Transkription

Le Second Livre Des Fables d'Esope Phrigien, ancien Poëte Gre̜c, escrites en prose & vers Françoys,auec leurs argumens – Fabulae <franz.> – Fables d'Esope Phrigien
Esope, Corrozet, Gilles
[Inhaltsverzeichnis]
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EX BIBLIOTHECA
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DUCIS BRUNSVICENSIS ET LUNEURGENSIS
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151.
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LE SECOND LIVRE DES FABLES d’Eſope Phrigien, ancien Poëte Gręc, eſcrites en proſe & vers Françoys, auec leurs argumens.
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Auec priuilege du Roy.
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A’ PARIS, Par Eſtienne Groulleau, demourant en la rue Neuue noſtre Dame à l’enſei= gne ſaint Ian Baptiſte. 1548.
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IL eſt permis à Eſtienne Groulleau mar- chand Libraire & Imprimeur à Paris, im- primer & vendre le Second liure des Fables d’Eſope Phrigien, & defendu à tous autres Libraires & Imprimeurs de ce Royaume, de non imprimer ne vendre ledit liure, i???ſques à ſix ans apres qu’il ſera acheué d’imprimer: ſur les peines contenues ou priuilege, ſur ce donné à Paris le xxvii. iour de Mars auant Paſques, mii d. xlvij. Signé Barillon, & séellé ſur ſimple queuë de c???re iaune.
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GILLES CORROZET Pariſien, au Lecteur.
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TOus les anciens, & mo- dernes, qui ſe ſont voulu entremettre d’eſcrire les geſtes & faitz, façons de vi- ures, conditions vertueuſes & vicieu- ſes des hommes, s’ilz n’ont eu l’inten- tion, ou la hardieſſe, de les manifeſter à leurs contemporains & ſucceſſeurs, par oraiſon nue & decouuerte, ilz ont inuenté pluſieurs ſubtiles manieres & diuers ſtiles pour ſe faire entendre aux plus ingenieux eſpritz, à fin que la ve- rité cachée ſous telles eſcorces ioigniſt le plaiſir auec l’vtilité. Sur ce fonde- ment ainſi iete’ ont eſte’ baſtiz diuers edifices: car pour de guiſer l’Hiſtoire, la Poëſie, par ſa viuacité en vers Græcz & Latins, a produit la Comedie, la Tra- gedie, la Satire, les Metamorphoſes: & [ID00006] en carmes François les miſteres, les moralitez, & les farces. La proſe nous a donné auſsi maintes fables en icelles langues, & en François a mis en ieu les Romans, les contes, facecies, rencon- tres, & autres inuentions, au plaiſir de leurs auteurs. Toutes leſquelles eſpe- ces trouuées par les Gentilz, & conti- nuées par les Creſtiens (en ta ̅ t que tou- che vertu) en leurs differentes langues ont eſté par ceux qui n’en ont veu que l’aparence reputées menſonges, con- tennant icelles, ainſi que lettres inuti- les, & non cherchant l’eſprit enſeue- ly en telles varietez. Par ceſte ignora ̅ - ce s’eſt enſuiuy, que les fictions mora- les ont eſté reietées auec les laſciues & impudiques, co ̅ fondant les vnes pour les autres: Car aucuns ſont tant ſeue- res, les autres, à leurs auis, tant ſages, & les tiers tant beſtes, que des qu’ilz ont regarde’ ces motz Poëſie, fable, fi- ction, en quelque ſtile que ce ſoit, ſans [ID00007] autre iugeme ̅ t, ilz reietent & le titre, & l’œuure: comme i’ay veu ