
lui ordonnerez.
Votre très humble serviteur
G. Gage.
Bruxelles, 23 août 1617.
Il (G. Gage) a appris qu'il (Sir Dudley Carleton) a reçu d'Italie diverses têtes et
statues antiques, il désire savoir si elles ont été achetées de Daniel Nys et
aurait grand plaisir à les voir, surtout s'il y a dans le nombre des statues de
grandeur naturelle.
[118] COMMENTAIRE.
En échange de la Chasse aux Lions de Rubens, Sir Dudley Carleton donna la chaîne
évaluée à 44 livres sterling, soit 1100 francs en monnaie en comptant le livre à
25 francs. Comme l'argent avait à cette époque une valeur environ trois fois
plus grande que de nos jours, la somme équivaudrait à 3300 francs. A ce taux,
Jean Breughel reçut 1050 francs, Snyders 900 francs, Sébastien Vrancx 750
francs. Les cent couronnes offertes du tableau de Snyders vaudraient, en
comptant la couronne à deux florins, environ 1200 francs.
Daniel Nys était un marchand d'oeuvres d'art, établi à Vénise, qui fit
d'importantes affaires avec les grands amateurs anglais et avec le roi Charles I
pour lequel il acquit, en 1628, la célèbre collection des ducs de Mantoue.
[118]
COMMENTAIRE.
CLIX LIONEL
WAKE A SIR DUDLEY
CARLETON.(26 août
1617.)
Sr.
This inclosed from Mr. Gage will assure
you of the performance of such things as you weare pleased to comande me to
perfforme by yr lres of the 8 of
July: Mr. Gage hath left wth me 2 casses wth certayne picturs, the wch I will send you by
the first shipp that shall depart from hence towards the Hage, the wch I doubt will not be yett in 8 or 10 dayes, for that
there is none yet lading, Mr. Trumbull hath sent me a pass from the finances that they shall pass free
on this syde of all Gabells: and I will direct them to you, wch I think is sufficient to free them at Lillo
At yr honnors commandement
Lyonell Wake.
Antwerp, the 26 of August 1617.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 118.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., XIV, p. 22.
[119] TRADUCTION.LIONEL WAKE
A SIR DUDLEY CARLETON.
[119]
TRADUCTION.LIONEL WAKE
A SIR DUDLEY CARLETON.Sir.
La lettre, ci-incluse, de Mr. Gage vous assurera l'accomplissement de tout ce
qu'il vous a plu de me commander par votre lettre du 8 juillet: M. Gage a laissé
par devers moi deux caisses contenant certaines peintures que je vous expédierai
par le premier bateau qui partira d'ici pour La Haye, mais je doute que ce soit
avant huit ou dix jours, car il n'y en a aucun ici en charge. M. Trumbull m'a
envoyé une lettre de passe de la part de la Trésorerie, afin qu'elles puissent
être voiturées de ce côté de la frontière, franches de toute gabelle: je vous
les adresserai directement; je crois que cela suffira pour les affranchir à
Lillo (1)((1) Lillo, fort sur l'Escaut à trois lieues au
Nord d'Anvers, était à cette époque aux mains des Hollandais et pouvait être
considéré comme la frontière de leur pays pour les bateaux qui importaient
des marchandises sur lesquelles la douane avait des droits à
prélever.)
Aux ordres de Votre Honneur
Lionel Wake.
Anvers, le 26 août 1617.
CLX GEORGE
GAGE A SIR DUDLEY
CARLETON.(1 novembre
1617.)
Mylorde:
I hope yr Lp will beare with ill inck
and paper, since I am forced to answeare your last out of an Inne in a vagare,
that I am fetching for some few monthes into Spaign. I am exceeding glad your L. pictures came to your handes so
well conditioned, which I thought long till I heard, and I thinck it not amisse
to put yr L. in minde of one thing concerning them, which
is that yow keepe them not to long roled up (as often it happineth) before yow
hang them up, for it would much prejudice the colors. The hunting peece of Rubens in my opinion is
excellent, and perhaps preferable to the first, because when a Master [120] doth a thing the second time, lightly it is for the
better. I imagin in your praise of the others, yr L.
excepteth this cum semper sit excipiendus Plato. The peece of Sniers (as I
thinck I told you) was judged heere by skilful men worth 100 △
[crowns]. And howsoever yow esteeme there your Jaques de Ghein, yet wee preferre
by much Brugel, because his
thinges have neatnesse and force, and a morbidezza, which the other hath not,
but is cutting and sharpe (to use painters phrases) and his things are to much
ordered. I delivered to Sigr Rubens what yr L. wrightes to mee concerning yr heades and
statuaes. Hee and I were both sorry that I had resolved on this jorney, els wee
would both have visited yr Lordship. That which can bee
donne is, that at my returne (which I shall bee by the grace of God in the
spring) wee will goe together to wait upon yow, and I doubt not but there will
bee contentment given and received on both sides. But, if by any occasion yr Ld should bee removed from that
place before the sommer Sigr Rubens entreateth yr L. to cause him to bee certified in a worde therof, and
hee will not faile himself alone to wait on you.
Thus beseeching yr L. to command mee with all
freedome whersoever I shall bee in any thing that shall occurre for yr service, with my humble service to my good Lady, I
restYr Lordship's most humble Servant
G. Gage.
Peronne 1 of November 1617.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 119.
Publié en partie dans le Catalogue raisonné de J. Smith, IX, p. 240 et en entier
par Noel Sainsbury. Op. cit., XVI, p. 24.
TRADUCTION.GEORGES GAGE A SIR DUDLEY CARLETON.
Milord.
J'espère que V. S. accueillera sans impatience cette mauvaise encre et ce mauvais
papier, vu que je suis obligé de répondre à votre dernière lettre d'une auberge,
pendant une excursion que je vais faire en Espagne et qui durera quelques mois.
Je suis extrêmement heureux de savoir que vos peintures [121] vous sont arrivées en si bonne condition; le temps qui s'est passé
avant que je l'apprenne m'a paru long. Je pense qu'il ne sera pas mal à propos
de vous remettre en mémoire une recommandation qui les concerne; celle de ne pas
les conserver trop longtemps enroulées, comme il arrive souvent de le faire,
avant de les suspendre, car ce serait très préjudiciable aux couleurs. A mon
avis, la Chasse de Rubens est excellente, peut-être préférable à la première; en
effet, quand un maître exécute une oeuvre pour la deuxième fois, il la fera
aisément meilleure. En louant les autres tableaux, je m'imagine que V. S.
excepte toujours celui-ci, cum semper sit excipiendus Plato.La pièce de
Snyders, je crois vous l'avoir dit, a été évaluée ici par des hommes de goût,
avoir une valeur de 100 couronnes. Et quoique vous estimiez beaucoup là-bas
votre Jacques De Gheyn, nous lui préférons beaucoup Breughel dont les oeuvres
ont de la netteté, de la force et de la morbidezza. De Gheyn n'a pas ces
qualités, il est dur et anguleux, comme disent les peintres, et il met trop
d'arrangement dans ses compositions. J'ai communiqué à M. Rubens ce que vous
m'avez écrit au sujet de vos bustes et de vos statues. Lui et moi nous avons été
affligés de ce que j'aie dû me résoudre à ce voyage, sinon nous aurions tous
deux rendu visite à Votre Seigneurie. Ce qui peut être fait, c'est qu'à mon
retour, qui aura lieu au printemps, si Dieu le permet, nous allions tous deux
vous présenter nos respects, et je ne doute pas que des deux côtés on n'en
éprouve de la satisfaction. Cependant, si par quelque circonstance V. S. dut se
déplacer avant l'été, M. Rubens vous supplie de vouloir bien l'en informer par
un mot, car il ne manquera pas de venir tout seul vous faire sa visite.
Suppliant V. S. de me commander librement, et n'importe où je sois, de
faire ce qui peut être requis pour son service ou pour celui de Milady, je
suisde V. S. le très humble serviteur
G. Gage.
Péronne, 1 novembre 1617.
COMMENTAIRE.
La première chasse dont il est question ici n'est pas, comme M. Noel Sainsbury le
suppose, la Chasse aux Lions que possède le roi de Bavière, mais l'exemplaire de
trop grandes dimensions dont il a été question dans les lettres précédentes.
On est assez étonné de voir citer le nom de Jacques De Gheyn comme celui d'un
rival de Jean Breughel de Velours dans la peinture minutieuse, cet artiste
hollandaise étant surtout connu comme graveur. Plusieurs peintres [122] ont porté ce nom. Van Mander en a connu deux, le père
et le fils. Le premier, Jacques De Gheyn, fils de Jean, naquit sur la Zuiderzee
pendant un trajet que fit sa mère de Harlingen à Amsterdam; ses parents étaient
natifs d'Utrecht; il s'appliqua surtout à la peinture sur verre; mais, à la fin
de sa vie, il peignit également à l'huile. Il vint habiter Anvers, où il se fit
inscrire dans la Corporation de St Luc comme peintre sur
verre, en 1558; il passa le reste de sa vie dans la même ville et y mourut en
1582, âgé de 50 ans environ. Son fils Jacques, fils de Jacques, naquit à Anvers,
en 1565; de même que son père, il débuta comme peintre-verrier, il s'appliqua
ensuite à la gravure et ce fut dans cet art surtout qu'il acquit sa réputation.
Il quitta sa ville natale pour aller étudier à Harlem, chez Henri Goltzius, et
continua à résider en Hollande. Plus tard, il s'adonna à la peinture et se fit,
comme l'atteste la lettre de Gage, une grande réputation dans cet art. Il
peignait des fleurs et des figures et vivait encore en 1617. Il eut un fils,
nommé également Jacques, qui naquit, dit-on, à Amsterdam en 1594, et fut graveur
comme son père. Un quatrième Jacques De Gheyn vivait encore à Amsterdam en 1693.
Nous parlerons plus loin des marbres antiques mentionnés par un seul mot dans
cette lettre et dans l'avant-dernière.
Le projet de Rubens d'aller voir Sir Dudley Carleton, à La Haye, naquit du désir
du peintre de s'entretenir avec l'homme d'État de l'échange d'oeuvres d'art qui,
plus tard, s'effectuera entre eux. Rubens nous apprend dans sa lettre du 17 mars
1618, pourquoi ce projet de voyage fut abandonné.
CLXI BALTH. MORETUS
JOANNI BLEUWART J. C.(16 novembre 1617.)
Amicissime Domine,
Epitaphiam inscriptionem libens legi, acutam et auctore suo dignam; itemque qui
te decet erga fratrem affectum laetus cognovi, cui testando aeternum monumentum
ponere decrevisti. Lapidi incidi, e Clarmi
Puteani mente, haud dissuadeam:
sacra tamen imago cui subjuncta sit inscriptio pietatis plus praeferat: sed et
parergo lapideo, cui haec ipsa insculpatur, exornari illa possit, ut alibi Antverpiae
Rubenio ipso auctore factum. Nos
vero pro imagine, quam optimo parenti posuimus [123] sexcentos florenos persolvimus: pro imagine inquam sola: nam tabulae ligneae
pretium alius accepit, qui parerga adornavit, et haud vilem operae suae mercedem
exegit. Vale, Amicissime Domine, et a fratre meo salus, qui a difficillimo morbo
velut revixit,
Deo gratia esto, qui eum porro firmet et nos incolumes servet.
Antverpiae, in Officina
Plantiniana XVI Novembris 1617.
Minute aux Archives du Musée Plantin-Moretus à Anvers. Lettres latines écrites de
1615 à 1620, p. 154.
TRADUCTION.BALTH. MORETUS A JEAN BLEUWART.
Cher Ami,
J'ai lu avec plaisir l'inscription funéraire, elle est spirituelle et digne de
son auteur; de même, je me suis réjoui de l'affection pour votre frère qui vous
honore et en témoignage de laquelle vous avez résolu d'élever un monument
durable. Je ne vous détournerai pas d'y faire graver l'inscription rédigée par
Puteanus, mais un tableau religieux sous lequel cette inscription serait placée
témoignerait de plus de piété. On pourrait encore l'orner d'un monument en
pierre sur lequel l'inscription serait sculptée, comme cela s'est déjà fait à
Anvers par Rubens lui-même. Nous avons payé six cents florins pour le tableau
que nous avons placé sur le tombeau de notre père regretté. Je parle de la
peinture seule, car le panneau a été payé à un autre, qui a orné le monument et
qui s'est fait largement payer. Adieu, mon cher ami; mon frère vous salue. Il
vient de ressusciter, pour ainsi dire, d'une maladie fort grave.
Que Dieu soit loué, qu'il lui rende les forces et nous conserve la
santé
. Anvers, de l'Officine plantinienne, le 16 novembre
1617.
COMMENTAIRE.
La correspondance échangée entre Balthasar Moretus et Jean Bleuwart est fort
volumineuse; elle commence en 1609 et se prolonge jusqu'en 1640, avec un
intervalle, il est vrai, de 1618 à 1640. Malgré ses lettres et celles de son
correspondant, nous sommes peu renseignés sur le personnage. En 1608, Balthasar
Moretus inscrit en tête de son compte-courant «Jean Bleuwart étudiant habitant
chez la veuve de Juste Lipse.» Jusqu'au mois d'août 1616, [124] il habite dans la même maison; en octobre de la même année, il se
transporte à Malines. Nous ne savons quelles étaient ses occupations ordinaires
dans les deux villes; à Louvain, il soignait les intérêts et faisait la
correspondance de la veuve de Juste Lipse. Nous connaissons de lui une pièce de
vers insérée dans la seconde édition de la Fama Postuma de Juste Lipse, publiée
en 1613 par Balth. Moretus. L'inscription est: Piis Manibus Amplissimi
Clarissimique Domini Justi Lipsii Sermis Principibus a
consiliis, & Historiographi Regii Domini quondam mei colmi; la signature est: Cultus et moeroris testimonium M. P.
Joannes Bleuwart Athensis. Nous apprenons par là que l'auteur était natif d'Ath
en Hainaut, et qu'il avait été au service de Juste Lipse, probablement, ajoutons
nous, comme secrétaire.
Le tableau peint par Rubens, dont Balth. Moretus parle, est le triptyque de la
Résurrection du Christ dans la cathédrale d'Anvers, que Rubens exécuta pour
Balthasar Moretus et que celui-ci fit placer sur le tombeau de son père et de sa
mère (OEuvre de Rubens, nos 334-339).
CLXII PETRUS PAULUS RUBENIUS FRANCISCO SWERTIO.(Février-mars
1618.)
Clarise et Amicise D. Swerti.
Isidem C. V. Camdeni, ut verum
fatear, non plane perspexi, neque et imagine tam rudi (ignoscat artifex) eruere
potui probabilem conjecturam; nam de juvenca, nisi haec niteretur fide D.
Camdeni, ego quidvis aliud suspicarer, cum figura, proportio, gestus et situs
mirum in modum repugnent hujus animalis naturae proprietatibus. Apis sane qui
semper fere in marmoribus antiquis, quotquot ego observavi, aut Isidis aut
ipsius AEgypti latus claudit justa bovis fere adulti effingitur statura, lattis
illi denique sua peculiari nota lunae plus quam semiplenae conspicuum, cornua
item habet et cetera bovi congrua, Vaccam autem quae puella unquam catelli vice
in deliciis habuit et gremio suo toleravit? Vittae etiam et teniae Isidi valde
familiares imo individuae comités hic prorsus nullae; sed illam sine sistro
pictam aut fictam, ni fallor, vidit nemo; nempe quod proprium ejus sit insigne.
>Sed ne nihil dicam, cum nihil tamen certi in re tam obscura affirmare [125] ausim, si vitula istud animal est ego suspicarer de
quodam voto pro frugibus juxta illud vulgi: «cum vitula facies pro frugibus»
suscepto; hoc suadet patera frugifera et vas potorium in altera manu ab urnis
fluviorum quantitate et forma omnino dispar (1)((1) En
marge: Urnae siquidem grandes et depressiore alveo.); bibebant autem
in sacris ut Saufeia (2)((2) Boire comme Saufeia est une
réminiscence de Juvénal, Satire IX, v. 117:Pro populo faciens quantum
Laufella bibebat.Selon les commentateurs Laufeia, Saufeia ou Laufella
était une ivrognesse connue à Rome.); corona etiam sacrifiais propria
sive florida sive herbacea vel aurea vel alius materiei ut multis exemplis
doceri potest. Hoc habe pro re nihil. Sed pro negociis meis abunde, quae alio me
avocant, amicise Domine. Caeterum questionem Isiacam
peritioribus integram et illibatam rellinquimus.
Vale et me aetatim ama.Ex asse tuus
Petrus Paullus Rubenius.
Original au British Museum: Epistolae V. V. Cl. ad Gul. Camden. Bibl. Cotton.
Publié dans: V. Cl. Gulielmi Camdeni, et illustrium virorum ad G. Camdenum
epistolae. Londini, 1691. p. 369. — Item, par Noel Sainsbury. Op. cit., XVIII,
p. 25 et 247. — Rosenberg. Rubensbriefe, p. 53.
TRADUCTION.PIERRE-PAUL RUBENS A FRANÇOIS SWERT.
Cher Monsieur Swert,
Je vous l'avoue franchement, je n'ai pas clairement compris l'Isis de l'honorable
M. Camden; d'après un dessin aussi mauvais, j'en demande pardon à l'artiste, je
n'ai pu tirer aucune conjecture probable. Au lieu de la génisse, à moins qu'elle
n'existe que dans la croyance de M. Camden, je suis disposé à voir toute autre
chose, car, la figure, la proportion, le geste et la pose diffèrent étonnamment
de tout ce qui constitue cet animal. Apis, qui, dans les marbres antiques, pour
autant que j'aie pu les observer, se tient à côté d'Isis ou même d'Egyptus, est
représenté avec la stature réelle d'un boeuf presque adulte; sur son propre
côté, on aperçoit l'emblème particulier de la lune pleine au delà de moitié, il
a des cornes et les autres caractères d'un boeuf. Quelle jeune fille a jamais
fait ses délices d'une vache au lieu d'un petit chien et l'aurait tenue sur ses
genoux? Des bandelettes et des guirlandes [126] qui sont les
attributs ordinaires presque inséparables d'Isis, on n'aperçoit point de traces;
personne, si je ne trompe, ne l'a jamais vue peinte ou sculptée, sans le sistre,
car c'est bien son insigne propre.
Mais pour dire quelque chose, bien que je n'ose rien affirmer dans une matière
aussi obscure, si cet animal est une génisse, je soupçonne qu'il s'agit de
quelque voeu fait pour une bonne récolte, selon ce dicton «Sacrifiez une génisse
pour la réussite des fruits de la terre.» Cette conjecture est appuyée par la
patère pleine de fruits et le vase à boire que cette Isis tient de l'autre main
et qui diffère tout à fait par la dimension et la forme des urnes des fleuves
(1)((1) En marge: Ces urnes étaient grandes et avaient
le ventre déprimé.), car dans les sacrifices on buvait comme Saufeia.
Voilà ce qu'indiquait encore la couronne qui était de fleurs, de verdure, d'or,
ou d'autre matière, ce que l'on peut affirmer d'après de nombreux exemples.
Voilà ce que je puis vous donner, ce n'est rien pour la chose elle-même, c'est
beaucoup pour moi, mon cher Monsieur, car mes occupations appellent mon
attention sur d'autres sujets. Du reste, je laisse cette question d'Isis entière
et intacte à de plus savants que moi.
Au revoir, aimez toujoursle tout vôtre
Pierre-Paul Rubens.
COMMENTAIRE.
Comme François Sweerts (voir 1 juin 1616) le dit dans la lettre suivante, celle
que l'on vient de lire contient l'explication que Rubens a essayé de donner
d'une statue dont Camden avait envoyé le dessin à François Sweerts. Le savant
anglais y avait vu une Isis, le peintre y voit la représentation d'une personne
qui accomplit un voeu fait pour obtenir une bonne récolte. Il avoue d'ailleurs
que la solution du problème est difficile et qu'il donne la sienne pour ce
qu'elle vaut. Qu'elle soit fondée ou non, cette explication prouve l'érudition
de Rubens. La citation du dicton latin, l'allusion à un personnage nommé dans
une Satire de Juvénal, témoigne d'une grande familiarité avec la littérature
latine, de même que tout le texte de la lettre nous donne une haute idée des
connaissances archéologiques de l'artiste. La lettre ne porte point de date.
Comme François Sweerts l'expédie à Camden, le 10 mars 1618, on peut admettre
qu'elle a été écrite au commencement du même mois ou au mois de février
précédent.
Guillaume Camden, l'archéologue et historien anglais très connu, naquit à Londres
en 1551. En 1575, il fut nommé second maître et, en 1593, premier [127] maître de l'école à Westminster; en 1597, il fut nommé
roi d'armes de Clarence; il mourut le 9 novembre 1623 et fut enterré à l'abbaye
de Westminster. Outre de nombreux écrits d'archéologie et de philologie, il
composa Britanniae descriptio dont de nombreuses éditions virent le jour pendant
sa vie et les Annales du règne d'Elisabeth, dont la première partie seule fut
publiée de son vivant, en 1615, et dont son ami Dupuy fit paraître une édition
complète en 1625. Cet ouvrage fut également réédité plusieurs fois en français
et en anglais. Camden était lié avec plusieurs savants et spécialement avec les
plus éminents lettrés de la France et des Pays-Bas. Les lettres qu'il reçut
d'eux furent publiées à Londres, en 1691, in-4°.
Le dicton cité par Rubens «Cum vitula faciès pro frugibus» rappelle le vers de
Virgile: Cum faciam vitula pro frugibus, ipse venito. (Eclog. III. v. 77.) Ce
vers se trouve ordinairement cité par les anciens commentateurs de Juvénal à
propos des vers 115-117 de la IXe Satire de ce poète:
Sed prodere malunt
Arcanum, quam subrepti potare Falerni
Pro populo faciens quantum Laufella bibebat.
Le commentaire habituel est ainsi conçu:
«Vetus schol: Pro populo faciens quantum Saufeia bibebat. Sacrificans Virgo
Vestae.
Virgilius: Cum faciam vitulum pro frugibus, ipse venito,
Joannes Britannicus: Laufella (une variante du nom de Saufeia) bibebat.
Laufellam sui temporis mulierem vinolentam notat.»
Coïncidence curieuse: les anciens éditeurs de Juvénal ont lu le nom de cette
ivrognesse les uns Saufeia les autres Laufeia ou Laufella; dans l'autographe de
la lettre de Rubens à Camden, il est également difficile de distinguer la
première et la quatrième lettre du nom et de décider si c'est Laufeia, Saufeia
ou Lauseia, qu'il faut lire. L'éditeur de la Correspondance de Camden a lu
Lauseia et nous aurions fait comme lui, si le texte de Juvénal n'exigeait pas
une leçon différente; Noel Sainsbury a imprimé Lanfera.
Amicissime Camdene.
Literas tuas cum munere accepi, et gratias immortales ago: tuis jam non
respondeo, negotia Mercurialia non permittunt. Mitto Europam redivivam, auctore
amico nostro Scrieckio, folio 59 invenies nomen Camdeni: item Encomium
Historicum Henrici IV Galliae Regis, et carmen in ejus statuam, quod ab auctore
accepi. Videbis judicium quoque super Isidis statua Petri Pauli Rubenii, Antiquarii, et seculi
nostri Apellis.
Vale. Plura non scribo, alias longius.
Antverpiae, A° 1618 X Martii.
Adresse: Clariss° doctissimo viro Dno Guilielmo
CamdenoLondinum. Amica manu.
Original au British Museum. Cott. Ms. Jul. Caes., V f° 240-241. — Publié dans V.
C. Gul. Camdeni et ill. virorum ad G. Camdenum Epistolae. Londini, 1691, p. 224.
— Traduction en anglais par Noel Sainsbury. Op. cit., XVII, p. 25.
TRADUCTION.FRANÇOIS SWERTS A GUILLAUME CAMDEN.
Très cher ami Camden.
J'ai reçu vos lettres avec le cadeau que vous m'offrez et je vous en remercie
infiniment. Si je n'ai pas répondu plus tôt, c'est que mes affaires ne le
permettaient point. Je vous envoie un exemplaire d'Europa rediviva, dont notre
ami Scrieckius est l'auteur; à la page 59, vous trouverez cité votre nom. Je
vous envoie également l'Encomium Historicum Henrici IV Galliae Regis et une
pièce de vers célébrant sa statue, que j'ai reçue de l'auteur. Vous trouverez
ci-jointe, sur la statue d'Isis, l'opinion de Pierre-Paul Rubens, un archéologue
et l'Apelle de notre siècle.
Je ne vous en dis pas davantage pour le moment, un autre jour ma lettre
sera plus longue.
Anvers, le 10 mars 1618.
[129] COMMENTAIRE.
Adrien van der Schrieck ou Scrieckius naquit à Bruges, le premier janvier 1565,
étudia à Paris la philosophie et la jurisprudence, fit partie du Conseil d'État
sous Albert et Isabelle, et mourut à Ypres, le 26 décembre 1621. Il écrivit un
singulier ouvrage Van t' beghin der eerster volcken van Europen in-sonderheyt
vanden oorspronck ende saecken der Neder-landren. Ypres, François Bellet, 1614,
en latin Originum rerumque Celticarum et Belgicarum libri XXIII. (Antv. Guil. a
Tongris, 1616), dans lequel il cherche à démontrer que la langue flamande ou
néerlandaise est la plus ancienne de la terre et fut parlée par Adam et Ève au
paradis terrestre. Il publia encore De vera et falsa origine monimentum sive
Europa rediviva (Antverp. Guil. a Tongris, 1617), l'ouvrage que son ami François
Sweerts envoie à Camden. Dans cet ouvrage, une mention élogieuse est faite de
Camden et l'auteur avait mis à la disposition de Fr. Sweerts un exemplaire
destiné à l'historien anglais.
Le Carmen in ejus statuam est une pièce de vers par Caspar Gevartius intitulée In
Statuam equestrem Henrico IV Gall. et Navarrae Regi in novo Sequanae ponte
erectam, Carmen heroicum, aliaeque Sylvae. Parisiis, 1617. Dans cet ouvrage se
rencontre un Elogium historicum Henrici IV Franciae et Navarrae Regis du même
auteur.
La statue d'Isis était un marbre antique que l'on venait de découvrir en
Angleterre; les uns la croyaient être une statue de la déesse égyptienne et
d'autres la prenaient pour un personnage différent. André Schott y voit la
statue d'un prêtre païen (G. Camdeni et ad G. Camdenum Epistolae. Epist. CLXXIX:
Andreas Schottus G. Camdeno).
[129]
COMMENTAIRE.Excellentismo Signore.
Havendo inteso da diversi delle rarità di cose antiche che V. E. hà raccolte
insieme, mi venne voglia de venir à vederle in compagnia del Sigre
Giorgio Gage suo patriotto, ma colla
partita di quello alla volta di Spagna, i
per l'importunita delli mei negocij questo pensiero sen è andato à monte pur
essendosi lasciata V. E. intendere allora con esso Sr Gage
chella si risolverebbe à far qualq. cambio meco di quelli marmi in pitture di
mia mano, io come vago delle antiquita mi desporrei façilmente ad accettar ogni
raggionevol partito, mentre che V. E. continuasse in quel amore, ma non posso
imaginarmi mezzo più espediente per venir in qualque trattato che per via del
portator di questa al quale V. E. volendo mostrar le cose sue i permetter di
pigliarle in nota per potermene dar raguaglio io parimente mandarei la lista di
quelle opere ch'io mi ritrovo in casa (1).((1) En marge: O
se farebbono a posta quelle pitture che sarebbono piu a gusto di V.
E.) Et in somma si comminçiarebbe a formar qualq. negociatone che stesse
bene ad ambo le parti. Questo Galanthuomo si çiama Françoys Pieterssen de
Grebbel nativo et habitante di Harlem persona onorata et da bené della cui
sinçerità potiamo fidarsi sicuramente.
I con questo mi raccommando di vero core nella bona gratià di V. E. et
le prego del cielo ogni félicita e contentezza.
Di Anversa alli 17 di Marzo 1618
Di V. Eccellenza humilissi° servitore
Pietro Pauolo Rubens.
L'adresse porte: Al Eccellentiss° Sigr et patron mio
colendissmoIl Sigr Dudley
Carleton Ambasciatore del Sermo Re della Gran Bretaigna
nella Haija.
(Au dos, de la main de Carleton:)Paulo Rubens the 17 of March 1618.
Original: Londres, Public Record office. Foreign State Papers, Holland 124.
Publié dans Hookham Carpenter. Pictorial Notices, p. 138. — Item. Dans la
traduction par L. Hymans, p. 166. — Item. Rosenberg. Rubensbriefe, p. 41. —
Traduction anglaise Sainsbury, op. cit. p. 27.
[131] TRADUCTION.P. P.
RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.
[131]
TRADUCTION.P. P.
RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.Excellentissime Seigneur,
Ayant entendu parler par diverses personnes de la précieuse collection d'objets
antiques recueillie par Votre Excellence, j'avais formé le projet de venir la
voir en compagnie de M. Georges Gage, votre compatriote, mais, par suite du
départ de celui-ci pour l'Espagne et à cause d'affaires urgentes, j'ai dû
abandonner l'idée. Cependant, V. E. ayant alors laissé entendre par M. Gage
qu'Elle se résoudrait à faire avec moi quelque échange de ses marbres contre des
peintures de ma main, je serais volontiers disposé, comme amateur d'antiquités,
à accepter tout arrangement raisonnable, si V. E. est encore dans cette
intention. Mais pour aboutir à un accord, je ne puis imaginer de moyen plus
convenable que de me servir du porteur de cette lettre, en priant V. E. de lui
montrer vos objets et de lui permettre de prendre des notes pour qu'il puisse
m'en faire le rapport; de mon côté, j'enverrais la liste des oeuvres qui se
trouvent chez moi, ou bien, j'exécuterais expressément des peintures qui seront
de votre goût. En tous cas, nous ferons de telle sorte que les deux parties
soient contentes. Ce monsieur s'appelle François Pieterssen de Grebbel, il est
natif et habitant de Harlem: c'est une personne honorable, un homme de bien sur
la sincérité duquel nous pouvons nous reposer en toute sécurité.
Sur quoi, je me recommande de tout coeur aux bonnes grâces de V. E. et
je prie le ciel de Lui accorder toute félicité et tout contentement.
D'Anvers, le 17 mars 1618.
De V. E. le très humble serviteur
P. P. Rubens.
Adresse: A Son Excellence, mon protecteur très honoré, Sir Dudley Carleton
Ambassadeur de Sa Majesté le roi de la Grande Bretagne à La Haye.
Au dos de la main de Carleton: De Paul Rubens, le 17 mars 1618.
COMMENTAIRE.
Voici la première d'une série de douze lettres traitant d'un échange de marbres
antiques, appartenant à Sir Dudley Carleton, contre des tableaux peints par
Rubens. La négociation, entamée le 17 mars 1618, se termine dès le premier juin
de la même année. Rubens avait le goût des antiquités et forma [132] une collection importante de marbres et de camées qu'il vendit, en
1625, au duc de Buckingham. Sir Dudley Carleton de son côté possédait des
marbres recueillis spécialement en Italie et il était grand amateur de tableaux.
L'artiste et le grand seigneur étaient donc faits pour s'entendre. Les détails
que Rubens fut forcé, dans le cours de cette négociation, de donner sur ses
propres tableaux, offrent un très grand intérêt pour l'histoire de son oeuvre.
Nous y recueillons des renseignements sur plusieurs de ses tableaux, sur le prix
qu'il en demandait et sur la part que prenaient ses élèves à leur exécution.
Rappelons que, par sa lettre du 1r novembre 1617, Georges
Gage fit savoir à Sir Dudley Carleton qu'il avait communiqué à Rubens ce que le
diplomate anglais lui avait écrit au sujet de ses bustes et statues. Rubens
exprima, à cette époque, le désir d'aller voir en Hollande la collection en
question, en compagnie de Gage, mais ne put, à cause du départ de ce dernier,
réaliser son projet. C'est donc Sir Dudley Carleton qui fit les premières
ouvertures des négociations qui donnèrent lieu à la correspondance débutant par
cette lettre.
Le François Pieterssen De Grebbel, ou plus exactement De Grebber, l'homme de
confiance de Rubens, était un peintre de Harlem (Frans Pietersz De Grebber) qui
fut élève de Jacques Savery et peignit des tableaux d'histoire, dont il s'en
trouve trois à l'hôtel-de-ville de Harlem datés de 1610 et de 1619. En 1646, il
éxécuta pour le prince Frédéric-Henri deux tableaux représentant des enfants.
On trouve le nom de François Pietersz de Grebber dans les registres de Saint Luc
de Harlem dès l'année 1601, ce qui fait reculer la date de sa naissance au moins
jusque vers 1585; Bryan Stanley la place en 1579. En 1606, il peignit l'armoire
dans laquelle on exposa l'argenterie destinée à une loterie en faveur de
l'hospice des vieillards à Harlem; en 1610, il signa un tableau conservé au
Musée de la même ville et, en 1619, deux autres. De Grebber devait être une
espèce de marchand de tableaux ou de brocanteur et il est probable que Rubens
doit l'avoir connu en cette qualité. Les nombreux démêlés qu'il eut avec les
doyens de Saint Luc nous apprennent à le connaître comme un trafiquant de toutes
sortes de choses. En 1627, il était doyen de la Corporation de Saint Luc et
donna — probablement en échange d'autres objets — les reliques de Saint Luc, que
l'on conservait dans la Confrérie, à un dominicain de Bruges. Ce fut à grand
peine que l'on parvint à en récupérer une parcelle que le dominicain avait
gardée. En 1636, ce fut chez lui que se trouvaient les tableaux destinés à une
loterie; l'année suivante il fut mis à l'amende pour avoir organisé cette
loterie. En 1628, il était membre d'une société qui faisait le commerce avec
l'île de Schoonen en Danemark. Il mourut en 1649; sa fille Marie et son fils
Pierre furent également peintres.
[133] Rubens, qui en parle avec tant d'estime et de détails,
devait bien le connaître. Comment les deux artistes entrèrent-ils en relation?
Une notice insérée par M. Henri Hymans dans le Bulletin de l'Académie royale de
Belgique (62e année, p. 402) nous apprend que Rubens
visita Harlem avant l'année 1616 et le prouve, en citant un passage d'un
commentaire en prose dont Balthasar Gerbier fit suivre un sien poème en
l'honneur du graveur Henri Goltzius (1).((1) Eer ende
Claght-Dicht ter eeren van den Lofweerdighen Constrijcken en gheleerden
Henricus Goltius, overleden, tot Haerlem den 29 december 1617. 'S
Gravenhaghe, Aert Meuris. 1620.) Ce dernier mourut non pas le 29
décembre 1617, mais le premier janvier de la même année. Il était depuis
longtemps malade et dans la dernière année de sa vie il n'aurait pas été en état
de prendre part au festin d'amis dont Gerbier fait mention. Ce fait doit donc
s'être passé avant 1616. «Rubens avec Breughel, van Baelen et quelques autres
compagnons, ainsi raconte Gerbier, se trouvant en Hollande, furent, à leur
départ de Harlem, surpris dans un village de la route par Goltzius et un groupe
d'artistes de la même ville, déguisés en paysans, et cela dans le but de faire
honneur aux nobles génies et de boire un dernier verre, cordialement et
joyeusement, à leur amitié et fidélité réciproques (2).((2)
Rubens, Breughel, Van Baelen ende sommige meer in Hollant zijnde, werden,
rijsende van Haerlem, van Goltzius en andere gheesten derselver Stadt in een
Dorp (hun boertighs onbekent toeghemaeckt hebbende), gearesteert om de Edele
Gheesten eer aen te doen ende om voor het letste uyt eenen ombeveynsden
boertighen Roomer malcanderen de Vriendschap en de foy toe te
drincken.) » Rubens visita donc Harlem quelques années avant la date de la
présente lettre; il apprit, sans aucun doute, à y connaître François De Grebber
et celui-ci fut très probablement un des artistes hollandais qui firent à Rubens
et à ses compagnons la joyeuse surprise dont Gerbier nous a gardé le souvenir.
Il est digne de remarque que ceux-là même qui n'ont pas connu les relations
personnelles de Rubens avec François De Grebber ont été frappés par une certaine
affinité entre le style pictural de Pierre De Grebber, fils de François, et
Rubens. Vosmaer fait expressément ressortir l'influence que, selon lui, le
peintre anversois a exercé sur le peintre de Harlem et sur plusieurs autres
artistes de la même ville. Kramm et d'autres, parlant d'une eau-forte faite par
Pierre De Grebber et représentant le portrait de Cornelius Arnoldi, affirment
que cette eau-forte fut faite d'après un tableau de Rubens. Il est vrai que
cette affirmation ne repose sur aucun fondement sérieux. L'eau-forte en question
représente un prêtre du nom de Cornelius Arnoldi, mort le 3 octobre 1613, dont
le corps fut retrouvé inaltéré le 6 mai 1630. C'est d'après ce corps mort,
merveilleusement conservé, que Pierre De Grebber exécuta sa gravure comme le
constate l'inscription qui entoure l'effigie du défunt: R. D. Cornelius Arnoldi
[134] presb. obiit An. 1613 3 Octob. Corpus ejus
Hydropicum post XVI annos et mens. VI in Sepulcro integrum ac firmum, membris
ductilibus, colore fusco, repertum An. 1630 VI maji P. D. Greb. F. ex monum.
L'estampe ne porte aucune mention permettant de conclure que le portrait fut
peint par Rubens. Il est d'ailleurs de la plus haute invraisemblance que ce
dernier aurait peint l'effigie d'un mort et aurait fait graver son travail à
Harlem.
CLXVD. GULIELMO CAMDENO
FRANCISCUS SWEERTIUS S. D.(14 avril 1618.)
Jam mensis est, ni fallor, quod miserim Europam redivivam, item Encomium
Historicum Henrici IV Galliae Regis, cum carmine Gevartii nostri in ejus
statuam, item Petri Pauli
Rubenii judicium super statua inventa: nunc habes R. P. Schotti epistolam
et Chronicon Cisterciensis Ordinis. An videris, nescio; interim boni consules,
et Sweertium amare perge et salutem amicam D. Jacobo Colio; quem fortassis hac
aestate Antverpia videbit; utinam
Camdenum!
Vale.Ex nostro Musaeolo, citius quam coquantur asparagi:
M DC XVIII XIV Aprilis.
Publié dans G. Camdeni et illustrium virorum ad G. Camdenum epistolae. Londini,
Rich. Chiswell, 1691. Epist. CLXXXIII, p. 230.
TRADUCTION.FRANÇOIS SWEERTS A GUILLAUME CAMDEN.
Il y a, si je ne me trompe, un mois que je vous ai envoyé l'Europa rediviva,
l'Encomium Historicum Henrici IV et une pièce de vers de mon ami Gevartius sur
la statue équestre de ce roi de France, en même temps que l'avis de Rubens sur
la statue d'Isis. Je vous envoie aujourd'hui une lettre de R. P. Schot et sa
Chronique de l'Ordre de Citeaux. Je ne sais si vous connaissez cet ouvrage.
Quoiqu'il en soit, j'espère qu'il vous sera le bienvenu. Continuezmoi votre
amitié et saluez de ma part Jacques Colius que nous verrons cet été à Anvers. O!
si nous pouvions y voir aussi Camden!
Portez-vous bien.De notre cabinet de travail, plus rapidement qu'on
ne ferait cuire les asperges.
Le 14 avril 1618.
[135] COMMENTAIRE.
La lettre d'André Schot, dont Sweertius annonce l'envoi, fut écrite le 25 mars
1618, elle est imprimée dans Camdeni Epistolae (Ep. CLXXIX). Il y traite, entre
autres, de la statue d'Isis, de ses travaux littéraires et d'un manuscrit
découvert par lui, traitant De mundi contemptu seu de paupertatis bono et publié
plus tard par lui sous le pseudonyme de Philotheus Anglus. De la statue d'Isis
il dit avoir vu que, par les lettres adressées à Sweertius, Camden désirait
connaître l'opinion de Schottus et de Rosweydus sur la statue récemment
découverte en Angleterre, que le savant anglais croyait être celle d'Isis. Il la
regardait comme celle d'un prêtre paien à cause de la génisse qu'il avait sur
les genoux, de la corbeille de fruits de la terre, des vases d'encens et de la
coupe de libation; mais il ignore, dit-il, au service de quel dieu ou déesse le
prêtre est attaché. L'animal est destiné au sacrifice d'où le mot de Virgile:
«Lorsque je sacrifierai une génisse pour les fruits de la terre.»
Le Chronicon Cisterciense que Sweertius envoie à Camden, est l'ouvrage d'Aubert
Miraeus (Colon. Bern. Gualterus, 1613, 8°).
[135]
COMMENTAIRE.
CLXVI RUBENS A SIR DUDLEY
CARLETON.(28 avril
1618.)
Eccellentissimo Sigre.
Per aviso del mio Commissario ho inteso come V. E. è ben inclinata à far qualq.
partito meco circa le sue antichità et mi ha fatto sperar bene di questo negoçio
il veder chella vada con realtà havendoli detto il prezzo giusto che li costano,
di che voglio fidarmi totalmente nella sua parolla cavalleresca. I voglio ancora
credere chella habbia fatto tal compra con ogni giudicio et accortezza, benchè
li personaggi grandi sogliono tal volta nel comprar ò vender haver qualq.
desavantaggio perche molti vogliono ancora computar il titolo del compratore nel
prezzo della robba, della qual maniera di fare io sono alienissimo. I s'assicuri
pur V. E. chio li metterò i prezzi delle mie pitture a punto come se si
trattasse da venderle in denari contanti et di questo la supplico sia servita di
fidarsi nella parolla di un huomo da bene. [136] Io mi
ritrovo al presente fior di robba in casa, particolate
alcuni quadri che ho tenuti per gusto mio ansi ricompratone alcuni più di quello
li aveva venduti ad altri, ma il tutto sarà al servitio di V. E., perchè mi
piacçiono li negotij brevi dando i recevendo ciascuno il suo in un tratto et a
dir il vero io sono tanto cargato i prevenuto di opere publice i private che per
alcuni anni non posso disponere della mia persona, niente di manco caso che
çasciamo d'accordo come spero, io non mancarò de finir quanto prima tutte quelle
pitture che non ancora sariano di tutto punto finite, pur nominate nella lista
qui annessa (1)((1) En marge: La maggior parte è
finita.), i quelle che sono finite mandarei subito a V. E. In somma se V.
E. si risolvera di fidarsi tanto di mè quanto io mi fido di lei la cossa e fatta
perchio mi contento di dare a V. E. delle pitture di mia mano qui da basso
nominate sino al valore di sei mille fiorini à prezzo corrente in denari
contanti, per tutte quelle antichita che V. E. si ritrova in casa delle quali io
non ho visto ancora la lista ne manco so il numero ma del tutto mi fido nella
sua parolla i quelli quadri che sono finiti consignarò subito a V. E. et perli
altri che restaranno in mia mano per finire constituerò bona sicurta a V. E. et
li finirò quanto prima. I fra tanto mi rimetto a quello che V. E. concludera col
Sigr Françoys Pietterssen mio commissario et aspettarò
la sua resolutione con raccommandarmi di vero core nella bona gratia di V. E. et
con riverenza li baccio le mani.
Di Anvers alli 28 d'Aprile 1618.
Pietro Pauolo Rubens.
Di Vost Eccellenza Servitor affetso
Pietro Pauolo Rubens.
Adresse: Al Eccelenmo Sigr mio
Colendmo Il Sigr Dudlei Carleton
Ambas. del Sermo Re della Gran Bretagna appresso li Ordini
Confederati alla Haya.
Lista delli quadri che si ritrovono in casa mia.
fiorini 500 | Un Prometheo legato sopra il monte Caucaso con una aquila che li becca il fegato. Originale de mia mano è l'acquila fatta dal Snyders. | 6 piedi | 9 piedi |
fiorini 600 | Daniel fra molti Leoni cavati dal naturale. Originale tutto de mia mano. | 8 | 12 |
[137] fiorini 600(28 avril 1618.) | Leopardi cavati dal naturale con satiri e nimfe. Originale de mia mano, ecçetto un bellissimo paese fatto per mano di un valenthuomo in quel mestiere. | 9 | 11 |
fiorini 500 | Una Leda col Cigno et un Cupidone. Originale di mia mano. | 7 | 10 |
fiorini 500 | Crucifisso grande al pari del naturale stimato forse la meglio cosa chio facessi giamai. | 12 | 6 |
fiorini 1200 | Un Giuditio estremo. Cominciato di un mio discepolo appresso uno chio feci in molto maggior forma per il Sermo Principe de Neuburg che me lo pago tre mille cinquecento fiorini contanti ma questo non essendo finito si ritoccarebbe tutto de mia mano et a quel modo passaria per originale. | 13 | 9 |
fiorini 500 | San Pietro toleva del pesce il statere da pagar il censo, con altri pescatori attorno cavati del naturale. Originale de mia mano. | 7 | 8 |
fiorini 600 | Una cacçia cominciata da un mio discepolo d'huomini a cavallo e lioni appresso uno chio feci per il Sermo di baviera ma tutta ritocca de mia mano. | 8 | 11 |
ciascuno fiorini 50 | Dodeci Apostoli con un Cristo fatti di mei discepoli dalli originali che ha il Ducca di Lerma de mia mano dovendosi ritoccare de mia mano in tutto e per tutto. | 4 | 3 |
fiorini 600 | Un quadro di un Achille vestito di donna fatto del meglior mio discepolo, i tutto ritocco de mia mano, quadro vaghissimo e pieno de molte fanciulle bellissime. | 9 | 10 |
fiorini 300 | Un S. Sebastiano ignudo de mia mano | 7 | 4 |
fiorini 300 | Una Susanna fatta de un mio discepolo pero ritocca de mia mano tutta. | 7 | 5 |
(De la main de Carleton:)Fro Mr Rubens the 28 of Ap.
1618 rd the 6th of May 1618 and the 8th.
[138] Original: Londres, Public Record Office. Foreign State
Papers, Holland 124. Publié par Hookham Carpenter, p. 140 et p. 168 dans
l'édition française. — Traduction dans Sainsbury, p. 28. — Rosenberg.
Rubensbriefe, p. 42.
TRADUCTION.RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.
Excellence.
J'ai appris, par un avis de mon agent, que V. E. serait disposée à traiter avec
moi par rapport à ses objets d'art antique: j'ai conçu l'espoir de réussir dans
cette affaire en voyant que V. E. y procède avec loyauté, en lui communiquant
les prix réels des achats, en quoi je me fie entièrement à votre parole de
gentilhomme. J'aime à croire, en outre, que V. E. a opéré ses acquisitions avec
le plus grand discernement et la plus grande adresse, bien que, dans les ventes
comme dans les achats, les hauts personnages soient assez ordinairement traités
à leur désavantage. Très souvent, en effet, le titre de l'acheteur est compté
dans le prix de l'objet; mais je suis l'ennemi de cette façon d'agir. V. E. peut
être assurée que je mettrai les prix de mes peintures absolument comme s'il
s'agissait de les vendre argent comptant; sur ce point, je prie V. E. de vouloir
bien avoir confiance dans la parole d'un homme de bien.
Je me trouve avoir en ce moment chez moi quelques oeuvres d'élite,
particulièrement certains tableaux que j'ai tenus pour mon agrément; j'en ai
d'autres que j'ai rachetés en les payant plus cher que je les avais vendus, mais
tout est à la disposition de V. E., car j'aime les négociations rapides, dans
lesquelles chacun donne ou reçoit sa part tout d'un trait. Pour dire la vérité,
je suis tellement chargé et retenu de commandes en fait de travaux pour le
public ou pour des particuliers, que je ne pourrai pendant quelques années
disposer de ma personne. Néanmoins si nous tombons d'accord, comme je l'espère,
je ne manquerai pas de terminer, le plus tôt possible, tous les tableaux qui ne
seraient pas entièrement finis, quoiqu'ils figurent sur la liste ci-jointe; et
ceux qui sont terminés (et la plupart sont dans ce cas) je pourrais les envoyer
de suite à V. E. En somme, si V. E. veut se résoudre à se fier à moi autant que
je me fie à Elle, l'affaire est faite. Je me contente de donner à V. E. des
oeuvres de ma main, ci-dessous nommées, pour une valeur de 6000 florins, taxées
au prix courant et argent comptant en échange de toutes ces antiquités que V. E.
possède chez Elle; je n'en ai pas encore vu la liste [139] et je n'en sais pas même le nombre; mais en tout cela, j'ai foi en sa parole;
j'expédierai immédiatement à V. E. les tableaux achevés, et pour ceux qu'il me
reste à finir, je fournirai bonne assurance et je les terminerai au plus tôt.
Entretemps, je m'en rapporte à ce qui sera conclu par V. E. avec Mr François Pieterssen, mon agent, j'attendrai sa décision
en me recommandant de tout coeur à ses bonnes grâces et je lui baise les mains
avec respect.
D'Anvers, le 28 avril 1618.
P. P. Rubens.
De V. E. le serviteur affectionné
P. P. Rubens.
Adresse: A Son Excellence Sir Dudley Carleton, ambassadeur de S. M. le Roi de la
Grande Bretagne auprès des États Confédérés à La Haye.
Liste des tableaux qui se trouvent chez moi.
500 florins | Prométhée enchaîné sur le mont Caucase avec un aigle qui lui déchire le foie. Original de ma main; l'aigle exécuté par Snyders. | pieds 6 | pieds 8 |
600 florins | Daniel au milieu de nombreux lions peints d'après nature, Original entièrement de ma main. | 8 | 12 |
600 florins | Léopards peints d'après nature, avec des Satyres et des Nymphes. Original de ma main, à l'exception d'un très beau paysage qui est l'oeuvre d'un homme habile en ce genre. | 9 | 11 |
500 florins | Une Léda avec le Cygne et un Cupidon. Original de ma main. | 7 | 10 |
500 florins | Un Christ en croix, grandeur naturelle. On le regarde comme étant peut-être la meilleure chose que j'aie jamais faite. | 12 | 6 |
1200 florins | Un Jugement dernier. Commencé par un de mes élèves d'après une composition beaucoup plus grande, exécutée pour le prince de Neubourg qui me l'a payée 3500 florins comptant. Le tableau ci-dessus n'est pas terminé; je le retoucherai entièrement de ma main; de cette façon, il passera pour un original. | 13 | 9 |
500 florins | St Pierre enlevant au poisson le statère pour payer le tribut; autour de lui d'autres pêcheurs peints d'après nature. Original de ma main. | 7 | 8 |
[140] 600 florins | Une Chasse, commencée par l'un de mes élèves, cavaliers et lions, d'après un tableau fait pour le Sérénissime Duc de Bavière. Tout à fait retouchée de ma main. | 8 | 11 |
500 florins pièce | Les douze Apôtres et le Christ, par mes élèves, d'après les originaux de ma main que possède le Duc de Lerme; ils seront tous entièrement retouches par moi. | 4 | 3 |
600 florins | Un tableau représentant Achille habillé en femme, exécuté par le meilleur de mes élèves, entièrement retouché de ma main; très agréable composition, remplie de très belles jeunes filles. | 9 | 10 |
300 florins | Un Saint Sébastien nu; de ma main. | 7 | 4 |
300 florins | Une Suzanne, par un de mes élèves, mais toute retouchée de ma main. | 7 | 5 |
(De la main de Carleton:) De Mr Rubens, le 28 avril 1618,
reçu le 6 mai 1618, répondu le 8.
COMMENTAIRE.
Ceci est une des lettres les plus intéressantes que nous possédions de Rubens; il
ne lui arrive malheureusement pas souvent, dans la correspondance qui nous est
conservée, de parler de ses tableaux et nulle part il n'en mentionne un aussi
grand nombre et ne nous fournit des détails aussi précis et aussi abondants sur
eux. La lettre en elle-même se passe de commentaires; nous donnons quelques
renseignements sur les tableaux offerts en échange des marbres de Sir Dudley
Carleton.
500 florins. Prométhée enchaîné sur le mont Caucase avec un aigle qui lui déchire
le foie. Original de ma main; l'aigle exécuté par Snyders. 6 pieds de haut sur 8
de large. Le tableau se trouve actuellement au Musée d'Oldenbourg et appartient
au duc d'Oldenbourg qui l'acheta, en 1804; il avait été vendu, en 1802, à
Hanovre. Il a souffert dans un incendie et a été maladroitement restauré. La
figure de Prométhée est peinte par un élève, mais retouchée en grande partie par
le maître. Le tableau date de 1610 à 1612. Baudius le décrit dans les vers que
nous avons cités à la page 56, mais ne dit pas où il l'a vu. Il est très
probable que c'est l'un des tableaux dont Rubens dit qu'il l'a racheté à un prix
supérieur à celui qu'on lui en avait payé. Le pied anversois mesurait 283
milimètres, les 6 pieds de hauteur donneraient donc 1. 698 m., [141] les 8 pieds de largeur 2. 264 m.; le tableau d'Oldenbourg mesure 1.
98 m. en hauteur et 2. 42 m. en largeur. Les mesures données par Rubens sont
évidemment approximatives et ne correspondent donc pas exactement aux mesures
réelles. (Voir sur ce tableau OEuvre de Rubens, n° 671, Tome III, p. 152 et Tome
V, p. 340.) Le tableau fut agréé par Sir Dudley Carleton qui le mentionne en
tète de la liste d'un certain nombre de ses tableaux, liste qu'il transmet, le
11 septembre 1618, «au marchand du roi de Danemark.»
600 florins. Daniel au milieu de nombreux lions peints d'après nature. Original
entièrement de ma main. Haut 8 pieds, large 12 pieds. Le tableau fut acquis par
Sir Dudley Carleton, nous le trouvons mentionné dans la liste transmise au
marchand du roi de Danemark. Il fut offert par Sir Dudley Carleton (Lord
Dorchester) au roi Charles I, dans la galerie duquel il est cité par le
catalogue de cette collection. Plus tard, il a appartenu à Lord Hamilton dans la
vente duquel il fut adjugé, en 1882, à Mr Becket Denison,
au prix de 4900 guinées. A la mort de ce dernier propriétaire, arrivée peu de
temps après, Lord Hamilton le racheta au prix de 2000 guinées. Selon les
renseignements fournis par Rubens, les dimensions du tableau était de 2. 264 m.
en hauteur et de 3. 396 m. en largeur. En réalité il mesure 2. 29 m. en hauteur
et 3. 30 m. en largeur. (Voir OEuvre de Rubens, n° 130, I, p. 163 et V, p. 314.)
600 florins. Léopards peints d'après nature avec des Satyres et des Nymphes.
Original de ma main, à l'exception d'un très beau paysage qui est l'oeuvre d'un
homme habile en ce genre. Haut 9 pieds, large 11. Ce tableau fut acquis par Sir
Dudley Carleton et se trouve mentionné dans la liste transmise au marchand du
roi de Danemark. Nous ignorons ce qu'il est devenu. La derniére trace que nous
en trouvons est dans la galerie d'Orléans, dont il faisait partie, lorsqu'il fut
gravé, au siècle dernier, par C. N. Varin. Il est attribué par le graveur à
Martin De Vos. (Voir OEuvre de Rubens, nos 654 et 661, I,
p. 134, 139 et V. 340.)
500 florins. Une Léda avec le Cygne et un Amour. Original de ma main. Haut 7
pieds, large 10 pieds. Le tableau fut accepté par Sir Dudley Carleton et se
trouve sur la liste déjà mentionnée. Nous ignorons complètement ce qu'il devint
depuis lors.
500 florins. Un Christ en croix, grandeur naturelle. On le regarde comme étant
peut-être la meilleure chose que j'aie jamais faite. Haut 12 pieds, large 6
pieds. Le tableau ne fut pas acquis par Sir Dudley Carleton et nous ne savons ce
qu'il est devenu. De tous les Christ en croix que nous connaissons, aucun ne
correspond par la mesure à celui-ci qui était plutôt de dimension colossale que
de grandeur naturelle.
1200 florins. Un Jugement dernier. Commencé par un de mes élèves d'après une
composition beaucoup plus grande, exécutée pour le prince de Neubourg qui me [142] l'a payée 3500 florins comptant. Le tableau ci-dessus
n'est pas terminé; je le retoucherai entièrement de ma main; de cette façon, il
passera pour un original. Haut 13 pieds, large 9 pieds. Il s'agit ici d'une
répétition du tableau le Grand Jugement dernier peint pour le comte-palatin Wolfgang-Guillaume de
Neubourg, qui se trouve actuellement à la Pinacothèque de Munich (OEuvre de
Rubens, n° 89). Nous ignorons ce que cette répétition est devenue. Sir Dudley
Carleton n'en voulut point et il est probable que, cinq ans plus tard, Abraham
Golnitzius la vit encore dans l'atelier du maître. Toujours est-il qu'il
décrivit comme se trouvant là un exemplaire de cette composition. (Voir OEuvre
de Rubens, n° 90.)
500 florins. St Pierre enlevant au poisson le statère pour
payer le tribut; autour de lui d'autres pêcheurs peints d'après nature. Original
de ma main. Haut 7 pieds, large 8 pieds. Le tableau fut agréé par Sir Dudley
Carleton qui le mentionne dans la liste des tableaux qui lui appartiennent. Le
Musée de Dublin possède une oeuvre attribuée à un élève de Rubens et retouchée
par le maître qui est vraisemblablement une répétition de l'original dont la
trace s'est perdue. (Voir OEuvre de Rubens, n° 262.)
600 florins. Une Chasse, commencée par l'un de mes élèves, cavaliers et lions,
d'après un tableau fait pour le Sérénissime Duc de Baviére. Tout à fait
retouchée de ma main. Haut 8 pieds, large 11 pieds. Ce tableau est une
répétition de celui qui se trouve à la Pinacothèque de Munich (OEuvre de Rubens,
n° 1150). Sir Dudley Carleton hésita à l'accepter. Dans sa lettre du 12 mai
1618, Rubens insiste pour le faire agréer en disant qu'il rendra cette chasse
aussi belle que celle que Sir Dudley Carleton possédait déjà et qui était une
chasse européenne: La Chasse aux Loups et aux Renards (OEuvre de Rubens, n°
1156). Carleton l'accepta à condition qu'elle formât le pendant de celle qu'il
possédait. Il la mentionne dans sa liste comme entièrement de la main de Rubens.
Nous ne savons au juste ce que le tableau est devenu. Le cardinal de Richelieu
et puis le duc de Richelieu paraissent l'avoir possédée; on trouve encore citée
dans d'autres collections une répétition de l'original appartenant au duc de
Bavière, mais nous ne pouvons affirmer qu'elle soit identique à celle dont il
est question ici. (Voir OEuvre de Rubens, nos 1150 et
1151.)
50 florins pièce. Les douze Apôtres et le Christ, par mes élèves, d'après les
originaux de ma main que possède le duc de Lerme; ils seront tous entièrement
retouchés par moi. Hauts 4 pieds, larges 3 pieds. Les douze apôtres que Rubens
exécuta pour le duc de Lerme, se trouvent au Musée de Madrid (OEuvre de Rubens,
nos 56-67), le Christ manque. Les Douze Apôtres et le
Christ, dont il est fait mention ici et que Sir Dudley Carleton ne prit point,
sont probablement ceux qui se trouvent actuellement à la Galerie du palais
Rospigliosi à Rome. (Voir OEuvre de Rubens, nos 68-80.)
[143] 600 florins. Un tableau représentant Achille habillé en
femme, exécuté par le meilleur de mes élèves, entièrement retouché de ma main;
très agréable composition remplie de très belles jeunes filles. Haut 9 pieds,
large 10 pieds. Malgré cette chaude recommandation, le tableau ne fut pas agréé
par Carleton. C'est évidemment celui que possède actuellement le Musée de Madrid
et que Rubens emporta avec lui en Espagne, en 1628, et vendit alors au roi
(OEuvre de Rubens, n° 567). Par le meilleur de ses élèves qui exécuta le
tableau, Rubens désigna, sans aucun doute, Antoine Van Dyck qui alors était âgé
de 19 ans.
300 florins. Un Saint Sébastien nu, de ma main. Haut 7 pieds, large 4 pieds.
Carleton agréa ce tableau, il fait partie actuellement du Musée de Berlin et fut
peint pendant les derniers temps du séjour de Rubens en Italie ou peu de temps
après son retour. (Voir OEuvre de Rubens, n° 492.)
300 florins. Une Suzanne, par un de mes élèves, mais toute retouchée de ma main.
Haut 7 pieds, large 5 pieds. Le tableau fut acquis par Carleton, c'est fort
probablement la Suzanne avec les Vieillards qui fut gravé par Vorsterman et dont
nous ne savons ce qu'il est devenu. (Voir OEuvre de Rubens, n° 132).
Nous croyons inutile d'insister sur l'importance de cette lettre pour l'histoire
de l'oeuvre de Rubens. Faisons ressortir toutefois quelques points. Des douze
tableaux énumérés, en comptant le Christ et les douze Apôtres pour un seul
ouvrage, cinq ont été conservés et nous sont connus. Ce sont le Prométhée, le
Daniël au milieu des Lions, les douze Apôtres, l'Achille habillé en femme, le
Saint Sébastien; sept autres ont disparu ou, du moins, ne nous sont pas connus:
les Satyres et Nymphes avec des Léopards, la Léda, le Christ en croix, le
Jugement dernier, le Denier du tribut, la Chasse aux Lions, la Suzanne, d'où
l'on peut conclure qu'une quantité de tableaux de Rubens, plus grande qu'on ne
serait tenté de le croire, nous est inconnue. En prenant pour base d'évaluation
les inconnus de notre liste, nous pourrions dire que cette quantité se monte à
environ la moitié de l'oeuvre complet du maître; mais, évidemment, cette
proportion est exagérée. Il est hors de doute que c'est surtout dans les oeuvres
acquises par des particuliers que les pertes ont été considérables; celles qui
lurent faites pour des églises ou pour des souverains, ont été mieux conservées.
Nous remarquons que parmi les douze ouvrages, Rubens en désigne cinq comme étant
entièrement de sa main: le Daniel, la Léda, le Christ en croix, le Saint Pierre,
le Saint Sébastien. Ce qui donne, proportionnellement parlant, à peu près, la
moitié de ses tableaux comme entièrement peints par lui. En considérant que
Rubens lui-même constate qu'il envoie à Sir Dudley Carleton ce qu'il a de mieux
dans son atelier, et qu'il devait être enclin à grossir plutôt qu'à diminuer la
part qu'il avait prise aux tableaux offerts en échange, on peut [144] affirmer que, de son propre aveu, la grande moitié de ses ouvrages
furent faits en collaboration avec d'autres peintres.
Dans l'un des sept tableaux qu'il ne peignit pas seul, Snyders exécuta un aigle;
dans un autre, le paysage fut peint par un artiste habile en ce genre, trois
oeuvres étaient des reproductions de tableaux du maître retouchées par lui, deux
autres étaient exécutées par ses élèves et retouchées par lui. Voilà donc
exactement tracée la part que prenaient ses collaborateurs à ses tableaux: des
spécialistes comme Snyders et Paul De Vos y peignaient des animaux; d'autres,
comme van Uden et Wildens, y faisaient les paysages; des élèves reproduisaient
des oeuvres terminées et Rubens retouchait ces copies; ou bien, ils commençaient
un tableau, sans doute d'après une esquisse ou un dessin du maître, le
poussaient aussi loin qu'ils en étaient capables et le passaient ensuite au
maître qui le terminait.
Les tableaux variaient de prix d'après la part qu'il avait prise à leur exécution
et aussi d'après la qualité du collaborateur qui l'avait assisté. Rubens ne se
contentait pas de l'aide du premier venu et il fait valoir, en offrant ses
tableaux, que ses collaborateurs étaient des artistes de haute marque; quand
c'est van Dyck qui l'assiste, il ne manque pas de le faire ressortir et ne fait
pas de différence entre ce travail dans lequel il se fit aider et celui qu'il
exécuta entièrement de sa main. Il compte l'Achille à 600 florins, la Léda et le
Denier de Tribut à 500, dont les dimensions diffèrent peu; le Daniel,
entièrement de sa main, ne coûte pas plus que les Satyres et les Nymphes avec
des Léopards, dont le paysage est l'oeuvre d'un aide, quoique, ici encore, les
dimensions des deux tableaux soient à peu près les mêmes.
Le prix d'un grand tableau ordinaire de Rubens était de 500 ou de 600 florins, ce
qui revient à 3000 ou 3600 francs de notre monnaie. On avouera que ce n'est
guère et le bas prix de ces chefs-d'oeuvre s'explique en partie par l'extrême
facilité de production du maître, en partie par la division du travail organisée
dans son atelier. Cet atelier formait, dans la meilleure acception du mot, une
fabrique de tableaux; Rubens les fournissait à qui en désirait à tous les prix,
depuis les portraits cédés à Balthasar Moretus à 14 florins 8 sous, jusqu'au
tableau de 3500 florins fourni au comte-palatin de Neubourg, en passant par tous
les taux intermédiaires.
Des douze tableaux offerts à Sir Dudley Carleton, celui-ci en prit huit. Il
rejeta trois oeuvres religieuses et le beau tableau d'Achille parmi les filles
de Lycomède. Dans les lettres qui vont suivre, il nous fera connaître lui-même,
pour quelques-uns de ces tableaux, quels motifs ont guidé son choix.
Mto Illre Sigre mio affmo.
Io ricevei hier l'altro la gratiosma di V. S. de' 28 Aprile
in conformita della sua precedente de' 17 Marzo intorno alli mie marmi et
facendo subito riflessione nella presenza del portatore d'essa sopra la lista
annessa de suoi quadri io ne feci elettione d'alcuni ma havendo dapoi
considerato piu maturamente trovo ch'il crucifisso è troppo grande per queste
fabriche basse et quelle ancora d'Inghilterra, et in luogo di quello accettaro
(se cosi le piace) il S. Sebastian. Non disputo il pretio d'essi stimandolo
ragionevole poi che non sono copie ni opere de discepoli ma tutti di man sua
come queste mie antiquita tutte mostrano la man del maestro. Mi sarebbe
carissimo che V. S. pigliasse l'incommodo di trasferirsi in queste bande (dove
la casa mia è sua) prima che passar più avanti (1)((1) Après
«piu avanti» les mots suivants sont barrés: «Nel trattato per maggior sua
sadisfattione, et la mia ancora, desiderando io molto di vederla in casa mia
ma non permettendo questo i suoi negotii ella s'assicurj ch'in questa compra
hò havuto un partito assai avantagioso et quasi la meta meglior mercato che
il nostro Giorgio Gage col suo
amico Tobia Matteo havendo le viste in Venetia, hanno giudicato ragionevole:
In una parolla havendo V. S. questo studio di marmi faccia conto d'haver la
cosa la piu cara.») nel trattato per non comprar come si suol dire
gatto in sacco ma non permettendo questo i suoi negoti et tutta via procedendo
con la permuta faccia conto V. S. d'haver di questo studio di marmi la cosa la
più cara et la più pretiosa in hoc genere che no ha nissun Principe ni
particolare quai si voglia chi sia de di qua li monti. Ma alle persone lequali
sono sempre in moto come porta la mia conditione, cosa di tanto peso non è
commoda; et poi (per confessar il tutto) homo sum humani nihil a me alienum
puto; si muta tal volta la voglia et e passata la mia da poco in quà da
sculptori a pittori: ma principalmente al Sig. Rubens. Or per adgiustar nostro
conto et abbreviar il negotio, non bastando il numero de quadri di man sua, li
quali tutti (cioè il Prometheo, Daniel, li Leopardi, la Leda, il Crucifisso,
St. Pietro et San Sebastian) non avanzano il pretio
di... 3500 fiorini, ho proposto [146] un partito al suo...
Agente Francesco Pieterssen (1)((1) Les mots «di partir»
jusqu'à «che sia» sont écrits comme correction sur la page suivante.)
[di partir cioè mezzo quadri et mezzo tapizzerie della fattura di Bruxelles lasciando star (per il predetto
rispetto) il Crucifisso. Gradiscendo a V. S. il detto partito sara opera di
pochi giorni, et cosi è necessario che sia] per sodisfattione integra d'ambedue
le parti desiderando V. S. espeditione et dovendo io verso 'l fine di questo
mese corrente far un giro in Inghilterra (2).((2) Après «far
un giro in Inghilterra» les mots suivants sont barrés: «Gradiscendo a V. S.
il partito da me proposta, per non perder tempo potra mandar questa qui
allegata a quello che fa i negotj del Agente de S. Mata mio Sigre a Bruxelles per haver licenza tanto per la roba che ha d'entrare in
Anversa a questo proposito et non servendo la dta
lettera ad altro fine non occorre mandarla altrimente se non al suo
piacer.»Ces mots sont remplacés par «Mando a V. S.» jusqu'à «se non al
suo piacer» du texte imprimé par Hookham Carpenter.Dans la marge se
trouvent encore les mots suivants également barrés: «Mando a V. S. la
lettera de Bruxelles aperta col sigillo volante per poter occorrendone il
bisogno accommodarsi al contenuto d'essa. L'altra qui alligata e per poter
esse informato della tapizzerie della fattura di Bruxelles lequali si
trovano in Anversa, il tutto serve p. anticipar il tempo.») Mando a V.
S. qui alligata una lettera indrizzata a quello chi fa negoti del' agente del Re
mio Sigre a Bruxelles et la mando aperta col sigillo
volante accioche occorrendone il bisogno ella potrà accomodarsi al contenuto
d'essa. Scrivo anco a un certo mercante Inglese habitante in Anversa per esser
informato delle tapizzerie le quali si trovano fatte secondo la mia misura et
gusto; facendo queste diligenze per anticipar il tempo: et non servendo queste
lettere ad altro fine non occorre consegnarle altrimenti se non al suo piacer.
Da di qua farò in modo (occorendone il besogno)... passaggio sarà tanto a l'un
quanto a l'altro, et per evitar l'incommodo di piu instanze, è bene che tutto si
faccia in un tratto.
Nel resto rimettendomi al Sr Francesco, bascio
a V. S. con ogni affetto le mani.
De l'Aga adi 7 Maggio 1618. di V. S.Affmo p. Servirla
Dudley Carleton.
(Au dos:)To Rubens ye 8th of May
1618.
Minute originale, fortement corrigée, à Londres, Public Record Office. Foreign
State Papers, Holland 125. — Publié par Hookham Carpenter, p. 146 et dans
l'édition française, p. 174. — Traduction dans Sainsbury, p. 31.
[147] TRADUCTION.SIR DUDLEY
CARLETON A RUBENS.
[147]
TRADUCTION.SIR DUDLEY
CARLETON A RUBENS.Monsieur,
J'ai reçu avant-hier votre très gracieuse lettre du 28 avril relative à mes
marbres antiques, conformément à votre lettre précédente du 17 mars. En
réfléchissant immédiatement, en présence du porteur, sur la liste de vos
tableaux qui y était annexée, je fis le choix de quelques-uns d'entre eux; mais
les ayant plus mûrement considérés, je trouvai que le Crucifiement est trop
grand pour les maisons basses de ce pays et aussi pour celles de l'Angleterre;
en son lieu, j'accepterai, s'il vous plaît ainsi, le St
Sébastien. Je ne discuterai pas sur leurs prix; j'estime qu'ils sont
raisonnables puisqu'il ne s'agit point des copies ou d'oeuvres de vos élèves,
mais qu'ils sont entièrement de votre main, de même que mes antiques sont
également de main de maître.
Vous me feriez un plaisir extrême en vous donnant la peine de venir jusqu'ici, où
ma maison sera la vôtre, avant que de pousser plus loin l'affaire que nous
traitons; afin de ne pas acheter le chat dans le sac, comme on dit. Si vos
occupations ne vous permettent pas de le faire et que, malgré cela, vous voulez
procéder à l'échange, soyez-en bien convaincu, vous aurez dans cette collection
de marbres, la chose la plus rare et la plus précieuse dans ce genre, qui existe
de ce côté des monts chez n'importe quel prince ou quel particulier. Mais pour
des personnes qui sont toujours en mouvement, comme l'exige ma condition, une
chose aussi pesante n'est guère commode, et puis pour vous faire un aveu
complet, homo sum humani nihil a me alienum puto, notre inclination change
quelquefois et la mienne se porte depuis peu des sculpteurs aux peintres et
principalement à Monsieur Rubens.
Maintenant, pour arrêter nos comptes et abréger la négociation, attendu que le
nombre des tableaux de votre main n'est pas suffisant, — car, tous ensemble, le
Prométhée, Daniel, les Léopards, la Léda, le Crucifiement, St Pierre et St Sébastien, ils ne dépassent pas le
chiffre de 3500 florins, — j'ai fait à votre agent François Pietersen une
proposition, celle d'opérer le paiement moitié par des tableaux et moitié par
des tapisseries de la fabrique de Bruxelles et en laissant en dehors le
Crucifiement pour la raison que j'ai dite.
Si vous agréez ce projet, Monsieur, ce sera l'affaire de quelques jours et il est
nécessaire qu'il en soit ainsi pour la satisfaction complète des deux parties;
pour vous, Monsieur, qui désirez une prompte expédition et pour moi, qui suis
obligé de faire un tour en Angleterre vers la fin de ce mois.
Je vous envoie, ci-incluse, une lettre à l'adresse de celui qui remplit les [148] fonctions de l'agent du roi, mon maître, à Bruxelles;
je vous l'envoie ouverte, le cachet détaché, afin que dans l'occurrence vous
puissiez vous conformer à ce qu'elle contient. J'écris encore à un certain
négociant anglais qui réside à Anvers, afin d'être informé par lui des
tapisseries qui se trouveraient toutes faites et répondraient à mes dimensions
et à mon goût. Je fais toutes ces diligences pour gagner du temps: ces lettres
n'ayant pas d'autre but, ne doivent donc être remises qu'à votre bon plaisir.
D'ici je ferai en sorte, s'il était nécessaire, que le péage soit le même pour
l'un comme pour l'autre; et pour éviter l'ennui de plus longs pourparlers, il
serait bon de terminer le tout d'un seul trait.
Pour le reste, je m'en remets à Mr François et je
vous baise les mains très affectueusement.
De La Haye, le 7 mai 1618.
Votre dévoué serviteur
Dudley Carleton.
COMMENTAIRE.
Il y a beaucoup de ratures dans la minute. L'un des passages rayés est
intéressant. Sir Dudley Carleton y dit:
«Avant d'aller plus loin dans notre échange et pour notre satisfaction mutuelle,
je désirerais beaucoup vous voir dans ma maison, mais si vos occupations ne le
permettent point, vous pouvez être sûr que dans cette acquisition vous ferez un
marché fort avantageux et que vous ne paierez guère que la moitié du prix auquel
George Gage et mon ami Toby Matthew l'ont raisonnablement estimé quand ils ont
vu les marbres à Venise. En un mot, vous aurez dans cette collection de marbres
la chose la plus rare.»
Sir Dudley Carleton, après avoir été en Italie un collectionneur passionné de
marbres antiques, a changé de goût dans les Pays-Bas et s'est épris de
peintures. Avec un discernement qui fait honneur à son goût, c'est Rubens qui
est devenu son maître favori. Il évalue ses marbres à une somme de 6000 florins;
les six tableaux qu'il prend dès la première inspection: Promethée, Daniel, les
Léopards, Léda, St Pierre et St
Sébastien, valaient ensemble 3000 florins; pour l'autre moitié du prix des
marbres, Carleton demande des tapisseries. Nous verrons plus loin que Rubens lui
fera prendre encore deux autres tableaux: la Chasse aux Lions et la Susanne,
evalués, le premier, à 600 florins et, le second, à 300 et qu'il ajoutera un
petit tableau de 100 florins afin de compléter en peintures la valeur de 4000
florins; il fournira pour 2000 florins de tapisseries.
Celui qui remplit les fonctions de l'agent du roi d'Angleterre à Bruxelles est
William Trumbull. Le marchand anglais établi à Anvers est Lionel Wake.
Excellentmo Signore.
La sua gratissima delli 8 del corrente mi capitò hier sera per laquale intesi V.
E. essere in parte mutata di pensiero non volendo pitture sinon per una metà del
prezzo [di suoi] marmi, e per laltra meta Tapizzarie [o] denari contanti
perch'io non trovarô quelle se non mediantibus illis, è ciô pare che derivi da
mancamento di pitture sopra la mia lista havendo lei cappato soli li originali
de chè io sono contentissimo, pur non pensi V. E. che le altre siano copie
semplici ma si ben ritocce de mia mano che difficilmente si distinguerebbono
dalli originali ciô non ostante sono tassate di prezzo assai minore, pur io non
voglio V. E. à questo indurre con belle parolle perché persistendo lei nella sua
prima opinione io potrei ancora fornir sin a que[sta] sum[ma] de meri originali,
ma per trattar [apertamen]te io mimagino chella non hab[bia gusto in] tal
quantita di pitture. La causa [chio] trattarei piu voluntieri in pitture e
chiara, perchè ancora che non ecçedono il giusto suo prezzo nella tassa con
tuttociô à me costano nulla, si come ogniuno è più liberale dei frutti che
nascono nel giardin proprio che di quelli che si comprano in piazza et io ho
speso questo anno qualq. migliaia di fiorini nella mia fabrica ne vorrei
ecçedere per un capriccio li termini di buon economo. In effetto io non son
Principe sed qui manducat laborem manuum suaram, voglio inferire se V. E.
volesse delle pitture per la valuta di tutta la somma siano originali siano
copie ben ritocci (che luçono piu per il lor prezzo) io la trattarei
liberalmente et mi rimetterei sempre del prezzo al arbitrio di ogni persona
intelligente. Se perô ella è risoluta di voler qualq. Tapizzarie io mi contento
di darli delle Tapizzarie a sua sodisfattione per la somma di due mille fiorini
e per quattro mille fiorini de pitture cioè per tre mille fiorini quelli
originali da lei cappati à sapere il Prometheo, Daniel, li leopardi, la Leda, il
S. Pietro i S. Sebastiano et per li restanti mille fiorini lei potrà cappare
delle altre pitture comprese nella nostra lista, ò vero io mi obligaro di darli
tali originali de mia mano per quella somma ch'ella giudicarà a sua
sodisfattione e si ella mi vorra credere pigliarà quella caccia ch'è sopra la
lista laquale io [150] farò di quella bontà come quella che
V. E. hebbe di mia mano che si accompagnarebbe ottimamente insieme, essendo
questa de t[igri] e cacciatori Europei, i quella de leoni [e cavallieri] alla
moresca e turcesca molto bizarra. [Conto] questa pezza a seicento fiorini
restarebbono altri quattrocento fiorini per supplimento de quali sarebbe a
proposito la Susanna similmente finita de mia mano a sua sodisfattione con
qualq. altra galanteria de mia mano appresso per complimento delli cento fiorini
per compijr [apuntamente] li quattro mille fiorini. Io spero ch'ella si
contentera di questo partito cosi raggionevole, consideratis considerandis,
ch'io ho acçettato la prima sua offerta con animo grande et che questa novita
viene da V. E. i non da me ne certo io potrei allargarmi d'avantaggio per molte
raggioni. I sopra questo la sarà servita di avisarmi quanto prima della sua
risolutione. Et in caso ch'ella sia per accettar quella mia offerta potra a suo
beneplacito inanzi la sua partita per Ingleterra consegnare li suoi marmi al
Sigr Francesco Pieterssen et io faro il medesimo di
quelle pitture che sono pronte et il resto fra pochi giorni. I nelle tapizzarie
potro esser di gran aiuto a quel suo mercante amico per la gran prattica ch'io
ho con quei tapezzieri di Brusselles per
le molte commissioni che mi vengono di Italia et d'altre parti di simil lavoro,
et ancora ho fatto alcuni cartoni molto superbi a requisitione d'alcuni
Gentilhuommi Gennoesi li quali adesso si mettono in opera et a dir il vero
volendo robba esquisita bisognano farla fare a posta, di che volunteri havero
cura ch'ella sia ben servita, pur di cio mi rimetto alla sua opinione. I per
fine baccio a V. Eccellza con tutto il core alla quale in
omnem eventum nostri negocii sarò sempre devotissimo servitore. Il sigr Francesco Pieterssen sin adesso non mi ha mandato la
lista delli suoi marmi et io desiderei ben ancora caso che concludiamo quella
scedola colli nomi chella mi scrive d'haver trovata.
D'Anversa, alli 12 di Maggio 1618.
Pietro Pauolo Rubens.
Pietro Pauolo Rubens.
Lo supplico se la cosa e fatta de voler continuare nel procurar indi libero
passaggio e s'ella si trova ancora le casse di legno nelle quali si condussero
questi marmi d'Italia essendo [questi] a lei desutili a me sarebbono di gran
commodita volendo [adoprarle] in questo viaggio.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers, Holland 125.
Publié par Hookham Carpenter, p. 148 et dans l'édition française, p. 178. —
Rosenberg. Rubensbriefe, p. 45. — Traduction dans Sainsbury, p. 33.
[151] TRADUCTION.RUBENS A
SIR DUDLEY CARLETON.
[151]
TRADUCTION.RUBENS A
SIR DUDLEY CARLETON.Excellence.
Votre très aimable lettre du 8 courant m'est arrivée hier soir; elle m'apprend
que V. E. a partiellement changé d'idée en ne voulant avoir des tableaux que
pour une moitié des prix de ses marbres et que pour l'autre moitié Elle veut
avoir des tapisseries ou des écus comptant, car, sans le moyen des écus, je ne
trouverais point ces tapisseries. Ce changement paraît provenir de ce que ma
liste manquait de tableaux, car V. E. n'a choisi que celles de ces oeuvres
originales, dont je suis le plus satisfait. Cependant V. E. ne doit point se
figurer que les autres sont de simples copies, tandis qu'ils sont si bien
retouchés de ma main qu'on les distinguerait difficilement des originaux; et
malgré cela elles sont taxées à un prix très inférieur. Toutefois je ne veux
point, par de belles paroles, chercher à influencer V. E., parce que si Elle
persistait dans son idée première, je pourrais lui fournir encore de purs
originaux jusqu'à concurrence de la somme entière; mais, pour parler
ouvertement, je m'imagine que vous ne désirez pas vous encombrer d'une telle
quantité de tableaux. La cause pour laquelle j'aimerais mieux traiter, au moyen
de mes peintures, est évidente; bien qu'elles n'excèdent pas leur juste prix
dans ma taxe, en vérité, elles ne me coûtent rien, et V. E. sait que l'on est
plus libéral des fruits cueillis dans son propre jardin que de ceux que l'on
doit acheter au marché; en outre, j'ai dépensé, cette année, quelques milliers
de florins dans mes bâtiments et je ne voudrais point, pour une fantaisie,
dépasser les bornes d'une sage économie. Au fait, je ne suis pas un prince, mais
quelqu'un qui vit dit travail de ses mains; il en résulte que si V. E. acceptait
pour le total de la somme, des tableaux soit originaux, soit copies bien
retouchées et brillant plus encore par leur prix je La traiterais libéralement
et m'en remettrais toujours pour établir leur valeur à une estimation faite par
toute personne intelligente. Si toutefois V. E. est résolue de vouloir quelques
tapisseries, je consens à Lui en fournir, à sa satisfaction, pour une somme de
deux mille florins, et puis pour quatre mille florins de tableaux, se composant
pour trois mille florins des originaux choisis par Elle, à savoir: Prométhée,
Daniel, les Léopards, la Léda, St Pierre et St Sébastien, et pour les autres mille florins V. E. pourra
faire un choix parmi les autres oeuvres de notre liste, ou bien, je m'obligerai
à lui livrer pour cette somme, tels originaux de main qu'elle jugera lui
convenir. Si V. E. veut m'en croire, Elle prendra la Chasse mentionnée sur ma
liste; je la rendrai aussi parfaite que [152] la Chasse de ma
main qu'Elle possède déjà et dont elle formera un excellent pendant. Celle-ci,
en effet, représente des tigres et des chasseurs d'Europe, celle que j'offre à
V. E. se compose de lions et de cavaliers à la moresque et à la turque, formant
une composition très curieuse. Je puis la laisser à six cents florins. Il
resterait donc encore quatre cents florins; pour supplément de la somme, la
Suzanne viendrait à propos après avoir été terminée de ma main à votre
satisfaction; enfin, pour les derniers cent florins, j'y ajouterais quelqu'autre
chose gracieuse de ma main. De cette façon, je remplirais le total de quatre
mille florins.
J'espère que V. E. agréera cet arrangement qui me paraît très raisonnable, en
considérant que j'ai accepté de grand coeur sa proposition première, que le
changement est venu de son côté, non du mien, et que, pour beaucoup de motifs,
je ne pourrais m'engager à faire davantage. Je prie V. E. de vouloir bien me
faire connaître sur tout cela sa résolution, aussitôt que possible; et dans le
cas où Elle accepterait ma proposition, Elle pourra à son bon plaisir et avant
son départ pour l'Angleterre, remettre ses marbres à M. François Pietersen; de
mon côté j'agirai de même pour les tableaux qui sont prêts et j'enverrai les
autres dans peu de jours.
En ce qui concerne les tapisseries, je pourrais beaucoup venir en aide à votre
ami le négociant, à cause des grands rapports que j'ai avec les fabricants de
Bruxelles, par suite des nombreuses commissions qui me viennent d'Italie et
d'ailleurs pour des travaux de l'espèce; j'ai moi-même exécuté quelques cartons
très riches à la demande de certains Seigneurs Génois, cartons qui sont mis à la
façon en ce moment. A dire vrai, si l'on veut avoir des choses excellentes, il
faut les faire exécuter expressément, et je veillerai avec plaisir à ce que V.
E. soit bien servie; toutefois, en cela, je m'en remets à son sentiment.En
finissant, je baise de tout coeur les mains de V. E. et quoiqu'il arrive de
notre affaire, je n'en resterai pas moins toujours son très dévoué serviteur.
Jusqu'à présent, M. François Pietersen ne m'a pas envoyé la liste de vos
antiques; en cas d'arrangement, je serais très heureux d'avoir aussi la note des
noms que, d'après votre lettre, vous avez découverts.
D'Anvers, le 12 mai 1618.
P. P. Rubens.
P. P. Rubens.
Si l'affaire est conclue, Je supplie V. E. de vouloir bien continuer ses
démarches pour obtenir ici la franchise d'entrée, et de me concéder si Elle les
a encore en sa possession, les caisses de bois dans lesquelles les marbres sont
venus d'Italie. Désormais, elles Lui seront inutiles et elles me conviendront
grandement pour les employer au transport des marbres.
[153] COMMENTAIRE.
Rubens constate qu'en 1618 il avait dépensé quelques milliers de florins à sa
maison. Il parle ici de la superbe demeure qu'il se fit construire au Wapper. Le
4 janvier 1611, il avait acheté du docteur André Backaert et de sa femme
Madeleine Thys, au prix de 7600 florins, une maison avec une grande porte, cour,
galerie, cuisine, plusieurs chambres et dépendances, ainsi qu'une blanchisserie
sise à côté, au sud, également avec le terrain et les dépendances, le tout situé
au Wapper, entre l'habitation de Henri Hoons, au nord, et certaines
maisonnettes, au sud; la susdite blanchisserie touchant, du côté de l'est, au
mur du Serment des Arquebusiers. Rubens conserva la maison avec la grande porte
et fit construire, sur le terrain de la blanchisserie, un superbe bâtiment dont
le rez-de-chaussée lui servit d'atelier, et qu'il se plut à orner lui-même de
peintures sur la façade latérale. Il fit travailler à son habitation nouvelle de
1611 jusqu'au moment où, en 1615, il vint l'occuper; on y travailla encore de
1615 à 1618, comme nous l'apprennent les maigres documents que nous possédons
sur ce sujet. En 1615, un mur fut élevé entre le jardin des Arquebusiers et le
sien; en 1617, il fit sculpter les rampes de son escalier par Jean van Mildert;
en 1618 enfin, il écrit à Carleton qu'il vient de dépenser, la même année, une
grosse somme à cette construction. La maison de Rubens, telle qu'elle fut et
telle qu'elle resta jusque dans la seconde moitié du siècle dernier, mais non
pas, malheureusement, telle qu'elle a été conservée jusqu'à présent, nous est
connue par deux gravures que Harrewijn en exécuta d'après les dessins de J. Yan
Croes, en 1684 et en 1692.
L'ancien bâtiment que Rubens avait conservé, formait une maison à porte cochère
ayant cinq fenêtres au rez-de-chaussée et six à l'unique étage. Un modeste
pignon s'élevait dans la partie du toit surplombant la porte; un second, de même
forme, au milieu du bâtiment; un troisième, beaucoup plus considérable, se
dressait à l'extrémité septentrionale de la façade; une girouette couronnait ce
dernier pignon élégant, datant évidemment du XVIe siècle.
La nouvelle construction élevée par Rubens et attenant à l'ancienne, présentait à
face de la rue, au rez-de-chaussée, cinq énormes fenêtres cintrées, mesurant au
moins cinq mètres de hauteur. Une rangée de cinq croisées basses, sous le toit,
surmontaient les premières.
Quand, par la porte principale, existant à l'extrémité droite de l'ancien
bâtiment et contre la nouvelle maison, on pénétrait dans la cour, on voyait,
devant soi, l'arcade centrale d'un portique; à gauche, la maison ancienne de
modeste apparence; à droite, le somptueux édifice élevé par Rubens sur les
terrains de la blanchisserie compris dans son acquisition. On traversait [154] un porche sous lequel, à droite, s'ouvrait une double
arcade conduisant à un escalier monumental dont on voyait, à travers trois
autres arcades en plein cintre s'ouvrant sur la cour, la rampe richement ornée.
Parvenu dans la cour, on avait derrière soi la façade postérieure du porche.
Dans cette façade, à la hauteur du premier étage, régnait un mur couvert de
peintures décoratives. La partie inférieure représentait une galerie ouverte
dans laquelle se trouvait le peintre avec sa femme, son lévrier et deux
perroquets; la partie supérieure, représentait Andromède délivrée par Persée,
sujet que Rubens a peint plus d'une fois et une scène mythologique que nous ne
retrouvons pas dans les tableaux de Rubens et dont nous ne saurions déterminer
avec exactitude le sujet.
Dans la façade latérale, entre les fenêtres de l'étage supérieur du nouveau
bâtiment, des cariatides étaient peintes ou sculptées. Cette façade latérale
semblait divisée en un rez-de-chaussée et deux étages. Le rez-de-chaussée était
simulé et ne formait qu'un tout avec le premier étage fictif. Au milieu de la
façade s'ouvrait une large porte surmontée d'une rosace; de chaque côté de la
rosace, deux fenêtres.
Dans la partie inférieure et au-dessus de la porte, des bustes antiques dans des
niches. Entre les fenêtres de l'étage simulé, des bustes sur piédestaux.
Au-dessus des fenêtres et de la rosace, des peintures en forme de bas-reliefs.
Les sujets de ces dernières compositions, pour autant que les reproductions
microscopiques de la gravure nous permettent de les reconnaître étaient:
Sur la façade latérale: la Marche de Silène, le Jugement de Pâris, un sujet
inconnu, un tableau où l'on voit couronner une femme, un autre représentant un
sacrifice antique.
Sur la façade de derrière étaient représentés: un sacrifice païen rappelant la
Chûte du Paganisme du peintre, un Héros couronné par la Victoire et Pluton
enlevant Proserpine. Aucune de ces compositions, excépté Persée et Andromède, ne
concorde avec les mêmes sujets traités par Rubens dans ses tableaux.
La façade postérieure du côté du jardin avait deux fenêtres et une porte vitrée,
mesurant toutes trois, comme les fenêtres de la façade antérieure, la hauteur du
rez-de-chaussée et de l'étage simulés. Entre les petites fenêtres, sous le toit,
étaient placées ou peintes deux statues.
Entre la cour et le jardin, un portique; au fond du jardin un pavillon.
Le portique et le pavillon existent encore. Le portique a trois arcades, les deux
latérales sont en plein cintre; la baie centrale est à pans coupés. Au-dessus
des ouvertures latérales, un buste de satyre et un de satyresse. Au-dessus de la
balustrade, les statues de Minerve et de Mercure et deux vases couronnaient
jadis le portique. Entre les baies des arcades latérales et [155] les deux bustes qui les surmontent, on lit, sur des tablettes, des
inscriptions empruntées à la dixième satire de Juvénal. A gauche:
Permittes ipsis expendere numinibus, quid
Conveniat nobis, rebusque sit utile nostris.
Carior est illis homo quam sibi.
A droite:
Orandum est ut sit mens sana in corpore sano.
Fortem posce animum et mortis terrore carentem,
Nesciat irasri, cupiat nihil.
Dans le coin de la cour, à droite, était construite une grotte, dans la cavité de
laquelle un berger, accompagné d'un cerf, jouait de la cornemuse; du sol, un
puissant jet d'eau s'élançait.
Le jardin était divisé en parterres symétriques, ornés de vases; la partie située
au sud et séparée du reste par une haie, semble avoir servi de potager. A
l'intérieur du pavillon, au fond du jardin, se trouvait une statue d'Hercule; à
droite et à gauche, entre quatres colonnettes, on voit encore les statues de
Bacchus et de Cérès; dans une lucarne élevée formant niche, une statue de
l'Abondance.
Tout cela constituait un ensemble spacieux et élégant, la demeure d'un grand de
la terre, béni des dons de la fortune autant que du génie artistique.
L'intérieur n'était pas moins somptueux, spécialement dans les nouveaux bâtiments
où Rubens avait son atelier et son musée.
Quelle était la distribution intérieure de ce sanctuaire? Grosse question,
difficile à résoudre, maintenant que d'importantes reconstructions ont eu lieu
dans la demeure du peintre et que nul document ne rend témoignage de
l'arrangement primitif.
Les actes de vente sont sobres de détails Celui par lequel la maison fut cédée,
en 1701, à Jean Adrien de Witte, la décrit comme suit: «Une grande maison, avec
un grand jardin, un grand salon et plusieurs autres chambres au rez-de-chaussée
et à l'étage, greniers, caves, grande et petite cour, avec les écuries dans le
même jardin, ainsi que les statues et les vases de marbre et de pierre de
taille, les meubles et garnitures du grand et des petits salons, les miroirs,
les cuirs dorés et les tableaux, de même que tous les ornements et décors de la
chapelle, la remise ou buanderie, avec le terrain et les dépendances de haut en
bas, à côté de la grande maison au sud, ayant issue par une porte cochère et
possédant une seconde sortie particulière dans la rue Houblonnière.» Les
descriptions qui se rencontrent dans les autres actes de vente sont moins
explicites encore.
Un document de grand intérêt dans la question est une note appartenant [156] aux manuscrits de Mois, que possède la Bibliothèque
royale de Bruxelles, et donnant une description de la maison telle qu'elle était
avant sa transformation vers 1763. Cette description faite de mémoire est
accompagnée d'un croquis du plan terrier. Elle indique au rez-de-chaussée de
l'aile droite, la cage de l'escalier et, y faisant suite contre la rue, une
antichambre, puis un seul salon comprenant la vaste aire du bâtiment en retour,
bordant la cour à droite. A l'étage, Mols place une galerie servant
d'antichambre du côté de la rue, un salon en rotonde au milieu du bâtiment et
une chambre à coucher avec alcôve, prenant toute la largeur du côté du jardin.
L'auteur de la note dit d'abord que Rubens avait son atelier dans la galerie
servant d'antichambre, à l'étage, près de l'escalier; mais, plus loin, il se
reprend et émet l'hypothèse que cet atelier pourrait bien s'être trouvé dans
l'une des deux petites maisons, au sud, dans la rue du Wapper, à côté de
l'entrée et de la remise.
Les voyageurs qui ont décrit leur visite à la maison de Rubens ne sont pas plus
explicites. Golnitzius parle avec emphase des tableaux qu'il a vus chez Rubens,
mais ne dit mot des locaux. Le Danois Otto Sperling, qui, en 1621, passa par
Anvers, décrit d'une manière fort intéressante sa visite au grand artiste. Il
dit:
«Nous rendîmes visite au très célèbre et éminent peintre Rubens que nous
trouvâmes à l'oeuvre et, tout en poursuivant son travail, se faisait lire Tacite
et dictait une lettre. Nous nous taisions par crainte de le déranger; mais lui,
nous adressant la parole, sans interrompre son travail et tout en faisant
poursuivre la lecture et en continuant de dicter sa lettre, répondait à nos
questions, comme pour nous donner la preuve de ses puissantes facultés. Il
chargea ensuite un serviteur de nous conduire par son magnifique palais et de
nous faire voir ses antiquités et les statues grecques et romaines qu'il
possédait en nombre considérable. Nous vîmes encore une vaste pièce sans
fenêtres, mais qui prenait le jour par une large ouverture pratiquée au milieu
du plafond. Là se trouvaient réunis un bon nombre de jeunes peintres occupés
chacun d'une oeuvre différente dont M. Rubens leur avait fourni un dessin au
crayon, rehaussé de couleurs par endroits. Ces tableaux, les jeunes gens
devaient les exécuter complètement en peinture, jusqu'à ce que finalement M.
Rubens y mît la dernière main par des coups de pinceau et des couleurs (1).((1) H. Hymans. Une visite chez Rubens, racontée par un
contemporain. Bulletin de l'Académie royale de Belgique, 1887, 56e année, 3e série, t. XIII, p.
150. Traduit du Repertorium für Kunstwissenschaft, T. X. p. III.) »
Tel est le témoignage le plus explicite qu'un visiteur de la maison nous ait
laissé.
[157] Rubens avait donc son propre atelier; ses élèves
travaillaient dans une pièce sans fenêtres, prenant jour par le haut. En outre,
comme on le voit par les gravures de Harrewijn, il y avait dans la maison deux
pièces à voûte hémisphérique, l'une de forme circulaire, très élevée, servant de
chapelle du temps du chanoine de Hillewerve; l'autre carrée, mais ayant un
plafond en forme de calotte et servant de chambre à coucher.
Où se trouvaient toutes ces pièces?
Et d'abord où était le musée de Rubens? A notre avis, c'est le bâtiment
circulaire qui plus tard servit de chapelle et qui se trouvait derrière le
bâtiment de gauche, attenant à celui-ci et faisant saillie sur le jardin.
De Piles dit: «Entre sa cour et son jardin, il a fait bâtir une salle de forme
ronde, comme le temple du Panthéon qui est à Rome, et dont le jour n'entre que
par le haut et par une seule ouverture qui est le centre du dôme. Cette salle
étoit pleine de bustes, de statues antiques, de tableaux précieux qu'il avoit
apportés d'Italie et d'autres choses fort rares et fort curieuses (1).»((1) OEuvres diverses de M. de Piles, 1767, T. IV, p.
367.)
Mois place cette chapelle en dehors du portique, derrière la maison ancienne, et
attenant à celle-ci. Il écrit: «La chapelle bâtie en octogone montant du fond,
avec son antichambre qui étoit dans le retour. Celle au-dessus de celle-ci avoit
une tribune où on pouvoit entendre la messe; cette chapelle avoit eu autrefois
un nombre considérables de reliques, dans des châsses placées de bas en haut
dans des niches pratiquées dans les angles.»
Ces niches nous semblent correspondre à celles que l'on voit dans la gravure de
Harrewijn et où Rubens plaçait ses statues antiques et ses curiosités. Notons
que Mois dessine et décrit la pièce comme octogone, tandis que dans la gravure
de Harrewijn et selon l'expression de de Piles, elle est circulaire.
Dans les comptes de la Mortuaire de Rubens, elle porte le nom de «tour»: Uytten
thoren, ten voors. huyse van den afflyvigen daer de antiquityten van den heer
afflyvigen stonden (2).((2) Bulletin des Archives de la
ville d'Anvers, II, 81.)
A tort, M. Victor van Grimbergen fait de la chapelle et du musée deux pièces
différentes; il dit que la première, qui était haute de deux étages, fut changée
en salon et que l'autre fut démolie peu d'années avant 1840 (3).((3) Van Grimbergen. Leven van Rubens, Anvers, 1840, p.
387.)
La chapelle n'ayant que le diamètre du bâtiment du XVIe
siècle, ne pouvait être très spacieuse. C'est une des raisons pour lesquelles
nous n'y pouvons voir l'atelier des élèves, sans fenêtres, prenant le jour par
une ouverture pratiquée dans le plafond; une autre raison encore, c'est qu'il
n'est point [158] probable que Rubens permît à la jeunesse
turbulente qui l'avait pris pour maître, de travailler au milieu de ses trésors
artistiques.
Le salon en rotonde, figuré comme chambre à coucher sur la gravure de Harrewijn,
se trouvait fort probablement à l'étage unique de l'aile droite; c'était une
pièce assez basse, éclairée par des fenêtres sur l'un des côtés et par des oculi
dans le plafond.
L'atelier de Rubens ne se trouvait pas à l'étage, comme on l'a dit, mais au
rez-de-chaussée. Il comprenait l'immense salle, éclairée du côté de la cour, au
nord, par les fenêtres à mi-hauteur de la façade, et du côté du jardin, à l'est,
par trois énormes fenêtres, dont celle du milieu s'ouvrait de plein pied. On
voit sur la gravure que le linteau central de cette dernière portefenêtre est
coupée par le milieu et que, probablement, il est mobile. Cet arrangement devait
permettre de transporter aisément hors de l'atelier les tableaux de la plus
grande dimension. Une seconde porte de l'atelier s'ouvrait sur la cour.
L'atelier mesurait quatorze mètres de longueur, sur dix et demi de largeur et
neuf à dix de hauteur.
Quant à la vaste pièce où travaillaient les élèves, ce devait être une
construction sans apparat, qui disparut après la mort du maître et ne laissa
point de traces dans les estampes ni dans le croquis de Mols. Il est probable
que cet atelier donnait sur le jardin et que les élèves y avaient accès par la
petite porte de sortie de la rue Houblonnière.
Que devint la maison de Rubens dans le cours des temps?
Elle fut acquise de Philippe Rubens par Jacomo van Eycke le 16 septembre 1660;
vendue par Cornélie Hillewerve, veuve de Jacomo van Eycke, à son frère Henri
Hillewerve, le 18 janvier 1680, et donnée par Henri Hillewerve à Jeanne et
Thérèse van Eycke, le 7 mars 1691. Thomas de Letter l'acquit de Michel
Steenecruys, le 8 décembre 1696, et l'échangea, le 7 avril 1701, contre des
biens appartenant à Jean-Adrien de Witte et à dame Isabelle Mailluart. Le 3 août
1763, Charles-Nicolas-Joseph de Bosschaert, aïeul du propriétaire actuel, en
devint acquéreur.
Jusqu'alors elle n'avait pas souffert d'altérations notables; mais, à cette
époque, elle subit la transformation importante qui lui donna sa forme actuelle.
La construction du XVIe siècle fut entièrement rebâtie; la
chapelle qui y était adossée fut conservée, ainsi que son antichambre, au
témoignage de Mols. Les fenêtres des façades antérieure et latérales furent
changées et, dans l'atelier de Rubens, on posa un plancher coupant la vaste
pièce en un rez-de-chaussée et un étage. La façade postérieure fut reculée dans
le jardin de deux mètres environ et le toit fut prolongé d'autant. L'unique
étage primitif devint second étage. Le grand escalier avec sa rampe et sa cage
richement ornées, [159] de même que les décors des façades
latérales et postérieures, furent enlevés.
En fait d'oeuvres d'art, on ne conserva que le portique, qui toutefois perdit les
deux statues qui le couronnaient, et le pavillon au fond du jardin, qui resta
intact.
Peu d'années après cette transformation, Mols annote que l'aile droite et la
façade du côté de la rue ont été entièrement rebâties à neuf. Nous croyons qu'il
commet un lapsus et qu'il faut lire «l'aile gauche et la façade du côté de la
rue.» En effet, l'ancien bâtiment du XVIe siècle fut
reconstruit avec des façades conformes à celle du bâtiment principal modifié.
Mais ce dernier, qui forme l'aile droite, n'a pas été démoli à ras de sol. Les
toits ont été conservés; ils furent prolongés du côté du jardin. La girouette et
les torches qui ornaient le faîte sont restées en place; la charpente est celle
du XVIIe siècle et au grenier, au-dessus de l'atelier de
Rubens, on retrouve encore une roue fort ancienne et un cabestan qui servaient
probablement à dresser et à hisser les lourds panneaux sur lesquels le maître
peignit ses vastes créations.
La maçonnerie des murs extérieurs de ce bâtiment a été conservée en partie, à
l'exception de la façade postérieure; dans la façade latérale, des fenêtres ont
été percées au rez-de-chaussée; les fenêtres du premier étage ont subi une
transformation, celles du second étage actuel nous semblent avoir été
respectées.
Depuis le temps où Mols rédigeait sa note et traçait son croquis, la chapelle a
disparu et a fait place à des appartements sans aucun caractère.
Vers 1840, la maison de Rubens fut scindée en deux habitations par un mur qui
traverse la cour. Une seconde porte cochère fut pratiquée dans la façade
antérieure.
On ne peut assez déplorer la dévastation de ce palais qui aurait dû être un
sanctuaire pour tout Anversois.
Le prix des tableaux choisis à première vue par Carleton montait à 3000 florins.
Rubens lui propose de prendre en outre la Chasse aux Lions de 600 florins et la
Susanne de 300 florins; en paiement des 100 florins manquant pour parfaire la
somme de 4000 florins, il offre un sujet gracieux (qualq'altra galanteria).
Carleton prit la Chasse aux Lions et la Susanne; nous verrons plus loin que,
pour les cent florins manquant, Rubens fournit un petit tableau représentant
Agar chassée par Abraham.
La Chasse que Carleton possédait déjà et à laquelle la Chasse aux Lions aurait pu
faire pendant, au jugement de Rubens, est la «Chasse européenne aux Loups et
Renards, entièrement de la main de Rubens haute de 7 pieds et large de 9 pieds»,
qui se trouve mentionnée dans la liste envoyée par [160] Carleton au marchand du roi de Danemark. Cette chasse appartient actuellement
à Lord Methuen (OEuvre de Rubens, n° 1157). Il en a été question plus haut dans
le commentaire de la lettre de Toby Matthew, datée du 30 décembre 1616, p. 93.
Nous verrons plus loin ce qu'étaient les cartons de tapisseries faits par Rubens
pour certains négociants génois.
Les mots de cette lettre mis entre crochets sont suppléés par nous; le texte
original étant mutilé.
Voici le billet que Lionel Wake écrivit à Carleton, une semaine après que Rubens
dans sa lettre lui avait parlé des tapisseries.
[153]
COMMENTAIRE.
CLXIX LIONEL
WAKE A SIR DUDLEY
CARLETON.(19 mai
1618.)
I have this day receaved yrs dated the 8 of this moneth and
according to yrs honors directions I have goon through all
the shoppes of this towne where I do finde diverse sutes of Brussels hangings of 4 1/2 ellen deepe and onely one
sut of 4 ellen the prices beeing different from 11 unto 12, 13 and 14 florins
the ell and there is for the most pt 8 peeces in every
sute wch do contagne about 200 ellen and there is some
chamber that have but 5 pc wch f. so
much less: the storyes wch I have seen are the following:
1 Sut Alexander Magnus,1 Sut Josua,1 Sut David and Goliath,1
Sut Scipio and Hanibal,1 Sut Destruction of Troy.In this commodity I
have no judgement at all..
Antwerp the 19 of May 1618.
Lyonel Wake
Yrs honors Commandementto serve you
Lyonel Wake
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 125.
[161] TRADUCTION.LIONEL WAKE
A SIR DUDLEY CARLETON.
J'ai reçu aujourd'hui votre lettre du 8 de ce mois et, conformément à vos ordres,
j'ai parcouru tous les magasins de la ville où j'ai trouvé diverses suites de
tapis de Bruxelles de 4 1/2 aunes de hauteur et une seule de 4 aunes. Les prix
diffèrent de 11 à 12, 13 et 14 florins l'aune et il y a ordinairement au plus 8
pièces dans chaque suite, ce qui fait environ 200 aunes. Il y a quelques
chambres qui ont seulement 5 pièces ce qui fait d'autant moins pour le prix. Les
sujets que j'ai rencontrés sont les suivants:
1 suite Alexandre le Grand,1 suite Josué,1 suite David et
Goliath,1 suite Scipion et Annibal,1 suite Destruction de
Troie.Mais, dans tout cela, je suis absolument incompétent.
[161]
TRADUCTION.LIONEL WAKE
A SIR DUDLEY CARLETON.
Anvers, le 19 mai 1618.
Lionel Wake.
Votre très obéissant serviteur
Lionel Wake.
CLXX RUBENS A SIR DUDLEY
CARLETON.(20 mai
1618.)
Excellentmo Sigre.
Ho riçevuto avviso appunto hoggi dal mio amico Pietersen come finalmente V. E. si
era accordata seco conforme alla mia ultima offerta Quod utrique nostrum felix
faustumque sit (1).((1) Cette citation de Rubens est
empruntée à une formule liturgique rapportée par Cicéron: Quod bonum
faustum, felix, fortunatumque esset. (De Divin. I, 45, 102.)) Io ho
già fra tanto si trattava dato l'ultima mano alla maggior parte delle pitture
cappate da lei e ridotte à quella perfettione che mi è stata possibile, di
maniera che spero V. E. sia per haverne intiera sodisfattione, finiti sono di
tutto punto il Prometheo, la Leda, li Leopardi, il S. Sebastiano et il San [162] Pietro (1)((1) En marge: Solo al
S. Pietro manca ancora un poco.) et il Danielle, li quali io sono
pronto a consegnare à quella persona che lei con ordine espresso mi ordinarà per
riçeverli, e ben vero che non sono ancora ben secchi ansi hanno di bisogno
(2)((2) En marge: Con questo bel (tempo) si mette... nel
sole... ra.) di star cosi nelli loro telari ancora alcuni giorni
inansi che si potranno inrollare senza pericolo ne mancarò col aiuto divino
Lunedi prossimo di metter la mano alla cacçia e la Susanna con quella cosetta di
cento fiorini con animo di guardar piu al onore che al utile, sapendo quanto
importi il conservarsi la bona gratia di un personaggio della qualita sua.
Toccante le Tapizzarie [solo] posso dir poco, perche havendo dato la [lista]
hoggi al Sigr Lionello creden [do io oprar] seco lui non
mi volse ne anco parlare perche V. E. li dava un ordine assoluto [di non] haver
che fare di conferire con altri di che io sono contentissimo per minor briga,
essendo io dun umor poco intromettivo. I percio supplico V. E. sia servita di
ordinarmi a che io debba pagar li due mille fiorini contanti, che non mancarò di
fare à vista del suo aviso. Non ho potuto però lasciar d'avisar V. E. che per
adesso nel fontico de Tapizzaria d'Anversa çè poco di bono et al parer mio la
cosa manco male che çè e una stanza colla storia de Camillo [d'un al] tezza di
quattro braccia i mezzo, otto [pezzi] che fanno (3)((3) En
marge: Ducento et venticinq. braccia importano due mille quattro cento e
quaranta due fiorini se non minganno.) 222 braccia di prezzo di dieci
fiorini il braccio come apunto [ha il] simile anzi listessa storia cavata del
istesso cartone e della istessa finezza, il sigr Cabbauw
alla Haija, ove V. E. potrà [vedere] e risolvere secondo le parerà convenere che
a me come ho detto importa nulla ansi mi rallegrarò molto chel Sig. Lionello
facçia buon servitio a V. E.
Nella cui bona gracia mi raccommando di core et con humil reverenza
le bacerò le mani restando sempre di V. E.Devotissimo Servitore
Pietro Pauolo Rubens.
Li quadri promessi a V. E. saranno colla gratia divina di tutto punto finiti fra otto giorni senza alcun fallo. D'Anversa, alli 20 di Maggio 1618.
Adresse: Al eccellentissmo Sigr e
Patron mio Colendissmo il Sig. Dudlei Carlethon
Ambasciator di sua Maiestà della Gran Bretaigna. Alla Haija.
[163] Original: Londres, Public Record Office. Foreign State
Papers. Holland 125. Publié par Hookham Carpenter, p. 152 et dans l'édition
française, p. 184. — Traduction dans Noel Sainsbury. Op. cit., p. 35. —
Rosenberg. Rubensbriefe, p. 47.
TRADUCTION.RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.
Excellence.
Je viens de recevoir aujourd'hui de mon ami Pietersen la nouvelle que V. E. s'est
enfin arrangée avec lui conformément à ma dernière proposition. Quod utrique
nostrum felix faustumque sit. Pendant ces négociations, j'ai mis déjà la
dernière main à la plupart des peintures que vous avez choisies et je les ai
rendues aussi parfaites qu'il m'a été possible de le faire; de sorte que V. E.,
je l'espère, en sera entièrement satisfaite. J'ai terminé tout-à-fait le
Prométhée, la Léda, les Léopards, le St Sébastien, le St Pierre et le Daniel (1)((1) En
marge: Au S. Pierre seul, il manque encore quelque chose.), je suis
prêt à les livrer à la personne qui aura de V. E. l'ordre exprès de les
recevoir. Il est vrai qu'ils ne sont pas encore parfaitement secs et qu'ils
auraient besoin de rester pendant quelques jours encore sur leurs châssis avant
de pouvoir être roulés sans danger (2).((2) Par ce beau
temps, on les exposera au soleil.) Lundi prochain, je ne manquerai
pas, avec l'aide de Dieu, de mettre la main à la Chasse et à la Susanne, ainsi
qu'à la petite pièce de cent florins; je le ferai avec l'intention de viser plus
à l'honneur qu'au profit, sachant combien il m'importe de conserver les bonnes
grâces d'un personnage du rang de V. E. Quant aux tapisseries, je n'en puis dire
grand' chose, attendu qu'ayant transmis aujourd'hui la liste à M. Lionel, dans
la pensée de traiter avec lui, il ne voulut pas m'en parler parce que V. E. lui
avait donné l'ordre absolu de n'avoir que faire de consulter d'autres personnes.
J'en suis extrêmement enchanté; je m'épargnerai de la peine et je n'ai guère
l'humeur entremetteuse. Aussi, je supplie V. E. de vouloir bien me dire à qui je
dois payer les 2000 florins comptant: ce qui aura lieu à vue de votre ordre. Je
n'ai pu m'empêcher cependant de faire savoir à V. E. que, pour le moment, il n'y
a dans le comptoir des Tapisseries, à Anvers, que fort peu de bonnes choses: ce
qui me paraît de moins mauvais est une tenture d'appartement représentant
l'histoire de Camille, haute de quatre aunes et demie, en huit pièces, qui font
222 aunes, à 11 florins l'aune (3).((3) Deux cent et
vingt-cinq aunes font, si je ne me trompe, 2442 florins.) Une
semblable tenture, c'est-à-dire la même [164] histoire, a
été exécutée d'après les mêmes cartons et avec le même fini pour M. Cabbauw, à
La Haye, où V. E. peut la voir et se décider, selon qu'il lui conviendra; car le
choix qu'elle fera, comme je l'ai dit, m'est tout-à-fait indifférent et je
serais très heureux de voir M. Lionel lui rendre bon service en cette affaire.
Je me recommande cordialement aux bonnes grâces de V. E. je lui
baise les mains en toute humilité et me dirai toujoursSon très dévoué
serviteur
Pierre-Paul Rubens.
Les tableaux promis seront, avec la grâce de Dieu, entièrement terminés dans huit jours sans aucune faute. D'Anvers, le 20 mai 1618.
Adresse: A Son Excellence Sir Dudley Carleton, Ambassadeur de Sa Majesté de la
Grande Bretagne, à La Haye.
COMMENTAIRE.
De la tapisserie recommandée par Rubens, l'Histoire de Camille, il existait des
exemplaires de six pièces, hautes de 4 1/2 aunes, mesurant en longueur 148
aunes; elle était fabriquée à Audenarde. Nous la trouvons mentionnée dans
l'inventaire de la mortuaire de Daniel Fourment, le beau-père de Rubens
(1).((1) Een caemer Audenaerdsche tapitserye 4 1/2 ellen
diep, van sesse stucken de Historie van Camillus, houdende tsaemen hondert
acht en viertich ellen. Alph. Wauters. Les tapisseries Bruxelloises, p. 237
et 436.)
CLXXISIR DUDLEY CARLETON A RUBENS.(22 mai 1618.)
Molto Illmo Sigr mio Affmo.
Per la riposta all' ultima sua del 12 del corrente io mio sono rimesso al suo
amico Pietersen trovandomi in quel tempo sotto le mani del medico. Ora vengo di
ricever quella sua altera de 20 per la quale V. S. dechiarandosi di persister
nel sua risolutione intorno la permuta con quelle conditioni da lei significate,
sono pronto per dar ogni sodisfazzione della parte mia, li marmi stando in bel
ordine per esser consignati al [165] Sr Pietersen sempre ch'egli si presenta per levargli et haura anco le casse
d'avanzo con le quale sono venuti d'Italia et quelle che ne mancano saranno
fornite. Quanto alle pitture sperando che le sei (cioè il Prometeo, la Leda, li
Leopardi, il San Sebastiano, il San Pietro, et il Daniele) saranno compitamente
finite al tempo da lei assegniato (ch'e il 28 del corrente) io mandaro intorno a
quel giorno un huomo a posta per condurle qua in salvamento assicurandomi che
l'altre tre saranno anco in tempo conveniente messe in perfettione et mandate
qua alla Aga. Vado procurando due passaporti uno per accompagnar i marmi l'altro
chi sara portato dal mio huomo per li quadri et le tapissarie le quali o saranno
quella historia di Camillo che V. S. mi raccomanda o una altra camera di quatro
braccia alta che sara piu per il mio uso et per l'elettione dell' uno o delle
altre Io mi rimettero a quello mio servitore quando sara giunto costi senza
liberar pero V. S. della sua cortese offerta d'aiutarmi col suo parere. Et
quanto a alcune altre tapissarie fatte a Bruxelles sopra cartoni da lei designati saprei volontieri l'historia
et la misura potendo ordinar poi del pretio et essendo deliberato col tempo di
fornirmi di quella curiosità: di modo che questo nostro trattato ne serve che
per comminciamento a maggior correspondenza tra di noi, offerendomi in
contracambio di servir a V. S. ou qua ou in altri luogi dove son buono in tutto
quello chi sara per il suo gusto. V. S. mi scrivera (si le piace) il tempo
appresso poco quando saranno finiti li tre quadri per poter dar ordine alla
condutta d'essi. Per la caccia intendo chi sia al paragon di quella che ho quà
in casa. La Susanna hà da esser bella per inamorar anco li Vecchij et per la
discretione non piglio fastidio venendo della man di persona discreta et
honorata et cosi mi sono accommodato in tutto et per tutto al contenuto di
queste sue due ultime lettere solo non posso sottoscrivere alla sua negativa
nella prima d'esse dicendo che non e Principe perche lo stimo Principe di
pittori et galant huomini &
con quel fine le baccio li mani.
De la Haga le 22 Maggio 1618.
Di V. S. affmo per Servirla
D. C.
(De la main de Carleton:)Dopo scritta ho visto la tapissaria di Camillo, la
qualle à una bella lista, ma brutessme figure et per cio
mando un mio servitore a posta per farmi relatione delle tapissarie che si
trovano esser in quel fondago [166] per farne elettione et al
suo ritorno darò poi ordine a ogni cosa. In questo mentre si incassaranno li
marmi.
Au dos:)Copie de la lettre escripte à Monsr Rubens du
22 de May 1618.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 125.
Publié par Hookham Carpenter, p 156 et dans l'édition française, p. 188. —
Traduction dans Noel Sainsbury. Op. cit., p. 36. — Lettre écrite par un
secrétaire. Le postscriptum est de la main de Sir Dudley Carleton.
TRADUCTION.SIR DUDLEY CARLETON A RUBENS.
Monsieur,
Pour la réponse à votre dernière lettre du 12 courant, je m'en suis rapporté à
votre ami M. Pietersen, me trouvant alors entre les mains du médecin. Je viens
de recevoir aujourd'hui une autre lettre de vous, datée du 20, lettre par
laquelle vous déclarez persister dans votre résolution relative à l'échange, aux
conditions stipulées par vous. De mon côté, je suis prêt à satisfaire à ces
conditions: les marbres sont bien en ordre pour être consignés à M. Pietersen
dès qu'il se présentera pour les enlever; en outre, il aura ce qui reste des
caisses dans lesquelles ils sont venus d'Italie; s'il en manquait, on lui en
fournira. Quant aux peintures, dans l'espoir que les six désignées, Prométhée,
Léda, les Léopards, St Sébastien, St
Pierre et Daniel seront entièrement terminées au terme que vous avez fixé, le 28
de ce mois, j'enverrai pour ce jour expressément un homme pour les conduire ici
sans dommage, et je compte bien que les trois autres seront, en temps
convenable, portées à leur perfection et envoyées ici à La Haye. Je vais me
procurer deux passe-ports; l'un pour accompagner les marbres, l'autre, dont mon
agent sera porteur, pour les tableaux et les tapisseries. Pour celles-ci, je
prendrai soit l'Histoire de Camille que vous me recommandez, soit une autre
tenture d'appartement, haute de quatre aunes, qui me conviendra mieux; pour le
choix de l'une ou de l'autre, je m'en remets à mon agent quand il sera arrivé
là; toutefois, sans vous libérer de votre offre courtoise de m'aider de vos
avis. En ce qui concerne certaines tapisseries exécutées à Bruxelles d'après des
cartons de votre composition, j'en apprendrais volontiers le sujet et la mesure;
nous pourrions ensuite traiter du prix, car je suis résolu de me meubler, avec
le temps, de curiosités de [167] ce genre, de sorte que notre
accord ne servira qu'à entamer une plus grande correspondance entre nous, et, en
retour, je m'offre ici ou en tout autre lieu où je puisse vous être utile à vous
servir, en tout ce qui pourra vous faire plaisir. Veuillez m'écrire, s'il vous
plaît, vers quelle époque les trois tableaux seront terminés afin que je puisse
donner des ordres pour leur transport. Quant au tableau de la Chasse, je désire
qu'il soit le pendant de celui que j'ai ici. La Suzanne doit être belle à rendre
encore amoureux les vieillards; quant à la petite pièce laissée à votre
discrétion, je n'ai aucune crainte, sachant qu'elle sort des mains d'une
personne de jugement et d'honneur. Je me suis donc conformé, en tout et pour
tout, au contenu de vos deux dernières lettres, seulement je ne puis admettre la
négative formulée dans la première des deux: vous n'êtes pas un prince, dites
vous, or, moi je vous tiens pour le prince des peintres et des hommes d'honneur.
Je finis en vous baisant les mains.
De La Haye, le 22 mai 1618.
Votre affectionné serviteur
D. C.
Cette lettre était écrite lorsque je vis la tapisserie de Camille. La bordure en
est belle, mais les figures sont très laides; c'est pourquoi, j'envoie
expressément un de mes agents qui me fera un rapport sur les tapisseries qui se
trouvent dans ce magasin; il y fera un choix et, à son retour, je donnerai mes
ordres pour toute chose. Pendant ce temps, on emballera les marbres.
CLXXIISIR DUDLEY CARLETON A JOHN CHAMBERLAIN.(23 mai 1618.)
Sr.
I am now saying to my Antiquities Veteres migrate coloni having past a contract
wth
Rubens the famous painter of Antwerp for a sute of tapistrie and a
certaine number of his pictures, wch is a goode bargaine
for us both, onely I am blamed by the painters of this country who made ydoles
of these heads and statuas, but all others commend the change. It will be the
end of the next weeke before I can possibly part [168] from
hence; and at that time (for aught I yet know) I shall be fitted for my jorney.
Yrs most assured
Dudley Carleton.
Haghe May 13/23 1618.
Copie de la main de Carleton: Londres, Public Record Office. Foreign State
Papers. Holland 125. Publié par Hookham Carpenter, p. 155 et dans l'édition
française, p. 185. — Noel Sainsbury. Op. cit., p. 38.
TRADUCTION.SIR DUDLEY CARLETON A JOHN
CHAMBERLAIN.
Monsieur.
J'en suis à dire à mes antiques: Veteres migrate coloni! Par un marché fait avec
Rubens, le fameux peintre d'Anvers, je les ai échangés contre une suite de
tapisseries et un certain nombre de tableaux de lui. C'est une bonne affaire
pour tous deux: seulement je suis blâmé ici par les peintres, qui s'étaient fait
des idoles de ces têtes et de ces statues, mais, eux exceptés, tout le monde me
félicite de cet échange. Il me sera de toute impossibilité de partir d'ici avant
la fin de la semaine prochaine et alors (pour autant que je le sache maintenant)
je serai prêt à me mettre en route.
Votre très affectionné
Dudley Carleton.
La Haye, 13/23 mai 1618.
Sr.
We have spoken wth Monsr Robbins who
hath given the just measure of yr pictures and sayth that
they shall be ready and hath promised to write unto you by yr servant, if not to-morrow by the post,
and so expecting yr farthr
resolutions herein I take my leave ever resting atYr honors comandment to serve you,
Lyonell Wake.
Antwerp the 24 of May 1618.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 125.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 38.
TRADUCTION.LIONEL WAKE A SIR DUDLEY CARLETON.
Monsieur,
Nous avons parlé à Monsieur Rubens qui nous a donné la mesure exacte de vos
peintures; il nous a dit que celles-ci seront prêtes et qu'il vous écrira par la
voie de votre serviteur ou sinon, demain, par la poste.
En attendant ainsi vos résolutions ultérieures en cette affaire, je vous
présente mes respects et me dis pour toujours
Lionel Wake.
Anvers, le 24 mai 1618.
Votre très dévoué
serviteur
Lionel Wake.
Anvers, le 24 mai 1618.
Eccellmo Sigre.
Ho dato tutte le misure giuste di tutte le pitture a quel huomo de V. E. che
venne a pigliarle come mi disse d'ordine de V. E. per farvi fare le cornici,
benche lei non mi facesse mentione di questo nella sua lettera. Io qualq. tempo
in ça non ho dato alcuna penellàta si no per servitio de V. E., di maniera che
tutti li quadri tanto la Caççia e la Susanna insieme con quella descretione che
chiude il nostro conto quanto quella di prima lega saranno finiti col aiuto
divino al giorno preçiso delle 28 del corrente conforme alla mia promessa. Io
spero ch'ella restarà sodisfattisima di quelle opere mie si per la varieta de
suggietti come per l'amore e desiderio che me spingono di servir V. E.
esquisitamente nè dubito punto che la Caççia e la Susanna non possino comparire
tra legitimi. Il terzo è dipinto in tavola di longezza di tre piedi i mezzo in
circa, i due i mezzo d'altezza vero originale i suggietto nè sacro ne profano
per dir cosi benche cavato della sacra scrittura cioè Sara in atto di gridare ad
Agar che gravida si parte di casa in un atto donnesco assai galante con
intervento anco del Patriarca Abraham di questo non ho dato la misura al suo
homo per aver un poco di corniccietta attorno egli si fece in tavola perche le
cose picciole vi riescono meglio che non in tela et essendo si poco volume sarà
trasportabile. Ho preso secondo il mio solito un valenthuomo nel suo mestiere a
finire li paesaggi solo per augmentar il gusto de V. E. ma nel resto la sia
sicura chio no ho permesso ch'anima vivente vi metta la mano con animo di non
solo mantener puntualissimante quanto si e promesso ma di cumular ancorà quest
obligo desiderando di vivere e morire devotissimo servitore de V. Ecc. Io non
posso però affirmar cosi giustamente come io desidererei il giorno certo che
questi quadri tutti saranno secchi et a dire il vero mi parerebbe meglio
ch'andassero tutti insieme poiche ancora li primi sono frescamente ritocci pur
col aiuto del sole si pero luccia sereno, i senza vento (il quale conçitando la
polvere e nimico a pitture fresce) saranno in ordine ad esser inrollati fra
cinque o sei giorni di bel tempo. Io per mè vorrei poterli consigniar [171] subito come sono pronto di fare ad ogni suo bene
placito ma molto me dispiaciarebbo se per troppa frescezza patissero alcun danno
per camino che potrebbe causar qualq. disgusto a V. E. nel quale io participarei
d'una gran portione.
Toccante le tapizzarie posso dir poco poiche a dire il vero robba esquisita non
çé per adesso e come scrissi di rado si ritrova senza farla lavorare a posta pur
non sodisfacendo a V. E. quella storia di Camillo non mi pare che quel su' huomo
habbia mala inclinatione verso quella di Scipione et Annibale che forse ancora
potria piacçer piu a V. E. et a dire il vero fra tutte queste cose lelettione e
arbitraria senza disputa di gran eccellenza mandarò a V. E. tutte le misure del
mio Cartone della storia di Decius Mus
Console Romano che si devovò per la vittoria del Popolo Romano ma
bisognara scrivere a Brusselles per averle
giuste havendo io consigniato ogni cosa al Maestro del lavoro.
I fra tanto mi raccommando molto nella bona gracia di V. E. et con umil
affetto li baccio le mani.
D'Anversa alli 26 di Maggio 1618.
Di V. Eccella devotissimo servitore
Pietro Pauolo Rubens.
Li due millle fiorini saranno pagati puntualmente a piaccere di V. E. Io
confesso di sentir desiderio grande di vedere questi marmi tanto piu che V. E.
m'assecura di esser cose di preggio.
(Au dos est écrit par Sir Dudley Carleton:)Frô Rubens ye 26 of May red by John Frith 1618.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 125.
Publié par Hookham. Carpenter, p. 158 et dans l'édition française, p. 192. —
Traduction dans Noel Sainsbury. Op. cit., p. 38. — Rosenberg. Rubensbriefe, p.
49.
TRADUCTION.RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.
Excellence.
J'ai donné les mesures précises de toutes les peintures à votre agent qui est
venu pour les prendre par votre ordre, afin de faire exécuter les cadres, bien
que, dans votre lettre, il n'en soit pas fait mention. Depuis quelque [172] temps, je n'ai pas donné un seul coup de pinceau si ce
n'est pour le service de V. E.; de sorte que tous les tableaux, tant la Chasse,
la Suzanne et la pièce dont le choix a été laissé à ma discrétion et qui doit
clore notre compte, aussi bien que ceux de notre premier accord, seront terminés
avec l'aide de Dieu, au jour précis du 28 courant, conformément à ma promesse.
J'espère que V. E. sera satisfaite de mes oeuvres, autant pour la variété des
sujets que pour l'affection et le désir qui me poussent à vous servir de la
manière la plus parfaite; aussi, je ne doute point que la Chasse et la Suzanne
ne puissent se présenter parmi les travaux de ma main. Le troisième tableau est
peint sur panneau: il est long d'environ trois pieds et demi et haut de deux
pieds et demi: le sujet est vraiment original et bien que tiré de la Sainte
Écriture il n'est, pour ainsi dire, ni sacré ni profane. Il représente Sara dans
l'acte de s'emporter contre Agar, enceinte; celle-ci quitte la maison, dans une
attitude de dignité féminine, à l'intervention du patriarche Abraham. Je n'ai
pas donné la mesure de ce tableau à votre agent, parce qu'il est entouré d'un
petit encadrement: je l'ai peint sur bois parce que les petits sujets
réussissent mieux sur bois que sur toile; et comme il a peu de volume, il sera
facile à transporter. J'ai employé, selon mon habitude, un homme très habile
dans le métier pour terminer le paysage; je l'ai fait uniquement pour que
l'oeuvre plaise davantage à V. E. Pour le reste, Elle peut être certaine que je
n'ai permis à âme qui vive d'y mettre la main. Mon désir est non seulement
d'exécuter en toute ponctualité ce que j'ai promis, mais encore de dépasser
cette obligation, souhaitant de vivre et de mourir le serviteur très dévoué de
V. E. Toutefois je ne puis pas fixer aussi exactement que je le voudrais, le
jour même où tous ces tableaux seront bien secs; à dire vrai, il vaudrait mieux,
ce me semble, qu'ils partissent tous ensemble, car les retouches faites aux
premiers sont encore toutes récentes. Cependant, avec l'aide du soleil, s'il
veut bien luire dans sa clarté et en l'absence du vent, — cet ennemi des
peintures fraîches par la poussière qu'il soulève, — toutes les toiles seront en
état d'être roulées, après cinq ou six jours de beau temps. Quant à moi, je
voudrais pouvoir vous les expédier immédiatement, comme je suis prêt à faire
tout ce qui vous serait agréable, mais je serais désolé si pour être trop frais,
ils venaient à souffrir quelque dommage en route; ce qui pourrait causer à V. E.
des regrets auxquels je prendrais grandement part moi-même.
En ce qui touche les tapisseries, j'ai peu de chose à dire; car, vraiment, il n'y
a pas de pièces remarquables en ce moment; ainsi que je vous l'écrivais, il s'en
trouve rarement à moins d'en faire exécuter sur commande. Donc, si cette
histoire de Camille ne satisfait point V. E., il me semble que celle de Scipion
et d'Annibal, pour laquelle son agent me semblait avoir assez d'incli [173] nation, pourrait probablement plaire à V. E. A dire
vrai, le choix est arbitraire entre tous ces objets, dont l'on ne met point en
doute le grand mérite.
J'enverrai à V. E. toutes les mesures de mes cartons pour l'histoire de Décius
Mus, le consul romain, qui se dévoua pour que le peuple romain fut victorieux;
mais il me faut écrire à Bruxelles pour avoir les chiffres exacts, attendu que
j'ai tout remis au maître des travaux.
En attendant, je me recommande aux bonnes grâces de V. E. et, en toute
humilité, je lui baise les mains.
Anvers, le 26 mai 1618.
De Votre Excellence le dévoué serviteur,
Pierre-Paul Rubens.
Les deux milles florins seront payés ponctuellement au bon plaisir de V. E.
J'avoue que j'ai le plus grand désir de voir les marbres, d'autant plus que V.
E. m'assure que ce sont des objets précieux.
Au dos est écrit par Sir Dudley Carleton en anglais: De Rubens, le 26 mai, reçu
par John Frith, 1618.
COMMENTAIRE.
La petite pièce que Rubens exécuta pour parfaire la valeur des 4000 florins, à
fournir en tableaux à Carleton, représentait, comme il nous l'apprend dans cette
lettre, Agar renvoyée par Abraham et Sara. Le tableau est peint sur panneau et
mesure 71 centimètres de haut sur 102 centimètres de large. Il fait partie
actuellement de la galerie du duc de Westminster à Londres. Rubens avait fait,
quelques années auparavant, un tableau représentant le même sujet de moindre
dimension. Celui-ci, entièrement de sa main, se trouve actuellement au Musée de
l'Hermitage à St Pétersbourg (OEuvre de Rubens, nos 105 et 106). Dans l'exemplaire du duc de Westminster,
le paysage est peint par Jean Wildens.
Dans sa lettre du 12 mai 1618, Rubens avait écrit à Carleton que l'on travaillait
en ce moment à Bruxelles à une suite de tapisseries qui lui avaient été
commandées par des négociants Génois. Dans la présente lettre, il nous fait
connaître le sujet de ces tapisseries. C'est l'histoire du consul romain Décius
Mus. Les superbes modèles de ces tapisseries, peints par Rubens avec la
collaboration de Van Dyck, qui, à cette époque, avait 19 ans, font partie de la
Galerie Liechtenstein à Vienne (OEuvre de Rubens, nos 707
à 714). Ils se composent de six pièces principales: Décius raconte son rêve à
ses officiers, Décius consulte l'aruspice, Décius voué aux dieux infernaux,
Décius renvoie ses licteurs, Décius blessé à mort et les Funérailles de Décius,
et de deux pièces accessoires: [174] Rome triomphante et un
Trophée guerrier. Les tapisseries furent fabriquées à Bruxelles en partie par
Jean Raes, en partie par Jacques Geubels.
Nous ignorons quels étaient les négociants Génois pour lesquels Rubens exécuta
les cartons de ces tapisseries. Nous présumons que c'étaient les Pallavicini. Le
23 mars 1618, André Picheneotti tint sur les fonts baptismaux le second fils de
Pierre-Paul Rubens, en remplacement de Nicolas Pallavicini, négociant génois,
d'après lequel le nouveau-né fut nommé. Leurs relations étaient donc fort
amicales à un moment qui coïncide avec l'exécution des tapisseries et nous
croyons que ce fait donne une grande probabilité à notre hypothèse. Ces bonnes
relations persistaient: en 1620, Rubens exécuta pour Nicolas Pallavicini le
tableau les Miracles de St Ignace qui orne l'autel de ce
saint dans l'ancienne église des Jésuites à Gênes (OEuvre de Rubens, n°
455).
CLXXV RUBENS A SIR DUDLEY
CARLETON.
Eccellentmo Sigre.
Mi maraviglio chel Sre Francesco Pieterssen non si sia sin
adesso presentato alla Haija secondo chègli mi haveva scritto chi tornarebbe ivi
per le 19 cioè sabbato ultite passato et dalla lettera di
V. E. comprendo chè alli 23 non era ancora comparso, le scrivo donq. una lettera
perla quale io l'essorto ad andarvi quanto prima et se per sorte se li fosse
offerto qualq. impedimento chi mandi qualq. persona idonea per questo effetto
che presentarà a V. E. una polizza scritta de mia mano. Pur sè ne lui nè altro
in suo nome comparirà subito, io supplico V. E. sia servita di farmelo saper
incontinente che non mancarô, di spedir un huomo mio à posta al primo suo aviso.
Habbiamo avuto hoggi cosi bel sole che (poci in fuori) tutti li suoi quadri sono
tanto secchi che si potreb[bero in]cassar domani. Il medesimo si pò sperare
delli altri fra tre giorni secondo l'apparenza della buona stagione. .
Non ho altro per adesso si no di bacciar a V. E. con ogni riverenza le
mani.
In Anversa alli 26 di Maggio 1618.
Di V. Eccellza devotissimo Servitore
Pietro Pauolo Rubens
[175] Adresse: Al Eccellmo Sigre mio ColendmoCito Il Sigre Dudley CarlethonCito Ambasciatore di sua Maiesta
della Gran BretaignaCito alla Haya.Cito.
(Au dos:)Frô Mr Rubens ye 26 May
red the 28.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 125.
Publié par Hookham Carpenter, p. 162 et dans l'édition française, p. 196. —
Traduction dans Noel Sainsbury. Op. cit., p. 40. — Rosenberg, Rubensbriefe, p.
50.
TRADUCTION.RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.
Excellence.
Je suis surpris de ce que M. François Pietersen ne se soit pas, jusqu'à présent,
rendu à La Haye; d'après ce qu'il m'avait écrit, il serait retourné là pour le
19, c'est-à-dire, Samedi dernier; et j'apprends par la lettre de V. E. qu'il n'y
a pas encore apparu, le 23. Je lui écris donc une lettre pour l'exhorter à s'y
rendre au plus tôt, et si, par hasard, il se présentait quelque empêchement, à y
envoyer une personne apte à cette besogne laquelle se présenterait à V. E. avec
un billet de ma main. Toutefois, si lui ni quelqu'un venant en son nom ne se
présentait immédiatement, je supplie V. E. de vouloir bien me le faire savoir de
suite; je ne manquerais pas d'envoyer quelqu'un expressément, à son premier
avis.
Nous avons eu aujourd'hui un si beau soleil que tous vos tableaux, à peu
d'exceptions près, se sont si bien séchés que je pourrai les emballer demain.
J'espère que, selon la bonne apparence du temps, il en sera de même des autres
dans trois jours.
N'ayant autre chose à dire pour aujourd'hui, je baise respectueusement
les mains de Votre Excellence.
Anvers, le 26 mai 1618.
De V. E. le très dévoué serviteur
Pierre-Paul Rubens.
Adresse: A S. E. Sir Dudley Carleton, Ambassadeur de S. M. de la Grande Bretagne,
à La Haye.
Au dos en anglais: De Mr Rubens le 26 mai, reçu le 28.
Excellentissmo Sigre.
V. E. potra à suo bene placito consignar le sue antichità al Sre Francisco Pieterssen portator di questa overo a chi si sia che da parte
di esso Pieterssen li presentera questa polizza, che saranno ben consignati
quanto in mano mia propria.
I per fine baccio à V. E. con umil affetto le mani.
D'Anversa alli 26 di Maggio 1618.
Di Vostra Eccellenza devotissimo Servitore
Pietro Pauolo Rubens.
>Adresse: Al Excellmo Sigre Il Sigre Dudley Carlethon Ambasciare de la
Majesta della Gran Bretaigna alla Haya.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers, Holland 125.
Publié par Hookham Carpenter, p. 162 et dans l'édition française, p. 198. —
Rosenberg. Rubensbriefe, p. 51. — Traduction dans Sainsbury. Op. cit., p.
41.
TRADUCTION.RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.
Excellence.
A son bon plaisir, V. E. pourra remettre ses antiques à M. François Pietersen,
porteur de la présente, ou à quiconque lui présentera ce billet de la part dudit
Pietersen; ils seront ainsi remis comme s'ils l'étaient entre mes propres mains.
Je finis en baisant affectueusement les mains de V. E.
D'Anvers, le 26 mai 1618.
De V. E. le très dévoué serviteur
Pierre-Paul Rubens.
Adresse: A Son Excellence Sir Dudley Carleton, ambassadeur de Sa Majesté le roi
de la Grande Bretagne, à La Haye.
Molto Illmo Sigre mio Affmo.
In conformità della polizza di V. S. sotto la data de' 26 corrente ho consignato
tutti quanti li marmi ben conditionati in mani del Sre
Francesco Pieterssen il quale và adesso in persona verso di lei per levar in quà
tanto li quadri quanto le tapizzarie promessemi in contracambio; et poi che V.
S. per l'ultima sua sotto la medesima data scrive che frà tre giorni tutti li
quadri sariano secchi et in stato di poter esser incassati, habbiamo adesso
tempo d'avanzo per quel effetto; et secondo che non ci è mancato niente della
parte mia intorno alla roba di quà tanto per l'accommodarla quanto per mandarla
in diligenza per la sodisfattione sua mi confido ch'ella parimente pigliara un
poco di cura sopra l'incassar de' quadri, et li mandarà con le tapizzarie in
modo ch'io possi haver il tutto sabbato che vienne. In questo mentre li marmi
saranno incamminati, volendo io procurar il passaporto per essi et darlo anco
nelle mani del patron di nave chi porta la roba di ordine del Sigre Pietersen, ricevendo di luy il suo obligo in scriptis
intorno alli quadri et tappizzerie, il quale col ritorno suo con le cose
sopradette li sarà restituito. Questo è il meglior espediente ch'habbiamo
trovato per aggiustar le cose d'ambedue le parti senza perder tempo di banda ni
d'altra. .
Bascio a V. S. le mani.
D'Aga à 29
di Maggio 1618.
Di V. S. affmo p. servirla
Dudley Carleton
(Au dos:)Minute de la lre a Monsr Rubens du 29 de May 1618.
Original de la minute. Londres, Public Record Office. Foreign State Papers,
Holland 125. — Publié par Hookham Carpenter, p. 164 et dans l'édition française,
p. 198. — Traduction dans Sainsbury. Op. cit., p. 41.
[178] TRADUCTION.SIR DUDLEY
CARLETON A RUBENS.
[178]
TRADUCTION.SIR DUDLEY
CARLETON A RUBENS.Monsieur.
Conformément à votre billet daté du 26 courant, j'ai remis tous les marbres, en
bonne condition, entre les mains de M. François Pietersen, qui se rend en
personne auprès de vous pour rapporter ici, à la fois, les tableaux et les
tapisseries qui m'ont été promis en échange et, comme par votre dernière lettre,
sous la même date, vous me faites savoir que, dans trois jours, tous les
tableaux seront secs et en état d'être emballés, nous avons en ce moment un peu
de temps de plus pour obtenir cet effet. Comme, de mon côté, rien n'a été
négligé tant pour l'emballage que pour le prompt envoi des objets, afin de vous
satisfaire, je m'attends avec confiance à ce que, de votre côté, vous preniez
également quelque soin pour emballer les tableaux et pour me les expédier avec
les tapisseries, de manière à ce que je puisse avoir le tout ici Samedi
prochain. En attendant, les marbres seront mis en route; je veux me procurer
pour eux un passeport que je remettrai entre les mains du capitaine du vaisseau
qui porte les marbres, par ordre de M. Pietersen; celui-ci me donnera une
obligation écrite concernant tableaux et tapisseries, obligation qui lui sera
restituée quand il reviendra ici avec ces objets. C'est le meilleur expédient
que nous ayons trouvé pour arranger les affaires des deux parties, sans faire
perdre du temps ni à l'une ni à l'autre. .
Je vous baise les mains.
La Haye, le 29 mai 1618.
Votre affectionné serviteur
Dudley Carleton
Au dos, en français: Minute de la lettre à Monsieur Rubens du 29 mai 1618.
Mr Wake.
The bearer hereof Frances Pieterson of Harlem, is father to the yong man I
mentioned in my letter wch I sent you yesterday by Sr Francesco Balbani he going expressly to bring hether the
pictures and hangings wch I am to have of Mr
Rubens, in exchange of my
statuas and other antiquities of marble all wch I have
this day fully delivered to this bearer himself in Mr. Rubens behalf. I pray you
facilitate the businesse as much as you may, to the end I may have the things
here by Saturday next; whch may well be yf I be well dealt
wth, as I misdowbt no other: For any custome or rights
that shall be demaunded, I had rather pay them then stay, yf the pasport be not
come from Bruxells. Any difference that
shall be in the price of the hangings, I will adjust wth
you uppon yr lre according as by my
last I wrote unto you, and for the choise I remaine of the same minde as then,
desiring to have ye Stories of Scipio. Uppon the chests or
cases, both of the Pictures and hangings, this marke must be set D C wth a superscription in the Duch language adressed unto me,
wherby they will come untouched according to a pasport wch
this bearer hath wth him.
Thus with my hartie commendacions, I amYr
very assured frend
, Dudley Carleton.
Hagh 29th May 1616.
(Au dos:)Minute of a lre to Mr
Wake of the 29th of May 1618.
Original: Londres, Public Record office. Foreign State Papers, Holland 125.
Publié par Hookham Carpenter, p. 164, et dans l'édition française, p. 200. —
Sainsbury. Op. cit.,. p. 42.
TRADUCTION.SIR DUDLEY CARLETON A LIONEL WAKE.
Le porteur de la présente, François Pietersen de Harlem, est le père du jeune
homme dont je faisais mention dans la lettre que je vous ai envoyée [180] hier par M. Francesco Balbani; il part expressément
pour apporter ici les peintures et les tapisseries que je dois recevoir de M.
Rubens en échange de mes statues et autres marbres antiques, lesquels ont été
délivrés aujourd'hui au complet par moi-même à cet agent pour les remettre à M.
Rubens. Je vous prie de venir en aide à cette affaire autant que vous le
pourrez, afin que je puisse avoir les objets ici Samedi prochain, ce qui peut
parfaitement se faire si je suis bien informé, ce dont je ne doute pas. Si l'on
vous demandait l'acquit de quelque charge ou de quelque droit, j'aimerais mieux
payer que d'attendre l'arrivée du passeport de Bruxelles. S'il y avait quelque
supplément de prix pour les tapisseries, je le règlerais avec vous après votre
avis, suivant que je vous l'écrivais dans ma dernière lettre. Quant au choix, je
reste dans la même idée: mon désir est toujours d'avoir l'Histoire de Scipion.
Sur les boîtes ou caisses contenant les tableaux et les tentures, on doit
apposer la marque D C et mon adresse en langue hollandaise. De cette façon,
elles m'arriveront intactes en vertu du passeport dont le porteur de la présente
est muni.
Recevez mes cordiales salutations et croyez moi,Votre ami dévoué
Dudley Carleton.
La Haye, le 29 mai 1618.
Au dos: Minute d'une lettre à Mr Wake du 29 mai 1618.
COMMENTAIRE.
Le fils de François Pietersen, dont il est question ici, est Pierre De Grebber
dont nous avons parlé plus haut, page 132.
Francesco Balbani. Les Balbani étaient une noble famille lucquoise établie dans
notre pays et dont on retrouve plusieurs descendants à Anvers, au 16me et au 17me siècle.
Il y avait différentes suites de l'Histoire de Scipion dans le commerce, à cette
époque. Une suite traitant ce sujet fut fabriquée par Jean Mattens, de
Bruxelles, qui vivait et travaillait en 1618. Elle se composait de douze pièces.
Le palais de Madrid en possède un exemplaire de laine, de soie et d'or (1).((1) A. J. Wauters. Les Tapisseries Bruxelloises, p.
305.)
Excellmo Sigre.
Conforme al ordine di V. E. ho pagato li due mille fiorini al Sigre Lionello de quali ha dato ricevuta di sua mano i dara aviso à V. E.
Et ancora li quadri tutti ben conditionati et incassati con diligenza ho
consigniati al Sre Francesco Pieterssen (1)((1) En marge: Il Daniello, I Leopardi, La Cacçia, Il S.
Pietro, La Susanna, Il St Sebastiano, Il Prometheo, La
Leda, Sara et Agar.) de quali io credo V. E. restarâ intieremente
sodisfatta come il Sigre Pieterssen sene stupi vedendoli
tutti finiti con amore i posti alla fila in ordine. In somma in veçe di una
stanza fornita di marmi V. E. riçeve Pitture per addobbar un palazzo intiero,
oltra le Tapizzarie poi. Toccante le misure che riuscirono alquanto minori
chella non aspettava io m'acquittai bene misurando le robbe colla misura
corrente in quei paesi dove erano, i s'assicuri pur, che quelle poca differenza
importa nulla nel prezzo facendosi il conto delle pitture diverso da quello
delle Tapizzarie che si comprano à misura ma quelle conforme la bonta, suggietto
i numero di figure niente di manco la sua pena chella mi da e tanto gratiosa et
onorevole chio la stimo per summo favore di maniera ch'io molto voluntieri
mandaro a V. E. il mio ritratto mentre chella vicendevolmente si contenti di
farmi l'onore chio possa havere in casa mia una memoria della sua persona
stimando esser di raggione chio faccia molto maggior stima di lei chella non
deve far di mè. Ho riçevuto hoggi apunto ancora li marmi li quali pero non ho
potuto vedere per la fretta della partenza del Sre
Pieterssen, pur spero che corrisponderanno alla mia aspettatione. Il Sigre Lionello prese sopra di se il carico di procurar per le
sue robbe libero passaggio havendoli io consignato la lettera di V. S. per Brusselles, gia molti giorni sono, io per
li mei marmi non trovai bono quella strada di maniera chio l'ho ottenuto per
altro mezzo con tutto çio io resto con obligo infinito verso V. E. per quanto si
e fatto in favor nostro con che faro fine bacçiando a V. E. con tutto il core le
mani i desiderando d'essergli sempre.
Servitor devotmo
Pietro Pauolo Rubens.
D'Anversa alli 1 di Guigno 1618.
[182] Adresse: Al Excellenmo Sige mio Colend. Il Sigr Dudley
Carlethon Ambasciatore di S. Maesta della Gran
Bretaigna.Nella Haya.
(Au dos, de la main de Sir Dudley Carleton:Frô Rubens ye first of June, red by Peterssen ye 3d 1618.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers, Holland 125.
Publié par Hookham Carpenter, p. 166 et clans l'édition française, p. 202. —
Traduction dans Sainsbury. Op. cit., p. 43. — Rosenberg. Rubensbriefe, p.
51.
TRADUCTION.RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.
Excellence.
Conformément à vos ordres, j'ai payé les deux mille florins à Mr Lionel qui m'en a donné un reçu de sa main et en avisera V. E. J'ai
remis également à M. François Pietersen tous les tableaux en bonne condition et
emballés avec soin (1)((1) En marge: Le Daniel, les Tigres,
la Chasse, le St Pierre, la Suzanne, le St Sebastien, le Prométhée, la Léda, Sara et
Agar.); j'ai lieu de croire que vous en serez entièrement satisfait, de
même que M. Pietersen est resté stupéfait en les voyant tous achevés con amore
et placés en ordre les uns à la suite des autres. En somme, en échange de
marbres pour remplir une chambre, vous recevez des peintures pour décorer un
palais tout entier, sans compter les tapisseries.
Les dimensions de celles-ci se sont trouvées tant soit peu moindres que V. E.
l'aurait voulu; je m'en étais reposé sur le mesurage que j'avais fait de ces
objets avec la mesure qui a cours dans ce pays d'où elles sont; toutefois que V.
E. en soit bien assurée, cette petite différence n'exerce aucune action sur les
prix, car la valeur des oeuvres de peinture se calcule autrement que celui des
tapisseries: celles-ci s'achètent à l'aune, celles-là se paient suivant leur
mérite, leur sujet, le nombre des personnages. Néanmoins, la charge que vous
m'avez donnée m'est si chère et si honorable que je la regarde comme une haute
faveur. Aussi, est-ce très volontiers que j'enverrai mon portrait à V. E., à
condition que, de son côté, elle me fasse l'honneur de permettre que je possède
dans ma maison quelque souvenir de sa personne, car il est de toute raison que
je fasse plus grande estime de V. E. qu'Elle ne doit en faire de moi. [183] Je viens de recevoir les marbres aujourd'hui même;
mais je n'ai pu les voir, à cause du départ précipité de M. Pietersen: toutefois
j'espère qu'ils répondront à mon attente, M. Lionel a pris sur lui de se
procurer pour vos objets le libre passage: depuis plusieurs jours déjà, je lui
avais remis la lettre de V. E. pour Bruxelles. Pour mes marbres, je n'ai pas
trouvé que ce fût une voie favorable; de sorte que j'ai obtenu la licence par un
autre moyen. .
Néanmoins, je suis infiniment obligé envers V. E. pour tout ce qu'elle a
fait en ma faveur, et je termine en lui baisant les mains de tout coeur,
avec le désir d'être toujoursSon serviteur très dévoué
Pierre-Paul Rubens.
Anvers, le 1 juin 1618
Adresse: A Son Excellence Monseigneur très honoré Sir Dudley Carleton Ambassadeur
de Sa Majesté de la Grande Bretagne à La Haye.
Au dos: De Rubens le premier juin 1618, reçu le 3 par Pietersen.
COMMENTAIRE.
Lionel, dont il est question ici, est Lionel Wake déjà mentionné antérieurement.
Rubens promet son portrait peint à Carleton: nous n'avons pas trouvé de trace
qu'il le lui ait réellement fait parvenir; pas plus que nous ne savons si
Carleton lui a envoyé quelque souvenir de sa personne.
CLXXX LIONEL
WAKE A SIR DUDLEY
CARLETON.(2 juin
1618.)
Sr:
I have receaved yr severall leres of the 28 of the last
moneth, and according to yr order have bought for you the
Story of Scipio, wch cost 11 florins the ell, and doth
quite, as you may perceave, by this inclosed note a 202 1/2 amounting unto 2227
1/2 florins, whereof I have receaved of Monsr
Rubens 2000 florins, and in
regard there was no order from [184] Brussels for the free passing of them, I was forced to
pay for the licent and othr tolls, 101 florins and 4
stuyvers. I do expect order for the restitution of it, for I did declare it
uppon the tolls in yr owne name and for yr owne use. Mr Rubens never sent yr lere to Mr
Wolly, but gave it to me some 4 or 5
dayes synce, the wch I sent, and I do houerly expect the
order to the officers to have the money agayne, so that you need not make it me
over before you do here from me agayne: I doubt not but you will have receaved
both yr pictures and hanginges befor this cometh unto yr hands: But Peterson never came to me about them, but
sent Monsr Rubens his man for the hangings the wch I rd, and so hoping that you will
accept of my goode will to serve you herein or any thing ells wherin you wilbe
pleased to command me I take my leave ever resting at
Yr Honnors commandment to serve you
Lyonell Wake.
Antwerp, the 2 of June 1618.
Adresse: A Monsieur Monsieur Carleton chevalier ambassadeur pour Sa Mté de la Grand Bretagne résident A la Haye.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 125.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 44.
TRADUCTION.LIONEL WAKE A SIR DUDLEY CARLETON.
Monsieur.
J'ai reçu vos diverses lettres du 28 du mois passé et, suivant vos ordres, j'ai
acheté pour vous l'Histoire de Scipion, à raison de 11 florins l'aune ce qui
fait en tout, comme vous le verrez par la note ci-incluse, 202 1/2 aunes se
montant à 2227 1/2 florins, dont 2000 m'ont été donnés par M. Rubens. Aucun
ordre n'étant venu de Bruxelles pour la franchise d'entrée des tapisseries, j'ai
dû payer pour la licence et autres droits 101 florins 4 sous. J'attends un ordre
de restitution de cette somme, parce que j'ai déclaré à la douane les objets en
votre nom et à votre usage personnel. M. Rubens n'a pas envoyé votre lettre à M.
Wolly; il l'a remise à moi, il y a quatre ou cinq jours, et je l'ai fait
parvenir: j'attends à toute heure que l'ordre soit donné aux employés [185] de me rendre l'argent, de sorte que vous ne devez pas
m'en envoyer avant que vous n'entendiez de mes nouvelles. Je ne doute pas que
vous ayez reçu les tableaux et les tentures avant que cette lettre ne vous soit
remise. Cependant Pietersen n'est jamais venu chez moi à leur sujet, mais M.
Rubens m'a envoyé son agent pour les tapisseries que j'ai reçues. J'espère donc
que vous agréerez ma bonne volonté de vous servir dans tout ceci comme dans
toute autre chose pour laquelle il vous plaira de m'honorer de vos ordres, et je
finis en me disant
De Votre Honneur, le serviteur très empressé
Lionel Wake.
Anvers, 2 juin 1618.
Adresse: A Monsieur Monsieur Carleton, chevalier, ambassadeur pour Sa Majesté de
la Grande Bretagne, résidant à La Haye.
COMMENTAIRE.
John Wolly ou Wolley était un agent au service de William Trumbull et devint son
secrétaire en 1623.
Pour compléter la série des documents, se rapportant à l'échange des marbres
antiques de Sir Dudley Carleton, nous faisons suivre ici l'inventaire des
tableaux de ce dernier, dressé de sa propre main:
CLXXXI List of my pictures given the first of
7ber st° vet. to the K: of Denmarks marchant, brought
unto me by Mr Hugins 1618.Inventario d'una certa
Collettione de' quadri che si ritrova in Ollandia forniti tutti di liste
indorate.(11 septembre
1618.)
Seconda la mesura d'Anversa
9 piedi alto | largo 8 piedi | Un Prometheo legato sopra il monte Caucaso con una aquila che li becca il fegato, il Prometheo di Rubens, l'Aquila fatta dal Snyders. |
8 | 12 | [186] Daniel fra molti Leoni cavati dal naturale tutto de man di Rubens. |
9 | 11 | Leopardi cavati dal naturale con Satiri et Nimphi de man di Rubens et con un bellissmo paese fatto per mano di un valenthuomo in quel mestiere. |
7 | 10 | Una Leda col Cigno et una Cupide tutto di Rubens. |
7 | 8 | San Pietro che leva del pesce il statere da pagar il censo con altri pescatori attorno cavati del naturale tutto di Rubens. |
8 | 11 | Una Caccia d'Arabi a cavallo et Leoni tutto di Rubens. |
7 | 9 | Una Caccia d'Europei con Lupi et Volpi tutto di Rubens. |
7 | 4 | Un S. Sebastiano di Rubens. |
7 | 5 | Una Susanna di Rubens. |
3 | 10 | Raptus Proserpinae di Tintoret Vecchio. |
5 | 7 | Martii et Apollinis contentio de Musica di Tintoret Vecchio. |
5 | 7 | Historia Jovis et Semelae di Tintoret Vecchio. |
Original de la main de Dudley Carleton. Londres, Public Record Office. Foreign
State Papers. Holland 126. — Traduction Noel Sainsbury. Op. cit., p. 45.
TRADUCTION.Liste de mes tableaux remise le
premier de septembre, ancien style, (11 septembre, style nouveau) au marchand du
roi de Danemark qui me fut amené par M. Hugins 1618.Inventaire d'une
collection de tableaux qui se trouvent en Hollande, tous garnis de cadres dorés.
[187] Mesure en pieds d'Anvers
9 pieds long | large 8 pieds | Un Prométhée attaché sur le mont Caucase avec un aigle qui lui déchire le foie. Le Prométhée par Rubens, l'aigle par Snijders. |
8 | 12 | Daniël parmi les Lions, peint d'après nature. Entièrement de la main de Rubens. |
9 | 11 | Léopards peints d'après nature, avec des Satyres et des Nymphes, de la main de Rubens, dans un paysage très beau, peint par un maître très habile en ce genre. |
7 | 10 | Léda avec le Cygne et un Amour. Entièrement de la main de Rubens. |
7 | 8 | St Pierre enlevant au poisson la monnaie pour payer le tribut, avec d'autres pêcheurs autour de lui, fait d'après nature. Entièrement de la main de Rubens. |
8 | 11 | Une Chasse, Cavaliers arabes et Lions. Entièrement de la main de Rubens. |
7 | 9 | Une Chasse européenne avec des Loups et des Renards. Entièrement par Rubens. |
7 | 4 | Un Saint Sébastien par Rubens. |
7 | 5 | Une Susanne par Rubens. |
3 | 10 | L'Enlèvement de Proserpine, par Tintoret le Vieux. |
[188] 5 | 7 | La Dispute de Marsyas et d'Apollon concernant la Musique, par Tintoret le Vieux. |
5 | 7 | L'Histoire de Jupiter et de Sémélé, par Tintoret le Vieux. |
COMMENTAIRE.
Le Hugins qui amena le marchand du roi de Danemark à Carleton est, à n'en pas
douter, le célèbre homme d'État et poète Constantin Huygens, très en faveur, à
cette époque, auprès de Carleton et plus tard secrétaire du prince d'Orange.
CLXXXII LIONEL WAKE A SIR DUDLEY
CARLETON.(3 novembre
1618.)
Sr:
Although I have receaved from Mr Trumbull an order unto the officers of this towne for the restitution
of the monys payd for the licent of things for yr honnor
yet because yr owne note doth not as well speciffy the
pictures as well as the hangings they do make difficulty therein, so that I
doubt beefore I shall gett the mony, that yr honnr must send an other note, specifying both the hangings
and 8 pictures, otherwise they will allow me but the hangings allone. When I
have ended wth them I will desyre you to cause the monny
to be repayd in this towne, for that I have no correspondent in those parts. The
remaynder of the tapistry is just 227 1/2 flors. wth some
petty charges whereof I will send the particulars
at Yr honrs commandment to
serve you
Lyonell Wake.
Antwerp the 3 of 9ber 1618.
Adresse: A Monsieur Monsieur de Carleton Chevalier Consr et
Ambar pour Sa Maté de la Grand
Bretagne près les Estats Généraux des Provinces unies des Pays-Bas. A la
Haye.
[189] Original: Londres, Public Record Office. Foreign State
Papers. Holland 127. Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 45.
TRADUCTION.LIONEL WAKE A SIR DUDLEY CARLETON.
Monsieur.
Bien que j'aie reçu de M. Trumbull l'ordre adressé aux fonctionnaires de cette
ville de restituer l'argent payé pour la sortie d'objets qui vous sont destinés,
ils font des difficultés parce que la note écrite par vous ne spécifie pas
exactement les peintures comme elle le fait pour les tapisseries. Je doute fort
que je recouvre l'argent, à moins que vous ne m'envoyiez une autre note
spécifiant les tapisseries et les huit tableaux, sinon ils ne laisseront passer
que les tapisseries. Quand j'aurai terminé cette affaire, je vous prierai de me
faire payer dans cette ville l'argent déboursé, puisque je n'ai pas de
correspondant ailleurs. Ce qui reste à payer des tapisseries se monte exactement
à 227 1/2 florins, sans compter certains petits débours dont je vous enverrai
les détails.
Je suis de votre honneur le dévoué serviteur
Lionel Wake.
Anvers, le 3 novembre 1618.
Adresse: A Monsieur Monsieur de Carleton, Chevalier, Conseiller et Ambassadeur
pour Sa Majesté de la Grande Bretagne près les États Généraux des
Provinces-Unies des Pays-Bas. A La Haye.
COMMENTAIRE.
Après avoir pris connaissance de la correspondance entre Rubens et Carleton au
sujet de l'échange des tableaux et des marbres antiques, il peut être
intéressant de savoir quels étaient ces marbres, d'où ils venaient et ce qu'ils
sont devenus. Carleton avait acheté la plus grande partie de ses antiques en
Italie. De Vénise, ils furent expédiés à Londres et de là envoyés à La Haye, où
il résidait à cette époque. Ceci se passait en 1617. En 1616, dix-huit bustes
d'empereurs romains lui avaient été envoyés de Bruxelles, par l'intervention de
Lionel Wake. Les marbres venus d'Italie étaient renfermés en 24 caisses dont le
contenu se trouve indiqué dans la liste suivante:
[190] 1. Une grande figure marquée A et trois petites têtes
non marquées.
2. Une tête marquée 10, une tête marquée 36, un torse marqué 61, une tête marquée
24, une petite tête marquée 107, une petite tête marquée 108.
3. Un enfant marqué Y, un enfant manquant de jambes et de bras, une tête de femme
non marquée, un torse non marqué, une tête marquée 106, un demi-pied.
4. Une tête marquée 38, une tête marquée 37, une tête non marquée, un demi-torse
non marqué, un piédestal.
5. Une grande figure marquée B, une tête de Satyre marquée PP, une tête marquée
104, une tête marquée 13, une tête marquée 43, un enfant chevauchant sur un
dauphin marqué W, un pied.
6. La grande urne, deux très petites têtes avec une statuette de St Sébastien, 4 petites urnes et une petite tête placée sur
un piédestal enveloppée de papier et placée avec les autres petites pièces dans
la grande urne, la grande main qui vient de Troye, 4 petits pieds.
7. Une grande tête marquée 31, une tête marquée 29, une tête marquée 23, un
piédestal, un petit visage, un homme marqué P, 6 petites plinthes ou piédestaux
carrés.
8. Une figure de femme marquée I, une tête marquée 41, une tête d'enfant non
marquée, une figure de femme marquée Q, 2 piédestaux ronds et un piédestal plat.
9. Une grande figure marquée G, une figure de femme marquée L, une tête marquée
6, un Cupidon marqué 59, des fragments de pierres dans du papier.
10. Une grande figure marquée F, une tête marquée 17, un piédestal rond.
11. Une grande tête marquée I, une grande tête marquée 75, une tête marquée 26
avec un piédestal, une tête marquée 25 avec un piédestal.
12. Une tête marquée 102, une tête marquée 2, une tête marquée 30, une tête
marquée 5.
13. Trois figures de femmes marquées O, M, Z, une plinthe.
14. Une grande figure marquée C, une figure de femme marquée H, une tête marquée
47, un demi-corps marqué 27.
15. Un enfant assis marqué T, une grande tête marquée 18, une tête marquée 12.
16. Une grande figure marquée D, une tête marquée 7, une Léda, une tête non
marquée, une plinthe et des fragments d'une pierre mince.
17. Deux grandes figures dans un bas-relief marqué 56, un bas-relief marqué 54.
18. Un bas-relief avec quatre figures marqué 55, une tête marquée X, [191] un Cupidon marqué 51, tous les fragments détachés des
diverses figures sont enveloppés dans du papier et placés dans cette caisse.
19. Une grande tête marquée 9, un corps de femme marqué 62, une tête marquée 103,
une tête marquée + 2.
20. Un bas-relief non marqué, un enfant marqué 58, une grande tète marquée 33,
une tête marquée 45.
21. Une pierre avec inscription, une tête marquée 16, une tête marquée 8, une
figure de femme marquée Z, une figure d'homme marquée S.
22. Une grande figure d'homme non marquée, une petite tête marquée 105, une
petite tête marquée III, une tête marquée 112, un corps de femme non marqué, une
tête marquée 101.
23. Quatre grandes têtes marquées 28, 19, 11, 39.
24. Une figure d'enfant marquée T, une figure d'enfant marquée X, un Cupidon
marqué 52, un grand corps de pierre (1).((1) Voir Sainsbury.
Op. cit., pp. 299-303.)
A cette collection, venue d'Italie, il faudra ajouter, sans aucun doute, les 18
bustes d'empereurs envoyés de Bruxelles à Carleton, en 1616.
Rubens ne garda pas longtemps cette collection précieuse. Voici ce que nous
apprend son neveu dans la biographie de son oncle: «Lorsque Rubens était à
Paris, pour placer les tableaux de la Galerie de Marie de Médicis et y mettre la
dernière main, en 1625, il y rencontra le duc de Buckingham qui jouissait de la
faveur la plus insigne auprès du roi d'Angleterre et du prince de Galles.
Buckingham lui demanda de peindre son portrait et ne lui cacha pas son désir de
voir s'apaiser les haines et les guerres qui s'étaient élevées entre le roi
d'Espagne et celui d'Angleterre.
»Rubens, de retour à Bruxelles, rapporta ce propos à l'archiduchesse Isabelle qui
lui ordonna de cultiver ces bonnes dispositions du duc. Rubens n'y manqua point
et le duc s'y prêta volontiers. Peu après, il envoya un de ses agents pour
acheter les curiosités de Rubens, au prix de cent mille florins.»
De Piles mentionne la vente de la collection de Rubens au duc de Buckingham en
ces termes: «Le duc de Buckingham envoya, peu de temps après (avoir rencontré
Rubens à Paris), un de ses domestiques à Anvers lui offrir cent mille florins de
ses antiques et de la plûpart de ses tableaux, avec ordre de lui insinuer tout
ce qui pourroit le résoudre à s'en défaire. Rubens s'apperçut aisément de la
passion que le Duc avoit pour les belles choses, et se laissa vaincre au désir
qu'il avoit de la satisfaire, à la charge néanmoins que pour se consoler de
n'avoir plus son cabinet, où il avoit mis toutes ses affections, et qui lui
avoit coûté tant de soins, il feroit mouler les figures de [192] marbre dont il se privoit, et qu'il rempliroit ainsi les mêmes
places qu'occupoient les originaux. Quant aux endroits où étoient les tableaux
qu'il avoit vendus, il les orna de ses ouvrages.» (1).((1)
OEuvres de De Piles. Amsterdam et Leipzig, Arkstée et Merkus, 1767. IV, p.
370)
J. B. Descamps, en rapportant le même fait, mentionne la somme de 60. 000 florins
comme prix payé par le duc de Buckingham et nomme comme son agent Michel le
Blond (2).((2) J. B. Descamps. La Vie des Peintres, Paris,
C. A. Jombert. 1753. I, p. 302.)
Dans sa lettre à Gerbier du 8 septembre 1627, Rubens nomme également Michel le
Blond comme l'intermédiaire chargé par Buckingham de régler l'expédition des
tableaux achetés par le duc (3).((3) Noel Sainsbury. Op.
cit., p. 255.) Quant à la somme de la vente, elle est bien de cent
mille florins. Dans l'inventaire des biens de la mortuaire d'Isabelle Brant, ce
chiffre est mentionné expressément. Il y est dit: «Item il est à noter que le
père de ces enfants, après la mort de leur mère, a vendu de la main à la main et
le plus avantageusement qu'il lui a été possible, quelques tableaux, antiquités
en marbre, agates et autres joyaux, pour la somme de cent mille florins, dont
seize mille florins doivent être décomptés, à savoir six mille florins pour un
tableau de la Résurrection des âmes bienheureuses, que le père s'était engagé à
fournir au duc avec les autres tableaux et qui au moment du décès de la défunte
n'était pas commencé, et les dix mille florins restant ont été absorbés par une
libéralité promise à celui qui a apporté et fait conclure le marché avec le duc.
Donc reçu net la somme de 84. 000 florins (4).»((4) Voir le
texte original dans le Bulletin Rubens, IV, p. 159.)
L'acquisition du duc de Buckingham comprenait non seulement des marbres, mais
encore des tableaux de la main du maitre. Dans la lettre écrite par Rubens à
Balthasar Gerbier, le 18 septembre 1627, nous lisons: «Les peintures de Mylord
Duc sont entièrement prêtes; le mieux serait que vous chargiez Monsieur Le Blond
de venir expressément jusqu'ici, s'il ne se présente pas d'autre occasion de
faire ce voyage. Je les lui remettrai immédiatement et l'aiderai à obtenir libre
passage d'ici, mais vous devriez écrire une lettre qui en fasse la demande.»
(5).((5) Noel Sainsbury. Op. cit., p. 255-256.)
Le duc de Buckingham voulut payer Rubens, en partie, sur l'argent dû par les
villes du Pays-Bas à la Couronne d'Angleterre, mais Rubens fit difficulté
d'accepter cet arrangement (6).((6) Id. p. 71: «The case had
many yeares since bin resolved on and even when the late Duke of Buckingham
had bought a greate deale of Sr
Peter Rubens rarieties his
designe was to gett an assignment on part of that debt wch Sr Peter Rubens made difficulty to accept.»
(B. Gerbier au secrétaire Sir H. Vane, Bruxelles 25 août 1640.))
[193] Indépendamment des marbres obtenus en échange de Sir
Dudley Carleton, Rubens possédait une collection plus ou moins considérable
d'antiques qu'il avait rapportés d'Italie. Dans la préface du Sénèque de Juste
Lipse de 1615, il est dit qu'il conservait entre autres un buste de Sénèque de
cette provenance (1).((1) Alteram quam spectas effigiem
(Senecae), e prototypo marmoreo idem Rubenius expressit: quod Roma allatum,
in elegantissimo Museo suo asservat.)
Certaines pièces de la collection de Rubens étaient fameuses parmi les
connaisseurs de l'époque. Peiresc écrit à Gevartius, le 17 janvier 1620: «Je
vouldrois bien pouvoir faire un voyage en ce païs là pour en avoir la veue (du
cabinet de Rubens) et surtout de ces belles testes de Cicéron, de Sénèque et de
Chrysippus, dont je luy desroberois possible un petit griffonnement sur du
papier, s'il me le permettoit.»
On ne saurait douter que Rubens ne reproduisît certains de ces marbres dans les
dessins qu'il fit pour les graveurs des douze bustes de philosophes, de généraux
et d'empereurs grecs et romains (OEuvre de Rubens, n° 1208 à 1219). Neuf de ces
bustes portent la date de 1638; mais plusieurs planches de la série, notamment
celles que Vorsterman signa, furent gravées, très probablement, vers 1620.
Rubens conserva quelques marbres, mais quoiqu'on en ait dit, il ne paraît pas
avoir reconstitué une collection de l'importance de celle qu'il vendit au duc de
Buckingham. Seulement, il garda jusqu'à sa mort et continua à enrichir sa
collection de médailles antiques et de pierres gravées.
Dans l'inventaire de sa mortuaire, il est question d'un relevé fait par ordre des
héritiers, comprenant tous ses tableaux, oeuvres d'art, antiquités, etc. Le 17
mars 1642, on les vendit publiquement; ils rapportèrent ensemble 52. 804 florins
12 1/2 sous (2).((2) Bulletin des Archives d'Anvers, t. II,
p. 80.) Au sieur Van Opstal on vendit, pour la somme de 104 florins 13
sous, soixante trois livres d'ivoire provenant de la tour «où se trouvaient les
antiquités du défunt (3).»((3) Ibid., t. II, p. 81.)
Cette tour était, comme nous l'avons vu, la salle ronde éclairée par en haut,
qui, avant 1627, était pleine de bustes, de statues antiques, de tableaux
précieux, qu'il avait rapportés d'Italie, et d'autres choses fort rares et fort
curieuses (4).((4) Voir plus haut, p. 157.) Là se
trouvaient aussi ses pierres gravées ou agates et ses médailles qu'il légua à
ses fils Albert et Nicolas. Dans le même inventaire, il est encore deux fois
question d'antiquités, mais nulle part il n'est fait mention de statues ou de
marbres antiques. Le catalogue de la vente des tableaux, faisant partie [194] de la succession de Rubens, n'énumère, en fait de
marbres antiques, qu'un lot de «Aucunes belles testes antiques de marbre.» Il
est donc à peu près certain que, à l'exception de ces bustes, Rubens vendit tous
ses antiques au duc de Buckingham et n'en acquit plus après 1625. A la mort du
duc de Buckingham, ses marbres passèrent à son fils aîné; ils furent séquestrés
avec les biens du jeune duc, en 1649; une partie des tableaux seulement fut
sauvée par lui et vendue à Anvers. Il rentra en possession de ses biens au
rétablissement de Charles II. Nous ignorons ce que devinrent, dans les orages
qu'eut à traverser leur propriétaire, les marbres dont il avait hérité et qui
provenaient de Carleton.
CLXXXIII RUBENS A PIERRE VAN VEEN.(4
janvier 1619.)
Molto Illusre Sigr mio Ossermo.
Parera forse strano à V. S. il ricever delle mie lettere doppo un si longo
silençio perciò la supplico sia servita di considerare chio non son huomo che mi
pasco del fumo de complimenti vani, i facero un simile giudicio dogni persona di
valore. E fin adesso non mi è occorso altro che saluti è risaluti che sogliono
portare gli amici di passagio. Ma per adesso io hò bisogno del consiglio di V.
S. i vorrei instruttione come dovrei governarmi per impetrar un privilegio delle
Ordini delle Unite Provincie per poter mandar in luce alcune stampe di rame che
si sono intagliate in casa mia perchè non venghino copiate in quelle parti.
Molti mi consigliono questo et io che sono ignaro i novo in queste cose vorrei
il parer di V. S., sè questo privileggio sia necessario. Et si sarebbe de
rispetto in quei paesi cosi liberi. Et che via bisognaria tener per impetrarlo
et segli sarrebe una pretensione di molta difficolta. Mi favorisca di gratia di
far mi parte del favor suo circa questo essendo io risoluto di governarmi apunto
conforme al suo prudente giudicio.
I per fine baccio à V. S. con tutti il core le mani pregandoli del
Sigr Idio un felicissmo
novel anno.
Di Anversa alli 4 di Gennaro 1619,
Di V. Sigria molto IllusreServitor Affettmo
Pietro Pauolo Rubens.
[195] Adresse:Aen MijnheereMijnheere Pieter van
VeenAdvocaet in 's Graeven Haghe.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Publié et traduit par Henri
Hymans dans le Bulletin de l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des
Beaux-Arts de Belgique, 64e année, 3e série, tome 27, p. 181 et dans Lucas Vorsterman, p. 275.
TRADUCTION.RUBENS A PIERRE VAN VEEN.
Très illustre et honoré Seigneur.
Il Vous paraîtra peut-être étrange de recevoir une lettre de moi après un si long
silence, mais je Vous prie de vouloir bien considérer que je ne suis pas homme à
me repaître de la fumée de vains compliments et j'estime qu'il en est de même de
tout homme de valeur. Jusqu'ici, je n'ai reçu que les saluts et les resaluts
qu'on adresse à des amis de passage. Mais pour l'heure, j'ai besoin de votre
avis et je voudrais être renseigné sur la manière dont j'aurais à procéder pour
obtenir un privilège des États des Provinces-Unies m'autorisant à mettre au jour
quelques estampes sur cuivre qui ont été gravées dans ma maison, afin qu'elles
ne fussent point copiées dans ces provinces. On me conseille de diverses parts
d'agir de la sorte, et moi qui suis ignorant et novice en ces choses-là, je
voudrais savoir si, à votre jugement, ce privilége est nécessaire, également
s'il serait respecté dans ces provinces si libres. Je voudrais encore connaître
la voie à suivre pour l'obtenir et si la chose serait de réalisation fort
difficile. Faites-moi la faveur de me donner là-dessus votre avis. Je suis
résolu à me comporter d'une manière absolument conforme à votre prudent conseil.
.
Sur ce et de tout coeur, je baise les mains de V. S. et prie Dieu de lui
accorder une heureuse nouvelle année.
D'Anvers, le 4 janvier 1619.
De Votre Seigneurie très illustrele serviteur affectionné
Pierre-Paul Rubens
Adresse: A Monsieur, Monsieur Pierre Van Veen, avocat à La Haye.
[196] COMMENTAIRE.
La présente lettre est la première d'une série de cinq lettres adressées à Pierre
Van Veen et traitant du privilège que Rubens sollicitait des États de la
Hollande pour les gravures d'après ses tableaux. Les autres lettres datent du 23
janvier 1619, du 11 mars 1620, du 30 avril 1622 et du 19 juin 1622. Les quatre
premières lettres parurent dans une vente qui eut lieu le 12 décembre 1893, à
Gand, et qui se composait d'objets provenant de la succession du peintre Isidore
Van Imschoot. On ignore par quel hasard elles se sont égarées dans l'atelier de
cet artiste inconnu, où personne ne soupçonnait leur existence avant que le
catalogue de la vente ne vînt la révéler. Elles furent achetées par la
Bibliothèque royale de Bruxelles au prix minime de 500 francs. La cinquième
lettre appartient aux Archives de la ville d'Anvers qui l'acquit, en 1877, avec
la collection de gravures anversoises de M. Édouard Terbruggen. On ne sait pas
davantage comment elle était devenue la propriété de ce collectionneur.
Le personnage auquel elles sont adressées est Pierre Van Veen, le frère du
peintre Otto Vaenius, le dernier maître de Rubens. Il était avocat, conseiller
et pensionnaire de la ville de La Haye et, dans ses moments perdus, s'occupait
de peinture. Rubens a été en correspondance avec lui avant l'année 1619, comme
le prouve le début de sa lettre; il lui écrit un des premiers jours de l'an, non
pas pour lui adresser de vains saluts et souhaits, mais pour lui demander un
avis dans une affaire importante. A l'époque où Rubens écrivait cette lettre, le
plan avait mûri dans sa tête de faire graver ses oeuvres les plus importantes
par des artistes choisis et formés par lui, travaillant sous sa direction et à
ses frais. La conséquence nécessaire de ce projet fut pour l'artiste la
nécessité de se prémunir contre les entreprises des copistes qui, non seulement
auraient pu reproduire ses tableaux, mais encore les estampes gravées d'après
ceux-ci. Le danger entrevu par Rubens n'était que trop réel; de son vivant et
après sa mort quantité de planches, éditées par lui, furent reproduites par des
mains inhabiles. Il s'adresse donc à un ami, jurisconsulte distingué, en grande
faveur auprès des États de la Hollande, l'autorité souveraine en la matière, et
lui demande conseil sur ce qu'il y a à faire pour obtenir le privilège qui le
sauvegarderait contre les copistes.
Van Veen satisfait à son désir et lui offre de faire les démarches nécessaires
auprès des États, comme le prouve le début de la lettre de Rubens du 11 mars
1620.
Malgré cette puissante intervention, les États repoussèrent la demande. Le 17 mai
1619, ils prirent la résolution suivante: La requête de Pierre [197] Rubens, peintre, demeurant à Anvers, sollicitant un privilège pour
ses oeuvres avec défense de les imiter dans les Provinces Unies, est rejetée
(1).((1) Opte requeste van Pieter Rubbens, woonende tot
Antwerpen, schilder, versoeckende octroy op syne wercken met interdictie van
dye nae te maecken in de Vereenichde Provincien, is des suppliants versoeck
affgeslagen (Dodt van Flensburg. Archief voor Kerkelijke en Wereldsche
Geschiedenissen. Utrecht 1848. VII, p. 65. — Henri Hymans. Histoire de la
gravure dans l'École de Rubens, p. 119.))
Avant même que la nouvelle de cette décision lui fût parvenue, Rubens s'adressa à
son éminent ami et protecteur Sir Dudley Carleton, ambassadeur anglais auprès
des États de la Hollande, et obtint que lui aussi voulût bien s'entremettre dans
cette affaire. Sa lettre du 28 mai prouve que cette intervention fut plus
efficace que celle de Pierre Van Veen. En effet, dès le 8 juin 1619, une
nouvelle requête, ayant été présentée par Pierre-Paul Rubens et recommandée par
Monsieur Carleton, l'ambassadeur du roi d'Angleterre, tendant à obtenir
l'autorisation de publier les estampes mentionnées dans la liste envoyée par
lui, avec défense de les copier endéans un terme de dix ans dans les Pays-Bas,
les États décidèrent que le réquérant leur fournira d'abord un exemplaire de
chaque planche gravée pour qu'ils puissent juger en connaissance de cause
(2).((2) Opt octroy dat Pieter Rubbens residerende
binnen Antwerpen, versoeckt ende byden Heere Carleton Ambassadeur des
Coninex van Brittanien gerecommandeert wordt, om te mogen laten uytgaen de
plaeten ofte prenten, gemencionneert in de lyste by hem overgegeven,
innehoudende verboth van deselve in de Vereenichde Nederlanden, binnen den
tyt van thien jaeren naest commende te mogen naesnyden op seeckere peyne is
verstaen dat den suppliant eerst sall aen Haer. Ho. Mo. presenteeren, van
elcke plaete een affdruksel die hy van meeninge is te laten uytgaen, omdat
gedaen ende gesien, daerna op des suppliants voors. versoeck ende
recommandatie van den voors. Heer Ambassadeur gedisponeert te werden nae
behooren. (Dodt van Flensburg. Op. cit., t. VII, p. 69. — Henri Hymans. Op.
cit, p. 125.)) Le 24 février 1620, ils prennent la résolution de
défendre, pour un terme de sept ans, à tout graveur ou aquafortiste habitant les
Pays-Bas Unis, de copier les planches gravées ou qui seront gravées plus tard
d'après les oeuvres de Rubens, sous peine de confiscation de la planche gravée
et d'une amende de cent florins (3).((3) De Staaten Generaal
der Vereenigde Nederlanden om goede consideratie Hare Hoog. Mog. moveerende,
hebben verboden ende geinterdiceert alle een iegelyk ingezeten van de voorz.
Vereenigde Nederlanden die zich met het plaetsnyden en etsen geneeren, de
inventiën van Pieter Rubbens, schilder, hem ophoudende tot Antwerpen, in het
koper gesneden en nog te snyden, daarvan hy de prenten aen H. H. Mog. sal
hebben vertoont, binnen den tyt van seven jaren naetesnyden ofte etsen by de
pene van de verbeurte van suleke naegesneden ofte geëtste prenten ende
daerenboven vande somme van eenhondert caroli guldens. (Archives du royaume
à La Haye. Résolutions des États-Généraux. H. Hymans. Op. cit., p.
126.))
Nous verrons plus loin que Rubens, ayant fait une semblable démarche auprès du
roi de France, celui-ci lui accorda, le 3 juillet 1619, un privilège analogue
pour ses états.
[198] Les États-Généraux des Provinces Confédérées avaient
déjà eu à s'occuper de la reproduction des oeuvres du maître.
Un peintre de La Haye, Balthasar Flessiers, parfaitement inconnu aujourd'hui,
avait adressé aux États la demande d'un octroi de six ans, pour l'exploitation
d'une estampe représentant une jeune fille, Eva Fliegen, qui, depuis 17 ans,
n'avait ni mangé ni bu «quelque aliment terrestre» et d'une autre estampe
reproduisant un tableau, le Sacrifice d'Abraham, «de l'ingénieux et célèbre
peintre M. Piedro Paolo Rubbens.» Dans la séance des États, du 29 octobre 1614,
cette requête fut rejetée (1).((1) Opte requeste van
monsieur Balthazar Flessiers, schilder alhier in den Hage, voorhebbende te
laeten vuytgaen het affcontrefeytsel. by hem naer het leven gedaen van
seeckere jonge dochter, tot Moers woonachtich, met name Eva Fliegen, die in
den tyt van seventhien jaeren egeen aertsche spys ofte drank heeft genoten;
item noch de Offerhande Abrahams van synen soon Isaac, geschildert by den
vermaerden Mr Piedro Paolo Rubbens, versoeckende
daertoe octroy voor sess jaren, met verboth dat nyemant de elve
daerentusschen en sullen moegen naedrucken, is dit des suppliants versoeck
affgeslagen. (Resolutie der Staten Generaal, 1614, October 29. Dodt van
Flensburg. Archief enz., t. V., p. 360. — Kramm. De Levens en Werken der
Hollandsche en Vlaamsche Kunstschilders, art. Flessiers.))
Aucun motif de rejet n'est indiqué; mais Flessiers, pas plus que Rubens, dans le
même cas, ne voulut se résigner. Il adressa une nouvelle requête et, cette fois,
il réussit: le 24 décembre 1614, il obtint son privilège (2).((2) Is Mr Balthasar Flessier, schilder
alhier in den Hage, geaccordeert octroy omme voor den tyt van vier jaeren
naestcommende alleene in de Vereen. Provinciën te moegen vuytgeven ende
vercoopen het gecontrefeytsel, by hem naer het leven afgebeelt, van seecker
dochter, woenachtig tot Moers, met name Eva Fliegen, die in den tyt van
seventhien jaeren geenerley natuyrlycke spyse, noch dranck haeres levens
onderhouden noodich, en heeft genooten. Item noch eene plaete van het
Sacrificie des geloovigen ertzvaders Abraham van den konstrycken ende
vermaerden schilder Mr Pieter Paul Rubbens
geinventeert. (Resolutie der Staaten-Generaal, 24 december 1614. Dodt van
Flensburg. Ibid. p. 361. — Kramm. Ibid.))
L'estampe d'après Rubens, dont il s'agit, est très probablement le Sacrifice
d'Abraham (OEuvre de Rubens, n° 107), gravé par Abraham Stock, qui, à n'en pas
douter, fut exécutée vers 1614 (3).((3) Voorhelm
Schneevoogt. Ancien Testament, 25.)
Voilà donc un privilège concédé sans intervention apparente de Rubens et en pays
ennemi, car, malgré la trêve, les rapports entre les deux pays étaient tendus;
l'on peut donc conjecturer, sans trop de hardiesse, que ce fait ait donné à
réfléchir à Rubens et qu'il ait saisi ensuite la première occasion favorable d'y
porter un remède énergique par la concession d'un privilège personnel.
[196]
COMMENTAIRE.Molto Illusre Signr mio Ossermo.
Io resto con obligo grande à V. S. per la cortese offerta ch'ella mi fà di
volermi favorire nella pretensione de privileggi. Et à dir il vero la corre
pericolo desser presa alla parolla essendo io uno di quelli che guastano la
cortesia col acçetar il tutto. Le stampe però non sono ancora in ordine di tutto
punto et se fra tanto si potesse comminçiar à negociar sopra la relatione de
suggietti in iscritto, mi parerebbe bene à proposito per guadagnar tempo con
obligarmi di representar à suo tempo le stampe conformi a çio che primo sarebbe
essibito. Ne mancarò di mantener tutto quello che V. S. haverà pagato, donato ò
promesso al Sr Secretrio Arsens ò
altri per questo rispetto. Per conto delli suggetti non potrà nascervi
difficolta alcuna non toccando al stato in modo alcuno ma schietti senza
ambiguità ò senso mistico, come V. S. vedra nella lista qui annessa.
Ben vorrei a parlar chiaro con V. S. comprendervi alcuni che non saranno ancora
in ordine fra qualque tempo per sciffar nove fatiche à raddopprar questa briga
et perçio giudicarei meglior espediente de negoçiar in iscritto senza essibir
essemplari inanzi tratto (se però questo modo sarà pratticabile che non vorrei
esser impertinente) poiche li suggietti sono tutti vulgari senza alcun scrupulo
per minimo che sia. Ben mi obligarò di mandar li essemplari à suo tempo tutti
senza fallo. Et à dir il vero la maggior parte e ridotta à termino che ben
presto potra venir in luce havrei ben voluto chel intagliator fosse riuscito piu
esperto ad imitar ben il prototypo pur mi pare minor male di vederli fare in mia
presenza per mano di un giovane ben intentionato che di gran valenthuomini
secondo il lor capricçio. Aspettaro sopraçio risposta di V. S. con commodita
sua. Et se per questa via non si potra ottinere la nostra intentione differerimo
sin che possiamo esser pronti a far come si deve.
Fra tanto mi raccomando di vero core nella sua bona gratia pregandoli
del cielo publicè et privatim ogni compytissima salute i
Di Anversa alli 23 di Gennaro 1619.
|| [200]
contentezza. Al signor de Gheyn ancora bacçiamo con ogni
affetto le mani.Di V. S. molto Illure servitor affettmo
Pietro Pauolo Rubens.
Una batailla trà Graeci et Amazoni.Loth che colla sua famiglia esçe di
Sodoma.S. Francesco che riçeve i stigmati.Una natività di
Christo.Una madonna col bambino Jesù, S. Giovannino i S. Joseph.Una
madonna che col figlio Jesù i S. Juseppe torna d'Egitto.Alcuni rittrati
d'huomini illustri in diversi modi.Una adoratione de Magi.Una nativita
di Cristo.Una depositione di Cristo della Croce.Ove Cristo si alza in
Croce.Martirio di S. Lorenzo.Cascata di Lucifero.Un pezzo delle
Gesti d'Ignazio Loiola.Un altro di Xaverio.Una Susanna.Un S.
Pietro che cava il statere fuori del pesce.Una favola di Leandro.
Adresse: Erentfeste Voorsinnighe Heer Discrete HeerMijnheere Pieter Van
VeenAdvocaet ints Graven Haghe.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Publié et traduit par Henri
Hymans. Bulletin de l'Académie, loc. cit., p. 183. — Id. Lucas Vorsterman, p.
276.
TRADUCTION.RUBENS A PIERRE VAN VEEN.
Très illustre et honoré Seigneur.
Je Vous suis bien obligé de l'offre courtoise que Vous me faites de me servir
dans la sollicitation des privilèges. A vrai dire, Vous courez le risque [201] d'être pris au mot: je suis de ceux qui abusent de la
courtoisie en acceptant tout. Les estampes, à proprement parler, ne sont pas
encore entièrement à point, mais on pourrait toujours introduire l'affaire en
spécifiant les sujets par écrit. Il me semblerait à propos, pour gagner du
temps, de m'obliger à représenter au moment requis, les estampes conformes à ce
que j'aurais annoncé. Je ne manquerai pas de tenir note de tout ce que Vous
aurez payé, donné ou promis à Mr le secrétaire Arsens
(1)((1) Corneille Van Aerssen, seigneur de Spijk,
greffier des États Généraux (1543-1627).), ou à d'autres, à cette
occasion. Pour ce qui regarde les sujets, il n'en pourra naître pour Vous aucune
difficulté, car ils ne touchent d'aucune manière aux choses de l'État; ils sont
fort simples et exempts de toute ambiguïté comme de sens mystique, ce que,
d'ailleurs, Vous verrez par la liste ci-jointe.
Je voudrais bien, je l'avoue, y comprendre quelques pièces qui ne seront prêtes
que d'ici à un certain temps, pour éviter l'ennui de nouvelles démarches, et,
pour ce motif, il me paraîtrait plus expédient de traiter par écrit sans montrer
les exemplaires, avant la conclusion de l'affaire (si toutefois cette manière
d'agir est possible, car je ne voudrais pas être impertinent) attendu que les
sujets sont tous d'une portée courante, sans aucune équivoque quelque minime
qu'elle soit. Je m'engagerai formellement à envoyer les épreuves en temps utile,
toutes et sans faute aucune.
La majeure partie est presqu'achevée et pourra bientôt voir le jour. J'ai tenu à
ce que le graveur se montre scrupuleux à bien rendre le prototype, et je vois un
moindre inconvénient à ce que le travail se fasse sous mes yeux par un jeune
homme animé du désir de bien faire, que par de grands artistes procédant à leur
fantaisie. J'attendrai à ce sujet la réponse de Votre Excellence au moment où il
Lui conviendra de m'écrire. Et si de cette façon notre désir ne peut se
réaliser, différons jusqu'à ce que nous soyons en mesure de faire les choses
régulièrement. En attendant, je me recommande de tout coeur à vos bonnes grâces,
priant le ciel de Vous donner publice et privatim santé parfaite et
contentement.
Je baise encore affectueusement les mains à M. de Gheyn (2).((2) Jacques De Gheyn, le célèbre graveur, élève de Henri
Goltzius.)
D'Anvers, le 23 janvier 1619.
De Votre Seigneurie illustrissime le dévoué serviteur
Pierre-Paul Rubens.
Une bataille entre Grecs et Amazones.Loth qui, avec sa famille, sort de
Sodome.Saint François qui reçoit les stigmates.Une Nativité du Christ.
[202] Une Madone avec l'Enfant Jésus, le petit Saint
Jean et Saint Joseph.Une Madone, qui, avec son fils Jésus et Saint Joseph,
retourne d'Égypte.Quelques portraits d'hommes illustres de diverses
manières.Une Adoration des Mages.Une Nativité du Christ.Une
Descente du Christ de la Croix.Où le Christ est élevé en Croix.Le
Martyre de Saint Laurent.La Chute de Lucifer.Une Pièce des Actes
d'Ignace de Loyola.Une autre de Xavier.Une Susanne.Un Saint
Pierre qui extrait le statère du poisson.Une fable de Léandre.
Adresse: A l'honorable prudent et discret seigneur Monsieur Pierre Van Veen,
avocat à La Haye.
COMMENTAIRE.
Suite de la correspondance de Rubens avec Pierre Van Veen, au sujet du privilège
de ses gravures dans les Provinces-Unies. Les gravures, pour lesquelles il
demande le privilège, ne sont pas entièrement terminées; il en enverra des
épreuves en temps utile; il y fait travailler, sous sa direction, un jeune
artiste; en attendant il envoie la liste des sujets.
Le jeune graveur désigné par Rubens est Luc Vorsterman, un des grands maîtres
formés par Rubens pour traduire par le burin les produits de son pinceau. Luc
Vorsterman naquit à Bommel, en Gueldre (Hollande), en l'année 1595. Le 18 août
1620, il obtint, à Anvers, le droit de bourgeoisie; la même année, il fut admis
comme franc-maître à la Corporation de St Luc de la même
ville. Il habitait Anvers depuis quelque temps déjà, comme la date de la
présente lettre le prouve; le 9 avril 1619, il épousa, dans l'église paroissiale
de Saint Georges, Anne Franckx, née à Anvers en 1596. Il avait fait son
apprentissage en Hollande et son éminent biographe, dans l'étude richement
documentée qu'il lui consacre, signale une gravure Le Repos en Égypte, d'après
Baroche, signée par lui, qui parut au plus tard en 1607, lorsque l'artiste
précoce n'avait que douze ans (1).((1) Henri Hymans. Lucas
Vorsterman. Catalogue raisonné de son oeuvre précédé d'une notice sur la vie
et les ouvrages du maître. Bruxelles. Bruylant Christophe, 1893.) Il
appartient à l'école de Henri Goltzius [203] et occupe,
parmi les nombreux burinistes de cette école, un premier rang. Parmi les oeuvres
antérieures à son arrivée à Anvers, on compte une copie exacte de la suite de la
Passion de Goltzius. Sous la direction de Rubens, son style se modifie et, comme
tous les graveurs formés par le grand peintre, il devient un coloriste, faisant
jouer au clair-obscur un rôle prépondérant dans ses reproductions, à la facture
large et moelleuse, interprête fidèle, impregné du caractère distinctif du
maître, en communion d'idées artistiques avec lui. Vorsterman doit avoir
commencé à travailler avec Rubens dès l'année 1618. En 1620, neuf des estampes,
produits de cette collaboration, sont publiées; ce sont Loth, sa femme et ses
filles sortant de Sodome, Susanne et les Vieillards, deux Adorations des
Bergers, l'Adoration des Rois, le Retour d'Égypte, la Descente de Croix, la
Sainte Famille (la Vierge au berceau), Saint François d'Assise recevant les
stigmates. De 1621 sont datées cinq autres pièces, l'Adoration des Rois en deux
feuilles, le Denier de César, Saint Ignace de Loyola en prière devant un
Crucifix, le Martyre de Saint Laurent, Saint Michel triomphant des Anges
rebelles.
Les autres années n'offrent plus que la Défaite des Amazones, datée de 1623, mais
gravée dès l'année précédente, les frontispices des Annales de Haraeus, volume
III et de la Kerckelycke Historie de Heribertus Rosweydus, figurant tous deux
dans des livres de 1623. Il reste encore les bustes de Marcus Brutus et de
Sénèque, datés de 1638, mais probablement exécutés à l'époque de la
collaboration régulière avec le grand peintre. Vingt-cinq autres estampes non
datées sont gravées par Vorsterman d'après Rubens: Job tourmenté par sa femme et
par les diables, Saint Pierre trouvant dans le poisson le denier du tribut,
l'Apparition des Anges aux Saintes Femmes au tombeau du Christ, la Vierge en
prière devant l'Enfant endormi, la Sainte Famille (la Vierge, l'Enfant, Sainte
Anne et Saint Joseph), Sainte Catherine, Sainte Marie Madeleine foulant aux
pieds ses richesses, un Satyre pressant une grappe de raisins, deux bustes de
Platon, le buste de Démocrite, Sénèque, Charles Quint, Maximilien d'Autriche,
Cosme de Médicis, Laurent de Médicis, Léon X, Isabelle d'Este, Charles de
Longueval, Sforza, six camées.
Si, après 1621, la collaboration de Rubens et de Vorsterman est interrompue
brusquement, il faut en chercher la cause dans un événement douloureux, la
raison du graveur s'est momentanément éclipsée. Dans sa lettre à Pierre Van Veen
du 22 juin 1622, Rubens atteste que c'est là le motif de l'interruption des
travaux de Vorsterman. Dans son état maladif, ce dernier qui devait s'être
brouillé avec Rubens, proféra des menaces contre lui et attenta même à sa vie.
C'est ce qui résulte d'une requête adressée au Conseil privé de Sa Majesté par
les amis de Rubens dont la teneur suit:
[204] «Au chieff président du conseil privé de Sa Majesté.
Certains zéleus du bien et repos publicq, résidens en la ville d'Anvers, à leur
grand regret ont veu ces jours passez, que Pierre-Paulo Rubens, demeurant en
icelle ville, personne douée de très-belles qualitez, oultre l'art de peindre
qu'il possède avecq admiration de tout le monde, auroit le mesme temps couru
grand hazard de sa vie, par les agressions d'un certain insolent, à jugement de
plusieurs troublé d'esprit, ce que leur auroit occasionné d'implorer
l'assistance du magistrat de ladicte ville à la conservation dudict Rubens,
laquelle leur ayant esté refusée, ils prennent leur recours à Son Altèze et
supplient Vostre Seigneurie qu'elle soit servie soubz le paraphe de sa main et
signature de Sadicte Altèze faire despêcher lettres à ceux du magistrat de la
ville d'Anvers, leur enchargeant bien expressément la protexion dudict Rubens,
comme de personne de laquelle Son Altèze commande qu'on prenne particulier
soing.»
Donnant suite à cette requête l'Infante Isabelle adressa, sous la date du 29
avril 1622, l'ordonnance suivante:
«A ceulx du magistrat d'Anvers, Isabel etc. Chers et bien amez, estant informez
que Pierre-Paulo Rubens, nostre pensionnaire, auroit ces jours passé couru
danger de sa personne par les agressions d'un sien malveillant, que l'on dit
avoir juré sa mort, nous sommes occasionnez de vous faire ceste, afin que ne
permettiez que luy soit faict aulcun tort ou préjudice, ains que donniez
incontinent l'ordre qu'il convient pour son repos et assurance, et Dieu vous ait
en sa saincte garde (1).»((1) Pinchart. Archives des Arts,
etc., II, p. 173. — H. Hymans. Lucas Vorsterman, p. 30 et 31.)
Ces attaques de Vorsterman contre Rubens paraissent s'être encore renouvelées
puisque, sous la date du 26 août 1622, Peiresc écrit de Paris à Rubens que la
veille le bruit avait couru là que son graveur avait failli l'assommer.
Vorsterman, malade et brouillé avec Rubens, produisit les années suivantes
quelques travaux secondaires et s'embarqua, en 1624, pour l'Angleterre. Il avait
été appelé dans ce pays par Thomas Howard, comte d'Arundel et y travailla pour
ce protecteur des arts, pour le roi, pour le duc de Buckingham et pour quelques
autres seigneurs. Il revint à Anvers, en 1630, et de cette année jusqu'à 1632,
il y travailla beaucoup pour Van Dyck. Il n'est pas certain qu'il ait encore
reproduit une oeuvre de Rubens après 1622. On pourrait croire que le portrait du
Comte de Longueval date de 1627 puisque, le 2 septembre de cette année, Rubens
écrit à Dupuy qu'il espère pouvoir lui envoyer cette estampe, mais la preuve
n'est pas concluante. Vorsterman avait dessiné la tête de cet homme de guerre et
son dessin, que possède le British Museum, a servi de modèle à Rubens, mais
Longueval mourut en 1621 et la gravure date proba [205] blement de cette année. Nous verrons en effet par une lettre du 19 août 1621,
que Rubens fut chargé à cet époque de dessiner le cadre emblématique entourant
le buste du défunt et de le faire graver en taille douce. Il n'y a pas lieu de
douter que la gravure fut faite en 1621, avant la maladie de Vorsterman. Le
passage de la lettre du 2 septembre 1627 doit se rapporter à l'envoi d'un
exemplaire de l'estampe.
Les années de sa collaboration avec Rubens et Van Dyck, forment l'époque
brillante de la carrière artistique de Vorsterman. Dans les quarante deux
dernières années de sa vie, ses travaux se font rares et à peu d'exceptions près
sont secondaires. Il s'éteignit en 1675 dans la misère et reçut, dans ses
dernières années le secours de la Corporation de Saint Luc. Il eut un fils, Luc
Vorsterman le jeune, qui cultiva, mais avec bien moins de succès, l'art de son
père.
La liste des planches, que Rubens joignit à cette lettre, désigne comme devant
être gravés par Vorsterman les tableaux suivants:
Une Bataille entre Grecs et Amazones (la Bataille des Amazones. OEuvre de Rubens,
n° 570. Hymans, Lucas Vorsterman, n° 92). Gravée par Vorsterman en six planches,
datées du premier janvier 1623 et dédiées au célèbre amateur le Comte d'Arundel.
Rubens peignit, au mois de juillet 1620, le portrait de la Comtesse d'Arundel et
y ajouta après coup celui du comte sur le tableau que possède la Pinacothèque de
Munich. Dans sa lettre du 19 juin 1622, à Pierre Van Veen, Rubens dit qu'il ne
manquait plus que quelques jours de travail à la gravure, mais qu'il ne
parvenait pas à l'arracher des mains de Vorsterman, quoiqu'elle fût payée depuis
trois ans. La planche mentionne les privilèges du roi de France, des souverains
de la Belgique et des États-Généraux de la Hollande.
Loth quitte Sodome, gravé par Vorsterman (OEuvre de Rubens, n° 102. Hymans, Lucas
Vorsterman, n° 1). La planche est datée de 1620 et mentionne les mêmes trois
privilèges. Rubens la dédia à son beau-père Jean Brant.
Saint François d'Assise recevant les Stigmates (OEuvre de Rubens, n° 414. Hymans,
Lucas Vorsterman, n° 61). La planche est datée de 1620 et dédiée par Rubens aux
frères Louis et Roger Clarisse, deux négociants anversois dont le père, Roger
Clarisse, était natif de Lille. Il fut annobli par lettres patentes des
archiducs en date du 30 avril 1614. Ces lettres disent que «le Rescribent a
toujours prouvé de faire mesmement d'advancer à son possible le service de Dieu
et de notre Sainte Religion en donnant toute addresse et assistence aux Pères
Capucins à leur establissement audit Anvers et depuis à la fabrique de leur
couvent maintenant achevé.» Il est probable que le tableau fut fait aux frais
des frères Clarisse et offert par eux à l'église des Capucins à Cologne, où il
s'est trouvé jusqu'à ce que cette église fût démolie; ensuite il passa au [206] musée de cette ville. L'église des Capucins d'Anvers,
dont le père des Clarisse fut un grand bienfaiteur, possède une répétition du
même tableau. Dans sa lettre du 19 juin 1622 à Pierre Van Veen, Rubens dit que
la planche a été faite quelques années auparavant, qu'elle a été gravée un peu
grossièrement et que c'était un premier essai. C'est donc probablement la
première des planches gravées par Vorsterman sous la direction de Rubens.
Une Nativité du Christ (l'Adoration des Bergers. OEuvre de Rubens, n° 168.
Hymans, Lucas Vorsterman, n° 7). La planche est datée de 1620, dédiée à Pierre
Van Veen et mentionne les trois privilèges. C'est en signe de reconnaissance des
services rendus par Pierre Van Veen dans l'obtention du privilège des États
Généraux que Rubens lui dédia cette gravure. Le tableau qui servit de modèle à
la gravure, est une des prédelles de l'Adoration des Rois de l'église St Jean de Malines; il se trouve actuellement au Musée de
Marseille.
Une Madone avec l'Enfant Jésus, le petit Saint Jean et Saint Joseph (OEuvre de
Rubens, n° 227. Hymans, Lucas Vorsterman, n° 44). La gravure est datée de 1620,
elle est dédiée à Adrienne Perez, la femme de Nicolas Rockox, et mentionne les
trois privilèges. Adrienne Perez étant morte le 22 septembre 1619, la dédicace
constitue un hommage à sa mémoire.
Une Madone qui, avec son fils Jésus et Saint Joseph, retourne d'Égypte (le Retour
d'Égypte. OEuvre de Rubens, n° 182. Hymans, Lucas Vorsterman, n° 12). La gravure
est datée de 1620, mentionne les trois privilèges et est dédiée à Jean Velasco,
secrétaire du marquis Spinola.
Quelques portraits d'hommes illustres de diverses manières (Douze bustes de
Philosophes, de Généraux et d'Empereurs Grecs et Romains. OEuvre de Rubens, nos 1208-1219. Hymans, Lucas Vorsterman, nos 102, 103, 105, 106). Plusieurs pièces de cette série portent la
date de 1638. La mention que Rubens fait de la série dans la présente lettre
prouve, qu'en 1619, il songeait déjà à la faire graver et nous croyons
qu'effectivement il fit reproduire, à cette époque, quelques-uns de ces bustes
par Vorsterman. Il obtint le privilège pour les gravures du vivant de l'archiduc
Albert, puisque les planches portent la mention des privilèges, non seulement de
la France, des Provinces-Unies, mais aussi des souverains Belges.
Une Adoration des Mages (OEuvre de Rubens, n° 162. Hymans, Lucas Vorsterman, n°
8). La planche est datée de 1620, mentionne les trois privilèges et est dédiée à
l'archiduc Albert. Le tableau reproduit est le panneau central du triptyque
l'Adoration des Rois, sur le maître-autel de l'église Saint Jean à Malines.
Une Nativité du Christ (l'Adoration des Bergers. OEuvre de Rubens, n° 150.
Hymans, Lucas Vorsterman, n° 6). La planche est datée de 1620, porte les
trois [207] privilèges et est dédiée à Pierre Pecquius,
chancelier du Brabant. La planche reproduit le tableau du Musée de Rouen, avec
des modifications sensibles.
Une Descente de Christ de la Croix (OEuvre de Rubens, n° 307. Hymans, Lucas
Vorsterman, n° 34). La planche est datée de 1620, porte les trois privilèges et
est dédiée en témoignage de gratitude et d'affection à Sir Dudley Carleton. A
son grand admirateur et protecteur, Rubens dédie la reproduction de son plus
fameux tableau. L'intervention dans l'affaire des privilèges ajoutait encore aux
obligations de Rubens et la reconnaissance exprimée dans la dédicace se
rapportait certainement à ce dernier service rendu par l'homme d'État à
l'artiste.
Où le Christ est élevé en Croix (l'Érection de la Croix. OEuvre de Rubens, n°
275). La mention de cette oeuvre prouve que Rubens, en 1619, se proposait de
faire graver cette oeuvre capitale par Vorsterman. Il ne put donner suite à ce
projet; le triptyque fut gravé par Witdoeck, en 1638.
Le Martyre de Saint Laurent (OEuvre de Rubens, n° 468. Hymans, Lucas Vorsterman,
n° 79). La planche est datée de 1621, porte les trois privilèges et est dédiée à
Laurent Beyerlinck, chanoine de Notre-Dame et censeur de livres.
La Chute de Lucifer (OEuvre de Rubens, n° 86. Hymans, Lucas Vorsterman, n° 84).
L'estampe est datée de 1621, porte les trois privilèges et est dédiée à Philippe
IV. Elle reproduit dans son ordonnance générale, un tableau fait pour le duc de
Deux-Ponts-Neubourg Wolfgang-Guillaume et appartenant actuellement à la
Pinacothèque de Munich, mais les différences entre la gravure et cette peinture
sont si considérables, que Rubens doit avoir refait la composition en un dessin
ou une grisaille qui servit de modèle à Vorsterman.
Une pièce des actes d'Ignace de Loyola (les Miracles de Saint Ignace de Loyola.
OEuvre de Rubens, n° 454). Le tableau, exécuté en 1619, ne fut pas gravé par
Vorsterman, mais par Marinus.
Une autre de Xavier (les Miracles de Saint François Xavier. OEuvre de Rubens, n°
432). Également fait en 1619 et gravé par Marinus.
Une Susanne (Susanne et les Vieillards. OEuvre de Rubens, n° 132. Hymans, Lucas
Vorsterman, n° 5). La planche est datée de 1620, porte les trois privilèges et
est dédiée à Anne Roemers Visscher, la femme poète bien connue, la grande
admiratrice de Rubens qui, en 1621, lui adressa des vers pour célébrer une de
ses madones.
Un Saint Pierre qui extrait le statère du poisson (OEuvre de Rubens, n° 262.
Hymans, Lucas Vorsterman, n°, 14). Cette gravure est anonyme et non datée, elle
porte les trois privilèges et a toujours été attribuée à Vorsterman.
Le Fable de Léandre (Héro et Léandre. OEuvre de Rubens, n° 629). Ce tableau [208] n'a pas été gravé. Il a appartenu à Rembrandt et a été
célébré par les vers de Jan Vos et de Vondel. Nous en connaissons des
répétitions, mais l'original a disparu.
Nous avons publié comme commentaire à la lettre du 4 janvier 1619, le privilège
obtenu par Rubens des États Généraux des Provinces-Unies, le 24 janvier 1620;
voici celui qu'il obtint, le 3 juillet 1619, du roi de France:
«Louis par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, A nos amez et féaux les
gens tenans nos cours de parlement de Paris, Tholouse, Rouen, Bordeaux, Dijon,
Aix, Grenoble et Bretagne, Baillifs, Prévosts et Sénéschaux desds lieux, et à touts nos aultres officiers Salut. Nostre cher et bien
aimé Pierre-Paul Rubens, l'un des peintres de ce siècle qui excelle le plus en
son art nous a faict dire et remonstrer, que depuis longues années il s'est
exercé à faire des ouvrages de peintures, si bien élabourez qu'ils sont
aujourd'huy en grand prix parmy ceux qui en ont la cognoissance, Et qu'il a esté
invité par ses amys de faire graver et imprimer en taille douce les desseigns
des plus belles pièces qui sont sortiz de sa main, ce qu'il ne peult faire sans
de grands fraiz et despens, dont il ne se pouroit iamais desdommager, s'il est
permis à d'aultres graveurs et libraires que ceux qu'il pourroit choisir de
graver, contrefaire et imprimer les mesmes desseigns, qu'il aura une fois mis au
jour, pour à quoy obvier il nous a supplié très humblement de luy vouloir
octroyer sur ce nos lettres de permission et privilège de faire graver et
imprimer lesds desseigns, par tels graveurs, imprimeurs et
libraires qu'il jugera les plus capables de s'en dignement acquitter, avec
inhibitions et deffences, à touts aultres graveurs, imprimeurs et libraires de
les contrefaire, graver, ni imprimer, sans son adveu et consentement, à peine de
confiscation, et de telle amende qu'il nous plaira y establir. Sur quoy nous
désirons que ledit Exposant ne soit frustré de ses travaux, diligence, frais et
despens. Et voullans icelluy favorablement traicter et l'animer de faire
tousjours de bien en mieux, Lui avons permis et permettons par ces présentes, de
choisir et faire graver et imprimer par tels graveurs et imprimeurs que bon luy
semblera, vendre et distribuer par tout nostre Royaume et terres de nostre
obéissance le recueil de ces desseigns et peintures en toutes les formes et
marges qu'il verra bon estre, pendant le temps et espace de dix ans consécutifs,
à compter du jour et date que ledit recueil sera achevé d'imprimer, faisant pour
cet effect très expresses inhibitons et deffences à touts graveurs, imprimeurs,
libraires et aultres personnes de quelque qualité et condition qu'ils soient de
graver et imprimer ou faire imprimer, vendre ni distribuer led. recueil, dans
led. temps, sans le congé dud. exposant; sinon ceux qui auront esté imprimés de
son adveu, et par tels graveurs et libraires qui auront esté par luy choisis,
[209] déclarant dez à present, comme pour lors, touts
les aultres exemplaires de quelque sorte ou manière qu'ils soyent ou puissent
estre, acquiz et confisquez aud. Rubens, qu'il pourra faire saisir par officiers
de justice en quelques lieux qu'ils soyent trouvez non obstant oppons ou apellations quelconques, et sans préjudice
d'icelles, voulant en oultre que les contrevenans soyent condempnez en l'amende
de mil livres dez à présent déclarée applicable, moictié à nous, et l'autre
moictié audt exposant, et telle aultre arbitraire qu'il
appartiendra, comme contrevenans et infracteurs de nostre vouloir et intention,
et à touts les despens, dommages et intérests dudt
exposant. Si vous mandons et à chascun de vous commettons endroict soy, si comme
à luy appdra que de nostre présent privilège et
permission, et de tout le contenu en iceluy, vous faictes et souffrez icceluy
expant jouir et user plainement et paisiblement
ensemble ceux qui auront de luy charge, et à ce faire souffrir et obéyr
contraignez touts ceux qui pour ce seront à contraindre par toutes voies deues
et raisonnables. En mettant par led. expant à la fin ou au
commencement dudt recueil par un bref le contenu en nostre
présent privilège, voulons qu'il soit tenu pour deuement signifié. Et à la
charge que led. Rubens mettra deux exemplaires en blanc dud. recueil en nostre
bibliothecque, aussy tost qu'il sera achevé d'imprimer à peine de deschéange du
fruict de ce présent privilège. Car tel est nostre plaisir.
Donné à nostre ville de Tours, le troise iour de Juillet
l'an de grâce mil six cens dix noeuf, et de nostre régne le dixiesme (1).((1) Archives générales du Royaume à Bruxelles. Ancien conseil
privé. Liasse 266. Le Comte. Patentes. Dépêches. Publié par: C. Ruelens.
Bulletin Rubens, 1888, tome III, p, 193. — Henri Hymans. Lucas Vorsterman,
Bruxelles, 1893, p. 224.)
Par le Roy en son conseil
Du Jardin.»
Le 29. juillet suivant, les archiducs Albert et Isabelle lui accordèrent un
privilège pour ses gravures valable, dans le duché de Brabant, pendant douze
années (2).(
(2) Albert ende Isabel
Clara Eugenia, infante van Spagnien by der gratien Goidts,
Eertshertogen van Oistenryc, hertoghen van Bourgoignen, van Lothrycke,
van Brabant, van Limborch, van Luxemborgh ende van Gelre, Graven van
Hausburgh, van Vlaenderen, van Arthois, van Bourgoigne, van Thirol,
Palsgraven, ende van Henegouwe, van Hollant, van Zeelant, van Namen ende
van Zutphen, Marcgraven des Heilights Ryckx van Roome, heere ende vrouwe
van Vrieslant, van Salins, van Mechelen, van der Stadt en de landen van
Utrecht, Overyssel ende Groeninghen, Onsen seer lieven ende getrouwen
Cancellier ende lieden van onsen raede geordonneert in Brabant ende
allen anderen onsen ende onser vasallen oft der smalre heeren,
Rechteren, Justicieren, Officieren ende dienaren ons voorscreven landts
van Brabant saluyt. Wy hebben ontfanghen die supplicatie van Petro-Paullo Rubens
onsen schildere, inhoudende hoe dat hy van meyninge is eenighe stucken
schilderyen van synder handt te laeten afbeelden ende snyden in coopere
plaeten by alsulcken persoon oft persoonen als hy daertoe voor de
bequaemste ende nutste sal achten ende verkiesen. Dan beduchtende als hy
allen den arbeyt ende cost gedaen hadde andere hem stracx souden
vervoorderen deselve stucken alsoo afgebeelt ende gesneden naer te
contrefeyten ende snyden, d'welck soude strecken tot syns suppliants
groote schade ende achterdeel mede van deghene die daertoe by hem zullen
worden geemployeert, soo heeft ons die voors. seer ootmoedelyck gebeden
om onse opene brieven van octroy in sulcken cas dienende. Waerom soo
eest dat wy desen aengesien genegen wesende ter beden des voorscr.
suppliants hebben den selven toegelaeten, geoirlooft, geconsenteert,
ende gepermitteert, laeten toe, oirloven, consenteren ende permiteren by
desen, Dat hy de voorscr. stucken schilderyen van synder handt gemaeckt
sal moghen laeten afbeelden ende snyden in coopere plaeten by alsulcken
persoon oft persoonen als hy daertoe voor de bequaemste ende nutste sal
achten ende verkiesen, interdicerende ende verbiedende aen allen ende
een yegelyck wye dat het soude mogen wesen die voorscreven stucken
schilderyen alsoo afgebeelt ende gesneden in plaeten in twelf toecomende
jaeren niet te moghen contrefeyten oft naersnyden noch doen oft laeten
contrefeyten oft naersnyden in eenigher manieren geduerende den voorscr.
tijd van twelf jaeren sonder expressen oorlove ende consent van hem
suppliant op de pene ende confiscatie van deselve ende daerenboven
t'incurreren in d'amende van dertig Rinsgulden by elcken van denghenen
te verbeuren die de contrarie daeraf doen sal, want ons alsoo gelieft.
Gegeven in onser stadt van Bruessele den negenentwintichsten dach der
maendt van julio, int jaer ons heeren duysent sess hondert ende
neghenthiene. Byde Eertshertogen in heuren Raede (1)
Steenhuyse.
(1) Archives générales du Royaume à Bruxelles. Ancien conseil privé.
Liasse 266. Le Comte. Patentes. Dépêches. Publié par Ch. Ruelens.
Bulletin Rubens, 1888, t. III, p. 195. — Henri Hymans. Lucas Vorsterman,
1893, p. 226.
)
[210] Le 16 janvier 1620, les archiducs étendent ce privilège
à tous les autres états de leur domination. Nous en donnons ici le texte:
Lettres d'Octroy soubz la condition cy reprinse.
Faict a Bruxelles, le XVIe de janvier 1620.
A leurs Altèzes Sérénises.
Remonstre très humblement Pierre-Paul Rubens peintre de vos Altèzes sérénisses comme il est d'intention de faire tailler en cuivre
quelques tableaux tant ceux qu'il a desja faict de sa main que ceux qu'il
pourroit faire doresen-avant, mais comme il craint que tout aussy tost qu'il y
auroit employé beaucoup de peine, et faict grands despens, quelques aultres se
vouldroient avancer de contrefaire et imiter lesd. tableaux ainsy coupez en
cuivre à son grand préjudice, a ledit Remonstrant obtenu du conseil de vos
Altèzes ordonné en Brabant lettres patentes de octroy in forma pour l'espace de
douze ans, comme il a aussy obtenu le mesme octroy de la cour du Roy très
crestien de France. Quoy attendu, et que ledit Remonstrant désireroit avoir le
mesme octroy pour les autres pays de l'obéissance de Vos Altèzes, Supplie
partant qu'icelles soient servies de lui accorder lesd. lettres patentes
d'octroy, en vertu desquelles il sera permis audit Remonstrant de faire tailler
en cuivre lesdits tableaux avecq deffences à tous et chascun que ce soit de les
imiter ou faire imiter [211] en aucune façon ou de les
induement contrefaits exposer en vente contre le sceu et gré dudit Remonstrant
aux pays de l'obéissance de Vos Altèzes, et ce pour l'espace de douze ans
prochainement venants, à peine de grosses amendes au proffit de Vos Altèzes
sérénisses, ou aultrement in communi forma.
Soubz condition toutefois avant les mettre en lumière, les faire visiter et
approuver par le censeur ordinaire ou aultre à ce commis. Quoy faisant etc.
Albert à tous ceux qui ces présentes verrons sçavoir faisons nous avoir receu
l'humble supplication et requête de Pierre-Paul Rubens nostre peintre contenant
qu'il seroit d'intention de faire tailler en cuivre quelques tableaux, tant ceux
qu'il a desja faict de sa main, que ceux qu'il pourroit faire en après, mais
comme il ne vouldroit ce faire sans nostre préalable congé et permission et
qu'il craint que lorsqu'il y auroit employé beaucoup de peine, et faict grands
despens, quelques aultres se vouldroient avancer de contrefaire et imiter lesd.
tableaux ainsy coupez en cuivre à son grand préjudice. Il auroit pour à ce
obvier obtenu de nostre conseil de Brabant lettres patentes d'octroy pour douze
ans avec privilège comme aussi du Roy très chrestien pour tout le Royaulme et
pays de France. Et comme il désireroit d'avoir semblable octroy pour les autres
pays de nostre obéyssance, il nous a bien humblement supplié qu'il nous pleust
luy accorder lade permission avecq privilège en forme
accoustumée et luy en faire despecher de nos lettres patentes à ce nécessaires.
Pour ce est-il que nous les choses susdes considérées
inclinant favorablement à la supplication et requeste dudt
Pierre-Paul Rubens suppliant, luy avons permis, consenti, octroyé et accordé,
permettons, consentons, octroyons et accordons de grâce espéciale par ces
patentes qu'il puist et pourra faire tailler en cuivre par tel que bon luy
semblera les tableaux et peintures par luy jà faites et encore à faire en après
et icelles vendre, et distribuer en, et par tous les pays, terres et seigneuries
de nostre obéyssance, défendant bien expressément à tous ceux qui ce peut
toucher et regarder de les imiter ou faire imiter en aucune façon ou iceux
contrefaicts exposer en vente au desceu et contre le gré dudit Remonstrant dans
le pays de nostre obéyssance et ce pour l'espace de douze ans prochainement
venants, à peine de confiscation de tout ce qui aura esté contrefaict et rendu
au contraire et en outre de trente florins d'amende paiables à nostre prouffit
par celluy qui contreviendra à ce que dessous. Bien entendu toutesfois qu'avant
pouvoir mettre lesdts tableaux et peintures en lumière, le
suppliant sera tenu les faire visiter, et approuver par le censeur ordinaire ou
aultre qui sera à ce commis. Ordonnons en mandement etc. (1).»((1) Archives générales du Royaume à Bruxelles. Ancien Conseil
privé. Liasse 266. Le Comte. Patentes. Dépêches. Publié par Ch. Ruelens.
Bulletin Rubens, 1888, t. III, p. 190. — Henri Hymans. Lucas Vorsterman,
1893, p. 225.)
[212] En 1630, le roi Philippe IV accorda à Rubens un
privilège pour ses gravures valable pour douze ans dans tous les pays de
l'obéissance du roi d'Espagne. Ce privilège étant expiré le 15 janvier 1642, le
roi accorda aux héritiers du peintre, en date du 22 mars 1644, un privilège
semblable valable également pour douze années, dont voici le texte:
«Philippe, etc. A tous ceulx qui ces présentes verront, salut. Receu avons
l'humble supplication et requeste des vefve et héritiers de feu Pierre-Paul
Rubens, contenant qu'il auroit obtenu de nous octroy pour faire tailler en
cuivre les tableaux et peintures par luy piéça faites, pour le terme de douze
ans; et comme iceulx sont expirez le 15me janvier 1642,
ilz ont supplié très humblement qu'il nous pleust faire renouveller ledict
octroy pour autres douze ans, et ce doiz l'expiration d'iceluy; pour ce est-il
que nous, ce que dessus considéré, inclinons favorablement à la supplication et
requeste desdicts vefve et héritiers de Pierre-Paul Rubens, supplians, leur
avons permis, consenty, octroyé et accordé, permettons, consentons, octroyons et
accordons, de grâce espéciale, par ces présentes, qu'ilz puissent et pourront
faire tailler en cuivre, par telz que bon leur semblera, les tableaux et
painctures faites par ledict Pierre-Paul Pubens, et icelles vendre et distribuer
en et par tous les pays, terres et seigneuries de nostre obéyssance; défendans
bien expressément à tous ceulx que ce peult toucher et regarder de les imiter ou
faire imiter en aucune façon, ou, iceux contrefaictz, exposer en vente au desceu
et contre le gré des remonstrants, èsdicts pays de nostre obéyssance, et ce pour
l'espace de douze ans à commencer avoir cours à l'expiration de l'octroy
précédent, à peine de confiscation de tout ce qu'aurat été contrefait et vendu
au contraire, et en outre de XXX florins d'amende païable à nostre proffit par
celuy qui contreviendra à ce que dessus, bien entendu toutesfois qu'avant
pouvoir mettre lesdits tableaux et painctures en lumière lesdicts supplians
seront tenuz les faire visiter et approuver par le censeur ordinaire ou aultre
qui sera à ce commis, etc.»
En marge: «Faict à Bruxelles le 22 de Mars 1644 (1).»((1)
Archives générales du Royaume à Bruxelles. Archives du Conseil privé, liasse
aux patentes dépêchées par Berty en 1643. Publié par Pinchart. Archives des
Arts, des Sciences et des Lettres, 1881, t. III, p. 215. — Henri Hymans.
Lucas Vorsterman, 1893, p. 228.)
Monsieur.
J'ay receu par Monsieur Annoni la vraye mesure du tableauw que je doy faire pour
Monsieur larchiducq Leopoldo
et aussy la toile est toute preste pour commencer l'ouvrage que sera bien tost,
si le Sr Dieu me donne vie et santé. J'employerey tout ce
petit talent d'industrie que j'ay au monde pour faire chose agréable à un prince
d'une telle qualité de quoy vous pourrés asseurer ce cavaglier qui se trouve de
part de son Altesse à Brusseles. J'espère,
que l'ouvrage sarat achevé de tout point pour l'espace de deux mois et s'il sera
possible de faire plus tost, le manquement ne sera de ma part. Mais il fault
considérer que est besoing que les peintures se sèchent deux ou trois foix avant
qu'on les puisse réduire à perfection.
Cependant je baise bien humblement les mains à Vostre Sérénité
avecques très bonne affection d'estre tousjoursMonsieurVostre tres
affectioné serviteu
r Pietro Pauolo Rubens.
Anvers ce 27 d'Avrill 1619.
(Au dos:)A Monsieur Monsieur P. De Vischere Chevalier et Conseiller de S. A.
Bruxelles. Cito Cito Cito.
Original: Innsbrück. Kk. Statthalterei-Archiv. A. VIII. Copie communiquée par le
Dr Schönherr, archiviste Imp. et R. d'Innsbrück.
Was der Petro Paulo Rubens wegen des durch den von Falckenstain mir angedeutten gemähls geschriben, geruhen dieselbe aus nebengehndem seinem schreiben gnedigst zue vernemen. Ich soll und will an fleissiger sollicitatur nichts erwinden lassen, damit dasselbe bald und wohl verfertigt werde, und wenn es fertig Euer hochfürstlichen Durchlaucht underthenigst avisiren
(Au dos:)Dem hochwuhrdigisten durchleuchtigisten etc. Leopoldo etc.
Autographe. Innsbrück. Ambras Acten, IX, p. 353. Copie communiquée par le Dr Schönherr, archiviste Imp. et R. d'Innsbrück. — Publié
en forme narrative dans Jahrbuch der Kunsthistorischen Sammlungen des
Allerhöchsten Kaiserhauses, Band XVII, p. LXXIX.
TRADUCTION.P. DE VISCHERE A L'ARCHIDUC LEOPOLD.
Je Vous prie de voir, par la lettre ci-jointe, ce que Pierre-Paul Rubens m'a
écrit au sujet du tableau que Falckenstein m'a indiqué. Je ne négligerai aucune
démarche pour le faire terminer le plus tôt et le mieux possible et dès qu'il
sera prêt, j'en donnerai avis à Votre Altesse
Au dos: A son Altesse Sénérissime l'Archiduc Léopold.
COMMENTAIRE.
L'archiduc Léopold, auquel sont adressées les deux lettres précédentes, naquit le
5 octobre 1586 et mourut le 17 septembre 1632. Il était fils de l'archiduc
Charles de Styrie et fut nommé évêque de Passau, en 1605, et en outre évêque de
Strasbourg, en 1607. En 1609, il fut envoyé par l'empereur Rodolphe II comme
administrateur dans les duchés de Clèves et de Juliers, mis sous séquestre. Il
s'empara de la ville de Juliers, mais ne réussit pas à se maintenir dans ces
pays. Après la mort de son cousin Maximilien, en [215] 1618,
il obtint le duché de Tyrol. En 1622, le comté de Glatz et, en 1627, le
marcgraviat de Burgau furent ajoutés à ses possessions. Il prit part à de
nombreuses guerres; en 1619, il défendit Vienne contre Mathias de Thurn; en
1621, il combattit les Grisons favorables au protestantisme et, en 1622, il eut
le commandement de l'armée qui fut envoyée en Alsace contre le comte de
Mansfeld. En 1626, il renonça à ses évêchés pour épouser Claudia de Médicis.
Pierre De Vischere était son agent à Bruxelles.
Nous ignorons de quel tableau il s'agit dans ces deux lettres, probablement il
était destiné par le prélat à une église de ses évêchés. Nous ne savons même pas
s'il fut exécuté en 1619. Il se pourrait bien que ce fût la même oeuvre dont J.
B. Bertoldo, un autre agent de l'archiduc Léopold, écrivit à son maître, sous la
date du 28 août 1626, qu'il aurait soin de la faire exécuter par Rubens.
CLXXXVII RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.(28 mai 1619.)
Excellentissmo Sigre.
Non mi sono ingannato di un punto credendo V. E. esser quella sola, che possa
colla sua destrezza condur ad effetto li negocij altrite
impossibili. Certo che fu opportuna la cacçia de tanti animali formidabili
chella diede à quei Sigri si come ancora la pescagione
delli apostoli che da vero sono riusciti per noi piscatores hominum, come V. E.
argutamente mi accenna ne mi par strano poiche tutte le cose sono di maggior
efficazia sotto il suo proprio clima. In effetto senza questi mezzi s'otteneva
niente, benche la raggione allegata delli sigri stati chio
non fossi lor suddito ne residente nelli lor stati, non è de tal consideratione
chaltri Principi o Republicq. l'habbiano giamai allegata parendo loro giusto di
provedere che li loro sudditi non faççiano torto o danno ad altra persona, con
invasione delle altrui fatiche. Oltra chè tutti li potentati ben che dissidenti
tra de loro in maggior cose sogliono esser d'accordo nel favorire i protegere le
virtu, scientie et artî, almeno il doverebbono fare. La specificatione della mia
pretensione ho mandato a quel amico che ne dara a V. E. puntualissima relatione.
Fra tanto supplico V. E. [216] sia servita di tener la mano a
limpresa sin alla sua intiera perfettione et per fine li baccio le mani con
mille ringraziamenti por la stima e grande affetto ch'ella dimostra verso di me
che certo desiderarei de esser de qualq. valore per poter servire V. Ea cô maggior gusto suo e mio.
Di Anversa alli 28 di Maggio 1619.
Pietro Pauolo Rubens.
Di voa Eccellenzahumillissmo Servitore
Pietro Pauolo Rubens.
Sole accader spesso nelle congregationi de molti chessendosi resi favorevoli uno
ad uno molti di quelli Sigri nulladimeno riuniti poi tutti
insieme facessero tutto il contrario delle loro promesse particolari, perçio
supplico V. E. sia servita di considerar bene colla solita sua prudenza se la
nostra pretensione non corra pericolo d'intoppar di novo nella medesima repulsa
et se potesse presagire tal cosa ancor che ambuigamente la prego di rompere
subito la prattica, senza far altra instanza non già perchio sia mutato di
pensiero ne chio stimassi poco dottener questa gratia, mà por altri gran
rispetti non mi conviene d'esser importuno a sollicitarla. Et di novo baccio a
V. E. li mani.
Adresse: Al Eccelentissmo Sige et
Patron mio Colendmo il Sige Dudley
Carlethon Ambasciatore del Sermo Re della gran Britannia
nella Haija.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 131.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 248. Traduction anglaise. Ibid., p. 47.
— Rosenberg. Rubensbriefe, p. 54. — M. A. Hedouin. Gazette des Beaux-Arts, VII,
p. 150.
TRADUCTION.RUBENS A SIR DUDLEY CARLETON.
Excellence.
Je ne me suis pas trompé d'un seul point en croyant que vous étiez la seule
personne dont l'habileté pût conduire à bonne fin des négociations impossibles à
terminer d'une autre manière. Certainement qu'elle a été opportune la chasse de
tant d'animaux formidables que vous avez donnée à ces Seigneurs, ainsi que la
pêche de ces apôtres qui ont vraiment réussi à être pour nous des pêcheurs
d'hommes, comme Votre Exc. me le fait observer spirituellement et comme il me
paraît assez plausible, parce que c'est sous [217] son propre
climat que chaque chose opère le plus efficacement. En effet, sans ces moyens,
on n'eut rien obtenu: la raison alléguée par Messeigneurs les États: «que je ne
suis ni leur sujet ni un résident sur leur territoire, » ne doit pas être prise
en grande considération, car elle n'a jamais été alléguée par d'autres princes
ou gouvernements; à tous ceux-ci il a paru juste d'empêcher que leurs sujets ne
fassent tort ou dommage à leur prochain en enlevant à celui-ci le fruit de son
travail. Tous les souverains, bien que très divisés entr'eux quant aux choses
majeures, ont cependant coutume d'être d'accord pour protéger ou favoriser les
talents, les sciences et les arts; tout au moins désireraient-ils l'être. J'ai
envoyé la spécification de ma requête à un ami qui en donnera à V. E. une
relation très exacte. En attendant, je supplie V. E. de vouloir bien tenir la
main à l'entreprise, jusqu'à ce qu'elle soit arrivée à son entière perfection.
En terminant, je vous baise les mains avec mille remerciments pour l'estime et
la grande affection que vous me témoignez, et je serais vraiment heureux de
valoir quelque chose afin de pouvoir servir V. E. pour sa plus grande
satisfaction comme pour la mienne.
D'Anvers, le 28 mai 1618.
Pierre-Paul Rubens.
De Votre Excellencele très humble Serviteur
Pierre-Paul Rubens.
Il arrive souvent dans les assemblées nombreuses qu'après s'être individuellement
montrés favorables à une chose, un grand nombre de ces seigneurs étant réunis,
fassent tous ensemble le contraire de ce qu'ils ont promis chacun en
particulier. C'est pourquoi, je supplie V. E. de daigner examiner, avec sa
prudence habituelle, si notre demande ne court pas le risque de se heurter de
nouveau au même refus. Si l'on pouvait prévoir même vaguement qu'il en serait
ainsi, je prierais V. E. de rompre immédiatement la négociation, sans faire
d'autres instances, non pas que j'aie changé d'idée ou que je fasse peu de cas
de la faveur demandée, mais parce que, pour de hautes considérations, il ne me
convient pas d'être importun dans mes sollicitations. De nouveau, je baise les
mains à V. E.
Adresse: A Son Excellence Sir Dudley Carleton, mon très honoré protecteur,
ambassadeur de Sa Majesté le roi de la Grande Bretagne à La Haye.
COMMENTAIRE.
Cette lettre se rapporte encore au privilège sollicité des États Généraux de la
Hollande par Rubens pour ses gravures. Les États Généraux n'ont pas exprimé le
motif qui leur fit rejeter la requête de Rubens. Le peintre nous [218] le fait connaître dans cette lettre: il n'était ni leur sujet ni
domicilié sur leur territoire. Il cherche à refuter cette doctrine et fournit
ainsi des documents à Carleton pour les faire changer d'avis. Celui-ci réussit
comme nous l'avons vu.
Rubens dit qu'il avait envoyé à Sir Dudley Carleton deux gravures faites d'après
ses tableaux une Chasse d'animaux formidables et la Pêche des Apôtres. Monsieur
Henri Hymans croit que les deux estampes sont gravées par Soutman et
représentent, la première, la Pêche miraculeuse (Voorhelm Schneevoogt, n° 140)
et la seconde la Chasse au Lion et la Lionne (Voorhelm Schneevoogt, suites 31,
n° 3). C'est possible. Je crois cependant qu'il est plus probable que les
gravures désignées sont la grande Pêche miraculeuse (Voorhelm Schneevoogt, n°
141) et la Chasse aux Lions (Voorhelm Schneevoogt, n° 31I), tous deux par Schelte à Bolswert. Les deux feuilles forment des pièces
capitales dans l'OEuvre de Rubens et sont de dignes pendants. La grande Pêche
miraculeuse de Schelte à Bolswert, a pour inscription le texte de l'Évangile:
«Ait ad Simonem Jesus: Noli timere: ex hoc jam homines eris capiens.» C'est de
ces mots que Carleton doit avoir tiré l'allusion aux piscatores hominum que
Rubens rappelle dans sa lettre. Cette estampe parut avec les privilèges du roi
de France, des princes belges et des États Généraux de la Hollande. Les princes
belges désignant Albert et Isabelle, c'est donc avant la mort de l'archiduc (13
juillet 1621), qu'elle a été publiée. La Chasse aux Lions est dédiée à Alexandre
de Croy, mort en 1624, elle est donc également une des plus anciennes estampes
gravées par Schelte à Bolswert pour Rubens.
En disant que la Pêche miraculeuse a si bien réussi à capter les hommes dans les
Pays-Bas, «parce que sous son propre climat chaque chose opère le plus
efficacement, » Rubens fait allusion à la similitude existante entre le métier
des apôtres et celui des nombreux Hollandais vivant de la pêche.
Il est un passage de la lettre dont nous croyons devoir dire un mot. C'est la fin
du post-scriptum dans laquelle Rubens dit qu'il ne lui convient pas pour de
hautes considérations de trop insister sur l'obtention de son privilège. Quelles
sont ces hautes considérations? Il est probable que Rubens, peintre des
souverains de son pays, bien vu à la Cour, ne voulut point solliciter avec trop
d'insistance une sorte de faveur d'un gouvernement étranger avec lequel les
rapports étaient assez tendus. Cette demande impliquait la reconnaissance de la
légitimité des pouvoirs des États Généraux: la faire agréer comme tendant à
faire reconnaître un simple droit était un acte sans conséquence; y appuyer
comme s'il s'agissait d'obtenir une faveur marquée, c'était contracter des
obligations envers le gouvernement considéré à Bruxelles comme illégitime: c'est
ce que Rubens voulait éviter.
My Lord.
I have bine with Rubens and left
the measure of the picture with hime, he asures me that when he sees your
pickture he will furnishe you with moderne pieces of his hand to your Lordships
full contente
Hen. Killigrew
. Brussels 8 june 1619.
Original: Londres, Public Record Office. Communiqué par M. Noel Sainsbury.
TRADUCTION.HENRY KILLIGREW A SIR DUDLEY
CARLETON.
Mylord.
Je suis allé chez Rubens et lui ai laissé la mesure du tableau. Il m'assure
qu'après avoir vu la peinture, il vous donnera en échange des tableaux de sa
main à votre entière satisfaction
Hen. Killigrew.
Bruxelles, 8 juin 1619.
COMMENTAIRE.
Le tableau dont il s'agit ici était une Création par le Bassan, appartenant à
Lord Danvers qui désirait l'échanger contre des tableaux de la main de Rubens.
Sir Dudley Carleton servit d'intermédiaire entre le seigneur anglais et
l'artiste anversois et fit ainsi ce que maintefois il avait fait pour d'autres
collectionneurs anglais qu'il aida dans leurs achats et recherches sur le
continent.
My Lo.
And now lett me also no less thankfully acknoledge yr Lo:
carefull remembrance of my picture, wch accordinge to Rubens ' letter is delivered Mr Lock
to be sent to Antwerp. I see thear hath
bine valew inough sett upon the owld peece, and in exchaynge on singular is much
better then divers indifferent, the story or severall desighnes I leave to yr Lo: choyse and remayne.
Yr Lo: trew frend to serve you
H. Danvers.
Cornbury Parke, 12 July 1619.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 48.
TRADUCTION.LORD DANVERS A SIR DUDLEY CARLETON.
Mylord.
Et maintenant laissez moi aussi exprimer à Votre Seigneurie une égale
reconnaissance de ce qu'elle se soit occupée de mon tableau qui, conformément à
la lettre de Rubens, a été remis à M. Locke pour être envoyé à Anvers. Je vois
qu'on reconnaît une assez grande valeur à cette ancienne pièce. Dans l'échange,
il vaut mieux prendre un seul tableau de valeur que plusieurs de peu
d'importance. Je vous laisse le choix de l'histoire ou des idées à représenter
et reste
Votre fidèle ami à votre service
H. Danvers.
Cornbury Parke, le 12 juillet 1619.
COMMENTAIRE.
Lord Henri Danvers, le second fils de John Danvers, chevalier, et de Lady
Elisabeth, fille et co-héritière de Nevil, lord Latimer, naquit à Dantsey, [221] dans le comté de Wilts, en 1573, et servit aux
Pays-Bas sous Maurice de Nassau, fils du Taciturne, et en France, sous Henri IV,
qui le nomma chevalier, Il fut Lieutenant of Horse et Serjeant-Major dans
l'armée d'Irlande sous Robert, comte d'Essex, et sous Charles, baron de
Mountjoy. Le roi Jacques I le créa baron Danvers de Dantsey, en juillet 1603,
lord président de Munster et gouverneur de Guernsey. Le premier septembre 1615,
Trumbull écrit que Lord Danvers se trouve parmi les prisonniers détenus à
Bruxelles et traités avec beaucoup de sévérité. Le roi Charles I le créa comte
de Danby en février 1626, conseiller privé en juillet 1628, et chevalier de la
Jarretière. Il mourut en 1644.
Thomas Locke était conservateur des archives du Conseil et beaucoup de minutes de
ce corps sont écrites de sa main.
CXC THOMAS
LOCKE A SIR DUDLEY
CARLETON.(17 juillet
1619.)
Right Honoble.
My humble duty remembered unto yor Lp
I have receaved answere of my lettres from my Lo. Danvers, and he hath given order for the sending
of that peece to Antwerp. I have seen it,
there must be a great deale of care used in the packing of it, wch will not be without some charge, for there must be a frame of
boords of the bignes of the peece, & some soft substance put betwixt. I
knowe not whether his Lp have given order for the
disbursimr of that wch it shall cost if he have not, I
will lay it out & see that it shalbe carefully don, when I send it I
will consigne it by a lettre unto Rubens in yr Lps name,
referring him to yr Lp for the
disposing of it, I thinck I shall have oportunitie to send it this next weeke.
My Lo. Danvers referreth him to yr Lp, saying that you know his mind and desires therein, the peece is much
fretted and peeled alreadie in diverse places
Yr Lps Servant
W. Locke.
17 July 1619.
[222] Adresse: To the right hoble Sr Dudley Carleton Kt Lo: Ambr for his Matie of great Britanie wth the States of the United Provincesat the Hagh.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 132.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 48.
TRADUCTION.THOMAS LOCKE A SIR DUDLEY CARLETON.
Très honorable.
J'ai reçu de Lord Danvers une réponse à mes lettres; il a donné l'ordre d'envoyer
cette pièce à Anvers. Je l'ai vue: il faudra que l'on mette beaucoup de soin à
l'emballer, ce qui ne se fera point sans quelques frais; car on devra faire une
construction en planches de l'épaisseur de la pièce en interposant entre elles
quelque substance moelleuse. Je ne sais pas si V. S. a donné des ordres
relativement au débours à faire pour ces dépenses, sinon j'avancerai la somme.
Je veillerai à ce que tout soit bien exécuté et, en faisant l'envoi, je
l'accompagnerai d'une lettre à Rubens au nom de Y. S. à laquelle Rubens s'en
référera pour disposer de l'objet. Je crois que j'aurai l'occasion d'envoyer
celui-ci la semaine prochaine.
Mylord Danvers s'en réfère à Y. S., il dit que Vous connaissez son idée et ses
désirs en cette affaire. La pièce a beaucoup souffert par le frottement et pèle
déjà à différentes places.
Votre serviteur
Th. Locke.
17 juillet 1619
Adresse: Au très honorable Sir Dudley Carleton, chevalier, lord ambassadeur pour
Sa Majesté le roi de la Grande Bretagne auprès des États des Provinces-Unies à
La Haye.
COMMENTAIRE.
L'endroit d'où la lettre est envoyé n'est pas indiqué. C'est probablement
Westminster, d'où Locke date sa lettre du 18 septembre suivant.
Hoc age quod agis.
Viro clarissimo Paullo Groe omnium
elegantiarum admiratori hanc obsequii et amicitiae syngrapham. Petrus Paullus
Rubeniusmanu sua L. M. inscripsit.
Antverpiae
XXVII die Julij MDCXIX.
TRADUCTION.P. P. RUBENS A PAUL GROË.
Occupe-toi de ce dont tu t'occupes.
A l'honorable Paul Groe, amateur de toutes les belles choses, en témoignage de
son dévouement et de son amitié.Pierre-Paul Rubensa offert cet
autographe.
Anvers, le 27 juillet 1619.
COMMENTAIRE.
Cet autographe se trouve dans un album amicorum appartenant au British Museum
(Bibl. Egerton, 238. Press 519 A). L'album a été formé par Paul Groë (Grohé?) de
Nuremberg et renferme des feuillets signés par plusieurs savants hollandais.
Rubens est le seul artiste qui y figure. Son autographe se trouve placé entre
ceux de Petrus Scriverius et de Joannes Meursius de Leyde. L'amateur ne nous est
pas autrement connu.
The picture of the Creation wilbe sent this weeke. Will. Dieston hath promised to see it convayed, he goeth over with Mr Trumbull.
31 juillet 1619.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 48. Note.
TRADUCTION.THOMAS LOCKE A SIR DUDLEY CARLETON.
Le tableau de la Création sera expédié cette semaine. Guillaume Dieston a promis
de surveiller le transport. Il fait le trajet avec Mr
Trumbull.
31 juillet 1619.
CXCIIILORD DANVERS A SIR DUDLEY CARLETON.(7 août 1619.)
My Lo:
Now the picture of the Creation is gone to Ruben, geve me leave to accept against
soum such of his workes, as ar made to be sett at great distance for our roumes
ar littell in this cold cuntrye of England, and pleasinge peeces to stand ten
fowte hye sutes best wth our clime, even such an on as
yr Lo: Daniell wth thoes
bewtifull lions in the den would well satisfye my desire, and now I have sayed
for that matter.
Yr Lo: most assured to serve you
H. Danvers
. Hatton-House, 7th August 1619.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 49.
[225] TRADUCTION.LORD
DANVERS A SIR DUDLEY CARLETON.
[225]
TRADUCTION.LORD
DANVERS A SIR DUDLEY CARLETON.Mylord.
Maintenant que le tableau de la Création est allé chez Rubens, permettez-moi de
vous recommander de ne prendre aucun de ses ouvrages faits pour être placés à
une grande distance, parce que nos appartements sont petits dans cette froide
contrée d'Angleterre, et des tableaux agréables, placés à dix pieds de haut,
conviennent le mieux à notre climat. Les tableaux semblables à celui de Votre
Seigneurie, Daniel dans la fosse au milieu de ces beaux lions, satisferaient
parfaitement mon désir.
Et maintenant assez sur ce sujetDe Votre Seigneurie, le dévoué
serviteur
H. Danvers.
Hatton-House, 7 août 1619.
CXCIV THOMAS LOCKE A SIR DUDLEY
CARLETON.(18
septembre 1619.)
My humble duty remembred unto Yor LpThe picture was much galed and fretted before it was sent from
hence, wch(they said heere that knewe it) was done when it
came over first wth the salt water, but now there could no
water nor any thing else corne to it, to hurt it, if it came thither as it went
from hence
Yr Lps faythfull servant
Th. Locke.
Westm. 18 Sept. 1619.
Adresse: To the right hoble Sr Dudley
Carleton Kt Ld Ambr for his Mtie of great Britanie wth the States of the United Provincesat the Hagh.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 133.
Publié par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 49.
[226] TRADUCTION.THOMAS
LOCKE A SIR DUDLEY CARLETON.
Je me recommande aux bonnes grâces de Votre SeigneurieAvant d'être expédié
d'ici, le tableau était fort écorché et frotté; ce qui a été occasionné d'abord,
comme ils disent le savoir ici, par l'eau de mer lors de son arrivée; mais à
présent, ni l'eau ni rien d'autre ne peut lui faire du mal, s'il revient ici
comme il est parti
[226]
TRADUCTION.THOMAS
LOCKE A SIR DUDLEY CARLETON.De Votre Seigneurie, le fidèle serviteu
r Th. Locke.
Westminster, le 18 septembre 1619.
Adresse: Au très honorable Sir Dudley Carleton, chevalier, lord ambassadeur de Sa
Majesté le roi de la Grande Bretagne, auprès des États des Provinces-Unies, à La
Haye.
COMMENTAIRE.
En 1616, le tableau de la Création avait été expédié du continent à Lord Danvers
par Sir Dudley Carleton. Aussitôt après l'avoir reçu, son nouveau propriétaire
le trouva trop encombrant et pria Carleton de le troquer et de lui fournir en
échange des objets de curiosité (1).((1) Noel Sainsbury. Op.
cit., p. 351.) Carleton, connaissant le goût de Rubens pour les
oeuvres d'art, aura suggéré à Lord Danvers d'entamer la négociation à laquelle
se rapportent les présentes lettres.
Ho visto il dissegno del Altare per santo Michele, il quale mi par bello e buono, eccetto che mi par essorbitante quella altezza di proportion dupla verso la largezza. E perçiò mi par soverchio di ciascuna parte quel mezzo pilastro esteriore che occupa fuor di proposito rispetto la gran penuria di sito un pede e mezzo di spacio, il quale si potrebbe aggiungere alla pittura, che con questo poco daiuto riuscirebbe molto più proportionata. E ben vero che quelli pilastri non farebbono mal effetto, ansi archirebbono lopera senza tal strettezza di loco. Et perche Vostra Altezza Serenissima che potra sopra cio farmi saper la volunta sua. Per conto del suggetto di. santo Michele, egli e bellissimo e difficillimo e perçio mi dubito che difficilmente si trovara fra li mei discepoli alcun sufficiente di metterlo bene in opera ancorche col mio dissegno; in ogni modo sara necessario chio lo retocchi ben bene di mia mano propria. Non mancaro di far tener linventario a Vostra Altezza di quel studio del defunto Ducca d'Aerschot, ma per esser il padre a quest' hora assente, non posso haverlo adesso, ma subito al suo ritorno procurerò d'haverlo quantoprima. Altro non ho per adesso si no di baciar a Vostra Altezza Serenissima con humilissima riverenza le mani supplicando di volermi mantenere nella sua buona gracia..
D'Anversa allo 11 d'Ottobre 1619.
Pietro Pauolo Rubens
Di Vostra Altezza Serenissimadevotissimo et humilissimo servitore
Pietro Pauolo Rubens
Li due quadri per li altari collaterali sono ambidue di gia molto avanzati, di
maniera che non ci manca si non l'ultimo finimento, che penso colla gratia
divina di darli ben presto et. con, quella maggior accuratezza, che mi sara
possibile.
Original: Publié par Harless, dans Archiv für die Geschichte des Niederrheins, t.
VI, p. 192. Cologne, 1867. — Rosenberg. Rubensbriefe, p. 55.
[228] TRADUCTION.RUBENS AU
DUC WOLFGANG-GUILLAUMEDE BAVIÈRE.
J'ai vu le dessin de l'autel consacré à St Michel; je le
trouve beau et bon, excepté que je trouve exorbitante la hauteur en proportion
double de la largeur. C'est pourquoi je trouve inutile aussi ce demi-pilastre
qui, de chaque coté, en forme l'extérieur et occupe hors de propos, dans la
superficie déjà très réduite, un pied et demi d'espace qui pourrait s'adjoindre
au champ du tableau, lequel, par cette faible addition, acquerrait une
proportion beaucoup meilleure. Il est vrai que ces pilastres ne feraient pas
mauvais effet et rendraient l'oeuvre plus riche, si ce n'était cette étroitesse
de la place. Votre Altesse Sérénissime me fera savoir sa volonté à cet égard.
Pour ce qui regarde le sujet de St Michel il est très
beau, mais d'une haute difficulté, aussi je doute fort de trouver parmi mes
élèves quelqu'un qui soit capable de le mettre en oeuvre, même d'après un dessin
de moi: de toute façon, il sera nécessaire de le retoucher fortement de ma main.
Je ne manquerai pas de faire tenir à Votre Altesse l'inventaire du cabinet de feu
le duc d'Arschot; mais à cause de l'absence du père, je ne puis l'avoir en ce
moment; dès qu'il sera de retour, je ferai en sorte de l'obtenir de suite. Il ne
me reste plus qu'à baiser les mains de V. A. avec le plus grand respect et en la
suppliant de me maintenir en ses bonnes grâces..
[228]
TRADUCTION.RUBENS AU
DUC WOLFGANG-GUILLAUMEDE BAVIÈRE.
D'Anvers, le 11 octobre 1619.
Pierre-Paul Rubens
De Votre Altesse Sérénissime Le très dévoué et très humble
serviteur
Pierre-Paul Rubens
Les deux tableaux pour les autels collatéraux sont tous deux fort avancés; il n'y
manque plus que le dernier achèvement; j'espère avec la grâce divine, Vous les
livrer bientôt; j'y mettrai toute l'activité possible.
COMMENTAIRE.
Wolfgang-Guillaume, comte palatin, duc de Bavière, de Deux-Ponts et de Neubourg,
naquit, le 25 octobre 1578, de Philippe-Louis et d'Anne de Juliers. En 1614, il
succéda à son père qui était luthérien; lui-même avait embrassé le catholicisme.
Son père lui avait transmis ses prétentions aux [229] duchés
de Berg, Juliers et Clèves, dans lesquelles il avait pour concurrent entre
autres l'électeur de Brandebourg Jean-Sigismond. Pour terminer à l'amiable leur
différend, il lui demanda la main de sa fille qui lui fut accordée. A la suite
d'une querelle entre les deux princes, leur bonne entente fut rompue et le
mariage n'eut pas lieu. En 1628, Wolfgang-Guillaume conclut un nouvel accord
avec George-Guillaume, fils et successeur de Jean-Sigismond. Ils se brouillèrent
de nouveau et se reconcilièrent en 1651. Le duc de Neubourg mourut le 20 mars
1653. Il avait épousé en premières noces, en 1613, Madeleine, fille de
Guillaume, duc de Bavière; en secondes noces, en 1631, Catherine-Charlotte,
fille de Jean II, duc de Deux-Ponts et en troisièmes noces, en 1651,
Marie-Françoise, fille d'Egon de Furstenberg.
Après sa conversion au catholicisme, il déploya un véritable zèle de néophyte.
Dans la ville de Neubourg, il rendit toutes les églises au culte catholique et y
fonda une église des Jésuites qui fut consacrée le 21 octobre 1618. Ce fut pour
cette église que Rubens peignit les deux tableaux mentionnés dans les lettres
suivantes. Le tableau de St Michel, dont il est question
dans la présente lettre, fut peint d'après Michel et Adolphe Rosenberg pour
l'église paroissiale de Neubourg; Sandrart dit qu'il ornait le maître-autel de
l'église de Hemau dans le Neubourg palatin. L'affirmation de ce dernier auteur,
qui a été à même de voir l'oeuvre à sa place primitive, ne saurait être infirmée
par celle des deux auteurs postérieurs qui tiennent leurs renseignements de
seconde main. L'auteur du Catalogue officiel de la Pinacothèque de Munich dit
que probablement il se trouvait sur le maître-autel de l'église des Jésuites.
Cette hypothèse n'est guère admissible, puisque cette même église possédait dans
le Grand Jugement dernier un tableau représentant un sujet analogue. Le tableau
se trouve actuellement à la Pinacothèque de Munich (OEuvre de Rubens, n° 86). Ce
ne fut pas le premier retable commandé par le duc de Neubourg à Rubens. La
lettre du 7 décembre 1619 prouvera que, moins de deux mois après qu'il parle du
projet du St Michel, il avait terminé une Nativité du
Christ et une Descente du Saint Esprit. Dans la liste des tableaux offerts à
Carleton en échange de ses marbres, on voit que Rubens avait déjà fourni à cette
époque le Grand Jugement dernier, qui ornait le maitre-autel de l'église des
Jésuites (OEuvre de Rubens, n° 89).
Voilà donc quatre grands tableaux exécutés par Rubens pour Wolfgang-Guillaume,
pendant les six premières années du règne de ce prince.
Nous ne savons pas exactement comment Wolfgang-Guillaume apprit à connaître
Rubens et entra en relations avec lui, mais il est permis de conjecturer comment
la chose se passa. Dans la contestation entre les divers prétendants aux duchés
de Berg, Juliers et Clèves, l'empereur Rudolphe II fit prendre possession [230] par les troupes impériales de la ville de Juliers. Le
duc de Brandebourg et le duc de Neubourg, qui occupaient en commun la plus
grande partie du territoire contesté, s'emparèrent, en 1610, de la ville de
Juliers et en chassèrent les impériaux. Trois ans plus tard, le duc de
Brandebourg, à son tour, expulsa les troupes du duc de Neubourg et resta seul
maître de la ville. Les Provinces-Unies de la Hollande embrassèrent le parti du
duc de Brandebourg et tentèrent un coup de main sur Dusseldorf, une possession
du duc de Neubourg. L'empereur Mathias chargea alors l'archiduc Albert de mettre
ordre à cet état de choses. Le marquis de Spinola, à la tête des troupes des
archiducs, marcha contre Aix-la-Chapelle, s'en empara ainsi que de Wesel et de
Duren et accomplit sa mission en rétablissant dans le duché la situation telle
qu'elle était avant 1610 (1).((1) Aubertus Miraeus. De Vita
Alberti. Antv., Plantin, 1622, p. 55.) Ce fut là un signalé service
rendu par l'archiduc Albert à Wolfgang-Guillaume et celui-ci vint, sans aucun
doute, rendre visite aux archiducs à Bruxelles. Dans leur entourage, ou bien, au
cours de son voyage dans les Pays-Bas espagnols, en passant par Anvers, il doit
avoir appris à connaître Rubens. Ceci se passait peu de temps avant la commande
des tableaux pour Neubourg, vers 1616, croyons-nous, et les relations du peintre
avec le duc de Neubourg se prolongèrent encore quelque temps. Wolfgang-Guillaume
resta fidèle à l'amitié vouée aux archiducs. Lors du siège de Bréda, en 1625, en
revenant d'un voyage en Espagne, il alla voir les travaux du siège de Bréda
entrepris par les troupes de l'archiduchesse. Il y resta jusqu'à la prise de la
ville et accompagna le marquis de Spinola lorsque celui-ci rentra en vainqueur à
Anvers (2).((2) Herman Hugo. Le siège de la ville de Bréda.
Anvers. Plantin, 1631, pp. 131 et 158.)
Le «père» dont l'absence empêche Rubens d'envoyer l'inventaire du cabinet du duc
d'Arschot au duc Wolfgang-Guillaume, doit être le père jésuite André Schott qui
avait fourni le texte de la description de ce cabinet, publiée par Jacques de
Bie, en 1617, et qui aura probablement rédigé l'inventaire dont il est question
ici.
Les deux tableaux des autels collatéraux sont la Nativité du Christ et la
Descente du Saint Esprit qui étaient destinés à l'église des Jésuites de
Neubourg et dont il sera question plus explicitement dans la lettre du 7
décembre suivant.
Monsieur,
Au retour de la Cour, on m'a rapporté le privilège que vous m'aviez demandé pour
M. P° P° Rubens, vostre grand
amy, je le vous envoye maintenant, et vous supplie de me continuer l'honneur de
vos bonnes grâces, et me mettre en celles de Mr Rubens
dont j'estime grandement l'éminante vertu.On m'a dict qu'il a grand nombre
de belles antiquitez: s'il avoit un inventaire de ce qu'il a, vous m'obligeriez
bien de m'en envoyer une coppie. M. Aleandro m'escript tout fraischement de Rome
que vos vers sur les feux de la St Jean (1)((1) En marge: IGNES FESTIVI.), ont esté si admirez dans
Rome qu'ils ont couru universellement entre les mains de tous ceulx qui en
pouvoient avoir du goust. Et m'en a faict des remerciements nompareils avec un
peu de recommandation pour vous, dont je me descharge, vous conjurant de luy
escrire un mot à vostre commodité et de vous souvenir de ce que vous avez
promis.
Monsieur, àVostre très humble et affectionné serviteur
de Peiresc.
Depuis vous avoir escript, il est arrivé un malheur.
Mon homme faisant le pacquet, pensant coupper le seul carton dont il le couvroit
pour le conserver pendant le voyage d'icy là, a esté si beste de coupper le
parchemin tout quantequand le carton dont la fin de la lettre se trouve un peu
intéressée. Et m'ayant confessé la faulte, j'ay faict retenir une coppie du
privilège, la quelle je feray sceller de rechef, si ce n'est que M. Rubens se
contente de celle-cy telle qu'elle est, dont j'attendray vostre advis, car avec
un peu de colle de bouche, il y a encor quelque remède à ce malheur. Cependant
vous verrez pour le moings cet acte de ma diligence.
Vous aurez sceu la délivrance de M. le Prince advenue samedy dernier.
Adresse: A Monsieur Gevartius à Brusselles.Recommandé à M. le R. P. André
Schottus de la Compaignie de Jésus.
[232] Original à Bruxelles. Bibliothèque royale, Département
des Manuscrits, n° 5989, f° 104 (Correspondance de Gevaerts). Publié par M.
Gachet (Les 8 premières lignes) Lettre I.
COMMENTAIRE.
Des relations de Peiresc et de Gevaerts sont sorties celles de Peiresc et de
Rubens. A ce titre, il n'est pas inutile de donner ici, comme documents
introductifs, les lettres de Peiresc à Gevaerts, antérieures à l'entrée du
peintre dans ce trio d'amis. Elles ne sont pas nombreuses: tout ce qui s'est
conservé de la correspondance du secrétaire de la ville d'Anvers avec le
conseiller du parlement de Provence, se réduit à quinze lettres autographes de
celui-ci (1).((1) Correspondance de Gevartius. Mss.
5988-5990. 3 v. f° à la Bibliothèque royale de Bruxelles.)
La plus ancienne en date est du 1r octobre 1617 et consiste
en un billet de quelques lignes écrit à Paris, où tous deux se trouvaient en ce
moment.
Monsieur, Enfin je trouvay chez luy le personage que vous m'aviez recommandé, il
me dict que si vous aviez la patience d'attendre son retour, l'affaire estoit
faicte, et qu'il vous donnoit toute satisfaction, voire qu'il vous eut
volontiers mené maintenant sans que l'un de ses amys l'a prié de le mener en ce
voyage. Je voulois vous aller voir pour vous en dire les particu-laritez, mais
j'en ay esté destourné, à mon grand regret, vous suppliant de faire estat de
moy, comme, Monsieur, de
Votre très humble serviteur
Peiresc.
Paris 1 octobre 1617.
Monsieur, si vous m'envoyez le supplément des feuilles de voz Electes depuis 5,
en bas, j'ay moyen de les envoyer à Rome, pourveu que vous me les envoyiez
demain devant 10 heures du matin. Il en fauldroit 2 exemplaires. Et si dans le
mesrrie temps vous pouviez escrire au Sr
Aléandre, vous l'obligeriez
grandement, et moy par mesme moyen. Je crois que vous aurez sceu que Barnaveld
eut la teste tranchée il y eut hier 8 jours (2) ((2)
Barnevelt fut exécuté le 13 mai 1619. Ce billet est donc du 22 mai. Peiresc
et Gevaerts se trouvaient à Paris.) dans l'estan de la Haye sur un
eschaffault dressé pour cet effect. Et que Mr Grottius n'a
esté que banny, avec les aultres complices prétendus. Je vous donne le bonsoir
et suis, Monsieur
Votre trez humble serviteur
de Peiresc.
(Paris 22 mai 1619.)
Barnaveld eust 23 juges (3).((3) Original: Bibliothèque
royale de Bruxelles. Lettres de Gevartius 5989, f° 103.) [ID00253]
[ID00254]
[233] Monsieur, je porte avec un extrême regret vostre
indisposition, et encore plus le peu de moyen que j'ay de vous y servir en
aucune chose que par mes voeux à Dieu, que je faicts de tout mon coeur pour
vostre guérison. Je feray vos excuses à M. Aleander, et quand vous vous porterez
bien et que vous escrirez à Mr Bellangé, vous m'obligerez
de luy faire mes recommandations et remerciements bien humbles de sa courtoisie.
Si vostre indisposition ne vous eust empesché maintenant je vous eusse prié
volontiers de me prester vostre Histoire d'Emundus Dinterus, pour y passer par
dessus tandis que nous avons un peu de loisir, mais nous attendrons vostre
convalescence. Cependant si vous me jugez propre à vous rendre aulcun service,
ne faictes aulcune difficulté de me commander absolument, comme
Vostre très humble serviteur
de Peiresc.
Paris 5 Août 1619 (1).((1) Original: Ibid. f° 102.)
Monsieur, je pense que à mesure que vostre homme m'a apporté vostre livre dont je
vous remercie trez humblement et que je vous rendray bien tost, s'il plaist à
Dieu, je pense que mon homme doibve estre chez vous où je l'avois envoyé pour
sçavoir de nouvelles du progrez de vostre santé. J'ai esté bien aise de voir que
vous vous remettiez peu à peu ne regrettant que le peu de moyen que j'ay de vous
servir et de contribuer ce que je desirerois à vostre entière guarison, comme
estant de tout mon coeur, Monsieur,
Vostre très humble serviteur
de Peiresc.
Paris 6 Aout 1619 (2).((2) Original: Ibid. f° 103.)
La personalité de Peiresc est trop connue pour que nous ne croyions superflu
d'entrer dans beaucoup de détails sur cet homme éminent, qui joua un rôle si
considérable dans le monde des savants et des artistes du commencement du
XVIIe siècle. Ses relations avec Rubens furent
assidues pendant plus de dix ans; dans la Correspondance de Rubens, pour autant
qu'elle nous a été conservée, les lettres adressées à Peiresc ou reçues de lui,
forment la série la plus considérable et la plus intéressante. Traçons en peu de
mots le cours d'une vie si noblement rempli.
Nicolas-Claude Fabri de Peiresc naquit à Beaugensier, en Provence, le premier
décembre 1580. Sa famille était illustre dans la contrée et son père était
conseiller à la Cour des aides d'Aix. Il étudia dans divers collèges de
[234] France et, ses humanités terminées, il fut envoyé à
Padoue pour y étudier le droit. Il passa plus de trois années en Italie,
s'occupant plus d'archéologie et de numismatique que de l'étude de la
jurisprudence. Il continua son droit à Montpellier et, après l'avoir terminé, il
visita successivement Paris, l'Angleterre et la Hollande, liant des rapports
avec les savants du pays qu'il traversait, les charmant par son esprit et par la
profondeur de ses connaissances. Un oncle se démit en sa faveur de sa charge de
conseiller au Parlement d'Aix que Peiresc accepta et conserva le reste de sa
vie. En 1618, Louis XIII lui accorda le bénéfice de l'abbaye de Guistre, au
diocèse de Bordeaux, pour l'encourager dans ses multiples études et lui permit
de conserver ses fonctions de conseiller.
Peiresc ne vécut que pour la science et les beaux-arts. Il s'occupait d'histoire
ancienne et moderne, d'archéologie, de botanique, de zoologie, d'astronomie, de
philosophie. Il collectionnait des médailles et des monnaies, des antiquités de
tout genre, des manuscrits et des livres dans toutes les langues et sur tous les
sujets, des plantes rares et des animaux exotiques; il entretenait une
correspondance suivie avec des savants de tous les pays, assistait de ses
conseils et de ses dons tous les chercheurs du monde. Il avait à ses gages un
graveur, un sculpteur, un relieur et un copiste. Sa maison était un musée; sur
le toit s'élevait un observatoire; son jardin botanique était fameux; il faisait
voyager en Europe et en Orient pour recueillir des oeuvres d'art, des objets et
des renseignements d'intérêt scientifique. Il mourut le 24 juin 1637.
Après sa mort, on trouva plus de dix mille lettres adressées au défunt par les
savants et les artistes de France, d'Italie, d'Angleterre, d'Allemagne et des
Pays-Bas. La plupart furent détruites par sa nièce qui s'en servit pour allumer
le feu ou pour se faire des papillottes. Cependant, il resta deux volumes de
lettres écrites à Peiresc et six in-folio de minutes de lettres écrites par lui
en français ou en italien. Ce qui s'est conservé de cette immense correspondance
se trouve, en majeure partie, dans la bibliothèque de la ville de Carpentras et
à Paris, dans la bibliothèque nationale; à Aix, dans la Collection Mazaugues
appartenant à la bibliothèque de Méjanes, se trouvent 12 volumes in-folio de
copies et d'extraits des lettres; à Rome, au palais Barberini, se trouvent les
lettres écrites à Aléandre. Non seulement les lettres échangées entre Peiresc et
Rubens offrent un grand intérêt pour l'histoire de ce dernier, mais bien
d'autres parties de la correspondance de Peiresc ont de l'importance parce
qu'elles renferment des détails concernant Rubens.
Les relations de Peiresc et de Rubens datent de 1619, comme cette lettre en fait
foi. Gevaerts avait demandé à Peiresc d'intervenir pour obtenir le privilège
pour les gravures de Rubens. Peiresc qui avait appris à connaître [235] la valeur artistique de Rubens et avait entendu parler
de sa collection d'antiquités, entra en relations avec le peintre anversois, par
l'intermédiaire de Gevaerts.
La correspondance entre Rubens et le savant provençal commence à partir de
l'année 1620 et se poursuit jusqu'à la mort de Peiresc; c'est surtout pendant
les années que l'artiste travailla à la Galerie de Marie de Médicis (1622 à
1625) qu'elle fut active. Après ce temps, elle se ralentit et Rubens s'adressa
plus ordinairement à Valavès, le frère de Peiresc, et à Pierre Dupuy qui, pour
ainsi dire, servit d'intermédiaire entre Peiresc et lui. Rubens ne fit la
connaissance personnelle de Peiresc qu'en 1622, lorsqu'il le rencontra à Paris.
Les lettres adressées par Rubens à Peiresc ont été publiées pour la première fois
par Emile Gachet, d'après une copie prise par Gachard à Paris et à Aix. M.
Ruelens, dans les voyages qu'il fit en France, en 1881 et en 1882, augmenta
considérablement les matériaux que le premier éditeur avait réunis et fit
transcrire, non seulement les lettres adressées par Peiresc à Rubens, mais
encore nombre de celles dans lesquelles les divers correspondants de Peiresc
parlent de l'artiste anversois.
Gevartius (Janus-Casperius) ou Gevaerts (Jean-Gaspard) fut un des amis intimes de
Rubens dans les vingt dernières années de la vie du peintre. Il naquit à Anvers,
le 6 août 1593, de Jean Gevaerts, jurisconsulte, et de Cornélie Aerts; il fit
ses études au Collège des Jésuites de sa ville natale et à l'Université de
Louvain. Il se rendit en Hollande où il fut attaché à Benjamin Aubery,
ambassadeur du roi de France près des États-Généraux. Il s'y lia avec plusieurs
philologues savants et y écrivit des études sur les Sylvoe de Stace, son poète
favori, qu'il fit paraître en 1616 à Leyde, sous le titre de Papinianoe
lectiones. L'année suivante, il se rendit à Paris où il devint l'ami et l'hôte
du président Henri de Mesmes. Il y débuta par la pièce de vers sur la statue de
Henri IV, dont nous avons eu l'occasion de parler. D'autres poésies suivirent en
1618 et en 1619, ainsi qu'un livre de critique philologique intitulé Electa. Les
curateurs de l'Université de Paris lui offrirent la place de professeur
d'histoire, mais il préféra rentrer dans sa patrie. Il s'y trouvait en octobre
1619, comme le prouve la lettre que l'on vient de lire. En 1620, il se rendit à
Louvain pour étudier la jurisprudence; en 1621, il reçut à Douai le titre de
docteur en droit honoris causa. Le 7 septembre de la même année, il fut nommé
greffier de la ville d'Anvers; il occupa cette charge jusqu'en 1662; il mourut
le 23 mars 1666.
Dans ses loisirs, il fit des commentaires sur les Pensées de Marc Aurèle et sur
un poème de Claudien. Il fut l'auteur ordinaire des inscriptions latines [236] qui figuraient sur les arcs de triomphe et autres
décors érigés par la ville lors de l'entrée des princes et dans d'autres
solennités. Il composa également les inscriptions latines, en vers ou en prose,
pour nombre de portraits gravés et d'autres estampes. La plus célèbre
publication de ce genre est la description de l'Entrée du Cardinal-infant
Ferdinand à Anvers, en 1635, qui servit de texte au superbe livre: Pompa
introitus Ferdinandi, publié par Jean Meursius, en 1642, et qui est illustré des
gravures par Van Thulden, d'après les arcs de triomphe composés par Rubens
(OEuvre de Rubens, n° 772 à 790). Il fit encore pour des oeuvres de Rubens
l'inscription en vers latins du portrait du comte-duc d'Olivarez (OEuvre de
Rubens, n° 1011) et celle du portrait de Nicolas Rockox (OEuvre de Rubens, n°
1035); il fit enfin l'épitaphe de l'illustre peintre.
De son côté, Rubens témoigna toujours la plus vive affection pour son savant ami
et le regardait comme un membre de sa famille. Nous n'en voulons d'autres
preuves que les lettres que Rubens lui adressa, le 29 décembre 1628 et le 15
septembre 1629, dans lesquelles il fait appel à sa science pour parfaire
l'éducation de son fils aîné et lui recommande, si la mort venait à frapper
prématurément le père, d'être le tuteur de l'enfant. Rubens composa pour la
famille Gevaerts un monument funéraire (OEuvre de Rubens, n° 1363); c'est sur
les données de Gevartius qu'il composa le frontispice des OEuvres de Goltzius
(OEuvre de Rubens, n° 1272); il lui dédia la gravure de son paysage avec la
tempête d'Énée (OEuvre de Rubens, n° 1169) et peignit son portrait (OEuvre de
Rubens, n° 958).
En 1617, lorsqu'il habitait Paris, Gevartius apprit à connaître Peiresc qui, à
cette époque, dut y séjourner à différentes reprises. En 1619, Rubens sollicita
l'intervention de son compatriote, dont il venait probablement de faire la
connaissance, pour obtenir, par l'intervention de Peiresc, le privilège en
France pour ses gravures, comme il venait de l'obtenir dans les Pays-Bas.
Gevartius s'est acquitté avec succès de la tâche qu'il a acceptée et Peiresc lui
envoie, avec sa lettre du 25 octobre 1619, le document sollicité. Le savant
français profite de l'occasion pour exprimer le désir d'entrer en relation avec
Rubens, connu déjà comme artiste et comme collectionneur d'antiquités. Voilà
comment les deux hommes éminents entrèrent en correspondance et jetèrent les
fondements d'une amitié durable et féconde en heureux résultats pour tous les
deux.
Le texte du privilège obtenu par Peiresc pour Rubens est publié dans le Bulletin
Rubens, t. III, p. 193, et reproduit par nous plus haut, p. 208.
Jérôme Aleandro ou Aléandre, qu'on appelle le Jeune, pour le distinguer de son
oncle le Cardinal Jérôme Aléandre, est une des personnalités les plus marquantes
parmi les humanistes du commencement du XVIIe siècle. Il
naquit à La Motte dans la Marche trévisane, en 1574, et fit ses études à Padoue.
[237] S'étant rendu à Rome, au moment où il s'était fait
connaître par des poésies latines et italiennes et par un Commentaire sur le
jurisconsulte Caïus, le cardinal Octave Bandini le prit pour secrétaire, ce
qu'il fut pendant vingt ans. Le pape Urbain VIII l'attacha à son neveu le
cardinal Barberini avec lequel il l'envoya en France. Il mourut le 9 mars 1629.
Peiresc était en relations suivies avec Aléandre, qui avait de commun avec lui
le goût des antiquités. Les lettres qu'il adressa au savant italien se
conservent à la bibliothèque Barberine à Rome.
Les Ignes festivi sont un poème de Gevartius sur les feux de St Jean qu'on avait allumés, en 1619, devant l'hòtel-de-ville de Paris. Le
titre complet est: Ignes festivi pridie natalis divi Joannis Baptistae Lutetiae
Parisiorum ante Curiam de more exhibiti 1619 Carmen. Parisiis 1619, in-4°.
Le prince, dont parle Peiresc à la fin de sa lettre, est le prince de Condé qui
avait été emprisonné, durant trois ans, à Vincennes et fut mis en liberté le 20
octobre 1619, cinq jours avant que la présente lettre fut écrite.
CXCVII RUBENS AU DUC
WOLFGANG-GUILLAUME DE BAVIÈRE.(7 décembre 1619.)
Serenissimo Signore.
Gia scrissi à Vostra Altezza Serenissima il parer mio circa l'ornamento del altar
di S. Michele e remandai subito l'istesso dissegno indietro, notandovi sopra
quella mutatione che mi pareva necessaria per il decoro del opera, ma di poi non
ho inteso altro di parte di Vostra Altezza, de che mi rimetto alla sua
commodita, che potrebbe forse haver distrattioni di maggior importanza. Non ho
tralasciato fra tanto il travagliar attorno li due quadri della nativita di
Cristo e del Spirito santo, li quali colla gracia divina ho ridotti a termine,
che Vostra Altezza Serenissima sene pò servire ad ogni suo bene placito. Io
spero chella restara non solo sodisfatta della ottima mia volunta in questi
opere verso il suo servicio, ma ancora delle effetti. Vostra Altezza potra dar
tal ordine, che pur li parera a proposito per levarli e nominarmi persona che li
debba ricevere de mia mano. Et mi facera gracia d'impiegarmi in cose di suo [238] servicio e gusto, che non mancaro di servirla
puntualmente mentre havero vita.
Scrissi a Vostra Altezza un pezzo su del studio del gia Ducca d'Aerschot, che si
trova da vendere in questa citta. Et ancorche per dir il vero, questa stagione
non mi pare a proposito per trattar di simil bagatelle, ho pero voluto obedire a
Vostra Altezza, che mi commando col ultima sua di mandarli la lista et
inventario delle robbe contenute in questo cabinetto, che va quivi annesso. Il
prezzo sarebbe qualque quaranta mille fiorini in circa di questa moneta di
Fiandria à 20 piacq. per fiorino et a quel modo il compratore guadagneria poco,
perche il costa quasi nulla di manco. Altro non ho per adesso si non di
raccommandarmi humilissimamente nella bona gracia di Vostra Altezza Serenissima,
alla quale baccio con tutto il core la Serenissima mano..
D'Anversa alli 7 di Decembre 1619.
Pietro Pauolo Rubens
Di Vostra Altezza Serenissimadevotissimo servitore
Pietro Pauolo Rubens
Publié par Harless. Archiv für die Geschichte des Niederrheins, VI. Cöln, 1867. —
Rosenberg. Rubensbriefe, p. 56.
TRADUCTION.RUBENS AU DUC WOLFGANG-GUILLAUME DE
BAVIÈRE.
Sérénissime Seigneur.
J'ai déjà écrit à V. A. S. mon opinion au sujet des ornements de l'autel de St Michel et j'ai renvoyé de suite le dessin, en y
indiquant les changements qui me semblaient nécessaires à l'ornementation de
l'oeuvre. Mais depuis je n'ai plus rien appris de la part de V. A., toutefois je
m'en remets à sa convenance; car peut-être est-elle occupée d'affaires plus
importantes. En attendant, je n'ai pas laissé de travailler aux deux tableaux la
Nativité du Christ et le Saint Esprit; avec la grâce de Dieu, je les ai terminés
et V. A. S. peut, à son gré, les avoir à sa disposition. J'espère que V. A. sera
satisfaite non seulement de ma bonne volonté à la servir, mais encore des
résultats obtenus dans ces oeuvres. Elle peut donner, comme il lui plaira,
l'ordre d'emporter les tableaux et me nommer la personne qui viendra les
recevoir de ma main et elle me fera la faveur de m'employer à des travaux pour
son service selon [239] ses goûts et tant que je vivrai, je
ne faillirai pas à exécuter ponctuellement ses ordres.
J'ai écrit à V. A. quelques détails sur le cabinet du feu duc d'Arschot qui se
trouve à vendre en cette ville. A dire vrai, le temps ne me paraît pas bien
favorable pour traiter de semblables bagatelles, néanmoins, voulant obéir à V.
A. qui m'a ordonné, par sa dernière lettre, de lui envoyer la liste et
l'inventaire des objets composant ce cabinet, j'annexe ces pièces à cette
missive. Le prix en serait d'environ quarante mille florins, de vingt sous au
florin, mais, à ce taux, l'acheteur ne fera pas grand bénéfice, car le tout a
coúté environ ce prix. N'ayant autre chose à écrire pour le moment, je me
recommande humblement aux bonnes grâces de V. A. S. et je lui baise la main de
tout coeur.
D'Anvers, le 7 décembre 1619.
Pierre-Paul Rubens.
De V. A. S.le très dévoué serviteur
Pierre-Paul Rubens.
COMMENTAIRE.
Les tableaux, dont Rubens annonce l'achèvement au duc de Neubourg, sont la
Nativité du Christ ou plutôt l'Adoration des Bergers (OEuvre de Rubens, n° 149)
et la Descente du Saint Esprit (OEuvre de Rubens, n° 353) destinés, tous les
deux, à l'église des Jésuites de Neubourg, dont ils ornaient les deux autels
latéraux. Ils furent cédés, en 1703, à l'électeur Jean-Guillaume pour la Galerie
de Dusseldorf, d'où ils furent transférés, en 1806, à la Pinacothèque de Munich
qui les possède encore. Dans leur exécution, Rubens se fit aider
considérablement par ses élèves.
Le cabinet du duc de Croy fut confié à Nicolas Rockox pour être vendu. Le père
André Schott en avait dressé une liste et un catalogue plus explicite. Ce sont
ces deux pièces que Rubens envoya au duc de Neubourg. D'après le texte de la
présente lettre, la collection aurait été offerte en vente dans son ensemble.
Elle ne trouva pas d'amateur. Dans sa lettre du 26 février 1622, Peiresc dit que
Rockox a «la disposition du cabinet du feu M. le duc de d'Arschot.» D'une autre
lettre, datée du 25 mai 1623, il ressort que Rockox n'était pas l'acquéreur du
cabinet, mais qu'il intervenait seulement pour la vendre. Nous verrons plus loin
comment cette vente se fit par parties plus ou moins considérables.
Monsieur.
J'ay receu voz deux pacquets du 20 Nov. et 20 Déc. et ay soigneusement rendu voz
lettres à Monsr le Lieutenant civil et à M. Du Puy. J'ay
escript à Angers à un de mes amys pour faire à Mr de la
Porte la proposition dont vous m'escrivez. Je vous donneray advis de la responce
aussy tost que je l'auray. J'ay veu Mr Haquius et luy ay
offert de le servir si je puis comme je le feray trez volontiers pour l'amour de
vous et pour son mérite.
J'ay veu avec un grand plaisir l'inventaire dn cabinet de Monsr Rubenius, à qui je vous supplie de faire mes
trez humbles remerciments, de tant d'offres de son honnesteté, qu'il m'a daigné
faire, je le serviray de tout mon coeur en tout ce qu'il m'employera. Ne pouvant
assez admirer la richesse de ses figures, je vouldrois bien pouvoir faire un
voyage en ce païs là, pour en avoir la veüe, et surtout de cez belles testes de
Cicéron, de Sénèque et de Chrysippus, dont je luy desroberois possible un petit
griffonement sur du papier, s'il me le permettoit.
Pour le cabinet du Duc d'Arscot je le vis en l'année 1606 et demeuray dix jours
entiers à le visiter, de sorte que je sçay bien ce qui y est, j'avois ouy dire
que Mr Rubenius l'avoit achepté, si non tout au moings le
principal, ce seroit dommage qu'un si excellent recueil tombast en main de
persone mal curieuse.
Je suis bien aize que vous fassiez imprimer le Dynterus et crois que voz éloges
des XII Caesars d'Austriche seront dignes de vous. Il me tarde que nous
puissions voir bien tost l'un et l'autre ouvraige.
L'épistre de Schonovius sera bientost imprimée avec son éloge de Mr Desselius dont je vous remercie et de ces aultres
curiositez que vous y aviez joinct, mais principalement de l'offre que vous me
faictes, du Chronicon Hannoniae M. S. que je ne refuseray poinct de voir, ains
vous supplie de me l'envoyer s'il vous plaist, et lorsque je l'auray veu je le
vous r'envoyeray fidèlement. Et vous priereray (sic) de me prester aussy ces
histoires de Bourgogne M. S. S. et cez Généalogies de Brabant et de Bourgogne,
pour les vous rendre tost aprez, mais il ne fault pas [241] accumuler trop de besoigne l'une sur l'aultre, et suffira pour astheure que
vous m'envoyiez la Chronique de Hainault M. S.
Je vous supplie de faire mes trèz humbles recommandations à vostre Mr Roccox et à Monsieur Miraeus, et les asseurer de mon
trez humble service. J'ay aprins que Mr Miraeus avoit eu
aultres fois une petite Chronique de l'Église de Verdun. Je vouldrois bien
sçavoir s'il la encores, et si je ne la pourrois pas voir, car il m'obligeroit
infiniment. Il me reste à vous dire que je vous envoie le livre de M. Aleander,
et que je luy ay escript que vous m'aviez permis de luy escrire au premier jour,
ce vous sera une semonce pour le faire si vous laviez oublié. Monsieur Pignorius
m'a envoyé un pacquet de Mr Scriverius, et parceque je
sais que vous estes amy de tous les deux, je le vous ay voulu adresser pour vous
prier de l'envoyer audit Sr Scriverius, et de
l'accompagner de vostre recommandation, afin qu'il face responce. Je m'asseure
que vous le ferez, et aprez vous avoir renouvellé les asseurances de mon
affection, je demeureray.
>
de Peiresc
MonsieurVostre bien humble serviteur
de Peiresc
Il est faict mention de la Vie de Charles dernier Duc de Bourgogne escritte par
Thomas Basin, evesque de Lisieux, et depuis patriarche de Jérusalem ou
d'Antioche in partibus infidelium, qui se retira à Louvain, du temps du Roy
Louys XI. Je vouldrois bien sçavoir si ce livre se trouve, et où est enterré ce
prélat, quel est son épitaphe, que si vous trouvez ce tombeau je m'asseure que
ce livre se trouvera dans les Archives de l'Église où il est enterré. Car il
eust le soing d'envoyer une sienne apologie contre le Roy Louis XI à son Église
de Lisieux pour y estre conservé dans les Archives.
De Paris, ce 17 Janvier 1620.
Adresse à Monsieur, Monsieur Gevartius, à Anvers.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Mss. n° 5989, f° 106.
Correspondance de Gevaerts. — Extrait de 15 lignes publié par Gachet, Op. cit,
p. 2.
[242] COMMENTAIRE.
Monsieur Dupuy. Il peut s'agir de l'un ou de l'autre des deux frères Dupuy,
Pierre et Jacques. Pierre naquit à Agen, le 27 novembre 1582. Il était l'ami du
président de Thou et publia avec son frère Jacques et Nicolas Rigault les
éditions des ouvrages du célèbre historien qui parurent en 1620 et en 1626.
Pierre Dupuy, un des hommes les plus savants de son époque, fut successivement
nommé conseiller du roi et garde de sa bibliothèque. Il écrivit plusieurs
ouvrages pour défendre les droits et les libertés de l'église gallicane et pour
soutenir les droits du roi de France sur diverses provinces, sans compter
d'autres traités concernant l'histoire de son pays. Lorsqu'en 1626, Rubens cessa
d'écrire régulièrement à Peiresc, ce fut avec Pierre Dupuy qu'il entretint,
pendant plusieurs années, une correspondance quasi hebdomadaire dont ce dernier
transmettait les parties essentielles à Peiresc. Pierre Dupuy mourut le 14
décembre 1651.
Son frère Jacques lui fut un collaborateur érudit et utile. Il était prieur de
St Sauveur et garde de la bibliothèque du roi; il aida
son frère dans la publication de ses livres et en composa quelques-uns
concernant l'histoire de France. Il rédigea le catalogue de la bibliothèque de
de Thou. Il mourut le 17 novembre 1656.
Monsieur de la Porte. Probablement Antoine de la Porte de Saint Martin. Né en
Bretagne, il entra, en 1611, dans l'ordre des Carmes, fut nommé, en 1623, prieur
du couvent de Poitiers, en 1626, de celui d'Angers et écrivit de nombreux
ouvrages de dévotion.
Monsieur Haquius. David Haex était le frère de la femme de Gaspar Gevartius. En
1620, il séjournait à Paris ou passait par là, en se rendant à Rome où il
habitait à partir de 1621.
Les têtes de Cicéron, de Sénèque et de Chrysippus. Comme nous l'avons déjà vu,
Rubens avait rapporté d'Italie une tête antique de Sénèque. Les deux autres
provenaient probablement des échanges faits avec Carleton. Le grand peintre fit
reproduire les têtes de Cicéron et de Sénèque dans les douze bustes de
philosophes, de généraux et d'empereurs grecs et romains (OEuvre de Rubens, nos 1215 et 1218).
Dynterus. Il ressort de ce passage, qu'en 1620, Gevartius avait déjà formé le
projet de publier la Chronique des ducs de Brabant d'Edmond De Dynter. Ce projet
ne fut pas mis en exécution et plus de deux siècles durent encore s'écouler
avant que l'ouvrage vît le jour. Il. fut publié, en 1854-1860, par Mgr. De Ram.
Les Éloges des Césars d'Autriche. Gevartius ne fit pas imprimer à cette époque [243] ses éloges des Césars d'Autriche; il les fit paraître
dans sa description de l'Entrée du Cardinal-infant Femand, à Anvers, en 1635
(Pompa Introitus, pp. 51 à 84). Les éloges des neuf derniers empereurs ont été
réimprimés dans l'édition plantinienne des Icones Imperatorum de Hubert Goltzius
(Anvers, 1645) pour servir de commentaire à leurs portraits gravés par
Christophe Jegher.
Schoonhovius. Jean de Schoonhoven, chanoine régulier à Groenendaal, près de
Bruxelles, où il mourut en 1431. Auteur de plusieurs ouvrages mystiques, la
plupart restés inédits. L'épître, dont parle Peiresc, est probablement
l'Epistola Confortatoria désignée par Valère André, sous le titre
d'Exhortatorium spirituale (Paquot IV, p. 251). La publication, dont il est
question ici, semble ne pas avoir eu lieu.
Monsieur Desselius. Valerius Andreas (Walter Driessens), de Desschel, se
désignait parfois sous le nom de Desselius. Il naquit le 27 novembre 1588 et
mourut à Louvain le 29 mars 1655. C'est l'auteur bien connu de la Bibliotheca
Belgica et d'autres ouvrages se rapportant à l'étude du droit et des lettres.
Miraeus. Albert Le Mire ou Miraeus, le célèbre historiographe, né à Bruxelles, en
1573, mort à Anvers en 1640. La manière dont son nom est mentionné dans la
lettre de Peiresc, prouve que ce dernier entretenait des relations amicales avec
le savant doyen de la cathédrale d'Anvers.
Pignorius. Laurentius Pignorius (Pignoria), né à Padoue le 12 octobre 1571,
savant archéologue, bibliophile et collectionneur de médailles, fut aumônier du
couvent des religieuses de St Étienne à Padoue, devint
chanoine à Trévise, en 1630, mourut le 13 juin 1631. Il entretint une
correspondance très suivie avec Peiresc, dont une partie est publiée dans les
Lettere d'uomini illustri (Venise, 1744, in-8°). Les lettres autographes de
Pignorius à Peiresc, de 1602 à 1629, se conservent à la Bibliothèque nationale à
Paris et 30 lettres de Peiresc à Pignorius se trouvent à la Bibliothèque de
Carpentras.
Scriverius. Pierre Schryver, célèbre philologue, né le 12 janvier 1576 à Haarlem,
élève de Juste Scaliger, s'établit à Leyde et s'y occupa des lettres sans y
remplir un emploi public. Il publia divers auteurs anciens et modernes, fit des
vers latins et néerlandais, écrivit une description de la Hollande et de
certaines de ses parties. Il mourut à Oudewater, le 30 avril 1660.
Thomas Basin, né à Rouen, fut évèque de Lisieux sous Charles VII. Accusé, sous le
règne de Louis XI, de favoriser les Anglais et les Bourguignons, il fut exilé et
dépouillé de ses biens et de son évêché. Il se retira à Louvain où il professa
le droit et alla depuis à Utrecht. Sixte IV le nomma vicaire de l'évèque de
cette ville, David-le-Bourguignon, et lui accorda le titre d'archevêque de
Césarée. Il mourut à Utrecht, le 30 décembre 1491, et c'est probablement dans
cette ville qu'il fut enterré. La vie de Charles-le-Téméraire, [244] dont parle Peiresc, doit se trouver dans l'Histoire de mon temps
(Res suo tempore Trajecti gestas), dont Antoine Mathaeus a publié un extrait
dans le tome II de ses Analecta veteris aevi.
[242]
COMMENTAIRE.
CXCIX JOHN
WOLLEY A SIR DUDLEY
CARLETON.(
8 février 1620.
)
Right honorable, my very good Lord.
According to yor Lo: command, in my passage through Antwerp, when I came from you, I repayred
to Monsr
Rubens, about the picture: and
before this tyme, I would not have fayled, to have given yor Lo: an accoumpt of my proceeding therin, wth him,
and in what case I found the said pictor; but my stay in this towne, after my
arryvall, was not above three, or fouer houers, being imployed by my Mr in a busines wch concerneth his
Maties service, some 4. or 5. dayes journey from
hence, and it is but a fewe dayes, since I am returned back; this hath ben the
only cause of my so longe sylence, for wch I moste humbly
crave pardon of yor Lo:
After I had made knowen the cause of my comming to him, by his speech and answer,
I found him both willing, and desirous, to doe yor Lo: any
service: and he desired me to give yor Lo: all humble
thancks, for the care and paynes yor Lo: doth take in his
busines, wch he shall not be able to deserve. After
further talke had wth him, he brought me into a chamber,
where the said pictor stood, and their I tooke a narrow view of it: I find it
very much cracked, and spoyled, the couller in many places beeing come off, a
goodth breadth: and there is more of it wch hangheth so
gingerly upon the cloath, that wth the leaste touch that
may be it falleth away also. In so much as in my opinion, (wch I muste confess is but small) the said peece, if it weare to be sould,
as it is now so broken, would not yeald much money: but he esteemes it at £ 10
sterling, or some thing more, only to drawe coppies by it, confesseing wthall, that if it we are parfitt, it were worth about 50
or 60 £ sterling, to wch I answered, it is true, that it
is some [245] thing broken, yet not so much, but that he who
is so good a Master, might wth a little labor, repayer
those faults, and make it good againe, (to wth said he, I
doe thincke I could doe as much as any other, but neither I nor any man els is
able to mende it). In wch opinion Mr Gorge Gage is also, whose
advice I have desired aboute it, and he hath promised me, when he goeth for
Antwerp, wch wilbe very shortly (beeing now recouvered
againe of his sickness) to goe to Monsr Rubens howse, and see it; (over whome he
hath more authority then any man I know) and he will deale wth him in such manner, as that yor Lo: shall have
satisfaction. In the meane while I will tell yor Lo: that
I found him no wayes willing to make any peece of his oune hand, or procure one
of the hand of some other rare Master, wch sould be juste
of that bignes, wthout adding to the said Pictor a good
somme of money: Yet he is contented either to make the hunting of the woolfe him
selfe, or gett done a conflicte, lanskips, prospectives, or flowers, by the
beste Masters in these Countryes; and send it yor Lo: and
what you thinck it may be more worth, then that he hath in his hands, he will be
contented wth all; but if yor Lo:
will have that of the woolfe, the posture of them, must be a good deale lesse
then that yor Lo: hath at home, wherefore he thincks some
one of the other would be more fitting, yet he will leave it to yor Lo: choise.
I spake to Mr
Wake aboute the money wch was payed for the passeing yor
Lo: hangings, at Antwerp, who tould me he had not longe since receaved some
parte of it, and that he would by his firste lre-give
yor Lo: accoumpt thereofe. I have tould my Mr also of the Tapstrey hangings wch
my Lady desireth, and their shalbe no indeavor spared, to procure them for her
La: if they may be had in this toune. So desiring pardon for this bouldnes, I
moste humbly take my leave.After the return of Mr
Gage from Antwerp, I will take the bouldnes te write to you: Lo: againe, and
inclose my Lo: Davers lere w. hin it.
From Bruxelles the 8 of February 1620 St° n°.
John Wolley.
Yor Lo: moste humble and ever ready to be
commanded
John Wolley.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 49.
Publié en majeure partie par Noel Sainsbury. Op. cit., p. 50.
[246] TRADUCTION.JOHN WOLLEY
A SIR DUDLEY CARLETON.
[246]
TRADUCTION.JOHN WOLLEY
A SIR DUDLEY CARLETON.Milord.
En venant de Votre Seigneurie, je me suis rendu, à mon passage d'Anvers et selon
ses ordres, chez Monsieur Rubens pour voir le tableau; je n'aurais pas manqué de
vous faire déjà un rapport sur ce que j'ai traité là avec lui et de vous dire en
quel état j'ai trouvé cette peinture, mais mon séjour en cette ville, depuis le
moment de mon arrivée, n'a point dépassé trois ou quatre heures, étant occupé
pour mon maître dans une affaire qui concerne le service de Sa Majesté, à quatre
ou cinq journées de voyage d'ici; et c'est depuis quelques jours seulement que
je suis revenu. C'est la seule cause de ce long silence, pour lequel j'implore
le pardon de Votre Seigneurie.
Après avoir fait part à M. Rubens du motif de ma visite, j'ai recueilli de sa
réponse et de ses discours l'impression qu'il veut et désire rendre n'importe
quel service à V. S.; il m'a prié de Vous présenter ses humbles remerciements
pour les soins et les peines que V. S. s'est donnés pour son affaire et dont il
ne saurait Vous exprimer assez sa gratitude. Après quelques moments d'entretien,
il me conduisit dans une pièce où se trouvait la susdite peinture que je pus
examiner de près. Je la trouve très crevassée et abimée; en maints endroits, la
couleur s'est écaillée sur une bonne largeur et plus d'une de ces écailles est
attachée si faiblement à la toile, qu'au moindre attouchement elle doit s'en
détacher. Pour autant que je puisse en juger — et j'avoue que ma compétence est
faible — cette pièce, si elle devait se vendre, dans l'état de détérioration où
elle se trouve aujourd'hui, ne se paierait pas un grand prix. Cependant, M.
Rubens l'estime 10 £ sterling ou même quelque chose de plus, uniquement pour en
tirer des copies: il avoue toutefois que si l'oeuvre était intacte, elle
vaudrait de 50 à 60 £ sterling. Je répondis à cela: il est vrai qu'elle est
assez détériorée; toutefois elle ne l'est pas tant que, lui, un si excellent
maître, ne pourrait, avec un peu de travail, réparer ces défauts et en faire
derechef un bon tableau. A quoi M. Rubens me répliqua: Je crois que je puis
faire autant qu'un autre; mais ni moi, ni personne ne serait capable de
restaurer ceci. M. George Gage, dont j'ai voulu avoir l'avis là-dessus, est de
la même opinion; à son voyage à Anvers qui aura lieu bientôt, car il est rétabli
de sa maladie, il m'a promis de se rendre chez M. Rubens, sur lequel il a plus
d'autorité que personne, de tout y voir et de traiter avec lui de telle façon
que V. S. en soit satisfaite. En attendant, je dois dire à [247] V. S. que j'ai trouvé le peintre se refusant absolument à exécuter
une oeuvre de sa main ou à faire exécuter par la main de quelqu'autre maître de
renom, une pièce ayant exactement cette dimension, sans que l'on ajoutât au
tableau offert une bonne somme d'argent. Il est disposé aujourd'hui soit à
peindre, de sa main, une Chasse au Loup, soit à faire faire un combat, des
paysages, des perspectives, des fleurs, par les meilleurs artistes de ce pays et
de les envoyer à V. S. et ce que vous estimerez le tableau fourni par lui valoir
plus que celui que vous lui avez envoyé, il s'en contentera. Cependant si V. S.
désirait la Chasse au Loup, la dimension serait notablement inférieure à celle
que V. S. possède déjà; aussi M. Rubens. est d'avis qu'une oeuvre d'un de ces
autres maîtres Vous conviendrait davantage; mais il laisse le tout à votre
choix.
J'ai parlé à M. Wake de l'argent payé à Anvers pour le port des tapisseries de
Votre Seigneurie. Il m'a dit que depuis peu il en a reçu une partie et que, dans
la première lettre qu'il Vous écrira, il en rendra compte. J'ai parlé également
à mon maître des tapisseries que Milady désire et je n'épargnerai aucune peine
de les lui procurer s'il y a moyen de les trouver dans cette ville. En demandant
pardon pour la liberté prise, je prends humblement congé.
Après le retour de M. Gage d'Anvers, je prendrai la liberté de Vous écrire de
nouveau et de joindre à ma lettre celle de Mylord Danvers.
De Bruxelles, le 8 février 1620, style nouveau.
John Wolley.
De Votre SeigneurieLe très humble et très obéissant serviteur
John Wolley.
COMMENTAIRE.
John Wolley, l'auteur de cette lettre, était le porteur des dépêches de William
Trumbull; en 1623, il devint son secrétaire. Le tableau qu'il a vu chez Rubens
est la Création par le Bassan, dont nous avons déjà entendu et dont nous
entendrons encore parler maintefois. Rubens, à qui l'on avait demandé un de ses
tableaux ou un tableau d'un autre maître en échange de la peinture italienne,
offre une Chasse aux Loups de moindre dimension que celle que possédait
Carleton, ou bien une piéce qu'il commanderait à un autre maître. On verra plus
loin que Carleton choisit pour son ami Lord Danvers, non pas une Chasse aux
Loups, mais une Chasse aux Lions par Rubens.
Molto Illusre Sigr mio Ossermo.
Ho ricevuto dal Eccto Sigr
Ambasciator Carlethon l'atto di
prohibitione della Sigi. Stati chè è stato carissimo
perche spero ch'avera il medesimo effetto in questa forma come in quella di
privileggio. Certo io confesso d'haver un gran obligo à V. S. in questo negocio
poiche non solo colla sua diligenza ma anco con quella replica cosi destra et à
proposito ha dato il colpo peremptorio a tutte le difficulta che se li
opponevano. Io vorrei poterla riservire et mi stimerei felice se V. S. mi desse
della occasioni di poterlo fare che non mancarei di mostrarmi grato piu colle
effetti che colle parolle, ma de çio mi rimetto à tempo e loco. Toccante quel
miserone chella mi dice mi remitterî à quanto lei consigliara, perche potendo
far di manco senza alcun pregiudiçio per l'avenire io non vorrei buttar le cose
mie a che nolle merita perche dar poco a un personnagio di quel grado esset
contumeliae proximum. Ma sopra cio aspettaro piu certo aviso di V. S. Col Sigr Ambasciator mi governaro come lei mi dice havendo ancor
delle altre occasioni in mano di poterli riservire. Le stampe V. S. potra
lasciarle dove sono, poiche habbiamo ottenuto la nostra intentione et usciranno
colla gratia divina ben presto delle altre meglio riuscite. Et con questo baccio
à V. S. mille volte le mani et la ringratio di vero core per quanto ha mostrato
di passione et affetto in favor mio.
D'Anversa alli di 11 Marzo 1620.
Pietro Pauolo Rubens.
Di V. S. molto IIIreServitor affettmo
Pietro Pauolo Rubens.
Adresse:Erentfeste Wyse VoorsinnigheHeer Mynheere Pieter van Veen
Pensionnarisints Graeven Haghe.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles, Département des Manuscrits.
Publié et traduit par M. Henri Hymans, dans le Bulletin de l'Académie royale des
Sciences, etc., 63e année, 3me
série, tome 27. N° 1, p. 187, et dans Lucas Vorsterman, p. 279.
[249] TRADUCTION.RUBENS A
PIERRE VAN VEEN.
[249]
TRADUCTION.RUBENS A
PIERRE VAN VEEN.Très illustre et honoré Seigneur.
J'ai reçu de Son Excellence, l'ambassadeur Carleton, l'acte prohibitif de Leurs
Seigneuries les États, lequel m'est fort agréable, car j'espère qu'il aura, sous
cette forme, la même valeur qu'un privilège.Je reconnais, certes, Vous
devoir une bien vive obligation pour cette affaire, non seulement à cause de la
promptitude avec laquelle elle a été menée, mais aussi pour la réplique, aussi
habile que formelle, qui a porté le coup péremptoire aux difficultés qu'on Vous
objectait. Je voudrais pouvoir à mon tour Vous être utile et m'estimerai heureux
des occasions que Vous me procurerez de pouvoir témoigner ma gratitude par des
actes plutôt que par des paroles. Mais ceci se fera en temps et lieu. Pour ce
qui concerne le rapace (1)((1) Le personnage ainsi qualifié
ne peut être que Junius, secrétaire du Prince d'Orange, que Rubens, dans une
lettre du 30 septembre 1623, publiée par Gachard (Histoire politique et
diplomatique de Pierre-Paul Rubens, p. 24), représente comme un homme très
vénal et «acceptant des deux mains» (Note de M. H. Hymans).) dont Vous
faites mention, je me conformerai à vos avis.
Si je pouvais lui présenter moins, sans préjudice pour l'avenir, je ne voudrais
donner mes choses à qui ne les mérite; d'un autre côté offrir peu à un
personnage de cette qualité esset contumeliae proximum. Mais enfin, en ce qui le
touche, j'attendrai de plus amples indications. Pour le seigneur Ambassadeur, je
me comporterai comme vous me le dites, ayant, au surplus, d'autres occasions de
pouvoir lui montrer ma reconnaissance. Laissez les estampes où elles sont,
puisque nous avons atteint notre but, et, par la grâce divine, il en paraîtra
bientôt d'autres et de meilleures (2).((2) Voir pour
l'explication de cette lettre les commentaires fournis sur celle du 23
janvier 1619.)
Sur ce, je baise mille fois les mains à Votre Seigneurie et la remercie de tout
coeur du zèle et de l'affection qu'elle a témoignés en ma faveur.
D'Anvers, le 11 mars 1620.
Pierre-Paul Rubens.
De Votre Seigneurie illustre le serviteur affectionné,
Pierre-Paul Rubens.
Adresse: Au très honorable savant et prudent seigneur Monsieur Pierre Van Veen,
pensionnaire, à La Haye.
[250] CCIINCONNU AU COMTE
THOMAS D'ARUNDEL.(17 juillet 1620.)
[250]
CCIINCONNU AU COMTE
THOMAS D'ARUNDEL.(17 juillet 1620.) Très illustre comte et révéré patron,
Aussitôt après mon arrivée dans cette ville, j'ai présenté la lettre de Votre
Seigneurie à Monsieur Rubens, le
peintre, qui l'a reçue et lue avec des marques évidentes de satisfaction. Je
Vous donne sa réponse: «Quoique, dit-il, j'aie refusé d'exécuter les portraits
de bien des princes et de bien des gentilshommes, spécialement du rang de Sa
Seigneurie, cependant je me crois tenu d'accepter de Monsieur le Comte l'honneur
qu'il me fait en demandant mes services, le regardant comme un évangéliste pour
le monde de l'art, et comme le grand protecteur de notre état, » et après
d'autres semblables paroles aimables et polies, il se mit à faire des
arrangements en vue de la séance de Milady pour le lendemain. Il a déjà esquissé
le portrait de Madame la Comtesse, avec Robin son nain, son fou et son chien.
L'esquisse demande cependant encore quelques légères retouches qu'il fera demain
et le jour suivant. La Comtesse quitte la ville, avec l'intention de passer la
nuit à Bruxelles. Il arriva que lorsque Rubens voulut se mettre à l'oeuvre, il
ne put trouver dans le moment une toile suffisamment grande à son gré. C'est
pourquoi, ayant dessiné les têtes dans leur forme définitive, il ébaucha les
poses et les draperies sur le papier, et fit séparément le dessin du chien; mais
il a fait préparer une toile de la grandeur requise, et fera lui-même la copie
de ce qu'il vient de faire pour l'envoyer à Votre Seigneurie avec les esquisses
originales. Il a assuré à la Comtesse qu'il ne peindra personne si ce n'est sur
votre recommandation.
Van Dyck habite avec Rubens, et ses ouvrages commencent à être presque aussi
estimés que ceux de son maître. C'est un jeune homme de vingt et un ans, ses
parents habitent cette ville et sont fort riches; il sera difficile de le
décider à quitter, d'autant plus qu'il remarque quelle immense fortune Rubens
amasse (1).((1) Hookham Carpenter donne le texte original du
dernier alinéa. Op. cit., p. 7, en note: «Van Deick sta tuttavia con il
Sigr. Rubens e viene le sue opere stimate pocho meno di quelle del suo
maestro. E giovane de vintiun anno, con padre et madre in questa citta molto
ricchi; di maniera che è difficile, che lui si parta de queste parti; tanto
più che vede la fortuna nella quale è Rubens.»)
Original appartenant au duc de Norfolk. Publié en anglais dans History and
Antiquities of the Castle and Town of Arundel, including the Biography of its
Earls from [251] the Conquest to the present time, by the
Rev. M. A. Tierney. 2 vol. in-8°, Londres 1834, vol. 2, pp. 489-490. — Réimprimé
en anglais dans Hookham Carpenter. Op. cit., p. 6, et en français dans la
traduction de l'ouvrage de Hookham Carpenter, par Louis Hymans, p. 9.
COMMENTAIRE.
Le tableau, dont il est question dans cette lettre, est le portrait du Comte et
de la Comtesse Thomas d'Arundel, qui se trouve dans la Pinacothèque de Munich
(OEuvre de Rubens, n° 888). Ce tableau contient non seulement les portraits de
la Comtesse d'Arundel, de son nain, de son fou et de son chien, mais encore
celui du Comte d'Arundel. Il est visible par la place secondaire que ce dernier
occupe dans le tableau et par le ton effacé dans lequel il est peint, qu'il a
été introduit après coup dans la composition.
Le dernier alinéa, se rapportant à Antoine Van Dyck, est fort important pour
l'histoire du plus grand des élèves de Rubens. Il prouve de quelle estime le
jeune maître, qui était alors âgé de vingt-et-un ans, jouissait déjà dans le
monde des connaisseurs de son pays et de l'étranger; il nous apprend en outre
que Van Dyck habitait chez Rubens et que, à cette époque déjà, on faisait des
démarches pour l'attirer en Angleterre.
Contrairement à l'attente de l'auteur de la présente lettre, ces démarches furent
bientôt couronnées de succès. En effet, une ordonnance de paiement sur le trésor
public de l'Angleterre, datée du 16 février 1621, alloue une somme de 100 livres
sterling à Antoine Van Dyck en récompense de services spéciaux rendus par lui à
Sa Majesté le roi Jacques I. Le 28 du même mois, un passeport est accordé à
Antoine Van Dyck «serviteur de Sa Majesté» pour s'absenter de l'Angleterre
pendant huit mois. ((1) Hookham Carpentér. Op. cit., pp. 9
et 10.)
Serenissimo Signore.
Ritrovandomi questi giorni passati à Brusselles, intesi con molto mio gusto dal commissario Oberholtzer, che li
due quadri mandati ultimamente à Vostra Altezza erano capitati à salvamento, ben
mi dispiacque al incontro d'intendere cherano riusciti troppo corti secondo la
proportione del ornamento già posto al suo loco, il qual errore però non procede
d'alcuna mia negligenza ò colpa ò per essersi mal intese le misure, come appare
per il dissegno mandatomi da Vostra Altezza, il quale ancora mi ritrovo in mano
et ha 16 piedi di Neoburgh d'altezza e 9 piedi di largezza essendovi ancora
notata la misura del piede de Neoburgh, le quali misure si confrontano in tutto
e per tutto colli telari sopra li quali furono attaccati questi quadri, che
ancora sono in essere, pur mi consola, che spero la differenza non esser tanto
grande, che non si possa facilmente rimediarvi con aggiungere qualque cosetta
d'alto ò da basso al ornamento, che senza pregiudicio della bona simmetria
supplirà à questo diffetto. Et si Vostra Altezza sarà servita di farmi sapere
quanta sia la differenza, io m'offerisco a far un dissegno secondo la mia
fantasia del modo che mi parerà il più opportuno da potervi rimediare.
Altro non ho per adesso che bacciar a Vostra Altezza Serenissima
humilmente le mani et offerirmi devotissimo suo servitore.
D'Anversa alli 24 di Giulio 1620.
Parve a tutti quelli que videro questi quadri in casa mia, essere la loro
proportione troppo svelta et che sarebbono comparse meglio le fatiche
impiegatevi in minor altezza, pur la necessità del sito scusa questo.
Pietro Pauolo Rubens.
Di Vostra Altezza Serenissimahumilissimo servitore
Pietro Pauolo Rubens.
[253] Adresse: Al Serenissimo Wolfgango Guilhelmo per la
Gracia di Dio Conte Palatino Ducca di Baviera Bergh Cleves etc.a
Neoburgh.
Publié par Harless dans Archiv für die Geschichte des Niederrheins, VI. —
Rosenberg. Rubensbriefe, p. 57.
TRADUCTION.RUBENS AU DUC WOLFGANG-GUILLAUME DE
BAVIÈRE.
Sérénissime Seigneur.
Me trouvant à Bruxelles ces jours passés, j'appris à ma grande satisfaction, du
commissaire Oberholtzer, que les deux tableaux envoyés dernièrement à Votre
Altesse étaient arrivés en bon état; mais en revanche, j'entends avec regret
qu'ils sont trop courts en proportion de l'encadrement orné déjà mis en place.
Toutefois cette erreur ne provient d'aucune négligence ou faute de ma part; elle
n'a point pour cause une méprise sur les mesures, comme le prouve le dessin que
V. A. m'a envoyé et que je possède encore; or, il porte 16 pieds de Neubourg
pour la hauteur et 9 pieds de largeur, et l'on y voit notée la mesure du pied de
Neubourg. Ces mesures concordent toutes, exactement, avec les châssis sur
lesquels les toiles ont été tendues et qui existent encore. Mais je me console
par l'espérance que la différence ne doit pas être si grande que l'on ne puisse
aisément y remédier en ajoutant soit en haut, soit en bas à l'encadrement, l'une
ou l'autre petite chose qui couvrirait la lacune, sans nuire à la bonne symétrie
de l'ensemble. Si V. A. veut bien me faire savoir de combien est la différence,
je m'offre à dessiner, d'aprés mon idée, un projet qui me semblerait le plus
propre à remédier au défaut.
N'ayant plus rien à dire en ce moment, je baise très humblement les
mains de V. A. S. en me disant son très humble serviteur.
D'Anvers, le 24 juillet 1620.
Tous ceux qui ont vu les deux tableaux chez moi, s'accordent à dire qu'ils sont
de proportion trop svelte et que s'ils étaient diminués de hauteur, on verrait
mieux apparaître le travail que ces toiles ont coûté. Toutefois les exigences du
lieu sont l'excuse de ce qui a été fait.
Pierre-Paul Rubens.
De Votre Altesse SérénissimeLe très humble serviteur
Pierre-Paul Rubens.
[254] Adresse: Au Sérénissime Wolfgang-Guillaume, comte
palatin, duc de Bavière, Bergh, Clèves, etc. à Neubourgh.
COMMENTAIRE.
Les deux tableaux dont il s'agit, sont l'Adoration des Bergers et la Descente du
Saint Esprit dont il a déjà été question dans la lettre du 7 décembre 1619,
adressée par Rubens au duc de Neubourg.
CCIII JEAN
VANDEN WOUWER A BALTHASAR
MORETUS.(1 octobre
1620.)
Amicisse Eruditissimeq. Amicorum.
Exiguum ad munus, sed magni viri imaginem mitto. Nuper hoc addixeram, cum
aedificationis vestrae splendorem adaugere conabamur, et aeternae Typographiae
vestrae in laudes efferebamur. Gaudebam sane intimo corde, cum contemplarer
immortalis virtutis, incomparabilisque memoriae Plantinum avum tuum, tam digno
heredi illa parasse, quae orbis universus semper laudat, perpetimq. admiratur.
Macte, Morete amantisse, et stirpis vestrae gloriam
industria, eruditione atque ista quoque exstructionis elegantia perge augere.
Sed o felicem hanc quoque nostram Antverpiam duobus praecipue civibus, Rubenio, Moretoque! Utriusque aedes spectabunt
exteri, admirabuntur advenae; nos favore et amore tam carorum capitum
felicitatem aeternum prosequemur.
Salve Dulcisse Amicorum
.
Antverpiae Kal. Octob. M. D. CXX.
Vere adfectudeditissimus
Jo. Woverius Antverp.
(Au dos de la main de Balthasar Moretus:)Jo. Woverius de nova domus meae
structura.
Archives du Musée Plantin-Moretus. Lettres reçues T-Z, p. 493.
[255] TRADUCTION.JEAN VAN
DEN WOUWER A BALTHASAR MORETUS.
[255]
TRADUCTION.JEAN VAN
DEN WOUWER A BALTHASAR MORETUS.Cher Ami,
Je vous envoie, à titre d'humble cadeau, le portrait d'un grand homme, je vous
l'avais promis, il y a peu de temps, lorsque nous voulions contribuer à
augmenter l'éclat de votre construction et lorsque nous chantions les louanges
de votre immortelle typographie. Je me réjouissais du fond de mon coeur de ce
que Plantin, votre aíeul, d'incomparable mémoire avait préparé pour un si digne
héritier, ce que l'univers entier ne cesse de louer et admirera toujours.
Courage, mon très cher Moretus, continuez à augmenter la gloire de votre famille
par votre talent, par votre érudition et aussi par la beauté de la construction
que vous élevez. Bienheureuse aussi est notre ville d'Anvers qui peut se
glorifier principalement de deux de ses citoyens, Rubens et Moretus. Les
étrangers contempleront les demeures de l'un et de l'autre, les touristes
l'admireront. Quant à nous, nous nous efforcerons éternellement de mériter la
faveur et l'amitié de deux hommes tant aimés.
Adieu, mon très cher ami.
Anvers, le 1r octobre 1620.
Votre tout dévoué et affectueux
Jean Woverius d'Anvers.
Au dos de la main de Balthasar Moretus: Jean Woverius à propos des nouvelles
constructions dans ma maison.
COMMENTAIRE.
Le portrait de l'homme illustre que Woverius envoie à Balthasar Moretus, est
celui de Juste Lipse. Il orne encore la salle du Musée Plantin-Moretus qui,
depuis des siècles, porte le nom de Chambre de Juste Lipse. Le savant professeur
est représenté tenant de la main droite un livre entr'ouvert et posant la gauche
sur la tête d'un petit chien. Le tableau porte l'inscription: Aetatis 38 A° 1585
et la devise de Juste Lipse: Moribus antiquis.
Nous avons relaté ailleurs l'histoire des bâtiments de l'imprimerie Plantinienne,
actuellement le Musée Plantin-Moretus (Catalogue du Musée Plantin-Moretus, pp.
XIV à XVII). Résumons la brièvement ici. En 1576, Plantin loua une grande maison
située dans la Rue Haute, à Anvers, où il vint s'établir. Derrière la maison
s'étendait un jardin qui, par une porte de derrière, avait une issue sur le
Marché de Vendredi. Au mois de novembre de la même [256] année, il acheta la moitié de cette propriété, comprenant le jardin et
quelques bâtiments qui le bordaient du côté du Marché de Vendredi. En 1579, il y
construisit son atelier d'imprimerie; de 1578 à 1580, il fit bâtir, sur la
partie de son jardin qui longeait la rue du Saint Esprit, trois maisons qu'il
loua à diverses personnes. Jean Moretus acheta, en 1608, l'une de ces trois
maisons; Balthasar Moretus acquit les deux autres en 1620. Dans la même année,
ce dernier fit élever, sur le derrière de ces trois maisons, un bâtiment formant
depuis lors un des quatre côtés de la superbe cour de l'imprimerie plantinienne;
un des trois autres côtés était formé par l'habitation de la famille, un second
par le bâtiment de l'imprimerie, le troisième était bordé en partie par des
constructions secondaires et ne fut complété qu'en 1637, par la construction de
la Chambre des Correcteurs et de la galerie couverte adjacente. Balthasar
Moretus fit en outre restaurer, en 1620, les parties anciennes de l'édifice et y
apporta des embellissements considérables.
Monsieur.
J'ay receu vostre despeche du 30 Aoust et ay rendu moy mesmes au P. Fronton le
pacquet qui luy estoit adressé que je pensois estre de vous, mais il se trouva
d'un autre qu'il ne cognoissoit pas.
L'autre je l'envoyai par un des miens.
La Chronique de Hainault n'est pas ce que je m'estois imaginé et le meilleur y
manque, c'est à dire la suitte plus voisine du temps du compilateur, mais je ne
laisseray pas encores de la voir volontiers. Et pour celle du cordelier Jacques
de Guise, je payerois volontiers la coppie du troisième tome, si elle se pouvoit
faire à prix honneste.
Quant à la Chronique de Verdun, j'ay faict voir à M. de Cordes ce que vous m'en
escrivez, lequel a esté ravy en admiration disant ne sçavoir que c'estoit, pour
ne l'avoir jamais veue.M. le lieutenant civil a esté confirmé Prévost des
Marchands pour deux autres années, avant que faire son ambassade en Suisse. Je
ne l'ay encores peu voir depuis la réception de vostre lettre pour luy faire pb
facs="#drucke_ed000021-1b_00279" n="257"/>vos compliments, bien les ay-je faicts envers tous les
autres que vous désiriez, fors que envers M. Rigault, pour ne l'avoir peu
rencontrer, ne par conséquent lui rendre les planches de Mr
Rubenius pour les mettre en la
bibliothèque. En ceste saison un chascun est aux champs en vendanges. Cependant
je me tiens bien obligé à Monsieur Rubens de la faveur qu'il ma faict de
m'envoyer un exemplaire de si belles pièces qui sont admirées de pardeça de tous
ceux à qui je les ay monstrées.
Mais je suis bien plus glorieux de la promesse qu'il me faict des desseins des
testes de Cicéron, Sénèque et Chrysippe. Je n'appréhende si ce n'est que ce soit
trop de besoigne, et que je n'aye pas de quoy m'en revancher en son endroict;
bien en chercheray-je tous les moyens à moy possibles.
M. du Puy vous escript sur les reproches que je luy ai faictes de vostre part de
son silence. Il fault qu'il se soit perdu quelque lettre mienne, car je vous
avois adverty de ce que un mien amy avoit traicté avec Mr
le Commandeur de la Porte, lequel disoit estre bien contant de préférer vostre
parent à un autre en luy faisant pareille condition, pour raison de quoy il
devoit envoyer bien tost quelqu'un des siens sur les lieux. Je ne sçay ce qui en
aura esté faict, bien ay-je ouy dire depuis, qu'il avoit changé ceste pièce pour
quelque autre, comme telles obtions sont fréquentes en son ordre. Vous debvez
sçavoir si cela est. On attend icy bien tost la Roy ne mère et si luy y vient,
j'en sçauray de plus fraisches nouvelles.Je vous remercie du soing que vous
avez eu de Thomas Basin et vous supplie de continuer et que nous ayions bien
tost vos XII Césars.
Au surplus, il s'est découvert un monument d'antiquité du tout excellent, où est
représentée l'Apothéose de l'Empereur Auguste, avec les images de Jules César,
de Marcellus, du fils de Germanicus, habitu Cupidinis, dans le Ciel, et de
Tibere en Terre, avec Livia, Germanicus, Antonia, Agrippina, Galigula (sic),
Drusus, fils de Tibère et Livilla, et neuf ou dix figures de nations captives.
Il y a bien à estudier. Mais principalement sur ce que Marcellus est à cheval
sur un Pégase. Pensez-y, je vous prie, et m'employez en ce que me cognoistrez
propre pour vostre service, comme
MonsieurVostre très humble serviteur
de Peiresc.
[258] Je vous supplie de faire mes trez humbles
recommandations à Mr Rubens et à Mr
Miraeus.
De Paris, ce 3 octobre 1620.
(Note de Gevaerts, à la fin, se rapportant à la Chronique de
Verdun:)Chronicon Verdunense, auctore Laurentio Leodiensi, monacho caenobii
Sancti Victoris apud Virdunum. Exstat ibidem M. S. Illud dedit amico cuidam
Parisiensi (1).((1) La Chronique de Verdun, écrite par
Laurent de Liège, moine du couvent de Saint Victor, auprès de Verdun. Le
manuscrit se trouve encore dans ce couvent. Il l'a donné à un ami de
Paris.)
Adresse: A Monsieur Gevartius, chez Mr Nicolas Bax,
marchand, rue de Hoochstrate, à l'enseigne de la Halle de Turnhout à Anvers.
Autographe de Peiresc à la Bibliothèque royale de Bruxelles, Ms. 5989, f° 110,
Correspondance de Gevartius. Publié en partie (13 lignes: «Bien ay faict vos
complimens — à moy possibles» par M. Gachet. Op. cit., p. 3.
COMMENTAIRE.
Le père Fronton (Fronton du Duc), jésuite, né à Bordeaux en 1558, professa la
rhétorique et la théologie dans plusieurs collèges de son ordre, fut nommé
bibliothécaire à Paris, en 1604, mourut dans la même ville, le 25 septembre
1624. Ses principaux travaux littéraires consistent en éditions de divers pères
de l'église grecque.
Le cordelier Jacques de Guise, moine franciscain, né à Mons, en Hainaut, vers
1334, écrivit six livres de Annales Hannoniae son Chronica illustrium principum
Hannoniae ab initio rerum usque ad annum Christi 1390, dont trois furent publiés
en français à Paris, en 1571, sous le titre de Les Illustrations de la Gaule
Belgique. Il mourut à Valenciennes, le 6 février 1399.
M. de Cordes. Jean de Cordes, né à Limoges en 1570, chanoine de Limoges, abbé de
Mausac, était un bibliophile distingué et écrivit plusieurs ouvrages
historiques. Il mourut à Paris, en 1642. Il avait réuni une bibliothèque de
choix qui fut achetée par le Cardinal Mazarin, et forma le noyau de la
bibliothèque Mazarine.
Monsieur Rigault. Nicolas Rigault, philologue, naquit à Paris en 1577. Après la
mort de Casaubon, il fut nommé garde de la bibliothèque du roi.
[259] Il publia une édition des oeuvres de Tertullien et
plusieurs autres ouvrages d'érudition. En 1633, il entra dans la magistrature.
Il mourut à Toul, en 1654.
Les planches, dont il est question ici, doivent être les premières gravures que
Rubens fit faire, d'après ses tableaux, par Lucas Vorsterman.
L'Apothéose de l'empereur Auguste. C'est le Camée de la Sainte Chapelle de Paris,
actuellement au cabinet des médailles de la bibliothèque nationale de Paris et
appellé communément Gemma Tiberiana. Les explications données des personnages et
des événements reproduits sur cette pierre célèbre entre toutes, diffèrent
beaucoup. Rubens la fit graver dans la suite de ses Camées (OEuvre de Rubens, n°
1220). Nous en entendrons encore parler dans les lettres de Peiresc à Rubens et
y reviendrons.
CCV WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.(27 octobre
1620.)
My Lord.
Mr
Mathew is nowe absente at Leege, so
that I cannott speake to him about yor L: picture made by
Rubens: but I have written
to him, and sente that yor L: was pleased to authorise me
to open. Either by both, or one of us yor L: shall have
that busines done wth all possible care and circumspection
Yor L: most affectionate and humble servante
W. Trumbull.
From Bruxelles this 17/27 October 1620.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 49.
Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 51.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Milord.
Mr Mathew est en ce moment à Liège, de sorte que je ne puis
lui parler du tableau fait par Rubens pour V. S. Mais je lui ai écrit et lui ai
envoyé [260] ce que Vous m'avez autorisé à ouvrir. Soit
par tous deux, soit par l'un de nous, cette affaire sera traitée pour V. S. avec
tout le soin et la prudence possibles.
Votre très affectionné et très humble serviteur
W. Trumbull.
Bruxelles, le 27 octobre 1620.
CCVI WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.(16 novembre
1620.)
My singuler good Lord
For yor L: picture Mr Mathewe, and I
vvill joyne or cares, creditte, and dilligence to procure
it at the beste, and easyest rate. And either jointly or severally, wee will
repaire thether (I meane to Antwerp) to
gett yr L: contentment; or at leaste to bringe Sigr
Rubens to a price indifferent
Yor L: most faithfull and devoted servante
W. Trumbull.
Bruxelles this 6/16 November 1620.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 49.
Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 51.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Milord.
Mr Mathew et moi nous joindrons nos efforts, notre
influence et notre activité pour procurer à V. S. le tableau aux conditions les
meilleures et les plus commodes. Et soit ensemble, soit séparément nous nous
rendrons à Anvers, pour satisfaire V. S. ou pour amener au moins Rubens à un
prix acceptable
Votre fidèle et dévoué serviteur
W. Trumbull.
Bruxelles, 16. novembre 1620.
May it please your Lp.
I have receaved your Lps of ye 12 of
ye last, and as soone as I found by Rubens yt ye Caccia was ended I came hither to serve your Lp. I have seen both ye Creation
& ye Caccia; they are just of a bigness. The
Creation is so intirely spoyled, yt for my part I would
not be bound to hange it up in sight, though he would give it me for nothinge;
and he offers it to me, or to any body for fifteene Duckatts. It daily growes
worse and worse by any indeavor yt he can use to helpe it.
The Cornice came not wth it.
The Caccia is of an excellent desseigne. There ar Lyons & Tygars, and
three mon on horse backe (some in halfe figures) huntinge, & killinge
beastes & beinge killed by them. The originall was a rare thinge
& sold to ye Duke of Bavaria for a hundred pound
starlinge, but it was bigger than this. Rubens confesseth in confidence yt this is not all of his owne doinge and I now thanke him
for this confession, for a man who hath but halfe an eye, may easily discerne
it; but he protests yt he hath touched it over all, in all
ye partes of it. I must confess a truth to yor Lop(though I know he will be angry
at it, if he know it) yt it scarce doth looke like a
thinge yt is finished and ye
colorito of it doth little please me, though upon ye whole
matter it be a gallant peece, for ye desseigne of it is
precious.
I did, wth ail ye discretion I had,
deale wth him about ye price, but
his demands ar like ye lawes of Medes and Persians wch may not be altered. He valued, as he sayth (in a letter
to Mr
Trumbull) his Caccia at a hundred
Philipps besides ye Creation. I wish yt letter had not been written, for I see it helpes to oblige him to be
unreasonable. Yet I was so imprudent as to offer him fifty Dukatts & so
by degrees but ye cruell courteous Paynter would not sett
a less price upon it then before; but told me, as he sayd he told Mr
Trumbull, yt he would referr himselfe to your Lps curtesy. I
told him plainly yt I would not oblige you to such a
proportion of expence, yt I thought he might content
himselfe wth less; yt yow did but
ordayne this picture out of [262] a compliment to a friend of
yours in England, and yt if he would not consent I would
tell your Lp in what case thinges stood, & what I
had seen & what I had sayd, yt your Lp might take your owne resolution. And so your Lp sees I do, and if yet any thinge remayne to be done by
me, I am both in this and in any thinge of your Lps
service as ready as your Lps owne hart can thinke or wish,
and so I continue.
Your Lps most humble andmost affectionate
servant ever,
Tobie Matthew.
Antwerp, this 25 of 9ber 1620.
Post. If the case were mine, I would make no difficulty to send him fourescore
Duckatts & to thinke yt he might well be contented
wth it. For verily though I had much use for such a
picture, I would be very loath to give him for it 15 pound. Yet perhaps for so
small a matter, you will not have him be able to say yt
you ar content to beate a bargayne wth him.
Post. Your Lp will have heard how Van Dike his famous
Allievo is gone into England, & yt the Kinge hath
given him a Pension of £ 100 pr ann. I doubt he will have
caried ye desseigne of his pieces into England; &
if he have, I durst lay my payre of hands to a payre of gloves, yt he will make a much better piece then this is for halfe
ye money yt he asks. Perhaps I
am deceaved; but I thought fitt to tell your Lp playnly
all yt I knowe, or feare in this; though I doubt not but
your Lp will dexterously govern the knowledge of it, for
else this fellow will flye upon me. Yet please your selfe, for I am at a poynt.
T. M.
Yr Lp
T. M.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 49.
Publié par Noël Sainsbury, Op. cit., p. 52.
TRADUCTION.TOBY MATTHEW A SIR DUDLEY CARLETON.
Milord.
J'ai reçu la lettre de V. S. du 12 courant et aussitôt que j'ai su par Rubens que
la Chasse était terminée, je suis venu ici pour votre service. [263] J'ai vu les deux tableaux, la Création et la Chasse, ils ont
justement la même grandeur. La Création est si complètement détériorée que, pour
ma part, je ne voudrais pas être obligé à la pendre devant mes yeux, même s'il
voulait me la donner pour rien, et il me l'offre à moi ou à n'importe qui pour
quinze ducats. Elle devient plus mauvaise de jour en jour quelqu'effort qu'il
fasse pour la conserver. Le tableau est venu sans cadre.
La Chasse est d'un beau dessin. On y voit des lions et des tigres, trois hommes à
cheval et quelques autres vus à mi-corps, chassant et tuant les animaux ou tués
par ceux-ci. L'original était une oeuvre excellente, vendue au duc de Bavière
pour cent livres sterling; mais elle était plus grande que celle-ci. Rubens m'a
avoué confidentiellement qu'elle n'est pas toute entière de sa main; je le
remercie maintenant de cet aveu, car un homme n'ayant que la moitié d'un oeil,
s'en apercevrait aisément; cependant Rubens affirme qu'il a retouché le tableau
entièrement dans toutes ses parties. Je dois dire la vérité à V. S., quoique je
sache que Rubens sera mécontent s'il l'apprend; on voit à peine que c'est une
chose achevée et la couleur ne m'en plaît guère, bien que l'oeuvre dans son
ensemble forme une belle pièce et que le dessin en ait de la valeur.
En toute discrétion, je me suis entretenu avec lui du prix; mais ses prétentions
sont comme les lois chez les Mèdes et les Perses, elles sont immuables. Il
évalue, dit-il, dans une lettre à M. Trumbull, la Chasse à cent philippes en
outre de la Création. Je voudrais que cette lettre ne fût pas écrite, car je
vois que cela le met dans l'obligation d'être déraisonnable. J'ai été assez
imprudent de lui offrir par degrés jusqu'à cinquante ducats; mais, avec une
impitoyable politesse, le peintre n'a pas voulu diminuer son prix primitif; il
me répond, comme il dit avoir répondu à M. Trumbull qu'il s'en référera lui-même
à la courtoisie de V. S. Je lui ai dit ouvertement que je ne voulais pas Vous
obliger à une dépense aussi élevée, que je croyais que lui-même pouvait se
contenter d'une moindre somme, que Vous aviez commandé ce tableau seulement
comme une gracieuseté à faire à l'un de vos amis en Angleterre, et que s'il ne
voulait pas y consentir, j'informerais V. S. de l'état des affaires et de ce que
j'ai vu et dit: V. S. elle-même prendrait ensuite une résolution. C'est ce que
je fais, comme V. S. le voit: s'il me reste quelque chose à faire, je suis en
ceci, comme en toute autre chose, au service de V. S. autant que Vous pouvez
l'imaginer et souhaiter et c'est ainsi que je me nomme
Votre très humble et très affectionné serviteur pour toujours
Toby Matthew.
Anvers, 25 novembre 1620.
[264] Post-scriptum. Si l'affaire était mienne, je ne ferais
aucune difficulté de lui envoyer quatre-vingts ducats et je crois qu'il pourra
bien se contenter de cette somme. En effet, quoique je trouverais facilement
l'emploi d'un tel tableau, je ne serais nullement disposé à lui en donner quinze
livres. Peut-être cependant, pour une pareille bagatelle, Vous ne voudriez pas
qu'il pût dire que Vous marchandez avec lui.
Post-scriptum. Votre Seigneurie aura appris comment Van Dyck, le fameux élève de
Rubens, s'est rendu en Angleterre et que le roi lui a fait une pension annuelle
de cent livres. Je doute qu'il ait apporté avec lui en Angleterre le dessin de
ses pièces; s'il l'a fait, j'oserais parier ma paire de mains contre une paire
de gants, qu'il exécutera une oeuvre meilleure que celle-là pour la moitié de la
somme que Rubens demande. Je me trompe peut-être, mais j'ai cru convenable de
faire part à Votre Seigneurie de tout ce que je sais ou crains en cela.
Toutefois, je n'en doute pas, Elle se servira habilement de ces renseignements,
sinon je me mettrais ce camarade à dos. A présent, c'est à Vous d'aviser, quant
à moi j'ai fait ce que j'ai pu.
T. M.
De V. S.
T. M.
CCVIII
WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY CARLETON.(29 novembre 1620.)
My singuler good Lord.
Sigr
Rubens hath finished yor L: picture, and by his lettre to me doth affirme, that
yor L: Creation of Bassan° is not woorth (of any mans
monney) above 50 or 60 gilders: and for the other he hath made for yor L: that it is finished; and to shewe his love and
respect to yor L: he wilbe contente for his paynes wth 100. M. Mathew before this tyme, is gonne to Antwerp to viewe it, and at his returne,
(if he wryte not himself) I will acquainte yor L: wth his reporte
Yor L: moste aftectionate servante
W. Trumbull.
From Bruxelles the 19/29 of November 1620.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 49.
Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 52.
[265] TRADUCTION.WILLIAM
TRUMBULL A SIR DUDLEY CARLETON.
[265]
TRADUCTION.WILLIAM
TRUMBULL A SIR DUDLEY CARLETON.Milord.
Mr Rubens a terminé le tableau de V. S. et, dans la lettre
qu'il m'écrit, il affirme que votre Création du Bassan ne vaut pas, en quelque
monnaie que ce soit, au delà de 50 à 60 florins; il m'annonce que le tableau
qu'il fait pour Vous est achevé et que, pour montrer l'affection et le respect
qu'il porte à V. S., il se contentera de 100 (philippes) pour son travail. M.
Mathew est allé en ce moment à Anvers pour voir l'oeuvre; à son retour, s'il ne
Vous écrit pas lui-même, je ferai part à V. S. du rapport qu'il m'aura fait.
Votre très affectionné serviteur
W. Trumbull.
Bruxelles, 29 novembre 1620.
CCIX WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY' CARLETON.(8
décembre 1620.)
Right Honorable my very good Lord:
For yor Caccia made by Rubens, I referre yor L:
to the answere made by Mr. Toby
Mathew, who gives me assurance, that it is not woorth the monney whereat it
is prised; because little, or nothing, of it is donne wth
the said Rubens his owne hande. Obedience shall be yeelded to the commande yor L: shall sende about that busines.
Yor good L: faithfull andmost devoted
servante
W. Trumbull.
Bruxelles, the 8 of December 1620.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 49.
Publié par Noël Sainsbury, Op. cit., p. 54.
[266] TRADUCTION.WILLIAM
TRUMBULL A SIR DUDLEY CARLETON.
[266]
TRADUCTION.WILLIAM
TRUMBULL A SIR DUDLEY CARLETON.Milord.
En ce qui concerne votre Chasse peinte par Rubens, je renvoie V. S. à la réponse
faite par M. Toby Matthew. Celui-ci m'affirme que le tableau ne vaut pas le prix
auquel il a été estimé, par la raison que Rubens en a peint peu de chose ou rien
du tout de sa propre main. Il sera obéi aux ordres que V. S. me fera parvenir
sur cette affaire.
Votre fidèle et dévoué serviteur
W. Trumbull.
Bruxelles, le 8 décembre 1620
CCX RUBENS AU DUC WOLFGANG-GUILLAUME DE BAVIÈRE.(Janvier 1621.)
Serenissimo Signore.
Ho tardato troppo a ringratiar Vostra Altezza Serenissima per la buona
ricompensa, che si è compiacçiuta di darmi per quelli duoi quadri fatti
ultimamente con ordine suo. Io ho datto quittanza delle tre mille fiorini al
Signor Ringout Agente di Vostra Altezza Serenissima in Brusselles, il quale mi ha trattato con molta cortesia
sempre, si ancora mi ha fatto sapere d'haver ordine di Vostra Altezza
Serenissima di dar qualche ricordo a mia moglie. Che certo mi fa arrossire tanta
amorevolezza e liberalita che Vostra Altezza Serenissima usa verso me suo
humilissimo servitore, ma questi modi di fare sono conformi alla grandezza sua e
non rispetto il poco mio merito. Che posso rendere a Vostra Altezza Serenissima
altri ringratiamenti si non dedicarmi tutto intiere alla perpetua sua servitù. I
facendo a Vostra Altezza Serenissima humilissima riverenza, li prego dal Signor
Idio un felicissimo novel anno.
D'Anversa al principio di Gennaro 1621.
Pietro Pauolo Rubens.
Di Vostra Altezza Serenissimahumilissimo e devotissimo servitore
Pietro Pauolo Rubens.
[267] Adresse: Alla Altezza Serenissimadel Serenissimo
Wolfgango Guglielmo, Conte Palatino del Reno Ducca di Baviera, Giuliers, Cleves,
Bergh, etc.in Neoburgh.
Original aux Archives de l'État à Dusseldorf. Publié par Harless. Archiv für die
Geschichte des Niederrheins, VI. — Rosenberg. Rubensbriefe, p. 58.
TRADUCTION.RUBENS AU DUC WOLFGANG-GUILLAUME DE
BAVIÈRE.
Sérénissime Seigneur.
J'ai trop tardé de remercier Votre Altesse Sérénissime de la généreuse
rémunération dont Elle a daigné me gratifier pour les deux tableaux que j'ai
exécutés dernièrement d'après ses ordres. J'ai donné quittance des trois mille
florins à M. Ringout, son agent à Bruxelles, lequel m'a toujours traité avec une
grande courtoisie et m'a fait en outre savoir qu'il a reçu ordre de V. A. S. de
remettre un souvenir à ma femme. Je suis vraiment confus de cet excès de bonté
et de libéralité de la part de V. A. envers son très humble serviteur, mais Elle
agit en conformité de sa grandeur d'âme plutôt qu'en considération de mon faible
mérite. Aussi ne puis-je adresser à V. A. d'autre marque de gratitude que celle
de me dévouer entièrement et perpétuellement à son service. Et, en présentant à
V. A. mes très humbles respects, je prie Dieu de lui accorder une heureuse
nouvelle année.
Anvers, au commencement de janvier 1621.
Pierre-Paul Rubens.
De Votre Altesse Sérénissimele très humble et très dévoué serviteur
Pierre-Paul Rubens.
Adresse: A Son Altesse sérénissime Wolfgang-Guillaume,Comte palatin du Rhin,
duc de Bavière, Juliers, Clèves, Bergh, etc.à Neubourg.
COMMENTAIRE.
Les deux tableaux, dont Rubens annonce le paiement, sont l'Adoration des Bergers
et la Descente du Saint Esprit, dont il a été question dans les lettres du 16
octobre, du 7 décembre 1619 et du 24 juillet 1620. A la première de ces dates,
les tableaux étaient fort avancés, à la seconde ils étaient terminés, à la
troisième les tableaux étaient arrivés à destination.
[268] L'usage d'offrir un cadeau à la femme de l'artiste,
suivant un accord fait, ou à titre gracieux et en témoignage de la satisfaction
causée par l'oeuvre du mari, était assez répandu du temps de Rubens. L'on sait
que la Corporation des Arquebusiers paya, comme il avait été convenu, 8 1/2
florins d'une paire de gants qu'elle offrit à Isabelle Brant, après l'achèvement
de la Descente de la Croix.
CCXI WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.(5 janvier
1621.)
The tyme is so shorte since I received yor L: laste lettre
(wch was but yesterday), wth the
bill of exchange of £ 65: for Srs
Rubens and my friend, as I have
no leisure to answere it, nor courage to mannage my penne
W. Trumbull.
Brussels 5 January 1621.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 49.
Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 54.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Milord.
Le temps est si court depuis que j'ai reçu la dernière lettre de V. S. — elle
m'est arrivée hier seulement — avec la lettre de change de 65 livres pour l'ami
de M. Rubens et le mien, de sorte que je n'ai pas eu le loisir, ni le courage de
prendre ma plume pour y répondre
W. Trumbull.
Bruxelles, 5 janvier 1621.
Mr Lock.
I have sent £ 25 sterl. to Antwerp to pay
for my L. Danvers picture wch when it shall be delivered to you (according as I have
directed) you may receave the money of my Ld.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Communiqué par
Noël Sainsbury.
TRADUCTION.SIR DUDLEY CARLETON A THOMAS LOCKE.
Mr Locke.
J'ai envoyé 25 livres sterling à Anvers pour payer le tableau de Mylord Danvers.
Quand il vous sera livré (comme vous l'avez arrangé) vous pouvez recevoir
l'argent de Milord.
COMMENTAIRE.
Comme il ressort de cette dernière lettre et de celles qui précèdent, Rubens
peignit la Chasse aux Lions et aux Tigres dont il est question en échange d'un
tableau de Giacomo da Ponte, le Bassan, représentant la Création du Monde; une
somme de 25 livres sterling fut suppléée par Carleton. Ce ne fut pas pour ce
dernier que le tableau de Rubens fut fait, mais pour lord Danvers qui l'offrit,
comme nous verrons plus loin, au prince de Galles. D'après le texte de cette
lettre, la Chasse représentait des tigres, des lions, trois hommes à cheval et
d'autres vus à mi-corps, et l'original en appartenait au duc de Bavière. Or,
dans le tableau fait pour ce dernier prince il n'y a ni tigres, ni chasseurs
représentés à mi-corps. Il faut donc admettre que dans la répétition le peintre
n'avait reproduit l'oeuvre primitive qu'avec de sérieuses modifications. Nous
ignorons ce qu'est devenue cette répétition. Nous ne savons pas davantage où se
trouve actuellement la Création du Bassan.
Rubens évaluait la Chasse à cent philippes de plus que la Création. Toby Matthew
croit qu'il se contenterait de 80 ducats et estime que 15 livres seraient un
supplément suffisant.
[270] Le philippe valait 2 1/2 florins, monnaie des Pays-Bas;
Rubens demandait donc un supplément de 250 florins. Le ducat d'or valait 7 1/2
florins, le ducat d'argent 2 fl. 12 sous. Toby Matthew parlait de cette dernière
monnaie dont les 80 valaient 208 florins. Les 15 livres sterling, comptés à 12
florins, valaient 180 florins. La lettre de change de 65 livres sterling,
envoyée le 5 janvier 1621, représentant une somme beaucoup plus considérable que
celle demandée par Rubens pour son tableau, devait servir à faire d'autres
paiements. La somme de 25 livres sterling, envoyée le 13 janvier 1621, était
encore supérieure à celle que Rubens demandait; elle n'a donc pas dû lui être
comptée en entier. Nous verrons plus loin que le tableau de Rubens ne plut pas à
Lord Danvers ni au prince de Galles, qu'il fut renvoyé au peintre et que
celui-ci de son côté réexpédia à Lord Danvers la Création du Bassan, après
l'avoir réstaurée.
Il est nécessaire, pour se faire une idée claire de ce que représentent les
sommes mentionnées dans la correspondance de Rubens, de savoir quelle était la
valeur de l'argent dans la première moitié du XVIIe siècle
relativement à ce qu'elle est aujourd'hui. En 1620, les ouvriers qui
travaillaient à Anvers au service de Balthasar Moretus, étaient pavés au taux
suivant: les maçons gagnaient 24 sous par journée, été et hiver, leurs aides 14
sous; le maitre charpentier 28 sous, les compagnons 18, 20 et 22 sous; le
tailleur de pierre 15 sous, le replâtreur 22 sous, le plombier 13 ½ sous,
l'ardoisier 24 et son aide 12 sous, les imprimeurs de 14 à 24 sous. La moyenne
du salaire des ouvriers était donc d'environ 1 florin soit 1. 80 fr. C'est à
peine si de nos jours il dépasse le double. On peut donc affirmer qu'en 1620,
l'argent avait un peu au-delà du double de la valeur de notre temps, de sorte
que l'unité monétaire de cette époque, le florin (fr. 1. 80), vaudrait
aujourd'hui environ 4 francs. Quand donc nous trouvons que Rubens reçut pour son
chef-d'oeuvre la Descente de la Croix, la somme de 2400 florins, nous saurons
qu'en monnaie de notre temps cette somme représente 9600 francs. A ce taux, le
triptyque l'Adoration des Rois de l'église St Jean de
Malines, lui fut payé 7200 francs; l'Adoration des Rois du Musée d'Anvers, 6000
francs; la Dernière Communion de Saint François d'Assise, 3000 francs. La
Galerie de Marie de Médicis, ayant été payée 20, 000 écus à 3 florins 8 sous
l'écu, lui a rapporté 272, 000 francs.
I will cause yor Lo: Caccia to be well packed up by Rubens; and sent to Mr. Lock by the first opportunity. Yr L: shall heare from me againe ère it be many days
Brussels, 13 January 1621.
To-morrowe I will dispatch one of my servantes towardes Antwerp, about yor L: picture
made by Rubens.
Brussels, January 19. 1621.
Yor L: picture shall be sente into England by the first
commodity and directed to Mr. Locke
according to yor L: order; and the monney shall instantly
be delivered to Seigr Rubens.
Brussels, January 23 1621.
Originaux: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 49.
Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p 55.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Je ferai en sorte que votre Chasse soit bien emballée par Rubens et envoyée à M.
Locke par la première occasion. Vous aurez encore de mes nouvelles avant peu de
jours
Bruxelles, 13 janvier 1621
Demain je dépêcherai un de mes domestiques à Anvers, pour le tableau que Rubens a
exécuté pour V. S.
Bruxelles, 19 janvier 1621.
Le tableau de V. S. sera expédié en Angleterre par la première occasion et
adressé, d'après vos ordres, à M. Locke; le prix en sera immédiatement payé à M.
Rubens
Bruxelles, 23 janvier 1621.
My Lord.
Yor L: picture made by Rubens is nowe absolutely finished, and made
ready to be transported to Mr. Lock.
I have by Mr. Toby Math. judgemt made upon it, endevored to gett him rebate some wath of
his exorbitant price. But he maketh semblance to take it ill, that any body
should comptrolle his resolution: and referreth himself wholly to Yor L: for his satisfaction. The money allotted for him is
in the handes of one of my frendes at Antwerp: called Mr. John Corham, and he shall not part wth it untill I have yor L: answere. Herewth I sende yor L: an extract of
Rubens his lettre to me; as I would have done the originall; but that I would
fayne shewe it to Mr. Mathew. So in extreme haste I humbly take my leave and
remayne.
Yor L: most affectionateand devoted servante
W. Trumbull.
Bruxles the 18/28 January 1620/1621.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Flanders 50.
Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 55.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Milord.
Le tableau exécuté par Rubens pour V. S. est maintenant tout à fait terminé et
prêt à être transporté chez M. Locke. En suite du jugement que M. Toby Matthew a
porté sur cette oeuvre, je me suis mis en devoir de faire rabattre quelque chose
du prix exorbitant que Rubens en demande. Mais il paraît prendre mal que
quelqu'un se permette de discuter ce qu'il a résolu et il s'en réfère
entièrement à V. S. pour obtenir sa satisfaction. La somme qui [273] lui est destinée est en mains d'un de mes amis à Anvers, M. John
Corham; celui-ci ne s'en dessaisira pas avant que je n'aie reçu une réponse de
V. S. Je vous envoie ci-joint un extrait de la lettre que Rubens m'a adressée;
si je ne vous envoie pas la lettre originale, c'est que je désire la montrer à
M. Matthew. Dans ma hâte extrême, je prends congé de V. S. en restant toujours
Son très affectionné et dévoué serviteur
W. Trumbull.
Bruxelles, le 28 janvier 1621.
CCXV PIERRE-PAUL RUBENS A WILLIAM
TRUMBULL.(26 janvier
1621.)
M.
La peinture faitte pour Monsieur l'Ambr
Carleton, est toute preste et
trèsbien accommodée dedans une casse de bois suffisante pour faire le voyage
d'Angre. Aussy je la livreray entre les mains de M.
Corham sans aucune difficulté, toutesfois quil luy plaira de la prendre, ou
d'envoyer pour icelle son moindre garçon. Mais de desdire ce que j'ay dit, à
Messrs nos Juges, asçavoir que la peinture ne vaut pas
autant, ce n'est pas ma façon de faire; car si j'eusse fait tout l'ouvrage de ma
main propre, elle vaudrait bien le double, aussy n'est-elle pas amendée
légèremt de ma main, mais touchée et retouchée par
tout esgallemt. Je confirmeray bien le mesme que j'ay dit,
que nonobstant que la peinture estoit de cette valeur, que pour les obligations
que j'ay à Monsr l'Ambr que je me
contenteray de telle récompense que bonne et juste semblerait à Son Exce sans aucune réplique. Je ne sçauroye dire davantage ne
me submettre plus amplemt au bon plaisir de ce personnage
que j'estime beaucoup plus, que personne ne sçauroit croire. Le tableau de
Bassan, lequel j'avoy en eschange, est tellemt gasté, que
tel qu'il est, je le vendray à tous venans pour quinze escus.
Transcripte de l'originale par
W. Trumbull.
[274] (26
janvier 1621.) Cet extrait de lettre de Rubens, copié par
Trumbull, était inclus dans la lettre précédente. Ainsi que les quatre lettres
précédentes de William Trumbull, il se trouve dans la correspondance de cet
agent diplomatique, qui remplit 13 volumes du Public Record Office, allant de
1611 à 1626.
Londres, Public Record Office. Foreign State Papers, Correspondance William
Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury, Op. cit., p. 248. Traduction
anglaise, ibid., p. 56. — Rosenberg. Rubensbriefe, p. 60.
CCXVI WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.(6 mars
1621.)
Rubens is paid for yor L: picture, and my friend at Antwerp hath delivered it to Mr. Dickenson, who hath
undertaken to transporte it safely to Mr. Lock. De illo plaira, at a tyme of leisure
The 6 of March 1621.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance
William Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 56.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Rubens a été payé du tableau qu'il a fait pour V. S. et mon ami d'Anvers a remis
ce tableau à M. Dickenson, qui s'est engagé à le faire parvenir en sûreté à M.
Locke. Vous en ferez connaitre votre décision dans un moment de loisir
[Bruxelles], 6 mars 1621.
Right Honorable.
I have delivered the Picture to my Lo: Davers, he made a motion to have me write to Rewben before he would pay the mony to this
effect. That the picture had bin shewed to men of skill, who said that it was
forced & slighted, and that he had not shewed his greatest skill in it.
& for that cause my Lo: would have him make a better if he could
& he should have this againe, & be pleased for the other what he
would have, for seing the Prince hath none of Rewbens worke but one peece of
Judith & Holofernes wch Rewben disavoweth,
therefore he would have a good one or none, as for this he said that he had not
yet sett it amongst the Princes pictures neither would untill it were avowed
from Rewben to be a master peece. I told my Lo: that I knew yor Lp had taken all possible care about it, and that
I dowbted not but it would prove as good as it should be, but notwithstanding
that I would write to yr Lp to the
effect of his Lps speech, and that if it pleased his Lop
to let me have the mony that yor Lp
had layed out that you had comanded me to receive it, and so I had the ₤ 25
Yor Lps faithfull and humble
servant
Th. Locke.
18 March 1620.
(Au dos:)Tho Yr Lp Mr Locke ye 18th of March 1620.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 140.
Publié par Smith. Catalogue raisonné, IX, p. 241 et par Noël Sainsbury. Op.
cit., p. 57
[276] TRADUCTION.THOMAS
LOCKE A SIR DUDLEY CARLETON.
[276]
TRADUCTION.THOMAS
LOCKE A SIR DUDLEY CARLETON.Très honorable.
J'ai remis le tableau à Lord Danvers: il propose qu'avant de le payer, j'écrive à
Rubens que son oeuvre a été montrée à des connaisseurs, lesquels déclarent
qu'elle a été exécutée à la hâte, avec négligence, que le peintre n'y a pas fait
preuve de son meilleur talent. Pour ce motif, sa Seigneurie voudrait qu'il tit
un meilleur tableau s'il lui est possible; il reprendrait celui-ci et recevrait
pour l'autre la somme qu'il stipulerait, attendu que le Prince n'ayant de lui
qu'une pièce: Judith et Holopherne que Rubens désavoue, il veut en avoir une
bonne ou pas du tout. Pour le tableau reçu, Lord Danvers dit que jusqu'à présent
il n'a pas voulu le placer parmi les autres tableaux du Prince et ne le ferait
pas avant que Rubens ait avoué lui-même qu'il a fourni un chef d'oeuvre. J'ai
dit à Milord, qu'à ma connaissance V. S. avait pris à cet égard tout le soin
possible, que je ne doutais pas que. le tableau aurait été aussi bon qu'il
devait l'être, que néanmoins, je Vous écrirais au sujet de ce que Milord m'a dit
et que, si cela plaisait à Milord, je garderais l'argent que V. S. a destiné et
m'a ordonné de recevoir pour cet achat, de sorte que j'ai les 25 livres
Votre fidèle et humble serviteur
Th. Locke.
[Westminter], 18 mars 1620 (1621).
(Au dos:) A Votre Seigneurie de M. Locke, le 18 mars 1620 (1621).
My Lo: A:
But now for Ruben in every
paynters opinion he hath sent hether a peece scarse touched by his own hand, and
the postures so forced, as the Prince will not admitt the picture into his
galerye. I could wishe, thearfore that the famus man would doe soum on thinge to
register or redeem his reputation in this howse and to stand amongst the many
excelent wourkes wch ar hear of all the best masters in
Christendoum, for from him we have yet only Judeth and Holifernes, of littell
credite to his great skill, it must be of the same bigenes to fitt this frame,
and I will be well content to showte an other arrow of allowinge what monye he
may aske in exchaynge, and theas Lions shall be safely sent him back for tamer
beastes better made. In yr own busines you will receave
satisfaction from such as ar more able to informe you, yet is thear no man more
affectionate to doe yr Lo: servis then
H. Danvers.
St Jameses this 27 May 1621.
(Au dos:)My Ld Danvers ye 27 of
May red ye 12 of June 1613
(sic.).
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 141.
Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 57.
TRADUCTION.LORD DANVERS A SIR DUDLEY CARLETON.
Milord.
Mais pour en venir à Rubens, c'est l'opinion de tous les peintres qu'il a envoyé
ici une oeuvre à laquelle il a tort peu touché de sa propre main; les poses y
sont tellement forcées que le Prince ne veut pas l'admettre dans sa galerie. Je
désire, par conséquent, que l'homme célèbre fasse quelque chose pour affirmer ou
pour rétablir sa réputation dans ce palais et s'y trouver parmi les oeuvres
excellentes des meilleurs maîtres de la Chrétienté qui sont [278] ici, car nous n'avons de lui que son Judith et Holopherne, qui
donne une faible idée de son grand talent. Il devrait nous faire une pièce de la
même dimension pour occuper le même cadre (que la Chasse), et je serais très
satisfait d'en être quitte en lui accordant la somme qu'il réclamerait pour
faire l'échange de ces lions qui lui seraient retournés sains et saufs contre
d'autres animaux plus apprivoisés et mieux peints. Dans vos affaires
personnelles, Vous serez servi par des personnes mieux à même, quoique nul ne
soit plus affectionné à Votre Seigneurie que
Votre serviteur
H. Danvers.
St James, 27 mai 1621.
(Au dos:) De Milord Danvers, le 27 mai, reçu le 12 juin [1621].
CCXIX WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.(21 juin
1621.)
(Postscript.) Mr. Toby Mathew is here
for the same subject I came thether, that is to presente my service to my Lo:
Doncaster. I conjecture he may take it unkyndely that yor
L: hath not yet made answear to his last lettre, sente wth
the picture he did visitt in the hands of Rubens.
From Antwerp this 21/11 of
June.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance
William Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 58.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
(Post-scriptum) M. Toby Matthew est ici dans le même but dans lequel je suis
venu, c'est-à-dire pour offrir mes services à Lord Doncaster. J'ai l'idée qu'il
pourrait prendre de mauvaise part que V. S. n'ait pas répondu jusqu'à présent à
sa dernière lettre, envoyée avec le tableau qu'il examina chez Rubens.
Anvers, 21 juin [1621].
My singuler good Lord.
Mr. Toby Mathew wente yesterday
towards Callais to attend my L. of Doncaster, who did intend to be there this
night or to morrow in the morning. At his retourne (wch
wilbe shortly) wee will joyne or forces, to reduce Rubens to a reasonable agreemt wth my L: Davers; and (wth yor L: favor) it were better to have a
little patience then to marre a good bargaine by ill manageinge, or for wante of
counsell
The 21/31 of
July,
W. Trumbull.
in extreme haste.Yor L: humblest servt
W. Trumbull.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance
William Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 58.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Milord.
M. Toby Matthew est parti hier pour Calais pour y recevoir Mylord Doncaster, qui
compte arriver là ce soir ou demain matin. A son retour, qui aura lieu bientôt,
nous joindrons nos efforts pour amener Rubens à un accommodement raisonnable
avec Lord Danvers. Si V. S. est de mon avis, il vaudrait mieux avoir un peu de
patience que de gâter une bonne affaire, par un défaut de prudence ou d'habileté
[Bruxelles], le 31 juillet [1621].
W. Trumbull.
En grande hâte.Votre très humble serviteur
W. Trumbull.
Je suis capable de me condouloir mais point de vous consoler de la perte que vous avez faicte de feu M. le Garde-sceaux que Dieu absolve, estant aussi inconsolablement travaillé d'ennui très grand par la mort du bon comte de Pusquoy, lequel j'ai extrêmement honnoré et suis esté fort aimé de luy de quoy j'ay receu et donné bonnes preuves en plusieurs occasions et aussi il me semble que vre mal ne peut recevoir aultre remède que par le temps et par la contemplation de la vie vertueuse et heureuse fin de ces deux grands personnages conformes en zèle très ardent au service de leurs Roys bien que différens de profession. Je vous envoie la relation véritable de la malencontreuse et funeste rencontre en laquelle le Comte s'est perdu, traduite d'une lettre espagnolle que j'ay receue de Vienne. M. Rubens a charge de faire un dessein d'emblème qui doibt estre imprimé en taille-doulce avec le pourtraict et éloge du défunct si tost qu'il sera achevé je vous envoyerai les premiers exemplaires, vous priant de me faire part de ce qui s'imprimera à l'honneur de feu Monsieur Du Vair. J'ay cognoissance du nom de cellui qui a charge de faire l'oraison funèbre, je prens la hardiesse de vous requérir à me dire vre opinion touchant sa suffisance ce que je demande pour satisfaire à la curiosité d'autrui.
De Cambray ce 19 Aoust 1621.
Autographe: Paris, Bibliothèque nationale. MSS Français, 9539. Correspondance de
Peiresc avec divers.
COMMENTAIRE.
Schilder (Robert Schilderus ou Schilders), chanoine de Cambrai ou d'Arras,
s'occupait de recherches généalogiques et d'histoire de la Flandre. Il vint en
Belgique en 1621. Le g février de cette année, il écrit d'Arras à Peiresc:
«J'iray passer la mélancolie en compagnie du Sr Rubens en
Anvers où se fera souvent mémoire de vous.»
Le garde-sceaux Guillaume Duvair naquit à Paris, le 7 mars 1556 et mourut à
Tonneins, le 3 août 1621. Il embrassa d'abord l'état ecclésiastique et entra
ensuite au barreau. En 1584, il fut pourvu d'une charge au parlement; il fut
envoyé comme ambassadeur en Angleterre et, à son retour, nommé premier [281] président du parlement de Provence. Il s'y lia d'une
étroite amitié avec Peiresc. En 1616, Louis XIII lui confia la garde des sceaux
qu'il dut abandonner quelques mois plus tard. Après la chute du maréchal
d'Ancre, le roi l'appela une seconde fois à cette charge qu'il garda jusqu'à la
fin de sa vie. Peiresc fut un de ses légataires et le défunt lui avait confié la
publication de ses oeuvres posthumes. Pour une raison qui nous est inconnue,
cette publication ne se fit pas du vivant de Peiresc; elle eut lieu en 1641 et
comprend des traductions d'Epictète et de quelques discours de Démosthènes et de
Cicéron, ainsi qu'un Traité de l'Eloquence française et des raisons pourquoi
elle est demeurée si basse, publiés par Sébastien Cramoisy, en 1641, en un
volume in-folio.
Charles de Longueval, comte de Busquoy, ou de Bucquoi, né à Arras en 1571,
commandant en chef de l'artillerie dans les pays Espagnols et, à partir de 1618,
général au service de l'empereur d'Autriche. Il se signala par de nombreuses
actions d'éclat dans les Pays-Bas et dans la guerre contre les protestants et
les Bohémiens révoltés, en Allemagne. Le 3 juillet 1621, en faisant une sortie
de Neuhäusel, il fut tué sous les murs de la place. Il fut vivement regretté à
Vienne et dans sa patrie.
Rubens peignit son portrait en costume de général en chef et l'entoura d'un
encadrement en grisaille. Comme la lettre précédente l'atteste, cette oeuvre fut
exécutée pour être gravée. Elle se trouve au Musée de Saint Pétersbourg (OEuvre
de Rubens, n° 979). Le 2 septembre 1627, dans une lettre à Dupuy, Rubens exprime
l'espoir de pouvoir bientôt lui envoyer un portrait du Comte de Busquoy. On
pourrait en déduire, et on l'a fait, qu'à cette époque il faisait travailler à
la gravure. Mais, en 1627, Luc Vorsterman qui exécuta la planche habitait
l'Angleterre. Il est donc fort probable, comme nous l'avons fait observer plus
haut (p. 205), que Rubens faisait allusion à une prochaine occasion d'expédier
un exemplaire de la gravure taillée antérieurement. A en juger par le texte de
la présente lettre, Rubens fut chargé de faire la composition de la planche en
1621, et il devient par là plus probable que Vorsterman exécuta la gravure avant
sa brouille avec le maître qui se produisit au commencement de 1622. La pièce de
Rubens confirme par sa facture la conjecture qu'elle n'a pas été faite après
l'année 1621. Le British Museum de Londres possède le dessin du portrait de
Charles de Longueval, fait et signé par Lucas Vorsterman, tel qu'il est
reproduit sur la grisaille de Rubens et sur la gravure d'après cette grisaille.
Sur le dessin de Vorsterman, le modèle est représenté sans la main qui tient le
bâton du commandement, sans les bras et sans les armoiries.
Illust. sig. et Pron mio.
Con le robbe de Enoni, et bone comodita mando un altro quadro, il più bello et
rara cosa che habbia fatta in vita mia. Ancho sig. Rubens ha fatta ben mostrande sua virtu in el
quadro de megio, essend una Madonna bell. ma. Li oitcelli, et animali son fatto
ad vivo de alcuni delli seren. ma Enfanto. Io credo per la vagagessa et
diligenza usata in quesa che su sig. Ill. m aura gusto. Io prega VS darme aviso
e farme officio d amico: per tal io tengera in vita
A di 5 Settembre 1621 d Anuers:
Jean Brueghel.
Di V S Ill. moAffet. mo serv. re
Jean Brueghel.
Original: Milan, Bibliothèque Ambroisienne. Publié par G. Crivelli. Giov.
Brueghel o sue lettere, p. 272.
TRADUCTION.JEAN BREUGHEL A ERCOLE BIANCHI.
Illustre Seigneur.
Profitant de l'occasion offerte par l'envoi des marchandises d'Enoni, je vous
expédie un autre tableau, la pièce la plus belle et la plus exquise que j'ai
faite de ma vie. Rubens aussi a bien prouvé son talent dans le tableau du
milieu, représentant une Madone. Les oiseaux et les animaux sont pris sur le
vif, d'après quelques-uns de ceux qui appartiennent à la Sérénissime Infante. Je
crois par la délicatesse et par le soin employé dans ce travail, qu'il vous
plaira. Je vous prie de m'en donner avis et d'intervenir comme ami, comme tel je
vous regarderai toute ma vie.
A Anvers, le 5 septembre 1621.
Jean Brueghel
De V. S. illustrissimeLe serviteur affectionné
Jean Brueghel
[283] COMMENTAIRE.
Le 5 septembre 1621, Jean Breughel donne avis à Ercole Bianchi de l'envoi d'un de
ses tableaux. C'était un encadrement de fleurs où se jouent des oiseaux, un
petit singe, des insectes et des lézards, entourant une Madone avec l'enfant
Jésus peinte par Rubens. Le tableau passa de la collection du Cardinal Frédéric
Borromée dans la Bibliothèque Ambroisienne, d'où il fut enlevé par les troupes
françaises à la fin du siècle dernier. Il fut transporté au Louvre, d'où on
oublia de le repatrier en 1815 (OEuvre de Rubens, no 199). Le même jour Jean
Breughel écrivit au Cardinal Frédéric Borromée (1)((1) «(Il
quadro del elemento del' ario) e andata chinque settemani sono colle robbe
del Sig. Annoni et auront li ho dato per compagnia un altro qnadro rarissima
pur de mia mano, che per esser tale ho destinato tanto piu volontieri a VS
Ill. mo quanto lei mostra di tener in qualq. preggio la mie cosette. Con
speranza che questa pintura debba dara a V S Ill. m. una sodisfattiona
straordinaria non solo per la vagezza et politezza usata da me nella fiori
animali et uitzelli, ma ancora per esser fatta la figurina della Madona di
mano del sig. Rubens huomo virtuosa et famoso in queste bande.» Crevelli,
Op. cit., p. 273.): «Enfin, il y a cinq semaines, le tableau de
l'Élément de l'air est parti avec les marchandises du Sieur Annoni, et je lui ai
remis en même temps un autre tableau très précieux de ma main, que j'ai
volontiers destiné à Votre Illustrissime Seigneurie, parce qu'Elle montre
qu'Elle attache quelque prix à mes petites pièces et dans l'espoir que cette
peinture Lui donnera une satisfaction extraordinaire, non seulement par sa
propre beauté et par le fini des fleurs, des animaux et des oiseaux, mais encore
parce que la figurine de la Madone est faite de la main du Sieur Rubens, homme
de mérite et de réputation dans ces contrées.»
[283]
COMMENTAIRE.My singuler good Lord.
Mr. T. Mathew doth carry this lettre
to Antwerp, from whence he will wryte to
yor L: and give you an answere
both about yor desyred picture and Sr Thomas Mentis. I have broken that busines to Rubens by a fewe woordes, and wille give yor L: an accompt of that he shall retourne me upon the same
subject. And so I humbly take my leave & remayne
Yor L: most affectionate & humble servante
W. Trumbull.
Bruxelles, the 1/11 of Septembre 1621.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance
William Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 58.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Milord.
M. Matthew porte cette letttre à Anvers; de là, il se propose d'écrire à V. S.
pour lui donner une réponse concernant le tableau que Vous désirez et au sujet
du Sieur Thomas Mentis. J'ai amorcé l'affaire auprès de Rubens par quelques mots
et je rendrai compte à V. S. de ce qu'il m'aura répondu sur ce sujet. Je prends
congé de V. S. et demeure.
Son très affectionné et très humble serviteur
W. Trumbull.
Bruxelles, 11 septembre 1621.
Right honorable my very good Lord:
Monsr
Rubens by his lettre testifyeth,
a desyer to please his Mtie, and to give yor L: ail contentment. Towards him, I have donne my best
endevors, and beseech yor L: they may not be fruitles; but
that I may have a seasonable & satisfactory answere
Yor good Lp humblest and
devoted servante
W. Trumbull.
Bruxelles, the 7/17 of September 1621.
Original: Londres, Publie Record Office. Foreign State Papers. Correspondance
William Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury. Op cit., p. 59.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Milord.
M. Rubens, par sa lettre, témoigne de son désir de plaire à Sa Majesté et de
donner toute satisfaction à V. S. J'ai fait auprès de lui mes meilleurs devoirs,
et je supplie V. S. de faire en sorte qu'ils ne soient pas infructueux, mais que
j'obtienne, en temps utile, une réponse satisfaisante
Votre très humble et très dévoué serviteur
W. Trumbull.
Bruxelles, 17 septembre 1621.
Monsieur.
Je suis trèscontent que la pièce faite pour Monsieur l'Ambassr
Carleton me soit rendue et de
faire une autre chasse moins terrible que celle des Lyons, rabbattant au prix le
paiement dycelle comme est de raison, toute de ma main propre sans aucune
meslange de l'ouvrage d'autruy ce que je vous maintiendray en foy d'homme de
bien. Il me deplaist aussy qu'il y aura pour ceste affaire quelque mescontemt dela part de Monr Carleton mais il
ne s'est laissé jamais entendre clairemt touteslesfoix que
je luy ay fait instance de vouloir déclarer si ceste pièce devoit estre un vray
originel entièremt ou seulemt
touchée de ma main. Je voudrois avoir occasion de le remettre en bonne humeur
envers moy, encore quil me debvroit couster quelque payne por luy rendre service. Je seray bien ayse que ceste piece soit colloqué en
un lieu si éminent comme la gallerie de S. A. Monsr le
Prince de Galles et feray tout mon extrême debvoir afin de la rendre supérieure
d'artifice à celle d'Holofernes laquelle jay fait en ma jeunesse. Jay quasi
achevée une pièce grande toute de ma main et de meilleures selon mon opinion
représentant une Chasse de Lyons, les figures aussy grandes commes le naturel,
ordonnée par Monsr l'Ambasr Dygbye
pour présenter, comme jay entendu à Monsr le Marquis de
Hamilton. Mais comme vous dites très bien telles choses ont plus de grâce et
véhémence en un grand tableau qu'un petit. Je voudroy bien que ceste peinture
pour la Gallerie de Monseigr le Prince de Galles fust de
proportion plus grande pour ce que la capacité du tableau nous rend beaucoup
plus de courage por expliquer bien et vraysemblablemt
nostre concept. Toutefois je suis prest en toutes les façons de m'employer à
vostre service, et me recommandant humblemt à vostre bonne
grâce me profferay tousjours.
Quant à S. Majesté et son A. Monsr le Prince de Galles, je
seray tousjours bien ayse de recevoir l'honneur de leurs commandemens, et
touchant la sale au nouveau palays je confesse d'estre par un instinct naturel
plus propre à faire des ouvrages bien grandes que des petites curiositez. Chacun
a sa grâce; mon talent est tel que jamais entreprise [287] encore quelle fust desmesurée en quantité et diversité de suggets a
surmonté mon courage.
MonsrVostre treshumble Servitr
Pietro Pauolo Rubens.
D'Anvers le 13 Sepre 1621 St. No.
(Au dos:)Copie of M. Rubens his letter to Willm
Trumbull.
Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance William
Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 249. Traduction en
anglais, ibid., p. 59.
Cette lettre était incluse dans la lettre précédente de William Trumbull.
COMMENTAIRE.
Le tableau Judith et Holoferne que le prince de Galles possédait, en 1621, a été
gravé par Corneille Galle le père (OEuvre de Rubens, n° 125). On ne saurait dire
avec certitude ce qu'il est devenu. Rubens atteste sur la dédicace de l'estampe
que ce fut la première de ses oeuvres qui fut reproduite par le burin. Ces mots
confirment bien le passage de cette lettre dans lequel il dit que le tableau est
un travail de sa jeunesse.
Lord John Digby naquit à Coleshill, Warwickshire, en 1580. Il fut créé chevalier
et nommé gentilhomme de la Chambre privée par le roi Jacques I. En 1617-1618, il
fut envoyé comme ambassadeur en Espagne; une seconde fois, il fut envoyé dans le
même pays, en 1620, comme ambassadeur extraordinaire et une troisième fois, en
1622-1624, pour conclure le traité du mariage du prince de Galles avec
l'infante. En 1620-1621, il fut envoyé à Bruxelles et à Vienne, pour arranger
les affaires du Palatinat; en 1622, il fut créé Comte de Bristol. Rappelé
d'Espagne, en 1624, il fut enfermé dans la Tour de Londres accusé d'avoir manqué
à son devoir dans la gestion de sa charge en Espagne. Sorti de prison, il
chercha à se justifier lors de l'avènement de Charles I, mais n'y réussit point.
Sa disgrâce se prolongea durant tout le règne de ce souverain, ce qui ne
l'empêcha point de défendre la cause du monarque dans la lutte contre le
parlement. Dans cette lutte, il perdit ses biens et fut exilé. Il mourut à Paris
en 1653. C'est pendant son séjour à Bruxelles comme ambassadeur, en 1620, qu'il
doit avoir commandé à Rubens la Chasse aux Lions, destiné à être offerte au
Marquis d'Hamilton. Ce tableau est probablement celui qui fut gravé par Soutman
et qui a appartenu en dernier lieu, à Lord Northwïck (OEuvre de Rubens, n°
1153).
[288] Le dernier alinéa de cette lettre est d'un véritable
intérêt pour l'histoire de Rubens. Nous y voyons que, dès le milieu de l'année
1621, on songeait à la Cour d'Angleterre à charger Rubens de la décoration de la
salle des banquets dans Whitehall. L'ancien bâtiment des banquets avait été
détruit par un incendie en janvier 1619; on se mit immédiatement en devoir de le
reconstruire, mais il ne fut achevé qu'en 1622. Avant donc que le travail ne fût
terminé, des ouvertures furent faites à Rubens pour la décoration. Il est vrai
qu'elles ne menèrent pas à un résultat immédiat. Ce ne fut que lors de son
voyage à Londres, en 1629-1630, qu'un accord définitif fut conclu. Les
peintures, consistant, comme on sait, en un grand plafond divisé en neuf
compartiments et représentant la Glorification du roi Jacques I, ne furent
terminées qu'en 1634 (OEuvre de Rubens, n° 763-771).
CCXXVI ANTOINE SANDERUS A RUBENS.(Septembre
1621.)
Ad Petrum Paulum Rubenium.
Quis non Ausoniae stupeat miracula terrae?Et bonarote tuae concinat artis
opus?Non equidem meritum cupiam tibi demere honorem,Laude sua tabulas
& viduare tuas.Semper enim clarum qui reddere possit
Apellem,Italis eximio floruit ora viro.Aemula naturae sed dum vestigia
lustro,Rubenii docta quae parit arte labor:Haerent attoniti simulacra
per inclyta ocelli,Parrhasium & nostro credimus esse
solo.Belgicaque Ausoniae componere nomina famae,Nec vanum tales
ingeminasse sonos:Roma dole: vicit nostro Rubenius aevoAduaticâ latiam dexteritate
manum.
Cette pièce de vers est imprimée dans Antonii Sanderi Poematum. Liber Tertius.
Gand, Jean Lapidanus (Jean Van den Steene, 1621). — Idem dans Ant. Sanderi
Poemata. Louvain, Joannes Vryenborch, 1651, p. 516.
[289] La dédicace de ces poésies est datée de Gand, Septembre
1621. C'est à cette époque que nous plaçons la pièce ci-dessus, faite
naturellement avant cette date.
TRADUCTION.ANTOINE SANDERUS A RUBENS.
A Pierre-Paul Rubens.
Qui ne s'émerveille des prodiges enfantés par l'Italie et ne célèbre les oeuvres
de Michel-Ange? Ce n'est pas moi qui voudrais lui enlever l'honneur qui lui est
dû, ni contester la gloire de ses tableaux. Toujours l'Italie s'illustra
d'hommes dont le talent serait digne d'Apelles. Mais quand mes yeux contemplent
les produits enfantés par l'art savant de Rubens, ils s'attachent étonnés à ces
images glorieuses, rivalisant avec la nature, et nous croyons que Parrhasius
revit sur notre sol. La Belgique peut être nommée à côté de l'Ausonie et ce
n'est pas un vain mot que d'associer ces deux noms. Pleure Rome: de nos jours
Rubens, le flamand, triomphe du Latium par l'habileté de son pinceau.
COMMENTAIRE.
L'auteur de cette pièce de vers est Antoine Sanders connu sous le nom de
Sanderus. Il naquit à Anvers, en 1586, étudia à Audenarde, chez les Jésuites de
Gand et aux universités de Louvain et de Douai. Il fut successivement curé dans
l'évèché de Gand, chanoine, écolâtre et pénitencier de la cathédrale d'Ypres. Il
se défit de ces charges, en 1657, pour pouvoir vaquer à la publication de ses
ouvrages principaux. Il se ruina pour faire face aux lourdes dépenses de ses
livres richement illustrés et trouva à la fin de sa vie une retraite à l'abbaye
d'Afflighem, où il mourut le 16 janvier 1664. Il publia un grand nombre de
petits ouvrages: traités théologiques et historiques, discours, recueils de
vers, etc.; mais ce qui lui a valu surtout sa réputation, ce sont les deux
grands ouvrages Flandria illustrata, publié en deux volumes in-folio, chez Jean
Blaeu à Amsterdam, en 1641, et en trois volumes, chez Chrétien Van Lom à La
Haye, en 1735, et la Chorographia sacra Brabantiae, dont la première édition, en
deux volumes in-folio, parut à Bruxelles, chez Philippe Vleugaert, en 1659, et
la seconde, en trois volumes in-folio, à La Haye chez Chrétien Van Lom, en 1726.
Sanderus fit paraître deux éditions de ses poésies, la première, en 1621, chez
Joannes Lapidanus (Jean Van den Steene), à Gand; la seconde à Louvain chez Jean
Vryenborch, [290] (21 septembre 1621.) en 1651. Dans les
deux éditions se rencontre la petite pièce en l'honneur de Rubens. C'est par les
tableaux que le maître a faits, avant 1621, pour diverses églises d'Anvers et
d'autres villes, que Sanderus a pu apprécier le talent du peintre. Quel dommage
que ce versificateur historien, au lieu des vers laborieux qui ne nous
apprennent que son admiration pour Rubens, ne nous ait pas donné quelques
détails sur l'histoire des tableaux qu'il a vus et qu'il a mentionnés dans ses
descriptions des églises de Brabant et de Flandre!
CCXXVII PEIRESC A PIERRE-PAUL
RUBENS.(27 octobre
1621.)
Monsieur.
Les grandes offres qu'il vous a pleu me faire de vostre amytié m'invitent à vous
faire, plus librement que je n'eusse faict, la prière de me vouloir faire part
d'un dessein que j'entends estre entre vos mains du grand Camayeul de l'Empereur
duquel j'eus autres fois une empreinte sur laquelle je fis un petit discours
pour l'interpréter. Et parceque mon empreinte estoit imparfette et fragmentée en
quelque endroict, j'ay creu que le dessein estant faict sur l'original auroit
suppléé ce deffault. Si vous me faictes la faveur de me l'envoyer, je le vous
renvoyerai soigneusement et si je le trouve à mon gré, je pourrois bien le faire
imprimer en taille doulce avec l'interprétation conjoinctement avec un aultre
camayeul plus grand au double que celuy-là, dont l'un sert à l'interprétation de
l'autre. Je me promets ceste grâce de vous, et que si vous avez d'autres
desseins de grands camayeuls anticques (comme je ne doubte point que vous n'en
ayez), vous ne serez pas marry que j'en aye la veue, en récompense de laquelle
je vous en envoyerai l'interprétation, si j'y puis pénétrer, comme en celle de
ces deux-cy. Je vous en supplie de tout mon coeur et de me mander s'il y auroit
quelque excellent graveur de par delà, qui voulust graver tous les deux en bonne
taille-doulce, car la chose mérite bien d'estre faicte. Autrement, je les
pourrois bien envoyer graver à Rome par le Villamena, afin de pouvoir
soigneusement faire exprimer la ressemblance d'une douzaine [291] de visages qu'il y a au naturel, parmy plusieurs autres figures. Je
suis marry de vous donner ceste incommodité, mais je vous serviray en revanche,
si je puis; demeurant, etc.
De Paris, ce 27 Octobre 1621.
De Peiresc.
De Peiresc.
Si vous voyez Mr
Gevartius, je vous supplie de luy
faire mes humbles recommandations; je luy envoyai dernièrement un sien
livre.
(En marge:)M. Rubens, premier Peintre de Son Altesse et Gentihomme de sa
Chambre, à Anvers.Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes
et copie des lettres de Peiresc. T. V. f. 655.
COMMENTAIRE.
Cette lettre est la premiére écrite par Peiresc à Rubens. Elle traite d'un sujet
sur lequel roulent également les suivantes: le Camée de l'Empereur ou la Gloire
d'Auguste, dont Rubens possédait un dessin, et le Camée de Tibère auquel Peiresc
donna à tort le nom & Apothéose d'Auguste.
Du temps de Peiresc, le premier de ces camées se trouvait à Vienne, le second à
la Sainte Chapelle, à Paris. Un grand nombre de lettres échangées entre les deux
correspondants, sont consacrées à des sujets analogues: camées, entailles,
médailles et monnaies anciennes.
Nous reviendrons plus loin avec plus de détails sur les deux chefs-d'oeuvre de la
glyptique ancienne, dont il est question dans la présente lettre.
Notons que Peiresc entama la correspondance avec Rubens en langue française. Il
est probable que Rubens lui répondit en italien, langue qu'il maniait beaucoup
plus aisément que le français, et engagea son correspondant à faire de même.
Peiresc qui écrivait les deux langues avec une égale facilité, se servit de
l'italien dans la suite de leur correspondance.
Molto Illust. sig. mio Pron.
Il quader ellemento del ario i fatto con ordini, ma il girlando de fiori, gustoso
per la divina Madonne del sig. Peitro
Paulo Rubens, con le vagesse d animaletti et oitcelli et molta
gallanteria, quel io manda sole per fare servitcio a su sig. Illustris. m, per
esser un quader che merite d esser tenuta fra le altre rare pittura in le studia
del sig. mio Pron. Ma si per sorta il sig. Cardinal non gli piase tener, io
mettera altra ordina in tempa del prima vera, quando io mandera mio figliol in
Italia.
A di 29 d Ottobri 1621 in Anversa.
Jean Brueghel.
Di V S Molto Ill. reaffectionat. mo servitore
Jean Brueghel.
Original: Milan, Bibliothèque Ambroisienne. Publié par G. Crivelli. Giov.
Brueghel o sue lettere etc., p. 274.
TRADUCTION.JEAN BREUGHEL A ERCOLE BIANCHI.
Illustre Seigneur.
Le tableau de l'Élément de l'air est fait par ordre. Mais la guirlande de fleurs,
relevée par la divine Madone de Monsieur Pierre-Paul Rubens et par la
délicatesse des petits animaux, des oiseaux et des curiosités, je vous l'envoie
seulement pour vous être agréable. En effet, c'est un tableau qui mérite d'être
placé parmi les autres rares peintures du Cardinal. Mais s'il ne plaisait pas au
Cardinal de le garder, je prendrai d'autres mesures au printemps prochain quand
j'enverrai mon fils en Italie
Anvers, le 29 octobre 1621.
Jean Breughel.
De V. S. illustreL'affectionné serviteur
Jean Breughel.
[293] COMMENTAIRE.
Les lignes précédentes sont tirées d'une lettre écrite par Jean Breughel à Ercole
Bianchi, l'intermédiaire entre le peintre et son protecteur le cardinal Frédéric
Borromée. Le tableau, dont il y est question, est la Madone dans une guirlande
de fleurs, actuellement au Louvre, dont il a été question dans les lettres du 5
septembre 1621 à Ercole Bianchi et au cardinal Frédéric Borromée. Nous avons vu
que ce dernier garda le tableau.
[293]
COMMENTAIRE.Molto Ill. et eccmo Signore mio singolarissimo.
Ricevei la cortesissima sua lettera la settimana passata troppo tardi per poterle
rispondere per l'ultimo ordinario et per renderle quelle infinite gratie che le
devo di tanta sua cortesia. Ho carissimo che V. S. Ill. habbia pensiero di dar
fuori que' suoi thesori di gemme antique et l'assicuro ch'ella mi trovara
prontissimo a contribuire al suo honoratissimo disegno quanto potra dependere da
me, havendo anch' io havuto non poca dilettatione delle gemme, delle quali fece
un poco di raccolta in Italia, havendone mesto insieme alcune assai curiose, ma
non di quei gran pezzi che V. S. m'accenna ben che vi siano cose da impararne et
scoprirne belli secreti dell' antiquita. Et s'io fossi tanto felice di vederla
nello studio mio, ella ne sarebbe padrono non del dissegno solamente ma de gli
originali istessi, havendone fra gl' altri, piu di 80 pezzi che servono all'
intelligenza del Christianesimo primitivo et cosi di molti altri soggetti degni
di nota, sino a qualche migliaia, meravigliandomi non poco di haver trovato
tante persone curiose di medaglie et pochissime di tagli et camei, di modo che
ho da raddopiarne la stima ch'io faceva del valore di V. S. vedendola dilettare
di cosa si nobile et si pretiosa.
Il pensiero ch'io haveva di dar fuori il cameo dell' Imperatore non era per
ingolfarmi in maggior impresa che di due o 3 pezzi solamente per scherzo et per
obtemperare a gli amici, che non mi lasciano in [294] pace
sin ch'io habbia dato il nostro Cameo Regio che habbiamo qua, all'
interpretatione di quale serve assai quello dell' Imperatore, si come questo
serve ancora alla notizia dell' altro per esser stati fatti quasi a medesimo
fine et nello spatio di pochi anni, l'un dietro l'altro. Et sebbene io haveva un
impronto di quello dell' Imperatore, nulladimeno, sapendo che V. S. n'haveva un
dissegno, io ho desiderato di vederlo, per supplire un poco di mancamento ch'e
restato nell' impronto mio verzo il primo et destro angolo superiore.
Hor per mostrarle in che predicamento sia la virtu di V. S. apprezzo di me, se V.
S. vuol dar fuori detto cameo, io l'havero carissimo et non solamente lo cedero
con ogni prontezza quelle preferenze che le si convienne, ma la faro parte molto
volentieri di tutte le mie osservationi in questo proposito, anzi le faro parte
dell' altro cameo nostro ch'io tengo essere il piu nobile e piu precioso che si
possa vedere al mondo, sendo della grandezza di tutto questo foglio aperto o
poco meno, rappresentando 24 figure di buona maestria alte ciascheduna d'un
mezzo piede, le teste sendo egguali alle teste delle medaglie ordinarie piu
grandi, fra li quali si riconoscono gli ritratti di tutte le persone piu
segnalate della famiglia Giulia, con somiglianza essattissima alle medaglie che
se ne trovano (et alcune delle quali non si trovano altri ritratti antiqui), le
quali nondimeno si ricognoscono chiaramente non poter essere altre che Marcello,
favorito d'Augusto, et Livilla, moglie di Druso, figlio di Tiberio. Vi si
veggono Giulio, Augusto, Tiberio et Livia, Germanico, Antonia, Agrippina,
Caligola, Druso et Livilla moglie, ma sopra tutti sono eccellenti i ritratti di
Augusto, Tiberio et Livia, della quale non si veggono ritratti Romani anzi
solamente Grechi, Spagnuoli o Barbari, ch'io sappia. In sommo, l'opera merita
d'esser data al publico di mano eccellente et d'un par suo.
Se V. S. viene fare il suo viaggio (come ne la prego quanto piu posso), le faremo
vedere l'originale con ogni suo aggio et molte oltre cose rarissime in quella
materia, ma bisogna farlo avanti Pasqua, non potendole promettere di soggiornar
in questa citta oltre quel termine, sendo costretto di ritornarmene a casa in
Provenza. Io mi vo imaginando che V. S. potra forzi venire facilmente questo
febraio, con occasione di tanti altri che vengono in quel tempo con pitture di
que' paesi.
Io non scoprirò il secreto a nessuno et la starò aspettando con [295] gran devotione, rallegrandomi infinitamente della speranza ch'ella
si degna darmene, quando non vi fosse altro che la commodita di vedere questo
cameo stupendo, porta la spesa ch'un animo cosi nobile et gentile, come il suo,
lo venga a vedere quanto prima, poi che la sua dilessione consiste
particolarmente in questo genere di singolarita, potendo bene far vedere delle
piu singolari et arrichir non poco la sua raccolta per farne un volume
eccellente.
Ma, di gratia, degnisi di portar seco non solamente i dissegni, ma ancora qualche
impronto quando sara in suo potere, per potere piu solidamente fondare le
congietture alle quali tal volta e forza di ricorrere per mancamento
d'inscrittioni.
Et se non le fosse grave di portar seco qualche numero delle sue medaglie, V. S.
me farebbe gran favore di aggradire che ne havissemo la vista et al suo ritorno,
le procuraressimo passaporti Regii per impedire che non le fosse dato alcun
impaccio, ritornando a casa sua; ma non le domando di farci vedere medaglie
romane, consolari ne imperiali, ne Greche ancora, se non e qualche cosa
rarissima et strana, anzi solamente di quelle medaglie che si troveranno nella
sua raccolta (ch'io intendo essere immensa) di quella natura che gli antiquarij
chiamano Gothiche, le quali sono ordinariamente di assai goffa maestria, in
maniera che bisogna vederne talvolta piu di 506 per sorte per riconoscere
l'intentione dello scoltore et discernere se ha voluto far una testa humana o di
altro animale, trovandosene di ogni sorte di metallo et talvolta alcune con
inscrittioni difficili à leggere. V. S. havera ancora qualche moneta vecchia di
quelle barbare d'ogni metallo delli nostri Ré francesi antiqui, si fara favore
particolare di portarle et darcene la vista, assicurandola che non la privaremo
d'alcuna et se vi si trova qualche cosa che serva ad oltri miei dissegni per il
publico ne pigliaremo forzi un poco di schizzo o impronto di qualcheduna con suo
beneplacito.
Con che senz' altro, pregandola di scusarmi di tanta brigga et di accusarne la
sua soprabondante amorevolezza che ci invita a valerne delle sue offerte, le
baccio le mani di tutto il cuore, pregando dal Signore ogni maggior et piu
desiderato bene.
Di Pariggi, alli 26 Novembre 1621.
de Peiresc.
Di R. V. S. molt. ill. et ecc.
de Peiresc.
[296] Quando ella mi vorra scrivere, basta di mandarme sue
lettere in casa dell' Ill. Sigr Nuntio in Brusselles, mio Padrone et amico particolare, il quale
me le fara capitarsi carissimamente.
Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 655 v°.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Je reçus votre très aimable lettre la semaine passée, mais trop tard pour y
répondre par le dernier courrier et vous rendre les grâces infinies que je vous
dois pour tant de courtoisie. Je suis enchanté de l'idée que vous avez de faire
connaître les trésors de votre cabinet de pierres gravées antiques; soyez assuré
que vous me trouverez toujours prêt à contribuer, autant qu'il dépendra de moi,
à votre louable projet, m'étant occupé aussi avec amour des gemmes. J'en ai
recueilli quelques-unes en Italie et j'ai formé une collection mélangée assez
curieuse, mais quoique n'ayant pas de ces grandes pièces dont vous me parlez,
j'en possède d'utiles pour l'étude et la révélation d'intéressants secrets de
l'antiquité. Si j'avais le bonheur de vous posséder un jour dans mon cabinet, je
ne mettrais pas à votre disposition les dessins seulement, mais les pièces
originales elles-mêmes; parmi lesquelles il y en a plus de 80 qui servent à
l'intelligence de la chrétienté primitive. J'en ai ainsi quelques milliers qui
se rapportent à de nombreux sujets d'importance. Je m'étonne beaucoup d'avoir
trouvé tant de personnes ayant la curiosité des médailles et si infiniment peu
d'amateurs d'intailles et de camées; c'est pourquoi, en apprenant votre amour
pour un genre d'objets aussi nobles et aussi précieux, je dois doubler l'estime
que j'avais déjà conçue de vos grands mérites.
En voulant donner au public le Camée de l'Empereur (1)((1) Le
grand Camée d'Auguste à Vienne.), je n'avais pas l'intention de
m'embarquer dans une grande entreprise: je me bornais à publier deux ou trois
pièces en manière de divertissement et pour contenter mes amis, qui ne me
laissent pas de repos avant que je n'aie publié mon travail sur le Camée royal
que nous avons ici (2)((2) Le grand Camée de la Sainte
Chapelle.), et dont l'interprétation a besoin du secours du camée
impérial; en effet, l'un sert à faire connaître [297] l'autre, ayant été exécutés tous deux dans le même but et à peu d'années
d'intervalle.
J'ai eu une empreinte du Camée impérial; cependant, ayant appris que vous en
possédiez un dessin, je désire vivement le voir pour suppléer une petite lacune
de mon empreinte vers le premier angle à droite de la partie supérieure.
Je voudrais vous prouver combien j'apprécie votre haute supériorité; si vous
désirez publier ce camée, j'en serai ravi et non seulement je vous cèderai, sans
hésitation, la priorité autant que cela vous conviendra, mais je vous
communiquerai très volontiers toutes les observations que j'ai faites à ce sujet
et même, je vous ferai connaître l'autre camée (celui de Paris) que je tiens
pour le plus noble et le plus précieux qu'il y ait au monde. Il a la grandeur de
cette feuille toute ouverte, ou peu de chose de moins, et représente 24
personnages exécutés par une main très habile, hauts chacun d'un demi pied et
dont les têtes égalent celles des plus grandes médailles ordinaires. Parmi eux,
on reconnait les portraits de tous les membres les plus marquants de la famille
Julia, ils ont une ressemblance parfaite avec ceux des médailles que nous en
avons, mais il y en a aussi dont nous n'avons pas des portraits anciens;
néanmoins on reconnait clairement qu'ils ne peuvent représenter que Marcellus,
le favori d'Auguste, et Livilla, femme de Drusus, fils de Tibère. On y voit
Jules César, Auguste, Tibère et Livie, Germanicus, Antonia, Agrippine, Caligula,
Drusus et Livilla, sa femme. Au-dessus de tous brillent ceux d'Auguste, de
Tibère et de Livie, dont nous ne connaissons de portraits romains que je sache,
mais seulement des portraits grecs, espagnols ou barbares. En somme, l'ouvrage
mérite d'être édité par un homme de votre talent.Si vous exécutez votre
projet de voyage et, de tout mon coeur, je vous supplie de le faire, j'aurai le
plaisir de vous montrer la pièce originale que vous examinerez tout à votre
aise, ainsi qu'un grand nombre d'autres pièces des plus rares en ce genre. Mais
il faudrait venir avant Pâques; passé cette époque, je ne puis pas vous
promettre de prolonger au-delà mon séjour en cette ville, étant obligé de
retourner chez moi en Provence. Je m'imagine que vous pourrez peut-être venir
facilement en février prochain pour profiter de cette occasion où tant de
personnes arrivent ici de votre pays avec des oeuvres de peinture.
Je ne révèlerai le secret à personne et je vous attendrai avec un vif
empressement, trouvant déjà une jouissance infinie dans l'espoir que vous voulez
bien me donner de votre voyage. J'en serais heureux, ne fût ce que pour voir
avec vous ce prodigieux camée; car, vraiment, pour un esprit aussi élevé, aussi
délicat que le vôtre, il vaut la peine que vous veniez l'admirer [298] au plus tôt. Votre prédilection se porte particulièrement sur ce
genre de curiosités; vous en verrez ici des plus intéressantes et vous
n'enrichirez pas peu le recueil que vous en faites pour en former un volume
excellent.
Mais, de grâce, daignez apporter avec vous, non seulement les dessins, mais
aussi, quand il vous sera possible, quelques empreintes afin de donner des bases
plus solides aux conjectures auxquelles on est obligé de recourir quelquefois à
défaut d'inscriptions.
Et s'il ne vous était pas trop difficile de porter avec vous un certain nombre de
vos médailles, vous me feriez une grande faveur en me permettant de les voir. A
votre retour, nous vous procurerons des passeports royaux pour empêcher qu'il ne
vous arrive aucun ennui avant d'êtré rentré dans votre pays. Je ne vous demande
pas, néanmoins, de nous apporter des médailles romaines, consulaires ou
impériales, ni même des grecques, à moins que ce ne soit quelque chose de très
rare et extraordinaire; mais veuillez prendre dans votre collection, que l'on
dit être immense, celles qui appartiendraient à cette classe que les antiquaires
appellent Gothiques. En général, elles sont d'un art assez grossier, de manière
que l'on est obligé quelquefois d'en examiner cinq, six ou plus de la même pièce
pour reconnaître l'intention du graveur et pour distinguer s'il a voulu faire
une tête d'homme ou une tête d'animal; on en trouve de toute espèce de métal et
quelques-unes portent des inscriptions difficiles à lire. Vous aurez aussi, sans
doute, quelques vieilles monnaies barbares de n'importe quel métal, de nos
anciens rois de France; vous m'obligerez tout particulièrement en les apportant
à notre examen; je vous assure que nous ne vous priverons d'aucune, mais s'il
s'y trouve quelque chose qui puisse servir à mes projets de publication; j'en
prendrai le trait ou une empreinte, avec votre bon plaisir.
Sur ce, je vous prie de me pardonner toutes les peines que je vous donne; n'en
accusez que votre complaisance excessive qui m'invite toujours à accepter vos
offres. Je vous baise les mains de tout coeur et prie Dieu de combler tous vos
désirs.
De Paris, le 26 novembre 1621.
De Peiresc.
De Peiresc.
Lorsque vous voudrez m'écrire, il suffira d'envoyer vos lettres au logis de M. le
Nonce à Bruxelles, qui est mon ami particulier et qui me les fera parvenir très
volontiers.
[299] COMMENTAIRE.
Il s'agit, dans cette lettre, de deux monuments de l'art antique qui ont joué un
grand rôle dans les études et les correspondances de Peiresc et dont se sont
occupés ensuite plusieurs antiquaires en relation avec lui et notamment Rubens.
Ce sont le fameux Camée dit de la Sainte Chapelle, aujourd'hui conservé parmi
les trésors du cabinet des médailles, pierres gravées et antiques de la
Bibliothèque nationale de Paris, et du non moins fameux Onyx de Vienne.
Comme ces monuments ont été pour le maître d'Anvers des objets de prédilection
artistique, qu'il les a dessinés et fait graver, il nous semble nécessaire
d'entrer ici dans quelques détails (1).((1) Pour ces deux
camées, voir: Alberti Rubenii Dissertatio de Gemma Tiberiana et Augustaea
dans Alberti Rubenii de Re Vestiaria Veterum libri duo, p. 187. Antv.,
Plantin, 1665. — Achates Tiberianus sive Gemma Caesarea Auctore Jacobo Le
Roy. Amsterdam, 1683. — F. de Mely. Le grand Camée de Vienne (Gazette
archéologique), p. 244. Paris, 1886. — Idem. Société archéologique du Midi
de la France. Toulouse, 1894. — E. Babelon. La gravure en pierres fines, p.
151. Paris, Quantin, 1894. — Gassendi. Vie de Peiresc. — Inventaire des
médailles, etc. de M. Peiresc. Gazette des Beaux-Arts. XIV, 2e période, p. 422. — Koehler. Mémoires et oeuvres, V,
p. 21. St Pétersbourg, 1816. — Montfaucon. Antiq.
expl. f°, V, p. 160. Paris, 1719. — Mariette. Traité des pierres gravées,
4°, p. 345. Paris, 1750. — Arnetti. Die antiken Cameen der K. K. Münz, u.
Ant. Cab. in Wien, f°, pl. 1. Wien, 1849. — Trésor de Numism., etc. iconogr.
rom., pl. VIII. — Bernouilli. Iconogr. romaine, II, p. 262. Stuttgard, 1886.
— Eikhel. Choix de pierres gravées du Cab. de Vienne, f°. Vienne,
1788.)
On constate l'existence du second, dès 1247, dans un inventaire de la Basilique
de St Sernin, à Toulouse, où, pendant tout le moyen âge,
il fut l'objet d'une vénération extraordinaire. On l'appelait le Grand Camaliel,
et dans les registres de l'hôtel-de-ville il est qualifié de Lapis
pretiosissimus, valoris incredibilis. On le disait offert par Charlemagne à
l'église susdite. Sa réputation était universelle, son prix inestimable, c'est
ce qui fut la cause de sa disparition du trésor où il était conservé.
Clément VII et François Ier allaient se rencontrer à
Marseille, en 1533. Les exigences de Charles-Quint engageaient le Pape à se
rapprocher encore de la France qui l'avait déjà secouru en 1528. Il venait de
traiter du mariage de sa nièce, Catherine de Médicis, avec le dauphin Henri.
François Ier voulut, par des fêtes magnifiques et des
présents royaux, lui montrer sa munificence. Aussi pensa-t-il à lui offrir le
camée de St Sernin, tellement convoité par un de ses
prédécesseurs, que Paul II avait proposé à la ville de Toulouse de faire
construire, en échange de cette pierre, un pont de pierre sur la Garonne.
François Ier avait vu ce camée à son passage, en août
1533, et aussitôt commence entre le roi et les Capitouls une curieuse
correspondance.
[300] Le roi écrit deux lettres, l'une de Castelnaudary, en
août, l'autre de Marseille, du 20 octobre, priant les Capitouls de lui envoyer
le camée. Ils résistent, disant qu'on ne peut le déplacer sans dispense du pape.
Le roi insiste. Le 1r novembre, ils envoient une
députation pour «esclairer le roy.» Celui-ci irrité de cette résistance, écrit
le 7 novembre une lettre très dure à laquelle il n'y avait qu'à obéir; on
apporte la pierre au roi, qui remercie les Toulousains, le 24 novembre 1533 et
leur écrit: «nous avons promis le Camayeu en garde jusqu'à ce qu'il soit cognu
et desclaré à qui il sera, pour après en recompenser celui qu'il appartiendra,
de sorte qu'il s'en doive contenter.»
M. de Mély conjecture que le pape l'aura gardé pour lui et qu'à sa mort (26
septembre 1534) ses biens personnels sont retournés aux Médicis et peut-être le
Camée est-il entré dans la part de Catherine. Toujours est-il, qu'en 1560, on le
trouve réintégré dans le trésor de France. Catherine de Médicis parat l'avoir
donné, en 1561, au couvent de Poissy d'où il serait disparu, en 1562, lors du
pillage du couvent par les Huguenots. Plus tard, il serait passé dans les mains
de négociants qui, d'après ce que Peiresc nous apprend, le vendirent, en 1619, à
l'empereur Rodolphe II au prix de 12. 000 écus d'or. Depuis ce temps, il fait
partie du trésor des empereurs d'Autriche.
D'après la tradition donnée par Peiresc, le camée aurait été rapporté de
Palestine par les Chevaliers de St Jean de Jérusalem,
donné par eux à Philippe-le-Bel, légué par ce roi au couvent des religieuses de
Poissy, qu'il avait fondé en 1304, où il aurait été pris pendant les guerres de
religion et vendu à Rodolphe.
Les conjectures de M. de Mély sont fort acceptables.
Le camée de Vienne est de dimensions un peu moindres que celui de Paris, mais il
le dépasse par la conservation et par la perfection du travail. Il est partagé
horizontalement en deux registres. Dans le haut, on voit Auguste sous la figure
de Jupiter, entouré de personnages de sa famille et couronné par Cybèle. A sa
gauche, Livie sous la figure de la déesse Roma, Germanicus et Tibère descendant
d'un char conduit par la Victoire. Entre Auguste et Livie, le Capricorne, signe
sous lequel naquit le premier. A sa droite, Agrippine, femme de Germanicus, avec
les emblèmes de la fécondité, Neptune et Cybèle.
Une autre interprétation voit dans les figures à droite Caelus au lieu de
Neptune, Tellus au lieu d'Agrippine, Oekumene au lieu de Cybèle (1).((1) Album auserlesener Gegenstände der Antiken-Sammlung des
Allerhöchsten Kaiserhauses, herausgegeben von Robert von Schneider, Wien,
1895, p. 16.)
Dans la partie inférieure, le roi de la Pannonie, Bato, et des prisonniers [301] de guerre de cette nation sont assis à terre, tandis
que des soldats romains érigent un trophée.
Le fait historique rappelé est donc le retour victorieux de Tibère et de
Germanicus. Le premier obtint les honneurs du triomphe, mais ne le célébra
point. La guerre de Germanie ayant éclaté, il dut partir pour cette contrée et
remettre la célébration de la victoire. Germanicus obtint les insignes du
triomphateur: l'honneur de ce succès militaire remporté par les petits-fils
d'Auguste, ses lieutenants, fut rapporté à l'empereur lui-même.
Le Camée de France représente, d'après Peiresc, l'apothéose d'Auguste. Dans le
haut, le fondateur de l'empire est reçu parmi les Dieux, il est monté sur Pégase
et présenté à Jules César par Cupidon. Dans la partie du milieu, un homme
contemple cette apothéose et Tibère se dévoue, lui et sa famille, au culte
d'Auguste. Dans la partie inférieure, les nations vaincues.
Voici l'explication la plus récente et toute différente qui en a été donnée:
Au centre trônent Tibère en Jupiter et Livie en Cérès; devant eux s'avance
Germanicus en armes, saluant l'empereur en portant la main à son casque: le
vainqueur des Germains vient prendre congé de Tibère au moment de partir pour
cette fatale expédition d'Orient d'où il ne devait pas revenir. Sa mère,
Antonia, l'aide à revêtir son armure. Son fils, le petit Caligula, tout enfant a
endossé la cuirasse, pris son bouclier, chaussé les caligae. Derrière lui est
assise la femme du héros, Agrippine, tenant le volumen où elle écrira les
glorieux exploits du jeune prince. Le guerrier qui élève un trophée est Drusus
le Jeune, fils de Tibère, qui accompagna Germanicus en Orient; à côté de lui, sa
femme Livilla, soeur de Germanicus. Un prisonnier Parthe, prosterné au pied du
trône impérial, paraît plongé dans l'accablement.
Le registre supérieur nous transporte dans l'Olympe, et ici se déroule le second
acte du drame. On se souvient que Germanicus, parti pour l'Orient en l'an 17,
mourut après de brillants succès empoisonné à Antioche, en l'an 19, à l'âge de
trente quatre ans. Mais il fut bientôt vengé et on lui décerna les honneurs
d'une apothéose dont notre camée consacre le souvenir. Germanicus est emporté au
ciel sur Pégase et reçu par les ancêtres des Césars, savoir: Énée, costumé en
Phrygien, portant le globe du monde, symbole de la domination universelle que
devait exercer sa race; Auguste, divinisé et voilé en pontife; enfin, Néron
Drusus l'ancien, père de Germanicus. Pégase est conduit par l'Amour, le génie
protecteur des Julii, l'enfant de Vénus, la déesse mère des Césars.
La double scène que nous venons de décrire représente donc le commencement et la
fin de l'expédition de Germanicus en Orient: son départ plein de belles
espérances et le moment où, après sa mort, il est reçu au rang des [302] divi. Les dix personnages entassés pêle-mêle dans le
bas du tableau et donnant des signes non équivoques de tristesse et de deuil,
symbolisent les barbares que Germanicus a fait prisonniers dans ses deux grandes
expéditions de Germanie et de Syrie. Les Germains sont reconnaissables à leur
barbe échevelée; les Parthes, à leur costume oriental et à leur bonnet phrygien.
Le grand camée de France dut être exécuté peu après l'an 19, probablement quand
Agrippine ramena en Italie les cendres de son mari, ou au commencement du règne
de Caligula (l'an 37), qui prit à coeur de glorifier la mémoire de son illustre
père, le plus populaire des généraux romains (1).((1) E.
Babelon. La gravure en pierres fines, pp. 151-153.)
Lors de la translation du siège de l'empire romain, le camée de France fut
emporté à Constantinople avec le trésor impérial. L'empereur Baudouin II
l'offrit à Saint Louis qui le déposa au trésor de la Sainte Chapelle. Au moyen
âge, on y vit le triomphe de Joseph à la cour de Pharaon. Louis XVI le fit
déposer au Cabinet des Médailles de la bibliothèque nationale. Il fut volé dans
la nuit du 16 février 1804, mais repris par la police. Malheureusement il avait
été dépouillé par les voleurs de la monture byzantine en or émaillé, dont il
était enrichi et dont il n'existe point, paraît-il, de dessin.
Rubens possédait un dessin du camée de Vienne que l'on devait se procurer sans
trop de difficulté, puisque différentes empreintes de la pierre étaient dans la
circulation. C'est de cette représentation que Peiresc lui demande une copie
dans la présente lettre. Peiresc avait retrouvé le camée de la Sainte Chapelle
l'année précédente, probablement vers le mois de septembre, et en avait donné le
premier une interprétation plausible.
Dans ses lettres à Jérôme Aléandre, il parle longuement du camée de la Sainte
Chapelle et de celui de Vienne. Ces lettres ont été traduites de l'italien par
M. de Mazaugues et la traduction a été publiée par Fauris de Saint Vincens. Nous
croyons utile de les reproduire ici, vu la grande importance que Peiresc et
Rubens attachaient à ces deux chefs d'oeuvre de la glyptique.
[299]
COMMENTAIRE.«J'ai découvert tout nouvellement dans un lieu curieux (2)((2) Le trésor de la Sainte Chapelle.), et qu'on ouvre rarement, une pierre précieuse antique, la plus grande et la plus belle que j'aie jamais vue. Sa forme est ovale; elle est aussi grande que toute cette feuille ouverte (3).((3) Elle a un pied moins quelques lignes dans sa plus grande longueur, et dix pouces dans sa plus grande largeur; car, l'espèce d'ovale qu'elle forme est un effet de la nature et non de l'art, c'est pourquoi elle a des irrégularités dans es dimensions (Note de Fauris Saint Vincens).) On y a gravé vingt-quatre grandes figures, dont la [303] plupart sont longues comme la main. La pierre est d'agate orientale (1)((1) Bien plutôt de cette espèce de quartz agate et sardoine qu'on nomme sardonyx; la matière est partout d'une extrême pureté. Les cinq couches qui la composent, et dont quatre se détachent sur celle d'un rouge vineux qui en fait le fond, semblent avoir été mises l'une sur l'autre exprès pour former, en les épargnant successivement avec l'outil, l'effet d'un tableau (Idem).) fond noir et rouge brun; les figures taillées en camées sont grisâtres, avec quelques nuances de blancheur; la plus haute surface dans quelques endroits tire sur le brun. Le sujet de la sculpture est l'apothéose de l'empereur Auguste, faite de main de maître, et en tout conforme à l'antique. La pierre est dans une enchâssure d'argent doré, dont le travail et la manière indiquent environ une antiquité de sept ou huit cents ans, offrant des inscriptions en lettres grecques majuscules, et des images de saints vêtus à la grecque (2).((2) Ces figures et ces inscriptions appartenaient en effet au Bas-Empire: ce superbe camée, représentant une famille impériale, avait été conservé à Rome, d'où Constantin l'avait porté à Byzance, la tradition du sujet s'étant ensuite perdue, il paraît que cette pierre est devenue, même au temps des empereurs d'Orient, successeurs de Constantin, un sujet de piété, et c'est alors que se sera établie l'opinion qu'elle représente le triomphe de Joseph. Comme ce bijou était magnifique, on aura voulu le consacrer plus particulièrement à la religion, et on en a fait un reliquaire: on l'avait placé dans un cadre de vermeil sur lequel étaient encore des fragments d'os de confesseurs et de martyrs; on mit aux quatre coins les Évangélistes en émail avec leurs noms grecs et dans cet ordre †† (Mathieu, Marc, Luc, Jean) et les portraits des Saints dont on voyait les reliques avec leurs inscriptions en grec. La pierre a toujours été figurée seule, et jamais avec ce cadre; il a été fondu (Idem).) Elle est posée sur un pied d'argent doré, rempli de reliques, fait l'année 1379, et donnée par le roi de France Charles V, à une église, dans laquelle on croyait par tradition qu'elle représentait le triomphe de Joseph. Qu'il vous suffise de savoir que la chose est surprenante, et ne saurait être soupçonnée d'être moderne. On y voit trois rangs de figures, l'un comme dans le ciel, l'autre comme sur la terre, sous le premier rang, et le troisième sous le second, comme dans une prison souterraine; dans le plus élevé, on voit au milieu l'empereur, Auguste voilé, avec une couronne radieuse sous le voile, ayant en main le sceptre, et porté au ciel sur le dos de la déesse Rome, armée à sa manière accoutumée, et tenant le monde dans ses mains. En présence d'Auguste, on voit Jules César, armé comme Mars, de la tête aux pieds. Il est couronné de lauriers, et paraît venir à la rencontre d'Auguste; de l'autre côté se voit un Pégase, portant un prince très beau et couronné de lauriers, que je crois devoir être Marcellus, son favori, qui était grand amateur de chevaux. Entre [304] lui et Auguste se trouve un petit Amour tenant les rênes de Pégase. Je crois qu'il représente ce bel enfant, jeune fils de Germanicus, dont Livie fit faire un portrait, habitu Cupidinis (1)((1) Sous la forme de Cupidon.), qui fut placé dans son laraire, et qu'au dire de Suétone, Auguste avait la coutume de baiser toutes les fois qu'il le voyait. Au second rang, on voit au milieu, sur un escabeau ou suggeste, l'image de Livie couronnée de lauriers, assise dans un siège à dossier, habillée à la romaine, tenant un flambeau (2)((2) Des pavots.) à la main. A sa droite, sur le même escabeau, se trouve Tibère, aussi assis dans un autre siège, nu de la ceinture en haut, avec l'Égide sur ses genoux, tenant de la main droite le lituus et un long sceptre de la gauche. Germanicus est debout devant lui, noblement armé, avec le casque en tête, paraissant venir s'aboucher avec Tibère. Derrière lui, mais un peu plus bas dehors de l'escabeau, dans une chaise sans dossier, est assise Agrippine, son épouse, qui porte dans la main un volume roulé et tient devant elle, sur son sein, son fils Caligula, très jeune, en habit de simple soldat, avec son bouclier à la main ainsi que ses calligae (chaussures). Il est sans couronne, et foule sous les pieds diverses armes, telles que des cuirasses et des boucliers, comme s'il était né parmi les armes. Il y a entre Tibère et Germanicus une femme debout, couronnée de lauriers, qui embrasse la tête de Germanicus, le caressant de manière qu'il ne paraît pas que ce puisse être autre qu'Antonia qui fut ensuite en son temps prêtresse d'Auguste. Derrière Tibère, on voit Drusus, son fils, aussi debout armé comme Germanicus, portant un trophée dans la main gauche, ce qui peut signifier qu'il est entré en triomphe à Rome; il étend la droite vers le ciel en regardant la déesse Rome, qu'il paraît vouloir embrasser; auprès de Drusus est placée Lavilla, son épouse, assise dans une chaise faite dans la forme d'un sphinx. Par dessous la chaise de Livie, est une femme qui pleure, et qui porte sur sa tête une tiare à la façon des Parthes. On voit au troisième rang, des figures de captifs, à mi-corps, au milieu une femme en habit germain, portant un enfant dans ses bras; il y en a une autre auprès d'elle en cheveux longs, telle qu'on représente l'Espagne sur les médailles, peut-être à cause des victoires sur les Cantabres, trois ou quatre autres portant des tiares et des habits orientaux, et deux fleuves nus, comme pouvaient être le Rhin ou le Danube, ou tous autres. Ils sont assis, et ont l'air triste et pleurant, et sont placés confusément parmi des boucliers et d'autres armes; les uns avec des égides, et les autres avec des simples têtes de Méduse, ou d'autres à la manière des Barbares; enfin ce monument est très noble, et ce qui atteste plus [305] parfaitement la fidélité du sculpteur, et qui prouve que cet ouvrage a été fait avec le plus grand accord, c'est que la face d'Auguste est remplie de majesté, et ressemble très bien au profil de ses médailles; sa couronne radiée est de pierre jaune-pâle, pour imiter la lumière (1).((1) L'imagination de Peiresc le porte ici trop loin: la couronne n'est pas d'une couleur particulière, mais de la même teinte que la couche à laquelle elle est parallèle (Note de Fauris de Saint Vincens).) La face de Tibère ressemble très bien à ses meilleures médailles; il a un peu de duvet sur les joues, comme dans quelques-unes des plus belles médailles. Le visage de Livie ressemble très bien à celui de Tibère; Antonia non seulement ressemble à ses propres médailles, mais elle ressemble aussi à Marc Antoine, son père, ce qui ne me paraît pas indigne de remarque. Germanicus ressemble assez à Antonia et à ses propres médailles, ayant encore un peu de poils follets, ce qui fait un bel effet. Drusus ressemble à ses médailles, Agrippine aux siennes; on ne saurait en dire autant de Livilla, n'en ayant jamais vu d'anciens portraits, non plus que de Marcus Marcellus; mais puisque le sculpteur l'a représenté très beau sur cet ouvrage, et que Virgile et les autres historiens de ces temps le peignent ainsi, je conjecture que ce doit être plutôt lui que tout autre; car le petit Amour placé près de lui paraît vouloir indiquer l'intention qu'a eue le sculpteur de justifier qu'il avait eu une autorité suffisante pour prouver que les honneurs divins avaient été rendus à Marcellus, et qu'après sa mort on lui avait dédié un théâtre. Il est très vraisemblable qu'au moins il en ait été fait un héros. Peut-être son goût pour les chevaux a été cause qu'on l'a peint, au théâtre et dans le laraire d'Auguste en costume de Persée, et peut-être d'Alexandre-le-Grand. Je vous prie d'y réfléchir, et de m'en dire votre façon de penser. Au reste, je ne sais pas si on trouvera ma conjecture ridicule, quand je dis que les premiers temples dédiés à Auguste furent conjointement dédiés à la déesse Rome, parce que l'on croyait qu'elle même l'avait transporté au ciel ainsi qu'on le voit représenté. Les auteurs ont écrit qu'on fit de grands présents au sénateur qui jura avoir vu Auguste monter au ciel. Ils n'ont point dit cependant que le sénateur eût dit avoir vu qu'Auguste monta au ciel sur les épaules de la déesse Rome; mais la dédicace des temples à Rome et à Auguste, et le monument dont il s'agit ici confirment cette opinion. L'aigle que l'on fait sortir de son bûcher ne saurait nuire à cette hypothèse. J'oubliais de vous dire que le maintien et la pose de la déesse Rome sont tels qu'à l'air dont elle tient Auguste sur son dos, un globe dans les mains, et la face tournée vers Marcellus, elle semble vouloir lui dire que, puisqu'il avait dédaigné l'empire pour aller au ciel, elle le donnait à Tibère, dont la tête est précisément placée sous le globe. [306] On croirait qu'elle veut ensuite le remettre à Drusus, qui lui tend les mains, comme pour lui montrer qu'il l'attend. Il ne me reste plus rien à vous dire, si ce n'est que je pense que ce bijou fut un don fait au temple de Rome et d'Auguste, porté ensuite à Constantinople lors de la translation de l'empire, et amené à Paris avec les bijoux rapportés par Baudouin prince du sang royal de France, empereur de Constantinople (1)( (1) Une ancienne tradition veut que ce camée ait été apporté en France par Baudouin II, comte de Flandre, empereur de Constantinople, qui, après avoir été chassé de Byzance par les Paléologues, parcourut en 1248 la France, l'Italie, et les autres royaumes de l'Europe, pour obtenir du secours afin de se rétablir dans le sien. Il avait apporté avec lui les instruments de la Passion et tous ses trésors qu'il vendit ou engagea aux différents rois, pour obtenir l'argent nécessaire à ses projets; et il vendit ce camée à Saint-Louis, qui en fit l'acquisition comme d'un sujet sacré et d'un reliquaire précieux. Quoiqu'il en soit, ce beau camée a passé à Charles V, qui en fit présent à la Sainte-Chapelle, par une suite de cette croyance qu'il représentait un sujet de piété. Ce fut lui probablement qui fit faire au cadre le support dont la gorge était ornée des figures des douze Apôtres en émail dans des niches gothiques. On lisait au bas en vieux caractères tudesques dits gothiques: «Ce camaïeu bailla à la Sainte Chapelle du palais Charles cinquième de ce nom, roi de France, qui fut fils du roi Jean, l'an 1379» On doit aux opinions religieuses la conservation de plusieurs monuments antiques; celui que je décris en est une preuve: si le sujet avait été reconnu, Charles V n'aurait point voulu souiller le trésor de son église par cette image profane: ce camèe serait resté dans le Cabinet royal, et il aurait éprouvé le sort de tant d'autres curiosités qui furent pillées ou brûlées pendant le règne orageux de Charles VI. Cette précieuse sardoine était donc regardée comme un objet sacré, On portait solennellement ce reliquaire dans les cérémonies pieuses; et l'on voit par le compte de la chifrerie de la Sainte-Chapelle, que le 30 mai 1484, on fit une procession pour le sacre du roi Charles VIII, et que l'on y porta le grand camaïeu. Ce monument resta longtemps enseveli parmi les reliques de cette église, sans que personne se fût mis en peine d'en rechercher le sujet; il a été même d'usage de l'exposer les jours de bonne fête jusqu'en 1619, et le peuple allait religieusement baiser le grand camaïeu (Note de Fauris de Saint Vincens). ), lorsqu'il se fut dépouillé de l'empire. Car on trouve plusieurs reliquaires et autres choses très précieuses par lui emportées à cette époque, et mises en gage partout où il trouvait de l'argent à emprunter. Je fais faire un dessin exact de ce bijou, et j'ai l'intention de le faire graver sur le cuivre et de le faire imprimer. Si à Rome, Villamena (2)((2) Villamena (Francesco), peintre et graveur, naquit à Assise vers 1566, mourut à Rome, en 1626.) voulait le graver, j'en serais charmé: dans le cas contraire, je le ferai faire par Cornelius (3)((3) C'est Corneille (Michel), le père, à Paris, aussi fameux peintre et graveur.), ou quelqu'autre habile homme, qui le fasse avec affection, ne voulant pas que cela soit gravé d'une main commune, puisque c'est un si bel objet, qu'il est nécessaire de rendre scrupuleusement la ressemblance de tant de beaux portraits de toute cette famille d'Auguste. Je vous serai obligé de vouloir bien vous informer des intentions de Villamena, et je vous baise très affectueusement les mains (4).((4) Fauris de St Vincens. Correspondance inédite de Peiresc avec Jérôme Aléandre, etc., pp. 72 à 82. Paris, 1819.)
Mon domestique a laissé par mégarde, hors du paquet que je vous ai envoyé hier, la copie de la lettre que j'ai écrite à M. Pignoria, au sujet du camée d'Auguste; ce qui m'a fait bien de la peine, parce qu'en vous envoyant la description des figures du camée, vous aurez eu de la peine à comprendre ce que j'en disais dans ma lettre. Mais vous voudrez bien excuser ma faute, étant difficile que les domestiques aient toujours la précaution et la diligence nécessaires en pareil cas. Cela m'ayant donné occasion de relire cette copie, je fis quelques observations que vous ne serez peut-être pas fâché de connaître; savoir que l'adolescent qui est entre Rome et Jules, pourrait bien être Drusus, père de Germanicus, ainsi que je l'ai marqué par apostille. Dans ce cas Antonia, son épouse, pourrait y tenir la place et porter l'habit de Proserpine, avec son enfant Germanicus en habit de Bacchus, étant très certain qu'elle mit au monde Germanicus la même année que Drusus subjugua les peuples de la Germanie, ce qui lui donna lieu de le nommer Germanicus, ainsi que le remarque Honorius Augustodunensis, en l'année U. C. DCCXXXI, et qu'il eut une inclination particulière au culte d'Auguste, comme à un Dieu, ainsi qu'il paraît par la dédicace qu'il voulut ensuite lui faire d'un temple apud Lingonum gentem l'an DCCXLIII, suivant Cassiodore, et par l'autel de Lyon élevé presque en même temps, ad confluentem Araris et Rhodam, suivant Tite-Live, lorsque naquit son autre fils Claudius, qui fut empereur. Il eut tant de part aux bonnes grâces d'Auguste, qu'il en fut institué héritier, conjointement avec ses propres fils, et fut publiquement honoré, après la mort d'Auguste, par de grands éloges, et des voeux adressés aux dieux, pour les prier de rendre tous les Césars semblables à lui. Dans cette hypothèse, la couronne de lierre ne conviendrait pas mal à Antonia, puisque son père eut non seulement la folie de souffrir que les honneurs divins lui fussent rendus comme à Bacchus, mais même celle de courir les côtes d'Alexandrie sur un char, habillé comme ce dieu. Mais il y a bien des difficultés, au sujet du scorpion et d'autres particularités qui exigent un examen et des recherches faites plus à loisir. Le souvenir de la folie d'Antoine m'a conduit à une autre conjecture; au sujet du temps où on a pu rendre les honneurs divins à Auguste. Ce dut être après qu'Antoine eut été vaincu en Égypte, que les honneurs divins ont été déférés à Auguste dans ce royaume. Ce fut à cette époque que les Égyptiens commencèrent à supputer leur année par l'ère augustana. Ce fut peu après la réduction de l'Égypte, que les Romains donnèrent à Octave le nom d'Auguste, titre qui le rapprochait de la divinité. [308] Ceux qui élevèrent, dans les provinces, des temples à Auguste, durent le représenter plutôt en habit de Jupiter que de toute autre divinité, comme portant un nom attribué déjà à Jupiter et lui placer un lituus dans la main; ce qui donnait bien de l'embarras, pour l'allusion à l'origine du nom même d'Auguste. Outre que je ne crois pas indigne de considération l'adulation de ce Sextus Pacuvius, tribun du peuple, qui dans la même année DCCXXVI, que le nom d'Auguste lui fut donné (suivant Dion, lib. 53), après lui avoir offert ses voeux, et avoir obligé, par son autorité de tribun plusieurs autres à l'imiter, fit en sorte que chacun célébrât des sacrifices pour la même fin, ce qui était bien suffisant pour donner lieu au culte divin qui depuis lui fut toujours rendu. A cette supposition, on peut ajouter une médaille d'Adrianus, avec l'Afrique accompagnée d'un scorpion, comme marque particulière; quoique, dans le temps de Marius, les Africains fussent désignés par ledit animal, plutôt comme un symbole de leur perfidie, que comme une enseigne choisie dans leur pays. Je ne crois pas sans fondement l'opinion de ceux qui penseraient que ce trophée du camée, où l'on voit un scorpion sur un bouclier, doit se rapporter à l'Afrique, puisqu'Auguste avait fait de même pour plusieurs autres nations, chez lesquelles il laissait à la vérité triompher les proconsuls généraux de ses armées; mais il ne manquait pas de se prévaloir de leurs victoires, prenant toujours de nouveau le titre d'empereur. Il y a eu, pendant le règne d'Auguste, quatre triomphes en Afrique: le premier a eu lieu en l'année DCCXIX, et il ne paraît nullement applicable; le second, qui a été de Lucius Antonius Peto, l'an DCCXXIV, et le quatrième, qui est celui de Marcus Marcellus, pourraient y avoir plus de rapport. Je ne parlerai pas du troisième triomphe obtenu par Sempronius Attratinus en l'année DCCXXXIV. Au reste, il est difficile de croire que la figure de Marcellus soit celle qui dans le camée est près d'Auguste. Il n'est pas vraisemblable qu'on eût voulu, pendant la vie d'Auguste, le placer à côté d'un prince déjà mort. On ne peut non plus la donner à Caius, qui ne faisait que de naître; ni à Tiberius, qui ne fut adopté qu'environ dix ans plus tard. On peut seulement croire qu'elle est de Marcus Agrippa, qui était son gendre (à moins qu'on ne préfère Drusus, lequel néanmoins fit ses expéditions du côté de la Germanie et non de l'Afrique); et ainsi l'un des soldats, qui, sur le camée, compose le trophée, pourrait être ce Bato, qui, étant natif de Gades en Espagne, où Agrippa avait fait plusieurs voyages, il ne serait pas étonnant qu'il eût pour lui une amitié particulière. Vous rirez, je n'en doute pas, en lisant tant de rêveries et de pensées si bizarres, si éloignées l'une de l'autre, et autant d'irrésolutions; mais je vous ai fait toute cette relation en liberté, afin que vous en usiez de [309] même, en ayant la bonté de me faire part de vos opinions, pour choisir celle qui paraîtra moins incompatible et moins contradictoire. Excusez moi de grâce; et croyez moi, tel que je suis, de tout mon coeur, de Paris, le 18 novembre 1620, votre très humble et très obéissant serviteur, de Peiresc (1).((1) Fauris de St Vincens. Op. cit., p. 93.)
J'apprends avec plaisir, par vos deux lettres du 17 octobre, que la nouvelle du camée de Tibère découvert depuis peu, vous a été agréable, et que vous avez bien voulu excuser avec bonté les idées que je vous ai transmises à ce sujet, dont la plupart étaient hors de propos, parce que je n'avais pas présents à l'esprit bien des points de l'histoire ancienne, sur lesquels, depuis longtemps, je n'avais fait aucune réflexion, et surtout à l'habillement de Tibère, qui le représente comme un Dieu. Vous avez grandement raison de penser que cet habit peut convenir à Jupiter, dans le temps que vivait Tibère. Je n'y avais pas d'abord pensé, retenu par le lituus qu'il tient dans la main, qui m'obligeait de trouver en lui les attributs d'un prêtre; et j'étais tenté de le considérer comme faisant fonction d'un prêtre d'Auguste, à l'exemple d'Antonia, qui fut ensuite représentée sur les médailles frappées sous Caligula son neveu, avec deux flambeaux allumés dans les mains et l'inscription: sacerdos divi augusti. Servius fait la remarque que les dames romaines étaient anciennement dans l'usage de porter de semblables flambeaux autour des autels, quand on offrait des sacrifices. Je trouvais encore de grandes difficultés clans l'assemblage des autres figures de Germanicus, d'Antonia, d'Agrippine, de Caligula, de Drusus et Liville, assistant Tibère et Livie, qui toutes devaient peut-être tenir lieu d'autant de divinités, surtout celle d'Agrippine et de Liville, puisqu'elles sont assises auprès des autres principales. Au reste, ce camée m'en a fait découvrir un autre, pas tout à fait si grand, mais peu s'en faut, fait du temps d'Auguste, sur lequel, sans nul doute, Auguste est représenté assis, en habit de Jupiter Olympien, avec l'aigle sous son siège, et Rome, en habit de Junon Argienne, assise à sa droite, accompagnés de Jupiter et Junon, qui leur laissent leurs propres sièges et par d'autres divinités qui prouvent que l'intention du sculpteur, ou du prince qui fit graver ce camée, fut de ne mettre dans ce rang que des figures de princes ou de princesses, qui tinssent lieu de divinités. Ce qui me fit de suite ressouvenir de ce passage de Joseph, dans lequel sont décrits les colosses élevés par [310] Hérode, en l'honneur d'Auguste et de Rome, dans sa ville de Césarée de même grandeur et de même forme que ceux de Jupiter Olympien et de Junon Argienne, et j'aurais presque pensé, s'il ne m'était pas resté d'autres difficultés, que ce bijou avait autrefois fait partie des dons faits à Rome et à Auguste, dans un des temples qui leur furent élevés dans ces temps-là. Ces figures paraissent bien imiter, sinon tout à fait des figures colossales, au moins des figures héroïques, plus que de grandeur naturelle, puisqu'il y a un autre ordre de figures de soldats et de captifs, qui sont de moitié moins grandes que les précédentes. J'eus occasion de voir cette antiquité, au moment du départ du courrier de Venise, et comme j'écrivais en outre à M. Lorenzo Pignoria, cela me mit à même de lui en dire quelque chose, sans un trop grand examen. Je fis conserver copie de ce que je lui écrivis, que je vous envoie pour m'épargner la peine de la copier une seconde fois. J'étais certain que vous y trouveriez bien des fautes à corriger, ainsi que dans la précédente, mais vous voudrez bien excuser ma bonne volonté, et en pardonnant mes fautes, vous aurez la bonté de corriger ce qui conviendra. Je vous en prie instamment, n'ayant pas le temps de relire les livres qu'il faudrait, pour pouvoir en parler avec plus de certitude. J'avais d'abord pensé que la figure de l'Adolescent, en habit militaire, qui est entre le char de Jules César et ce que je crois être la déesse Rome, était Marcellus, les vraies délices d'Auguste, et que le trophée que lui érigeait l'armée, fut à cause des premiers barbares qu'il subjugea, tels que les Dalmates, les Salassii, les Cantabri, ou autres, à l'occasion desquels on ériga dans les Alpes ce célèbre trophée l'an U. C. DCCXXVIII précisément quand on commença à s'apercevoir de la grande faveur de Marcellus. Mais ayant examiné un peu plus attentivement l'ouvrage, et m'étant aperçu d'un scorpion sculpté sur le bouclier attaché au trophée, je me rappelai de quelques médailles que je possède d'Antioche, de Comagène et de Jotapé, situés dans l'Arménie ou aux environs, où un scorpion était représenté. Le scorpion était donc le type propre à l'Arménie (quoique le scorpion ait encore été regardé comme le signe de l'Afrique par quelques auteurs). Alors je pensai que ce camée pouvait plutôt avoir été fait quelques années après la mort de Marcellus, et que la figure du jeune homme que je croyais être Marcellus, s'appliquait plutôt à Caius César, neveu d'Auguste, qui avait conquis l'Arménie. Je pense d'ailleurs qu'aucun temple n'a pu être élevé en l'honneur d'Auguste du vivant de Marcellus; surtout quand je considère que la dédicace faite par Hérode ne fut pas, suivant Joseph, avant la CXCIIe olympiade, qui correspond à l'année U. C. DCCXLI, dix ans après la mort de Marcellus, et que, suivant Eusèbe, la fondation et la construction de Césarée n'eurent lieu que l'année [311] précédente, et celle de Sebasta Panias, que quatre années avant. Il faudrait au reste, faire une plus exacte recherche de l'époque où l'on commença, dans les provinces à bâtir des temples à Auguste pendant sa vie, comme à une divinité, pour savoir si cette époque serait antérieure à la mort de Marcellus. Indépendamment de ce que l'habit militaire et le hoqueton du général ne me paraissent pas convenir à Marcellus, qui était dans un âge bien peu avancé, et qui n'avait pas encore fait d'expéditions militaires, cependant j'avoue que, s'il n'y avait pas d'autres difficultés, on pourrait parer à celle-ci en le considérant comme un costume de chevalier romain et prince de la jeunesse. Mais comme il y a bien d'autres choses qui ne se concilient pas, je regarde celle-ci comme assez digne de remarque, de manière qu'étant réduit à chercher une autre personne, je n'en vois pas de plus convenable, ainsi que je l'ai dit, que Caius César, neveu d'Auguste, lequel précisément reconquit l'Arménie. On pourrait supposer encore que cette pierre précieuse a été gravée encore plus tard, et lorsque Tibère fut adopté par Auguste. Plusieurs victoires sur les barbares peuvent convenir à Tibère, même la conquête de l'Arménie, suivant Eusèbe. Enfin l'idée au sujet du scorpion me paraîtrait très-importante pour rapporter l'époque de ce trophée à une des conquêtes de l'Arménie. Avouons cependant qu'il se présente une autre difficulté, qui est que, sur toutes les médailles faites dans ce temps pour célébrer la reprise de l'Arménie, on voit des arcs, des carquois, et il n'y en a point ici. L'on y trouve au contraire de longs traits, tels que ceux des Gaulois, des Espagnols et des Germains. L'un des captifs barbares porte un collier à la gauloise. On voit dans l'Auguste de Goltzius une médaille avec un scorpion, qui pourrait tirer de là son origine, avec le nom de L. Aquilius Florus. VIL vir, lequel, selon Dion, ne paraît pas avoir vécu depuis la victoire d'Actium, arrivée sept ou huit ans avant la mort de Marcellus. J'ai encore une chose à vous dire qui est que cet adolescent, en habit militaire, n'a pas de couronne sur la tête; qu'il porte le hoqueton de la même manière que les empereurs; appuie sa main droite sur le flanc, et de la gauche, paraît tenir entre les doigts un petit objet de forme ovale, entouré d'un cercle fort mince. Je ne sais si ce ne serait quelque bijou précieux, qu'il dédie et présente dans quelque temple d'Auguste. Sous le trophée, il y a un taureau par terre, sur la poitrine duquel on distingue très bien la tête de Méduse. C'est à vous à examiner si on peut en tirer une autre conséquence ou non, quant à moi il suffit de vous en avoir informé, en attendant de pouvoir vous en envoyer le dessin. Je ferai tout mon possible pour vous faire passer le jet de l'un et de l'autre; ce que la longueur de la route rendra un peu difficile. Je me flatte cependant de vous procurer cette satisfaction, et par là d'éviter de vous écrire une multitude de [312] paroles sur l'un et l'autre, ne pouvant d'ailleurs me livrer à ce soin comme je le voudrais. J'ai admiré la subtilité et la noblesse des idées que vous avez bien voulu me communiquer, et par dessus tout, l'application de cet endroit de Cicéron, ramené de l'exil sur les épaules de la République, et de ce cheval de Lucifer en place de Pégase. Ce qui est si remarquable que je ne crois pas qu'on puisse trouver rien de plus à propos. Je vous prie donc d'y penser, et vouloir bien vous déterminer de le faire à loisir (1).((1) Fauris de St Vincens. Ibid., p. 86.)
Aux termes dont Peiresc se sert en parlant à Rubens et à Aléandre du camée de la
Sainte Chapelle, on sent l'enthousiasme dont le remplit sa découverte. En 1623,
étant à Paris, Rubens fit la copie du camée, il expédia ce travail à Peiresc au
commencement de juin 1626. On le retrouve dans l'inventaire des médailles,
gravures, pierres précieuses et poids antiques de feu M. Peiresc: «un tableau de
la main de M. Rubens, représentant l'Apothéose d'Auguste, tiré sur l'original
qui est en agathe à la Sainte Chapelle de Paris; un autre tableau de la main de
M. Nicolas, de l'Apothéose d'Auguste vivant, tiré sur l'original de l'agathe,
qui est aujourd'hui au cabinet de l'empereur (2).»((2)
Gazette des Beaux-Arts, t. XIV, 2e période, p. 422. —
Gazette archéologique, 1886, p. 244.)
Rubens et Peiresc songèrent simultanément à faire graver les camées les plus
remarquables de leur collection; ils formèrent le projet d'éditer un ouvrage sur
les antiquités, à la publication duquel se seraient intéressés Nicolas Rockox et
le chevalier Cassien del Pozzo. Cet ouvrage ne vit point le jour, mais Rubens
fit graver plusieurs planches qui y étaient destinées. Nous possédons huit de
ces planches et un frontispice avec le titre: Varie figueri de Agati Antique
desiniati de Peetro Paulo Rubbenie. Grave par Lucas Vostermans e Paulus Pontius.
Les planches représentent:
[313] Les têtes de Germanicus, de Caius César et de Solon de
la planche 7, représentent les mêmes camées que celles de la planche 6. Il y a
donc eu deux différentes séries de gravures entreprises. Rubens parle de trois
de ces gravures (les nos 1, 2 et 4) dans une lettre du 3
juillet 1625 à Valavès.
Dans la vente van Schorel (Anvers, 1774) se trouvait un dessin fait par Rubens
d'après un onyx antique et portant des notes explicatives de la main du peintre,
qui très probablement avait été fait en vue de la publication des camées. Il
représente des soldats macédoniens qui livrent assaut à une ville défendue par
des hommes à demi-nus (OEuvre de Rubens, nos 1220 à
1228).
1. | la Gemma Tiberiana (le Camée de Paris); |
2. | la Gemma Augustaea (le Camée de Vienne); |
3. | le Triomphe de Germanicus et d'Agrippine, ou mieux, de Claudius et de Messaline (Cabinet de La Haye); |
4. | le Triomphe d'un empereur; |
5. | trois têtes vues de profil et disposées en triangle (Agrippine et ses deux enfants); |
6. | six têtes gravées sur une même planche (Tibère, Solon, Pallas, Germanicus, Caius César et une femme coiffée d'un muffle d'éléphant); |
7. | quatre têtes de profil (Germanicus, Caius César, Solon et Socrate); |
8. | quatre têtes de profil (Platon, Nicias, Pallas et Alexandre-le-Grand). |
CCXXX WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.(11 décembre
1621.)
(Postcript.) I have sufficient order from my L: Davers, to çonclude wth
Rubens, about his picture, wch I will doe as soone as I have leisure.
Bruxles,
the 1/11 of December
1621.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance
William Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 61.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
(Post-scriptum.) J'ai les ordres nécessaires de la part de Lord Danvers pour
conclure avec Rubens relativement à son tableau; je le ferai dès que j'en aurai
le loisir.
Bruxelles, le 11 décembre 1621.
CCXXXI
WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY CARLETON.(15 décembre 1621.)
[314] My L: Davers hath sente me immediate order to treate wth
Rubens for the desyred peece of
paintinge.
W. Trumbull.
From Bruxelles the 5/15 of December 1621.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance
William Trumbull, 1621.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Mylord Danvers m'à envoyé Tordre de traiter immédiatement avec Rubens au sujet du
tableau désigné.
W. Trumbull.
Bruxelles, le 15 décembre 1621.
CCXXXII THOMAS LOCKE A SIR DUDLEY
CARLETON.
Right Honorable.
My Lo: Danvers hath sent the picture
wch yor Lp
sent from Reuben hither to me to be sent backe & will have his olde one
againe & the £ 25 that he hath received shall goe for another that
Reuben must make him: I thincke my Lo: Danvers hath alreadie acquainted yr Lp wth his
intent. I have heere a lettre to Reuben & the Picture wch I do not well knowe how to sent yet
Yor Lps humble servant
Th. Locke.
15 December 1621.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Publié par Noël
Sainsbury, Op. cit., p. 62.
TRADUCTION.THOMAS LOCKE A SIR DUDLEY
CARLETON.(15 décembre
1621.)
Très honorable.
[315] Milord Danvers m'a fait parvenir le tableau de Rubens
que V. S. lui avait envoyé, afin que je le renvoie. Il veut qu'on lui rende son
vieux Bassan; quant aux 25 livres reçues par Rubens, elles serviront à payer une
autre oeuvre que celui-ci doit exécuter. Je pense que Milord Danvers vous a déjà
prévenu de ses intentions. J'ai ici une lettre pour le peintre, ainsi que le
tableau, mais je ne sais trop comment je les lui renverrai
Votre très humble serviteur
Th. Locke.
[Westminster] 15 décembre 1621.
CCXXXIII
LORD DANVERS A SIR DUDLEY CARLETON.(17 décembre 1621.)
My Lo:
I have pursued the course prescribed wth Mr. Trumbull and Ruben, although
after all the care you have taken to yeald me satisfaction, I suspect my monye
will be more wourth then his wourke, commonly wrought wth
a very careles hand, but we must showte an arrow after on other.
Yr Lo: most well wishinge and littellable to
doe you servis
H. Danvers.
St Jameses this 7 [17] of december 1621
Adresse: To the right hoble Sr Dudley
Carleton Kt Ambassador for his Matie
with the States of the United Provinces.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Holland 144.
Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 62.
TRADUCTION.LORD DANVERS A SIR DUDLEY CARLETON.
Milord.
[316] J'ai continué la démarche que M. Trumbull avait reçu
ordre de faire auprès de Rubens; après toutes les peines que vous vous êtes
données pour me satisfaire, j'ai dû néanmoins reconnaître que mon argent vaut
mieux que son tableau qui est d'un travail ordinaire, fait d'une main négligée.
Mais nous devons poursuivre l'affaire et faire des efforts nouveaux
Votre dévoué serviteur qui voudrait bien mais ne sauraitvous rendre
beaucoup de service
H. Danvers.
St James, 17 décembre 1621.
Adresse: Au très honorable Sir Dudley Carleton, chevalier, ambassadeur de Sa
Majesté auprès des États-Généraux des Provinces-Unies.
Molto Ill. et Eccmo Signr mio
Singmo.
Ho ricevuto questa sera l'amorevolissima sua lettera delli 10 stante, in tempo
opportuno per farle risposta subito partendo ltordinario
domani mattina, il che m'e stato molto caro per non havere a differire gli
ringratiamenti ch'io le devo della prontezza con la quale V. S. Ill. s'e degnata
offerirme la communicatione dell' impronti e dissegni delle piu notabili gioie
della sua pretiosissima raccolta, da quali io son sicuro di dovere imparare
secreti nobilissimi dell' antiquita et scoprire cose stupende et a me, fin hora,
del tutto incognite, come erano quei ritratti che V. S. m'accenna di Marcello
con Giulia et di Livilla ch'io non haveva mai veduti in tutti li studii
d'Italia, di Francia, d'Inghilterra, di cotesti paesi et d'una parte di
Germania; oncle io vo augurando che lo studio di V. S. eccede di gran lungo
tutti gli altri che mi sono [317] passati per le mani,
nonostante la soverchia modestia con la quale ella si sforza di persuadermi di
non haver la raccolta compita. Non mi maraviglio veramente che V. S. si dilecti
piu delle cose antique d'eccellente maestria che delle mediocri, poi che ognuno
ha piu naturale inchinatione ad amare i pari suoi, o che s'avicinano al suo
proprio humore, sendo V. S. arrivata al supremo grado di perfettione in questa
sua nobilissima professione sopra ogni altro del suo secolo et se, per non
offender la sua modestia, non dico delli altri secoli passati, ancora son ben
sicuro ch'ella e arrivata al pari delli piu eccellenti, et per cio non puo senza
violenza, assoggiettare il suo genio elevato a cose piu basse et passate per
mani barbare, ma bisogna nondimeno tal volta ricorrere a tal violenza quando
mancano cose migliori et contentarsi dell' alimento del pane biscotto quando si
sta in mezzo al mare et che non puonno havere alimenti piu delicati, se si vuol
havere notitia non interrotta delle historie antique et farne la prova con
publica autorita contemporanea, il che non e di poco diletto a chi si da quella
prima violenza di cavarne il primo gusto. Io haveva havuto altre volte quasi il
medesimo fastidio di molte cose di goffa maestria, non per la medesima caggione
di quello di V. S. ch'io non haveva la capacita di giudicare ne stimare le cose
buone o migliori, anzi per debolezza d'ingegno, bastandomi ogni cosa buona per
trattenermi senza lasciarmi tempo di essaminare dell' altre, ma si come facendo
il viaggio ch'io feci altre volte in coteste bande, ne trovandovi del vino che
s'accommodasse alla mia sanita, fu costretto di mettermi alla biera, la quale se
ben mi riusci da principio di gusto tanto acerbo che mi conveniva turare le
narrene per beverla come se fosse stata una medecina. Fra pochi giorni, sendomi
avvezzato, la trovai piu gustosissima; di maniera che da quel tempo in poi, l'ho
tenuta in delitiis et quasi sopra ogni sorte di vino di piu eccellenti, corne
non ce ne manca in queste bande. Cosi appunto quando per sorte mi furono
capitate certe antiquità di goffa maestria, che mi convenne serbare qualche
tempo, per rispetto di certi miei parenti ch'avevano voluto ch'io le tenessi per
amor loro, m'avenne un giorno d'indovinare a caso certo particolare che mi diede
qualche diletto et m'appri talmente la strada a passar piu oltre, che m'ha quasi
fatto perdere la dilettione delle piu nobili, alle quali non mancano padroni che
le tengono in pretio et le sanno far valere, accio non restino del [318] tutto abbandonate queste poverette, delle quali si
ponno riempire et restituire molte lacune dell' historia antiqua ne' secoli piu
barbari et non cogniti. Et per cio, mi son messo a raddunar non solamente delle
Imperiali piu goffe dell' imperio cadente, ma ancora delle Gotiche d'ogni sorte
et delle monete francesi di tutti i secoli che se ne sonno potuto havere.
Et per supplire il diffetto della maestria, son stato costretto di cercarne 4 et
5 per sorte, anzi tal volta sino a 10 et 12 per sorte per poter capire
l'intentione delli scultori et cercarne qualche notitia.
Talmente che V. S. m'obligara sommamente di procurarme la vista di tutte quelle
che gli amici suoi si degnaranno volerla confidare, accio che le possa vedere in
man sua.
Dal resto poi si come la goffezza della scoltura delle lettere Gieroglyphiche,
scolpite su gli obelisci antiqui, non impedisce che non siano tenuti in gran
prezzo, anzi se sene potesse cavar interpretatione certa l'accrescerebbono
sommamente appresso ogni uno. Cosi e certo che moite cose s'hanno da stimare
nonostante qualsi voglia goffezza di maestria, per essempio le veste delli
Barbari dell' India et del Peru, o dell' Africa, le quali sono di scorza
d'alberi, o di penne, o di pelli, o altre cose di pochissimo momento, non
lasciano d'esser vedute volentieri dalli piu grandi et piu curiosi, et con molta
raggione, anzi tal volta essere anteposte a veste di seta preciosissime per
essere piu communi. Questo sia detto per farmi scusare nella dilettatione di
quelle gofferie et specialmente di que' tagli christiani o pseudo-christiani
dalli quali si cava la notitia di cose oscurissime in Epiphanio et altri
antiqui.
Quanto alla preferenza che V. S. da alle gioie, non e dubio che il pretio della
gioia sola et quello dell' artefice eccellentissimo non sia senza comparatione
molto maggiore di quello delle medaglie, ma a chi cerca l'illustratione dell'
historie antique bisogna che prevagliarono le medaglie, le quali sonno
altrettanti testimonii publichi per esser fatte di ordine publico de' principi
piu notabili. Le gioie, al contrario, sendo cose particolari et dependenti dal
capriccio de' principi et delle persone primate che le facevano intagliare, o
delli artefici istessi, senza concorrenza alcuna di ordine publico, non ponno
dar tanto giovamento alle historie, al meno con tanta autorita. Et di piu, e
molto piu difficile di [319] darne interpretatione ben certa
et senza ricorrere alle congietture, il piu delle volte esse non patiscono il
diffetto della raggione o di essere fruste; come le medaglie patiscono quello
della fragilita che ne ha guasto infinite preciosissime, anzi alcune se ne
trovano fruste nel campo dell' intaglio, in maniera che si sonno persi i profili
delle figure scolpitevi et talvolta inscrittioni esquisite, massime di quel
secolo che gli eccellenti artefici vi scolpivano i nomi loro, come faceva
Dioscoride et altri.
In somma, io tengo che delle cose antique pochissime s'hanno da sprezzare senza
prejudicio ne disminutione del pretio di quelle che sonno le piu ricche et (tali
che sono) ancora gli bassi rilievi di opere pubbliche, le quali, ben spesso,
puonno essere et di maestria eccellente et di pubblica autorita. Onde io ho
sempre stimato sopra ogni altri thesori le teste antique et ritratti di persone
illustri mentionate nell' Indice che V. S. mandò altre volte al Sgr
Gevartio nostro, le quali
meritarebbono bene, ora com' ora, di esser dissegnate et intagliate in rame, per
salvargli la vita per l'avvenire et metterle fuori del pericolo che corrono que'
thesori in tempo di guerra o di incendio.
Restami a dirle che mi saranno altretanti anni tutti i giorni che passaremo di
qua su al tempo della sua venuta, laquale io starò aspettando con ogni divotione
risoluto contribuirle quanto potra dependere del fare mio, et nella miglior
maniera che ella si dignera aggradire, non mi dispiacera d'altro che di non
saper fare cosa condegna al merito della persona di V. S. Ill.
Con che, per finire, affettuosamente le bacio le mani.
Di Pariggi, alli 23 decembre 1621.
de Peiresc.
Mi dispiace dell' errore commesso nella mansione delle mie lettere V. S. me ne
scusera, pro sua gratia, et dell' altro che tocca la fiera dove non hebbi altro
pensiero che della compagnia di persone del medesimo paese piu per acquistar che
per alienare, si come altre volte hebbi io voglia d'andare con i librari a veder
quella di Francfort, intesi poi la caggione del suo viaggio et che la Regina
Madre l'haveva mandata preggere di volere inricchire il suo palazzo nuovo di
qualche sua pittura.
Ho veduto tre intagli antiqui assai grandi, cioe di piu d'un [320] ducatone o piastra quasi simili l'uno all'altro, ne' quali si vede
in mezzo al zodiaco un Giove sedente, un Nettuno sotto di lui et a i lati un
Mercurio et una Venere et tal volte altre deità. Vorrei ben sapere se fra le sue
gioie ve ne sarebbe alcuna di questa sorte et quando ve ne fosse ch'ella si
degnasse portarne gl' impronti, percio che merita questa impresa qualche
discorso di consideratione.
Carpentras. Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 656, v°.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
J'ai reçu ce soir votre bonne lettre du 10 courant; je l'ai reçue assez à temps
pour vous envoyer une réponse immédiate par le courrier ordinaire partant demain
matin. Il m'est très agréable de n'avoir point à différer les remerciements que
je vous dois pour la promptitude avec laquelle vous avez bien voulu me donner
communication des empreintes et des dessins des principaux joyaux de votre
précieuse collection qui vont m'apprendre, j'en suis sûr, des secrets très
importants de l'antiquité et me faire découvrir des choses extraordinaires, qui
jusqu'à ce moment me sont restées tout à fait inconnues. Telles sont, par
exemple, ces portraits dont vous me parlez, de Marcellus avec Julie et de
Livilla, portraits que je n'ai jamais vus dans les cabinets d'Italie, de France,
d'Angleterre, de ce pays et d'une partie de l'Allemagne. Je dois en augurer que
votre collection surpasse de beaucoup toutes celles que j'ai eu l'occasion de
visiter, et c'est par excès de modestie que vous vous efforcez de me persuader
qu'elle n'est pas complète. Et de vrai, je ne m'étonne pas de ce que vous
trouviez plus de jouissance à voir des choses antiques d'un excellent travail
que d'en voir de médiocres: chacun est porté naturellement à aimer ce qui est à
sa hauteur ou ce qui s'approche le plus de ses inclinations propres. Vous êtes
arrivé au degré suprême de la perfection dans l'art si noble que vous professez,
vous surpassez tout autre de ce siècle, je ne dis pas des siècles passés, pour
ne pas offenser votre modestie, mais je suis certain que vous êtes l'égal des
plus excellents maîtres, et c'est le motif pour lequel vous ne pouvez, sans vous
faire violence, assujétir votre génie si élevé à s'occuper d'objets de bas aloi
et ayant passé par des mains barbares. Néanmoins, quand il y a disette de choses
meilleures, on est bien obligé quelquefois de recourir [321] à ces moyens extrêmes, comme on doit se contenter, pour sa nourriture, du
vulgaire biscuit, quand on se trouve au milieu de la mer et qu'il n'y a pas
moyen de se procurer des aliments plus délicats. Il en est de même quand on veut
avoir une connaissance complète de l'histoire ancienne et faire la preuve des
faits au moyen de documents publics et contemporains, ce qui procure une réelle
jouissance à qui se fait violence pour combattre la répugnance du premier goût.
J'ai éprouvé, autrefois, à peu près la même aversion pour une foule d'objets
d'un art grossier, non point par le motif qui inspire la vôtre, car je suis
incapable de juger ou d'estimer l'excellence plus ou moins grande des objets,
mais par faiblesse d'esprit, car il me suffisait d'avoir sous les yeux une belle
chose pour m'en occuper au point de ne plus avoir le temps d'en examiner
d'autres. C'est ainsi que jadis, en voyageant dans vos contrées et n'y trouvant
pas du vin qui convînt à ma santé, je fus obligé de me mettre à la bière qui,
dans le commencement me parut d'un goût si aigre que je me bouchais les narines
pour la boire, comme on fait en avalant une médecine. Peu de jours après, m'y
étant habitué, je lui trouvai un goût beaucoup plus agréable, si bien que,
depuis ce temps, je la tenais in delitiis et la préférais presque aux meilleurs
vins de n'importe quels crus, et il ne manquait pas de ces vins dans le pays.
C'est ainsi que, tout à fait par hasard, il m'avait été adressé un certain
nombre d'objets antiques d'un travail barbare, qu'il me fallut garder quelque
temps, par respect pour certains parents qui voulaient que je les conservasse
pour' l'amour d'eux. Or, il m'avint un jour d'y découvrir certaines
particularités qui me donnèrent quelque satisfaction et m'ouvrirent la voie à
des recherches ultérieures. J'en perdis presque l'amour des choses plus belles;
celles-ci, d'ailleurs, ne manquent point de protecteurs qui les apprécient et
savent les faire valoir; mais je n'ai pas laissé dans un abandon complet ces
pauvres malheureuses qui aident tant à combler les lacunes de l'histoire
ancienne, pendant les siècles les plus barbares et les plus obscurs. Dans ce
but, je me suis mis à recueillir non seulement les médailles impériales très
informes de la décadence romaine, mais encore tout ce que j'ai pu trouver de
gothiques de tout genre et de monnaies françaises de toutes les époques. Et pour
suppléer aux défauts de l'exécution de ces pièces, je suis obligé d'en réunir 4
ou 5 et même quelquefois 10 et 12 d'une espèce pour pouvoir découvrir ce que les
graveurs ont voulu y mettre et en tirer quelque connaissance.
De sorte que vous m'obligerez infiniment en me procurant la vue de toutes celles
que vos amis voudront bien vous confier, afin que je puisse les examiner entre
vos mains.
Il en est de même, du reste, des hiéroglyphes, taillés sur les obélisques [322] antiques: malgré l'imperfection de leur sculpture, ils
sont tenus en grande estime et combien le seraient-ils davantage encore, si l'on
parvenait à les interpréter! Il est donc certain que beaucoup de choses sont
dignes d'attention, quelle que soit la rudesse de leur facture; par exemple, les
vêtements des naturels de l'Inde, du Pérou ou de l'Afrique; bien qu'ils soient
faits d'écorces d'arbre, de plumes, de peaux ou d'autres matières de très peu de
valeur, ils ne laissent pas d'être regardés avec plaisir par les hommes les plus
éminents et les plus curieux, et cela avec beaucoup de raison, car souvent on
les préférera à des vêtements de soie que nous voyons tous les jours. Je vous
dis tout cela pour que vous m'excusiez si je prends plaisir à m'occuper de ces
objets grossiers et spécialement de ces intailles chrétiennes ou
pseudo-chrétiennes dont on tire la connaissance de points très obscurs dans
Epiphanius et autres auteurs anciens.
Vous donnez la préférence aux pierres précieuses; sans doute, la valeur de la
pierre seule et le mérite du travail d'un excellent artiste sont
incomparablement supérieurs à ceux d'une médaille; mais pour qui cherche à
porter de la lumière dans l'histoire de l'antiquité, les médailles ont plus
d'importance, car elles sont autant de témoignages officiels ayant été exécutées
sur un ordre public donné par les princes les plus éminents. Les pierres
taillées, au contraire, sont des objets particuliers, créés par le caprice des
princes, ou des grands qui les faisaient exécuter, ou par celui des artistes
eux-mêmes, sans aucune intervention de nature officielle; elles ne peuvent donc
fournir autant de secours à l'histoire, du moins elles ne le peuvent avec autant
d'autorité. Et de plus, il est beaucoup plus difficile d'en donner une
interprétation bien certaine et sans recourir aux conjectures. Le plus souvent,
elles sont inutiles à défaut de signification ou pour être frustes; de même que
les médailles ont à souffrir de leur fragilité qui en a endommagé un nombre
infini et des plus précieuses; parmi les pierres, il s'en trouve aussi
quelques-unes dont le champ de la ciselure est devenu fruste au point que les
profils des figures taillées y sont perdus et quelquefois aussi les inscriptions
importantes, celles surtout de ce siècle où les grands artistes, tels que
Dioscoride et autres, y gravaient leur nom.
En somme, je tiens que des choses de l'antiquité il n'en est qu'un très petit
nombre que l'on puisse dédaigner; cela ne cause aucun préjudice et ne diminue
pas le prix de celles qui sont les plus riches; parmi celles-ci on compte encore
les bas-reliefs des édifices publics, lesquels peuvent être très souvent en même
temps remarquables par l'excellence du travail et avoir une autorité officielle.
Aussi ai-je toujours estimé, au-dessus de tous autres trésors, les têtes
antiques et les portraits des personnages illustres, mentionnés dans
l'inventaire que vous avez remis il y a quelque temps à notre cher M. Gevaerts.
Ces monuments seraient bien dignes aussi d'être dessinés et gravés sur cuivre [323] afin d'arriver à la postérité et d'être mis hors des
périls que courent ces trésors en temps de guerre et d'incendie.
Il me reste à vous dire que les jours que j'aurai encore à passer avant votre
arrivée me paraîtront autant d'années. Je vous attendrai donc avec un vif
empressement et je m'efforcerai de tout mon pouvoir et de mon mieux à faire ce
qui vous sera le plus agréable et n'aurai d'autre déplaisir que celui de ne
pouvoir mettre mes services à la hauteur de votre mérite.
Sur ce, pour finir, je vous baise affectueusement les mains.
De Paris, le 23 décembre 1621.
de Peiresc.
Je suis au regret de l'erreur que j'ai commise dans l'adresse de mes lettres;
veuillez m'excuser, pro sua gratia. En ce qui concerne ce que je vous disais
touchant la foire, je n'avais d'autre pensée que de vous mettre en compagnie de
personnes du même pays, venant plus ici pour acheter que pour vendre; c'est
ainsi que moi-même, autrefois, j'ai eu l'envie d'aller avec les libraires voir
celle de Francfort. J'ai appris ensuite le motif de votre voyage et que la Reine
Mère vous avait prié de vouloir bien enrichir son nouveau palais de peintures de
votre main.
J'ai vu trois intailles antiques assez grandes, c'est-à-dire plus grandes qu'un
ducaton ou une piastre, elles sont semblables l'une à l'autre; on y voit au
milieu d'un Zodiaque, un Jupiter assis, un Neptune au-dessous de lui et sur les
côtés un Mercure et une Vénus, puis quelques autres déités. Je voudrais savoir
si parmi vos pierres précieuses il n'y en aurait aucune de ce genre et s'il s'en
trouve une, soyez assez bon de m'en apporter l'empreinte, car ce sujet est digne
d'une étude un peu attentive.
COMMENTAIRE.
Épiphanius. Saint Épiphane, docteur de l'église, archevêque de Salamine, en
Chypre, né vers 310 en Palestine, mort en 403. Il écrivit plusieurs ouvrages
d'histoire religieuse, de controverse et d'archéologie. Celui qui se rapporte
plus spécialement à l'objet dont Peiresc s'occupe ici, est son Traité des
pierres précieuses.
Les têtes antiques sont celles dont Peiresc a parlé dans sa lettre à Gevartius du
17 janvier 1620.
La reine-mère. C'est la première mention de l'intention de Marie de Médicis de
confier à Rubens l'exécution des galeries du palais du Luxembourg. Comment la
préférence de la reine se porta-t-elle sur le peintre anversois? [324] On dit généralement que ce fut le baron de Vicq, l'ambassadeur des
archiducs Albert et Isabelle à Paris, qui le recommanda. Il est assez probable
que cet homme d'état intervint en faveur de son compatriote, mais il est à noter
que Marie de Médicis était la soeur de a duchesse de Mantoue; celle-ci devait se
rappeler fort bien du peintre qui exécuta des oeuvres importantes pour Vincent
de Gonzague. En outre, la reine avait pour peintre ordinaire François Pourbus,
le compagnon de Rubens, à la cour de Mantoue. Les renseignements favorables sur
Rubens pouvaient donc avoir été fournis de divers côtés à Marie de Médicis.
L'archiduchesse Isabelle elle-même fut probablement consultée; en tout cas, il
est certain qu'elle fut informée dès l'abord de la résolution de la reine-mère.
En effet, lorsqu'en janvier 1622, le peintre se rendit à Paris, il passa par
Bruxelles et l'infante Isabelle lui confia, pour être remise à Marie de Médicis,
une petite chienne avec un collier garni de vingt-quatre plaques émaillées
(1).((1) Compte des dépenses de l'Infante, Janvier 1622.
A la Royne-Mère, par Rubens, une petite chiene, avec un collier garni de
vingt-quatre plaques esmaillées (A. Castan. Les origines et la date du
Saint-Ildefonse de Rubens, p. 75).)
CCXXXV PEIRESC A GUIDI DA
BAGNI.
Illmo Sre.
Io pigliava a punto la penna per scriverle quando m'e stata portata questa sera
la sua delli 18 stante con quella del Sgr Rubens di che le
tengo grand obligo pregundola di aggradire che vada ancora la risposta per
medesima strada, poiche V. S. Illma vuol cercare nello
studio del Duca d'Arscot tengo che trovara molte contornite et quando le
mancasse quel mezzo forzè che il Sr Vincenzo Cobergo
pittore potra supplire con i suoi disegni. Vedero molto volontieri i verzi delle
tapezzarie anticque. Il quadro che dice V. S. Ima del
Parlamento ducale credo che sia il medesimo ch'io viddi altre volte nel palazzo
del Parlamento di Malines.
[23 décembre 1621. ]
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. II, p. 48 v°.
TRADUCTION.PEIRESC A GUIDI DA BAGNI.
Illustre Seigneur.
[325] Je prenais précisément la plume pour vous écrire quand,
ce soir, on m'apporta votre lettre du 18 courant avec celle de Rubens, dont je
vous remercie beaucoup, en vous priant de permettre que la réponse suive encore
le même chemin. Puisque vous désirez faire des recherches dans la collection du
duc d'Arschot, je crois que vous trouverez beaucoup de contours dessinés, et si
ce moyen vous manquait, peut-être que le peintre Coberger pourrait y suppléer
par ses dessins. Je voudrais voir très volontiers les vers des tapisseries
anciennes. Le tableau du parlement ducal dont vous parlez est le même, je crois,
que j'ai vu jadis au parlement de Malines.
[23 décembre 1621. ]
COMMENTAIRE.
Cardinal Guidi da Bagni. Jean-François, né le 4 octobre 1578. Destiné à la
carrière ecclésiastique, on le fit étudier aux universités de Pise et de
Bologne; à 18 ans, il fut envoyé à Rome, admis parmi les Referendarii delle
segnature et investi de l'abbaye de Ste Marie, au diocèse
de Salerne. En 1598, il accompagna Clément VIII dans son entrée solennelle à
Ferrare; en 1600, il fut donné pour secrétaire au cardinal-neveu Pierre
Aldobrandini, quand il fut envoyé à Florence pour bénir le mariage d'Henri IV
avec Marie de Médicis, puis à Paris pour traiter de la paix entre ce roi et le
duc de Savoie. A peine revenu à Rome, il fut destiné à gouverner provisoirement
le Picenum; ensuite, il fut gouverneur de diverses villes entr'autres de Fano,
en 1608, et puis d'Orvieto. Envoyé par Paul V comme vice-légat à Avignon, en
1614, il y resta 7 ans, pendant lesquels il se lia d'amitié avec Armand de
Richelieu, alors évêque de Luçon et exilé pour favoriser les intérêts de Marie
de Médicis contre son fils. Consacré archevêque de Patras i. p. i., il devint
nonce ordinaire à Bruxelles, en 1621. Promu évêque de Cervia, en 1627, il reçut
cette année d'Urbain VIII la mission de se rendre à Paris pour assister le
cardinal Barberini, comme légat à latere, dans l'ambassade dont il avait été
chargé; mais, durant le voyage, il tomba dans une embuscade tendue par les
Huguenots et fut durement frappé et dépouillé de tout ce qu'il avait. Il ne faut
donc pas s'étonner si, resté nonce en France, il a poussé de toutes ses forces
Louis XIII à violer les traités et à commencer la guerre contre les protestants.
[326] Une autre des principales occupations de sa nonciature
fut de reconcilier Marie de Médicis avec son fils et, s'il y réussit, il faut
dire cependant que la paix entr'eux ne fut pas longue. Dès le 30 août 1627,
Urbain VIII l'avait destiné à la pourpre, selon le désir du roi de France, mais
il ne le publia qu'au consistoire du 29 novembre 1629, en lui donnant le titre
presbitéral de S. Alexis. Il revint de sa légation de France en 1631. Rentré
dans son diocèse de Cervia, il s'y distingua par sa charité envers les pauvres,
il établit à ses frais pour eux un monte frumentario. Ayant résigné cette
église, en 1635, il obtint celle de Rieti, où il tint un synode qui a été
imprimé et où éclate sa vigilance pastorale et son zèle de la discipline
ecclésiastique. Il visita son diocèse, embellit la cathédrale, augmenta les
revenus de la mense, rebâtit depuis les fondements le palais épiscopal. Il fit
tout cela en trois ans, car, en 1638, pour motifs de santé, il quitta encore ce
siège. Retiré à Rome, il fut adjoint à la Congrégation d'État et à celle du
Saint Office. Il mourut le 25 juillet 1641 et fut enterré dans son église
titulaire de S. Alexis, dans la tombe qu'il s'était préparée de son vivant et
avait fait orner de sculptures du Bernin. Cette église ressentit aussi les
effets de sa bienfaisance, il agrandit le choeur et reconstruisit le grand
autel. Il aimait d'avoir autour de lui des hommes de lettres et eut beaucoup
d'affection pour Gabriel Naudé, dont il fit son bibliothécaire. A la
bibliothèque de Paris, on trouve deux volumes contenant ses lettres latines,
écrites pendant qu'il était nonce à Bruxelles.
Il était fils de Fabricio et de Laura, fille de Pompeo Colonna, duc de Zagarollo.
Il avait un frère Niccolo, né à Rimini, en 1584, qui fit la guerre en Flandre
sous Spinola et fut général des troupes pontificales, en 1623, puis entra dans
les ordres et fut cardinal.
Une soeur, Marie, s'occupa de peinture et fut élève de J. F. Barbieri, il
Guercino, qui était protégé par Jean-François le nonce.
La famille de Guidi est une des plus importantes d'Italie, elle se trouve mêlée à
tous les événements de la Toscane et de la Romagne du XIe
au XVe siècle.
Son tombeau avec sa statue couchée, par le Bernin, à S. Alexis à Rome, est
reproduit en gravure.
Étant nonce à Bruxelles, il servit d'intermédiaire dans la correspondance entre
Rubens et Peiresc, leur ami commun (1).((1) Cette notice
biographique de Guidi da Bagni est écrite par M. Ch. Ruelens et a été
trouvée par nous dans ses notes éparses.)
Wenceslas Cobergher, peintre d'histoire, architecte, ingénieur, économiste,
numismate, naquit à Anvers à une date qui n'est pas exactement connue, [327] mais qui peut être placée avec le plus de probabilité
en 1557. En 1583, il partit pour l'Italie où il résida de longues années
étudiant la peinture, l'architecture et la numismatique. Il se forma un riche
médaillier et composa un ouvrage dans lequel il dessina de sa main toutes ses
médailles. Il étudia encore la science de l'ingénieur et y acquit une telle
réputation que les archiducs l'invitèrent à se mettre à leur service en cette
qualité. En 1601, Cobergher était rentré à Anvers; en 1605, il fut nommé
architecte et ingénieur d'Albert et Isabelle. En 1618, il organisa les
monts-de-piété en Belgique et en fut nommé le surintendant-général. La même
année, il obtint un privilège pour l'exploitation d'une fabrique de potasse. En
1622, il entreprit le dessèchement des marais entre Furnes et
Bergues-Saint-Winoc et y réussit après de longues années de travail. Il composa
un ouvrage en latin sur la peinture chez les anciens. On lui attribue la
construction de diverses églises à Bruxelles et ailleurs, mais on n'a de
certitude que pour celle des Carmélites, construite de 1607 à 1615 et démolie en
1785. Il mourut à Bruxelles, en 1634 ou en 1635.
Tapisseries antiques. Par une lettre de Peiresc à Guidi da Bagno, du 24 septembre
1621, nous savons que les tapisseries anciennes, dont il est question ici, se
trouvaient au palais de Bruxelles, qu'elles dataient du temps des ducs de
Bourgogne et représentaient des joûtes et des tournois.
CCXXXVI WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.(31 décembre
1621.)
My singuler good Lord.
My L: Danvers hath given me order (as
formerly I wrote) to bespeake a peece of painting of Rubens his owne hand; and I have already
perfourmed that commission, and received a courteous answere. But I feare, myne
owne creditt will not be sufficient to accomplish that businesse
Yor Lp most humble and
affectionte servante
W. Trumbull.
Bruxelles, the 21/31 December 1621.
Original: Londres, Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance
William Trumbull, 1621. Publié par Noël Sainsbury. Op. cit., p. 62.
TRADUCTION.WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY
CARLETON.
Milord.
[328] Ainsi que je vous l'ai écrit, Milord Danvers m'a
ordonné de commander à Rubens une pièce qui soit de sa main seule. Je me suis
acquitté de la commission et j'ai reçu une réponse courtoise. Cependant je
crains que mon seul crédit ne soit pas suffisant pour conclure cette affaire
Votre très humble et très affectionné serviteur
W. Trumbull.
Bruxelles, 31 décembre 1621.
COMMENTAIRE.
Nous avons donné sans commentaire plusieurs lettres anglaises se rapportant à la
même affaire, dont nous avons exposé la période initiale comme commentaire à la
lettre du 8 février 1620.
La Chasse aux Lions, expédiée en Janvier 1621 à Lord Danvers et offerte par
celui-ci au prince de Galles ne plut à personne. Le prince de Galles possédait
en ce moment un autre tableau de Rubens, Judith et Holopherne; c'était une
oeuvre de la jeunesse du peintre que celui-ci regardait comme indigne de lui. La
Chasse aux Lions n'étant pas d'une qualité meilleure, le prince exprima le désir
d'avoir une oeuvre entièrement digne du maître et faite de sa main. Rubens
reconnut que la Chasse fournie à lord Danvers n'était pas entièrement exécutée
par lui, mais reproduisait un de ses tableaux antérieurs, appartenant au duc
Wolfgang-Guillaume de Bavière et retouchée par lui. Il consentit à reprendre le
tableau refusé et proposa de peindre une autre chasse. Le prince de Galles
exprima le désir d'avoir le portrait du peintre fait par lui-même, et lord
Danvers demanda que Rubens lui renvoyât sa Création du Bassan restauré. Ce
dernier tableau fut réexpédié à son propriétaire antérieur, en 1623. Rubens
satisfit au désir du prince de Galles, le futur roi Charles I, et fit pour lui
son portrait qui est encore conservé dans la galerie royale d'Angleterre, à
Windsor (OEuvre de Rubens, n° 1043). Ce portrait fut envoyé par le peintre à
lord Danvers et offert par celui-ci au prince. Le catalogue des tableaux de
Charles I le désigne comme étant «donné au roi par Mylord Danby (Lord Danvers).» Le 10 janvier 1625,
Rubens écrit à Valavez que le prince de Galles avait tant insisté pour obtenir
ce portrait que sa modestie fut forcée et qu'il ne put refuser.
[329] L'épisode que nous apprend à connaître cette
correspondance entre Rubens, lord Danvers et l'intermédiaire de celui-ci, sir
Dudley Carleton, est intéressante, non seulement parce qu'elle nous fournit
quelques renseignements sur certaines oeuvres de Rubens, mais plus encore parce
qu'elle nous apporte un document curieux sur le caractère du grand peintre et
sur sa manière de traiter les affaires. Toute sa vie est là pour le prouver:
Rubens s'entendait en affaires et soignait ses intérêts. «Ses demandes sont sans
recours comme les lois des Mèdes et des Perses, » dit Toby Matthew. Il discutait
le prix auquel il reprend la Création du Bassan et le collier de la femme de sir
Dudley Carleton avec un soin et une minutie qui prouvent qu'en effet il ne se
relâchait pas aisément de ses prétentions. Il n'est certes pas permis de
conclure de ceci à l'avarice dont on l'accuse; sa manière de vivre en grand
seigneur éloigne tout soupçon de ce défaut, mais on ne peut nier qu'une certaine
âpreté au gain ressort des documents qui viennent de nous passer sous les yeux.
Ce qui est bien plus grave, on voit que dans ce soin de ses intérêts pécuniaires,
la préoccupation de sa gloire artistique est reléguée au second plan. Ce doit
avoir été une mortification pour lui de se voir renvoyer son tableau destiné à
la galerie du futur roi d'Angleterre. Et cet affront, il s'y est exposé de
gaieté de coeur. Il a fourni un tableau auquel il a eu peu de part, que ses
élèves ont confectionné en majeure partie et que, avec raison, on regardait
comme indigne de lui. S'il n'y avait que cet exemple d'incurie artistique, nous
pourrions croire à un manque de goût chez lord Danvers et les autres personnages
qui expriment leur jugement sur la Chasse aux Lions; mais, dans l'oeuvre de
Rubens, les exemples sont nombreux de tableaux destinés à l'exportation et
traités fort superficiellement au point de vue de la composition et de
l'exécution. Des répétitions, des copies retouchées, des travaux d'élèves
terminés par le maître, tout cela se débitait par Rubens et comme oeuvres de
Rubens. Nous n'ignorons pas que c'était l'usage dans les ateliers des grands
peintres du temps, mais nous ne pouvons nous empêcher de regretter que
l'illustre maître sacrifiât en aussi forte proportion à ces habitudes et qu'il
tolérât plus qu'aucun de ses confrères cette immixtion de l'industrie dans
l'art. Surchargé de commandes, il adopta de bonne heure l'habitude commune de se
faire aider par ses élèves; au lieu de hausser ses prétentions, il baissa la
qualité de ses produits pour satisfaire à toutes les demandes et à toutes les
offres. Par suite de cette condescendance, son atelier se transforma trop
souvent en fabrique de tableaux. Sa gloire est trop réelle pour pouvoir être
éclipsée par ces déplorables pratiques, cependant l'éclat de sa réputation
souffre de ces produits de bas aloi qui portent, il est vrai, l'empreinte de son
style, mais ne devraient pas avoir le droit de se parer de son nom.
CCXXXVII ANNA ROEMERS VISSCHER A PIERRE-PAUL RUBENS.(1621.)
[330] Aen de vermaerde constrijcke Petrus Paulus Rubens doe ick nae syn werck
schilderde Anno 1621.
Wat een mensch al can begrijpenAls hij sijn vernuft wil slijpen,Wat op
t' uijterst hy vermachBrengt gij Rubbens aen den dach.Lachens waert is
mijn vermeetenDat ic naeboots de Poëten,Spottens waert is dat ic
tastNae een pen, een naelt die pastBeter in mijn plompe
handen.Maer ic ding nae meerder schandenNu k' mij om te bootsen
vlijT' wonder van u schilderij;Die gij sonder stem doet
spreekenDaer in datmen lieve treekenVan een sóóge moeder vintTot
haer uijtvercooren kint,Datse voor haer neer siet leggen.Daerme!
Daerme! gaetse seggenHertje benje suijgens zat?Druckt haer borst nog
eens en spatWitte melck op t' aengesichjeVan het soet onnoosel
wichje.Als een jongman die getrouw,Vrijt en lieft een schoone
vrouw,Die int eerst hem niet wil hooren,Geeft de moet niet strackx
verloorenNae oprechte minnaers aertSweert sy is wel dubbelt
waertAl mijn duchten, al mijn hoopen,Al mijn ketsen, al mijn
loopen [331] Dienst, noch moeite maeckt hem
suirT'wachten van t' geluckich uir.Eeven soo, myn kiesse ogenDie
in keur niet sijn bedroogenSijn verlieft met t' eerst gesichtOp u
werck, O Groote Licht!T'seedert heb ic van u straelenOock getracht wat
glans te haelen,Jae door lang vertreck van tijtWackert meer mijn lust
en vlijt,Want wat geestich is en aerdichDunckt mij wel wat wachtens
waerdichSal daeraen met groote reênT'waertste dat ik heb
besteen.Maer mijn vrint, die mij sijt gunstichEn niet min beleeft als
kunstichSoo u niet te seer mishaecht,T' stout versoecken van een
maeght,Bid ic mij te willen schrijvenWaer me gy u wit laet
wrijven,Dat soo geel niet en besterftNoch de tijt soo niet
bederft.Hier door zult gij mij verbindenDat ic u en u
bemindeHuijsvrouw, die door deesen moetOock sijn hertelijck
gegroetWeesen sal met hert en sinne.
Anne RoemersU vrindinne.
Publié par Nicolas Beets dans Anna Roemer Visschers (overgedrukt uit de verslagen
der Koninklijke Akademie van Wetenschap, Afdeeling Letterkunde, 2e reeks, deel VIII. Amsterdam, C. G. Van der Post, 1878)
et dans Alle de Gedichten van Anna Roemers Visscher, uitgegeven en toegelicht
door Nicolaas Beets. Utrecht, J. L. Beyers, 1881, II, p. 85.
TRADUCTION.ANNA ROEMERS VISSCHER A PIERRE-PAUL
RUBENS.
[332] Au célèbre et éminent peintre Pierre-Paul Rubens,
lorsque je travaillais d'après un de ses tableaux en l'an 1621.
Ce que l'homme peut concevoir quand il aiguise son esprit, à quelle hauteur il
peut atteindre, Rubens vous le montrez.
Risible est mon audace, lorsque j'imite les poètes; je mérite la raillerie,
lorsque je saisis une plume: une aiguille convient mieux à mes mains grossières.
Mais, aujourd'hui, je m'expose à plus de confusion, en essayant de reproduire le
merveilleux tableau qui, grâce à vous, parle sans voix. On y voit le charmant
badinage d'une mère allaitant son enfant chéri qui est étendu devant elle.
Pauvre petit, dit-elle, es-tu bien repu? Elle presse une fois encore son sein et
fait jaillir le lait blanc sur la douce figure de l'innocent bambin.
Tel qu'un jeune homme qui aime fidèlement une belle femme et cherche à gagner son
amour ne se rebute pas quand, tout d'abord, elle ne veut pas l'écouter; mais,
selon l'habitude des vrais amants, il la trouve doublement adorable; toutes ses
craintes, toutes ses espérances, toutes ses poursuites et toutes ses courses,
tous les ennuis et tous les efforts ne lui font trouver trop amère l'attente de
l'heureux moment. Tels mes yeux sensibles qui ne se sont point trompés dans leur
choix, se sont enamourés à première vue de votre travail, o glorieuse lumière.
Depuis, lors j'ai cherché à emprunter quelqu'éclat à vos rayons et dans le long
cours du temps, mon goût et mon ardeur se sont accrus; car l'esprit et les
charmes valent bien que l'on patiente. Pour moi, j'y consacrerai pour de bonnes
raisons ce que je possède de plus précieux.
Mais, mon ami, qui me voulez du bien et dont la complaisance n'est pas moins
grande que l'art, si l'audacieux essai d'une jeune femme ne vous déplaît trop,
je vous prie de bien vouloir m'écrire comment vous faites broyer votre blanc qui
ne jaunit guère et ne se gâte point par le temps. Par là, vous m'obligerez et
vous ferez que pour vous et votre épouse chérie, que je vous prie de saluer bien
cordialement, je serai de tout mon coeur et de toute mon âme
Votre amieAnne Roemers.
COMMENTAIRE.
[333] Anna Roemers Visscher, fille aînée du poète néerlandais
Roemer Visscher et poète elle-même, naquit à Amsterdam en 1584. Ayant perdu de
bonne heure sa mère, elle se trouva à la tête du ménage de son père, qu'elle ne
voulut quitter qu'en 1623, lorsqu'elle épousa Dominique Booth avec lequel elle
alla habiter Dordrecht. Elle fut une des femmes les plus distinguées que la
Hollande produisit dans le cours de son siècle d'or. Elle fit des vers où la
grâce de son esprit et la vivacité du style de son père se fondent, elle était
doué d'un beau talent pour la gravure sur verre, la broderie, la calligraphie,
la sculpture et la peinture. Elle mourut le 6 décembre 1651.
Nous connaissons la Madone, célébrée et copiée par Anna Roemers Visscher, par les
estampes de J. Pilsen, de Bolswert, et d'un anonyme; mais la peinture a disparu
(OEuvre de Rubens, n° 187).
Nicolas Beets, l'éditeur de ses poésies, émet l'opinion fort plausible que les
relations entre Anna Roemers Visscher et Rubens se sont établies par
l'intermédiaire de la famille Brant, dont une branche était établie en Hollande.
La pièce de vers se trouvait transcrite dans un manuscrit autographe qui ne fut
découvert que de nos jours.
Molto Ille Sigre.
Habbiamo qui adesso il Sigr
Pietro Paulo Rubens, pittore
eccellentiss. venuto per le pitture della Regina madre nel suo nuovo palazzo, il
quale mi ha promesso di dissegnare di sua mano i camei di Augusto et Tiberio et
di fargli stampare et intagliare in casa sua, volendocene aggiongere degli altri
bellissimi dello studio suo ch'e preciocissimo, per quanto intendo.
Di Pariggi alli XI Gennaro 1622.
Original aux Archives du Palazzo Barberini à Rome; copie à la Bibliothèque de
Carpentras. Publié au Courrier de l'Art, 1881-82, p. 454.
TRADUCTION.PEIRESC A ALÉANDRE.
Illustre Seigneur.
[334] Nous avons ici Monsieur Pierre-Paul Rubens, le fameux
peintre, venu pour les peintures que la reine-mère fait exécuter dans son
nouveau palais. Il m'a promis de dessiner de sa main les camées d'Auguste et de
Tibère et de les faire graver et imprimer chez lui et il veut y ajouter d'autres
pierres gravées de sa collection qui est fort belle à ce que l'on prétend.
De Paris, le 11 janvier 1622.
COMMENTAIRE.
Marie de Médicis avait commencé les travaux de son palais du Luxembourg en 1615,
la construction était achevée en 1620. Après l'accommodement de Brissac, conclu
entre elle et son fils Louis XIII, le 13 août 1620, elle put revenir à Paris et
songer à la décoration du nouveau bâtiment. C'est le premier voyage de Rubens à
Paris, en vue de ce travail, que la présente lettre nous fait connaître.
CCXXXIX JEAN BREUGHEL A ERCOLE BIANCHI.(11 février 1622.)
Io ha mandato un quadro fatto per sua ordine, Ellement del ario: un altro mandai
senso ordina, un girlande de fiori per fare piatcir: le Madonna fatto
divinamento de mane de Rubbens.
Si detta Madonna non e seconde il gusto de su Sig. ia Ill. ma, prega di trovar
comodita in quelche Monesterio, o a quelche Principo, perche me pare una cosa
raro: io me fide alle solito antique amicitio d V. S.
Mio secretario Rubens sta in
Francia, altramento io havra schritto al mio Sig. et Pron. La Regina Mader del
re ha fabricato un Pallatco, e desideroso d ornaro de quadri de Rubens. Gli
altri amici Momper, [335] Van Balen, Vrancx, se recommandeno
a v. s.: et con questo io me vi recomando de core: a di XI Februari 1622 in Anversa.
De V S Molti Ill. Sig.semper per servirli
Jean Brueghel.
Original: Milan, Bibliothèque Ambroisienne. Publié par G. Crivelli. Giov.
Breughel o sue lettere, p. 283.
TRADUCTION.JEAN BREUGHEL A ERCOLE BIANCHI.
J'ai envoyé à Sa Seigneurie Illustrissime (le cardinal Borromée) un tableau fait
par son ordre, l'Elément de l'air; j'en ai envoyé un autre, non commandé, une
guirlande de fleurs, qui fera plaisir: elle entoure une madone divinement faite
de la main de Rubens. Si elle ne plaît pas à Son Éminence, je vous prie de
chercher quelque monastère ou quelque prince qui la trouve à son goût, parce que
c'est une chose rare; je compte en ceci sur votre ancienne et habituelle amitié.
Mon secrétaire Rubens se trouve en France, autrement j'aurais écrit à Monsieur le
Cardinal. La Reine-mère de France a fait construire un palais et veut le faire
orner de tableaux par Rubens. Les autres amis Momper, van Balen, Vranckx, se
recommandent à vous et sur ce, je vous salue de tout coeur.
Anvers, le 11 février 1622.
Jean Breughel.
Votre très humble serviteur
Jean Breughel.
COMMENTAIRE.
La guirlande de fleurs entourant une madone de Rubens, est le tableau dont il est
question dans les lettres de Jean Breughel du 5 septembre et du 29 octobre 1621.
Les amis Momper, van Balen, Vrancx, sont les peintres anversois bien connus Josse
de Momper, Henri van Balen et Sébastien Vrancx.
CCXL PEIRESC A GUIDI DA
BAGNI.(26 février
1622.)
Ill. mo S. re
[336] Se ben le scrissi hieri per l'ordinario non però ho
dovuto lasciar partire il gentilissimo signor Rubens senza accompagnarlo di queste due righe
et dirle che se io haveva in granda stima il valore di
questo personnaggio senz altro fondamente che della fama et voce publica del suo
merito, hora dico son teste oculato della sua virtu et singolare eruditione
oltre la destrezza et eccellenza della mano. Io non posso se non amirarlo
sommamente et lasciarlo tornare da se con grando
dispiacere di perdere la piu dolce et piu erudita conversatione ch'io habbia mai
havuto; in materia dell' antiquita principalmente, egli ha una notitia la piu
universale et la piu esquisita ch'io viddi mai.
Godalo V. S. Illma quanto lo sara possibile che l'assicuro
che n'havera sodisfattione granda. Et con tal fine
lasciandogli la cura di farle parte delle nuove di questa corte.
Humilissimte le baccio le mani.
Di Pariggi, alli 26 feb. 1622.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, II, 50 v°.
TRADUCTION.PEIRESC A GUIDI DA BAGNI.
Quoique je vous aie écrit hier par l'ordinaire, je n'ai pas voulu laisser partir
ce charmant Monsieur Rubens sans lui remettre pour vous ces deux lignes et pour
vous dire que si j'avais en grande estime son talent, sans autre raison que la
réputation et la rumeur publique concernant son mérite, à présent j'ai pu juger
par moi-même de sa valeur et de son savoir extraordinaire, sans parler de
l'habileté et de la perfection de sa main. Je ne puis faire autrement que
l'admirer au plus haut degré et je ne puis le laisser partir qu'avec le plus
grand regret de perdre la conversation la plus agréable et la plus savante dont
j'aie jamais joui. En matière d'antiquités surtout, il possède les connaissances
les plus universelles et les plus remarquables que j'aie jamais rencontrées.
Jouissez en autant qu'il vous sera possible, je vous assure que vous en
éprouverez beaucoup de plaisir. Sur ce, en lui laissant le soin de vous donner
des nouvelles de cette cour, je vous salue très humblement.
De Paris, le 26 février 1622.
Monsieur.
[337] La bienveuillance de Monsieur Rubens que vous m'avez
procurée, m'a comblé de tant de bonheur et de contentement, que je vous en
debvray des remerciments tout le temps de ma vie, ne pouvant assez me louer de
son honnesteté, ne célébrer assez dignement l'eminence de sa vertu et de ses
grandes parties, tant en l'érudition profonde et cognoissance merveilleuse de la
bonne antiquité, qu'en la dextérité et rare conduitte dans les affaires du
monde, non plus que l'excellence de sa main et la grande doulceur de sa
conversation. En laquelle j'ay eu le plus agréable entretien que j'eusse eu de
fort longtemps durant le peu de sesjour qu'il a faict icy. Je vous porte une
grande envie d'avoir la commodité que vous avez d'en jouyr d'ordinaire comme
vous pourrez, mesmes à cette heure que vous avez acquis une charge nouvelle dans
Anvers, laquelle vous en approchera davantage que vous n'espériez. Je vous
félicite de bon coeur l'un et l'autre bien, et prie à Dieu qu'il vous en face
longuement jouyr, vous suppliant de me continuer les mesmes bons offices en son
endroict et me conserver en l'honneur de ses bonnes grâces et des vostres.
Je vous envoye l'Argenis de M. Barclay en revanche des beaux ouvrages que M.
Schilder m'apporta dernièrement de vostre part, auxquels j'ay prins un grand
plaisir. Vous aurez par mesme moyen le recueil des vers que les amys de Mr Aleandro ont voulu faire sur son Aldina, du nombre
desquels M. Grottius a voulu estre, il ne tiendra qu'à vous d'en estre aussy,
comme M. Aleandro se le promettoit, pour lors, je les feray réimprimer tous
in-4° en belle lettre pour y insérer les vostres et ceux dudit Sr Grottius. Je suis en peine d'un pacquet que je vous envoyay,
longtemps y a, par M. du Chesne lequel ne vous trouvant pas, le recommanda à des
honnestes gents, avec d'autres pacquets desquels j'ay eu responce. Vostre abrégé
des Chroniques du Hainault y estoit enclos. Je vous supplie de m'en donner advis
à vostre commodité. Et, sur ce, je demeureray, Monsieur
Vostre très affectionné serviteur
De Paris, ce 26 février 1622.
De Peiresc.
[338] Le Roy ordonna hier en plain conseil douze cents escus
de pension annuelle à M. Grotius.M. Saulmaise faict imprimer son Tertullien
de Pallio.
Autographe à la Bibliothèque royale de Bruxelles, Ms. 9589, p. 114.
Correspondance de Gevartius. Publiée en partie (La bienveuillance de M. Rubens —
bonnes grâces et des vostres), par M. Gachet. Op. cit., p. 5.
COMMENTAIRE.
Dans la lettre de Peiresc à Rubens datée du 23 décembre 1621, nous avons vu que
la reine-mère avait prié Rubens d'enrichir de ses peintures le palais du
Luxembourg; dans celle de Peiresc à Aléandre du 11 janvier 1622, nous lisons que
Rubens est à Paris; dans la présente et dans les deux suivantes nous voyons que,
le 26 février 1622, le peintre retourna à Anvers. Par un article des comptes des
dépenses de l'infante, nous savons que Rubens passa par Bruxelles au mois de
janvier 1622 et emporta une petite chienne et un collier garni de vingt-quatre
plaques émaillées que l'infante voulut offrir à la reine-mère. C'est donc dans
les premiers jours de janvier 1622, que Rubens se mit en route pour répondre à
l'appel de Marie de Médicis. Une lettre de Peiresc à Rubens mentionne que le
peintre était rentré chez lui le 4 mars. Ces dates nous font connaître
approximativement le temps que dura le séjour du peintre dans cette ville. Ce
fut du 10 janvier environ jusqu'au 26 février 1622. C'est dans cet intervalle
qu'il s'entendit avec Marie de Médicis et avec ses agents sur l'ensemble de la
décoration du palais du Luxembourg. Il élabora chez lui un plan plus précis
qu'il communiqua à la reine-mère le 19 mai 1622. Il fit un second séjour à Paris
au mois de juin 1623 et un troisième et dernier du mois de février au mois de
juin 1625. Nous aurons occasion de revenir sur les deux derniers de ces voyages.
Au cours du premier, il fit personnellement la connaissance de Peiresc avec
lequel il avait antérieurement échangé quelques lettres.
Le fameux Argenis de Jean Barclay fut publié pour la première fois au
commencement de 1622. C'est un roman allégorique en latin contenant un tableau
des moeurs de l'époque, principalement à la cour de France. L'auteur mourut le
12 août 1621, avant la publication de son livre: ce fut son ami Peiresc qui le
fit imprimer. L'ouvrage obtint un succès extraordinaire; il fut publié plusieurs
fois en latin et traduit dans toutes les langues de l'Europe. L'exemplaire
offert par Peiresc à Gevartius est, sans doute, un des premiers qui aient été
mis en circulation. [ID00361]
[ID00362] [339] L'Aldina d'Aléandre est un poème
composé par Aléandre dont le titre est In obitum Aldinae catellae lachrymae
poeticae, imprimé à Paris, en 1622. Suivant la vaniteuse habitude de l'époque,
les amis du savant firent spontanément ou sur l'invitation d'un des intimes de
l'auteur, des vers élogieux sur la nouvelle publication que l'on eut soin
d'imprimer aux liminaires du volume ou que, par une aberration plus frivole
encore, on réunissait en volume séparé.
Hugo Grotius, le célèbre écrivain hollandais, s'était évadé de sa prison de
Loevestein, le 21 mars 1621; il arriva à Paris le 13 avril suivant. La lettre de
Peiresc mentionne le fait que le roi lui accorda une pension de 1200 écus par
an. Il séjourna à Paris jusqu'en 1631, s'y occupant de travaux littéraires. En
1622, il travailla à son principal ouvrage, le célèbre de Jure belli et pacis
qui parut en 1625.
Le Tertullien de Claude Saumaise, le célèbre philologue français, est l'ouvrage
Sept. Flor. Tertulliani liber de pallio cum notis.
Monsieur.
Encores que vous ayez laissé venir de pardeça M. Rubens sans l'accompagner d'un
mot de vostre part, en tesmoignage de la continuation de vostre bienveuillance
en mon endroict, je ne pense pas pourtant que vous m'ayez du tout oublié et je
ne l'ay pas voulu laisser partir sans luy donner ce gaige du service que je vous
ay voué, en me ramentevant de l'honneur de vos bonnes grâces. Nous avons receu
un merveilleux contentement en la doulce conversation d'un si grand personnage
avec lequel j'ay plus appris de la bonne antiquité que je n'avoie faict de dix
ans. Vous avez un grand heur de l'avoir attaché, comme il est près de vous; je
vous asseure que je vous en porte une grande envie, me voyant quasy exclus d'y
espérer la part que je désiroie, à cause d'une charge que j'ay à 150 lieues
d'icy, laquelle je suis constrainct d'aller exercer. Il vous fera veoir de
belles despouilles qu'il emporte d'icy, où je m'asseure que vous trouverez du
plaisir, s'il s'en peult prendre en telle sorte d'antiquitez. On m'a dit que
vous avez augmenté vostre cabinet au double de ce qu'il estoit lorsque j'eus
le [340] bien de le veoir, et que vous avez la
disposition de celuy de feu M. le duc d'Arscot. Si en luy ou en l'autre il y a
des médailles gothicques, de quelque métal qu'elles soient ou autres, tant
grecques que latines extraordinaires et de difficile interprétation, je vous
supplie de m'en communiquer des empreintes. Vous m'obligerez à cause d'un grand
recueil que j'en ay fait et que, devant n'en rien divulguer, je vouldrois bien
avoir tout ce qui s'en peult commodément tirer pour ne faillir en chose qui gist
presque plus en conjecture qu'en vraye preuve. Je me revaudreray de ceste
courtoisie par tout ce dont je me pourray adviser pour vostre service et
demeureray etc.
De Paris, ce 26 febvrier 1622 (1).((1)
Cette lettre, et les deux précédentes, datées du même jour, furent
confiées par Peiresc à Rubens qui les emporta au moment de son
départ.)
Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Publié par Charles Ruelens dans
le Bulletin Rubens, tome II, p. 116.
Molto Illo Sigre.
Se n'e tornato a casa il Sr
Pietro Paulo Rubens sendosi
assonto la pittura delle due gallerie della Regina madre, con pretio di venti
mila schudi et con licenza di lavorar à casa sua, in tutto ciò che vi si potrà
fare, senza obligo di tornare che non habbia finito 8 o diece quadri grandi, con
i quali egli spera ritornare in manco spatio di tempo che molti non haverebbono
pensato. Intanto egli non lascierà di pensare alli camei, de' quali egli ha
portato vià gli impronti, havendone quasi finito il dissegno dell' uno prima di
partirsene di quà.
Egli e versatissimo in ogni genere di antiquità, et di tanta dolcezza di costumi,
che non si può vedere niente di piu amorevole..
Di Pariggi
7 Marzo 1622
Minute à Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des
lettres de Peiresc, t. I, p. 152. Autographe aux Archives du Palazzo Barberini,
à Rome. Publié par Eugène Müntz, dans le Courrier de l'Art, 1881-1882, p. 454.
TRADUCTION.PEIRESC A ALÉANDRE.
Illustre Seigneur.
[341] Pierre-Paul Rubens est retourné chez lui. Il a
entrepris de faire les peintures des deux galeries de la reine-mère au prix de
vingt mille écus, avec l'autorisation d'exécuter à la maison tout ce qu'il
pourra y faire et de ne retourner ici que quand il aura terminé huit ou dix
tableaux, ce qu'il compte faire en moins de temps qu'on ne l'aurait cru.
Entretemps, il ne négligera pas de penser aux camées, dont il a emporté les
empreintes après avoir terminé à peu près le dessin d'un de ceux-ci avant son
départ. Il est très érudit en toutes les branches de l'archéologie et si doux de
manières qu'on ne saurait rencontrer personne de plus aimable.
De Paris, le 7 mars 1622.
COMMENTAIRE.
Les deux galeries, dont Rubens devait faire les peintures, étaient toutes deux
situées dans le palais du Luxembourg; dans l'une devait être figurée la vie de
Marie de Médicis, dans l'autre celle d'Henri IV.
Le camée dont Rubens avait à peu près terminé le dessin, doit être celui de la
Sainte Chapelle de Paris.
Molto ill. Sigr mio singmo.
Non sonno potute partire le robbe di V. S. sino al giorno d'hoggidi per aspettare
quelle dell' Edmondo suo amico, le quali non furono finite prima di martedi et
subito feci spedire il passaporto che ci convenne havere in forma solenne del
gran sigillo per la notabile quantita dargentaria che l'Edmondo ha voluto portar
via arrivando a piu di 600 marchi. Ho voluto cominciar da queste particolari per
sminuirle [342] dal primo aspetto il martello d'animo
ch'ella deve havere havuto della tardenza di dette robbe.
Fece il Sigr Guardasigilli applicare la cera al suo
passaporto con infiniti elogij del suo merito, ma lo riserve dicendo voler
glielo dare di propria mano. Io l'andai a pigliar hieri, et feci le sue scuse
dicendo ch'ella era partita pochissimi giorni dopo havere pigliato licenza di S.
S. Illma. Si mandò poi il privilegio al Capo de'
Gabellieri, il quale si contentò di haver veduti gl'inventarij et ordinò che si
mettesse il bollo sopra le balle fatte senza aprirle, di modo che fecimo
imballare i forzieri in absenza de' Gabellieri et senza aprirle. Io haveva
intanto fatto mettere all' ordinario gli impronti delli duoi Camei Regii, li
quali furono collocati nel forziere dell' Edmondo, per non aprire quello di V.
S. ch'io spero dover andar intatto sino a casa del padrone, et l'Edmondo havera
da ricapitar le tre scatole dove sonno tre impronti, l'uno de quello dell'
Imperatore, simile à quello che V. S. trovava miglior del suo, et gl'altri duoi
di quello della Sta Cappella, l'uno in gesso, cavato del
cavo che V. S. haveva visto et l'altro di solfo, cavato da un altro cavo, tutti
duoi imperfetti in qualche particelle, ma in queste cose grandi, non s'e potuto
far di manco. Spero nondimeno che cio che manchera nell' uno si potra supplire
con l'altro; et sono sigillate le scatole accio nessuno gli vegga prima di Lei.
Io sono gelosissimo di quelli che mi sono restati, et l'assicuro che non gli
lascierò uscir di mia mano leggiermente, si come ne anco gli altri impronti de'
quali V. S. m'ha fatto participe, non havendosi da tirar in consequenza la
facilita con la quale io le ho fatto parte a Lei di tutto ciò ch'era in mio
potere, come farò sempre in ogni altra occurrenza, per ciò che V. S. e unico nel
mondo di tal merito.
Accompagna l'Edmondo le sue robbe in persona, et per maggior sigurta, piglia
scorta di 406 soldati che vengono di buona mano et fedeli, havendo trovato molto
a proposito la commodita del ritorno d'un carro per costa, col quale farà quanta
diligenza gli sara possibile, ma non potra gia arrivar tanto presto quanto la
presente che va per la posta.
Hora che io ho sodisfatto al particolare del quale ella voleva verisimillimamente
esser chiarita con maggior fretta, le dirò che hieri mattina, trovandomi dal
Sr de Lomenie per ringratiar la speditione del [343] passaporto, vi gionse il Sigr
Abbate di S. Ambrogio, che mi disse haver lettera di V. S. d'Anversa, con aviso
del suo felicissimo arrivo di che ricevei appunto quel contento che V. S. può
immaginarsi sendo invagghito, come io sonno della sua virtu et sommo valore. Si
misero avanti raggionamenti del suo merito dove non si poteva satiare l'Abbate
di commendarlo. Pensa V. S. con quanto mio gusto, et s'io mancava alle dovute
risposte! Finalmente, egli disse che V. S. haveva havuto opinione che lui le
fosse stato contrario, ma che non ci pensò mai, riconoscendo molto bene che non
c'era nessuno in Europa dal quale si potesse aspettar buon essito di si grande
impresa, aggiongendo che qui d'Italia non haverebbono fatto in dieci anni ciò
ch'ella haverebbe fatto in quattro, anzi che non haverebbono mai potuto fare
quadri di tal grandezza quale conveniva. Et che cosi l'haveva publicato per
tutto con tanto sdegno de' pittori di quà, che sono diventati tutti suoi nemici,
ma ch'egli lo imputa a sua gloria piu tosto di dolersene. In somma, io ebbi
appunto l'occasione bramata di renderle tutto l'affetto ch'ella poteva
desiderare. Quando fui di ritorno a casa, vi trovai la sua lettera
amorevolissima delli 4 del corrente et mandai subito al Sigr Archiprete la sua, mentre io lessi et rilessi tre volte la sua
peregrinatione con infinito gusto et allegrezza, onde ho da renderle molte
gratie di havermi communicato minutamente tanti accidenti, che mi danno
argomento certissimo ch'ella mi tiene per suo vero servitore, di che io sono
tanto fiero che non si potrebbe passare piu oltre et, per consequente, tanto
obligato alla sua dolcezza ch'io son tutto suo et lo dico di buon senno.
Ho havuto a caro d'intendere il rispetto de' Gabellieri, sperando che sara ancora
maggiore quello che haveranno da rendere all' altro passaporto come piu solenne.
Rivederò il Sigr Abbate di San Ambrogio per sollecitare la
speditione di quanto ella decidera et non ci ometterò cosa alcuna et senza altro
salutando con sua bona gratia il Sigr
Gevartio, di tutto il cuore le
baccio le mani, pregandole del Cielo ogni maggior contentezza.
Di Pariggi, 11 Marzo 1622.
de Peiresc.
de Peiresc.
Ho parlato ad un pittore per far colorir un gesso del Cameo con i colori della
gioia, come V. S. mi diceva, ma temo che non faccia niente se non ne vede uno
fatto come si deve. Et per ciò, quando V. S. [344] si
risolvesse di far far un gesso di qualche d'une di quelle sue belle teste di
cameo et di colorirlo conforme alla gioia, con la diversità delle vene della
natura, vederessimo di farlo imitare al meglio che sarebbe possibile per fare un
gesso colorito del Cameo maggiore.
Il Re fa il secondo genito del Duca d'Espernon Duca et Par di Francia et il
Sigr di Matignone Maresciale.
Molto Ill. Sigr mio sing:
Queste due righe vanno solamente per accompagnare le chiavi del suo forziere che
le conduce il Sr Edmondo. Io l'ho pregato di darmi aviso
del suo passaggio subito ch'egli sara gionto in luogo sicuro, per levarmi il
martello ch'io n'haverò sinhora. Le scrivo per la via della posta et m'era
scordato di pregarla di scusarmi di ciò che non le scrissi per l'ultimo
ordinario, perciò che l'Edmondo m'haveva assicurato di dover partire quel
medesimo giorno, et in luogo di farlo, mi lasciò otto o dieci giorni intieri
dopo la partita di V. S. senza portarmi la nota dell' argentaria, per farla
giungere al passaporto. Di che hebbi gran dispiacere per haver perso l'occasione
di levarle una parte del martello che l'hovera tenuto questa settimana, non
havendo nuova delle sue robbe. Mi scordava ancora di dirle che quando volse
pagare il vecchietto egli haverebbe voluto rivocare la sua parola, offerendo
dieci scudi di perdita per ricuperare li 30 intagli scielti, ma gli dissi
ch'erano chiusi nel suo forziere, et finalmente piglio il dannaro ma non senza
motteggiare.
Il Vivotto ando poi a ricevere dal Ferrarino le 142 ₶ et havendo
ricevuto li 24 ₶ della sua parte, mi restitui il residuo. Con che
senz' altro, con ogni affetto le baccio le mani. Di Pariggi, alli 11 Marzo
1622.
Poscritta. M'e venuto a trovare il Sr Edmondo dicendo che
non partira con le sue robbe se non domani per andar in compagnia di carozze et
carri et compagnia grossa che se ne torna doppo havere condotto qui la Sra Doria, mandata qui dall' Infanta. Il che si e fatto col
consiglio del Sigr Ambasciatore di Fiandra, di modo che V. S. non dovra star con
martello.
Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 657, v°.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
[345] Vos bagages n'ont pu partir jusqu'aujourd'hui; il a
fallu attendre ceux d'Edmond, votre ami, or, ceux-ci n'ont été prêts que mardi.
J'ai fait aussitôt expédier le passe-port dans la forme solennelle, muni du
grand sceau et indispensable à cause de la grande quantité d'argenterie
qu'Edmond veut exporter d'ici et qui dépasse 600 marcs. Je vous annonce tout
d'abord cette nouvelle pour diminuer à l'instant l'inquiétude que vous devez
avoir eue du retard de vos effets.
En faisant appliquer la cire à votre passe-port, M. le garde des sceaux parlait
de votre mérite avec des éloges infinis, mais il retint la pièce en disant qu'il
voulait vous la remettre lui-même. Je suis allé la chercher hier et je fis vos
excuses en disant que vous étiez parti très peu de jours après avoir pris congé
de lui. La licence a été envoyée ensuite au chef de la gabelle qui s'est
contenté d'avoir vu les inventaires et ordonna de mettre les cachets sur les
ballots sans les ouvrir; de sorte que nous avons fait emballer ceux-ci sans les
ouvrir, dans les caisses et hors de la présence des gabelous. Toutefois, j'avais
fait remettre chez le courrier ordinaire les empreintes des deux camées royaux;
elles ont été placées dans la malle d'Edmond, pour ne pas devoir ouvrir vos
caisses qui, je l'espère, arriveront intactes chez leur propriétaire. Edmond
aura donc à vous faire parvenir les trois boites contenant les trois empreintes:
l'une est celle du camée de l'empereur, elle est pareille à celle que vous avez
trouvée meilleure que la vôtre; les deux autres sont celles du camée de la
Sainte Chapelle, dont une épreuve en plâtre, prise dans le moule que vous avez
vu, et une épreuve en soufre, prise dans un autre moule. Toutes deux ont
quelques faibles imperfections, mais pour d'aussi grandes pièces, il n'a pas été
possible de faire mieux. J'espère néanmoins que ce qui manque à l'un d'eux,
pourra être suppléé par l'autre. Les boîtes ont été cachetées, afin que nul n'y
puisse regarder avant vous.
Je suis extrêmement jaloux des empreintes qui me sont restées et je vous assure
qu'elles ne sortiront pas facilement de mes mains; il en est de même des autres
que vous m'avez communiquées. Car il ne faut tirer aucune conséquence de
l'empressement que j'ai mis à vous faire part de tout ce que j'avais en mon
pouvoir; en toute circonstance, j'agirai de même avec vous, parce que personne
au monde n'égale votre mérite.
Edmond accompagne ses bagages en personne et pour plus grande sûreté, [346] il prend une escorte de 4 à 6 soldats venant de bonne
main et fidèles. Il a trouvé très à propos, l'occasion d'un chariot qui
retournait dans votre pays et il fera toute la diligence possible; mais il ne
pourra pas arriver aussi vite que cette lettre qui va par la poste.
Ayant satisfait à tout ce que, sans doute, vous teniez à savoir avec le plus de
hâte, je vous dirai que hier matin, me trouvant chez M. de Loménie pour le
remercier de l'expédition du passeport, j'y vis arriver l'abbé de St Ambroise, qui me dit avoir reçu de vous une lettre datée
d'Anvers et annonçant votre heureuse arrivée. Vous pouvez vous imaginer quelle
satisfaction m'a causée cette nouvelle, passionné comme je le suis de votre
talent supérieur et de votre caractère.
On se mit à raisonner de vos mérites et l'abbé ne put assez vous louer.
Jugez si cela me fit plaisir et si je manquai de lui donner la réplique comme je
le devais! Finalement, il vint à dire que vous aviez eu l'opinion qu'il vous
aurait été contraire; il affirma n'en avoir jamais eu l'idée et reconnaissait
hautement qu'il n'y avait personne en Europe capable de mener à bonne fin une
oeuvre aussi considérable, ajoutant que les peintres d'Italie n'exécuteraient
pas en dix ans ce que vous auriez terminé en quatre et même n'auraient pu songer
à entreprendre des tableaux de la dimension requise. Il a hautement exprimé son
opinion partout, ce qui a tant indigné les peintres d'ici que tous lui ont voué
leur inimitié, ce dont il se fait gloire, plutôt que de s'en attrister. En
somme, j'ai saisi là une occasion bien désirée de vous rendre tout le témoignage
d'affection que vous êtes en droit d'attendre de moi.
De retour au logis, j'y trouvai votre bonne lettre du 4 courant, et j'envoyai
immédiatement à M. l'archiprêtre celle qui est pour lui. Puis je me mis à lire
et à relire trois fois avec joie et délices, le récit de votre voyage, et j'ai à
vous rendre grâces de m'en avoir communiqué tous les incidents en détail; vous
m'avez prouvé ainsi à l'évidence que vous croyez vraiment à mon dévouement. J'en
suis fier outre mesure et par conséquent mon dévouement doit se mesurer à la
satisfaction que vous me faites éprouver, je vous le dis en toute sincérité.
J'ai appris avec plaisir avec quel respect les gabelous ont traité vos effets;
j'espère qu'ils auront plus de respect encore pour ceux qu'accompagne le
passe-port solennel.
Je reverrai l'abbé de St Ambroise pour solliciter
l'expédition de tout ce que vous déciderez et je n'omettrai rien. Et sans plus,
en vous priant de saluer affectueusement M. Gevartius, je vous baise les mains
de tout coeur et prie le ciel de vous octroyer toute satisfaction.
De Paris, le 11 mars 1622.
de Peiresc.
de Peiresc.
[347] Je me suis adressé à un peintre pour faire colorier une
épreuve en plâtre du Camée dans les tons de la pierre originale, comme vous me
l'aviez conseillé, mais je crains qu'il n'en fera rien s'il n'a sous les yeux un
modèle qui lui serve d'exemple. C'est pourquoi, si vous faites un jour exécuter
des empreintes de quelques-unes de vos belles têtes avec les couleurs et la
variété des veines naturelles des camées, nous verrons à les donner à imiter le
mieux possible pour l'exécution d'un plâtre colorié du colossal joyau de la Ste Chapelle.
Le Roi vient de créer Duc et Pair de France, le fils puîné du duc d'Espernon, et
Maréchal de France, Monsieur de Matignon.
Monsieur.
Deux lignes seulement pour accompagner les clefs de votre malle qui vous sera
ramenée par Monsieur Edmond. J'ai prié celui-ci de me donner des nouvelles de
son voyage dès qu'il sera arrivé en lieu sûr afin de me délivrer de toute
inquiétude. Je vous écris par la poste ayant oublié de m'excuser de ne pas vous
avoir envoyé de lettre par le dernier courrier. Le motif en est que M. Edmond
m'avait assuré qu'il devait partir le même jour, et au lieu de cela, il a
attendu huit ou dix jours entiers après votre départ avant de me porter la note
de l'argenterie, note que je devais faire joindre au passe-port. J'en ai
ressenti beaucoup de mécontentement car je perdais ainsi l'occasion de vous
délivrer d'une partie de l'inquiétude que vous avez dû avoir cette semaine en ne
recevant point de nouvelles de vos bagages. J'avais oublié aussi de vous dire
que lorsque j'ai voulu paver le petit vieux il a essayé de reprendre sa parole
en m'offrant de perdre dix écus pour rentrer en possession des 30 intailles
choisies, mais lui ayant dit qu'elles étaient renfermées dans votre malle, il a
dû finalement accepter l'argent non sans quelques paroles piquantes.
Le Vivot est allé recevoir de Frarin les 142 livres; ayant retenu les 24 livres
de sa part, il m'a restitué le reste. Et sur ce, je vous baise les mains
affectueusement.
De Paris, le 11 Mars 1622.
Post-Scriptum. M. Edmond est venu me trouver pour me dire qu'il ne partira avec
vos bagages que demain, pour s'en aller en compagnie de carrosses, de chariots
et d'une grande suite de gens qui retournent chez vous après avoir conduit ici
Madame Doria, envoyée par l'infante. Edmond agit ainsi sur le conseil de M.
l'ambassadeur des Pays Bas, de sorte que vous pouvez être sans inquiétude.
COMMENTAIRE.
[348] Edmond. Nous ignorons quel est l'ami de Rubens désigné
sous ce nom.
M. le garde des sceaux. Le garde des sceaux était en ce moment Méri de Vie qui,
le 24 décembre 1621, avait succédé à Guillaume du Vair. Le même personnage est
mentionné dans la lettre du 31 mars et du 8 septembre 1622. A cette dernière
date Peiresc annonce à Rubens sa mort, qui eut lieu le 2 septembre précédent.
M. de Loménie. Antoine de Loménie, d'abord ambassadeur à Londres puis secrétaire
d'Etat, né en 1560, mort en 1638.
L'Abbé de Saint Ambroise. Claude Magis, abbé de Saint Ambroise était un ami de
Peiresc et fut le principal intermédiaire entre Marie de Médicis et Rubens
pendant les travaux de la galerie du Luxembourg. Il était trésorier de la
reine-mère et conseiller et aumônier du roi lorsqu'en 1630 Philippe de Champagne
peignit et Vorsterman grava son portrait. Il mourut le 12 Juillet 1658. Il était
amateur de tableaux et de gravures et les esquisses de la galerie de Marie de
Médicis qu'il obtint de Rubens formèrent assurément la partie la plus
intéressante de sa collection.
L'Archiprêtre Nardi. Nous n'avons pas trouvé d'autres renseignements sur ce
personnage ni sur le rôle qu'il a joué dans l'affaire de la galerie du
Luxembourg. D'aprés ce qui est dit dans la lettre du 7 avril suivant il paraît
que Nardi avait fait un voyage pour transmettre les ordres ou les désirs de la
reine-mère à Rubens. Il réclama de ce chef 400 livres. Nous savons qu'il ne fut
pas le seul à raconter que la reine-mère avait songé à un autre peintre pour
exécuter sa galerie avant de fixer son choix sur Rubens. Dans le Supplément à
l'Histoire de Bauvoisis, Simon rapporte qu'il avait été question entre Marie de
Médicis et Claude Magis d'en charger un certain Quintin Varin. Celui-ci, dit-il,
ayant fait un grand tableau représentant Saint-Charles Borromée distribuant des
aumônes, pour l'église de Saint-Jacques la Boucherie, attira tellement
l'attention du trésorier de la reine-mère qu'il alla trouver le peintre et lui
fit faire un projet de galerie qui fut approuvé.
Varin fut désigné pour peindre la galerie du Luxembourg, mais un de ses amis, un
nommé Durant, ayant écrit contre le gouvernement fut arrêté et pendu. Varin
craignant le même sort se cacha si bien que Claude Magis ne parvint plus à le
découvrir. Son tableau de Charles Borromée se trouve actuellement à
Saint-Etienne-du-Mont à Paris et Clément de Ris, qui l'a étudié avec soin, le
déclare une oeuvre pitoyable (1).((1) Clément de Ris. Les
Amateurs d'autrefois, p. 55.)
[349] Dans sa lettre du 17 mars 1622, Peiresc contredit de la
manière la plus formelle tous ces bruits.
Le fils puîné du duc d'Espernon. Le duc d'Espernon (Jean-Louis de Nogaret de la
Vallette), naquit dans le Languedoc en mai 1554, se rendit fameux sous le règne
d'Henri III dont il fut le favori et qui le créa duc d'Espernon, pair de France,
gouverneur de plusieurs provinces, et sous celui d'Henri IV, contre lequel il
s'insurgea et avec lequel il se réconcilia tour à tour. On le soupçonne de
complicité dans le meurtre de ce prince. Il aida Marie de Médicis à fuir de
Blois et dicta les conditions de son accommodement avec Louis XIII. Il mourut à
Loches le 13 janvier 1642. Son second fils fut Bernard, duc de la Vallette qui
naquit à Angoulême en 1592. Il avait épousé une nièce de Richelieu. Il fut
accusé du crime de trahison à cause de sa conduite au siège de Fontarabie en
1638 et condamné à mort, mais ayant quitté la France il fut exécuté en effigie.
Après la mort du cardinal de Richelieu et de Louis XIII, il rentra en France. Le
jugement prononcé contre lui fut cassé en 1643. En 1642, il prit le titre de duc
d'Espernon et succéda à son père dans le gouvernement de Guyenne. Il mourut à
Paris le 25 juillet 1661.
M. de Matignon. Charles de Matignon, comte de Torigny, fils de Jacques de
Matignon, maréchal de France, naquit en 1564 et mourut le 9 juin 1648. Il était
lieutenant-général de Basse Normandie. Dans la généalogie des Matignon, Moreri
ne mentionne point le titre de maréchal qui selon Peiresc fut accordé en mars
1622 à Charles de Matignon.
Le Vivot. Un orfèvre et collectionneur parisien que nous retrouvons dans les
lettres de Peiresc du 7 avril, du 22 juillet 1622 et du 10 juillet 1623. Peiresc
fut longtemps en relation avec lui. Il annonce sa mort dans une lettre du 3
novembre 1633, écrite à Claude Ménestrier. Un Jean Vivot mort avant 1673 était
gentilhomme du roi. Louis XIV lui confia, en 1670, la garde des antiques.
C'était peut-être le fils du Vivot dont il s'agit ici.
Frarin ou Ferrarin. Probablement comme Vivot un amateur d'antiquités à Paris.
Rubens lui adressa la lettre du 3 août 1623. Peiresc le mentionne dans celle du
20 et du 30 juillet 1623 comme l'intermédiaire auquel Rubens peut adresser les
lettres destinées à lui Peiresc.
L'Ambassadeur des Pays-Bas à Paris. Le baron Henri de Vicq, né en 1573, seigneur
de Meulevelt et bourgmestre du Franc de Bruges, fut ambassadeur d'Albert et
d'Isabelle auprès de la cour de France au moment où Rubens peignit la galerie de
Marie de Médicis. La tradition rapporte qu'il contribua plus que personne à
faire confier ce travail au peintre. Il fut plus tard membre du Conseil
supérieur des Pays-Bas espagnols et mourut en 1651, président [350] du Grand Conseil de Malines. Rubens peignit son portrait et celui
de sa femme. Tous les deux furent vendus à Londres dans la collection de lady
Stuart en 1841. Celui du baron passa dans la collection de Guillaume II, roi des
Pays-Bas, et dans sa vente, en 1850, il fut acheté pour le Louvre; celui de la
baronne passa dans une collection particulière (OEuvre de Rubens, nos 1076-1077).
Madame Loyse, ma voysine, laquelle avoit intercédé pour votre passeport envers Mr Charlot (1)((1) M. Charlot était un agent des postes que nous retrouvons, en 1630, dans la même qualité à Lyon), son petit gendre, m'a prié de faire seurement tenir le pacquet cy joint, que je vous supplie vouloir faire donner en mains propres, et d'en retirer un peu de responce. On m'a encores baillé un billet adressé à vous, sans que je sache d'où il est venu, parce que je n'estois pas chez nous quand on l'a apporté, mais on a dict à mon homme qu'on seroit bien aise d'en avoir un mot de responce de vous. Je pense que vous aurez reçu vos hardes avant la réception de la présente. Il me tarde bien d'en estre asseuré et d'apprendre que le tout soit arrivé bien conditionné et à votre contentement.
ANTOINE BERGIER A RUBENS.
Monsieur, on a trouvé fort estrange les mauvais offices que vous a rendus
l'archiprêtre Nardi, en haine de ce qu'il ne s'estoit entremis en vostre traicté
avec la Royne-mère, ayant semé des bruits calomnieux et par luy inventés,
portants qu'elle avoit presté l'oreille à d'aultres propositions pour employer
d'aultres peintres, combien qu'elle n'y ayt jamais pensé, estant satisfaicte
comme elle est de vostre candeur et de vostre honnesteté. Cet homme n'a pu
cacher sa passion, s'en estant ouvert à Bertelot et à d'aultres qui ont
descouvert le pot aux roses. S'il ne va désormais de meilleure foi, il court
fortune de recepvoir [351] quelque affront avant que partir
d'icy. J'en ai pitié quand je le considère et l'en advertirois si j'avois sa
cognoissance. Il falloit cependant vous en tenir adverti aux fins que vous
cognoissiez à qui vous avez à faire et que vous teniez sur vos gardes, encores
que possible et il est de l'importance de tenir ceste en seur. Je demeureray,
Monsieur,
Vostre affectionné serviteur
ANTe Bergier.
Paris, ce 14 Mars 1622 (1).((1) Ces deux lettres sont transcrites dans le Recueil des lettres de Peiresc à Carpentras à la suite de la lettre de Peiresc du 17 mars. En marge de la seconde on lit: Copie d'une lettre escrite à M. Rubens.)
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, p. 659
COMMENTAIRE.
Berthelot (Guillaume) sculpteur de la reine-mère. Ce fut lui qui dirigea et
exécuta les travaux de sculpture du nouveau palais du Luxembourg et des jardins
de ce palais. Le Musée du Louvre possède de lui une Renommée. Il étudia et
résida assez longtemps à Rome, probablement de 1610 à 1619. Dès l'année 1620, il
travailla à Paris pour Marie de Médicis. Il mourut en 1648.
Antoine Bergier. Le signataire du billet adressé à Rubens et expédié par Peiresc,
Antoine Bergier, est un inconnu pour nous. Parmi les correspondants de Peiresc
se trouve un Nicolas Bergier qui est peut-être un parent d'Antoine. Ce dernier
est mentionné plus au long dans la lettre du 31 mars 1622.
Molto III. Sig.
Le scrissi per l'ordinario passato in risposta della sua cortesissima lettera
delli 4 stante, conforme alla quale io ho riveduto il Sigr
Abbate et fatto i piu gagliardi officij a me possibili, a che non ho havuto
fattica altramente, trovando la materia dispostissima et la persona del tutto
acquistatale per avanti, sin lo ch'egli mi pregò di scriverle che i [352] pittori di qua, arrabiati di vedersi rovinati di
riputatione doppo la sua venuta et condotta, hanno fatto il diavolo per cercare
di porvi qualche garbuglio et hanno abbracciato con grand' ardore i discorzi
d'un certo personaggio che disse essersi fatti et presentati alla Regina Madre
certi memoriali d'altri pittori per far l'opera che V. S. s'e assonta sotto
altre conditioni di che hanno fatto correr voce aggiongendovi ogni giorno
qualehe particolar di piu, hora che la Regina haveva accettato i memoriali, hora
che egli haveva gustati, hora che il Sigr di Lussone gli
haveva consigliato di trattar con loro, hora che si erano principiati trattati
diversi et cose simili, di che sendosi egli voluto chiarire dalla bocca stesse
della Regina et del Sr di Lussone, si e trovato ch'era
tutta buggia et che mai se n'era solamente inteso parlare ne dall' uno ne dall'
altro. Et volendo poi cercare di mano a mano l'origine et l'authore da quel
personaggio accennato di sopra, il quale non potendo patire che tutto il negotio
di V. S. si sia finito senza suo intervento, per via delli S. S. di Lussone et
di S. Ambrosio, cercava di guastarlo et procurare che V. S. entrasse in disgusto
di que' rumori. Onde la Regina ch'era gia mal sodisfatta di lui, volse
ultimamente fargli dire che se n'andasse via et che tacesse, ch'altramente gli
haverebbe fatto dare cento bastonate anzi m'aggiunze il Sr
Abbate haveva inteso che s'era fattato quel tale di haverne scritto a V. S. Il
che haveva aggravato non poco la caggione di disgusto et esacerbato l'animo
della Regina la quale non si può satiar di commendare il sommo valore di V. S.
et di lodare la buona ventura sua nell' havere ottenute di V. S. promesse
solenni di far la sua opera, sperandone effetti nobilissimi et in breve spatio
di tempo. Se V. S. havera havute lettere in questo proposito, n'intendera meglio
il discorso, basta ch'io son stato obligato di darlene aviso acciò di segliere
quanto haverebbe potuto operare di male il veleno di persona offesa et mal
compota di buona fede. Con che senz' altro affettte le
baccio le mani et la prego del Cielo ogni piu disiato bene.
Di Pariggi, alli 17 Marzo 1622.
Il Sigr Dupuy et io le preggiamo con ogni instanza di far
sollicitar due righe di risposta del R. P. Andrea Schotto intorno al piego che
V. S. gli porte.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f° 658 v°.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
[353] Je vous ai écrit, par le dernier courrier en réponse à
votre bonne lettre du 4 courant, conformément à laquelle j'ai revu M. l'Abbé de
Saint Ambroise et fait les démarches le mieux qu'il m'a été possible. Je n'ai,
du reste, éprouvé aucune peine, la matière était parfaitement préparée et la
personne entièrement acquise d'avance. C'est au point que l'abbé m'a prié de
vous écrire que les peintres d'ici, furieux de se voir ruinés de réputation
depuis que vous êtes arrivé et vous êtes mis au travail, se sont remués en
diables pour essayer de susciter quelque bagarre. Ils ont suivi avec une grande
ardeur les avis d'un certain personnage (1)((1) Probablement
l'archiprêtre Nardi.), lequel disait que l'on avait présenté à la
reine-mère des requêtes émanant de certains peintres proposant d'exécuter à
d'autres conditions l'oeuvre entreprise par vous, de tout quoi on entretient le
public en y ajoutant chaque jour quelque nouveau détail, tantôt que la reine a
accepté les mémoires tantôt qu'elle les a approuvés, une autre fois que Monsieur
de Luçon (2)((2) Le futur cardinal de Richelieu, sacré
évêque de Luçon en 1607, conserva ce siège et en porta le nom jusqu'à ce
que, en 1622, il reçut le chapeau de cardinal.) lui avait conseillé de
traiter avec ces peintres, une autre fois encore, que diverses négociations
étaient entamées, etc. Ayant voulu savoir ce qui en était de la bouche même de
la reine et de M. de Luçon, l'abbé apprit d'eux que tout était mensonge et que
ni l'un ni l'autre de ces personnages n'avait jamais entendu parler de tout
cela. Il a voulu ensuite remonter à l'origine de l'intrigue et pour lui,
l'auteur en est le personnage dont il est question plus haut. Celui-ci, n'ayant
pu digérer que toute votre affaire se soit traitée sans son intervention, par M.
M. de Luçon et de St Ambroise, a cherché à y porter du
trouble et à vous en dégoûter par toutes ces rumeurs. Aussi, la reine, déjà peu
satisfaite de lui, voulut dernièrement lui faire dire de s'en aller et de se
taire, sinon qu'elle ordonnerait qu'on lui appliquât cent coups de bâton. L'abbé
m'ajouta encore qu'il avait compris que cet individu se serait arrêté à vous en
écrire. Cela n'a pas peu contribué à augmenter le dégoût et à irriter l'esprit
de la reine, qui ne peut se rassasier de vanter votre mérite supérieur et de
célébrer la bonne fortune qu'elle a eue d'obtenir de vous la promesse solennelle
d'exécuter l'oeuvre qu'elle a conçue, et dont elle [354] espère voir dans peu de temps les effets les plus merveilleux. Si vous avez
reçu des lettres à ce sujet, vous comprendrez mieux ce qui s'est dit; il me
suffit d'avoir rempli l'obligation de vous en donner avis, afin de signaler le
mal qu'aurait pu opérer le venin d'une personne en colère et peu susceptible de
bonne foi. Sur ce, je vous baise les mains affectueusement et prie le ciel de
combler vos plus ardents souhaits.
De Paris, le 17 Mars 1622.
M. Dupuy et moi nous vous prions instamment de demander au R. P. André Schott de
vouloir bien donner deux lignes de réponse à la lettre que vous lui remettrez de
notre part.
Monsieur.
Vous m'obligerez grandement de me faire tenir au plustost l'Argenis Barclaij
avecq l'explication des noms, si Monsieur Rubens vous l'a révélé, et m'adviser
le coust. Au reste en contreschange vous me trouverez aux occasions.
MonsieurVostre bien humble serviteur
Routart.
A Bruxelles, le 30 de mars 1622.
Autographe à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Correspondance de Gevartius,
5989, f° 87. Publié par E. Gachet. Lettres inédites de Rubens, p. 6.
COMMENTAIRE.
Routart, Michel, fut d'abord premier officier de la secrétairerie d'État à
Bruxelles. Il fut ensuite secrétaire de Spinola et enfin, le 29 juin 1625,
l'infante le nomma secrétaire ordinaire de son conseil privé. Homme de bon
conseil, plein de droiture et de probité, Routart fut un modèle de dévouement à
ses princes, et leur fit entendre souvent la vérité en faveur de son pays
opprimé, mais il eut la douleur de voir toutes ses remontrances inutiles. (Note
de M. Émile Gachet.)
Molto Ille Sigr mio singo.
[355] Due lettere di V. S. mi sonno venute insieme questa
sera, l'una delli 17, l'altra delli 25 del corrente, con le risposte del R. P.
A. Schotto et della Sra Dina, di che le rendo infinite
gratie, riconoscendo che l'esattezza di V. S. eccede i voti de gli amici.
Della quantita d'argentaria del Sigr Edmondo non occorre
che V. S. se ne curi perche dissimo che ce n'era una parte che V. S. haveva
scelta di ordine dell' Infanta sua padrona. Non mi dispiacque a me d'altro che
della tardenza avenuta per non esserci accorti a miglior hora di far spedire il
passaporto, che di difficolta io sapeva bene che non ce ne poteva essere
facendosi le cose ad aggio.
Farò i complimenti di V. S. al Sigr de Lomenie, et se il
Sigr Guardasigilli non parte domani troppo a buon
hora, farò ancora il suo, ma temo di non potervi arrivar a tempo, sapendo
ch'egli e diligentissimo in coteste risolutioni et io negligentissimo di natura.
Credo ben che se V. S. havesse scritto due righe a ciascheduno sarebbe stato
benissimo, poiche V. S. pensava a questi complimenti suppliremo nondimeno in
quella maggior maniera che ci sara possibile.
Farò ancora l'officio con Sigr Abbate di S. Ambrogio, il
quale m'haveva promesso una delle misure che V. S. domanda in tempo di poterla
inviare per l'ordinario passato, ma non lo fece et fu causa ch'io lascia
schivare insensibilmente l'occasione di scriverle, di che mi dispiace non poco.
Io me n'andai a dolere et egli mi disse che il Sr Brosse
prometteva, con medesima facilita, tutte le misure come se si n'havesse ch'a
inviar una sola, assicurandomi che non visi mancarebbe per questo ordinario. Ma
se non l'havera fatto anderò io dal Sr Brosse et non lo
lasciarò in pace ch'egli non habbia fatto quanto si deve. A che potrò attendere
con maggior aggio che ne m'era lecito sin adesso con l'occupatione che mi recava
la partenza della corte Regia, che se ne va tutta questa settimana.
Quanto a quell' A. Berger, basta la risposta che V. S. ha fatto a me. Quel povero
personaggio e in cattivissimo predicamento, et parti [356] di
qua hieri l'altro, per andare in corte a sollecitar ricompenza ch'io sa con
quanta speranza di ottenere alcuna cosa, non sendo grato ne alla padrona, ne
alli suoi ministri principali, massime sendo stata ella costretta di vendere per
venti mila scudi d'entrata, per haver il danaro necessario a questo viaggio
ch'ella se ne va fare col Re.
Mr Nardi mi preggo ultimamente d'intendere donde venissero
le difficoltà che si facevano al passaggio de' danari de Spagna (1)((1) Lisez: de
l'Epargne.), temendo egli che procedessero da mancamento di buona volonta
del Re. Io ne seppi l'intoppo et fui assicurato che non mancava dispositione dal
canto del Re ma che gli SSri Ministri del Consiglio non se
potevano risolver a consentirci per infiniti inconvenienti che sene tenevano
importanti allo stato, onde si teneva per certo che non sarebbe accettata la
proposta et che sarebbe perso il tempo et la spesa che vi si farebbe a
sollecitarne la speditione gia tenuta per ingiusta et di troppo gran prejudicio
a questa corona. Io non mancai d'avisarlo di quanto conveniva et di consigliarli
piu tosto di non affaticarsi più che di correr dietro alla corte inutilmente, ma
egli ne se volse lasciar dismuovere di quel pensiero, imaginandosi ogni cosa
facile. Intanto egli e partito senza restituirmi certe mie scritture delle quali
mi e restata copia, ma egli non havera credito un altra volta.
E venuta voce d'Inghilterra che A. de Dominis sia stato ritenuto et datagli la
casa per priggione.
Io non penso piu al quadro della Madonna del Perugino, et farò l'officio come
ella desidera. Intenderò del pittore che sta in strada di Ternoue et farò quanto
ella commanda per i quadri del Tintoretto et Titiano, ma molto più volentieri
che V. S. non si potrebbe immaginare, assicurandola ch'ella mi favorisce
sommamente di valersi di me in qualsi voglia occasione. Piacesse a Dio ch'io
potessi darle segni della servitù mia proportionati al debito et desiderio mio
per rendermi degno di tanta sua benevolenza et della nuova gratia del impronto
delle sue piu preciose antiquita, delle quali, se come non m'e possibile di non
accettar l'offerta, cosi l'assicuro che ne sarò gelosissimo et che nessuno
n'havera communicatione dandole parole, specialmente per quello di Tryphone, che
non sara veduto da nessuno. Non mi scordero a suo tempo del Solone et del
Germanico et se bene non lene scriverò piu [357] frequentamente, non lasciarò di far il debito [ma] m'e bisogna esser in
Provenza. Dell' anello di Juvenale, taglio dell' incantamento o delle Parche et
medesime greche, farò tutto ciò che a me sarà possibile, non havendo fin hora
potuto far nulla per i disturbi della partenza della corte, communi al Padrone
dell' anello, cosi come a me, et non solamente anderò tentando que' pezzi, ma
tentarò ancora gli altri accennati gia da V. S. che sonno nel istesso luogo.
Di nuovo non si ha altro di momento che l'ordine dato sabbato sera alla vedova
del Contestabile et alla Signora de Vernoeuil di uscire del Louvre, non se però
ancora esseguito, aspettandosi che si sia radunato il consiglio apprezzo il Re,
per risolvere la difficolta proposta. Viene il disgusto in cio che alcuni danno
la colpa ad esse del parto anticipato della Regina, havendola fatto saltare et
cascare in terra senza darne aviso a nessuno, che con rimedii si sarebbe forzi
salvato il parto ch'era gia tutto formato, onde e stato universale il cordoglio
di tanta perdita.
Si discorre di trattati di pace ma non credo che vi sia niente di momento, bene
vero che per far cessar l'assedio del Poulsin che faceva l'Aldiguiera, legli
sonno inviati diputati di Montpelieri dov' e il Duca di Rohan, con i quali si
tratta accommodamento di quelle contrate. Et senz' altro, affettuosamenté le
bacio le mani.
Di Pariggi, alli 31 Marzo 1622.
Io faceva gran fallo di non avisarle la ricevuta della sua lettera delli 13 per
straordinario et di non ringratiarle dell' osservatione de' clovi attaccati alle
solette de' Romani, la quale io trovo bellissima, havendo havuto carissimo
d'imparare cio ch'ella s'e degnata insegnarmene.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 65g v°.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Deux lettres de vous me sont arrivées ensemble ce soir, l'une du 17, l'autre du
25 courant, avec les réponses du R. P. André Schott et de Madame [358] Dina. Je vous en rends grâces et je reconnais que votre exactitude
dépasse tout ce que vos amis peuvent désirer.
Il ne faut pas vous préoccuper de la quantité de l'argenterie confiée à M.
Edmond, parce que nous avons dit ici qu'elle faisait partie d'un choix opéré par
vous d'après les ordres de l'infante, votre souveraine. Je ne regrette qu'une
chose, c'est le retard survenu parce qu'on n'a pas eu soin plus tôt de faire
expédier le passe-port. Je savais bien qu'il ne pouvait se présenter des
difficultés en faisant les choses à l'aise.
Je ferai vos compliments à M. de Loménie et à M. le garde des sceaux, s'il ne
part pas demain de trop bonne heure, mais je crains de ne pouvoir arriver à
temps, sachant qu'il est très prompt dans ses résolutions et moi très négligent
de nature. Je crois que si vous aviez écrit deux lignes à chacun d'eux, c'eût
été pour le mieux; mais puisque vous me chargez de ces compliments, je m'en
acquitterai de la meilleure manière qu'il me sera possible.
Je ferai aussi votre commission chez l'abbé de St Ambroise.
Il m'avait promis, assez à temps pour pouvoir vous l'envoyer par le dernier
courrier, une des mesures que vous aviez demandées, mais il n'en a rien fait. Il
fut la cause ainsi de ce que j'ai insensiblement laissé échapper l'occasion de
vous écrire, ce que je regrette beaucoup. Je me rendis chez lui pour m'en
plaindre; il me dit alors que M. Brosse promettait d'envoyer toutes les mesures,
ce qui lui était aussi aisé que d'en envoyer une seule; il m'assura ensuite
qu'elles ne manqueraient point de vous arriver par le présent courrier. S'il
l'avait oublié, j'irais chez M. Brosse et ne le laisserais en paix qu'après
avoir accompli toute sa promesse. Je pourrai faire tout cela plus aisément qu'il
ne m'a été permis jusqu'à présent, à cause de l'occupation que m'a donnée le
départ de la Cour qui toute entière quitte Paris cette semaine.
Quant à cet Antoine Bergier, il suffit de la réponse que vous m'avez faite. Ce
pauvre personnage jouit de la plus mauvaise réputation. Il est parti d'ici
avant-hier, pour aller à la Cour solliciter une récompense. Hélas ! je sais quel
peut être son espoir d'obtenir quelque chose ! D'abord, parce qu'il ne plaît ni
à la reine, ni à ses principaux agents, et surtout parce que la reine a été
obligée de vendre vingt mille écus de rente afin de se procurer l'argent
nécessaire au voyage qu'elle va faire avec le roi.
M. Nardi me pria dernièrement de m'informer d'où viendraient les difficultés que
l'on fait à envoyer des fonds de l'Épargne; il craignait qu'elles ne
procédassent d'un manque de bonne volonté chez le roi. J'ai appris la cause du
retard, et on m'a donné l'assurance qu'il n'y avait aucune mauvaise disposition
du côté du roi, mais que Messieurs les Ministres du Conseil ne pouvaient se
résoudre à consentir à cet envoi auquel ils trouvaient une infinité [359] d'inconvénients de haute importance pour l'État. On
tient donc pour certain que la proposition ne sera pas acceptée et ce serait
perdre du temps et de l'argent que de faire des démarches pour obtenir un
paiement considéré comme n'étant pas dû et qui causerait un trop grand préjudice
à la couronne. Je n'ai pas manqué de l'avertir autant qu'il convenait et de lui
conseiller plutôt de ne pas se fatiguer davantage à courir inutilement derrière
la Cour. Mais il ne voulut pas se laisser détourner de son idée, s'imaginant que
toute chose est facile. En attendant, il est parti sans me restituer quelques
écrits de moi, dont il m'est resté la copie, mais une autre fois, il n'aura plus
de crédit.
D'Angleterre est arrivée la nouvelle que Marc-Antoine de Dominis a été arrêté et
qu'on lui a laissé sa demeure pour prison.
Je ne pense plus au tableau de la Madone du Pérugin, et je ferai votre commission
comme vous le désirez. Je m'informerai du peintre qui demeure dans la rue de
Ternoue, et ferai tout ce que vous m'ordonnerez au sujet des tableaux du
Tintoret et du Titien, et je le ferai avec plus de plaisir que vous ne pourriez
l'imaginer, car je vous assure que c'est une très grande faveur que vous me
faites en vous servant de moi, en quelque occasion que ce soit. Plût à Dieu que
je pusse vous donner de mon dévouement des preuves proportionnées à ma dette et
à mon désir de me rendre digne de votre grande bienveillance. Vous venez encore
de me gratifier des empreintes de vos objets antiques les plus précieux; s'il ne
m'est pas possible d'en refuser l'offre, j'en serai du moins très jaloux;
personne, je vous l'assure, n'en obtiendra la communication, et j'en donne ma
parole spécialement pour le Tryphon que nul ne verra. Je n'oublierai à leur
temps, ni le Solon, ni le Germanicus et bien que je ne vous en écrirai pas
fréquemment, je ne laisserai pas de faire mon devoir, mais j'ai besoin d'être en
Provence. De l'anneau de Juvénal, de la pierre taillée magique ou des Parques et
de semblables choses grecques, je ferai tout ce qu'il me sera possible, car
jusqu'à présent je n'ai pu songer à rien à cause des dérangements causés par le
départ de la Cour et qui sont communs au possesseur de l'anneau et à moi. Et je
ferai des tentatives non seulement pour ces pièces, mais encore pour les autres
que vous m'avez désignées et qui se trouvent au même endroit.
En fait de nouvelles d'importance, il n'y a que l'ordre intimé samedi soir à la
veuve du Connétable et à Madame de Verneuil de quitter le Louvre, mais on n'y a
pas encore donné suite; on attend la réunion du Conseil avec le roi pour
résoudre la difficulté. Leur disgrâce est venue du reproche qu'on leur adresse
d'être la cause de l'accouchement prématuré de la reine en l'ayant lait danser
et tomber à terre sans en rien dire à personne car, peut-être, au [360] moyen de remèdes aurait-on sauvé le fruit déjà tout
formé, tandis qu'aujourd'hui c'est un grand malheur qui a causé un regret
universel.
On parle de traités de paix; mais ces bruits, je crois, n'ont pas d'importance.
Il est vrai, pourtant, que pour faire cesser le siège que Lesdiguières avait
porté contre le Pouzin, il a été envoyé à celui-ci des députés de Montpellier,
où se trouve le duc de Rohan, et qu'on traite avec eux d'un accommodement pour
cette contrée.
Sur ce, je vous baise les mains très affectueusement.
De Paris, le 31 mars 1622.
J'ai commis une grande bévue en ne vous accusant pas la réception de votre lettre
du 13, arrivée par un courrier extraordinaire, et en ne vous remerciant pas de
votre remarque au sujet des clous attachés aux semelles des Romains; je la
trouve très frappante et j'ai été très heureux d'apprendre ce que vous venez de
m'enseigner.
COMMENTAIRE.
M. Brosse. Salomon de Brosse, l'architecte du palais du Luxembourg, qu'il
construisit par ordre de Marie de Médicis, en s'inspirant du palais Pitti de
Florence, conformément au désir de la reine. Il bâtit plusieurs autres édifices
remarquables: le portail de St Gervais à Paris, le château
de Manceaux, près de Meaux, pour la belle Gabrielle, le temple protestant de
Charenton, démoli en 1685, lors de la révocation de l'édit de Nantes. Il naquit
à Verneuil sur Oise à une date inconnue et mourut à Paris, le 8 décembre 1626.
Marc-Antoine de Dominis naquit, en 1566, à Arbe, capitale de l'île de ce nom, sur
la côte de Dalmatie. Il entra dans l'ordre des Jésuites et professa pendant son
noviciat l'éloquence, la philosophie et les mathématiques. D'un esprit inquiet
et ambitieux, il se fit séculariser, devint successivement évêque de Segni et
archevêque de Spalatro ou Spalato. Ayant montré des tendances aux opinions
protestantes, il se démit de son siège archiépiscopal, passa à Venise et ensuite
en Angleterre, où Jacques I le nomma doyen de l'église protestante de Windsor,
en 1616. En 1622, il rentra dans l'église catholique, fit sa soumission au pape
et se rendit à Rome. Là on acquit la preuve qu'il était en relation avec les
protestants et en communion d'idées avec eux. Il fut arrêté et enfermé au
château Saint Ange où il mourut, au mois de septembre 1624. Ce n'est pas de son
arrestation à Rome, mais d'un emprisonnement que de Dominis subit antérieurement
en Angleterre, qu'il s'agit dans la lettre de Peiresc.
La veuve du Connétable. La veuve de Charles d'Albert, duc de Luynes, [361] créé connétable en 1621, mort la même année. Sa femme
était une fille du duc de Montbazon, il l'épousa en 1617.
Madame de Verneuil, Catherine-Henriette de Balzac d'Entraigues, marquise de
Verneuil, maîtresse de Henri IV, qui habitait au Louvre en même temps que la
reine Marie de Médicis et qui y accoucha de plusieurs enfants. A la fin de la
vie du roi, elle était tombée en disgrâce et vécut tantôt à Verneuil, tantôt à
Paris, où elle mourut le 9 février 1633, à l'âge de 50 ans. En 1622, au dire de
la présente lettre, elle avait encore son logement au Louvre. Madame de Verneuil
était la soeur du duc de Luynes et par conséquent la belle-soeur de la veuve du
connétable. La fausse-couche de la reine eut lieu le 15 mars 1622.
Lesdiguières (François de Bonne, duc de). Un des capitaines les plus fameux de
Henri IV. Quoiqu'appartenant au parti huguenot, il resta fidèle à Marie de
Médicis et à Louis XIII et refusa de servir ses coréligionnaires contre le parti
de la Cour. Il abjura le protestantisme en 1622 et, à cette occasion, le roi le
nomma connétable, lui donna le collier du Saint-Esprit et le fort de Pallays. Il
mourut le 28 septembre 1626.
Le Pouzin. Ville sur la rive droite du Rhône, dans le département actuel de
l'Ardèche.
Le duc de Rohan. Henri, duc de Rohan, né au château de Blein en Bretagne, le 21
août 1579, de parents protestants, fut en grande faveur auprès de Henri IV qui
le nomma duc et pair, en 1603. Tombé en disgrâce après la mort de ce roi, il se
jeta dans le parti du prince de Condé, chef des mécontents, mais se réconcilia
avec Louis XIII, en 1616. Il s'opposa aux décrets contre les protestants et se
mit à la tête de ses coréligionnaires dans leur guerre contre le roi. La
Guienne, le Languedoc et les provinces voisines se déclarèrent
presqu'entièrement pour lui. Louis XIII se mit en campagne contre lui le 22 mars
1622. Il avait fortifié Montpellier et le roi, qui vint assiéger cette ville,
voyant que Rohan allait jeter du secours dans la place, consentit à la paix qui
fut signée le 19 octobre 1622 et qui confirma l'édit de Nantes. Il rentra en
grâce; plus tard, il reprit les armes contre le roi; une nouvelle paix fut
conclue le 6 février 1626; une nouvelle guerre éclata peu après. Elle fut
signalée par le siège de la Rochelle et s'étendit aux Cévennes et au Languedoc.
Elle se termina par la paix générale du 28 juin 1629. Rohan se retira à Venise.
En 1631, il rentra en France et fut élu général par les Grisons, titre que le
roi confirma. Richelieu lui confia, en 1635, la conquête de la Valteline. Après
une série d'aventures, il se mit au service du duc de Weimar dans la guerre
contre les Impériaux et reçut une blessure devant Rheinfeld, dont il mourut le
13 avril 1638.
[362] Dans cette lettre Peiresc commence à fournir à Rubens
des nouvelles politiques de la France et des pays avec lesquels sa patrie est en
relation. De pareilles correspondances sur les affaires publiques et privées
n'étaient point chose rare entre des personnages de cette époque, désireux de se
tenir au courant des événements. Nous verrons que Rubens de son côté en envoie à
ses correspondants de France, Peiresc, Valavez et les frères Dupuy, et en reçoit
tout aussi régulièrement de l'un ou de l'autre d'eux. C'est après la rencontre
de Rubens avec Peiresc à Paris, où ils se sont entretenus de politique aussi
bien que d'art et d'archéologie, que leur correspondance prend cette extension.
Nous ne pourrions nous astreindre à commenter régulièrement les nouvelles de ce
genre fournies par le peintre et par ses correspondants parisiens; ce serait
écrire l'histoire et même le journal de ces années. Le fait que pareil échange
de nouvelles se faisait régulièrement, est intéressant pour l'histoire de
Rubens; il prouve que dès lors le grand artiste s'occupait non seulement de la
politique de son pays, mais encore de celle des autres contrées, mais les
détails transmis, ne présentent point d'intérêt pour sa biographie et
l'explication de chaque fait, la notice historique sur chaque personnage
mentionné, nous entraînerait trop loin. Contentons-nous ici, pour l'intelligence
du texte, de résumer brièvement les événements de la guerre de Louis XIII contre
les huguenots français, de 1622 à 1629, auxquels se rapportent, pour la plupart,
les renseignements fournis par Peiresc et par les amis qui poursuivirent sa
correspondance avec Rubens.
L'assemblée générale des Réformés, tenue à La Rochelle en mars 1621, somma le roi
Louis XIII de rétablir dans le Béarnais l'ancien état de choses, tel qu'il
existait sous Henri IV, de retirer ses garnisons de cette province, ainsi que de
la Guienne et du Poitou et de mettre fin aux griefs qu'ils lui avaient fait
connaître dans leur dernière requête. Elle fit savoir aux ministres que, s'ils
exécutaient leur menace de faire poursuivre les membres de l'assemblée, les
provinces prendraient les armes. Le roi leur accorda quelquesunes de leurs
demandes, mais exigea la dissolution immédiate de l'assemblée.
Les protestants refusèrent et prirent les armes. Ils divisèrent le royaume en
huit provinces, dont ils offrirent le commandement militaire à huit généraux.
Lesdiguières fut désigné comme commandant en chef, mais, loin d'accepter cette
charge, il se rallia au parti du roi et reçut, avec le titre de maréchal, la
direction de la guerre contre ses coréligionnaires. Les autres seigneurs
investis de commandements ne se montrèrent pas plus empressés; le duc de
Bouillon, le duc de la Tremouille et Chatillon, se dérobèrent; il n'y eut que La
Force, commandant de la Basse Guienne et les ducs de Rohan et de Soubise, qui se
mirent à la tête des huguenots révoltés.
[363] Le roi entra en campagne contre eux. Dans la plupart
des villes de Normandie et de Picardie, ils furent désarmés sans difficulté.
Leurs commandants n'avaient pas assez de troupes pour défendre les villes de
sûreté, places fortes données en garantie aux protestants. Dès que le roi se
montra, toutes ces villes clans la Touraine et le Poitou se rendirent.
Saint-Jean d'Angely tomba entre les mains de Louis XIII après une courte
résistance. Sur la Loire supérieure, Gergean et Sancerre furent pris sans
difficulté. Quand le roi s'avança vers la Guienne, les consuls de Castellan et
de St Foi lui apportèrent les clefs de leurs villes. Les
huguenots se seraient tous soumis si on leur avait assuré la liberté de
religion, mais le parti des catholiques intransigeants demandait leur
extermination. La crainte de la mort ou des mauvais traitements obligea les plus
déterminés d'entre eux de continuer la guerre et ils résolurent de résister
jusqu'au bout là où ils espéraient pouvoir le faire avec quelque- chance de
réussite. Montauban était une des villes qui ferma ses portes au roi. La Force y
commandait. Rohan vint au secours de la ville qui se défendit vaillamment. En
novembre 1621, après un siège de trois mois, le roi fut obligé de le lever.
En 1622, après la mort du favori, le connétable de Luynes, la guerre contre les
réformés fut conduite par le prince de Condé. Soubise, qui tenta une expédition
contre le Poitou, fut défait et chassé du pays. Dans la Basse-Guienne, La Force
dut se soumettre. Rohan continua la guerre; il repoussa Chatillon du Bas
Languedoc et mit Montpellier en état de défense. Condé entreprit le siège de la
ville, mais les habitants se défendirent avec énergie. La ville se rendit et la
paix fut conclue le 19 octobre. Le roi accorda le maintien de l'édit de Nantes
et le rétablissement du culte protestant partout où il avait été toléré naguère.
Cette concession ramena pour quelque temps la tranquillité dans le royaume.
En 1625, Rohan et Soubise, croyant la sécurité des protestants en danger par les
mesures dirigées contre la ville de La Rochelle, leur principal boulevard,
reprirent les armes. A cette époque, Richelieu avait la direction des affaires.
La guerre dura plusieurs années; elle se termina par la prise de La Rochelle où
Louis XIII fit son entrée victorieuse, le 1r novembre
1628. L'année suivante, Richelieu organisa une campagne vigoureuse contre les
réformés du Sud. Le 28 mars 1629, Privas est pris et toute la garnison, qui
s'était rendue à discrétion, est passée au fil de l'épée; le 19 août 1629,
Montauban se soumit; les villes de sûreté disparaissent; la guerre est terminée.
Illustrissime ac R. me Domine.
Jam finiebam: et ecce intervenit dum haec scribo, familiaris meus, etiam
Dominationi Tuae, ab arte qua inter Pictores nostrates, quidni et exteros?
praecellit, non ignotus, Brueghelius. Qui exsiliens ad nomen R. mae Tuae Gratiae, atque illud
verecunde venerans, querebatur, quod elapso proximo Julio, eidem per mercatorem
Anoni transmiserit binas tabulas affabre depictas, alteram ex voto ejusdem T.
G., alteram ductam artifici penicillo nostri Rubenij, Belgici Apellis, et corollis
omnigenarum florum a se adornatam. Addebat sperare se gratissimas extitisse T.
G. Illustriss., dummodo, ex fide ad manus illius redditae: de quo nondum certior
redditus, metuebat ne earumdem jacturam pateretur, si fortassis iniquius cum
ijsdem actum fuisset. Misereor sortem optimi et integerrimi viri, qui
novercantis fortunae procellas isto anno sustinuit, cum ex morte sereniss.
Principis nostri, qui assiduo eum favore prosequebatur: tum per fraudes
quorumdam negotiatorum, apud quos omnem pene substantiam deposuerat, quae
alendae conjugi, et octo liberis educandis, recedentibus jam annis, sufficere
potuisset
Antverpiae
Kal. Aprilis MDCXXII.
Laurentius BeyerlinckArchipresbyter Eccl. Cathed. Antverp.
Obsequijs Illustriss. ac Rev. mae T. D. devotiss. Cliens.
Laurentius BeyerlinckArchipresbyter Eccl. Cathed. Antverp.
Original: Milan, Bibliothèque Ambroisienne. Publié par G. Crivelli. Giov.
Brueghel o sue lettere etc., p. 289.
TRADUCTION.LAURENT BEYERLINCK AU CARDINAL
FRÉDÉRIC BORROMÉE.
Révérendissime Seigneur.
J'allais finir quand il entre un de mes amis, qui est également le vôtre [365] par son art qui le distingue parmi tous les peintres
de notre pays et même des pays étrangers, Breughel, qui vous est bien connu; il
sursauta au nom de Votre Grâce et, avec un profond respect, il se plaignit qu'au
mois de Juillet dernier il vous avait transmis, par le négociant Annoni, deux
tableaux habilement peints, l'un commandé par Votre Grâce, l'autre exécuté par
le pinceau artistique de notre ami Rubens, l'Apelles de la Belgique, et orné par
Breughel d'une guirlande de toutes sortes de fleurs. Il ajouta qu'il espérait
que ces oeuvres auraient été agréables à Votre Grâce et qu'au moins elles vous
seraient parvenues, ce dont il n'avait jamais reçu avis. Il avait quelque
crainte qu'elles n'eussent été endommagées si on les avait traitées avec trop de
négligence. J'ai pitié de cet homme excellent et honnête qui a supporté les
orages d'une fortune adverse dans le courant de cette année: la mort lui a ravi
notre prince qui le comblait de faveurs; il a été trompé par certains négociants
auxquels il avait confié tout ce qu'il possédait et ce qui devait l'aider, au
déclin de sa vie, à nourrir sa femme et ses huit enfants.
Anvers, 1 avril 1622.
Laurent Beyerlinck.Archiprêtre de l'église cathédrale d'Anvers.
Votre tout dévoué serviteur
Laurent Beyerlinck.Archiprêtre de l'église cathédrale d'Anvers.
COMMENTAIRE.
L'auteur de cette lettre, Laurent Beyerlinck, naquit à Anvers le 12 avril 1578,
fit ses études chez les Jésuites de sa ville natale et étudia la philosophie à
l'université de Louvain. Il fut d'abord professeur de rhétorique au collège de
Vaulx à Louvain, puis curé à Herent, près de cette ville, et professeur de
philosophie au couvent des chanoines réguliers du couvent de Bethléhem, situé
dans sa paroisse. En 1605, il fut appelé à Anvers par l'évêque Miraeus et y
devint successivement président du séminaire, chanoine de la cathédrale, censeur
des livres, archiprêtre du district rural et de la ville. Le pape Paul V lui accorda le titre de
protonotaire apostolique. Il mourut le 7 juin 1627. Il est l'auteur de nombreux
ouvrages en latin et en flamand, d'histoire, de morale et de théologie. Le plus
important est une édition du Magnum theatrum vitae humanae, une encyclopédie,
publié par Zwinger, en 1565, en cinq volumes in-folio, rééditée trois fois du
vivant de son auteur et une fois par son fils, coordonnée, augmentée, corrigée
et expurgée des éléments hétérodoxes par Beyerlinck, publiée par lui, en 1631,
en huit volumes in-folio, réimprimée à Lyon, en 1678, et à Venise, en 1707.
Les infortunes de Breughel, dont cette lettre parle, et les pertes qu'il [366] eut à subir furent loin d'appauvrir le peintre. Dans
les dernières années de sa vie, de 1621 à 1625, il n'acquit plus, il est vrai,
comme les années précédentes des rentes nouvelles et des propriétés, mais, à sa
mort, il était toujours un des artistes les plus favorisés de la fortune
qu'Anvers ait connu.
Molto Ill. Sigr mio singmo.
Questa sera ho ricevuto la sua charissima del 1° del corrente et sentito infinito
piacere del felice arrivo delle sue robbe et dell' honore fatto alle spoglie
portate di qua, nel metterlo fra le sue nobilissime gioie, si come anco che non
habbiano patito gl'impronti de' camei d'Augusto. Ma ho da dolermi ch'ella si sia
scordata d'un ruotolo d'impronti ch'io cavai con sua buona gratia da diverse
cose sue, cosi tagli, come camei et medaglie, il quale restò per inadvertenza in
casa sua et forzi che si sarà smarito se V. S. non l'ha trovato fra le sue cose.
Quanto alle misure, io non ho mancato di sollecitare questa settimana il Sgr Abbate, ma il Sr Brosse per
indispositione, s'era fatto portar a Verneuil et senza lui non si poteva far
niente. Egli ritornò hier sera et hoggi ho messo l'ordine che si faccia domani
mattina il negotio, havendomi egli assicurato di haver posto ogni cosa in domani
in tal termine che, con l'assistenza del Sigr Abbate, in
poche hore si determinara ogni cosa et, per questo effetto, io ho mandato ad
avisare questa sera, detto Sr Abbate ch'io era risoluto di
ritardare la partenza dell' ordinario di 304 hore, piu tosto che perdere questa
occasione di mandare dette misure, che importa una settimana intiera, et egli
ch'e cortesissimo, m'ha scritto una pollizza, che sara qui aggionta,
promittendomi di venir da me a sette hore di mattina per andare dal Sgr Brosse et io non lo lascierò che non sia finito il
negotio sin l'altro. In tanto non mancherò di fare intendere il particolare
delle spese dell' archiprete, il quale so haver portata supplica alla Regina,
per esser rimborzato di 400 lire di spese del viaggio, ma non so se lo ponga [367] tutto a conto suo, o parte a quello di V. S., vederemo
d'intendere la verita. Ben vero che hebbi torto di scriverle ultimamente ch'egli
non m'haveva restituito le mie scritture, per ciò che 6 giorni doppo la sua
partita, un certo prete, suo amico, me le venne a portare et meglio tardi che
mai io non mi ci attendeva più, per ciò che havendo fatto inquisitione accurata
da i suoi serventi et dalla sua hostessa, et nissuno ne sapeva niente, et forzi
quel prete havera havuto voglia di serbarsene copia prima che farmene la dovuta
restitutione.
Furono fraude di penna s'io le scrissi che Vivotto havesse ricevuto 141 scudi,
volsi dire 114 scudi ò vero 342 lire, delle quali egli ritenne i suoi 24 scudi
et mi porti il restante, che non arrivò del tutto alli 90 scudi, ma egli disse
essersi lasciato ingannare nel calcolo di qualche lira, che poco importava. Io
volsi credere ch'era vero, se ben egli volse farmele buone, ma non le volsi
accettare: Questo dico per levar ogni scrupolo che vi fosse stata maggior somma
di quella si doveva.
Io non ho ancora potuto trovare la commodita di andare trattar seco per il quadro
della Madonna, ma spero far lo questa settimana prossima et gia ho imparato il
nome del pittore di S. Germano chiamato Mr Rocco et il
luogo dove sta et forzi lo vederò domani con andare dal Sr
Brosse, non havendolo trovato hoggi in casa.
Dell' anello di Giuvenale non perderò l'occasione, ma il padrone e molto
fantastico, et se V. S. m'havesse mandato qualche gesso di qualche testa di
marmo bella, se ben fosse moderna, sarebbe la vera via di ottenere ciò che V. S.
desidera, che di danari non credo che sene possa parlare. Tentarò ogni via
possibile et impiegherò volentieri la mia testa di bronzo, et quanto sara in
poter mio per servitio di V. S.
Restami a pregarla di volermi mandare per cui via si sia ricapitata al Sr Auberto Miraeo una mia lettera ch'io diedi a V. S., se
non m'inganno, per ciò che non ne ho risposta alcuna, et di volere fare un
affettuosissimo baciamano a mio nome al Sr
Gevartio vostro, non ardisco più
di dire nostro, et temo che la gelosia di V. S. non quadri pur troppo bene in
persona mia, poiche V. S. se lo gode tutta sola ne gli da tempo di ricordarsi un
tantino di noi. M'accorgo bene che un poco di negligenza di far quattro versi
per l'Aldina del Sigr Aleandro gli toglie la voglia di
farmi risposta; ma per penitenza io non gli darò l'assolutione di esser stato
506 settimane senza farmi risposta, ch'egli [368] non finisca
certo poema principiato gia molti anni in lode della Polcella d'Orleans, perciò
ch'egli n'ha da stampare la raccolta quest' altro mese prossimo, dove il Sgr Grotio ci ha favoriti d'aggiongere con Epigramma
gentilissima. Etper far la bilancia uguale, poiche la predilettione di V. S.
intepidisce l'affettione che si haveva promessa il Sr
Gevartio suo, cercaremo di darle a lei la sua penitenza, obbligandole alla
sollicitatione de' detti poemetti, con i quali et non altramente si liberera
l'uno et l'altro di tutto il torto che se le mette adosso. Et qui, per finire,
con ogni affetto le baccio le mani, pregandole continua felicita et acquisto
d'amici et antiquita di suo gusto. Di Pariggi, alli 7 Aprile 1622.
De Peiresc.
Ho detto al Sr Abbate il particolare delle spese fatte al
Nardi, il quale m'ha confirmato l'instanza ch'egli fa del rimborzo et m'ha detto
che ne parlarebbe con qualcheduno che se n'intrometteva.
Poscritta. Siamo andati il Sgr Abbate et io dal Sgr Brosse, con il quale si sonno prese le misure giuste
delli spatii della Galleria dove vanno i quadri, lasciando il lambris et
contorni delle finestre et le corniccie d'intorno detti quadri, et habbiamo
trovato che l'altezza e conforme, per tutto, di piedi undici et pollici undici e
mezzo; ma per la larguezza, tutti gli otto quadri che vanno fra due finestre
della banda sinistra entrando nella Galleria sonno di nove piedi di larghezza
giusta, quasi per tutto, eccetto qualcheduno, dove ci puol essere un mezzo
pollice di più, et perciò sara necessario che V. S. tenga la sua tela o
traliccio di un pollice di piu di nove piedi, senza metterci portione di figura
che importi, acciò che sendo bisogno piegarla dietro il quadro, si possa piegare
et sendo bisogno lasciarla distesa, possa restar distesa.
Dall' altra banda di rimpetto ch'e nella dextra entrando nella Galleria, vi sonno
otto altri quadri, li quali sonno di medesima altezza, et per la larguezza e
maggiore sempre di un pollice, poco piu o poco meno, percio che il muro, sendo
men spesso dell' altro, l'imbrasciatura delle finestre non passa tant' oltre, et
per cio bisognera che la tela habbia un pollice di larghezza piu dell' altri
otto precedenti, con la medesima suggettura che non vi sia cosa in quell'
extremita, la quale non si possi piegare o distendere per riempire tutto il vano
delle cornici. Io ho fatto fare un piede giusto prima che partire di la, et e il
medesimo sul quale si sonno fatte dette misure, et di più, si sonno prese
misure, [369] non da filo, che si puo slongare tirandolo,
ma di altra materia che non si può slongare ne abbreviare. Ce ne sonno tre,
l'una per l'altezza ch'e commune per tutto, l'altra per la larguezza de gli otto
quadri che sonno alla banda dextra, entrando cioè contra il muro di dentro casa,
et l'altra per la banda sinistra, entrando cioè contra il muro esterno. Gli
altri tre spatij grandi del fondo mi promette il Sgr
Brosse di farli dissegnare la prossima settimana con tutte le misure delle porte
che vi vanno in ciascuno. Si come ancora gli altri quattro spatij piccoli dell'
entrata, ma per questi ci vuol un poco piu tempo, bisognando fare il dissegno
del camino per trovare li spatij che resteranno delle bande. Io non gli darò
pace che non sia finita ogni cosa.
Ma io ci ho trovato un altro inconveniente grandissimo per ciò che mutandosi et
accumulandosi i soggietti delle pitture, li spatij grandi non s'incontraranno
più ne' medesimi soggietti che V. S. pensava. Et mi diceva il Sgr Abbate che la Regina haveva pensato che si dovessero disponere i
quadri in maniera che l'ordine comminciasse nell' entrare della Galleria ad uno
delli primi otto quadri et seguitasse poi all' altro primo quadro dirimpetto et
ch'andasse cosi seguitando sino al fondo dove pensava che lo spatio maggiore
dovesse finire l'opera. Io ne penso che si possa commodamente fare ne che si
debbe et gli ho detto tante cose che forzi haverò dismosto di quel pensiero per
conto suo. Il resto l'intendera dalla sua lettera qui aggiunta, che egli e
venuto a scrivere in casa mia tornando dal Luxemborgo.
Di Pariggi alli 8 Aprile.
La pianta di tutte le due Gallerie mi lo mandara quanto primo, secondo che
promette il Sigr Brosse. Ma quando si viene a fabricar, e
difficile che le misure siano esseguite tanto giusto che non vi ha sempre
qualche differenza, come si e trovato in quelle che si sonno essaminate.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 660 v°.
[370] TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.
[370]
TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.Monsieur.
J'ai reçu ce soir votre bonne lettre du 1r de ce mois et
j'ai éprouvé un grand plaisir en apprenant que vos effets sont heureusement
arrivés, que vous avez fait aux dépouilles apportées d'ici, l'honneur de les
mettre parmi vos plus superbes joyaux, et enfin que les empreintes des camées
d'Auguste n'ont pas souffert. Mais je regrette que vous ayez oublié un rouleau
d'empreintes qu'avec votre permission j'avais tirées de divers objets qui vous
appartiennent, intailles, camées et médailles; ce rouleau est resté par
inadvertance à votre logis et peut-être aurez vous été surpris de ne pas le
trouver parmi vos effets.
Quant aux mesures, je n'ai pas manqué de les demander cette semaine à M. l'Abbé,
mais M. Brosse, étant indisposé, s'est fait transporter à Verneuil et sans lui
on ne peut rien faire. Il est rentré hier soir et aujourd'hui, j'ai pris des
arrangements pour que le mesurage se fasse demain matin, car il m'a donné
l'assurance d'avoir tout réglé de façon que demain, avec l'assistance de l'abbé,
on déterminera en peu d'heures tout ce qui se rattache à la chose. A cet effet,
j'ai envoyé ce soir à l'abbé un mot pour lui dire que j'étais résolu de retarder
de trois ou quatre heures le départ du courrier, plutôt que de perdre cette
occasion d'envoyer ces mesures, attendu qu'il était important de gagner une
semaine entière. L'abbé, qui est la courtoisie même, m'a écrit un billet que je
joins à cette lettre et par lequel il me prévient qu'il serait chez moi à sept
heures du matin, pour nous rendre ensemble chez M. Brosse. Et je ne quitterai
pas celui-ci avant que tout ne soit terminé.
En attendant, je ne manquerai pas de faire comprendre ce qu'il y a de particulier
dans l'affaire des sommes réclamées par l'archiprêtre: je sais que celui-ci a
adressé une supplique à la reine, tendante à être remboursé de 400 livres pour
les frais de son voyage, mais j'ignore s'il a porté tout sur son compte à elle
ou s'il en met une partie sur le vôtre; je tâcherai de le savoir exactement. Je
dois à la vérité de dire que j'eus tort de vous écrire dernièrement qu'il ne
m'avait pas restitué mes écrits; car, six jours après son départ, un certain
prêtre, son ami, est venu me les apporter. Mieux vaut tard que jamais, car je ne
m'y attendais plus; en effet, des recherches minutieuses avaient été opérées par
ses domestiques et son hôtesse sans que personne eût rien découvert. Ce prêtre
aura probablement eu le désir d'en prendre copie avant de me les restituer comme
il devait le faire.
C'est une erreur de ma plume, si je vous ai écrit que Vivot a reçu [371] 141 écus; j'ai voulu dire 114 écus ou 342 livres, dont
il a retenu 24 écus qui lui revenaient. Il m'a apporté le reste qui n'arrivait
pas tout à fait à 90 écus; ll m'a dit qu'il s'était laissé tromper de quelques
livres dans le calcul, mais que la différence était peu importante. J'ai voulu
croire qu'il disait vrai, car il a offert de compléter la somme, ce que je n'ai
pas accepté. Je vous dis cela pour que vous ne croyiez point qu'il a reçu une
somme supérieure à celle qui était due.
Je n'ai pas encore eu le loisir d'aller traiter avec lui pour le tableau de la
Madone, j'espère le faire la semaine prochaine. Déjà, j'ai appris le nom et la
demeure du peintre, de St Germain, il s'appelle M. Rocco,
peut-être le verrai-je demain en retournant chez M. Brosse, ne l'ayant pas
trouvé chez lui aujourd'hui.
Je ne perdrai pas de vue l'anneau de Juvénal, mais son propriétaire est très
fantasque. Si vous m'aviez envoyé l'épreuve en plâtre de quelque belle tête de
marbre, fût-elle même moderne, c'eût été le vrai moyen d'obtenir ce que vous
désirez, car je ne crois pas que l'on puisse parler d'une somme d'argent. Je
ferai toutes les tentatives possibles, j'employerai volontiers ma tête de bronze
ou toute autre chose qui soit en mon pouvoir pour vous servir.
Il me reste à vous prier de vouloir bien m'apprendre par quelle voie M. Aubert
Miraeus a reçu la lettre que, si je ne me trompe, je vous ai remise pour lui. Je
n'ai reçu de lui aucune réponse. Je vous prie aussi de présenter mes hommages à
votre cher Gevartius, car je n'ose plus dire le nôtre, et je crains que votre
égoïsme ne cadre pas trop bien avec le mien, puisque vous le tenez pour vous
seul et ne lui donnez plus le temps de se souvenir tant soit peu de nous. Je
m'aperçois bien que la petite négligence qu'il met à composer quatre vers pour
l'Aldina de M. Aléandre lui ôte la volonté de me répondre, mais pour pénitence,
je ne lui donnerai pas l'absolution de ses cinq ou six semaines de mutisme,
avant qu'il n'ait terminé un certain poème qu'il a commencé il y a nombre
d'années, en l'honneur de la Pucelle d'Orléans. M. Aléandre doit imprimer son
recueil le mois prochain, lorsque M. Grotius nous aura fait la faveur d'y
ajouter quelque jolie épigramme. Et pour rendre la balance égale, puisque votre
prédilection pour M. Gevartius a refroidi l'affection que celui-ci nous avait
promise, nous chercherons à vous transmettre la pénitence: nous vous obligeons
donc de solliciter l'envoi de ces poèmes, c'est par là seulement que vous vous
délivrerez tous deux de tout le tort que vous vous êtes assumé. Et pour finir,
je vous baise affectueusement les mains, en vous souhaitant la continuation de
votre bonheur et l'acquisition d'amis et d'antiquités à votre gré.
De Paris, le 7 avril 1622.
De Peiresc.
De Peiresc.
[372] J'ai parlé à M. l'Abbé de l'affaire des dépenses
imputées au Nardi. Il m'a confirmé que celui-ci a fait des instances pour être
remboursé, et il a ajouté qu'il en parlerait à quelqu'un afin d'arranger la
chose.
Post-scriptum. L'abbé et moi nous nous sommes rendus chez M. Brosse, avec lequel
nous avons pris les mesures exactes des espaces réservés dans la galerie pour
les tableaux. Laissant de côté le lambris, les contours des fenêtres et les
encadrements des tableaux, nous avons trouvé que toutes les hauteurs sont
égales, de onze pieds, onze pouces et demi; que pour les largeurs, les huit
tableaux qui viennent entre deux fenêtres de la paroi de gauche en entrant dans
la galerie, ont à peu près tous exactement neuf pieds de large; par ci par là,
il en est qui peuvent différer d'un demi pouce en plus. Il faudra donc tenir
votre toile ou votre canevas d'un pouce plus long que les neuf pieds du champ,
mais sans mettre dans cette rallonge une portion de figure ayant quelque
importance, afin que l'on puisse plier la rallonge derrière le chassis, s'il est
nécessaire ou la laisser tendue si elle doit l'être.
De l'autre côté, sur la face de droite en entrant dans la galerie, il y a huit
autres panneaux, tous de hauteur égale; pour la largeur, ils sont tous plus
grands d'un pouce, plus ou moins, parce que le mur, de ce côté, étant moins
épais, fait que l'embrasure des fenêtres est moins large; il faudra donc donner
à vos toiles pour cette paroi un pouce de plus en largeur qu'aux autres d'en
face et avec la même disposition des figures de sorte qu'à leurs bords extrêmes
vous ne mettiez que des détails qui puissent indifféremment être repliés ou
tendus pour remplir toute la surface des panneaux. Avant que de me rendre là,
j'ai fait tailler la longueur exacte d'un pied; c'est sur cette échelle que nous
avons opéré tous les mesurages et de plus, pour prendre les dimensions nous nous
sommes servis non pas d'un fil qui s'allonge en le tirant, mais d'une autre
matière qui ne peut ni s'allonger ni se rétrécir. Il y a trois mesures: l'une
pour la hauteur qui est la même partout; la seconde pour la largeur des huit
tableaux qui sont au côté droit en entrant, contre le mur intérieur; la
troisième pour la paroi à gauche en entrant, c'est-à-dire contre le mur
extérieur. Quant aux trois autres champs du fond, M. Brosse me promet d'en faire
faire le dessin la semaine prochaine avec les mesures des portes qui doivent y
venir. Il fera de même pour les quatre petits champs à l'entrée, mais pour
ceux-là, il demande quelque temps; il doit d'abord faire le dessin de la
cheminée pour savoir quels espaces resteront libres sur les parois. Mais je ne
le laisserai pas en repos qu'il n'ait terminé tout cela.
Mais j'ai découvert un autre très grand inconvénient. En changeant et en
entassant ainsi les sujets des peintures, les grands espaces ne se
rencontreront [373] pas avec la distribution des sujets
telle que vous l'avez conçue. L'abbé m'a dit que dans la pensée de la reine, les
tableaux devraient être disposés de telle façon que leur ordre commencerait à
l'entrée de la galerie par l'une des huits premières compositions et se
poursuivrait par la première composition d'en face pour continuer ainsi jusqu'au
fond où une pièce de dimension plus considérable devait terminer l'oeuvre. Je ne
pense pas que ce plan s'exécute facilement ni que cette disposition doive être
adoptée, et j'ai présenté à l'abbé tant d'objections, que je l'aurai peut-être
détourné de ce projet pour ce qui le concerne. Vous entendrez le surplus par ce
qu'il en dit dans la lettre ci-jointe, qu'il est venu écrire chez moi en
revenant du Luxembourg.
De Paris, le 8 avril 1622.
Il m'enverra le plan de tout ce qui concerne les deux galeries, au plus tôt,
comme le lui a promis M. Brosse. Mais quand on en viendra à la construction
même, il sera difficile de suivre les mesures avec une exactitude telle qu'il
n'y ait pas quelques différences, comme nous en avons trouvé dans les parties
que nous avons vues.
COMMENTAIRE.
Les mesures que Peiresc attendait de M. Brosse, étaient celles des panneaux que
devaient couvrir ses peintures dans la galerie de Marie de Médicis.
Le poème de la Pucelle par Gevartius, dont il est plus d'une fois question dans
cette correspondance, n'a pas été publié. On ne sait ce qu'il est devenu.
La disposition, préconisée par la reine, ne fut pas adoptée. Les tableaux se
suivirent par ordre chronologique: les dix premiers, représentant les dix
premiers sujets de la vie de la reine, les plus anciens en date, se trouvaient
sur la paroi à gauche en entrant, entre les fenêtres donnant sur le jardin; le
onzième occupait le fond de la salle; les dix suivants se trouvaient entre les
fenêtres du côté de la cour. Sur la paroi, contre laquelle se trouvait la
cheminée et dans laquelle était percées les deux portes d'entrée, les portraits
des parents de la reine se trouvaient au-dessus des portes et celui de la reine
était placé au-dessus de la cheminée. On entrait dans la galerie de Marie de
Médicis par l'oratoire particulier de la reine, qui se trouvait à la suite de sa
grande chambre à coucher d'apparat. Ces deux pièces, ainsi que les autres
appartements de la reine, se trouvaient à droite dans l'aile du palais
s'étendant au fond de la cour d'honneur du palais. En parcourant la galerie dans
l'ordre où se trouvaient placés les tableaux, on se dirigeait du fond de la cour
vers l'entrée du palais et on avait à sa gauche le jardin, à sa droite la cour.
[374] Voici comment Félibien décrit la galerie de Marie de
Médicis: «Parce que cette galerie est percée de costé et d'autre par des
fenestres qui donnent sur le jardin et sur la cour, les tableaux sont placez
contre les trumeaux et entre les fenestres. Ils ont neuf pieds de large sur dix
de haut. Il y en a dix de chaque costé et un au bout de la galerie.» Du premier
jusqu'au dixième les tableaux se trouvent du côté du jardin; le onzième, Mort du
Roi et Régence de la Reine, au bout de la galerie dans l'étendue de sa largeur;
le douzième du côté de la cour jusqu'au Temps qui découvre la Vérité. A l'autre
bout de la galerie, au-dessus de la cheminée, la reine en Pallas; au-dessus des
portes, aux deux côtés de la cheminée, ses parents (1).((1)
Felibien. Entretiens sur les Vies et les Ouvrages des plus excellents
peintres anciens et modernes, t. II, pp. 198 à 210 Paris, 1696.
In-4°.)
Tous les tableaux sont de la même hauteur, 3 mètres 94 centimètres, excepté les
trois portraits qui sont moins élevés. Ceux de François de Médicis et de Jeanne
d'Autriche ont 2. 47 m. et celui de Marie de Médicis 2. 76 m. de haut. Le
premier tableau en entrant, La destinée de Marie de Médicis, et celui d'en face,
Le Triomphe de la Vérité, sont plus étroits que les autres: le premier a 1. 55
m., le second 1. 60 m. de large. Du deuxième au neuvième, les tableaux ont 2. 95
m. de large; le dixième, qui se trouve au bout de la paroi de gauche, mesure 7.
27 m. de large; le onzième, au fond de la salle, a 7. 27 m.; le douzième, en
face du dixième, ne mesure que 7. 02 m.; puis du treizième jusqu'au vingtième,
la largeur est la même que celle du deuxième au neuvième, c'est-à-dire, 2. 95 m.
Dans le bas, du douzième tableau, se trouvait jadis une échancrure taillée par
la baie d'une porte qui s'ouvrait au bout du côté droit de la galerie et qui
donnait sur la terrasse contre la rue, que l'on appelait aussi le grand balcon.
Cette lacune est actuellement remplie par des nuages peints dans le même ton que
ceux qui remplissent le bas du tableau.
Molto Ill. Sigr mio osservmo.
Hor hora viene di partir da me il Sgr Rocco, pittore, il
quale. subito mi ha nominato V. S. dicendo ch'ella gli haveva promesso di farle
intendere nuovo di se in breve tempo. Et quando io ho parlato dell' Ambasciatore
d'Inghilterra, egli ha cercato ogni occasione di farmi credere ch'egli
s'imaginava ch'io volessi parlar per lei, et che l'Ambasciator non haveva visto
il quadro della Venetiana di Tiziano. Io gli ho detto che un gentil huomo, mio
amico, vedendomi sul punto di comprare certo quadro per fare un presente, me
parlò di lui et de' quadri ch'egli haveva fatti vedere a detto Ambasciatore et
che parlava forzi a relation d'altri; in somma ch'io faceva conto di trattar per
me, (et non m'inganno stimando proprio di V. S. quanto mi può appartenere), et
ch'io cercava cose degne di far un presente, egli non s'e acquetato, et
insistando al primo sospetto, m'ha detto che il Vivotto gli haveva detto ch'io
era molto amico et servitore di V. S., il che pur e vero, havendomi domandato il
Vivotto s'io haveva nuove di lei, io gli risposi che si, et ch'ella era gionta
sana et salva. Io credo d'essere obligato a dirle queste minutie, acciò non
m'imputi poi se stanno su la dura per il prezzo, per conto di che egli mi disse
havere posto in pegno il Giudizio di Tintoretto per sc. 120 et un fragmento del
Bassano per scudi 37, tutti duoi in mano del Sgr Pirachot,
con patto di potergli vendere quanto gli sarebbe possibile di più, et che se
Pirachotto gli vendeva più, lo farebbe partecipe di mezzo guadagno; che
l'Ambasciator d'Inghilterra gli haveva voluto comprare tutti duoi cento pistole,
ma voleva di più un altro quadretto che si e poi venduto dodici scudi solamente
et che non si ruppe il trattato se non su questo particolare, di che si penti
poi. Et in effetto, doppo molti giri, egli mi ha offerto finalmente di farmeli
vendere tutti duoi per ducento scudi o 600 lire. Io gli ho detto che non mi
curava del fragmento del Bassano, poi che era stracciato et che mancava la meta
delle figure; all' hora egli ha detto che non voleva manco di cinque cento lire
del Giudizio solo et non dimeno ch'era cosa eccellente quella del Bassano et
stimata altre [376] volte piu di mille franchi, mentre era
del Maresciale d'Ancre, a cui fu rubbato.Si e poi parlato dell' Acteon di
Titiano, il quale apparteneva in proprio a detto Pirachot, che l'haveva comprato
cento venti scudi et n'haveva voluto far un presente a V. S. et poi che s'era
contentato di ricuperare il prezzo di 120 scudi, però senza venderlo, che
vendendolo ne vorrebbe haver tenuto molto più, finalmente, parlando della
Venetiana, egli m'ha detto che apparteneva al Sgr della
Richardiere, il quale nonne voleva manco di cento scudi; et che havendo egli, a
nome di V. S. fatto instanza al Padrone, per farsela vendere, come per conto
suo, non haveva potuto ottenerne altre gratia, che di pagare cinquanta scudi
contanti et altri tanti in certi quadretti ch'egli tiene in suo potere. Siamo
restati ch'io pigliarò occasione di vedergli per pigliar risolutione, se
comprarò l'uno o l'altro o no. Io vedero il Pirachot, che si dice mio amico, et
intenderò quello che si potrà cavarne per darnelo aviso. Intanto ella vi potrà
pensare del canto suo. Vederò ancora il Vivotto per la Madonna et le ne darò
conto, bacciandole per mille volte le mani.
Di Parigi, alli 8 Aprile 1622, a un hora doppo
mezzodi.
Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 661.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Tout à l'heure est sorti de chez moi le peintre M. Rocco. Il m'a parlé de vous
immédiatement, disant que vous aviez promis de lui donner de vos nouvelles dans
un bref délai. Quand j'eus prononcé le nom de l'ambassadeur d'Angleterre, il a
cherché toutes les occasions de me faire croire qu'il était convaincu, lui, que
je venais négocier pour vous, attendu que l'ambassadeur n'avait pas vu le
tableau de la Vénitienne du Titien. Je lui ai dit qu'un gentilhomme de mes amis,
me voyant sur le point d'acheter certain tableau pour l'offrir en présent,
m'avait parlé de lui et des tableaux qu'il avait fait voir au susdit
ambassadeur, que l'ami m'a dit peut-être cela d'après des tierces personnes,
qu'en somme, je venais traiter pour moi-même; (et je ne le trompais point, car
je considère comme vous appartenant ce qui peut [377] m'appartenir), et que je cherchais des objets dignes d'être offerts en cadeau.
Mes paroles ne l'ont point persuadé; persistant dans son premier soupçon, il m'a
dit tenir de Vivot que j'étais très lié avec vous et me mettais à votre service,
ce qui est vrai. Et, en effet, Vivot m'ayant demandé si j'avais de vos
nouvelles, je lui répondis que oui et que vous étiez arrivé chez vous sain et
sauf. Je me crois obligé de vous donner ces détails minutieux, afin que vous ne
vous en preniez à moi s'ils tiennent ferme à leurs prix. A ce propos, Rocco
m'affirme qu'il a engagé le Jugement du Tintoret pour 120 écus et le fragment du
Bassano pour 37 écus, entre les mains de Pirachot, avec faculté pour celui-ci de
les vendre pour une somme plus élevée et, s'il opérait cette vente, de partager
la moitié du bénéfice. Il m'a dit encore que l'ambassadeur d'Angleterre avait
offert pour les deux tableaux cent pistoles, mais il voulait avoir en outre un
petit tableau, qui depuis a été vendu seulement 12 écus: le marché s'est rompu
uniquement à cause de cette différence si minime; ce dont Rocco s'est repenti
depuis. Et, en effet, après plusieurs détours, il m'a offert finalement de me
faire céder les deux tableaux pour 200 écus ou 600 livres. Je lui répondis que
je ne me souciais pas du fragment du Bassano, qui est délabré et auquel manque
la moitié des figures; il m'a dit alors qu'il ne cèderait pas le Jugement du
Tintoret seul à moins de 500 livres, que, malgré son état, l'oeuvre du Bassano
était excellente et avait été estimée autrefois plus de mille francs, quand elle
appartenait au Maréchal d'Ancre à qui elle avait été volée.
Nous avons parlé ensuite de l'Actéon du Titien, ce tableau appartient en propre
audit Pirachot, qui l'a acheté cent vingt écus; il voulait vous le présenter;
puis il s'est contenté de récupérer ses cent vingt écus, sans le vendre, car, en
le vendant, il aurait voulu en obtenir bien davantage. Enfin, portant notre
entretien sur la Vénitienne, il m'a dit qu'elle appartenait à M. de la
Richardière, qui n'en voulait pas moins de cent écus; il a fait, en votre nom,
des instances auprès du possesseur pour l'acquérir soi-disant pour son propre
compte; mais il n'a pu obtenir d'autre faveur que celle de payer cinquante écus
comptant et de donner pour le reste certains petits tableaux qu'il possède. Nous
en sommes restés là; j'aurai l'occasion de le revoir afin de décider si
j'achèterai l'un ou l'autre des tableaux ou aucun des deux. J'irai de nouveau
chez Pirachot qui se dit mon ami et je verrai ce que je puis en tirer; je vous
en donnerai avis. Entretemps, vous y réfléchirez de votre côté. Je verrai
également Vivot pour la Madone et vous tiendrai au courant. Je vous baise les
mains mille fois.
De Paris, le 8 avril 1622, une heure après-midi.
[378] COMMENTAIRE.
L'ambassadeur d'Angleterre. L'ambassadeur d'Angleterre en France, à cette époque,
était le comte de Carlisle, James Hay, plus tard baron Hay, vicomte de Doncaster
et comte de Carlisle.
La Vénitienne du Titien. Probablement le portrait de la dame italienne, haut 3
pieds, large 2 pieds 3 pouces; ou celui de la dame italienne assise sur une
chaise, haut 5 pieds, large 4 pieds, du catalogue de la collection de Buckingham
par Brian Fairfax. La plupart des tableaux, dont il est question ici, furent
acquis par Rubens et vendus par lui, en 1625, avec la plus grande partie de ses
collections, au duc de Buckingham.
Le Jugement du Tintoret. Le tableau fit partie plus tard de la collection du duc
de Buckingham. Le catalogue le décrit ainsi: «Notre Sauveur jugeant le monde, la
Justice assise à côté de lui, avec plusieurs autres figures représentant les
justes et les damnés. Haut 6 pieds, large 9 pieds 6 pouces.
M. Pirachot. M. Perrichot, collectionneur, cité sur une liste manuscrite de
diverses villes de France à la Bibliothèque nationale de Paris (1).((1) Ms fs 14854,
fo 20. Publiée par M. Edmond Bonnaffé, dans Les Collectionneurs de
l'ancienne France. p. 94. Paris, 1873.) Il possédait une collection de
tableaux, d'agates, de médailles, de fleurs. Son nom s'écrit encore Perruchot
(2)((2) Bonaffé. Dictionnaire des Amateurs français au
XVIIe siècle. Paris, Quantin, 1884.) et
Perishot.»
Le Maréchal d'Ancre. Le favori de Marie de Médicis, mari de Léonore Galigaï,
fille de la nourrice de la reine-mère. Il vint en France avec la princesse en
1600. D'abord simple gentilhomme de la reine, il monta aux plus hautes faveurs
après la mort d'Henri IV. Il acheta le marquisat d'Ancre, devint premier
gentilhomme de la chambre, gouverneur de Normandie, premier ministre et maréchal
de France. Il tint le jeune Louis XIII sous sa domination pendant les premières
années du règne de ce roi, qui le fit assassiner sur le pont-levis du Louvre, le
24 avril 1617.
L'Actéon du Titien. Nous retrouvons le tableau Diane et Actéon dans la collection
du duc de Buckingham. Le catalogue de Brian Fairfax le décrit ainsi: «Une pièce
de Diane et Actéon, où Diane se trouve près d'une fontaine avec ses nymphes,
haut 3 pieds 3 pouces et large 3 pieds 3 pouces.»
[378]
COMMENTAIRE.Molto Ill. Sgr mio singmo.
Doppo haverle inviato il piego delle misure, pensando che non fosse ancora
partito l'ordinario, le scrissi tutto ciò ch'io haveva trattato con Mr Rocco, ma la lettera arrivò troppo tardi, sendo gia
partito l'ordinario. V. S. l'havera hora con questa, con la quale ho da renderle
conto di ciò ch'ho trattato con il Sgr Perichotto, padrone
de' quadri del Giudizio di Tintoretto et dell' Acteone di Titiano, li quali egli
dice haver acquistati, cioè l'Acteone del Conte di Limours, figlio del
Cancelliere di Chiverny, che l'haveva havuto da Venetia, quando vi passò col Re
Henrico III, et il Giudizio da quel Mr Rocco che l'hebbe
da un Consigliere del Parlamento, chiamato Catel, figlio d'un servitore della
Regina Catherina di Medicis, alla quale il quadro era stato mandato a presentar
a nome della Republica Veneta. Del prezzo egli mi disse che mi darebbe l'Acteone
per ducento lire, cioè scudi sessanta sei et 40 soldi, ma che del Giudizio
sperava di haverne cento pistole et che il Conte di Schomberg l'haveva mandato a
visitare et lo voleva vedere, ma fu costretto di partire all improviso.
Io gli dissi tutto ciò che me potei imaginare, che fosse a proposito, cosi per
fargli conoscere che, in questo tempo di guerre, il Comte di Schomberg et ogni
altro haveva da pensare ad altre cose che pitture, come per mostrare
d'accorgermi del deterioramento de' quadri del pericolo manifesto che si
guastassero in breve et della carestia delle sue domande. Egli mi fece
grandissimi preambuli di amicitia et finalmente volendo venire alle strette, non
potei mai ottenere di egli si rilassasse d'altro che di lasciar il Giudizio per
ducento scudi o 600 lire giusto, et l'altro per le 200 lire. Ma parlando di
pigliarli tutti duoi, et mostrandomi piu freddo, egli disse finalmente che per
cento pistole egli haverebbe dato l'uno et l'altro. Vegga hora V. S. quello che
le pare.
Io li trovo bellisimi et sopratutto il Giudizio, ne stimo che siano molto piu
cari del dovere, ma forzi che mostrandogli i danari contanti, si haverebbono per
ducento scudi giusti tutti duoi, ben che non son sicuro, ma lo giudico del
procedere del padrone. Io mi son partito da [380] lui dicendo
che ci tornerò con un mio amico più intelligente di me, acciò di haver tempo
competente per haver risposta di V. S. Ella ci pensara.
Ho visto anco il Vivotto per la sua Madonna, egli mi n'ha chiesto sessanta scudi
in contanti, et replicandogli io ch'egli me l'haveva lasciato per cinquanta
scudi, il giorno che V. S. gliene parlò per me, egli lo negò assolutamente,
conforme all' usanza lodevole della sua patria cenomania, ch'e la meta peggiore
della Normanna, et per confirmare il suo dire, egli mi disse che V. S. gli
offerì il suo S. Ambrosio per 200 lire et ch'ella si contentava della Madonna
sola, senza il freggiò o cornice d'ebbano. Io gli sostenni quello che doveva et
che la guarnitione di ebbano non era fuori del trattato della Madonna, massime
sendo della forma ottangulare et per consequente inutile ad altre pitture. Ma
egli che non sa tacere, aggionse che V. S. gli haveva replicato che egli farebbe
depingere qualch' altra cosa accommodata alla detta guarnitione di ebbano. Io
feci quanto mi fu possibile per farlo calare et havendomi egli detto che Messer
Rocco gli haveva detto ch'io era in trattato del Giudizio di Tintoretto, io gli
disse ch'era vero et che havendo da far un presente ad un mio amico, io cercava
qualche cosa gentile, ma a conditione honesta et che s'egli non si metteva alla
ragione, io haverei lasciato il suo per pigliarne degl' altri, ma non lo potei
far calare un tantino. Credo ben che se gli havessi offerto le cinquanta scudi
contanti, ch'egli haverebbe tolti, ma non volsi offerirne più di quaranta. Et
per ciò ch'egli mi parlò di certi altri quadri del Finsone, li quali non erano
all' hora all' ordine per vederli, io pigliai occasione di rimettere la
conclusione ad altro giorno et faceva conto d'andarvi hoggi con i danari
presenti, ma vengo da ricevere la sua lettera delli 8 stante, con laquale ella
ordina che si tenghi in sospeso il trattato, et per ciò andarò induggiando sino
a nuovo ordine, poi ch'ella cosi lo commanda et le se hanno da inviare dette
pitture, sara meglio che si mandino tutte insieme che separate. Toccara dunque a
lei di risolversi, et a noi di esseguire, quanto potra dipendere da noi, cosi in
quello come in ogni altra occorrenza.
Del resto farò l'officio con il Sgr Bertelotto et con il
Sgr Brosse et con tal occorrenza, farò instanza per le
misure che restano a farsi.
M'e tutto carissimo d'intendere che con tanto gusto dell' Infanta, [381] si siano ricevuti i ritratti delle Regine, di che mene
rallegro non poco con V. S.
Del negotio di S. Malo intenderò quanto si potra penetrare, ma di quello del
povero corteggiano io credo che la posso assicurare che non sene fara altro
certo et che gia c'e gran querimonia del rumore che s'e sparso che, con sottil
maniera, siano passati alcuni danari da poco in qua di che gli officieri del Re
vanno preparando grandissime remonstranze a S. M. di modo che se il meschino non
s'arrichisce d'altro che di quei 130 mil scudi, egli può a buon hora risolversi
alla poverta se piu non gli piace d'appiccarsi di che non ho poco dubio, vedendo
tanta violenza in quel cervellino. Et credomela facilmente che l'Antispalatense
sia la cornicella poi che veggo che di quelle poche cosette ch'egli volse haver
di me pare ch'appena se ne sapeva egli valere al suo intento.
Il Re sta in Hretagna et Soubise s'apparechiava a fuggirlene. Dio, per sua santa
gratia, voglia secondare le sante intentioni di S. M. Et senz' altro, di cuore
le baccio le mani.
Di Pariggi, alli 14 Aprile 1622.
Mr Rocco m'e venuto a trovare adesso per avisarmi che
trattando con il Sr La Richardière del ritratto della
Veneta, l'haveva finalmente fatto condescendere a ducento lire contanti. Vegga
V. S. quello che la me parerà d'ordinare. Io ho visto il quadro, ma confesso la
mia ignoranza, veramente non ci scorgo cosa troppo rara, e vero che non cognosco
la persona ritratta, che fe che lo stimarei piu male. La Veneta, come pare, non
sendo Catharina Cornaro, Regina di Cypro, non veggo che possa essere di molta
raccommandatione. M'ha detto il padrone che la teneva per essere del Tintoretto
et Rocco diceva ch'era di Titiano; voleva farmi credere il padrone che gli
costava 55 scudi, cioè 30 scudi contanti et il resto in altre robbe, il che gli
ho negato assolutamente, et me vo persuadendo che mostrandogli 50 scudi
contanti, l'haveva senz' altra et forzi per meno, ma non ho fatto offerta poi
che non haveva ordine di V. S. pregandole di darmelo precise sin dove si
potranno paggare tutti i quadri ch'ella vuole un per uno, acciò di non
preterirlo d'un iota et di servirla a suo modo.
Ho visitato questa sera li signori Brosse et Berthelotti et compito con ambi
duoi, conforme al intento di V. S., di che il Berthelotti m'ha [382] mostrato gran allegrezza et m'ha preggato di renderlei suoi saluti
radopiatissimi con assicurarla della servitù sua. Il Sgr
Brosse similmente la ringratia della cortese memoria et la le offerisco
prontissimo. Io gli ho rinovato l'instanza per le misure delli quadri restanti
ch egli m'haveva promesse questa settimana. Egli si e scusato su la
precipitatione de' dissegni de' camini che gli ha convenuto fare et m'ha dato
gran speranza che gli possiamo havere la prossima settimana.
Poscritta. Ho inteso che sonno arrivati corrieri della Corte et viste lettere di
Nantes, delli 10 et 11 del corrente, che portano che il Re ne doveva partire il
martedi et s'andare aux Sables, à la Chaume et di la a Fontenay, gli nemici
mostrando di volersi ritirare et che era gionto in Corte un corriere
ch'annunciava la venuta del Sr de Bullion, che porta
propositione d'accommodamento a nome del Duca di Rohan et del Duca de La
Diguiera, non so per il quale per il particolare et che in ogni modo, il Duca di
Rohan era huomo per accommodarsi; il che sarebbe forzi il meglio per ridurre gli
altri al dovere. Et m'ha parso meritare che gli ne dessi aviso. Con che, senz'
oltre, con ogni affetto le baccio le mani.
Di Pariggi, alli 15 Aprile
1622.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, fo 661 vo.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Après avoir envoyé le paquet contenant les mesurages, croyant que le courrier
n'était pas encore parti, je vous écrivis tout ce que j'avais négocié avec M.
Rocco, mais la lettre arriva trop tard, le courrier était en route. Vous la
recevrez donc maintenant avec la présente, par laquelle je vais vous rendre
compte de ce que j'ai traité avec M. Perrichot, le propriétaire des tableaux du
Jugement du Tintoret et de l'Actéon du Titien. Il m'a dit qu'il a acquis
l'Actéon du comte de Limours, fils du chancelier de Chiverny, lequel l'avait eu
à Venise, quand il passa par cette ville avec le roi Henri III et que le
Jugement provient de M. Rocco, qui le tenait d'un conseiller du Parlement, nommé
Catel, dont le père avait été au service de la reine [383] Catherine de Médicis, et le tableau avait été envoyé à celle-ci, en cadeau de
la part de la République de Venise. Quant au prix, il m'a dit qu'il cèderait
l'Actéon pour 200 livres, soit 66 écus et 40 sous, mais que du Jugement il
espérait obtenir 100 pistoles, que le comte de Schomberg l'avait fait examiner
et se proposait de venir le voir quand il fut obligé de partir à l'improviste.
Je lui dis à mon tour tout ce que je pus imaginer de plus à propos; ainsi je lui
fis observer que, dans ce temps de guerres, le comte de Schomberg ou n'importe
qui, avait à songer à toute autre chose qu'à des peintures; je lui montrai les
détériorations dont je voyais que les tableaux avaient déjà souffert et le
danger qu'ils couraient manifestement d'être bientôt perdus; enfin, je lui
objectai la hauteur de ses prétentions. Il me répondit par les plus grandes
protestations d'amitié, mais voulant enfin arriver à une conclusion, je ne pus
jamais obtenir de lui d'autre concession que celle de me laisser le Jugement
pour 200 écus ou 600 livres net, et l'Actéon pour 200 livres. Mais ayant parlé
de les prendre l'un et l'autre et montrant quelque froideur, il me dit enfin,
que pour cent pistoles il me céderait les deux. Voyez ce qui vous en semble.
Je les trouve très beaux, surtout le Jugement, et j'estime que le prix demandé
n'est pas beaucoup au-dessus de leur valeur, mais peut-être qu'en lui mettant
sous les yeux de l'argent comptant, on les obtiendrait tous les deux ensemble
pour 200 écus. Je n'en suis pas certain, mais je le présume d'après sa manière
d'agir. Je l'ai quitté, en disant que je reviendrais avec un ami plus
connaisseur que moi: je voulais ainsi gagner le temps nécessaire pour avoir une
réponse de vous. Veuillez donc y songer.
J'ai vu aussi M. Vivot pour sa Madone: il m'en a demandé soixante écus comptant.
Lui ayant fait observer qu'il me l'avait laissée pour cinquante, le jour où vous
lui en aviez parlé pour moi, il le nia absolument, suivant la louable habitude
des gens de la race cénomanienne qui est pire d'une moitié que la race normande,
et pour confirmer son dire, il ajoutait que vous lui aviez offert votre St Ambroise pour 200 livres et que vous vous contentiez de
la Madone seule, sans la bordure ou le cadre d'ébène. Je soutins mon affirmation
et lui fis observer que la bordure d'ébène ne pouvait avoir été exclue du traité
pour la Madone, surtout parce qu'elle est octogone et ne peut, par conséquent,
servir à d'autres tableaux. Mais lui, qui n'est pas en reste de paroles, me
répliqua à ce sujet que vous lui aviez conseillé de faire peindre expressément
quelque toile adaptée à ce cadre d'ébène. Enfin, je fis tout mon possible pour
le faire rabattre de ses prétentions; à certain moment, il me dit qu'il tenait
de M. Rocco que j'étais en pourparlers pour le Jugement du Tintoret; je lui
répondis que c'était parfaitement vrai, que, ayant à offrir [384] un cadeau à quelqu'un de mes amis, j'étais à la recherche de
quelque chose de délicat, mais dans d'honnêtes conditions et que s'il ne voulait
pas être raisonnable, je le laisserais là pour m'adresser à d'autres. Mais il ne
voulut pas en démordre.
Je crois cependant que si je lui avais présenté cinquante écus comptant, il les
aurait acceptés, mais je ne voulus pas en offrir plus de quarante. Il vint à me
parler ensuite de quelques autres tableaux de Finson, mais qui n'étaient pas
visibles pour le moment, j'en pris prétexte pour remettre notre arrangement à un
autre jour. Je me disposais à aller chez lui aujourd'hui, les écus en main,
quand je reçus votre lettre du 8 courant par laquelle vous m'ordonnez de tenir
la négociation en suspens. Je diffèrerai donc d'y aller jusqu'à nouvel ordre,
puisque vous le désirez; du reste, si ces tableaux doivent vous être envoyés, il
vaut mieux qu'ils le soient tous ensemble que séparément. C'est donc à vous à
prendre une résolution et à nous de l'exécuter autant qu'il dépendra de nous,
tant en cette circonstance qu'en toute autre.
Je ferai ensuite vos commissions à M. Berthelot et à M. Brosse et en même temps,
j'insisterai pour obtenir les mesures qui vous manquent encore.
J'ai appris avec grand plaisir que l'infante a été très satisfaite en recevant
les portraits des deux reines et je m'en réjouis vivement avec vous.
Quant à l'affaire de Saint Malo, je tâcherai d'en savoir tout ce que l'on pourra,
mais quant à celle de ce pauvre homme de cour, je crois pouvoir vous assurer que
l'on ne fera rien d'autre, déjà l'on se plaint fortement du bruit qui s'est
répandu que, depuis peu, au moyen de manoeuvres subtiles on avait dissipé
certaines sommes et que les officiers royaux se préparent à en faire de grandes
remontrances à Sa Majesté. De sorte que si notre pauvre homme a pour toute
richesse les 130, 000 écus qu'il réclame, il peut dès à présent faire voeu de
pauvreté; à moins qu'il ne cesse d'entretenir des illusions, ce dont je doute
beaucoup en voyant tant de violence dans une si pauvre cervelle. Et croyez moi
bien, l'antispalatonien sera le cornichon, je l'ai vu depuis qu'il a voulu avoir
de moi ces petites choses dont, à ce qu'il paraît, il n'a guère pu tirer parti
selon son idée.
Le roi est en Bretagne et Soubise s'apprête à fuir son approche. Dieu veuille
nous faire la grâce de seconder les saintes intentions de Sa Majesté. Et sur ce,
je vous baise les mains de tout coeur.
De Paris, le 14 avril 1622.
M. Rocco est venu me trouver tout à l'heure pour m'avertir que, négociant avec M.
de la Richardière pour le portrait de la Vénitienne, il a enfin réussi à lui
faire baisser son prix à 200 livres comptant. Voyez ce qu'il vous paraîtra [385] devoir m'ordonner. J'ai vu le tableau, mais je
confesse mon ignorance. Vraiment, je n'y trouve rien de si rare; il est vrai
aussi que je ne sais pas quelle est la personne représentée; c'est la cause
probable de mon appréciation peu enthousiaste. Cette Vénitienne n'est pas, à ce
qu'il paraît, Catherine Cornaro, reine de Chypre, et je n'y vois rien qui la
recommande à nos regards. Le possesseur m'a dit qu'il la tient pour être du
Tintoret et M. Rocco l'attribue au Titien. Le propriétaire a voulu me faire
croire qu'elle lui coûtait 55 écus, dont 30 avaient été payés comptant et le
reste au moyen d'autres objets; j'ai absolument contesté ce chiffre et je suis
persuadé qu'en lui montrant 50 écus, et moins peut-être, je l'aurais obtenu sans
difficulté. N'ayant pas d'ordre de vous, je n'ai pas fait d'offres; je vous prie
de me dire exactement quel prix je puis payer chacune des oeuvres dont vous avez
envie, afin que je vous serve à la lettre et entièrement à votre gré.
J'ai fait visite ce soir à Messieurs Brosse et Berthelot et, conformément à vos
intentions, je me suis acquitté de ma tâche auprès de tous les deux. M.
Berthelot m'a témoigné une grande joie et me charge de vous adresser ses
salutations les plus empressées avec toutes ses offres de service. Et de même,
M. Brosse est sensible à votre aimable souvenir et je me hâte de vous présenter
ses remerciements. Je lui ai renouvelé mes instances pour obtenir les mesures
des derniers tableaux, mesures qu'il m'avait promises pour cette semaine. Il
s'est excusé sur l'urgence des dessins pour les cheminées et sur la hâte qu'il a
dû mettre à les fournir et il m'a donné grand espoir de nous satisfaire la
semaine prochaine.
Post-scriptum. J'entends dire qu'il est arrivé des courriers de la cour et qu'on
a vu des lettres de Nantes, du 10 et du 11 courant, portant que le roi devait
quitter cette ville le mardi pour aller aux Sables, à La Chaume et de là à
Fontenay, les ennemis faisant mine de vouloir se retirer. Un courrier serait
arrivé aussi à la cour pour annoncer la venue de M. de Bullion portant des
propositions d'accommodement au nom du duc de Rohan et du duc de Lesdiguières,
je ne sais pour lequel en particulier, mais en tous cas, le duc de Rohan est un
homme avec lequel on pourra s'arranger. Ce serait peut-être le meilleur moyen de
faire rentrer tous les autres dans le devoir. Il m'a paru que cette nouvelle
méritait de vous être apprise. Et sur ce, je vous baise les mains très
affectueusement.
De Paris, le 15 avril 1622.
[386] COMMENTAIRE.
Le chancelier de Chiverny. Philippe Hurault, comte de Chiverny, naquit à
Chiverny, en Bretagne, le 25 mars 1528. Il fut nommé conseiller au Parlement de
Paris, en 1553, maître des requêtes, en 1562; en 1578, Henri III le nomma garde
des sceaux; à son avènement, Henri IV lui rendit les fonctions de chancelier que
Henri III lui avait enlevés en 1588, après la journée des barricades. Il mourut
à Chiverny, le 29 juillet 1599.
Comte de Schomberg. Henri, comte de Schomberg, né à Paris en 1583, se fit
remarquer tout jeune par son courage, fut nommé, en 1608, lieutenant pour le roi
dans le Limousin, fut ensuite nommé ambassadeur en Angleterre, d'où il revint en
1616; il passa en Allemagne dans la même qualité. Il servit successivement dans
la guerre de Piémont, en 1617 et 1618, fut nommé surintendant des finances, en
1619, et commandant de l'artillerie dans l'expédition du Rouergue, en 1622. Il
se distingua dans cette campagne et, quoique fort malade, il s'empara de la
ville de Saint-Anthonin. Il fut écarté de la cour, puis rappelé par le cardinal
de Richelieu et nommé maréchal de France en 1625. Il servit avec beaucoup de
gloire au siège de La Rochelle et fut chargé ensuite du commandement en chef
dans la guerre en Piémont pour défendre le duc de Mantoue. Sa dernière campagne
fut celle contre le duc d'Orléans, dans le Languedoc, en 1632. Cette même année,
il fut nommé gouverneur de cette province et mourut à Bordeaux, le 17 novembre.
Cent pistoles font mille francs. Il doit y avoir confusion de chiffres de la part
de Peiresc, il vient de dire que Rocco demandait seulement 800 livres des deux
tableaux. Il est probable qu'il faut lire septante au lieu de cent pistoles.
Par le Saint Ambroise de Rubens, qui aurait été offert à Vivot pour 200 livres,
Peiresc doit désigner le tableau de Rubens Saint Ambroise et l'Empereur Théodose
(OEuvre de Rubens, n° 387), qui appartient actuellement au Musée impérial de
Vienne et qui date, selon nous, de 1619. Ce prix est évidemment dérisoire pour
un tableau de cette importance. Peiresc a'donc raison de citer cette offre de
Rubens comme une invention du rusé marchand. A moins toutefois qu'il ne s'agisse
de la copie réduite de ce tableau, qui porte le nom de Van Dyck et que possède
la National Gallery de Londres.
Finson. Louis Finson ou Finsonius, peintre brugeois, (1580?-1632?), se rendit
jeune en Italie, où il devint élève de Michel Ange de Caravage, voyagea en
Allemagne et s'établit à Aix, en Provence, où Peiresc devint son protecteur. En
1614, il alla habiter Arles où il mourut. Il peignit des tableaux d'histoire
dans le genre du Caravage et des portraits fort estimés.
[387] Berthelot. Guillaume Berthelot, statuaire français, qui
habita Rome, où il orna plusieurs églises de ses statues et qui, au commencement
du 17e siècle, revint à Paris où il fut au service de
Marie de Médicis. Il porta le titre de «sculpteur de la reine-mère» et travailla
au palais du Luxembourg dans lequel il avait son logement. Il mourut à Paris au
mois de juillet 1648.
Les portraits des deux reines. Probablement deux portraits peints par Rubens
pendant son premier séjour à Paris et représentant Marie de Médicis, la
reine-mère, et Anne d'Autriche, la jeune reine de France, femme de Louis XIII.
Nous ignorons ce que ces peintures peuvent être devenues.
Saint Malo. Voir la lettre du 16 juin 1622, écrite par Peiresc à Rubens et
donnant d'amples détails sur cette affaire.
Le pauvre homme de cour. Probablement l'archiprètre Nardi, dont il a été question
plus haut.
Soubise (Benjamin de Rohan, seigneur de Soubise, baron de Frontenai, frère du duc
de Rohan) naquit vers 1589. Il apprit le métier des armes sous Maurice de
Nassau. Depuis 1611, il figure dans toutes les assemblées des réformés qui se
tinrent en France pour assurer l'exécution de l'édit de Nantes. En 1615, il
entra dans le parti du prince de Condé. C'est surtout dans les guerres
religieuses, commencées en 1621, qu'il se distingua. L'assemblée de La Rochelle
lui conféra le commandement général des provinces de Poitou, de Bretagne et
d'Anjou. Il resta fidèle à ses coréligionnaires quand les autres chefs des
protestants eurent fait leur soumission. Avec son frère, le duc de Rohan, il fit
la guerre au roi de France. Louis XIII le força de rendre la place de Saint Jean
d'Angeli, le 26 juin 1621; mais, en 1622, il reprit les armes. Il passa en
Angleterre pour y demander des secours. Déclaré coupable de lèse-majesté, le 15
juillet 1622, il obtint plein pardon le 19 octobre suivant. Il n'en continua pas
moins à intriguer contre le roi jusqu'au commencement de 1625, lorsque, par un
coup de main hardi, il s'empara d'une flotte royale de quinze vaisseaux qui se
tenait dans le port de Blavet, en Bretagne. Rentré en grâce, le roi lui accorda,
le 6 avril 1626, le titre de duc et pair. Il n'en continua pas moins à résider
en Angleterre où il sollicita et obtint du roi Charles I des secours pour la
ville de La Rochelle, assiégée, et où il mourut en 1641.
Catherine Cornaro. Reine de Chypre, femme de Jacques de Lusignan, qui l'épousa,
en 1468, et déclarée fille de St Marc par le Sénat de
Venise à la suite de cette alliance. A la mort de son mari, arrivée en 1473, le
Sénat s'empara de l'île de Chypre et força sa fille adoptive d'abdiquer en
faveur de la république, en 1489. Elle finit ses jours dans l'obscurité au
château d'Asola, près de Trévise, où le Sénat de Venise l'avait reléguée.
[388] Bullion. Claude de Bullion, sieur de Bouelles,
surintendant des finances et ministre d'État sous Louis XIII, fut employé par le
roi dans diverses négociations politiques, entre autres dans celles qui eurent
lieu entre Louis XIII et son frère Gaston, duc d'Orléans, ainsi qu'entre le roi
et Marie de Médicis. Il mourut le 22 décembre 1640.
[386]
COMMENTAIRE.Molto III. Sigr mio singmo.
Ho ricevuto le due lettere di V. S. delli 14 et 15 del corrente et communicate al
Sr Abbate, quanto ella desiderava, intorno all' ordine
de' quadri della Galleria, et del terlizzo del quale il Sigr Abbate non ha trovato a proposito di scrivere alla Regina, assicurandosi
che non vi sarà difficolta di rimborzarnela quando ella portera li primi, si
come egli le scrive nella sua lettera qui aggionta ch'egli m'ha portato a casa
mia. Quanto all' ordine delle pitture, già ne havevamo raggionato insieme col
Sgr Abbate, il quale non ha havuta risposta della
Regina, doppo havergli scritto intorno alle difficolta contenute in certa
lettera di V. S., ma perciò che se n'era previste una parte prima che di havere
le lettere di V. S. et che gia si era scritto che si trovarebbono molti
inconvenienti quando si volessero cinque luoghi vuoti, fu rimesso al beneplacito
del Sgr Abbate di ridurre il numero di detti quadri
reservati a 4 et (se non era possibile altramente) a tre solamente.
Et per questo effecto volsero che riducessero tutti li quadri et soggietti che
toccano il matrimonio di Spagna a due
quadri solamente, o per lo piu a tre luoghi, dicendo che sia cosa che tocca piu
altre persone che la Regina Madre. Anzi se gli havessero potuti accumulare tutti
duoi in un solo, ch'averebbono desiderato per lasciar gl'altri vani ad altre
attioni proprie alla persona della Regina Madre.
Hora per venire al particolare, volevano che si seguitasse l'ordine [389] seguente, cioe al primo vano la Nascita; al 2°,
l'institutione; al terzo, la presentatione del ritratto; al 4°, la reception
dell' anello; al 5°, l'arrivo a Marsiglia; al 6°, l'arrivo a Lyone; al 7°, la
Nascita del Delphino; all' 8°, l'Incoronamento; al 9°, la morte del marito et la
Regenza; al 10°, la presa di Giuliers; all' undecimo, la Pace della Regenza; al
12°, il consiglio delli Dei; al 13°, il Matrimonio del Re; al 14°, il Matrimonio
della Regina di Spagna et che restassero vuoti al meno li quattro vani seguenti,
per essere riempiti d'altri soggietti che sele daranno a suo tempo et che
l'ultimo contenga la resignatione del clavo del imperio in man del figlio. In
questo modo, si preterisce il soggietto intiero del quadro dove V. S.
rappresentava il Flamineo, che mi pare a me il piu vago et piu nobile di tutti,
ma non a gli altri che non capiscono la gentillezza del concetto et l'eruditione
che visi scorge, et si casca in un gran inconveniente, poscia che
l'Incoronamento non s'incontra piu ne' luoghi maggiori, anzi nell' ultimo delli
piccioli del primo lato di che io ho fatto gran rumore. Et finalmente mi disse
il Sgr Abbate che se si poteva ridurre il negotio delli
matrimonii in due quadri soli, egli lasciava alla dispositione di V. S. di
rimettere nel suo ordine il quadro del Flamineo, accio di slontanare
l'Incoronamento un poco piu oltre et di collocarlo nel luogo destinatogli prima
cioè nel nono vano ch'e il primo delli grandissimi.
Tocca dunque a V. S. di cercare inventione con la quale si possano
convenevolmente rappresentare i matrimonij d'Espagna in due quadri soli, et in
questo caso, se V. S. vuol fare il quadro del Flamineo, ella lo potrà fare, se
piu non le piace d'imaginare qualche oltro soggietto, anteriore al coronamento,
che possa riempire un degl' otto vani precedenti il nono, come potrebbe essere o
l'arrivo in Pariggi, o il tempo che il Re
defunto cominciò di fare partecipe la Regina delli consigli e negotii piu
importanti del governo di questo stato, quando egli andava preparando la sua
profectione fuori del Regno, che sarà un soggietto nobile et molto grato a
coteste persone, per le mani delle quali ha da passare V. S.
Quanto a ciò che V. S. mi scrive che bisognava conservare nelli vani piu grandi
li soggietti concertati dall' incoronatione, della Regenza et del consiglio
delli Dei, io credo che sarebbe molto a proposito. Ma V. S. non si ricorde che
secondo il suo memoriale non s'incontra il [390] Consiglio
delli Dei ne' vanni grandi, sendo nel duodecimo luogo ch'e delli piccioli, et se
si riducono li matrimonij in due quadri occupandosi il nono vano del
Coronamento, il decimo della Regenza, et l'undecimo dal Negotio di Giuliers, il
duodecimo sara occupato dalla pace della Regenza et andera nel 13° il Consiglio
delli Dei, se pur ella non lo congionge con il negotio di Giuliers o con la Pace
della Regenza. In somma, bisogna che V. S. faccia un nuovo memoriale accommodato
a queste conditioni et che lo mandi al Sr Abbate, acciò
ch'egli lo sottoscriva et che le mandi l'ordine necessario, conforme all'
intento della Regina, lasciandosi alla dispositione di V. S. di scieglere ciò
ch'ella giudichera piu convenevole et piu accommodato al gusto suo proprio. Et
quando V. S. trovarebbe impossibilita di ridurre li matrimonij di Spagna in due
vani, et che giudicasse che le facesse grandissimo bisogno per l'assortimento
delli suoi intenti, ancora un vano di quelli quattro che si volevano riservare,
il Sgr Abbate offerisce di addozzarsi tutto il torto,
facendosi forte di fare aggradire alla Regina di contentarsi di tre vani vuoti,
lasciandole riempire tutti gl'altri nel modo che le sarà piu commodo. Ma non si
scordi V. S. di rimandare al Sgr Abbate il memoriale
ch'egli le mandò ultimamente.
Restami a ringratiarla delli officii fatti a nome mio et promessi di fare ancora
verso li Sigri
Gevartio, di cui non ho havuto
alcune lettere, Mireo et Roccox,
pregandola di rallegrarmi seco ancor a mio nome dell' acquiste del Demostene, di
cui vorrei ben ch'egli havesse fatto stampare l'effigie o che me n'havesse
voluto concedere un schizzo del profilo et dell' inscrittione.
Non ho potuto trattare ancora con il Sr Po Parente; habbiamo preso assignatione al primo giorno doppo la partita
del Duca di Guysa che lo tiene occupatissimo.
Delle pitture le scrissi a lungo per l'ordinario passato et mi dispiace di non
haverlo potuto fare un ordinario prima, per ciò ch'e arrivato poi un
inconveniente inopinato, havendo il Duca di Guysa mandato in Provenza il
Perruchotto (padrone delli quadri di Tintoretto et Titiano), il quale e partito
apunto questa mattina et per lunga absenza. Et s'io havessi havuto licenza di
concludere il negotio et por danari sopra la tavola, forzi che si sarebbe
guadagnato qualche cosa per V. S. o per quel suo amico, ma non era la raggione
ch'io passassi suo ordine.
[391] Io mi son contentato di procurare ch'egli habbia
commessa alla moglie di darmi li quadri ogni volta ch'io gli mandi li danari
ch'egli spera di haverne. Egli diceva cento pistole, ma io tengo nondimeno che
si haveranno per seicento franchi giusti. Et se si puonno haver per manco, io ci
farò somma potenza, quando le venira alle strette, non dandogli se non tal somma
che V. S. ordinara, sia di 150 scudi, o altra, ben che l'haver a trattar con
donna e con altra persona che l'istesso patrono li faccia qualche prejudicio; ma
non potero far altro, poi ch'ella, con tre lettere sue, mi limitava la faculta
del trattare.
Di Pariggi, alli 22 Aprile
1622.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 662 v°.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
J'ai reçu vos deux lettres du 14 et du 15 courant et, selon votre désir, je les
ai communiquées à M. l'Abbé pour ce qui y est relatif à la disposition des
tableaux de la galerie et à la toile. L'abbé n'a pas trouvé à propos d'écrire au
sujet de cette dernière à la reine, il est persuadé qu'il n'y aura aucune
difficulté de vous en faire le remboursement quand vous porterez ici les
premières compositions; comme vous le verrez par sa lettre ci-jointe, lettre
qu'il m'a apportée chez moi. Quant à la disposition des sujets, nous en avions
déjà causé ensemble avec l'Abbé: celui-ci n'a pas encore reçu de la reine une
réponse à la lettre qu'il lui avait écrite au sujet des difficultés signalées
dans une de vos missives. Mais, comme quelques-unes de ces difficultés étaient
prévues avant que vous n'en ayez parlé et que l'on avait écrit déjà qu'il y
aurait de nombreux inconvénients à retenir des places pour cinq tableaux, on a
laissé au bon plaisir de l'abbé de réduire le nombre de ces tableaux réservés à
quatre et, s'il n'y a pas moyen de faire autrement, à trois seulement.
A cet effet, on aurait voulu limiter à deux, ou tout au plus à trois, le nombre
des sujets relatifs au mariage d'Espagne, par le motif que cette évènement
touche moins la reine-mère que d'autres personnes. Et même, on aurait désiré que
l'on pût condenser les deux sujets en un seul, afin de faire place à d'autres
sujets concernant directement la personne de la reine-mère.
[392] Pour en venir aux détails, on voulait disposer les
tableaux dans l'ordre suivant: au premier panneau, la Naissance; au deuxième,
l'Éducation; au troisième, la Présentation du portrait; au quatrième, la
Réception de l'anneau; au cinquième, l'Arrivée à Marseille; au sixième,
l'Arrivée à Lyon; au septième, la Naissance du Dauphin; au huitième, le
Couronnement; au neuvième, la Mort du roi et la Régence; au dixième, la Prise de
Juliers; au onzième, la Paix de la Régence; au douzième, le Conseil des Dieux;
au treizième, le Mariage du Roi; au quatorzième, le Mariage de la Reine
d'Espagne. On voulait laisser vides quatre panneaux au moins à la suite, pour y
placer d'autres compositions dont les sujets vous seraient donnés en temps, et
enfin, on voulait que le dernier panneau contînt la remise des rênes du
gouvernement entre les mains du fils. De cette manière, on laisse en arrière
tout le sujet du tableau où vous représentiez le Flamine, sujet qui me paraît à
moi le plus gracieux et le plus noble de tous, mais qui ne fait pas cet effet
aux autres qui ne comprennent ni l'idée charmante, ni les détails pleins
d'érudition; et il en résulte un grand inconvénient, puisque le Couronnement ne
vient plus dans un des panneaux les plus grands, mais dans le dernier des petits
panneaux de la première rangée. Aussi j'en ai jeté les hauts cris. Finalement,
l'abbé me dit que si l'on pouvait réduire l'épisode des mariages à deux
tableaux, il laisserait à votre discrétion de remettre à la place qu'il devrait
occuper le tableau du Flamine, afin de porter le Couronnement un peu plus loin
et de le placer dans le panneau qui lui avait été destiné de prime abord, c'est
à dire dans le neuvième qui est le premier des plus grands.
Il vous appartient donc d'inventer un moyen convenable de représenter les
mariages d'Espagne en deux tableaux seulement et, dans ce cas, si vous tenez à
exécuter le Flamine, vous pouvez le faire, à moins que vous n'aimiez mieux
imaginer quelqu'autre sujet, antérieur au Couronnement, qui puisse remplir un
des huit panneaux qui précèdent le neuvième; vous pourriez prendre, par exemple,
ou l'arrivée à Paris, ou le moment où le roi défunt commença à faire participer
la reine aux conseils et aux affaires les plus importantes du gouvernement,
lorsque lui même se préparait à sortir du royaume; ce dernier sujet serait très
relevé et plaîrait infiniment aux personnes avec lesquelles vous avez à compter.
Vous m'écrivez qu'il fallait réserver pour les plus grands panneaux les sujets
déjà concertés du Couronnement, de la Régence et du Conseil des Dieux: je crois
que ce serait une bonne combinaison. Mais, veuillez vous en souvenir, dans le
mémoire que vous avez soumis, le Conseil des Dieux n'est pas compris parmi les
grands sujets, il y vient au douzième panneau, [393] parmi
les petits sujets, et si vous réduisez les mariages à deux tableaux, en donnant
au neuvième panneau le Couronnement; au dixième, la Régence; au onzième,
l'Affaire de Juliers; il arrive que le douzième sera occupé par la Paix de la
Régence et que le Conseil des Dieux sera glissé au treizième, à moins que vous
ne le joigniez à l'affaire de Juliers ou à la Paix de la Régence. En résumé, il
sera nécessaire que vous fassiez un nouveau programme accommodé à ces conditions
nouvelles et que vous l'envoyiez à M. l'Abbé, afin qu'il l'approuve et vous le
renvoie avec les ordres nécessaires, conformément à l'intention de la reine, et
en vous laissant la faculté de choisir ce que vous jugerez de plus convenable et
de plus conforme à votre goût personnel. Et si vous trouviez qu'il est
impossible de réduire les mariages d'Espagne à deux panneaux et que vous jugiez
qu'il est indispensable, pour l'ensemble de vos conceptions, de vous donner
encore un des quatre panneaux à réserver, l'Abbé vous offre d'assumer sur lui
toute la responsabilité du changement et se fait fort de faire agréer par la
reine cette réduction de la réserve à trois panneaux, en vous laissant remplir
tous les autres comme vous le jugerez le plus opportun. Mais veuillez ne pas
oublier de renvoyer à M. l'Abbé le mémoire qu'il vous envoya dernièrement.
Il me reste à vous remercier des bons offices que vous avez faits et que vous
m'offrez de faire encore auprès de M. Gevartius, dont je n'ai reçu aucune
lettre, auprès de Messieurs Miraeus et Rockox, en vous priant de féliciter
celui-ci de ma part, de l'acquisition qu'il a faite du Démosthène; j'aurais bien
voulu qu'il eût fait estamper cette figure, ou qu'il m'eût concédé une esquisse
du profil et de l'inscription.
Je n'ai pu traiter encore avec M. Paul Parent; j'ai pris jour avec lui au
lendemain du départ du duc de Guise qui le tient en grande occupation.
Je vous ai écrit longuement, par le dernier courrier, au sujet des tableaux en
négociation; je suis au regret de n'avoir pu le faire par un courrier antérieur,
par la raison que depuis il est arrivé un contretemps: le duc de Guise ayant
envoyé en Provence M. Perrichot, le propriétaire du Tintoret et du Titien. Il
est parti ce matin et son absence sera longue. Si j'avais eu l'autorisation de
conclure le marché argent sur table, je vous aurais probablement fait gagner
quelque chose, à vous ou à votre ami, mais je ne pouvais pas raisonnablement
outrepasser vos ordres. Je me suis contenté d'obtenir de lui qu'il autorisât sa
femme à me livrer les tableaux chaque fois que je lui enverrais la somme qu'il
espère en avoir. Il m'a parlé de cent pistoles, mais je tiens néanmoins qu'on
les obtiendrait pour 600 francs net. Et pour les avoir à moins, croyez bien que
je ferai de grands efforts. Quand nous en serons à conclure, je ne lui offrirai
que la somme fixée par vous, soit [394] 150 écus soit toute
autre. Il est vrai qu'à avoir à traiter avec la femme ou quelqu'autre mandataire
du possesseur, il y a quelque désavantage. Mais je ne pourrai faire autrement
puisque, par trois lettres, vous avez limité mes pouvoirs dans cette
négociation.
De Paris, le 22 avril 1622.
COMMENTAIRE.
Conformément au voeu exprimé par Peiresc et l'abbé de Saint Ambroise, le mariage
des deux reines d'Espagne et de France fut traité par Rubens en un seul tableau,
le quatorzième de la série.
L'ordre des sujets de la galerie de Marie de Médicis, indiqué dans la présente
lettre, pour le premier côté de la salle, fut assez exactement suivi. Cependant
le premier panneau ne représente pas la Naissance de la Reine mais la Destinée
de la Reine filée par les Parques. La Naissance de la Reine fut traitée dans le
second; l'Éducation de la Reine fut reportée du second au troisième; l'épisode
du Portrait devint le quatrième sujet; la Réception de l'Anneau devint le
cinquième, sous le titre de Mariage par procuration de la Reine; l'Arrivée à
Marseille devint le sixième; l'Arrivée à Lyon le septième, sous le titre de
Mariage de Henri IV avec Marie de Médicis accompli à Lyon; la Naissance de Louis
XIII devint le huitième; le neuvième représente le sujet suggéré par Peiresc
dans la présente lettre «le moment où le roi défunt commença à faire participer
la reine aux conseils et aux affaires les plus importantes du gouvernement,
lorsque lui-même se préparait à sortir du royaume.» Rubens traita cette donnée
dans le tableau émouvant où figure Henri IV partant pour la guerre d'Allemagne
et confiant à la reine le gouvernement du royaume. De cette manière, le
Couronnement de Marie de Médicis qui avait été indiqué pour le huitième panneau,
fut reculé de deux places et occupa le dixième, c'est à dire un des grands
panneaux auquel il convient merveilleusement. Remarquons que Peiresc se trompe
en désignant le neuvième panneau comme le premier des grands panneaux; ceux-ci
se trouvent aux dixième, onzième et douzième places. Le douzième panneau est
donc à tort rangé par lui parmi les petits panneaux. Le neuvième sujet, la Mort
du Roi et la Régence, devint le onzième sous le double titre de l'Apothéose de
Henri IV et la Régence de Marie de Médicis; à juste titre, il occupa un des
grands panneaux, au lieu du petit qui lui était primitivement réservé. Le
dixième des sujets primitifs, la Prise de Juliers, qui devait fournir le sujet
du premier grand panneau, fut rayé du programme et ne laissa pas de trace connue
dans l'oeuvre du maître. De cette manière, le Gouvernement de la Reine devint
[395] le douzième sujet et trouva sa place au dernier
des trois grands panneaux. Rubens le fusionna avec le douzième des sujets
primitifs, le Conseil des Dieux. De cette manière, il y eut concordance à cet
endroit entre le programme provisoire et le programme primitif. Le Mariage du
Roi, le treizième des sujets primitifs, disparut et fut amalgamé avec le Mariage
de la Reine d'Espagne pour former ensemble l'Échange des deux princesses sur la
rivière d'Andaye, le quatorzième de la série définitive. Le Flamine, le sujet
tant goûté par Peiresc, disparut de la liste sans laisser de trace connue dans
l'oeuvre de Rubens. Parmi les autres sujets cités dans le projet provisoire, on
trouve encore la Paix de la Régence qui fut traitée dans le quinzième des
panneaux définitifs sous le titre de la Félicité de la Régence et la Remise des
rênes du gouvernement entre les mains du fils, qui était destiné à être le
dernier sujet et devint le seizième sous le titre de Majorité de Louis XIII.
Quant à l'Entrée à Paris et au Siège de Juliers, ces deux épisodes, l'un
pacifique et l'autre guerrier, furent traités sinon dans des compositions
exactement pareilles à la conception primitive, du moins sous une forme
analogue, dans l'Entrée triomphale de Henri IV et la Bataille d'Ivry, deux
épisodes de la galerie de Henri IV. Les panneaux réservés dans la seconde moitié
de la galerie de Marie de Médicis aux épisodes de la vie de la reine, furent
remplis par le Voyage de Marie de Médicis au Pont-de-Cé, treizième sujet; la
Reine s'enfuit du Château de Blois, dix-septième sujet; la Réconciliation de
Marie de Médicis avec son Fils, dix-huitième sujet; la Conclusion de la Paix,
dix-neuvième sujet; l'Entrevue de Marie de Médicis avec son Fils, vingtième
sujet; le Triomphe de la Vérité, célébrant la concorde entre la mère et le fils,
vingt-et-unième et dernier sujet.
Démosthène. Il s'agit d'un buste en marbre de Démosthène que Rubens fit graver
dans son recueil de douze bustes de philosophes, de généraux et d'empereurs
grecs et romains, avec l'inscription Demosthenes Demosthenis F. Atheniensis
orator. Ex marmore antiquo, apud D. Nicolaum Rockoxium. Antverpiae. P. P. Rubens
delineavit. H. Withouc sculpsit. A° 1638 (OEuvre de Rubens, n° 1213).
Parent. Monsieur Paul Parent, un collectionneur, dont il est question encore dans
la lettre du 28 avril 1622 et plus loin.
Guise (Charles de Lorraine, duc de), né le 20 août 1571, de Henri de Guise et de
Catherine de Clèves. Enfermé au château de Tours, le jour de l'assassinat de son
père, il se sauva en 1591 et vint à Paris où on le reçut avec enthousiasme et où
les partisans de la Ligue voulurent le faire couronner roi. Le duc de Mayenne
fit échouer ce projet. Après la reddition de Paris, il se réconcilia avec Henri
IV et lui remit Reims et les places qu'il détenait encore. Il obtint le
gouvernement de la Provence et fit rentrer sous l'obéis [396] sance du roi Marseille et d'autres villes du midi qui tenaient encore pour la
Ligue. En 1617, il reçut le commandement de l'armée de Champagne. En 1622, il
fut le chef de la flotte qui, le 18 octobre de cette année, infligea une défaite
aux Rochellois. S'étant déclaré pour la reine-mère, Richelieu le fit exiler. Il
se retira, en 1631, à Florence et mourut, en 1640, à Cuna dans le Siennois.
Molto Ill. Sig. etc.
Circa la sua gratiosissima delli 21 del corrente, non ho da rispondere altro che
ringratiarla dell' opinione troppo favorevole ch'ella si degna persuadera del
fatto mio et dispiacermi di non correspondere alli suoi concetti, senon in buon
volere, in che spero certe che non mancherò.
Delle pitture non si fara altro sino a nuovo ordine di V. S. Faro il bacciamano
al Sgr Abbate di S. Ambrosio. Delli pezzi di marmo, non so
se V. S. fara bene d'inviarli perche vorrei haver inteso del Sgr Po Parente se saranno di suo gusto, primo che
metterli per le strade, massime sendo cose picciole, sapendo io ch'egli si
diletta principalmente di teste grandi dal naturale, piu che delle teste minori.
Io l'ho gia visto una volta, ma sapendo l'humor suo non mi pare a proposito di
parlare di baratto, sin ch'egli sia venuto da me per veder la mia testa di
bronzo, acciò che s'egli ne mostra voglia che gli possa far la propositione che
V. S. desidera, ch'altramente non si fara niente che vaglia con lui et egli
sprezzara ogni cosa che gli sara offerta, senza ch'egli ne faccia instanza. Io
ho presentemente adosso una lite importantissima contra il Mareschial de Créquy,
la quale mi tiene occupatissimo et m'impedisce di trattenerla conforme al voto.
Non ho pero dovuto tacere la voce che corre l'altrohieri che la Regina madre
stava molto inferma in Nantes, ma si e poi verificato che non era stato altro
che dolori colici o del sexo, con febre et che stava molto meglio, ne c'era
alcun risigo, per gratia del Signore, di [397] che mi sarebbe
sommamente dispiaciuto per diversi rispetti, ma principalmente l'interesse di V.
S. et del publico.
Il Re era alli 24 a Niort dove era gionto il Bullione et s'aspettevano fra due
giorni li diputati Hugonotti per proposte di pace, senza ritarde dell' assedio
di Royano, formato già per terra dal Duca d'Espernone. Il Soubise sera salvato
con 15 cavalli nella Rochella, dove le donne l'assedionno et lo volsero
ammazzare, sendo egli stato costretto d'imbarcarsi, et si crede gia andato in
Royano. Con che, senz' altro, le baccio con ogni affetto le mani.
Di Pariggi, alli 28 Aprile 1622.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 663 v°.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Je n'ai d'autre réponse à donner à votre très gracieuse lettre du 21, que celle
de vous remercier de l'opinion trop favorable que vous voulez bien avoir de moi,
et de vous présenter mes regrets de n'être à la hauteur de votre idée que par
mon bon vouloir qui, je l'espère, ne me fera certes pas défaut.
En ce qui concerne l'acquisition des tableaux, je ne ferai rien jusqu'à ce que
vous m'ayez donné de nouveaux ordres.
Je présenterai vos hommages à M. l'Abbé de St Ambroise.
Quant aux pièces en marbre, je ne sais si vous ferez bien de les envoyer. Avant
de les mettre en route, je voudrais savoir de M. Paul Parent si elles seraient
de son goût. Ce sont des objets de petite dimension et je sais qu'il a plus de
prédilection pour les têtes de grandeur naturelle que pour celles de moindre
dimension. Je l'ai vu une fois; mais, connaissant son caractère, il me semble
qu'il ne serait pas à propos de lui parler d'un échange, avant qu'il ne soit
venu chez moi pour voir ma tête de bronze; s'il montrait quelqu'envie de
celle-ci, je pourrais lui faire la proposition que vous désirez, sinon l'on ne
fera avec lui rien qui vaille; il méprisera tout objet qu'on lui présente sans
qu'il fasse aucune instance pour rien.
J'ai en ce moment sur les épaules un procès très important contre le Maréchal de
Créquy. Ce procès m'occupe très activement et m'empêche de m'entretenir avec
vous aussi longuement que je le voudrais.
[398] Pourtant je ne dois pas vous taire le bruit qui courait
avant-hier que la reine-mère était très malade à Nantes; mais depuis on a appris
qu'il ne s'agissait que de coliques ou de maladie de femme avec de la fièvre.
Elle va beaucoup mieux et, grâces à Dieu, il n'y a aucun danger. A divers
égards, j'aurais été bien triste si le danger eut été réel; mais principalement
à cause de l'intérêt public et du vôtre.
Le roi était, le 24, à Niort où il a été rejoint par Bullion et on y attendait,
dans deux jours, les députés huguenots venant faire des propositions de paix,
sans retarder le siège de Royan, déjà investi du côté de la terre par le duc
d'Espernon. Soubise s'est sauvé avec quinze cavaliers dans La Rochelle, où les
femmes l'ont assailli et voulu tuer: il a été obligé de s'embarquer et l'on
croit qu'il est déjà à Royan. Sur ce, n'ayant rien d'autre, je vous baise les
mains avec affection.
De Paris, le 28 avril 1622.
COMMENTAIRE.
Le Maréchal de Créqui. Charles I de Créqui, fils d'Antoine de Blanchefort, qui
hérita de son oncle maternel, le cardinal de Créqui, le nom et les biens de la
maison de Créqui. Il épousa, en 1611, Madeleine de Bonne, fille de François, duc
de Lesdiguières et connétable de France, qui, la même année, obtint que la
Seigneurie de Lesdiguières fût érigée en duché et pairie pour lui-même et pour
son gendre. Il était du parti contraire à la reine-mère et attaqua, en 1620, le
pont de Cé défendu par les ducs de Vendôme et de Retz et par le comte de St-Aignan. Il fut fait maréchal de France, en 1622, après
la prise de Montpellier. De 1625 à 1630, il fit la guerre en Savoie. En 1633, il
fut nommé ambassadeur à Rome; en 1634, à Venise. De 1636 à 1638, il fit la
guerre contre les Espagnols dans le nord de l'Italie. Le 17 mars de cette
dernière année, il fut tué par un boulet de canon.
Peiresc eut à soutenir contre lui un procès au sujet de la baronnie de Rians, qui
fut terminé par une transaction en 1626.
Claude de Bullion, sieur de Bonnelles, fut fait maître des requêtes par Henri IV
en 1605 et employé dans diverses négociations, entra au Conseil d'État en 1624,
devint surintendant des finances en 1632, mourut président à mortier au
Parlement de Paris, le 22 décembre 1640.
Monsieur.
Le bel éloge que vous m'avez faict de l'Argenis m'a esté infiniment agréable et
plus que si la pièce estoit mienne, pour l'estime que j'en avois tousjours
faict. Des noms que vous demandez, M. Rubens vous en peult dire tout ce que j'en ay apprins ou deviné à veue
de païs. S'il y en a aulcun dont vous doubtiez, me le mandant, si je le sçay, je
ne fauldray pas de vous communiquer tout ce que j'en auray appris.
Paris, 28 avril 1622.
Autographe à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Correspondance de Gevartius,
Ms. n° 5989. Publié par E. Gachet. Lettres inédites de Rubens, p. 6.
CCLVI RUBENS A PIERRE VAN
VEEN.(30 avril
1622.)
Molto Illre Sigr mio Ossermo.
Ho ricevuto li passaporti con molto mio gusto, li quali mi dispiacce chabbiano
dato à V. S. tanto travaglio. Et à dir il vero io mi dubitava bene che si
farebbe qualque riflesso sopra le qualita mie, i percio m'indricçai à V. S.
perche non mi pareva negocio di un semplice messagiero che le procura
ordinariamente per ognuno. I certo io mi sento verso V. S. con obligo
particolare per questo favore. Ho caro che V. S. gusti ancora dhaver delle mie
stampe, pur mi dispiacce che duoi anni in ça non habbiamo quasi fatto niente per
il cappriccio del mio intagliatore, il quale si e dato totalmente alla albasia
di tal maniera che non si po più trattar ne pratticar seco, presumendo che
l'intaglio suo solo facçia valer queste stampe qualque cosa et il suo [400] nome tanto illustre. Con tutto cio posso dire con
verità, che li dissegni sono piu finiti e fatti con piu diligenza che le stampe
li quali dissegni io posso mostrare ad ogniuno poiche li ho in mano, V. S. mi
fara gracia di mandarmi un poco di listarella colle nome di quelle stampe che
lei ha a fine chio posso veder quali li manchano, e subito chio sapro questo li
mandaro li restanti. I sin tanto baccio à V. S. con tutto il cuore le mani e mi
raccommando nella sua bona gracia pregandoli del cielo ogni felicita e
contentezza.
D'Anversa alli 31 [30] d'Aprile 1622.
Pietro Pauolo Rubens.
Di V. S. molto IllusreServitor affettmo
Pietro Pauolo Rubens.
Adresse:Aend. Eerentfesten Wysen Voorsinighen Heere Myn Heere Pieter van
Veen Raetsheer ende Pensionaris ints Gravenhaeghe.
Original à la Bibliothèque royale de Bruxelles, département des manuscrits.
Publié avec traduction par Henri Hymans, dans Bulletin de l'Académie royale de
Belgique, 1894, p. 190 et dans Lucas Vorsterman, p. 280.
TRADUCTION.RUBENS A PIERRE VAN VEEN.
Très illustre et honoré Seigneur.
J'ai reçu les passeports avec grand plaisir et regrette qu'ils vous aient
occasionné tant de démarches. A vrai dire, je me doutais bien qu'on ferait
quelque réflexion touchant mes qualités; aussi est-ce pour ce motif que je
recourais à vous, car l'affaire n'était pas de celles, à mes yeux, dont on pût
charger un simple messager lequel, d'ordinaire, les procure à tout le monde.
Vraiment, je vous suis particulièrement obligé de cette faveur. Il m'est
agréable que vous désiriez recevoir encore de mes estampes; malheureusement
depuis une couple d'années nous n'avons presque rien fait à cause des lubies de
mon graveur, lequel s'est laissé entièrement emporter par l'orgueil, si bien
qu'il n'est plus possible de s'entendre ou de traiter avec lui. Il prétend que
sa gravure [401] et son nom illustre font l'unique valeur de
ces estampes. Tout ce que je puis affirmer c'est que les dessins sont plus
achevés et faits avec plus de soin que les planches, lesquels dessins je puis
montrer à tout le monde, attendu que je les ai en main.
Vous me ferez la faveur de m'envoyer une petite liste avec les titres des
estampes que vous avez déjà, pour que je puisse constater celles qui vous
manquent, et, dès que je serai renseigné à ce sujet, je vous enverrai le
surplus.
En attendant je vous baise les mains de tout coeur et me recommande à vos bonnes
grâces, priant le ciel qu'il vous accorde toute espèce de félicité et de
contentement..
D'Anvers, le 30 avril 1622.
Pierre-Paul Rubens
De votre très illustre Seigneuriel'affectionné serviteur
Pierre-Paul Rubens
Adresse: Au très honorable savant et prudent Seigneur Monsieur Pierre Van Veen,
conseiller et pensionnaire à La Haye.
COMMENTAIRE.
Les premières lignes de cette lettre prouvent qu'en 1622, Rubens se proposait
d'entreprendre le voyage de la Hollande, probablement pour faire lui-même à La
Haye des démarches en vue d'obtenir le privilège pour ses gravures. Par
l'intervention de Sir Dudley Carleton et de Pierre Van Veen, son but se trouva
atteint et par conséquent le voyage devint inutile.
Le graveur, dont il est question dans cette lettre, est Luc Vorsterman;
l'infirmité mentale dont il fut affligé à partir de 1619 et qui fut cause de
l'attentat auquel il se porta sur la personne de Rubens, a été mentionnée dans
notre commentaire sur la lettre du 23 janvier 1619. Un des effets de
l'affaiblissement cérébral du grand graveur fut, selon cette lettre, de se
croire supérieur à Rubens et de prétendre que ses gravures valaient mieux que
les dessins qui lui servaient de modèle. Dans les notes sur son édition de la
présente lettre, M. Henri Hymans remarque avec raison que la manière dont Rubens
parle de ces dessins prouvent clairement que Vorsterman n'en était pas
l'auteur.
Molto ill. Sigr mio Singmo.
Queste due righe in somma fretta sonno solamente per avisarla la ricevuta della
sua delli 28 del passato et pregarla di scusarmi se non le fo risposta risoluta
come si doverebbe, sendo io impedito alla sollicitatione d'una lite contra il
Marescial di Crequy, che non mi lascia quasi la liberta del fiatto come dicono
in questa lengua, et la sua lettera m'e stata ricapitata due giorni piu tardi
del solito, et per cio non posso raggionare col Sgr
Abbate, ma con la prima occasione suppliro al diffetto.
Io lodo il pensiero di V. S. nella transpositione di un quadro per mettere il
Convento delli Dei in un vano grande, ben che in ogni modo l'uno delli tre vani
non e di troppo avantaggio per l'interventione d'una porta grande, che va sul
gran Balcone, ma ne parlaremo piu à pieno un altra volta.
Della cassa de' suoi marmi se la spesa della vettura non e grande, credo che sara
forzi stato meglio d'inviarla che di rimetterlo a descrittione imaginaria, poi
che l'obietto e molto piu capace di muover la potenza. Io haveva inteso
solamente di haverne impronti di gesso, ma forzi che la vettura delli originali
non sara di maggior spesa che l'improntarli in gesso et mandarli, et per ciò
sara forzi meglio.
Con che, senz' altro, le baccio di cuore le mani, assicurandola che la Regina
Madré sta rilevata totalmente et doveva esser partita di Nantes, gia due giorni
sono, per andare alla volta della Corte Regia che sta a Xaintes et Royano.
Il Sgr di Lussone sta tutta via indisposto delle sue
Almorane (1)((1) Almorranas (espagnol), hémorrhoïdes.)
ma con la lettica, non stara di seguitare.
Di Pariggi alli 6 di Maggio 1622.
Poscritta. Doppo haver parlato alli miei Giudici io ho ancora rubbato un poco di
tempo per vedere il Sgr Abbate, à cui ho fatto lettura
della vostra lettera. Egli approva totalmente quanto piace a [403] V. S. cosi intorno al terlizzo come alla transpositione del quadro
X con il XII et mandara a V. S. una polizza firmata di sua mano conforme alla
intentione et mente di V. S. Ma egli vorrebbe che contenesse tutto ciò ch'io le
proposi per l'altro ordinario, cioe lo stabilimento del dissegno desiderato in
luogo di quel Flamineo, et lo restringimento delli matrimonij reciprochi in tre
vani. Et subito che V. S. ci havera mandato il projetto di essi, egli fara il
memorial generale et glielo mandara firmato di sua mano, accio non vi resti
altra difficolta che quella delli quadri riserbati vuoti.
Io gli ho domandato del ritratto del Strozzi, sapendo ch'egli ha prattica con la
vedova del padrone, egli m'ha detto haverlo visto et trovatolo bello et fatto di
ardita mano, ma che non l'ha mai creduto per essere di Titiano. Procurarò di
vederlo anch'io et di darlene altro ragguaglio.
Vidi questi giorni, in casa d'una gentil donna, un bellissimo quadro d'una
Madonna di Pieta con il Cristo morto disceso della croce che dicono essere di
Tintoretto, grande quanto l'altro del Giudizio, ma rivoltato d'altra positura,
cioe piu alto che largo et conservatissimo. Ella ne domanda 800 franchi et l'ha
havuto da un Sgr della Tour ch'era intelligentissimo di
pitture. C'era poi un Giudizio d'un altro pittore valenthuomo, di cui nome non
mi ricordo adesso, che mi piacque sommamente, facendo il Cristo sceso in terra
nella Valle di Josaphat, dove fa il Giudicio; un capriccio molto nobile et le
figure picciole, ma di bel rilievo et ne domanda cento scudi d'oro.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f° 663 v°.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Deux lignes seulement, en grande hâte, pour vous accuser la réception de votre
lettre du 28 avril et pour vous prier de m'excuser si je ne vous fais pas une
réponse complète comme je le devrais, mais j'en suis empêché par les instances
d'un procès contre le Maréchal de Créquy, qui ne me laisse presque pas la
liberté de respirer, comme on dit. Puis votre lettre m'est parvenue [404] deux jours plus tard que d'ordinaire et, pour ce
motif, je ne puis aller traiter avec l'abbé, mais le prochain courrier suppléera
à cette lacune d'aujourd'hui.
J'approuve votre idée de transposer un des tableaux pour arriver à placer le
Conseil des Dieux dans un des grands panneaux, bien que, de toute manière, l'un
des trois panneaux soit assez désavantageux, à cause de la percée d'une grande
porte qui donne sur le grand balcon. Mais nous en parlerons plus amplement une
autre fois.
Quant à la caisse de vos marbres, si les frais de voiture n'en sont pas
considérables, je crois qu'il serait peut-être mieux de l'envoyer ici que de
s'en remettre à une description imaginaire des objets: ceux-ci auront par
eux-mêmes bien plus de force persuasive. J'avais compris d'abord qu'il ne
s'agissait que d'un envoi d'épreuves en plâtre; mais probablement le voiturage
des originaux ne coûterait pas plus que les frais des moulages et l'expédition
de ceux-ci et vaudrait il mieux envoyer les objets eux-mêmes. Et sur ce, je vous
baise les mains, en vous donnant l'assurance que la reine-mère est entièrement
rétablie et doit être partie de Nantes depuis deux jours, pour aller rejoindre
le roi et la cour qui sont à Xaintes et à Royan.
M. de Lusson est toujours souffrant de ses hémorrhoïdes, mais dans sa litière, il
continue à suivre la cour.
De Paris, le 6 mai 1622.
Post-scriptum. Après avoir parlé à mes juges, j'ai su dérober encore un peu de
temps pour aller voir M. l'Abbé, à qui j'ai donné lecture de votre lettre. Il
approuve entièrement tout ce que vous avez désiré relativement à la toile et à
la transposition entre le dixième et le douzième des sujets; il vous enverra une
ratification signée de sa main et conforme à votre intention et à vos plans.
Mais il voudrait y insérer tout ce que je vous ai proposé par l'autre courrier,
c'est à dire, l'acceptation du dessin que l'on désirait au lieu de votre
Flamine, et la réduction des mariages réciproques à trois panneaux. Aussitôt que
vous nous aurez envoyé le projet de ceux-ci, il fera un mémoire général qu'il
vous retournera, signé de sa main, afin qu'il n'y ait plus d'autre difficulté à
résoudre que celle qui concerne les panneaux réservés.
Je lui ai demandé ce qu'il pensait du portrait de Strozzi, sachant qu'il
connaissait la veuve du propriétaire. Il m'a dit l'avoir vu, il le trouve beau
et hardiment peint, mais il n'a jamais cru que ce fût un Titien. J'aurai soin
d'aller le voir aussi et je vous en donnerai d'autres nouvelles.
J'ai vu ces jours-ci chez une dame, un très beau tableau représentant la Vierge
de douleur avec le Christ mort descendu de la croix. On le dit être du Tintoret
et il est de la grandeur du Jugement du même, mais en sens [405] inverse, c'est à dire, plus haut que large et très bien conservé.
Elle en demande 800 francs et le tient d'un M. de la Tour, qui était grand
connaisseur en peinture. Il y a chez elle aussi un autre Jugement d'un peintre
de mérite, dont je ne me rappelle pas le nom en ce moment; c'est une oeuvre qui
me plaît extrêmement, elle représente le Christ descendu en terre dans la Vallée
de Josaphat où il fait le Jugement dernier. C'est une fantaisie excellente, les
figures sont très petites, mais ont beaucoup de relief. On en demande cent écus
d'or.
Molto ill.
Hebbi hieri la lettera di V. S. delli I stante, scritta a Brusselles et ho havuto dispiacere che V. S. habbia
ricevuto il Tertulliano senza le mie lettere che l'accompagnavano, le quali non
furono inchiuse nel medesimo piego, per che furono mandate alla posta, prima che
si fosse concertato il porto del libro. Ne so come si sia fatto ch'il libro si
sia portato sino à Brusselles in luogo di restar in Anverza dove credo che
saranno restate le lettere et che V. S. le havera poi ricevute. Il ricapito di
detto libro fu fatto a V. S. acciò ch'ella potesse darvi un occhiata per
intendere se sarebbe cosa di suo gusto, in cui caso le ne mandaremo un altro
essemplare per lei. Quanto alla tassa del porto accresciuta sino a 25 soldi, ho
caro che V. S. me n'habbia dato aviso, acciò di provedere al advenire et di non
fidarsi a cotesti ministri della posta, in simil caso io faro pigliar la via de'
carretoni; in tanto la ringratio dello sborzo fatto con tanta amorevolezza.
Viddi hieri il Sgr Abbate di St
Ambrosio et gli feci parte di quanto V. S. mi scrive intorno al terlizzo, a che
aggiunsi le scuse di V. S. di non havergli fatto risposta per la sua absenza, le
quali egli accettò con ogni humanita in presenza del Sgr
de Loménie.
La cassa che V. S. disse non e ancora comparsa et forzi ch'il mancamento del
ricapito ne sara la caggione. Io ho mandato un di miei a cercare dove capitano
detti carrettoni. Et senz' altro le baccio [406] affettuosamente le mani, pregandole dal Sigre le buone
feste con ogni contentezza d'animo.
Di Pariggi, alli 13 Maggio 1622.
De Peiresc.
De Peiresc.
Que' di Thonneins, doppo un assedio assai lungo, si sonno finalmente resi a
compositione due giorni prima che vi arrivasse il principe di Condé che si
incaminava con 4000 fanti. L'assedio di Royano va innanzi, dove sta la Mta del Re cristianissimo; di gia si sonno viste uscire
certe barche cariche di mobili che fanno credere che hanno animo di fuggirsene.
Li Deputati delli Rebelli sonno in questa citta con il Sgr
di Bullione che li conduce, il quale ha speranza grande di pace honota per S.
Mta.
Il figlio del Principe di Condé ha la varuola, vi corse la Principessa sua madre
in grandissima fretta, laquale ha scritto qua alla principessa vecchia ch'erano
uscite fuori senza febre. La Regina Madre dovera esser partita di Nantes, gia un
pezzo fu, per andare verzo Royano.
Poscritta. Si e ritrovata la cassa nella Dogana et l'ho fatta portare qui et
aprirla, sendosi trovata ben conditionata, dal fanciullo in poi che a una gamba
rotta, ma credo che si sia solamente discolata et che si sia rotta altre volte;
io la farò rimasticare prima che lasciar vedere ogni cosa al Sr Po Parente. La testa di basso rilievo non mi pare
antiqua veramente, si come ne anco a V. S. ma la trovo bella et molto piu quel
fanciullo et quella testina di donna, sperando che facilmente potremo far
qualche baratto, al meno l'assicuro che non si sparagnerò niente del fatto mio
et di quel poco che havero gia. V. S. non mi haveva proposto se non tre pezzi et
c'e n'ho trovato due altri, cioe un terzo d'un giovane che non e cattivo et un
busto d'una testa barbata, la quale se pur e veramente antiqua, non mi parebbe
dovere esse strappassata. Io condurrò il negotio con ogni industria a me
possibile et la servirò in questo et ogni altra occasione di tutto 'l cuore.
Del porto della cassa io non ho pagato niente per non essermene stata fatta
instanza dalli carretoni, non havendoli visti anzi solamente un giovane che
diceva haver ordine di ricevere detto porto. Io glielo voleva pagare, io gl'ho
domandato a quel prezzo si era accordato detto porto et egli non havendomi
saputo dire altro, io ho giudicato che [407] fosse un
impostore. Haverei ben voluto sapere a che V. S. l'haveva accordato, per vedere
quanto sara grande l'interesse, quando non succedesse il baratto.
Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 664.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
J'ai reçu votre lettre datée de Bruxelles du premier de ce mois, et j'ai vu avec
regret que vous avez reçu le Tertullien sans mes lettres qui l'accompagnaient.
Ces lettres ne se trouvaient pas dans le même paquet, elles avaient été envoyées
par la poste avant que je me fusse arrangé pour le port du livre. Je ne sais
comment il s'est fait que celui-ci ait été porté jusqu'à Bruxelles au lieu de
rester à Anvers, où les lettres seront demeurées et où vous les aurez reçues
depuis lors. Ce livre vous a été adressé afin que vous y puissiez jeter un coup
d'oeil et me dire s'il est de votre goût, car, dans ce cas, je vous en enverrais
un autre exemplaire pour vous. Pour ce qui concerne les frais de port, qui se
sont accrus à 25 sous, vous avez bien fait de m'en donner avis afin de prendre
mes précautions à l'avenir et de ne plus me fier à ces agents de la poste; en
pareil cas je prendrai la voie des rouliers. En attendant, je vous remercie du
déboursé que vous avez fait avec tant d'amabilité.
J'ai vu hier l'Abbé de St Ambroise et je lui ait fait part
de ce que vous m'avez écrit au sujet de la toile; je lui présentai aussi vos
excuses de ne pas lui avoir répondu, à cause de votre absence; il les a
acceptées en toute bienveillance en présence de M. de Loménie.
La caisse que vous m'avez annoncée n'est pas encore remise; la cause en est
peut-être dans l'absence d'une adresse. J'ai envoyé un de mes gens à la
recherche des rouliers. Et sur ce, je vous baise les mains affectueusement,
priant Dieu de vous accorder de bonnes fêtes de Pentecôte et toute satisfaction
intérieure.
De Paris, le 13 mai 1622.
De Peiresc.
De Peiresc.
Après un siège très long, les habitants de Tonneins se sont rendus enfin à
composition, deux jours avant l'arrivée du prince de Condé qui s'acheminait [408] vers la ville avec 4000 fantassins. Le siège de Royan
avance depuis que S. M. le roi très chrétien y assiste. On a déjà vu sortir du
port des barques chargées de meubles, ce qui fait croire que les assiégés ont
l'idée de s'enfuir. Les députés des rebelles sont dans la ville avec M. de
Bullion leur chef; celui-ci a grand espoir de conclure une paix honorable avec
Sa Majesté.
Le fils du prince de Condé a la petite vérole, la princesse sa mère est accourue
auprès de lui en très grande hâte; elle a écrit à la vieille princesse que les
boutons sont sortis sans fièvre. La reine-mère doit être partie de Nantes,
depuis quelque temps déjà, pour aller vers Royan.
Post-scriptum. La caisse a été retrouvée à la douane, je l'ai fait porter ici et
elle a été ouverte. Tout y était en bonne condition, mais le marbre de l'enfant
a la jambe rompue; je crois toutefois qu'elle est seulement décollée et qu'elle
avait été rompue autrefois déjà; je la ferai remettre avant de rien laisser voir
à M. Paul Parent. La tête en bas-relief ne me paraît pas réellement antique, pas
plus qu'à vous-même, mais je la trouve belle, cependant l'enfant et cette petite
tête de femme sont beaucoup plus beaux encore. J'espère que nous arriverons
facilement à conclure quelque échange; du moins je vous assure que je ne m'y
épargnerai point de mon côté et que j'y emploierai le peu d'influence dont je
dispose.
Vous ne m'aviez annoncé que trois pièces et j'en ai trouvé deux autres, le tiers
d'une statue de jeune homme qui n'est pas mauvaise et le buste d'un personnage
barbu lequel, s'il est réellement antique, ne me semble pas à dédaigner. Je
conduirai l'affaire avec toute l'adresse dont je suis capable et je vous
servirai dans cette occasion comme dans les autres, de tout mon coeur.
Je n'ai rien payé du voiturage de la caisse parce que les rouliers ne sont rien
venus réclamer. J'ai vu seulement un jeune garçon qui disait avoir l'ordre de
recevoir le montant du port. Voulant le payer, je lui ai demandé pour quelle
somme on avait fait accord, mais il n'a pu me répondre et je l'ai considéré
comme un imposteur. Je voudrais bien savoir quelle convention vous avez faite,
pour connaître le montant des frais de retour, si l'échange ne se concluait
pas.
COMMENTAIRE.
Le siège de Tonneins. Le 26 février 1622, le sieur de la Force du parti de la
Réforme, seigneur d'un tiers de la ville de Tonneins, appelée Tonneins dessus,
s'empara des deux autres parties, le bourg de Cuges et le grand Tonneins. Les
habitants des trois parties étaient favorables aux Huguenots. Il laissa comme
commandant de la ville son fils, le sieur de Monpouillan, [409] et le vicomte de Castets avec quinze cents hommes d'infanterie. Le
12 mars, le duc d'Elbeuf et le maréchal de Thémines joignirent leurs troupes
pour reprendre la ville; le 20 mars, ils montèrent à l'assaut, mais ils furent
repoussés. Le sieur de la Force essaya à deux reprises, mais vainement, de
secourir la ville. Le 4 mai 1622, après de nombreux combats et une vigoureuse
résistance, Tonneins se rendit au duc d'Elbeuf qui accorda aux assiégés les
conditions les plus honorables.
Le siège de Royan. La petite ville forte de Royan, située à l'embouchure de la
Gironde, était de grande importance pour les révoltés. Le baron de St Seurin y commandait. Le duc d'Épernon y mit le siège au
commencement de mai 1622. Le roi se rendit au siège qui ne dura que six jours.
La ville capitula le 11 mai.
Le prince de Condé (Henri II de Bourbon), naquit à Saint-Jean d'Angely le 1r septembre 1588. Il fut élevé par ordre du roi dans la
religion catholique. Henri IV lui fit épouser, en 1609, Charlotte-Marguerite de
Montmorency. Pour soustraire sa femme aux assiduités du roi, il s'enfuit avec
elle à Bruxelles; il ne revint en France qu'après la mort de Henri IV. Il se mit
à la tête des mécontents et fut privé de ses biens. Le traité de Loudun rétablit
la paix entre lui et la reine; mais, de retour à Paris, il continua ses
intrigues. La reine le fit enfermer à la Bastille d'abord, à Vincennes ensuite,
où il resta pendant trois ans. Il sollicita sa grâce et l'obtint. Il fut employé
contre les Huguenots, en 1636 en Franche-Comté, dans le Midi ensuite. Il mourut
à Paris, le 11 décembre 1646.
Son fils aîné, le grand Condé, naquit à Paris le 8 septembre 1621; il n'avait que
huit mois lorsque survint la maladie dont Peiresc parle dans la présente lettre.
Molto Ill. Sigr mio singo.
Hoggi Ricciardo m'ha portato la lettera di V. S. delli 11 stante, aggiungendovi
la nuova della rotta del soccorso del Palatino, di che mi rallegro con V. S.
sperando che non sara picciol aiuto a questi nostri Hugonotti per spogliarsi
della lor solita insolenza et rivolversi al dovere.
Son stato questa sera dal Sigr Abbate et gli ho fatto parte
di ciò che V. S. mi scriveva intorno al ristretto delli matrimonii in tre
quadri, onde egli e restato sodisfattissimo, si come sono io. Ancora staremo
aspettando la polizza generale che V. S. promette per la prossima settimana; in
tanto il Sgr Abbate le baccia affettuosissimamente le
mani. Le rendo gratie del ricapito del libretto del Sigr
Gevartio, pregandola di scusare la
liberta mia, poi che l'havessi potuto indirissare all' istesso Sr Gevartio, senza ch'io n'havessi aviso, accio ch'il Sgr Gevartio sia maggiormente spinto alla risposta et
specialmente alli verzi promessi tanto tempo fu in lode della nostra Heroina, di
cui li elogii stanno otiosi in un studiolo, aspettando quello del Sr Gevartio, senza il quale non puonno uscir in luce come
haverebbon fatto gia piu di tre anni sonno. V. S. mi fara gratia di fargli
spezzo mie ricommandationi et di essortarlo sempre a liberarla sua fede in
questo particolare. Et gli potra aggiungere ch'io viddi questi giorni il Sr Veno con il quale andammo a visitar diverse bibliotheche
et giardini di fiori piu esquisiti et ch'io lo trovai molto garbato gentilhuomo
et di molto merito onde resto obligato al Sr Gevartio di
havermene procurato la notitia.
Non mi son scordato di lamentarmi con detto Ricciardo dell' estortione fatto in
Brusselles intorno il porto del libro
contra il patto convenuto seco; egli mi ha promesso di lamentarsene con il
corriere et di procurar che non avenga piu tal inconveniente.
La ringratio ancora della compassione ch'ella ha della mia miseria fra le liti
con persone cosi potenti che m'hanno dato molto essercitio, del quale mi sarei
abstenuto molto volentieri; ma per gratia di Dio, [411] io ho
impedito tutti gl'artificii preparati contra la somma giusticia della causa
nostra et son restato in piedi con l'aiuto del Sgr Iddio,
ma in questo mentre non mi e stato possibile di attendere ad altro, sendo stato
costretto di differire un poco di purga che mi converra fare la pristina
settimana, se mi sara lecito, o la seguente.
Confesso di haver torto non havendole dato risolutione del negozio di S. Malò, ma
oltre la distrattione della lite, ci ho havuto un altro impedimento della parte
del Sgr Presidente Jannino, da cui si haveva da imparare
cio che V. S. desidera, non havendo egli ricevuto le visite de gli amici, con la
medesima liberta di prima, per lo spatio di 203 septimane che la sua moglie e
stata inferma di malatia tanto grave, che finalmente ella si mori et lui se
n'andò fuori della citta per vietare concorso di condoglienze, donde egli
ritornò l'altra settimana, ma un poco infermo egli stesso et con grande
difficolta di rilevarli cosi del dolore della perdita d'una compagna di 50 anni
avvivata per la vecchiaia. Spero nondimeno che non tarderò di sodisfare al suo
desiderio, et hoggi appunto son stato invitato di andare domani a disnare con S.
S. Illma, dove non mancherò di pregarle a dirmene quanto
se ne potrà sapere.
Alle pitture non ho potuto attendere veramente, ma hora farò il debito. Quanto
alli marmi, non si può far niente che non sia di ritorno il padrone delle cose
desiderate, il quale e andato fuori, già piu di dieci giorni et s'aspetta
Lunedi. In tanto io ho fatto rimasticare la gamba del Bambino, che s'era
staccata dal torso.
Questa mattina il Sgr Archiprete mi ha mandato a dire
ch'era gionto et alloggiato vicino a Luxemborgo, et che desiderava sapere se mi
sarebbe stata inviata alcuna lettera per lui. Io gli ho mandato a dire che non
ne haveva ricevuto alcuna, come e vero.
Con che finisco bacciandole per infinite volte le mani.
Di Pariggi, alli 19 Maggio 1622.
Non bisogna scordare che il Sgr Abbate m'ha domandato se V.
S. non m'haveva mai scritto in materia d'un libro d'arme ch'egli desidera
sommamente dello Schoyer. Io credo che V. S. non manchera di haverne uno in ogni
modo per sodisfare alla sua curiosita.
V. S. havera intese le redditioni di Thonnins et di Royan, dove [412] il Re doveva partire doppo le feste per andar all' assedio di Sta Fe. La Regina Madre doveva giungere alla Corte a Royano
istesso.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, p. 664 v°
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Richard m'apporta aujourd'hui votre lettre du 11 et m'apprit en même temps la
nouvelle de la déroute des secours envoyés par le Palatin, ce dont je me réjouis
avec vous, espérant que cela n'aidera pas peu à déterminer nos Huguenots à se
défaire de leur insolence habituelle et à rentrer dans le devoir.
Je me suis rendu ce soir chez M. l'Abbé et lui ai fait part de ce que vous m'avez
écrit au sujet de la réduction des mariages à trois tableaux: il en a été très
satisfait et je le suis aussi. Nous attendrons donc le plan général que vous
promettez pour la semaine prochaine; en attendant, l'Abbé vous présente ses
hommages. Je vous remercie d'avoir remis le petit livre à M. Gevaerts et vous
prie d'excuser la liberté que j'ai prise, car j'aurais pu l'adresser directement
à M. Gevaerts et même sans l'avertir, afin de le pousser davantage à me
répondre, et spécialement encore à me donner les vers qu'il m'a promis depuis si
longtemps et qu'il a composés en l'honneur de notre héroïne (la Pucelle), dont
les louanges restent paresseusement dans un cabinet d'étude, en attendant celles
de M. Gevaerts, car sans lui, elles ne peuvent voir la lumière du jour, ce
qu'elles auraient fait il y a plus de trois ans déjà. Vous voudrez bien lui
faire, de ma part, de fréquentes recommandations et l'exhorter sans cesse à
dégager sa promesse quant à son poème. Et vous pouvez y ajouter que j'ai vu ces
jours derniers M. Veno (Van Veen), avec lequel nous avons été visiter diverses
bibliothèques et des jardins remplis des fleurs les plus rares, et que j'ai
trouvé en lui un homme des plus aimables, plein de mérite et que je suis très
reconnaissant à M. Gevaerts de m'avoir procuré sa connaissance.
Je n'ai pas oublié de me plaindre à Richard de la filouterie commise à Bruxelles
dans les frais de port du livre, contrairement à la convention passée avec lui,
Richard. Il m'a promis de s'en plaindre à son tour auprès du courrier et de
veiller à ce que ce désagrément n'ait plus lieu.
Je vous remercie de la compassion que vous avez de moi, malheureux [413] que je suis au milieu de procès avec des personnages
aussi puissants. Ceux-ci m'ont imposé une lourde besogne et dont je me serais
volontiers abstenu. Mais, grâces à Dieu, j'ai arrêté toutes les chicanes
préparées contre la souveraine justice de notre cause et je suis resté debout,
avec l'aide du Seigneur; mais, en attendant, il m'a été impossible de m'occuper
d'autre chose, au point que j'ai dû différer de me purger quelque peu, ce que je
ferai la semaine prochaine, si c'est possible, ou la suivante.
J'ai eu tort, je l'avoue, de ne pas avoir donné suite à l'affaire de St Malo; mais outre les empêchements que j'ai de mon
procès, il m'en est survenu un autre de la part de M. le Président Jeannin, de
qui je devais apprendre ce que vous désirez savoir. Ce magistrat n'a pas pu
recevoir la visite de ses amis avec sa liberté habituelle; pendant deux ou trois
semaines sa femme a été atteinte d'une maladie si grave qu'elle y a succombé, et
quant à lui, il a quitté la ville pour éviter les nombreuses visites de
condoléance qu'il aurait dû recevoir. Il y est revenu la semaine dernière, mais
un peu indisposé lui-même, et il aura bien de la peine à se consoler de la perte
de celle qui fut sa compagne pendant cinquante ans, perte rendue plus sensible
par son grand âge. Néanmoins, j'espère ne pas tarder à satisfaire votre désir;
justement aujourd'hui, j'ai reçu l'invitation d'aller déjeûner demain avec lui
et je ne manquerai pas de le prier de m'en dire tout ce que l'on peut en savoir.
Je n'ai pu vraiment m'occuper de l'achat des tableaux; je le ferai sans plus de
délai. Quant à vos marbres, on ne pourra rien faire avant le retour du
possesseur des objets que vous convoitez. Depuis plus de dix jours, il est
absent; on l'attend lundi. En attendant, j'ai fait recoller la jambe de l'enfant
qui s'était détachée du torse.
Ce matin, l'Archiprêtre m'a envoyé dire qu'il est arrivé et qu'il loge près du
Luxembourg; il voulait savoir, en outre, s'il n'était pas arrivé de lettre pour
lui. Je lui ai répondu que je n'en avais reçu aucune, ce qui est vrai. Et je
finis en vous baisant les mains mille fois.
De Paris, le 19 mai 1622.
Veuillez ne pas oublier que M. l'Abbé m'a demandé si vous m'aviez jamais écrit au
sujet d'un livre d'armoiries par Scohier, livre qu'il désire vivement. Je crois
que vous ne manquerez pas de vous en procurer un de toute manière, afin de
satisfaire sa curiosité.
Vous aurez appris la reddition de Tonneins et de Royan, d'où le roi devait partir
après les fêtes de la Pentecôte pour se rendre au siège de Sainte Foy. La
reine-mère devait arriver à la cour à Royan même.
[414] COMMENTAIRE.
La déroute des secours envoyés par le Palatin. Il s'agit de la bataille de
Wimpffen, livrée le 6 mai 1622 et dont, par sa lettre du 11 mai, Rubens fit
connaître l'issue à Peiresc. L'électeur palatin et Mansfeld, ayant débloqué
Heidelberg, se rendirent à Ladembourg pour faire le siège de cette ville. Le
marcgrave Georges-Frédéric de Baden-Durlach avait rassemblé aux environs de
Heilbrunn une armée de 13000 hommes d'infanterie, de 3000 chevaux et d'une
nombreuse artillerie avec laquelle il voulait aller se joindre aux troupes de
l'union évangélique. Avant qu'il les eût atteintes, il trouva sur sa route
l'armée catholique, commandée par Gonzalve de Cordoue et Tilly. La rencontre eut
lieu le 6 mai, l'armée du palatin fut défaite laissant 4000 morts sur le terrain
et 1000 prisonniers entre les mains des vainqueurs.
M. Veno. Probablement un des membres de la famille Van Veen.
Le président Jeannin. Pierre Jeannin naquit à Autun en 1540; il fut conseiller au
parlement de Dijon, président au même parlement, puis conseiller d'état,
intendant des finances, ambassadeur en Hollande, contrôleur général. Son rôle
dans la politique intérieure et extérieure fut considérable, tant sous Henri IV
que sous la régence de Marie de Médicis. En avril 1609, il se trouvait à Anvers
lors de la signature de la trêve avec les Pays-Bas, à la conclusion de laquelle
il eut la plus grande part. Il mourut le 22 mars 1623, à Chaillot. Il laissa le
manuscrit d'un livre Les Négociations de Monsieur le président Jeannin pour la
trêve avec les États-Généraux, qui fut publié à Paris, en 1656, et réédité
plusieurs fois dans la suite. Peiresc s'était adressé à cet homme d'état pour
apprendre des détails sur l'affaire de Saint Malo, dont il entretient encore
Rubens dans sa lettre du 16 juin 1622 et dans plusieurs autres et sur laquelle
nous aurons à revenir.
Scohier. Le livre dont il s'agit est: L'estat et comportement des armes,
contenant l'institution des armoiries et méthode de dresser les généalogies, par
Jean Scohier, beaumontois. Bruxelles, Mommaert, 1597, petit in-fol.
Le siège de Ste Foy. La ville de Sainte-Foy avait le sieur
de la Force pour commandant. Elle ne résista guère et se rendit, le 24 mai, aux
généraux du roi, le prince de Condé et le duc d'Elbeuf.
Sainte-Foy et Tonneins sont deux villes du Midi de la France situées la première
sur le bord de la Dordogne, la seconde sur la Garonne.
[414]
COMMENTAIRE.Molto Ill. Sigr mio singmo.
Io stava appunto in casa del Sigr de Lomenie quando m'e
stato ricapito il piego di V. S. delli 19, dove e arrivato il Sgr Abbate in medesimo tempo ch'io l'appriva, di modo che non ho havuto
la briga di portargli molto lontano. Habbiamo letto insieme et la sua lettera et
la mia et il memorial generale de' quadri della Galleria et l'altro ripartimento
figurato di che egli e restato sodisfattissimo si come ancora io, et m'ha
promesso di farlene risposta questa sera, et se non havesse tempo di
transcrivere di sua mano il memorial generale, supplira con il primo ordinario,
et si mandara firmato di sua mano in buona forma. Altra difficolta non vi si e
trovato, se non l'intervento delle Parche nel nuovo quadro ottavo, lequali vi
starebbono benissimo senza certi rumori sinistri che si sparsero in que' tempi
contra la Regina, ben che calomnie certissime; ma sara meglio di vietarne
l'occasione et riempir il campo vuoto delle figure destinate alla guerra o tal
altro soggietto che le parera piu convenevole. Quanto alli quadri grandi
seguenti, io trovo che V. S. gli impiega molto bene et con tutto che da
principio V. S. vi havesse riserbato i soggietti maggiori et piu importanti,
nondimeno bisogna che vi fosse poi intervento qualche mutatione, assicurando io
V. S. di haver visto una coppia del memorial generale scritta di mano di V. S.
dove non entrano tutti i tre soggietti maggiori nelli tre vani maggiori come le
scrissi ultimamente.
Pregai ancora l'altr' hieri il Sgr Brosse delle misure de'
detti tre vani, ma egli si scusò con dire che coloro che fanno il lambriccio non
hanno fatto ciò che egli era stato ordinato et ch'e forza ch'egli vegga il
lambriccio nella parte inferiore, accio di potervi aggiongere ornamenti
convenevoli alli contorni delle porte che vi entrano in ciascheduno. Io manderò
a sollecitar l'uno et l'altro.
Per conto della transpositione del consiglio delli Dei avanti l'imprese di
Giuliers, ci siamo poi chiariti che oltre le considerationi allegate da V. S. la
verita dell' historia vi conviene benissimo, havendo [416] trovato un trattato delli detti matrimonii reciprochi con Spagna conchiuso prima di quello di Giuliers, ma
secretamente per certi rispetti importanti alhora et principiato molto prima,
cioe in medesimo tempo che il gran Duca mandò a complire con la Regina per la
morte del Re suo marito.
Del negotio di S. Malò non ho ancora potuto intender cosa che vaglia. Viddi il
Sgr Presidente Giannino, ma con tanto concorso di
compagnia, che non potei con liberta cavarne l'informatione desiderata, et la
sera medesima, egli se n'andò fuori della citta, donde non ho ancora saputo se
sia ritornato.
Si come il Sgr Po Parente non era
ancora di ritorno hieri doppo pranzo, ma s'aspettava in breve. Io non mancherò
di pigliar l'occasione di servirla et di far valerci i suoi marmi, quanto piu a
me sara possibile.
Rendo gratie a V. S. delle nuove accennate et mi dispiace di non haverne hora che
meritino d'esserle scritte in scambio, poi che V. S. havera inteso la reduttione
di Royano, di Clerac et il trattato di Sta Fez condotto
tanto inanzi ch'era gia d'accordo il Sgr della Forza
Governatore. Ne restava difficolta se non per gli habitanti, la quale si sperava
superare in breve.
La Regina Madre sta benissimo et va seguitando la corte, ma sempre un poco
indietro.
Ho veduto quanto V. S. scrive al Sigr Abbate intorno allo
Schoyer, et mi maraviglio non poco che V. S. stenti a trovarne notitia, sendo un
libro assai volgare, stampato in forma del foglio piccolo, con figure stampate
in legno di varii schudi d'arme; non le saprei dir hora il titolo preciso, ma se
V. S. lo domanda al Sgr Roccox, son sicuro che le ne dara
compita notitia, sendo detto Schoiero l'istesso authore del libro della
Genealogia del Duca d'Arscot, stampato in forma di 4°. Et con tal occasione
haverò caro che V. S. faccia bacciamano al Sigr Roccox a
nome mio, di cui non ho mai inteso se ha havuto una lettera per mano di V. S.
Restami una supplicatione a fare a V. S. La Regina Madre ha ordinato otto figure
al Sgr Bertelotto da mettersi altorno al duomo che sta sul
Portale del suo palazzo, et vi vuole donne illustri. Io son stato pregato da
detto Sgr Bertelotto et dal Sgr
Abbate di cercarle, et [417] gli ho dato Olympias, madre
d'Allessandro magno; Berenice, madre di Philadelpho; Livia, moglie d'Augusto;
Mammaea, madre d'Alessandro Severo; Sta Helena, madre di
Constantino; Sta Clotilde, moglie di S. Clodoveo; Bertha,
madre di Carolo Magno et Bianca, madre di S. Ludovico, tutte Regine, molto
illustri, moglie et madri di principi grandi. Vorrei ben sapere il parere di V.
S. et quando non le tornasse a scommodo, et che non le fosse discharo, che ci
valessimo del ritratto di Olympiade, vestito nel modo che sta nel cameo di
Mantoa, V. S. ci farebbe gran piacere et in tal caso bisognerebbe che Sgr Michele, o altro pittore un poco men negligente, volesse
coppiarne il dissegno che V. S. me ne promise gia un pezzo fa, principalmente
per pigliarne l'habito di testa, et vorrei di piu che V. S. mi mandasse in che
modo le parerebbe che si dovesse vestir tutta la figura in piedi, et se gli
converra male la patera in mano et il drago alli piedi, con le cui note l'ho
vista rappresentata in diverse medaglie, et che altra cosa giudicarebbe V. S.
che gli potesse meglio convenire nelle mani o apprezzo per farla distinguere
dall' altre. Se V. S. non trova a proposito che si publichi l'habito di detta
Regina cavato da detto cameo, non fara scrupulo di mandarmelo che trovaremo
altro mezzo per sodisfare il desiderio del Sgr Abbate et
del Sgr Bertelotto in questo particolare; trovandosi
medaglie delle quali si valeremo. Et, di gratia, non faccia ceremonie meco et mi
continui l'honore del suo affetto, che me le fara stare obligatissimo. Et senz'
altro affettuosissimamente le baccio le mani.
Di Pariggi, alli 26 Maggio 1622.
Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 665.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Je me trouvais précisément chez M. de Loménie quand on m'apporta votre paquet du
19. Au même moment, tandis que je l'ouvrais, arriva M. l'Abbé, de sorte que je
n'ai pas eu la peine de lui porter sa lettre bien loin. Nous avons lu ensemble
sa lettre et la mienne, ainsi que le mémoire [418] général
des tableaux de la galerie et la nouvelle répartition figurée, dont il a été
très satisfait et moi aussi. Il m'a promis de vous répondre ce soir et, s'il
n'avait pas le temps de transcrire de sa main le mémoire général, il le fera
pour le courrier prochain et vous le recevrez signé de sa main et en bonne
forme. On n'y a trouvé d'autre difficulté que celle de l'intervention des
Parques dans le nouveau huitième tableau. Elles y figureraient très bien s'il
n'existait pas certains bruits sinistres qui se sont répandus dans ce temps
contre la reine et qui n'étaient très certainement que des calomnies. Il
vaudrait mieux cependant d'éviter une occasion de les rappeler et de remplir le
champ vide au moyen de figures se rapportant à la guerre ou de tel autre sujet
qui vous semblerait le plus convenable. Quant aux grandes compositions qui
suivent, je trouve que vous les remplissez très bien et quoique, dès le
principe, vous ayez réservé pour elles les sujets les plus grands et les plus
importants, il faut néanmoins qu'il y soit intervenu quelque changement, car je
puis vous assurer que j'ai vu une copie du mémoire général, écrite de votre
main, où les trois plus grands sujets n'entraient pas dans les trois plus grands
panneaux, ainsi que je vous l'écrivis dernièrement.
Avant-hier, j'ai de nouveau prié M. Brosse de donner les mesures de ces trois
panneaux, mais il s'excusa en disant que ceux qui exécutent le lambris, n'ont
pas fait ce qu'il avait commandé, et qu'il doit nécessairement voir le lambris
dans la partie inférieure, afin de pouvoir y ajouter les ornements convenables
autour des portes qui s'ouvrent dans chacun de ces panneaux. J'enverrai
solliciter les uns et les autres.
Pour ce qui concerne la transposition du Conseil des Dieux avant l'entreprise de
Juliers, nous nous sommes assurés depuis, qu'en outre des considérations que
vous faites valoir, elle s'accorde très bien avec la vérité historique. Nous
avons trouvé qu'un traité relatif aux mariages réciproques avec l'Espagne avait
été conclu avant celui de Juliers, mais qu'il avait été tenu secret pour
certains motifs considérés comme très importants à cette époque et qu'il avait
été négocié longtemps auparavant, en même temps que le grand duc envoyait
présenter ses compliments de condoléance à la reine pour la mort du roi son
époux.
Je n'ai encore pu savoir rien qui vaille de l'affaire de St
Malo. J'ai vu M. le président Jeannin, mais en si grande compagnie, que je n'ai
pas eu la liberté de tirer de lui le renseignement que vous désirez; le même
soir, il a quitté la ville, et je n'ai pas appris qu'il soit revenu.
De même, M. Paul Parent n'était pas encore de retour hier après-midi; mais il est
attendu sous peu. Je ne manquerai pas de saisir l'occasion de [419] vous servir auprès de lui et de faire valoir vos marbres autant
qu'il me sera possible.
Je vous remercie des nouvelles que vous m'avez apprises et je regrette de n'en
pas avoir en ce moment qui soient dignes de vous être envoyées en échange, car
vous aurez appris déjà la reddition de Royan et de Clairac, ainsi que le traité
pour Ste Foy, qui était déjà avancé au point qu'on était
d'accord avec le gouverneur M. de la Force. Il ne restait qu'une difficulté au
sujet des habitants, mais on espère qu'elle sera promptement levée.
La reine-mère se porte très bien et suit la cour, mais toujours en restant un peu
en arrière.
J'ai vu ce que vous écrivez à M. l'Abbé au sujet du Scohier et je suis fort
étonné de ce que vous ayez de la peine à en trouver la notice, car c'est un
livre assez commun, publié en petit in-folio, avec des figures sur bois
représentant des armoiries. Je ne saurais vous en dire aujourd'hui le titre
exact, mais si vous le demandez à M. Roccox, je suis sûr qu'il vous donnera des
renseignements complets. Ce Scohier est le même qui est l'auteur du livre de la
Généalogie du duc d'Arschot, imprimée in-4°. Ce sera pour vous une occasion de
présenter mes hommages à M. Roccox qui ne m'a pas fait savoir s'il a reçu une
lettre de moi par votre intermédiaire.
Il me reste à vous faire une prière. La reine-mère a commandé à M. Berthelot huit
statues qui doivent être posées autour du dôme surmontant le portail de son
palais: elles doivent représenter des femmes illustres. M. Berthelot et l'Abbé
m'ont demandé de désigner ces héroïnes: j'ai choisi Olympias, mère
d'Alexandre-le-Grand; Bérénice, mère de Ptolemée Philadelphie; Livie, femme
d'Auguste; Mammée, mère d'Alexandre Sévère; Ste Hélène,
mère de Constantin; Ste Clotilde, femme de St Clovis; Berthe, mère de Charlemagne et Blanche, mère de
St Louis. Ce sont toutes des reines très célèbres,
femmes ou mères de grands princes. Je voudrais avoir votre avis sur ce sujet, si
ce n'est pas vous importuner. Je voudrais aussi, si vous le permettez, me servir
du portrait d'Olympias, tel qu'il est représenté sur le camée de Mantoue; vous
me feriez grand plaisir en demandant à M. Michel ou à quelque autre peintre un
peu moins négligent de vouloir bien me copier le dessin que vous m'en avez
promis, il y a déjà quelque temps. Ce serait principalement pour en prendre la
coiffure. De plus, je voudrais que vous me fissiez connaître de quelle manière
il faudrait draper le personnage en pied et s'il conviendrait de lui mettre une
patère en main et un dragon à ses pieds, ainsi que je l'ai vu sur diverses
médailles. Vous jugeriez aussi quel autre objet on pourrait lui faire tenir en
main ou poser auprès d'elle pour la distinguer des autres personnages. Si vous
ne trouviez [420] pas à propos que la figure de cette reine
soit montrée au public, d'après ce camée, dites-le moi sans scrupule, nous
trouverons un autre moyen de satisfaire le désir de l'Abbé et de M. Berthelot,
je trouverai des médailles dont nous pourrons nous servir. De grâce, pas de
cérémonie entre nous, continuez-moi votre affection, je vous en serai très
reconnaissant. Sur ce, je vous baise les mains de tout coeur.
De Paris, le 26 mai 1622.
COMMENTAIRE.
Les calomnies répandues contre la reine. Le bruit avait couru que la reine avait
participé à l'assassinat de Henri IV. L'intervention des Parques dans le tableau
qui représentait l'Apothéose du roi, aurait rappelé le crime et la calomnie
répandue contre Marie de Médicis. Rubens a fait disparaître les Parques du côté
où se trouve le groupe de Henri IV transporté au ciel; il y a fait figurer
Bellone portant un trophée d'armes et la Victoire assise par terre dans une
attitude de désespoir.
La reddition de Clairac. Clairac, sur le Lot, se rendit au roi le 11 mai 1622.
Huit statues qui doivent être posées autour du dôme du palais du Luxembourg.
Voir plus loin les lettres du 9 juin et du 1r août 1622.
M. Michel, artiste inconnu de rang inférieur, aide et domestique de Rubens,
mourut au mois d'août 1622. Voir lettre datée du 1r
septembre 1622.
CCLXIDÉDICACE DES PALAIS DE GÊNES .365 (29 mai
1622.)
Al illustriss. Signor et padron mio Colendiss. il Signor don Carlo
Grimaldo.Illustrissimo Signore,
mi parerebbe di far torto à V. S. Illustrissima, se mandando io in luce questa
poca racolta d'alcuni Palazzi più famosi della bellissima città di Genova sua Patria, ciò non facessi sotto il
Titolo i Padrocinio di V. S. Illustrissima, ch'è tanto universale e curiosa
d'ogni sorte de virtù e scienza, ch'à punto pare ch'ella habbia una capacità
d'ingegno tanto felice che lei sola possa intendere, quanto [421] tutti gli altri bei spiriti insieme. I perciò la supplico, sia
servita d'agradire questa mia divotione verso lei, & di dare mediante il
favor suo qualque reputatione à questa operetta: la quale ancor che minima, ha
però questo à proposito ch'ella tratta di cose concernenti à l'honor della sua
Patria; & farà fede al mondo della singolar affettion mia verso di
quella. Alla qual in genere, si come à V. S. Illustrissima in particolare, mi
professo per sempre.
TRADUCTION.DÉDICACE DES PALAIS DE GÈNES.
Au très illustre Seigneur, mon patron très honoré, le Seigneur don Carlo
Grimaldo. Illustre Seigneur.
Ce serait, me semble-t-il, manquer à mes devoirs envers Vous, si en publiant ce
mince recueil de quelques palais parmi les plus renommés de cette belle cité de
Gênes, votre patrie, je ne le faisais sous le patronage de votre Illustrissime
Seigneurie. Elle est si universelle dans ses connaissances et s'intéresse tant à
toutes sortes de talents et de sciences, qu'il semble bien qu'elle est si
heureusement douée et a l'esprit si vaste qu'elle seule puisse comprendre ce que
tous les autres beaux esprits ensemble suffiraient à peine à saisir. C'est
pourquoi, je la supplie, de vouloir bien agréer l'hommage que je lui fais et de
donner par cette faveur quelque renom à ce petit travail. Il est bien minime,
mais il a l'avantage de traiter de choses qui concernent l'honneur de votre
patrie, et de rendre témoignage au monde de la grande affection que je porte à
cette ville. D'elle comme de Votre Seigneurie je me proclame à jamais
Le très humble serviteur
Pierre-Paul Rubens.
D'Anvers, le 29 mai 1622.
[422] COMMENTAIRE.
Cette lettre sert d'épître dédicatoire au livre publié par Rubens sur les Palais
de Gênes et figure en tête de la première édition de cet ouvrage. Nous
traiterons plus loin de cette publication (Voir la préface du livre au numéro
suivant et la lettre du 19 juin 1622). Contentons nous ici de dire que le
Seigneur Carlo Grimaldo, auquel cette dédicace est adressée, est un membre de
cette famille Grimaldo ou Grimaldi que Rubens apprit à connaítre lorsque, en
1607, il vint à Gênes dans la suite du duc Vincent de Gonzague, et que ce fut
dans un des palais de cette famille, que logea le duc. Trois des palais dans la
seconde partie du recueil publié par Rubens, figurent sous le nom de palais des
Grimaldi (Voir plus haut tome I, page 383).
[422]
COMMENTAIRE.
CCLXIIPRÉFACE DES PALAIS DE GÊNES .
Al benigno lettore.
Vediamo che in queste parti, si và poco à poco invecchiando & abolendo la
maniera d'Architettura, che si chiama Barbara, ò Gothica; & che alcuni
bellissimi ingegni introducono la vera simmetria di quella, conforme le regole
de gli antichi, Graeci e Romani, con grandissimo splendore & ornamento
della Patria; come appare nelli Tempij famosi fatti di fresco dalla venerabil
Società di Jesu, nelle città di Brusselles
& Anversa. Li quali se per la
dignità del Ufficio divino meritamente doveano essere i primi à cangiarse in
meglio; non però perciò si devono negligere li edificij privati, poi che nella
quantità loro subsiste il corpo di tutta la città. Oltra che la commodità delli
edificij quasi sempre concorre colla bellezza i meglior forma di quelli. Mi è
parso donque di fare una opera meritoria verso il ben publico di tutte le
Provincie Oltramontane, producendo in luce li dissegni da me raccolti nella mia
peregrinatione Italica, d'alcuni Palazzi della superba città di Genova. Perchè si come quella Republica è propria de
Gentilhuomini, cosi le loro fabriche sono bellissime e commodissime, à
proportione più tosto [423] de famigle benchè numerose di
Gentilhuomini particolari, che di una Corte d'un Principe assoluto. Come si vede
per essempio nel Palazzo de Pitti in Fiorenza, il Farnesiano in Roma, la Cancellaria, Caprorola, &
infiniti altri per tutta l'Italia, si come ancora la famosissima fabrica della
Regina Madre nel borgo di S. Germano à Parigi. Li quali tutti eccedono di grandezza, di sito e spesa, le facultà
di Gentilhuomini privati. Mà io vorrei servire al uso commune, e più tosto
giovare à molti ch'à pochi. Et perciò faremo la distintione di questa maniera,
che chiamaremo Palazzo di un Principe assoluto, quello che haverà il Cortile in
mezzo, & la fabrica tutta attorno, di capacità competente ad allogiar
una Corte: & in contrario sarà detto da noi Palazzo ò casa privata, pur
grande e bella ch'ella si sia, quella che havrà la forma di un cubo solido con
salone in mezzo, ò vero repartito in apartamenti contigui sensa luce fra mezzo,
come sono la maggior parte tutti li Palazzi Genovesi. E ben vero che tra questi
edificij ch'io vi rappresento, sono alcuni ch'anno de Cortilotti particolarmente
di villa, mà non sono di quella maniera che si è detta di sopra. Se daranno
donque in questa mia Operetta le piante alzati e porfili con li loro tagli in
croce, d'alcuni Palazzi da me raccolti in Genova, con qualque fatica e spesa
& alcun buon rincontro di potermi prevalere in parte delle altrui
fatiche. Ho posto li numeri & misure di ciascun membro, non per tutto,
mà dove si hanno potuto havere: li quali quando tal volta non correspondessero
cosi à punto alli misure del Sesto, bisognarà in ciò usar della discretione,
& iscusar il dissegnatore & intagliatore, per esser le figure
alquanto minute. Sarà ben ancora d'avertire, che le quattro Reggioni non sono
poste d'ordine consueto, girando di Levante verso Ponente, ansi al roverscio,
derivando questo inconveniente dalla stampa. Egli è però un scrupulo di poca
consequenza. Non habbiamo posti li nomi delli Padroni, perchè ogni cosa in
questo mondo
Permutat dominos, & transit in altera jura.
si come alcuni de questi Palazzi si sono già alienati dalli primi loro
possessori, & à dire il vero, appresso li dissegni non c'erano i nomi,
eccetto di due che si sono posti, come io credo à caso, per esser notissimi in
strada nova. Del resto vi rimetto alle figure; lequali si forse pareranno poche,
saranno però lodevoli, per esser le prime che [424] siano sin
adesso comparse nella luce publica: e si come ogni principio è debbole, daranno
forse animo ad altri di far cose maggiori.
P. P. Rubens. Palazzi di Genova. Anvers, 1622.
(M. Charles Ruelens, dans son Pierre-Paul Rubens Documents et lettres, pp. 104 et
suiv., donne de cette préface une traduction accompagnée d'un commentaire que
nous faisons suivre ici:)
TRADUCTION.PRÉFACE DES PALAIS DE GÊNES.
Au bienveillant lecteur.
Nous voyons, dans nos contrées, vieillir et disparaître peu à peu le style
d'architecture que l'on nomme barbare ou gothique, nous voyons des hommes de
goût introduire, au grand honneur et embellissement de la patrie, cette
architecture qui possède la vraie symétrie, celle qui se conforme aux règles
établies par les anciens, Grecs et Romains. Nous en voyons l'exemple dans ces
églises magnifiques que la vénérable Compagnie de Jésus vient d'élever dans les
villes de Bruxelles et d'Anvers.
C'est à bon droit, sans doute, pour la dignité de l'office divin, que l'on a
commencé à changer les temples en un style meilleur; cependant, il ne faut pas
que l'on néglige de songer aux édifices privés qui, dans leur ensemble, forment
le corps de la cité.
D'ailleurs, la commodité de l'emménagement dans un édifice concorde presque
toujours avec la régularité et la beauté de la forme.
Je crois donc faire une oeuvre méritoire pour le bien public, dans toutes les
provinces au delà des Monts, en publiant les dessins de quelques palais de la
superbe ville de Gênes, dessins que j'ai recueillis pendant mon voyage en
Italie. Et comme cette république est composée de noblesse, les habitations y
sont très belles et très commodes, mais plus propres à loger les familles,
quelques nombreuses qu'elles soient, de simples gentilshommes que des cours de
princes absolus, telles que sont, par exemple, le palais Pitti de Florence, le
palais Farnèse à Rome, la chancellerie, Caprarola, et une foule d'autres, en
Italie, ou encore le fameux palais bâti par la reine-mère, au faubourg de St-Germain à Paris. Tous ces derniers, par leur grandeur,
leur situation et les sommes qu'elles ont coûté, excèdent les facultés d'un
gentilhomme parti [425] culier. Mon but est d'être utile au
bien-être général, et je voudrais rendre service à plusieurs plutôt qu'à un
petit nombre.
En conséquence, voici comment j'établis la distinction. J'appelle palais d'un
prince souverain, celui qui aura au milieu un espace vide avec des bâtiments
tout autour, un édifice dont la capacité soit telle qu'on puisse y loger une
cour. D'un autre côté, j'appellerai palais ou maison particulière, quelque
grande et riche qu'elle puisse être, un édifice ayant la forme d'un cube solide,
avec un salon au milieu, ou réparti en appartements contigus ne prenant pas leur
lumière au centre; tels que sont pour la plupart les palais de Gènes. Il est
vrai que parmi les édifices dont je donne le plan, quelques-uns, surtout parmi
ceux de la campagne, possèdent de petites cours intérieures, mais ils ne
ressemblent pas à ceux dont j'ai parlé plus haut.
Dans ce petit travail, je donnerai donc les plans, élévations et façades avec
leurs tailles croisées, de quelques palais recueillis par moi, à Gênes, avec
quelque difficulté et assez de dépense: ayant eu la bonne chance de pouvoir me
servir en partie du travail d'autrui. J'ai marqué les chiffres des mesures dans
chaque compartiment, non point partout, mais là du moins où l'on a pu se les
procurer. Si quelquefois ces mesures ne correspondent pas exactement aux mesures
du compas, il faudra s'en servir avec discrétion et excuser le dessinateur et le
graveur, qui ont été gênés par l'exiguité des plans. Il est bon encore d'avertir
que les quatre points de l'horizon actuel ne sont pas placés dans l'ordre
accoutumé, en allant du levant vers le couchant, mais en contrepartie,
inconvénient que donne la gravure. Mais c'est de peu d'importance. Je n'ai pas
inscrit les noms des propriétaires de ces édifices, parce que toute chose en ce
monde
Permutat dominos et transit in altera jura.
En effet, quelques-uns de ces palais ont déjà été aliénés par leurs premiers
possesseurs, et j'avoue du reste que les dessins ne portaient point de noms, à
l'exception de deux qui ont été mis, par hasard, je crois, pour être les plus
connus de la Strada Nuova. Pour le surplus, je m'en rapporte aux planches; si,
d'aventure, on trouve qu'elles sont en petit nombre, elles n'en auront que plus
de mérite, car se sont les premières que l'on aura recueillies jusqu'à ce jour,
pour être publiées.
Tout commencement est faible; ma tentative donnera peut-être à d'autres
l'occasion de faire davantage.
Pierre-Paul Rubens.
[426] COMMENTAIRE (1).((1) Ce commentaire est extrait du livre de Monsieur Charles
Ruelens: Pierre Paul Rubens. Documents et Lettres, Bruxelles 1877, pp. 104
et 107 à 113.)
Quel a été le but de la publication des Palais de Gênes et comment Rubens
l'a-t-il exécutée?
C'est ce que nous apprend le seul texte qui l'accompagne: la dédicace à Grimaldo
et l'avis au lecteur. Cet avis est une page intéressante qui nous révèle
quelques idées de Rubens en matière d'art. Il y a quelques années, en 1866,
l'Académie de Belgique proposa pour question de concours: apprécier Rubens comme
architecte. Un seul mémoire y répondit, mais il ne fut pas jugé digne de la
médaille.
La solution de la question est difficile par l'étude des édifices eux-mêmes,
construits ou inspirés par l'artiste; mais, dans l'avis que nous reproduisons,
on trouve au moins quelques principes professés par Rubens en matière
d'architecture.
Il ressort clairement de l'avis que Rubens s'est borné à recueillir les dessins
des palais de Gènes; il y a éprouvé des difficultés et a fait des dépenses... il
se sert en partie du travail d'autrui... il a mis les mesurages quand il a pu se
les procurer etc... Tout, dans ce petit manifeste, indique un éditeur et non pas
un auteur. De retour à Anvers, il a mis ces dessins en ordre, sur une échelle
convenable, il les a préparés pour la gravure, indiqué les ombres dans les
façades, etc. C'est tout ce que l'on peut raisonnablement attribuer au peintre.
Mais le but ou le travail esthétique, si l'on peut s'exprimer ainsi, lui
appartient tout entier. En publiant ces modèles d'architecture, il encourt une
responsabilité grande, il exerce une magistrature artistique. Il veut, en effet,
renoncer à l'ancien style national — gothique ou barbare — il veut rejeter les
oeuvres de la renaissance flamande, déjà nombreuses et remarquables à Anvers, et
les remplacer par le style, soi-disant classique, des édifices de Gênes. Ce
mouvement esthétique avait commencé déjà, selon Rubens, et il en attribue
l'honneur aux Jésuites qui venaient de faire construire des églises à Bruxelles
et à Anvers.
Suivant les renseignements donnés par MM. Henne et Wauters (Histoire de
Bruxelles, t. III), la première de ces églises avait été commencée en 1606. Les
travaux furent interrompus en 1608, et repris en 1617; l'édifice, moins la tour,
fut terminé en 1621, sur les plans de Jacques Francquart, né à Bruxelles, en
1577, peintre, poète, architecte particulier des archiducs, auteur [427] aussi de l'église des Carmélites, dont la façade
offrait la plus grande ressemblance avec celle de l'église des Jésuites à Gênes,
telle qu'elle est publiée dans le livre de Rubens (1).((1)
On attribue aussi cette église des Carmélites, l'une des plus jolies de
Bruxelles en ce temps-là, à Wenceslas Coebergher. Mais nous suivons le
témoignage de Foppens, qui avait recueilli de nombreux renseignements sur
Bruxelles, ses institutions, ses monuments et qui était généralement bien
informé.)
L'église des Jésuites à Anvers, «un des plus beaux temples que la compagnie de
Jésus possédât dans l'Europe entière, » dit M. Schayes, fut élevée, selon
Papebrochius, sur les plans dressés par le recteur du collège, le père François
Aguillon, de Bruxelles. Commencée en 1614, elle fut inaugurée le 12 septembre
1621.
Ces églises et une foule d'autres élevées par les Jésuites avaient leur prototype
dans le Gesù de Rome, construit sur les dessins de Jacques Barozzi da Vignola,
par son élève Jacques della Porta. Vignole, à qui l'on a donné dans le temps le
renom d'avoir été le restaurateur du goût en architecture, semble avoir
particulièrement influé sur le goût du maître d'Anvers: on constate cette
influence dans les fabriques des tableaux de Rubens, dans les autels exécutés
d'après ses conseils, dans les frontispices avec portiques gravés sur ses
dessins. C'est Vignole qui construisit aussi le fameux palais de Caprarola, près
de Viterbe, dont il est parlé dans la préface des Palazzi. Il travailla aussi,
comme on sait, au palais Farnèse, à Rome, également mentionné dans cette
préface.
L'architecture des églises du genre Gesù devait plaire à Rubens, surtout parce
qu'il y trouvait de vastes espaces destinés à être couverts de peintures. Les
caissons des voûtes, les autels de grandeur monumentale, les larges parois du
choeur et des trumeaux, étaient, à ses yeux, des pages où son art pouvait se
donner libre carrière. Dans nos églises gothiques, sans surfaces planes,
n'était-il pas obligé de faire édifier de gigantesques autels, en style Vignole,
pour servir de cadres aux grandes toiles qu'il y faisait placer? Et, sous ce
rapport, l'introduction en Belgique de cette fâcheuse coutume qui a défiguré
l'aspect de nos vieilles cathédrales du moyen âge, n'est-elle pas à mettre, en
grande partie, sur le compte de l'influence exercée par Rubens et des exemples
qu'il en a donnés lui-même?
Dans son livre des Palazzi di Genova, il produit comme un type le maître-autel de
l'église des Jésuites à Gênes, une sorte de portique à quatre colonnes, dont
l'ouverture serait remplacée par un tableau.
Cette composition architecturale, très favorable sans doute au placement d'une
grande page, fut adaptée par Rubens non seulement à l'église des [428] Jésuites d'Anvers, où elle était en harmonie avec le
reste de l'édifice, mais à une foule d'églises gothiques pour lesquelles on lui
demandait des oeuvres de sa main. C'est ainsi, qu'en 1618, il donna lui-même les
dessins de cette haute fabrique de marbre qui, pendant deux siècles et demi, a
caché le choeur de l'église de la Chapelle, à Bruxelles, ce choeur qui est une
merveille de l'art du XIIIe siècle. Le maître-autel
(1)((1) Il se trouve aujourd'hui dans la nouvelle église
de Saint-Josse-ten-Noode, qui est bâtie précisément dans le style du Gesù de
Gênes.), qui allait du pavé aux voûtes, était orné, il est vrai, d'une
page du maître, mais dans la profondeur sombre où cette page était placée, elle
ne pouvait faire grande impression.
C'est ainsi encore, — toujours pour donner à ses pages fulgurantes une place
digne d'elles, sans doute, mais néanmoins choisie d'une façon regrettable —
qu'il laissa construire, d'après ses dessins (2)((2) C'est
ce qui résulte d'une tradition rapportée par Mols, dans ses notes
manuscrites, et par plusieurs auteurs, tradition qui a pour elle toutes les
probabilités. Le maître-autel fut exécuté par les frères Robert et Jean
Collyns de Noie, «d'après un dessin qui, depuis quelques mois, se trouve
peint sur un panneau dans le choeur, » dit le contrat d'entreprise qui porte
la date du 26 mai 1621. Le placement de l'édifice de marbre se fit du 2
avril 1624 au 21 février 1625. (Voir pour les détails, Visschers, Iets over
J. Jonghelinck... etc. Anvers, 1853.)), au fond de la majestueuse
cathédrale d'Anvers, en 1624, un pompeux édifice de marbre, toujours en style
Vignole, édifice moins pompeux cependant que celui qui le remplaça en 1824 et
dont la classique magnificence se prélasse toujours devant une admirable abside.
On compterait par douzaines les transformations de ce genre que l'on est en droit
de reprocher à Rubens. Sans doute, il n'était ni le premier, ni le seul
coupable, mais nous aimerions mieux qu'il se fût élevé au-dessus des préjugés
classiques de son temps en laissant intacts, tels qu'ils étaient encore, à peu
près partout, les vénérables monuments des âges antérieurs.
Qu'il se soit efforcé d'importer un style nouveau pour des églises nouvelles,
rien de mieux: il y a réussi. L'église des Jésuites à Anvers est certainement
une oeuvre de mérite. Mais nous le louerons davantage pour ses tentatives
d'introduire une meilleure et plus brillante architecture dans les constructions
privées.
En cela, on pourrait dire peut-être qu'il a fait un acte de patriotisme. Enfant
de cette ville d'Anvers, dont les richesses — quoique bien tombées depuis un
demi-siècle — étaient encore considérables, ne s'était-il pas senti humilié
pendant son séjour en Italie, en voyant la splendeur, le goût, la distribution
large et commode des Palazzi — des hôtels, comme nous disons aujourd'hui — des
patriciens de Gênes qui, après tout, n'étaient ni plus [429] ni moins que des seigneurs enrichis par le commerce comme les riches
anversois.
En revenant au pays, en comparant ce qu'il avait vu au delà des monts avec ce
qu'il voyait, dans sa ville: des maisons, en général, étroites et mesquines,
sans apparence extérieure, mal distribuées, accusant rarement un caractère
artistique, il a dû se dire qu'il y avait quelque chose à faire. Et c'est alors
que, rêvant de voir à Anvers s'ouvrir une Strada Nuova semblable à celle de
Gênes, il a publié les plans des demeures si élégantes et si nobles des
marchands de cette ville qui portait déjà le titre de superbe.
Pour qu'on ne l'accusât point de proposer des utopies, il a soin de dire d'abord
ce que l'on doit entendre par le mot Palazzo, un mot qui n'a pas en Italie la
signification que nous donnons au mot palais. Misson, dans son Voyage d'Italie,
faisait judicieusement la même remarque: «On y donne, dit-il, le nom de Palazzi
à une infinité de maisons communes, auxquelles celui de palais n'appartient en
façon quelconque. Ainsi, pour les superbissimes palais de Vicence, je soutiens
qu'en général et en bon français, il les faut appeler de jolies maisons et rien
davantage.»
En effet, parmi les plans de palazzi de Gênes, il y en a plus d'un dont la
surface n'atteint point celle d'une bonne maison de bourgeois d'aujourd'hui.
Mais les façades ont un cachet artistique et dans la distribution intérieure il
y a toujours la sala, c'est-à-dire la pièce d'apparat, avec plafond ou voûte
peints à fresque et larges parois pour recevoir des peintures.
Rubens n'oubliait jamais les intérêts de l'art: c'était l'art qu'il voulait
introduire dans les demeures privées.
On ne peut pas dire qu'il y ait beaucoup réussi: les temps n'y étaient pas
favorables. La décadence commerciale d'Anvers se poursuivait rapidement pour
aboutir enfin au coup de mort du traité de Westphalie; et, de la faible épargne
publique de cette époque, la partie destinée à l'art s'employait dans les
églises et les monastères. On n'édifia guère de Palazzi génois à Anvers sous le
règne de Rubens. Les quelques riches demeures que l'on peut reporter à ce temps
présentent un autre caractère et n'ont point de visées monumentales. La plus
intéressante fut encore celle que, pour donner en quelque sorte l'exemple,
Rubens se fit construire lui-même. Quoiqu'elle ne pût être considérée tout à
fait comme un palais italien, elle en avait cependant le caractère: on y
retrouvait le portico, le cortile, le salotto, etc., et, pour les détails
d'architecture, sauf en ce qui concerne la façade, il y en avait beaucoup dont
on trouverait l'idée dans les plans des palazzi di Genova. Quoiqu'il en soit des
résultats obtenus par cet ouvrage, il est assez curieux de voir Rubens, qui n'a
jamais rien publié sur la peinture, un art où il était le roi, s'employer [430] à donner des leçons pratiques d'architecture et à
éditer ce livre qui doit lui avoir coûté de grandes peines et de fortes
dépenses. Mais son génie lui permettait d'embrasser l'art dans toutes ses
manifestations et nous savons même qu'en plus d'un point du domaine de la
science, il a su planter des jalons aussi.
[426]
COMMENTAIRE (1).((1) Ce commentaire est extrait du livre de Monsieur Charles
Ruelens: Pierre Paul Rubens. Documents et Lettres, Bruxelles 1877, pp. 104
et 107 à 113.) Molto ill. Sgr mio singmo.
Ho ricevuto la sua delli 21 Maggio et visitato il Sgr
Abbate di S. Ambrogio per fargli il bacciamano di V. S. ch'egli ha ricevuto con
molti segni d'amorevolezza, pregandomi di farle sue schuse di ciò ch'egli mancò
quest' ordinario di mandarle il memoriale della Galleria, havendomi promesso di
transcriverlo per il prossimo et di andar domani dal Sgr
Brosse per sollecitar le misure delli vani restanti, andammo insieme gia quattro
giorni a spasso fuor della citta dove si fece honoratissima mentione del sommo
valore di V. S., havendo egli fatto elogii superbissimi in honore di V. S. et in
buonissima compagnia. V. S. può pensare ch'egli mi trovò gran contradittore al
solito.
La ringratio dell' officio fatto con il Sr
Gevartio nostro et la supplico di
rinovare seco i miei saluti et di non straccarsi di spingerlo fin che si
partorisca quel pretioso parto del quale egli e gravido tanti anni. Sono sicuro
che se bene le recarà un poco di fastidio, nulladimeno doppo lasciata in luce,
egli non le ne sara men tenuto che le donne gravide alla persona che le ha
ajutate nel parto, ben che tal volta l'habbiano fatto non picciol dolore.
Del pagamento del porto del Tertulliano V. S. m'a fatto piacere di scrivermene la
verità, per farci piu savii per l'avenire et la posso assicurare che il
Ricciardo non se l'e pigliato punto a maie, anzi ha voluto saperne il tempo per
lamentarsi con il latore del pezzo accio di vietar simil inconveniente per
l'avenire.
Del porto de' marmi similmente ho havuto a caro di saperne la tassa a conventione
per valermene in altra occorrenza.
[431] Il signor presidente Giannino e stato tutta una
settimana fuori; egli tornò hier sera, et hoggi un de' suoi ch'iò haveva
preggato d'informarsi del negotio di S. Malo, m'ha detto haver inteso di S. S.
Illma ch'era restato indietro per non esser stato
sollecitato con la vivezza necessaria in negotii di tanto rilievo et che vanno
talvolta a rottura di pace reciproca, laquale non si vuol violare leggiermente
per interessi particolari, senza agente potentissimo. Io lo vedrò forzi domani
et le farò parte di quanto me potrò imparare.
Mi dispiace di non havere ancora potuto negotiare con il Sgr Parente; ma egli e tornato fuori et m'e uscito dalle mani, non so come;
starò lesto per visitarlo subito ch'egli ritornera aspettandosi domenica
prossima.
A tempo hebbe V. S. i tagli del vecchietto, il quale mori ultimamente, il
poveretto et intendo che sonno andate in malhora quasi tutte le sue robbe per
ciò che non haveva figlioli ne altra famiglia ch'una maestra.
Havera intesa V. S. la riduttione delle fortezze di Sta Fez
et di quella di Monte Flanquino. Con il Sgr della Forza
hora si può dir con sicurezza che sara forza che gli Hugonotti accettinò la pace
ch'egli vorra dare S. Mta. Et con tal fine, di cuore le
baccio le mani.
Di Pariggi, alli 2 giugno 1622.
Ho dato al Sgr Abbate la nota del titolo del libro ch'egli
desiderava, che a poco presso tale: De l'Estat et comportement des Armes, de
Jean Scoyer, chanoine, etc. A Brusselles, 1597, in-folio.
Se per sorte non le fosse difficile di trovare un libretto di Stephano Pighio
stampato in Anversa dal Plantino l'anno 1568, con titolo: Themis Dea sive de
lege divina, con un altro opusculo dell' istesso autore con titolo: Mythologia
in 4 anni partes, V. S. mi farebbe gran gratia di procurarmene un essemplare
perfetto, mandandomi il prezzo sborzato, acciò che io le ne faccia la
restitutione.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 665 v°.
[432] TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.
[432]
TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.Monsieur.
J'ai reçu votre lettre du 21 mai et fait visite à M. l'Abbé de St Ambroise pour lui offrir vos baisemains qu'il a acceptés avec des
marques d'une grande affection, et en me priant de vous présenter ses excuses
d'avoir manqué de vous envoyer par ce courrier le mémoire de la galerie. Il m'a
promis de le transcrire pour le prochain courrier et de se rendre demain auprès
de M. Brosse afin d'obtenir de lui les mesures des panneaux restants. Il y a
quatre jours, nous sommes allés ensemble nous promener hors de la ville et l'on
a grandement parlé de votre mérite supérieur; l'abbé a fait de vous les plus
brillants éloges au milieu de la meilleure compagnie. Vous pouvez juger s'il a,
comme de coutume, trouvé en moi un ardent contradicteur !
Je vous remercie de vos bons offices auprès de notre cher M. Gevartius et je vous
supplie de lui présenter de nouveau mes hommages et de ne pas vous lasser de le
presser jusqu'à ce qu'il se délivre enfin de ce précieux fardeau qu'il porte
depuis tant d'années. Cela vous causera, sans doute, un peu d'ennui, je suis sûr
néanmoins qu'après avoir mis l'enfant au jour, il ne vous en aura pas moins
autant d'obligation que n'en ont les femmes envers la personne qui les a aidées
dans l'accouchement, bien que cette personne leur ait quelquefois occasionné un
peu de douleur.
Vous avez bien fait de m'écrire la vérité au sujet des frais de port du
Tertullien: cela nous rendra plus prudents à l'avenir. Je puis vous assurer que
Richard ne s'y est pas pris dans un mauvais moment, mais il a voulu en savoir
l'époque pour se plaindre au porteur de l'objet, afin d'éviter à l'avenir de
semblables mécomptes. J'ai appris de même avec plaisir, pour m'en prévaloir dans
une autre occasion, le prix qui a été convenu avec vous pour le transport de vos
marbres.
M. le président Jeannin a été absent de la ville pendant toute une semaine, il
est revenu hier soir. Aujourd'hui, un des siens que j'avais prié de s'informer
de l'affaire de St Malo, m'a dit avoir entendu de lui
qu'elle est restée en retard pour n'avoir pas été sollicitée avec l'activité
indispensable dans des affaires qui ont autant d'importance et qui finissent
quelquefois par rompre la paix des deux côtés. Or, on ne peut pas rompre
celle-ci avec légèreté et pour des intérêts particuliers sans un motif très
puissant. Je le verrai probablement demain et je vous ferai savoir tout ce que
j'ai appris de lui.
[433] Je suis au regret de n'avoir pu encore entrer en
négociations avec M. Parent: mais il est parti d'ici et m'a glissé de la main,
je ne sais comment. Aussitôt qu'il sera de retour, on l'attend pour dimanche
prochain, j'irai promptement lui faire ma visite.
Vous avez reçu à temps les intailles du petit vieux. Le pauvre homme est mort
dernièrement et j'apprends que presque tout ce qu'il avait est allé en malheur,
parce qu'il n'avait point de fils et que pour toute famille il avait une
maîtresse.
Vous aurez appris la réduction des forteresses de Sainte Foy et de Montflanquin.
On peut dire aujourd'hui avec toute assurance qu'avec M. de la Force, les
Huguenots seront bientôt obligés d'accepter la paix que voudra bien leur
accorder Sa Majesté. Et je finis en vous baisant les mains de tout mon coeur.
Paris, le 2 juin 1622.
J'ai donné à M. l'Abbé le titre du livre qu'il désire, il est à peu près ainsi:
De l'Estat et comportement des armes de Jean Scoyer, chanoine, etc. A Bruxelles,
1597, in-f°.
Si par hasard vous trouviez sans difficulté un petit livre d'Étienne Pighius,
imprimé à Anvers, chez Plantin, en 1568, sous ce titre: Themis Dea, sive de lege
divina et un autre opuscule du même: Mythologia in 4 anni partes, vous me feriez
une grande faveur de m'en procurer un exemplaire en parfaite condition et de me
dire ce que vous auriez déboursé pour le prix, afin que je vous le
restitue.
COMMENTAIRE.
Le petit vieux. C'est le marchand dont il est question plus haut dans la lettre
du 11 mars 1622.
Montflanquin. La ville de Montflanquin et ses habitants étaient compris dans les
conditions accordées à ceux de Sainte Foy, le 24 mai 1622.
Le livre: De l'estat ou comportement des armes de Jean Scoyer. C'est l'ouvrage de
Jean Scohier dont il est question dans la lettre du 19 mai 1622.
Étienne Pighius. Le petit livre que Peiresc demandait à Rubens porte le titre de
Themis Dea, seu de lege divina, Stephani Pighii Campensis. Item Mythologia
ejusdem in Quatuor anni partes, ab auctore recognita. Il fut publié par Plantin,
en 1568; les deux opuscules ne forment pas, comme Peiresc semble le croire, deux
volumes séparés, mais se trouvent réunis dans un même volume in-8°, de 220
pages.
Molto ill. Sigr mio singmo.
Ricevei hieri il piego di V. S. delli 2 del corrente, questa mattina ho mandato
la lettera del Sr Archiprete a casa del Gamorino, come V.
S. haveva ordinato, dove si e inteso ch'era partito per Anversa. Ma perciò ch'in
detta casa egli haveva lasciato ordine che si ricevessero sue lettere et gli si
mandassero in Anversa, i domestici del Gamorino hanno desiderato di haverla per
potergli la mandar et io ho giudicato che non lo disproverebbe accio serva di
fede della sua diligenza ch'altramente io haverei rimandato a V. S. et cosi non
haverebbe havuto illico complimento verso di lui.
Io non ho potuto vedere hoggi il Sr Abbate et veramente
senza una lettera di V. S. in risposta della sua ultima, temo di ne essere il
ben venuto. Delle misure non m'e stato possibile di cavarle dal Sigr Brosse, il quale si scusa sopra le difficoltà del
lambriccio ch'egli desidera vedere collocato in que' vani per imaginare gli
ornamenti necessarii et piu convenevoli alli contorni delle porte. Ma io non gli
darò pace che non si finisca il negocio.
Ho caro che V. S. finalmente habbia havuto notitia del libro dello Scoyer et le
consiglio di fare ogni sforza per capparne uno o con danari, o per via d'amici.
In ogni modo, V. S. m'ha fatto gran piacere del ragguoglio datomi del
Arcivescovo di Spalatro, et mi fara grazie di continuare; quando n'intendera
alcun particolare di qualche rilievo, massime intorno la sua retrattatione, et
l'opere ch'egli e obligato a dar fuori in quel proposito et il viaggio ch'egli
dice di fare.
Del negocio di S. Malo non ho potuto intendere altro ne mai haver di creduto che
tal negocio si fosse trattato senza maggior rumore, molti però m'hanno promesso
d'informarsene da diverse bande, et credo che in un medesimo tempo veniranno
molte instruttioni.
Io ho fatto un poco di purga questa settimana et m'hanno cavato del sangue molto
cattivo, ond' io son restato non poco indebolito, ne era uscito sino ad hoggi,
di modo che non ho potuto vedere il Sr Po Parente. Le rendo mille gratie della diligenza usata appresso il [435] compitissimo Sr
Gevartio suo et delle buone parole
ch'ella si ha estorte di nuovo, pregandola di continuar l'instanze quanto potra
lecite et insieme gli affettuosissimi bacciamani di parte mia si come anco verso
il Sgr Roccox, et di non scordarsi del dissegno del
Demosthene, come ella s'e scordata di rimandarmi la mia cartuccia d'impronti
restati per inadvertenza fra le sue robbe, le quali stimo non dovere essere
tanto difficili a trovare per cio ch'erano soprascritti di mia propria mano et,
se non m'inganno, involti tutti insieme in una cartuccia.
Quanto alle otto Regine, l'una delle prime che vi si era collocata, era stata
l'Artemisia, conforme alla mente di V. S., ma alcuni speculativi havendo detto
che sarebbe occasione di maledicenza, poi che la piu lodevole attione di quella
principezza consisteva nella sepoltura del marito, et che la nostra non ci
haveva mai voluto pensare, fei forza di levarla del numero per far tacere
l'invidia et que' libelli tanto disordinati che non cercano tal volta che un
titolo tale che si potrebbe fare con tal occorrenza. Della Semiramide se n'era
fatto gran capitale ancora come della Didone, ma per qualche mancamento di
moderatione in materia di pudicitia essemplare non volsero anch' esse, io non ci
haverei voluto guardare tanti minutamenti. Per la Mammaea io trovo che V. S. ha
grandissima raggione di non volercela admettere et vengo al suo parere affatto
per vietare quel sinistro augurio et per non mettere ancora una donna che non fu
moglie d'imperatore anzi solamente madre con tutto ch'avesse la qualita di
Augusta. Restami a ringratiarla della concessione del dissegno dell' Olympia che
staremo aspettando in buona divotione et dell' aviso del Syrmate; ma temo che
non ci sia facile di farne comprendere la portatura o la differenza che si deve
essere con l'habito stolato se non sene vede qualche schizzo. Io lodo ben
l'appositione del capo di Giove Ammone, il quale vi metteremo in ogni modo.
Non so se m'inganno, ma mi pare di haver visto altre volte qualche figura antiqua
d'un serpe con testa di Giove Ammone cornuto ma radiato et col cesto di Serapide
in cima. Vorrei ben che V. S. mi dicesse se non si ricorde di haver visto ella
un tale, in cui caso li potrebbe mettere il serpe appresso Olympia, con tal
testa, accio non somigliasse l'Hygeia o una Cleopatre.
Di nuovo scrivono della Corte sotto alli 3 stante in Agenno ch'il [436] Re se n'andava a Tholosa et di la in Linguadocca con pensiero
nondimeno di ridurre due luoghetti vicini di Montalbano, cioe St Antonio et Negropellizza per non lasciare Montalbano in essere di
potere cavar alcun sforzo d'intorno, facendovi fabricare diversi forti, come a
Giuliers mentre S. Mta se n'andara sotto a Monpelieri,
Nimes et Uzez, sperandosi che non potranno fare gran resistenza. La Regina Madre
se ne viene dalli Bagni di Pougues et di là a Lyone, dove andara aspettare il
Re.
Et con tal fine, etc.
Di Pariggi alli 9 giugno 1622.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 666.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
J'ai reçu hier votre paquet de lettres du 2 courant; ce matin, j'ai envoyé chez
Gamorin, comme vous me l'aviez ordonné, la lettre pour M. l'Archiprêtre et là on
a appris que celui-ci était parti pour Anvers. Mais comme il a laissé dans cette
maison l'ordre que l'on reçût ses lettres et qu'on les envoyât à Anvers, les
gens de Gamorin ont voulu garder celle que je lui faisais porter pour pouvoir la
lui envoyer et j'ai jugé que vous ne le désapprouveriez point. Elle doit servir
de témoignage de votre promptitude, sinon je vous l'aurais retournée, mais ainsi
vous n'auriez pas reçu ses compliments immédiats.
Je n'ai pu voir aujourd'hui M. l'Abbé, et d'ailleurs, si je n'ai pas à lui porter
une lettre de vous en réponse à sa dernière, je crains de n'être pas le
bienvenu. Il m'a été impossible d'obtenir les mesures de M. Brosse, celui-ci se
rejette sur les difficultés du lambris qu'il voudrait placer dans les panneaux,
il cherche à lui trouver l'ornementation indispensable qui s'adapte le mieux
autour des portes. Mais je ne le laisserai en repos qu'il n'ait terminé cette
affaire.
J'apprends avec satisfaction que vous avez eu connaissance du livre de Scohier et
je vous conseille de faire toute diligence pour vous en procurer un exemplaire
soit à prix d'argent, soit par la voie de quelqu'ami. De toute façon, vous
m'avez fait grand plaisir par les nouvelles que vous me donnez de l'archevêque
de Spalatro; continuez-moi cette faveur, je vous prie, quand vous apprendrez
quelque particularité saillante, surtout en ce qui concerne [437] sa rétractation, les écrits qu'il est obligé de publier à ce sujet
et le voyage qu'il se propose d'entreprendre.
Je n'ai rien appris d'autre de l'affaire de St Malo et
jamais je n'aurais cru qu'une affaire pareille pût se traiter avec si peu de
bruit. Cependant plusieurs personnes m'ont promis de s'en informer de divers
côtés et je crois que nous recevrons en un même temps de nombreux
renseignements.
J'ai dû cette semaine purger un peu et l'on m'a tiré du sang de très mauvaise
qualité; j'en suis resté assez affaibli et jusqu'aujourd'hui je ne suis pas
sorti. De sorte que je n'ai pu voir M. Paul Parent.
Je vous rends mille grâces de la promptitude dont vous avez usé envers
l'excellent M. Gevaerts et des bonnes paroles que vous en avez tirées de
nouveau; je vous prie de continuer vos instances dès que vous le pourrez, et de
présenter mes plus affectueux baisemains à lui et à M. Rockox. Je vous prie
aussi de ne pas oublier le dessin du Démosthène comme vous avez oublié de me
renvoyer mon petit rouleau d'empreintes qui sont restées par inadvertance parmi
vos effets. Je pense qu'il ne vous sera pas difficile de les retrouver: elles
ont des suscriptions de ma propre main, et si je ne me trompe, elles sont
renfermées toutes ensemble dans une cartouche.
Quant aux statues des huit reines, l'une des premières qui ont été proposées
d'après votre idée, est Artémise. Certains critiques ont dit que cette statue
prêterait à la médisance, attendu que l'action la plus louable de cette femme
célèbre consista à faire élever un tombeau à son mari, chose à laquelle notre
reine n'a jamais voulu penser. J'ai donc usé d'autorité pour la retirer de la
liste, afin de fermer la bouche à l'envie et d'empêcher quelques pamphlétaires
insolents qui ne demanderaient pas mieux que d'y trouver le prétexte d'un titre.
On n'a pas non plus fait grand cas de Sémiramis et de Didon, à cause de leur
défaut de retenue en matière de chasteté; on voudrait les proscrire aussi, mais
je n'ai pas voulu regarder à toutes ces minuties.
Pour Mammaea, je trouve que vous avez grandement raison de ne pas vouloir
l'admettre et je me range tout à fait à votre avis pour éviter cette augure
sinistre et ne pas choisir encore une fois une femme qui ne fut pas une épouse
mais seulement une mère d'empereur, quoiqu'elle portât le titre d'Auguste.
Il me reste à vous remercier de la concession d'un dessin d'Olympie, je l'attends
avec un grand intérêt; je vous remercie encore de la note relative au Syrma;
cependant je crains qu'il ne soit difficile d'en faire comprendre la coupe et la
différence qui doit exister entre la Stola et le Syrma, à moins [438] de le montrer par un dessin. J'approuve beaucoup l'apposition de la
tête de Jupiter Ammon que nous y mettrons de toute manière.
Je ne sais si je me trompe, mais je crois avoir vu autrefois une figure antique
représentant un serpent avec une tête de Jupiter Ammon cornue, mais rayonnée,
surmontée de la corbeille de Sérapis. Je voudrais savoir si vous vous souvenez
de l'avoir vue aussi; dans ce cas, vous pourriez poser le serpent avec cette
tête auprès d'Olympie, afin que celle-ci ne soit pas prise pour une Hygie ou une
Cléopâtre.
En fait de nouvelles, on écrit de la cour, à la date du 3, d'Agen, que le roi se
rendait à Toulouse et de là en Languedoc, dans l'intention de réduire St Antoine et Nègrepelisse, deux petites villes voisines de
Montauban, afin de ne pas laisser cette place en mesure de recevoir des secours
des environs. Il y fera construire quelques forts, comme à Juliers, et pendant
ce temps S. M. ira vers Montpellier, Nîmes et Uzès, avec l'espoir qu'elles ne
feront pas grande résistance. La reine-mère se rend aux bains de Pougues et de
là à Lyon où elle attendra le roi.
Sur ce je finis, etc.
De Paris, le 9 juin 1622.
COMMENTAIRE.
Gamorin. Gaborin, ingénieur, italien de naissance, qui fut tué par un coup de feu
au siège de Montpellier. Voir la lettre du 27 octobre 1622.
L'archevêque de Spolatro. Marc Antonio de Dominis. Voir la lettre du 31 mars
1622.
M. Gevaerts. Les bonnes paroles que Rubens a tirées de Gevartius se rapportent à
la promesse de faire la pièce de vers en l'honneur de Jeanne d'Arc, que Peiresc
attendait de lui pendant bien longtemps déjà.
Le dessin du Démosthène. Le dessin que Rubens devait fournir à Peiresc du buste
en marbre que Rockox possédait.
Syrma. Longue robe qui traîne à terre, portée principalement sur la scène
tragique.
Les bains de Pougues. Les bains de Pougues ou mieux de Pougues-les-Eaux, sont
situés à 12 kilomètres au nord-ouest de Nevers.
Molto IIl. Sigr mio singo.
He hor mai tanto tardi ch'io non aspetto piu di lettere sue, questa volta, poi
che non sono ancora comparse, et se non voglio mancare di dirle che finalmente
ho inteso molte particolari del negotio di S. Malo per mezzo di quella medesima
persona che ha fatto i viaggi in Hollanda et in corte per trattarne la
compositione, la quale ha nome La Parisière et giunse, pochi giorni sonno, in
questa citta di ritorno dalla corte. Egli dice adunque che la nave di S. Malo
presa nell' Indie dalli Hollandesi, era carica di mercantie di valuta di cinque
cento mila scudi a cento mila franchi di piu che stava scarigando certe balle di
tela per caricare ancora certi garofali, quando se n'impatronirono gli Holandesi
che sendosi fatta instanza à S. M. Christiana per haver lettere di represaglie,
volse il Re che s'andasse a trattar in Hollanda, dove non sendosi operato
niente, alla seconda instanza, fu risposto che si dovesse far la querela nel
parlamento di Bretagna, dove non s'ottenne ancora cosa alcuna, dicendo la Corte
che non si poteva concedere la represaglia senza lettere del Re; alla terza
instanza dunque si diede ordine al Sr de Boissise,
ambasciator straordinario di S. M. verso gli Hollandesi di trattarne et menar
seco pretendenti, come fu fatto ma senza effetto, percio che se ne ritornò
inopinatamente detto Sr de Boissise quando si mise
priggione il Barnevelt. Alla quarta instanza, quando si sperava d'ottenere le
lettere di represaglia, gionsero gli Ambasciatori straordinarij di Hollanda, i
quali promisero che si terminarebbe il negotio amicabilmente al ritorno loro in
Hollanda. Et gia il lor Ambasciator ordinario haveva fatto far offerta di
cinquanta mila franchi d'indemnita, a che non s'era dato l'orrecchia, come somma
troppo sproportionata alla perdita, non arrivando alla tricesima portione del
danno. In Hollanda si fecero diversi trattati in presenza del Sr di Morier, ambasciator ordinario, et si fecero offerte sino a
ducento mila franchi, li quali non s'accettarono, per non ser se non di una
ottava parte del danno, et sene ritornono senza conclusione. Hora facendo la
quinta instanza, furono diputati li SSri Chamellière,
Gravino et [440] Champigni per vedere qual spedimento si
possa pigliare in questo negotio, et perciò ch'il Re parti quasi subito per
andare alla guerra, quelli di S. Malo armarono certi vascelli et andarono al
servitio di S. Mta su i lidi della Bretagna et dell'
Aquitania, et havendo fatto qualche utile fattione, rinovarono l'instanza a S.
Mta mentre stava assediando Royano et finalmente
ottennero parola da S. Mta che gli si sarebbono concedute
le lettere di represaglia; ma prima si vuol haver aviso dalli detti Sgri deputati et per questo effetto e venuto qui detto La
Parisière havendo ottenuto ancora certe rescrittioni per farzi sborzare de'
danari regij le spese del lor armamento et gia n'ha tocato 200 mille franchi.
Tutto ciò si e inteso dal detto La Parisière; ma m'e stata data speranza di
saperne ancora qualche cosa di piu et forzi piu certa del Sr de Sève che n'ha havuto carico anch' egli et ch'e persona di
consideratione. Io farò ogni diligenza per saperne il vero stato. Et senz' altro
affettuosamente le baccio le mani.
Di Pariggi, alli 16 giugno 1622.
Poscritta. Ho ricevuta la sua lettera delli 9, con il dissegno dell' Olympia, di
che le ringratio sommamente, si come dell' instanza ch'ella va continuando verso
il Sgr
Gevartio, et del suo parere
intorno alla Themide di Pighio, della quale io non saprei giudicare senza vedere
l'opera. Ho caro ch'ella habbia trovato lo Scohier, et s'ella fa trattare del
porto con il corriere, che si contentara di 4° soldi, poco piu poco meno, et
facendolo sottoscrivere alla conventione. Io non credo che Ricciardo permette
che se ne paghi piu. V. S. me lo potra indebitar a me che lo pagherò volentieri
per portarlo franco al Sr Abbate, o vero si può mandare
con i carrettoni, che non stanno piu di 15 giorni per le strade, o pur sotto
coperta dell' Ambasciator dell' Archiduchezza, li quali non pagano porto.
Del resto, io ho mandato subito al Sgr Abbate la lettera di
V. S., il quale m'ha mandato che mi veniva a visitare adesso; ma perche l'hora e
tarda, per non lasciar partir l'ordinario, mando la presente a casa di
Ricciardo.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f° 666 v°.
[441] TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.
[441]
TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.Monsieur.
Il est trop tard aujourd'hui pour attendre encore une lettre de vous par ce
courrier, car les lettres ne sont pas encore arrivées et je ne veux pas manquer
de vous dire que j'ai, enfin, appris beaucoup de détails de l'affaire de St Malo, de la bouche même de la personne qui a fait le
voyage de Hollande et de la cour pour en négocier l'arrangement, c'est un sieur
de la Parisière, et il est arrivé ici, il y a quelques jours, en revenant de la
cour. Il nous dit que le navire de St Malo, capturé aux
Indes par les Hollandais, était chargé de marchandises d'une valeur de cinq cent
mille écus et même de cent mille francs de plus. Il était occupé à décharger
quelques balles de toiles pour embarquer encore quelques parties de girofle
quand les Hollandais s'en emparèrent. On a fait ensuite une instance auprès de
S. M. très chrétienne pour obtenir des lettres de représailles, mais le roi
voulut d'abord négocier à ce sujet en Hollande. On n'y obtint aucune
satisfaction. A une seconde instance, il fut répondu que la plainte devait être
adressée au Parlement de Bretagne, où l'on n'obtint pas davantage, sous le
prétexte que les lettres de représailles ne pouvaient être données que par le
roi. A une troisième instance donc, on donna l'ordre à M. de Boissise,
ambassadeur extraordinaire de Sa Majesté auprès des Hollandais, de négocier de
nouveau et de se faire accompagner des plaignants, ce qui fut exécuté, mais sans
succès, à cause du retour inattendu de M. de Boissise après que l'on eût mis M.
de Barnevelt en prison. A la quatrième instance, au moment où l'on avait
l'espoir d'obtenir les lettres de représailles, l'on vit arriver des
ambassadeurs extraordinaires de Hollande, qui promirent de terminer l'affaire à
l'amiable dès leur retour au pays. Et, en effet, l'ambassadeur ordinaire offrit
de payer une indemnité de cinquante mille francs, ce qui ne fut pas accepté, la
somme offerte étant hors de toute proportion avec le dommage, car elle n'en
était pas la trentième partie. On fit ensuite en Hollande diverses propositions
en présence de M. Du Maurier, ambassadeur ordinaire, on porta les offres jusques
à deux cent mille francs, qui ne furent pas acceptés davantage, puisqu'ils ne
formaient que le huitième des pertes et on se sépara sans rien conclure.
Aujourd'hui, à une cinquième instance, on nomma MM. Chamellière, Grevin et
Champigni, à l'effet d'examiner par quel expédient on pourrait terminer
l'affaire. Mais le roi étant parti presque subitement pour aller à la guerre, [442] ceux de St Malo armèrent
quelques bâtiments et se mirent au service de Sa Majesté sur les côtes de la
Bretagne et de l'Aquitaine; après y avoir rendu quelques services, ils
renouvelèrent leurs instances auprès du roi pendant qu'il assiégeait Royan et
obtinrent enfin la parole de Sa Majesté qu'on leur accorderait des lettres de
représailles. Mais auparavant on voulait avoir l'avis de Messieurs les
commissaires et, à cet effet, M. de la Parisière est venu ici, après avoir
obtenu encore des rescrits pour faire payer des deniers du roi les frais
d'armement des vaisseaux et déjà il a touché, à cet effet, 200, 000 francs. Nous
avons appris tout cela de la Parisière lui-même, et on m'a donné l'espoir d'en
apprendre encore davantage et peut-être de plus sûr de M. de Sève, qui a aussi
été chargé de cette affaire et qui est un personnage de considération. Je ferai
toute la diligence possible pour connaître le véritable état de la chose. Et sur
ce, je vous baise les mains affectueusement.
De Paris, le 16 juin 1622.
Post-scriptum. J'ai reçu votre lettre du 9, avec le dessin d'Olympie. Je vous en
suis très reconnaissant, comme aussi de la continuation de vos instances auprès
de M. Gevartius et de l'avis que vous me donnez sur la Thémis de Pighius; mais
je ne puis en juger sans avoir vu l'ouvrage. Je suis heureux de ce que vous ayez
trouvé le livre de Scohier; si vous convenez du port avec le messager, celui-ci
se contentera de 4 sous, plus ou moins, si vous lui faites accepter cette
convention. Je ne crois pas que Richard permette que l'on paie davantage; vous
pouvez donc le porter à mon compte et je paierai volontiers ces frais pour
remettre le livre franco à M. l'Abbé. Vous pouvez aussi me l'envoyer par les
rouliers qui ne mettent pas plus de quinze jours à faire le voyage, vous pouvez
encore me le faire parvenir sous le couvert de l'ambassadeur de l'archiduchesse;
les ambassadeurs ne payant point des frais de port.
Pour le reste, j'ai envoyé immédiatement votre lettre à M. l'Abbé qui m'a fait
savoir qu'il viendra chez moi tout-à-l'heure; mais comme il est tard déjà et que
je ne veux pas laisser partir le courrier, j'envoie cette lettre chez
Richard.
COMMENTAIRE.
L'affaire de St Malo. En 1619, des négociants de Dieppe et
de St Malo se plaignirent que deux de leurs vaisseaux
avaient été capturés par des navires hollandais et que les équipages avaient
péri. Le roi de France envoya deux députés à La Haye pour exiger une indemnité
de 800, 000 couronnes [443] et demander justice pour le
meurtre de deux cents de ses sujets. Les négociants de Saint Malo demandèrent
des lettres de représailles ce qui leur fut accordé. Sur ce, les Hollandais
menacèrent de saisir les biens des Français qui se trouvaient en Hollande. Le
roi fit adresser une note par son ambassadeur Du Maurier. Les États de Hollande
répondirent que l'affaire serait mise entre les mains de la justice, mais elle
traîna en longueur comme Peiresc le raconte ici.
Rubens ne s'intéressait pas à l'affaire par des considérations personnelles;
Rockox y était intéressé, nous ne savons à quel titre, et, comme on peut le
conclure d'un mot de Peiresc dans la lettre du 5 janvier 1623, c'était pour lui
que Rubens demandait avec tant d'instance des renseignements.
De Barnevelt. Le fameux homme d'état hollandais Johan van Olden-Barnevelt, né à
Amersfoort le 14 septembre 1547, pensionnaire de la ville de Rotterdam en 1576,
homme de confiance du Taciturne, contribua considérablement à la nomination du
prince Maurice de Nassau comme «Stadhouder» et l'aida puissamment à maintenir
l'indépendance des Pays-Bas. Il fut nommé avocat de la Hollande et prit une part
importante aux négociations diplomatiques et à la conclusion de la trève de
1609. A l'occasion de ce dernier traité, il se brouilla avec le prince Maurice
et se mit à la tète du parti républicain tolérant et arminien. Le prince Maurice
le fit arrêter et jeter en prison, il fut condamné à mort et décapité le 13 mai
1619.
Champigny. Jean Bochart, seigneur de Champigny, fut premier maître des requêtes
sous les rois Henri III et Henri IV, puis président aux enquêtes, conseiller
d'état, ambassadeur à Venise, intendant de la Justice en Poitou, contrôleur
général, surintendant des finances. Il fut nommé premier président au parlement
de Paris, le 4 novembre 1628 et mourut le 27 avril 1630.
De Sève, conseiller au parlement de Paris. Il est probable que Chamellière et
Grevin, nommés plus haut dans la même lettre, occupaient les mêmes
fonctions.
Molto Illuse Signr mio Ossermo.
Ho tardato tanto di rispondere à V S. per certi impedimenti de viaggi et altro.
Adesso intendo dalla sua amorevolissima delli 12 di maggio quali siano delle mie
stampe che li mancano; che mi dispiacce esser poche non havendo noi qualqanni in
ça fatto cosa alcuna per il disviamento del mio intagliatore pur quelle poche
che sono le mandaro molto voluntieri, lequali sono un S. Francisco che riceve li
stigmati che fu intagliato alquanto rozzamente per esser la prima prova, il
ritorno della Madonna col figluolo Jesù d'Egitto, una Madonna picciola che
baccia il Bambino che mi par buona, et ancora una Susanna che stimo tra le
megliori, et una imagine grande della Caduta di Lucifero che non è riuscita
male, et ancora la uscita di Loth colla moglie e figliuoli di Sodoma, che fu
intagliata da principio ch'egli venne a star meco. Ho ancora una battaglia
d'Amazoni di sei pezzi allaquale manchano pochi giorni di lavoro che non posso
cavar delle mani di costui, benchè sono tre anni che l'opera è pagata. Vorrei
poterla mandare a V. S. insieme colle altre ma c'è poca apparenza di poterlo
fare cosi presto. Ho publicato ancora un libro d'Architettura de più belli
Palazzi di Genuoa 366 de qualq. 70 foglie insieme colle piante, ma non so se V S. sene
diletta, mi sarebbe caro d'intendere la sua mente circa questo, et che la desse
ordine a qualque barcarolo ò messagiere suo amico al quale io potessi consigniar
queste cose, altrimenti costaranno troppo di porto. Ho caro chella habbia
trovato quel secreto di dissegnare sopra il rame in fondo biancho si como façeva
il Sigr Adamo Elzehamer (1)((1) En
marge: Si come io m'imagino, ma forse ha V S. una maniera migliore di
questo.) per incavarlo poi col acqua forte, lui metteva come una pasta
biancha sopra il rame, et poi scalpendo col ago sino sopra il rame, essendo
quello un poco rossicçio di natura pareva chegli dessignasse col lapis rosso in
carta biancha. Io non mi ricordo delli ingrediente di quella pasta, benche me li
disse amorevolmente. Intendo chel Sigr
Ottavio Veen suo Fratello ha messo in
stampa un operetta [445] Anonima della Teoria universale o
simil cosa, il quale io desidererei summamente di vedere et se V S. fosse
servita di communicarmelà dovendo lei senza dubbio haver un essemplare io
lhaverei sumte caro et l'accettarei sotto parolla di huomo
da bene di tenere questo suo favore secretissimo senza parlarne con huomo
vivente se cosi è necessario.
Et per fine baccio a V. S. con tutto il cuore le mani et le prego del cielo ogni
felicita e contentezza.
D'Anversa alli 19 di Giugno 1622.
Pietro Pauolo Rubens.
Di V. S. molto Illueservitore affeco
Pietro Pauolo Rubens.
Adresse: Eerentfeste wyse voorsinnighe Heere mijnHeere Pieter van Veen,
pensionaris ints Graven Haghe.
La lettre provient de la Collection d'Édouard Terbruggen et a été acquise par
l'Administration communale d'Anvers, au prix de 310 florins, dans la vente des
livres du propriétaire, faite à Amsterdam en avril 1877. Elle est conservée
actuellement aux archives de la ville d'Anvers. Elle a été publiée avec
traduction et commentaire par Charles Ruelens. Pierre Paul Rubens. Documents et
Lettres. 1877, p. 83 et p. 143, et par Rosenberg. Rubensbriefe, p. 62.
TRADUCTION.RUBENS A PIERRE VAN VEEN.
Très illustre Monsieur.
J'ai tardé longtemps à vous répondre à cause de certains empêchements de voyage
et d'autres. Je vois maintenant par votre très aimable lettre du 12 mai, quelles
sont celles de mes gravures qui vous manquent. Je suis au regret de vous dire
que mes estampes sont en petit nombre: depuis quelques années, nous n'avons
presque rien fait par suite de l'état d'égarement de mon graveur. Néanmoins je
vous enverrai très volontiers le petit nombre qui sont terminées.
Ce sont: un St François recevant les Stigmates, cette
planche a été gravée un peu grossièrement, c'était un premier essai; le Retour
d'Égypte de la Vierge et de l'enfant Jésus; une Petite Madone embrassant
l'enfant Jésus, cette planche me semble bonne; une Susanne, que je compte parmi
les meilleures; une grande estampe de la Chute de Lucifer, qui n'a pas mal
réussi; Loth, sa femme [446] et ses filles quittant la ville
de Sodome, planche exécutée à l'époque où le graveur vint travailler chez moi.
J'ai encore une Bataille des Amazones en six feuilles, il leur manque encore
quelques jours de travail, mais je ne puis les arracher des mains de cet homme,
bien que la gravure soit payée depuis trois ans. Je voudrais pouvoir vous
l'envoyer avec les autres, mais il y a peu d'apparence que je puisse le faire de
sitôt.
J'ai encore publié un livre d'architecture des plus beaux palais de Gênes, en 70
feuilles environ, avec les plans, mais je ne sais si cela vous fera plaisir. Je
serais charmé d'entendre votre avis là-dessus. Veuillez aussi donner l'ordre à
quelque batelier ou messager de vos amis afin que je puisse lui remettre tous
ces objets; autrement, le port en coûterait trop. J'ai appris que vous aviez
trouvé le secret de dessiner en cuivre sur un fond blanc, comme le faisait Adam
Elzheimer (1).((1) En marge: Comme je m'imagine, mais vous
avez peut-être un procédé meilleur que celui-là.) Pour creuser la
planche à l'eau-forte, il couvrait le cuivre d'une pâte blanche; puis, gravant
avec la pointe jusqu'au métal qui est un peu rougeâtre de sa nature, il lui
semblait qu'il dessinait à la pierre rouge sur du papier blanc. Je ne me
rappelle pas quels sont les ingrédients de cette pâte blanche, bien qu'il me
l'ait communiqué amicalement.
J'apprends que M. Octave van Veen, votre frère, a fait imprimer un petit ouvrage
anonyme sur la théorie universelle ou quelque chose de semblable: je désirerais
extrêmement le voir. S'il vous est possible de me le communiquer, car vous devez
certainement en avoir un exemplaire, cela me serait très agréable et je
l'emprunterais en donnant ma parole d'homme de bien de tenir cette faveur tout à
fait secrète, sans en parler à homme qui vive, s'il est nécessaire d'agir ainsi.
En finissant, je vous baise les mains de tout mon coeur et prie le Ciel
de vous accorder toute félicité et toute satisfaction.Votre affectionné
serviteur,
Pierre-Paul Rubens.
D'Anvers, le 19 juin 1622.
Adresse: Au très honorable savant et prudent Seigneur Monsieur Pierre Van Veen,
pensionnaire à La Haye.
COMMENTAIRE.
Cette lettre fait suite à celles du 4 et du 23 janvier 1619, du 11 mars 1620 et
du 30 avril 1622, adressées par Rubens à Pierre van Veen au sujet du privilège
de ses estampes pour la Hollande. Nous avons fait connaître ses [447] démarches antérieures et le succès dont elles furent couronnées.
Les empêchements de voyage, auxquels il fait allusion dans la première phrase,
sont le séjour qu'il fit en janvier et février 1622 à Paris, pour traiter avec
Marie de Médicis de la décoration du palais du Luxembourg. Très précieux sont
les renseignements que Rubens fournit ici sur les travaux que Vorsterman exécuta
pour lui. Nous en avons parlé assez longuement dans notre commentaire sur la
lettre du 23 janvier 1619, pour ne plus devoir y revenir.
Charles Ruelens a publié cette lettre dans son livre Pierre-Paul Rubens.
Documents et Lettres, pp. 83-84 et 143-144. Il en a donné la traduction que nous
lui avons empruntée et un long commentaire dont nous extrayons quelques
passages.
Pierre van Veen, dit-il, était frère d'Othon van Veen ou Otho Vaenius, le maître
de Rubens: il naquit à Leide, en 1546, et y mourut en 1630. Nous possédons peu
de renseignements sur sa vie. Le peu que nous en savons a été receuilli dans ces
dernières années par MM. P. Visschers, Kramm, la biographie de Vander Aa, le
Navorscher, etc. Il était avocat de La Haye (Syndicus Hagensis); on conteste
qu'il ait porté le titre de pensionnaire, que cependant Rubens lui donne. Il
peignait et, à ce qu'il paraît, ne manquait pas de talent. On voit de lui, à
l'hôtel-de-ville de Leide, un tableau représentant la Levée du siège de cette
ville. Ce fut lui qui présenta, en 1613, aux États généraux de Hollande, les
douze tableaux représentant l'Histoire de Claudius Civilis, peints par son frère
Otho Vaenius, tableaux qui furent acquis pour la somme de 2, 200 florins et se
trouvent aujourd'hui à Amsterdam. On trouve son portrait dans l'édition de Van
Mander, de 1764 (pl. BB, n° 3), et il en existe un autre, très rare, gravé par
un de ses fils, portrait sur lequel Kramm a donné quelques détails (Levens en
werken der Nederl. en Vl. Kunstschilders, etc. p. 1684.)
Rubens semble avoir eu des rapports suivis avec le frère de son maître. Quelle en
a été l'origine? Nous l'ignorons. Il peut avoir fait la connaissance personnelle
de l'avocat-peintre, en 1611. D'après la notice sur Otho Vaenius, insérée au
catalogue du Musée d'Anvers, le 22 novembre de cette année, il fut le parrain de
Catherine, huitième enfant de son frère (1).((1) Dans le
travail de M. P. Visschers, Iets over J. Jonghelinck, O. van Veen, etc.
Antwerpen, 1853, p. 18, il n'est pas fait mention de ce huitième enfant
d'Otho Vaenius.) Probablement se sera-t-il rendu à Anvers, à cette
occasion. Pendant la période de la trève de douze ans (1609-1621), les rapports
entre les habitants des Pays-Bas espagnols et ceux de la République des
Provinces-Unies étaient plus aisés à établir qu'ils n'auraient pu l'être en
1622.
[448] Rubens parle ensuite de sa publication des palais de
Gènes; ce qu'il en dit nous vient en aide pour rectifier les erreurs des
bibliographes. «J'ai publié, dit-il, un livre d'architecture des plus beaux
palais de Gènes, en 70 feuilles environ, avec les plans.» Voilà ce qu'il écrit
le 19 juin 1622. Et, en effet, le 29 mai de la même année, il datait d'Anvers la
dédicace de son ouvrage Palazzi di Genova à don Carlo Grimaldo. Or, cet ouvrage
au complet, se compose de deux parties: Palazzi antichi.... Palazzi moderni et
compte 139 feuilles. En 1622, Rubens n'en mentionne lui-même que 70.
Selon Brunet, il parut d'abord une première édition de la première partie
composée de 72 planches, sous la date de 1622. On y a ensuite ajouté la deuxième
partie, en 67 planches. Le recueil entier parut sous ce titre: Palazzi di Genova
con le ioro piante ed alzati.
Nous croyons qu'il y a là une légère erreur. La partie qui parut la première est
celle qui se compose de 67 planches avec dédicace à Grimaldi et comprenant ce
que les titres des éditions suivantes appellent: Palazzi moderni. Les Palazzi
antichi en 72 planches, y ont-ils été réunis dans le courant de 1622? Il faut le
croire. Brunet cite l'édition complète sous ce titre: Palazzi di Genova con le
loro piante ed alzati da P. Paolo Rubens delineati. Anversa, 1622, 2 part,
in-folio, 139 pl. Le catalogue du South Kensington Museum mentionne un
exemplaire avec le même titre, sans les mots da P. P. Rubens delineati (1).((1) Monsieur Ruelens est dans l'erreur. La partie qui parut
la première est celle qui comprend 72 planches. La lettre qu'il commente le
prouve à l'évidence: elle dit que la partie publiée dès lors, et par
conséquent la première en date, comprend environ 70 planches et que
seulement deux des palais qui y figurent portent le nom de leur
propriétaire. Or les planches de la partie que Brunet cite comme ayant paru
la première, représentent en 72 planches 12 palais dont deux portent des
noms, tandis que dans la partie la plus récente, tous les palais portent le
nom de leur propriétaire. La partie comprenant 67 planches fut publiée peu
de temps après par Rubens ou par un éditeur anonyme et ajoutée au volume
primitif. Voir OEuvre de Rubens, n° 1230 (Max Rooses).)
D'autres catalogues portent le titre de l'ouvrage de diverses manières, par
exemple:
Palazzi antichi et moderni di Genoa fol. Anversa, 1622. (Bibl. regiae catalogus.
Londini 1829).
Selon nous, la première partie parut d'abord, avec le seul faux-titre Palazzi di
Genova et la dédicace à Grimaldo. La bibliothèque royale de Bruxelles et celle
de l'École des Beaux-Arts à Paris, possèdent le volume dans cet état.
Les autres éditions sont: Anversa, 1652, I V. f. (British Museum, South
Kensington, etc.)
Palazzi antichi di Genova raccolti e designati da Pietro Paolo Rubens. Palazzi
[449] moderni, etc. In Anversa, appresso Giacomo
Meursio, anno 1663, 1 volume gr. in-fol., deux parties.
Palazzi, etc. Anversa, Enrico e Cornelio Verdussen, 1708.
Architecture italienne contenant les plans et élévations des plus beaux palais et
édifices de la ville de Gênes, levé et dessiné par le célèbre P. P. Rubens,
troisième édition, augmentée d'un abrégé de la vie de l'auteur. Amsterdam et
Leipzig, Arkstée et Merkus, 1755.
Pour décrire l'ouvrage, nous nous servirons de l'édition de 1663 que nous avons
sous les yeux. Elle commence par la partie portant le titre: Palazzi antichi.
Une grande marque d'imprimeur en occupe le milieu; elle est gravée en cuivre et
porte pour souscription: Pet. Paul. Rubens pinxit. — Corn. Galle sculpsit.
L'édition de 1663 n'a pas la dédicace à Grimaldo.
La première planche, représentant le rez-de-chaussée d'un palais coté A, porte
les souscriptions: Cum privilegiis Regis Christianissimi, principum Belgarum et
ordinum Bataviae. — Nicolaes Ryckemans sculp.
Les planches suivantes donnent les plans, coupes, façades, de dix palais sans
noms, chiffrés A-K (pl. 1-66) et de deux palais avec noms, ceux de Don Carlo
Doria et du Sr Augustino Pallavicino (pl. 67-72).
Le titre de la deuxième partie: Palazzi moderni, etc., est suivi d'un avis: Al
benigno lettore qui est mal placé là et se rapporte évidemment à la partie des
Palazzi antichi. Au verso, une approbation du censeur des livres, Laurent
Beyerlinck, chanoine et archiprêtre de la cathédrale d'Anvers.
Les 67 planches des Palazzi moderni sortent d'un autre burin et sont faites sur
un plan plus uniforme; elles donnent, en 57 planches, le rez-de-chaussée, le bel
étage et la façade de 19 palais tous nommés, et puis le plan et la façade de
quatre églises. Pour la dernière, l'église des Jésuites, on a, en outre, une
coupe et le dessin du maître-autel.
Dans chaque lettre du grand artiste, on trouve un nom, un souvenir qui nous
parlent de son coeur autant que de son intelligence. Ainsi, les trois lignes où
il est question d'Elsheimer, nous reportent au temps où Rubens étudiait en
Italie ces illustres maîtres dont il devait être bientôt le rival.
Adam Elsheimer, né à Francfort, en 1578, mourut à Rome en 1620 ou 1621. C'est à
Rome qu'il fit la connaissance de Rubens, probablement à l'époque des deux
séjours que celui-ci fit en cette ville entre les années 1605 et 1608. Les
relations que les deux artistes établirent entre eux sont confirmées par cette
lettre, et, s'il faut en croire Campo Weyerman, durent être assez intimes. Voici
un curieux passage du livre de ce biographe aussi vaniteux que méchant: «Je
n'ajouterai pas que les geais d'Anvers et les [450] mangeurs
de poulets de Bruxelles, une race qui parle et babille avec plus d'abondance que
des pies en colère ou des poules en train de pondre, ont raconté souvent avec de
nombreux détails, que le grand Rubens a fait sortir Elsheimer de prison à
diverses reprises, en payant ses dettes, mais qu'il n'y avait pas d'onguent à
mettre sur ses plaies, et caetera. Je m'en rapporterai plutôt aux témoignages
plus honorables de MM. Sandrart, Florent le Comte, Félibien, Corneille De Bie et
autres personnages dignes de croyance, qui n'offriront pas de prêter un faux
serment pour une tasse de chocolat, comme nous pourrions le démontrer de
quelques-uns qui se sont rendus coupables d'une offre pareille.»
Dépouillant le fait des observations aussi sottes que grossières dont C. Weyerman
se croit obligé de l'orner, nous ne voyons pas pourquoi il ne pourrait être
admis. Certes, ce n'est pas le silence des auteurs cités en «témoignage plus
honorable» qui puisse être considéré comme une preuve contraire. En citant le
court panégyrique en vers de C. De Bie comme une source d'histoire, Campo nous
donne la mesure de son érudition et de son impartialité.
Pour nous, le fait attribué à Rubens par ses confrères d'Anvers et de Bruxelles
est très admissible et rentre tout à fait dans le cadre de son caractère doué de
générosité. Les termes dont il se sert en parlant d'Elsheimer nous autorisent à
admettre qu'il y eut entre eux de bons rapports d'amitié.
La lettre éclaircit encore un autre point. Selon quelques iconographes, Elsheimer
a essayé de la gravure, mais on ne cite de lui qu'une seule oeuvre à peu près
certaine: le jeune Tobie conduisant son père et portant la signature Aels. f.
Les autres pièces renseignées par les iconophiles sont plus douteuses, mais
notre lettre confirme, ce que nous savions déjà par Sandrart et autres, qu'il a
gravé et elle lui attribue même un perfectionnement de pratique dont Rubens a
tenu note et dont il fait mention peu après la mort de son ancien ami de Rome.
Abraham Bosse et les autres praticiens de la gravure ne parlent point de la pâte
blanche d'Elsheimer. Il n'est pas probable que ce petit perfectionnement ait
fait école: Rubens est même persuadé que Pierre Van Veen possède une méthode
meilleure.
Le dernier paragraphe de la lettre de Rubens se rapporte à une publication que
vient de faire Otho Vaenius «d'un petit ouvrage anonyme sur la Théorie
universelle ou quelque chose de semblable.» Le grand artiste désire vivement
avoir communication de ce travail de son ancien maître.
Comment se fait-il, d'abord, que Rubens, au lieu de s'adresser à ce dernier, qui
n'avait pas quitté le pays, s'adresse en Hollande pour obtenir [451] l'ouvrage en question, et, ensuite, quel est cet ouvrage? Il y a là
une double énigme.
Rubens et Otho Vaenius, vécurent quelques années dans la même ville, exerçant
leur art chacun de son côté. Mais on sait combien la gloire de l'élève éclipsa
bientôt celle du maître.
Quels rapports continuèrent-ils à avoir ensemble? Les détails manquent pour
répondre à la question. Cependant, rien n'indique que ces rapports aient été
d'une grande intimité. Dans aucune des lettres connues de Rubens, celui-ci ne
parle d'Otho Vaenius; ils avaient cependant un ami commun, Montfort, et nous
savons que Rubens avait une correspondance avec le frère d'Otho. Dans la
première édition des Amorum emblemata publiée à Anvers, en 1608, pendant que
Pierre-Paul se trouvait en Italie, nous voyons encore une pièce de vers en
l'honneur du livre, signée par Philippe Rubens, frère du peintre. Dans les
ouvrages postérieurs, il n'y a plus de mention d'un Rubens.
Le 30 avril 1612, Otho Vaenius avait été appelé par les archiducs à la place de
surintendant ou waradin de la Monnaie de Bruxelles (1)(
(1) «Registre aux commissions de 1600 à 1624, n° 366 de la Chambre des
comptes.
» F° 106 v°. Commission de Waradin de la Monnaie de Bruxelles, pour Otto
Van Veen, datée de Bruxelles. 30 avril 1612. Il prête serment le 21 mai
1612.
» F° 203 r°. Commission de Waradin de la Monnaie de Bruxelles, pour aider
son père déjà vieux et le remplacer ensuite, en faveur d'Ernest Van
Veen. Datée de Bruxelles, le 13 mai 1617.»
Nous devons ces renseignements à l'obligeance de M. Alex. Pinchart.
), où son ami Montfort vint, en 1613, remplir les fonctions de
Grand-Maître de la Monnaie de Brabant.
S'établit-il immédiatement à Bruxelles? Il peignit encore à Anvers, en 1613, le
portrait de l'évêque Miraeus et, en 1619, il était doyen de la Violiere dans la
même ville. En 1624, il publiait à Bruxelles, chez Hubert Antoons, ses Emblemata
a principibus viris ecclesiasticis, etc., usurpanda.
De ces divers faits on ne peut pas déterminer absolument dans laquelle des deux
villes il a fixé sa résidence après 1612.
Ce point, qui peut avoir une certaine importance dans l'examen des rapports entre
Rubens et Vaenius, sera aisément éclairci par quelques recherches dans les
archives d'Anvers ou de Bruxelles. Nous ne nous en occuperons point ici.
Mais quel est l'ouvrage auquel Rubens fait allusion dans sa lettre? Nous avons
vainement cherché parmi les livres publiés à Bruxelles, vers 1622, celui dont le
titre ou le sujet pourrait avoir quelque rapport avec la vague indication donnée
par Rubens.
Molto IlL. Sigr.
Hebbi il suo piego delli 17 del corrente, in termine ch'a pena potei legger la
sua lettera. Mandai al Sgr Abbate la sua, che le fa
risposta et io le responderò con la prima occasione, per non esser hora in poter
mio, ringratiandola della Themide et della lettera del Sgr
Roccox, et bacciandole per mille volte le mani.
Di Pariggi, alli 24 giugno 1622.
Faro pigliar i quadri et seguitar l'ordine.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 667.
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Je reçois votre paquet de lettres du 17, mais à un moment où j'ai eu à peine le
temps de lire la vôtre. J'ai envoyé à l'Abbé celle qui est pour lui afin qu'il y
réponde; pour moi, je vous écrirai à la première occasion, ne pouvant le faire à
présent. Je vous remercie de la Thémis et de la lettre de M. Rockox, et je vous
baise les mains mille fois.
De Paris, le 24 juin 1622.
Je ferai prendre les tableaux et exécuter vos ordres.
Molto ill. Sigr mio singmo.
Hebbi la lettera di V. S. delli 24, conforme alla quale cercaro altra
informatione del negotio di S. Malo et particolarmente di ciò che sene dirà
apprezzo questi signori. Intanto ella puo essere sicura che La Parisiera non ha
saputo donde venisse la mia curiosità et s'era immaginato che venisse da
Hollanda, et che volesse ritrovar via d'accomodamento. Io saro ancora più geloso
per l'avenire, ch'egli non penetri a ciò che V. S. vieta.
Dal Sr de Sève ho inteso ch'egli non haveva havuto cura del
negotio di S. Malo, ma d'un altro tutto simile della Compagnia delle Indie,
formata in questa citta, laquale non ha havuto maggior ventura di quella di S.
Malo. Ne c'è grand' apparenza, che mentre si stara ne' termini di guerra
intestina ne' quali ci troviamo, che si possa attendere a gran ripresaglie
contra i forestieri, massime quando si temono i soccorzi da quelle bande a
favore de' ribelli.
Il Re ha ridotto que di St Antonino alla discretione, et
gli ha castigati quasi altranto, quanto que di Negrepelisse con imponergli la
somma di 200 milla franchi, che importa più che tutta la lor robba, havendone
fatto appiccare alcuni de piu seditiosi. S. M. se n'andava per Tholosa a
Monpelieri, et per le strade si havevano da espugnare Carmano et altri luoghetti
ribelli.
Rendo gratie a V. S. della raccolta de' Palazzi di Genoa, giudicando che non
possa essere se non cosa nobilissima, poi che V. S. n'a fatto la scelta. Non
mancherò d'avisarne il Sr Abbate, et con tal occasione
premer la speditione delli suoi memoriali et misure, dispiacendomi assai di non
havere potuto attendere si come ne anco alli negotii del Sr Po Parente e del pitture, ma la mia lite non mi
lascia vita, spero per la settimana prossima che V. S. n'havera qualche miglior
riuscita. Et per fine le bacio di tutto cuore le mani.
Di Pariggi, alli 31 giugno 1622.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f° 667 v°.
[454] TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.
[454]
TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.Monsieur.
J'ai reçu votre lettre du 24, et selon le désir que vous m'y exprimez, je
prendrai de nouvelles informations sur l'affaire de St
Malo et particulièrement sur ce qui en sera dit chez ces messieurs. En attendant
vous pouvez être certain que La Parisière ne sait pas d'où vient ma curiosité.
Il s'est imaginé qu'elle était inspirée par la Hollande et que je cherchais une
voie d'accommodement. Mais pour l'avenir, je serai plus circonspect encore, afin
qu'il ne puisse découvrir ce que vous ne voulez pas qu'il sache.
M. de Sève m'a dit qu'il ne s'est pas occupé de l'affaire de St Malo, mais d'une autre tout à fait semblable pour la Compagnie des Indes
qui s'est formée ici à Paris et qui n'a pas eu plus de chance que celle de St Malo. Et tant que durera la guerre intestine qui sévit
actuellement, il n'y a pas grande apparence qu'on puisse songer à user de
représailles envers les étrangers, surtout quand nous avons à craindre d'eux
qu'ils ne viennent au secours de nos rebelles.
Le roi a réduit à discrétion les habitants de St Antonin et
les a châtiés presqu'aussi durement que ceux de Negrepelisse, en leur imposant
une contribution de 200. 000 francs, somme qui dépasse tout ce qu'ils possèdent,
et en outre il a fait pendre quelques-uns des plus séditieux. S. M. se rend à
Montpellier par Toulouse, le long de sa route il doit réduire Carman et quelques
autres petites localités rebelles.
Je vous remercie de l'envoi prochain de votre recueil des Palais de Gènes,
l'ouvrage ne peut être que magnifique, puisque c'est vous qui avez fait le choix
des édifices représentés. Je ne manquerai pas d'en donner avis à l'Abbé, et
profiterai de l'occasion pour presser l'expédition de son mémoire et des
mesures. Je suis au regret de n'avoir pu encore me les procurer ni m'occuper de
la négociation avec M. Paul Parent et de celle relative aux tableaux, mais mon
procès ne me laisse pas le temps de respirer. J'espère que je serai plus heureux
la semaine prochaine. Et sur ce, je vous baise les mains de tout mon coeur.
De Paris, le 31 juin (1 juillet) 1622.
[455] COMMENTAIRE.
Prise de Saint Antonin et de Negrepelisse. Le 10 juin 1622, la ville de
Negrepelisse fut prise d'assaut. Les habitants furent passés au fil de l'épée;
ceux qui se sauvèrent dans le château furent contraints le lendemain de se
rendre et tous, à l'exception des femmes et des enfants, furent pendus; après
quoi la ville entière, sauf le château-fort, fut brûlée. Le mercredi 22 juin, la
ville de Saint-Antonin fut obligée de se rendre à discrétion. Quinze Huguenots
furent pendus.
Après la prise de Saint-Antonin, l'armée, sous le commandement du maréchal de
Praslin et de Bassompierre, s'avança pour prendre les petites places Cucy,
Carman et le Mas-Sainte-Puelle. Les habitants effrayés du sort de leurs
coréligionnaires de Negrepelisse et de Saint-Antonin abandonnèrent les villes.
Le roi les fit démolir, il ne fit exception qu'en faveur de Carman, en
considération du comte de Carman qui lui était fort dévoué.
[455]
COMMENTAIRE.Molto Ill. Sigr mio singmo.
Di dieci anni io non mi trovai piu impedito di quello ch'io son adesso per la mia
lite di che mi dispiace sommamente per amore suo, ma non ho lasciato di servirla
in materia delle pitture delle quali non volsi di primo tratto offerir alla
moglie del Perichotto la partita di 600 franchi alla quale s'era fermato il
marito anzi poco a poco l'ho ridotto a contentarsi di 500 franchi gli quali io
gli feci pagare hieri contanti sendo certo che la vista del danaro vinse la
difficolta ch'ella faceva dicendo non haver licenza del marito di darle per
manco di 600 ₶. Basta che la cosa e finita.
Io faro mettere il quadro del Titiano tutto aperto in una cassetta a posta che si
guastarebbe ogni cosa piegandolo et li carettoni la porteranno facilmente. Dell'
altro ne faro un ruotolo grande et inchiuderlo in un altra cassetta lunga et lo
consignerò al Ferrarino per mandarlo alla volta d'Inghilterra. Del resto non le
posso tenere che [456] quando me ne son veduto possessore et
ch'egli ho considerati adaggio, ho trovato molto piu bello di prima quel di
Tintoretto in un altro lume che non era, et mi par certo che vaglia solo piu
delle 500 et ch'almeno l'altro si può dire essere dato in dono.
Il Vivotto era stato piu di 3 mesi senza venire a casa mia, hier sera egli vi
venne et mi porto tre gioie: l'una e d'un gran cameo di Niccolo molto bello di
grandezza quasi simile all' Augusto di V. S. con capellatura d'Apolline, ma per
la simiglianza, non lo so conoscere troppo bene. E stato ritocco moderatamente,
ma l'opera e molto bella et ha molto dell' antiqua. L'altro e un piccolo cameo
d'Agatha d'una Venere che incorona un Cupidine il quale gli tira la veste per
coprirsene. Il 3° e un intaglio assai bizarro ch'io non potei discernere bene
perche era tardo. Egli mene promise impronto da mandarle la settimana prossima.
Il signor Abbate se ne va fra 405 giorni a far un viaggio di 15 giorni 03
settimane verso la Regina Madre, sua padrona, egli porta seco le memorie di V.
S. le quali egli riportera tornando con ogni risolutione delli 304 vani restati
indecisi, accio di non lasciar alcun scrupulo a V. S. Egli hebbe questi giorni
una gran questione per amor di V. S. con certo pittore venuto di Bourges che si
stimava il maggior di Francia et fece miracoli in commendatione di V. S.,
mostrando veramente un grandissimo affetto et stima verso il suo valore. V. S.
gliene deve gratitudine.
Di nuove non le posso dire cosa che vaglia di fresco et non ho tempo di
far la. V. S. mi perdoni che le son di cuore, ecc.
Pariggi, alli 8 Luglio 1622.
Serrando e gionta la lettera di V. S. delli 3 stante. Farò il bacciamano al Sgr Abbate. La ringratio della cera di Demosthene et delle
nuove prospere.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 667 v°.
[457] TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.
[457]
TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.Monsieur.
Depuis dix ans je ne me suis pas trouvé aussi empêché que je le suis à présent à
cause de mon procès; je le regrette infiniment pour l'amour de vous. Cependant
je n'ai pas laissé de faire mon service dans l'affaire des tableaux. Je n'ai pas
voulu, d'emblée, offrir à la femme de M. Perichot la somme de 600 francs,
chiffre auquel son mari s'était arrêté. Petit à petit, je l'ai amenée à se
contenter de 500 francs que je lui ai fait payer hier, étant certain que la vue
de l'argent aurait tranché les difficultés qu'elle opposait, car elle disait
n'avoir point la permission de son mari de céder les tableaux à moins de 600
livres. Il suffit que l'affaire soit terminée.Je ferai mettre l'oeuvre du
Titien étendue dans une caisse, car en la pliant il y aurait certainement des
dégâts et les rouliers la transporteront ainsi sans peine. De l'autre tableau,
on fera un grand rouleau qui sera déposé dans une longue caisse; je la
consignerai chez Frarin qui l'expédiera par la voie d'Angleterre.Du reste,
je n'ai pu les apprécier que lorsque je m'en suis vu le possesseur et que je les
ai examinés attentivement. Je trouve le Tintoret, placé dans un autre jour,
beaucoup plus beau qu'il ne m'avait paru d'abord et il me semble qu'il vaut
certainement à lui seul plus que les 500 francs et que l'autre peut être
considéré comme donné par-dessus le marché.Le Vivot est resté plus de trois
mois sans venir à mon logis; il est arrivé hier au soir et m'a porté trois
objets précieux: l'un est un grand camée de Niccolo, très beau, de la grandeur à
peu près de votre Auguste, à la chevelure d'Apollon; mais je n'ai bien pu
déterminer le personnage. Il a été légèrement retouché, mais l'ouvrage est très
beau et a beaucoup de l'antique. Le second objet est un petit camée d'agathe,
représentant une Vénus couronnant un Cupidon qui lui tire son vêtement pour s'en
couvrir. Le troisième est une intaille assez bizarre que je n'ai pu déterminer
suffisamment, parce qu'il se faisait tard. Il m'en a promis une empreinte pour
vous être envoyée la semaine prochaine.Monsieur l'Abbé s'en va, dans quatre
ou cinq jours, faire un voyage de deux à trois semaines pour se rendre auprès de
la reine mère. Il porte avec lui votre mémoire qu'il rapportera avec une
décision à l'égard des trois ou quatre panneaux réservés, afin que vous n'ayez
plus rien qui vous arrête. [458] L'abbé a eu, ces jours
derniers, une grande discussion à votre sujet avec un certain peintre arrivé de
Bourges et qui se considère comme le premier de la France. L'Abbé vous a défendu
avec une extrême chaleur et a montré vraiment qu'il a pour vous et pour votre
mérite l'affection et l'estime les plus vives. Vous lui en devez de la
reconnaissance.
En fait de nouvelles fraîches, je ne sais rien qui vaille et je n'aurais
pas le temps de vous en écrire. Vous me le pardonnerez et je suis de coeur
etc.
De Paris, le 8 juillet 1622.
En fermant ma lettre, je reçois la vôtre du 3. Je présenterai vos baisemains à
l'abbé. Je vous remercie de l'empreinte en cire du Démosthène et de vos bonnes
nouvelles.
COMMENTAIRE.
Niccolo (Fiorentino Spinelli dit Nicolas Fiorentino), médailleur italien, naquit
en 1430, fils de Forzore, de la célèbre famille des Spinelli d'Arezzo. En 1468,
il était au service de Charles-le-Téméraire aux Pays-Bas et grava pour lui un
grand nombre de sceaux. Il retourna en Italie où il grava, en 1492, le portrait
d'Alphonse d'Este, duc de Ferrare. L'année suivante, il alla se fixer à Lyon où
il exécuta dès son arrivée, une médaille à l'effigie de Charles VIII, roi de
France, et de sa femme Anne de Bretagne. Il mourut à Lyon en 1499. On connaît de
lui un petit nombre de médailles authentiques, d'autres en plus grand nombre lui
sont attribuées. A. J. Wauters présume que le portrait du médailleur,
appartenant au Musée d'Anvers, représente Nicolas Fiorentino (1).((1) A. J. Wauters. Hans Memling, p. 97.)
Illustrissmo et Riverendmo
Sigre.
Il sigr
Brueghel mi ha consigniato
una medaglia doro col effigie di S. Carlo Borromeo da parte di VS Illustma, che stimo essere un favor singularissimo non solo per
il merito del presente ma ancora per venirmi da VS Illma
di spontanea sua cortesia, senza alcun serviçio mio precedente. La quale si è
compiacçuta d'anticipare et obligarmi con questo regalo alla perpetua sua
servitù. Perçiò la supplico sia servita di contarmi per l'avenire tra li suoi
servitori più affettionati benche di minimo talento pur di prontezza i buona
volunta tra megliori. Et con quest' animo baccio a VS Illustrma le mani et con mille ringratiamenti per il favor da lei ricevuto mi
raccommando nella sua bona Gracia:
d Anversa alli 8 di Giulio 1622.
Pietro Pauolo Rubens.
Di VS Illustrma et RiverendmaHumilissimo Servitore
Pietro Pauolo Rubens.
Adresse: Al Illustrissmo et Riverendmo Sigr et Patron mio Colendmo
Il Sigr Cardinal Borromeoin Milano.
Original: Milan, Bibliothèque Ambroisienne. Publié avec fac-simile par G.
Crivelli. Giov. Brueghel o sue lettere etc., pp. 298-299.
TRADUCTION.RUBENS AU CARDINAL FRÉDÉRIC BORROMÉE.
Illustrissime et Révérendissime Seigneur.
Monsieur Breughel m'a remis de votre part une médaille d'or à l'effigie de St Charles Borromée que j'ai reçue comme une faveur
singulière, non seulement pour la valeur du présent, mais encore parce qu'elle
m'a été octroyée spontanément par un effet de votre amabilité, sans qu'aucun
service [460] de ma part ait précédé cet acte de
bienveillance. Vous avez bien voulu me prévenir et m'attacher à jamais par ce
don à votre service. C'est pourquoi je vous supplie de me compter à l'avenir au
nombre de vos serviteurs les plus affectionnés. Mon talent est minime, mais par
mon empressement et par ma bonne volonté je compterai parmi les meilleurs. Et
dans ces sentiments je vous salue humblement en vous remerciant mille fois pour
la faveur reçue et me recommandant dans vos bonnes grâces.
D'Anvers, le 8 juillet 1622.
Pierre-Paul Rubens.
De votre Illustrissime et Révérendissime Seigneuriele très humble
serviteur
Pierre-Paul Rubens.
Adresse: A l'Illustrissime et Révérendissime Seigneur, mon maître très honoré le
Seigneur Cardinal Borromée, à Milan.
COMMENTAIRE.
Cette lettre est la seule que Rubens adressa en son nom personnel au Cardinal
Frédéric Borromée; leurs relations se bornèrent à cet acte de courtoisie.
Le même jour Rubens, écrivant à Ercole Bianchi au nom de Jean Breughel, lui
présente ses hommages.
Molto Ill Sigr mio singo.
Questa volta sola dopo il rittorno di V. S. a casa sua, e venuto l'ordinario
senza lettere di V. S. ma in scambio è arrivato il carrettone che mi ha portato
il sacco dove erano i libri per il Sr Abbate et per me
insieme con la scatola, dove ho ritrovato i miei piombi, et la cera del
Demosthene di che le devo infinite gratie come di cosa che a me pare nobilissima
et singularissima, tanto piu chara quanto mi da la notitia d'un intaglio in
corniola mediocre ch'io portai da Roma dove sta
la medesima testa con la medesima acconciatura la quale m'era stata [461] fin hora incognita. Io non dubito punto che la testa
non sia antiqua, ma le confesso che mi par un poco strano che un monumento di
tal prezzo sia potuto uscire da Roma dove poteva vendersi un migliaio di schudi.
Io vorrei ben sapere, se e vera calvitie quella che vi si vede nella meta della
testa in sito un poco straordinario o pure frustatura del marmo et se le lettere
danno piena sodisfattione a V. S. con l'omicron di medesima grandezza dell'
altre, il che si vede pure spesse volte, ma in quel secolo non tanto
communemente. Io ho conosciuto un antiquario vechio Bolognese chiamato Guillelmo
Joso de Veli, huomo intelligentissimo delle cose
buone, che mi disse haver visto alcune di quelle teste antique in forma d'Herma
poste poi in luce da Fulvio Ursino, le quali non havevano all' hora alcuna
inscritione, et che vi si erano poi scolpite modernamente alcune inscrittioni,
anzi che l'istesso Ursino haveva fatto scolpire qualche inscrittione a qualche
d'una a suo cappriccio, di che lui gli haveva fatto non poca vergogna, questo
sia detto tra di noi, et le prego di mandarme se ha saputo il Sr Rocox che mi sia stato mandato l'impronta del suo Demosthene, et se
V. S. trovera buono ch'io gliene faccia miei ringratiamenti, o se sara meglio
ch'io ne parli senza mostrare di haverne veduto l'impronta.
Il Sr Abbate m'e venuto a trovare questa mattina et mi ha
portato le memorie di V. S. intorno alli quadri della Galleria, tutte scritte di
sua mano insieme con il foglio figurato con la nota della distribution de'
soggetti di detti quadri giusto come quella che V. S. haveva fatta. Dicendomi
che por ch'egli se ne va dalla Regina, gli e parso piu a proposito di portarle
seco accio che la Regina supplisca le cose gli piace di tre vani indecisi et che
si mandi ogni cosa compita. Egli ne scrivera a V. S. et le rendera gratie di
suoi libri, como fo anche io delli miei pregandola di pigliarne scambio in
quello ch'ella giudichera ch'io possa mandarle da queste bande.
Il quadro del Titiano partira domani con gli istessi carretoni che hanno portato
qui il fagotto de libri. Io lo feci videre al Sgr Giovane
pittore discepolo du Breuil molto celebre in questa città quando conviene
riparare quadri vecchi, egli si offeriva di riparare tutto cio che c'e di guasto
per 3 schudi, ma non volsi lasciarci por la mano senza ordine. Egli trovava che
la tela era assai molle per poterlo mettere in ruotolo, ma vedendo io le
squaglie di pittura che si andavano squagliando [462] troppo
facilmente, et che la tela era incolata sul quadro di maniera che non si poteva
disincollare senza qualche pericolo di guastare qualche cosetta, mi parve meglio
di lasciarla sul quadro et mandarla in cassa come fo. L'altra di Tintoretto si
mandara in ruotolo sopra una colonna di legno fatta al torno accio di non far il
ruotolo troppo menuto. Et per andare piu sicuramente l'habbiamo fatto stare 3
giorni in una cantina per renderlo un poco humido, et bisognera avisare chi l'a
da ricevere, che volendolo spiegare lo facci star similmente un poco in una
cantina prima che spiegarlo, accio che non si squagli la pittura et che sia in
miglior dispositione di stenderlo sopra il suo quadro. Io lo faro rimettere al
Sgr Ferrarino conforme all' ordine di V. S.
Quanto al negotio di S. Malo io ne ho raggionato personalmente con il Sr presidente Jiannino, il quale mi ha detto nettamente,
che mal volentieri si darrebbe represaglia, con tutto che non mancassero qua
facoltà particolari di quei che la devono senza far guerra per questo, perche la
congiontura presente delle guerre di questo regno i erà incompatibile massime
quei stessi, sopra i quali si doverebbe concedere detta represaglia, sendo
potentissimi in Hollanda, anzi sendo que' medesimi che hanno tutta la direttione
de' negotii delle guerre degli Hollandesi.
Restami a dirle che il Vivotto mi ha portato l'impronto del cameo di Nicolo e
d'un altro parvolo di Agatha che saranno qui aggiunti, con una sua lettera, ma
l'originale ha il naso molto piu aquilino il che mi dona maggior difficolta di
riconoscerlo, la carnatione e di Nicolo, Fiorettino, la cappellatura e flava la
corona ancora ma piu schura, il campo e sardonio quasi vero. L'altro picciolo ha
le figure bianche, et il campo di colore di corno transparente.
Et senz' altro a V. S. bacio di core le mani.
Di Pariggi, alli 15 Luglio 1622.
Di V. S. serve osserve.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 668.
[463] TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.
[463]
TRADUCTION.PEIRESC A
RUBENS.Illustre Seigneur et ami.
Depuis votre retour au logis, c'est la seule fois que l'ordinaire est venu sans
m'apporter de vos lettres, mais en revanche est arrivé le charton qui m'a remis
le sac contenant les livres pour M. l'Abbé et pour moi, ainsi que la boîte dans
laquelle j'ai trouvé mes empreintes de plomb et le moulage en cire du
Démosthène. Je vous en dois mille grâces; c'est un objet qui me paraît être très
beau et très singulier; il m'est d'autant plus précieux qu'il me donne
l'explication d'une intaille en cornaline de valeur médiocre, que j'ai rapportée
de Rome et sur laquelle on voit la même tête avec la même coiffure qui, jusqu'à
présent, m'était inconnue. Je ne doute plus que la tête soit antique, mais il me
semble assez étrange, je l'avoue, qu'un monument de si grand prix ait pu sortir
de Rome où il eût pu se vendre un millier d'écus.
Je voudrais bien savoir si c'est une véritable calvitie qui se remarque au milieu
de la tête, dans un endroit un peu extraordinaire, ou si c'est une simple usure
de la pierre; je voudrais savoir également si les caractères de l'inscription
vous donnent toute confiance, avec cet omicron de même grandeur que les autres
lettres, ce qui se voit sans doute assez souvent, mais n'était pas commun à
cette époque. J'ai connu un vieil antiquaire de Bologne, nommé Guillaume-Joseph
de Veli, homme très connaisseur en choses de valeur, qui m'a dit avoir vu
quelques-unes de ces têtes antiques sous forme d'Hermès, que Fulvius Ursinus a
mises plus tard en lumière et qui n'avaient alors aucune inscription. Plus tard,
on y grava des inscriptions et Fulvius Ursinus lui-même en fit mettre plus d'une
inventée par lui, ce dont ledit Guillaume lui fit de vifs reproches. Ceci soit
dit entre nous.
Je vous prie de me faire savoir si M. Rockox sait que vous m'avez envoyé
l'empreinte du Démosthène et si vous trouvez bon que je lui adresse mes
remerciements, ou s'il vaut mieux que je lui en parle sans lui dire que j'ai vu
l'empreinte.
M. l'Abbé est venu me voir ce matin et m'a porté le mémoire entièrement écrit de
votre main et relatif aux tableaux de la galerie, accompagné de la feuille
figurant la distribution des sujets dans les tableaux, avec une notice, le tout
semblable au plan que vous avez dressé. Il m'a dit que pour se rendre chez la
reine, il lui paraissait plus opportun de se munir de ces [464] pièces, afin que la reine fasse connaître son intention au sujet
des trois panneaux indécis et qu'il vous fasse connaître comment la série est
complétée.
Il vous en écrira et vous remerciera des livres qu'il a reçus, comme je le fais
moi-même pour ceux que vous m'avez envoyés, en vous priant de disposer de moi en
retour, pour tout ce que vous désireriez recevoir de nos parages.
Le tableau du Titien partira demain par le même fourgon qui m'a apporté le paquet
de livres. Je l'ai fait voir à M. Jean, peintre, élève de du Breuil, et très
renommé en cette ville pour la restauration des vieux tableaux. Il s'offre de
réparer tous les dégâts pour trois écus, mais je n'ai pas voulu qu'il y mette la
main, sans votre ordre. Il trouve que la toile est encore assez souple pour être
tournée sur un rouleau, mais, remarquant des parties de peinture qui tombaient
trop facilement par écailles, voyant aussique la toile était adhérente au
châssis de telle façon qu'on n'eût pu la détacher sans danger de causer quelque
dommage, j'ai cru qu'il était préférable de la laisser dans son cadre et de vous
l'envoyer, comme je le fais, dans une caisse. L'autre tableau, celui du
Tintoret, vous sera envoyé roulé sur une colonne de bois, faite au tour, et en
ayant soin que le rouleau ne soit pas trop mince. Et pour qu'il se prête plus
facilement, nous l'avons fait séjourner pendant trois jours dans une cave pour
rendre la toile un peu humide; de votre côté, il faudra prévenir celui qui aura
la charge de le dérouler, d'avoir soin de le placer également quelque temps
auparavant dans une cave avant de le dérouler, pour que la peinture ne s'écaille
pas et que la toile soit plus disposée à être étendue sur son châssis. Je ferai
remettre le tableau à Monsieur Frarin, conformément à vos ordres.
Quant à l'affaire de St Malo, j'en ai causé personnellement
avec le président Jeannin, qui m'a dit nettement que l'on ne donnerait pas
volontiers des autorisations de représailles, d'autant plus qu'il ne manquera
pas de moyens particuliers à ceux qui doivent s'y soumettre, et cela sans faire
la guerre à ce propos. Dans les conjectures présentes, en cas de guerre avec cet
état, les représailles seraient impossibles; surtout parce que ceux contre
lesquels on devrait les accorder, sont très puissants en Hollande, car ce sont
ceux-là même qui ont en ce pays toute la direction des choses de la guerre.
Il me reste à vous dire que le Vivot m'a apporté l'empreinte du camée de Nicolas
et d'un autre petit camée en agathe que je joindrai ici avec une lettre de lui;
mais sur la pièce originale, le nez est beaucoup plus aquilin, ce qui me donne
une plus grande difficulté de la déterminer, la carnation est de Nicolas le
Florentin, la chevelure est blonde et la couronne est aussi plus foncée, le
champ semble être de la sardoine véritable. Dans la pièce [465] plus petite, les figures y sont blanches et le champ a la couleur
de la come transparente.
Et, sans plus, je vous baise les mains de tout coeur.
De Paris, le 15 juillet 1622.
COMMENTAIRE.
Fulvius Ursinus (Fulvio Orsini), né à Rome, le 11 décembre 1529, mort dans la
même ville le 18 mai 1600. Philologue et archéologue distingué. Il publia entre
autres ouvrages d'érudition celui dont parle Peiresc dans la présente lettre:
Illustrium imagines, ex antiquis marmoribus, nomismatibus, et gemmis expressae:
quae exstant Romae, major pars apud Fulvium Ursinum. La première édition parut à
Rome, en 1569, la seconde également à Rome, en 1570, la troisième et la
quatrième édition sortirent de l'officine plantinienne, en 1598 et en 1606.
Cette dernière renfermait un appendice contenant 18 nouveaux portraits et un
texte explicatif de Jean Faber de
Bamberg, le médecin qui guérit Rubens à Rome, en 1606, et dont le peintre
reconnaissant fit le portrait pour le lui offrir en même temps qu'un tableau, le
Coq et la Perle, fait à son intention. (OEuvre de Rubens, nos 927 et 1167.) L'édition antérieure contenait 151 portraits d'hommes
illustres de l'antiquité connus par des marbres, des monnaies et des camées. Les
portraits des éditions anversoises sont gravés par Théodore Galle. L'ouvrage eut
une grande vogue au seizième et au dix-septième siècle et une nouvelle édition,
avec un texte français, parut encore à Paris, en 1710.
Du Breuil. Toussaint du Breuil, peintre du roi, fit de grandes peintures au
palais du Louvre et aux châteaux de Fontainebleau et de Saint Germain. Il mourut
le 22 novembre 1602.
Monsieur,
vous recevrez par les mains de Philippe Du Pont, serviteur de Sr Antoine Soury, marchand roulier des Pays-Bas, un tableau mis dans une
caisse emballée et enserfillée, marqué de la marque cottée cy dessoubs, à qui
vous ferez payer, s'il vous plaist, pour le port la somme de quatre francs, pour
laquelle nous en avons [466] faict le marché à la charge que
le tout vous sera rendu bien conditionné et n'estant la présente à autre fin, je
demeure, etc.
De Paris, ce 16 juillet 1622.
Ledit Philippe m'a promis d'avoir soing que ladite caisse soit rangée sur son
chariot, sur le champ, toute droite, à cette fin qu'elle ne puisse courir aucune
fortune, sans cela je ne luy eusse point tant promis pour son port.
Marque de lacaissette emballéeƆC
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f. 669.
Molto Illre Sigr singmo.
Era ben aspettata con impatienza incredibile la lettra di V. S. delli 14 del
presente la quale io mandai a cercare hier sera in casa del Ricciardo alle
ondici hore di notte, per cavarmi di testa il martello d'animo che mici haveva
posto il Vivotto, venendomi a dire hier sera tardi un rumore che correva per la
citta che il Sr Rubens (che Dio guardi et salvi incolume
come io stesso) era passato ad altra vita. Il che mi feri subito tant' oltre
ch'io era tutto fuor di me stesso, et cio che m'impediva di negligere affato
l'aviso era il caso del silentio insolito di V. S. per l'ordinario passato. Io
haveva voluto cercare l'origine di tal sinistra voce et trovato che un mercante
chiamato Messagiere diceva haverla imparato da un Guiesuita d'Anverza il che io
non poteva verificare a hora cosi tarda. La buona ventura fei che Ricchiardo
trovo il piego di V. S. sudetto et lo diede al mio servitore ch'io stava
aspettando senza poter andar a letto, et subito ch'arrivo et che mi presento il
piego dove io conobbi la soprascritta di proprio pugno del clarissimo amico, io
mi r'allegrai tanto che non le saprei esprimere la contentezza d'animo, si come
ne anco l'afflittione che [467] m'haveva recato la cattiva
nuova, la quale m'haveva tolta la cena. Lodato sia Iddio della vanita di questa
voce.
Questa mattina io n'ho mandato a dar aviso al Vivotto et altri suoi amici per non
lasciar far progresso a tal buggia, temendo che il ru more non fosse portato
sino alla Corte della Regina madre et che non s'impedisse la risolutione delle
difficolta che'l signor Abbate ci haveva da proponere al quale ho scritto ad
posta per impedire l'effetto di tal rumore se c'andasse. Il Sr Bertelotto me venuto a visitare questa matina, io gli ho fatto relatione
del tutto con i suoi bacciomani ch'egli m'ha preggato rimandarle raddoppiati. Ho
mandato la sua lettera al Sr della Planche et questa sera
il Sr Colmans suo socio mi e venuto a portare la risposta
qui aggionta la quale ha dissigillata e ressigillata nella mia stanza per vedere
se suo socio non sera scordato di certo particolar di che l'haveva pregato et
dirmi che volontieri haverebbe sborzato la partita di 500 franchi havendo egli
assonto la cura di certa tapezzaria ch'io gli haveva ordinata, quando V. S. era
qui et che doveva essere finita questo Settembre, con la quale faremo la
compensatione, assicurandomi che si sarebbe anticipato il termine di Settembre e
che sperava fra quindici giorni, et al piu tardi a mezzo Agosto farmela
consignare, il che io ho aggradito molto volentieri. Li medesimi carrettoni che
m'havevano portato il fagotto portano à V. S. la cassetta del quadro di Titiano
et haverebbono portato l'altro ancora di Tintoretto senza l'ordine contrario di
V. S. che fu causa ch'io lo ritenne et che mandai a richiedere di parte sua al
Sr Ferrarin che si degnasse mandarla alla volta di
Londra conforme il ricapito ordinato da V. S. gia un pezzo. Et gliel'haverei
mandato a casa sua, senza che havendogli io scritto d'una polizza per intendere
il suo parere, egli non m'haveva fatto alcuna risposta, et la terza volta egli
disse al mio servitore semplicemente ch'io gli mandassi il quadro a casa. Il che
mi parve un poco troppo sido et mi risolsi d'aspettar nuovo ordine di V. S. Hora
faro sapere la prima partita degli altri carrettoni di Anverza conforme al
ulto ordinario di V. S. alli quali consegnaro l'altra
cassa dove il quadro del Tintoretto sta involto altorno una colonna di legno
assai grossa fatta altorno, senza violenza et senza che il peso della colonna
possa calcare i pieghi della tela, per ciò che l'habbiamo fatta inchiodare al
ambe le punte della colonna con la cassa di modo che [468] la
tela sta altorno senza essere calcata che dell' aria sola, come il filo altorno
un fuso. L'acconciò il Sr Tavernier essattissimo in queste
minutie et spero che non havera patito niente sendo cosi ben conditionato.
Quanto alla spesa delle casse V. S. mi perdonera non parendomi raggione di
parlarne quando V. S. non mi ha fatto saper la spesa del libro di Pighio ne
della copia del Demosthene a me charissima.
La mezza calvitie mi diede noia da principio come V. S. havera visto dalla mia
precedente, et le confesso che non la capisco ancora bene, perche se ben si fa
mentione che Aristotele ci osservasse in diversi tempi diversi riti, io non
veggo bene come s'habbia da sopportare questa mezza calvitie un medesimo tempo
si come no si sopportarebbe que la barba fosse raza da un lato et non dall'
altro. V. S. mi fara gratia singolare di revelarmene il suo senso.
Del viaggio dell' Ambasciatore Hollandese io non ho potuto penetrar hoggi 'la
vera causa, con l'altro ordinario forzi che ne sapro qualche cosa di piu et ne
le faro parte.
Il povero Sr Brosse sera pigiato un piede che gli si gonfio
piu grosso del corpo et corse gran pericolo di maggior maie finalmente si
risolse in podagra, che gli da gran noia. Egli mostra gran dispiacere di haver
mancato a darle soddisfattione delle misure che restano, e promette supplere
subito che vi si potra fare transportare. Con che senz' altra, di tutto il
cuore, le bacio le mani.
Di Pariggi, alli 21 Luglio 1622.
D. V. S. Illo Ser. affmo.
Havera intesa V. S. la conversione sicura del Sr de
Lesdiguières al quale S. M. ha donato il carico di Conestabile, et doveva
mandare l'ordine et collare di So Spirito, il fort di
Pallays vicino al orificio del Rhodano, importantissimo per le salline ch'era in
mano di Sr Blancardo si restituisse a S. M. con 100 mila
franchi, et 2000 scudi di pensione et Sr Blancardo s'e
fatto Catholico. Il che ci leva a noi in Provenza ogni timore di hostilita
hugonotta. Si va principiar l'assedio di Mompeliere, del quale se ha buonissima
speranza.
Dal Archivescovo di Spalato la preggo di darmi qualche ragguaglio di quel ch'egli
faccia, senza temere che se ne divolghi niente.
Io non so se V. S. trovarebbe a proposito di far presentare al Sr Brosse un esemplare del suo libro de' Palazzi di Genoa 367, et quando [469] non le fosse grave di mandarne uno
ancora al Sr di Lomenie, io credo che sarebbe molto bene
percio che gli diletta di cose tali; poiche il libro non e vecchio anzi da V. S.
nuovamente dato in luce par ch'ella habbia certo obligo di presentare a qualche
amico di qua si come alli suoi di là.
Del resto, se V. S. mi degnasse mandare un pollicina dove fossero i nomi de'
padroni de' Palazzi di Genoa, ella mi farebbe gran piacere, m'imaginandomi, che
se ben ella per buoni rispetti non gli ha voluto nominare ne suoi rami,
nulladimeno poi ch'ella e stata in Genoa con quel disegno, havera havuto la
curiosita di sapere gli padroni per suo gusto particolare, si come gli vorei
saper anch'io.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, p. 670
TRADUCTION.PEIRESC A RUBENS.
Monsieur.
Votre lettre du 14 courant était attendue avec une impatience incroyable: je la
ris chercher hier au logis de Richard à onze heures du soir, afin de m'ôter de
l'esprit l'anxiété à laquelle j'étais en proie, par la nouvelle. que le Vivot
était venu hier soir très tard me rapporter que le bruit courait dans la ville
que M. Rubens avait passé dans l'autre vie. Mais Dieu vous garde et vous tienne
en bonne santé, comme je le suis moi-même !
Cette nouvelle subite m'avait tellement frappé que j'en fus tout hors de
moi-même, et ce qui m'avait empêché de la rejeter complètement, c'est la
coïncidence de n'avoir pas reçu, contrairement à votre habitude, une lettre de
vous par le dernier courrier. J'ai voulu chercher l'origine de ce bruit sinistre
et j'ai découvert qu'un marchand, nommé Messager, avait dit l'avoir appris d'un
jésuite d'Anvers; mais l'heure était trop avancée pour vérifier la chose. Un
hasard heureux a fait que Richard trouva votre lettre et la remit à mon valet,
que j'attendais sans pouvoir me mettre au lit. Aussitôt qu'il arriva et qu'il me
remit le pli sur lequel je reconnus à l'instant l'écriture de mon illustre ami,
j'éprouvai une joie telle qu'il me serait aussi impossible de vous la décrire
que de vous dire l'affliction que m'avait causée la mauvaise nouvelle,
affliction telle que je ne pus souper ce jour là. Grâces soient rendues à Dieu
de ce que ce bruit n'était pas fondé!
[470] Ce matin, je me suis empressé d'en donner avis au Vivot
et à d'autres de vos amis, pour ne pas laisser faire de progrès à la fausse
nouvelle; je craignais qu'elle n'eût été portée jusqu'à la cour et à la
reine-mère et n'eût empêché la solution de la question difficile que M. l'abbé
avait à proposer. J'ai donc écrit à celui-ci en toute hâte pour arrêter les
effets de ce bruit s'il était arrivé jusque là.
M. Berthelot est venu me faire visite ce matin; je lui ai tout raconté et
présenté de votre part, selon votre désir, les compliments les plus empressés
qu'il m'a prié de vous renvoyer au double. J'ai fait porter votre lettre à M. de
la Planche et ce soir M. Colmans, son associé, est venu m'apporter sa réponse
ci-jointe; il l'a décachetée et refermée, dans mon appartement, pour s'assurer
si son associé n'avait pas oublié la commission particulière dont je l'avais
chargé et pour me dire qu'il aurait volontiers déboursé la somme de 500 francs,
ayant pris sur lui d'avoir soin d'une tapisserie que je lui avais commandée à
l'époque de votre séjour ici, et qui devait être terminée en septembre. Nous
devions établir une compensation dans cette affaire; il m'avait assuré que le
travail aurait été terminé avant septembre; il espérait me livrer la tapisserie
dans quinze jours ou, au plus tard, au milieu d'août, ce que j'avais accepté
avec la plus grande satisfaction.
Les mêmes chartons qui m'ont remis votre paquet, vous porteront la caisse
contenant le tableau du Titien; ils se seraient chargés également du Tintoret,
mais sur votre décision contraire, je l'ai retenu et je demanderai de votre part
à M. Frarin de vouloir bien lui faire prendre la route de Londres, à l'adresse
que vous avez donnée, il y a déjà quelque temps. Je l'aurais envoyé au logis de
M. Frarin, mais lui ayant écrit un billet à l'effet d'avoir son avis, je n'en ai
reçu aucune réponse. Seulement, la troisième fois que je lui expédiai mon valet,
il répondit tout simplement que je n'avais qu'à faire porter le tableau chez
lui. Cette réponse m'a paru un peu sèche et j'ai résolu d'attendre de nouveaux
ordres de vous. Je vous ferai savoir, conformément à votre dernier courrier, le
plus prochain départ des autres chartons d'Anvers, auxquels je consignerai
l'autre caisse dans laquelle se trouve le tableau du Tintoret, enroulé autour
d'une colonne de bois assez épaisse. La toile a été roulée sans violence et sans
que le poids de la colonne puisse écraser les plis de la toile; pour cela nous
avons fait clouer la colonne par ses deux extrémités dans la caisse, de sorte
que la toile est roulée autour de la colonne comme un fil autour d'un fuseau,
sans avoir à supporter un autre poids que celui de l'air. M. Tavernier a tout
préparé, il est très minutieux dans ces sortes d'opérations, et dans les
conditions où se trouve le tableau, j'ai lieu d'espérer qu'il ne souffrira en
rien. Quant à la dépense que j'ai faite [471] pour la caisse,
vous me pardonnerez de vous dire que je ne crois pas qu'il y ait raison de vous
en parler, puisque vous ne m'avez pas fait connaître ce que vous avez dépensé
pour le livre de Pighius et pour la copie du Démosthène, copie qui m'a tant fait
plaisir.
Comme vous l'avez vu par ma lettre précédente, la demi'calvitie de cette tête m'a
donné du mal depuis le commencement et je vous avoue que je ne la comprends pas
bien encore. Quoique l'on dise qu'Aristote ait observé en divers temps
différents usages, je ne vois pas bien comment on aurait pu supporter cette
calvitie d'une moitié de la tète quand, dans un même temps, on n'aurait pas
supporté que la barbe fût rasée d'un côté et non pas de l'autre. Vous me feriez
une grâce singulière en me donnant votre avis sur ce point.
Je n'ai pu jusqu'à ce jour découvrir le véritable motif du voyage de
l'ambassadeur de Hollande; j'espère, par le prochain courrier, pouvoir vous dire
que j'ai appris quelque chose de plus et vous en faire part.
Ce pauvre M. Brosse s'est foulé le pied qui a gonflé au point de devenir plus
gros que le corps. Il a été en péril de voir le mal s'aggraver, finalement la
foulure s'est résolue en une goutte qui lui donne de grands tourments. Il est
très au regret de n'avoir pu vous satisfaire relativement aux mesurages qui
restaient à vous fournir; dès qu'il pourra se faire transporter, il s'empressera
de vous les envoyer.
N'ayant plus autre chose à vous mander, je vous baise cordialement les
mains.
De Paris, le 21 juillet 1622.
Votre très affectueux serviteur.
Vous aurez appris la certitude de la conversion du duc de Lesdiguières. S. M. lui
a donné la charge de connétable et lui enverra l'ordre et le collier du St Esprit. Le fort de Pallays, voisin des bouches du Rhône,
très important par ses salines, et qui était en la possession de M. Blanchard,
serait restitué à Sa Majesté pour 100, 000 francs, plus une pension de 2000
écus, et Blancard vient de se faire catholique. Ce qui nous enlève, à nous en
Provence, toute crainte d'hostilité de la part des Huguenots. On va commencer le
siège de Montpellier et on a le meilleur espoir de succès.
Je vous prie de me donner quelque nouvelle de l'évêque de Spalato, dites-moi ce
que vous en savez et ne craignez aucune indiscrétion de ma part.
Je ne sais si vous jugerez à propos de faire offrir à M. Brosse un exemplaire de
votre ouvrage sur les Palais de Gênes et si ce n'est pas trop, d'en envoyer un
aussi à M. de Loménie. Pour moi, je crois que vous feriez très [472] bien parce qu'il se plaît à ces sortes de choses. Comme le livre
n'est pas vieux, puisqu'il vient seulement d'être publié, il me semble que vous
êtes quelque peu dans l'obligation de l'offrir à quelques amis d'ici, comme vous
le faites à vos amis là-bas.
Vous me feriez aussi un grand plaisir en voulant bien m'envoyer une petite note
contenant les noms des propriétaires des Palais de Gênes; je me figure que vous
n'avez pas voulu les inscrire au bas des planches gravées par grande
délicatesse; néanmoins quand vous étiez à Gênes avec ces dessins, vous devez
avoir eu la curiosité de savoir à qui appartiennent ces palais; cette curiosité
je la partage avec vous.
COMMENTAIRE.
Le bruit de la mort de Rubens. Il s'agit de l'attentat commis par le graveur Luc
Vorsterman, dont nous avons déjà parlé dans notre commentaire sur la lettre de
Rubens du 23 janvier 1619. M. Henri Hymans, dans son livre sur Vorsterman, a
fait connaître des détails intéressants sur cet épisode de la vie de Rubens
(1).((1) Lucas Vorsterman, Catalogne raisonné de son
OEuvre précédé d'une notice sur la rie et les ouvrages du maître, par Henri
Hymans. Bruxelles, Émile Bruylant, 1893, p. 30.) Nous avons vu que
Rubens, dans sa lettre à Pierre Van Veen du 19 juin 1622, déclare que depuis
quelques années la gravure de ses tableaux est suspendue par suite du trouble
intellectuel de son graveur; dans celle de Peiresc à Rubens, du 26 août 1622,
nous verrons que la veille le bruit avait couru à Paris qu'un graveur, occupé à
ses estampes et à ses dessins, avait manqué de le tuer. En rapprochant des
documents que nous avons cités plus haut (p. 204 du présent volume) ces deux
passages et ceux que nous trouvons dans la présente lettre et dans celles qui
vont suivre, il devient clair que Vorsterman a été atteint à cette époque d'un
dérangement cérébral et que, dans cet état maladif, il a fait courir un danger
grave au maître qui l'employait, depuis plusieurs années, à graver ses
principaux tableaux. L'attentat, dont à Paris on s'occupa beaucoup aux mois de
juillet et d'août, arriva au mois d'avril 1622.
Colmans, amateur. Voir les lettres de Peiresc du 24 novembre, du 8 décembre 1622
et du 13 et du 26 janvier 1623.
M. de la Planche. Raphael de la Planche, trésorier des bâtiments du roi,
directeur de la manufacture des tapisseries du faubourg Saint Germain.
Melchior Tavernier, fils de Gabriel. Il naquit à Anvers, vers 1544, quitta sa
ville natale pour aller s'établir avec son père à Paris, en 1573. Gabriel
Tavernier y ouvrit un atelier de gravure en taille-douce et une boutique [473] d'estampes, de cartes géographiques et de livres à
figures. Il eut l'honneur d'introduire en France la gravure sur cuivre appliquée
à reproduire des cartes géographiques et des planches d'architecture. Son fils
Melchior lui succéda, en 1614; en 1618, il obtint le titre de graveur et
imprimeur en taille-douce du roi. Il demeurait à Paris «en l'Isle du Palais, sur
le quay qui regarde la Mégisserie à l'Espic d'or». Il a gravé des cartes
géographiques, des planches d'architecture, des fleurs, des sujets religieux,
des portraits. Il mourut, en 1641, âgé de 97 ans (1).((1)
Ed. Fetis. Les artistes belges à l'étranger, t. II, p. 360.) Il
ressort des lettres de Peiresc et de Rubens, que ce dernier était en relation
avec lui et s'adressa de préférence à lui dans les affaires artistiques.
Le buste de Démosthène, qui appartenait à Rockox et dont Peiresc avait reçu de
Rubens un moulage en cire, est le même que celui que Rubens fit graver dans sa
«Collection de Bustes de philosophes, de généraux et d'empereurs grecs et
romains». Il présente la particularité signalée par Peiresc: le coté droit de la
tête est rasé. On sait que les anciens rapportent que le grand orateur athénien,
afin de se livrer à l'étude de son art sans se laisser distraire par le monde
extérieur, s'enfermait dans un cabinet souterrain après s'être fait raser la
moitié de la tète. C'est cette particularité que reproduit le buste. On peut
s'étonner que Peiresc, le grand connaisseur de l'antiquité, n'ait pas songé à
cette anecdote pour expliquer la calvitie reproduite par le buste en marbre, qui
l'avait frappé et le préoccupait tant. Dans sa lettre du 29 juillet, il remercie
Rubens de lui avoir rappelé le passage de Plutarque, qui raconte cette
particularité et il s'excuse de l'avoir si complètement oublié.
Lesdiguières (Voir le commentaire du 31 mars 1622). Le duc de Lesdiguières fit sa
profession de foi catholique dans l'église de St André à
Grenoble, le dimanche 24 juillet 1622. L'archevêque d'Ambrun, le maréchal de
Créqui et plus de six cents gentilshommes des environs se rendirent à Grenoble.
Les cérémonies durèrent quatre jours. Le premier jour la messe, à laquelle
assista le nouveau converti, fut célébrée par l'archevêque d'Ambrun; au sortir
de l'église et dans la grande salle de sa propre maison, il reçut des mains du
maréchal de Créqui les lettres par lesquelles le roi le nomma connétable de
France. Le second jour, il entendit la messe dans l'église des Capucins et le
père gardien du couvent lui présenta une médaille d'or; le troisième jour, il
reçut dans la cathédrale de Grenoble le collier du St
Esprit; le quatrième jour, il communia en grand apparat dans la même église.
Le siège de Montpellier commença le premier septembre 1622; la ville se rendit le
19 octobre suivant.
Monsieur.
Bien que je ne fisse pas estat de vous donner par mes lettres aucun
divertissement de vos plus agréables entretiens pendant le temps de vostre cour
si est ce que je m'y suis trouvé obligé, pour rabbattre un faulx bruit que l'on
fist hier courir en ceste ville, et vous asseure que j'ay receu par cet
ordinaire une lettre de Mr
Rubens en date du 14 de ce mois
où il approuve grandement vostre voyage et la résolution que vous avez prinse
d'y mettre la dernière main à son affaire dont il se sent particulièrement
vostre obligé s'estendant hors de cela en trois grandes pages escrittes de sa
main concernant des antiquitez et particularitez de la teste de cire que je vous
monstray, sans faire aucune mention d'avoir seulement esté tant soit peu malade,
et toutefois Vivot me voulut hier donner une allarme bien chaude que le pauvre
homme fut mort, et me mist bien en peine, principalement à cause de ce que par
le précédent ordinaire je n'avois point eu de ses lettres à quoy il ne manquoit
pas facilement. Et pour rendre son affaire plus vraysemblable disoit la nouvelle
venir d'un Père Jésuiste d'Anvers qui en estoit venu seulement depuis 4 ou 5
jours. Vous pouvez penser s'il me mist en peine. J'envoyai de tous costez pour
vérifier la source, et comme j'estois en ceste inquiétude on m'apporta son
paquet du 14me, dont la seule couverture, escritte de sa
main, me guarit tout d'abord. J'ay estimé vous en devoir tenir adverti, crainte
que si le bruit estoit porté jusque là où vous estes, il ne vous tînt en
suspens. Vous ne le prendrez pas s'il vous plaist en mauvaise part, ne que je
continue d'estre,
Vostre trez affectionné.
De Paris, ce 22 Juillet 1622.
Depuis avoir escript, j'ay vérifié que Vivot avoit apprins la nouvelle d'un
vendeur de tailles douces (1)((1) Melchior
Tavernier.), lequel la tenoit de Messager imagier qui allègue un peintre
sans le nommer lequel disoit avoir apprins [475] du Père
Jésuite. Ce seroit un estrange artifice s'il avoit esté faict à dessein pour lui
nuyre et non pas un équivocque de quelque autre du mesme nom comme j'avois
pensé.
Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V., f° 670 v°.
CCLXXV L'ABBÉ DE St
AMBROISE A PEIRESC.(25 juillet 1622.)
Monsieur.
L'arrivée de Madame la Contesse de Touge a apporté une nouvelle à la Royne qui
l'a grandement faschée qui a dict que M. de Bonnaire luy avoit asseuré que M.
Rubens estoit mort. La Royne m'a commandé de vous escrire pour vous prier de
nous en mander des nouvelles asseurées ne pouvant croire qu'il soit mort ayant
eu de ses lettres peu de temps avant mon partement de Paris.
Je vous supplie de donner vos lettres au présent porteur qui les fera tenir par
la poste ici et en escrire un mot à M. de Lusson, qui est aussi bien fasché de
ceste nouvelle. Pour mon particulier je ne vous en sçauros tesmoigner le regret
que j'en ay. Sur quoy je finis la présente aprez vous avoir bien humblement
baisé les mains en qualité Monsieur de vostre très humble et très affectionné
serviteur.
Maugis, Abbé de St Ambroise.
A Pougues, ce 25 Juillet 1622.
Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de
Peiresc, t. V, f° 671 v°.
FIN DU TOME DEUXIÈME.
[476] ERRATA.
Le document CXXII doit être daté du 3 octobre 1609, au lieu du 5 novembre.
[476]
ERRATA.p. 208. | 5e ligne à partir au bas de la page, lire: inhibitions, au lieu de inhibitons. |
p. 217. | La date de la lettre est 28 mai 1619, et non 1618. |
p. 283. | Dans la note au bas de la page, lire: Crivelli, au lieu de Crevelli. |
p. 304. 24, lire: Livilla, au lieu de Lavilla. | Ligne |
p. 366. | L'adresse de la lettre doit être lue: Peiresc à Rubens, et non Rubens à Peiresc. |
TABLE.
[ID00501]
Rubens revenu à Anvers. | 1 | ||
CXVII. | Joachim d'Encenhear à | Bruxelles, 8 août 1609 | 5 |
CXVIII. | Patente des Archiducs Albert et Isabelle nommant Rubens peintre de leur hôtel. | Bruxelles, 23 septembre 1609 | 6 |
CXIX. | Balthasar Moretus à son frère Jean. | Anvers, 3 octobre 1609 | 10 |
CXX. | Daniel Heinsius à Pierre-Paul Rubens. | Anvers, 3 octobre 1609 | 12 |
CXXI. | Philippe Rubens à Pierre Pecquius. | Anvers, 5 novembre 1609 | 15 |
CXXII. | Philippe Rubens à son frère Pierre-Paul. | Anvers, 3 octobre 1609 | 20 |
CXXIII. | Les Archiducs au Magistrat d'Anvers. | Bruxelles, 20 janvier 1610 | 24 |
CXXIV. | Nicolas Rockox à Jacques De Bie. | Anvers, 3 janvier 1611 | 25 |
CXXV. | Nicolas Rockox à Jacques De Bie. | Anvers, 22 janvier 1611 | 26 |
CXXVI. | Nicolas Rockox à Jacques De Bie. | Anvers, 11 février 1611 | 27 |
CXXVII. | Nicolas Rockox à Jacques De Bie. | Anvers, 26 février 1611 | 28 |
CXXVIII. | Pierre-Paul Rubens à Jacques De Bie. | Anvers, 11 mai 1611 | 35 |
CXXIX. | Philippe Rubens à Marcus Velserus. | Anvers, 22 juillet 1611 | 38 |
CXXX. | Dominique Baudius à Pierre-Paul Rubens. | Amsterdam, 4 octobre 1611 | 43 |
CXXXI. | Pierre-Paul Rubens au Cardinal Serra. | Anvers, 2 mars 1612 | 48 |
CXXXII. | Dominique Baudius à Pierre-Paul Rubens. | Leide, 11 avril 1612 | 51 |
CXXXIII. | Dominique Baudius à Pierre-Paul Rubens. | Leide, 11 avril 1612 | 55 |
CXXXIV. | Le pensionnaire Josse De Weerdt à don Rodrigo Calderon, comte d'Oliva. | Anvers, 2 septembre 1612 | 60 |
CXXXV. | Réponse du Seigneur comte d'Oliva. Dominique Baudius à Pierre-Paul Rubens. | Leide, 21 février 1613 | 64 |
CXXXVI. | Jean Moretus à Jean Hasrey. | Anvers, 10 mars 1614 | 66 |
CXXXVII. | Jean Van den Wouwer à Balthasar Moretus. | Anvers, 17 mars 1614 | 67 |
CXXXVIII. | Pierre-Paul Rubens à l'archiduc Albert. | Anvers, 19 mars 1614 | 69 |
CXXXIX. | Justus Rycquius à Pierre-Paul Rubens. | Gand, 28 août 1614 | 74 |
CXL. | Jean Breughel de Velours à Ercole Bianchi. | Anvers, 24 décembre 1614 | 76 |
CXLI. | Balthasar Moretus à Philippe de Peralta. | Anvers, 9 avril 1615 | 78 |
CXLII. | François Sweerts à Guillaume Camden. | Anvers, 1 juin 1616 | 82 |
CXLIII. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 9 octobre 1616 | 85 |
CXLIV. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Louvain, 21 novembre 1616 | 91 |
CXLV. | Jean Breughel à Ercole Bianchi. | Anvers, 9 décembre 1616 | 92 |
CXLVI. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton | . Louvain, 30 décembre 1616 | 93 |
CXLVII. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Louvain, 6 février 1617 | 97 |
CXLVIII. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Louvain, 25 février 1617 | 99 |
[ID00502] CXLIX. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 2 mars 1617 | 102 |
CL. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 14 mars 1617 | 103 |
CLI. | George Gage à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 14 mars 1617 | 104 |
CLII. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Louvain, 24 avril 1617 | 107 |
CLIII. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Louvain, 26 juin 1617 | 109 |
CLIV. | Balthasar Moretus à Léonard Lessius. | Anvers, 15 juillet 1617 | 110 |
CLV. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 18 juillet 1617 | 111 |
CLVI. | Bernard Bauhusius à Balthasar Moretus. | Louvain, 1 août 1617 | 112 |
CLVII. | Bernard Bauhusius à Balthasar Moretus. | Louvain, 12 octobre 1617 | 114 |
CLVIII. | George Gage à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 23 août 1617 | 116 |
CLIX. | Lionel Wake à sir Dudley Carleton. | Anvers, 26 août 1617 | 118 |
CLX. | George Gage à sir Dudley Carleton. | Péronne, 1 novembre 1617 | 119 |
CLXI. | Balthasar Moretus à Jean Bleuwart. | Anvers, 16 novembre 1617 | 122 |
CLXII. | Pierre-Paul Rubens à François Swerts. | Anvers, février-mars 1618 | 124 |
CLXIII. | François Swerts à Guillaume Camden. | Anvers, 10 mars 1618 | 128 |
CLXIV. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 17 mars 1618 | 130 |
CLXV. | François Swerts à Guillaume Camden. | Anvers, 14 avril 1618 | 134 |
CLXVI. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 28 avril 1618 | 135 |
CLXVII. | Sir Dudley Carleton à Pierre-Paul Rubens. | La Haye, 7 mai 1618 | 145 |
CLXVIII. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 12 mai 1618 | 149 |
CLXIX. | Lionel Wake à sir Dudley Carleton. | Anvers, 19 mai 1618 | 160 |
CLXX. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 20 mai 1618 | 161 |
CLXXI. | Sir Dudley Carleton à Pierre-Paul Rubens. | La Haye, 22 mai 1618 | 164 |
CLXXII. | Sir Dudley Carleton à John Chamberlain. | La Haye, 23 mai 1618 | 167 |
CLXXIII. | Lionel Wake à Sir Dudley Carleton. | Anvers, 24 mai 1618 | 169 |
CLXXIV. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 26 mai 1618 | 170 |
CLXXV. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 26 mai 1618 | 174 |
CLXXVI. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 26 mai 1618 | 176 |
CLXXVII. | Sir Dudley Carleton à Pierre-Paul Rubens. | La Haye, 29 mai 1618 | 177 |
CLXXVIII. | Sir Dudley Carleton à Lionel Wake. | La Haye, 29 mai 1618 | 179 |
CLXXIX. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 1 juin 1618 | 181 |
CLXXX. | Lionel Wake à sir Dudley Carleton. | Anvers, 2 juin 1618 | 183 |
CLXXXI. | Inventaire des tableaux de sir Dudley Carleton. | La Haye, 11 septembre 1618 | 185 |
CLXXXII. | Lionel Wake à sir Dudley Carleton. | Anvers, 3 novembre 1618 | 188 |
CLXXXIII. | Pierre-Paul Rubens à Pierre Van Veen. | Anvers, 4 janvier 1619 | 194 |
CLXXXIV | Pierre-Paul Rubens à Pierre Van Veen. | Anvers, 23 janvier 1619 | 200 |
CLXXXV. | Pierre-Paul Rubens à P. De Visschere. | Anvers, 27 janvier | 213 |
CLXXXVI. | P. De Visschere à l'archiduc Léopold. | Bruxelles, 4 mai 1619 | 214 |
CLXXXVII. | Pierre-Paul Rubens à sir Dudley Carleton. | Anvers, 28 mai 1619 | 215 |
CLXXXVIII. | Henry Killigrew à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 8 juin 1619 | 219 |
CLXXXIX. | Lord Danvers à sir Dudley Carleton. | Cornbury Park, 12 juillet 1619 | 220 |
CXC. 1 | Thomas Locke à sir Dudley Carleton. | Westminster (?), 17 juillet 1619 | 22 |
CXCI. | Pierre-Paul Rubens à Paul Groë. | Anvers, 27 juillet 1619 | 223 |
CXCII. | Thomas Locke à sir Dudley Carleton. | Westminster (?), 31 juillet 1619 | 224 |
CXCIII. | Lord Danvers à sir Dudley Carleton. | Hatton-House, 7 août 1619 | 224 |
[ID00503] CXCIV. | Thomas Locke à sir Dudley Carleton. | Westminster, 18 septembre 1619 | 225 |
CXCV. | Pierre-Paul Rubens au duc Wolfgang-Guillaume de Bavière. | Anvers, 11 octobre 1619 | 227 |
CXCVI. | Peiresc à Gevaerts. | Paris, 25 octobre 1619 | 231 |
CXCVII. | Pierre-Paul Rubens au duc Wolfgang-Guillaume de Bavière. | Anvers, 7 décembre 1619 | 237 |
CXCVIII. | Peiresc à Gevaerts. | Paris, 17 janvier 1620 | 241 |
CXCIX. | John Wolley à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 8 février 1620 | 244 |
CC. | Pierre-Paul Rubens à Pierre Van Veen. | Anvers, 11 mars 1620 | 248 |
CCI. | Inconnu au comte Thomas d'Arundel. | Anvers, 17 juillet 1620 | 250 |
CCII. | Pierre-Paul Rubens au duc Wolfgang-Guillaume de Bavière. | Anvers, 24 juillet 1620 | 252 |
CCIII. | Jean Van den Wouwer à Balthasar Moretus. | Anvers, 1 octobre 1620 | 254 |
CCIV. | Peiresc à Gevaerts. | Paris, 3 octobre 1620 | 256 |
CCV. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 27 octobre 1620 | 259 |
CCVI. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 16 novembre 1620 | 260 |
CCVII. | Toby Matthew à sir Dudley Carleton. | Anvers, 25 novembre 1620 | 261 |
CCVIII. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 29 novembre 1620 | 264 |
CCIX. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 8 décembre 1620 | 265 |
CCX. | Pierre-Paul Rubens au duc Wolfgang-Guillaume de Bavière. | Anvers, janvier 1621 | 266 |
CCXI. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 5 janvier 1621 | 268 |
CCXII. | Sir Dudley Carleton à Thomas Locke. | Bruxelles, 13 janvier 1621 | 269 |
CCXIII. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 23 janvier 1621 | 271 |
CCXIV. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 28 janvier 1621 | 272 |
CCXV. | Pierre-Paul Rubens à William Trumbull. | Anvers, 26 janvier 1621 | 273 |
CCXVI. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 6 mars 1621 | 274 |
CCXVII. | Thomas Locke à sir Dudley Carleton. | Westminster, 18 mars 1621 | 275 |
CCXVIII. | Lord Danvers à sir Dudley Carleton. | St James, 27 mai 1621 | 277 |
CCXIX. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Anvers, 21 juin 1621 | 278 |
CCXX. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 31 juillet 1621 | 279 |
CCXXI. | Schilders à Peiresc. | Cambray, 19 août 1621 | 280 |
CCXXII. | Jean Breughel à Ercole Bianchi. | Anvers, 5 septembre 1621 | 282 |
CCXXIII. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 11 septembre 1621 | 284 |
CCXXIV. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 17 septembre 1621 | 285 |
CCXXV. | Pierre-Paul Rubens à William Trumbull. | Anvers, 13 septembre 1621 | 286 |
CCXXVI. | Antoine Sanderus à Pierre-Paul Rubens. | Gand,... septembre 1621 | 289 |
CCXXVII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 27 octobre 1621 | 290 |
CCXXVIII. | Jean Breughel à Ercole Bianchi. | Anvers, 29 octobre 1621 | 292 |
CCXXIX. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 26 novembre 1621 | 293 |
CCXXX. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 11 décembre 1621 | 313 |
CCXXXI. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. , 15 décembre 1621 | Bruxelles | 314 |
CCXXXII. | Thomas Locke à sir Dudley Carleton. | Westminster, 15 décembre 1621 | 314 |
CCXXXIII. | Lord Danvers à sir Dudley Carleton. | St James, 17 décembre 1621 | 315 |
CCXXXIV. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 23 décembre 1621 | 316 |
[ID00504] CCXXXV. | Peiresc à Guidi da Bagni. | Paris, 23 décembre 1621 | 324 |
CCXXXVI. | William Trumbull à sir Dudley Carleton. | Bruxelles, 31 décembre 1621 | 327 |
CCXXXVII. | Anna Roemers Visscher à Pierre-Paul Rubens. | Amsterdam, 1621 | 330 |
CCXXXVIII. | Peiresc à Aléandre. | Paris, 11 janvier 1622 | 333 |
CCXXXIX. | Jean Breughel à Ercole Bianchi. | Anvers, 11 février 1622 | 334 |
CCXL. | Peiresc à Guidi da Bagni. | Paris, 26 février 1622 | 336 |
CCXLI. | Peiresc à Gevaerts. | Paris, 26 février 1622 | 337 |
CCXLII. | Peiresc à Rockox. | Paris, 26 février 1622 | 339 |
CCXLIII. | Peiresc à Aléandre, | Paris, 7 mars 1622 | 340 |
CCXLIV. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 11 mars 1622 | 341 |
CCXLV. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 14 mars 1622 | 350 |
CCXLVI. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 17 mars 1622 | 351 |
CCXLVII. | Routart à Gevaerts. | Bruxelles, 30 mars 1622 | 354 |
CCXLVIII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 31 mars 1622 | 355 |
CCXLIX. | Laurent Beyerlinck au Card' Frédéric Borromée. | Anvers, 1 avril 1622 | 364 |
CCL. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 7-8 avril 1622 | 366 |
CCLI. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 8 avril 1622 | 375 |
CCLII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 14-15 avril 1622 | 379 |
CCLIII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 22 avril 1622 | 388 |
CCLIV. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 28 avril 1622 | 396 |
CCLV. | Peiresc à Gevaerts. | Paris, 28 avril 1622 | 399 |
CCLVI. | Pierre-Paul Rubens à Pierre Van Veen. | Anvers, 30 avril 1622 | 399 |
CCLVII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 6 mai 1622 | 402 |
CCLVIII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 13 mai 1622 | 405 |
CCLIX. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 19 mai 1622 | 410 |
CCLX. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 26 mai 1622 | 415 |
CCLXI. | Pierre-Paul Rubens à don Carlo Grimaldo. (Dédicace des Palais de Gênes.) | Anvers, 29 mai 1622 | 420 |
CCLXII. | Préface des Palais de Gênes. | Anvers, 29 mai 1622 | 422 |
CCLXIII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 2 juin 1622 | 430 |
CCLXIV. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 9 juin 1622 | 434 |
CCLXV. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 16 juin 1622 | 439 |
CCLXVI. | Pierre-Paul Rubens à Pierre Van Veen. | Anvers, 19 juin 1622 | 444 |
CCLXVII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 24 juin 1622 | 452 |
CCLXVIII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 1 juillet 1622 | 453 |
CCLXIX. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 8 juillet 1622 | 455 |
CCLXX. | P. -P. Rubens au Cardinal Frédéric Borromée. | Anvers, 8 juillet 1622 | 459 |
CCLXXI. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 15 juillet 1622 | 460 |
CCLXXII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 16 juillet 1622 | 465 |
CCLXXIII. | Peiresc à Pierre-Paul Rubens. | Paris, 21 juillet 1622 | 466 |
CCLXXIV. | Peiresc à Claude Maugis, abbé de St-Ambroise. | Paris, 22 juillet 1622 | 474 |
CCLXXV. | Claude Maugis à Peiresc. | Pougues, 25 juillet 1622 | 475 |
356vgl.
Max Rooses: L'oeuvre de P. P. Rubens: histoire et description de
ses tableaux. (5 Bände). Antwerpen 1886-1892.
357vgl.
Charles Ruelens: Pierre Paul Rubens. Documents et lettres. Brüssel
1877.
358vgl. William Noel Sainsbury: Original unpublished
papers illustrative of the life of Sir Peter Paul Rubens: as an artist
and a diplomatist. London 1859.
359Maria Pypelincx war am 19. Oktober 1608 verstorben. vgl. ihr , Antwerpen.
360vgl. das vom 18. Dezember
1606.
361vgl. die der Philipp Rubens: Electorum Libri II.
Antwerpen: Moretus; Antwerpen: Plantin, 1608..
362Am 8. Mai 1600 ließ Peter Paul Rubens sich einen
Reisepass für seine Italienreise ausstellen. vgl. das .
363vgl.
Joseph Justus Scaliger: Epistola de vetustate et splendore gentis
Scaligerae, et Iul. Caes. Scaligeri vita. Leiden: Officina Plantiniana,
1594.
364vgl. Caspar Schoppe: Scaliger Hypobolimaeus. Mainz:
Moguntiae. und die
365
Peter Paul Rubens: Palazzi di Genova. Antwerpen 1622.
366
Peter Paul Rubens: Palazzi di Genova. Antwerpen 1622.
367
Peter Paul Rubens: Palazzi di Genova. Antwerpen 1622.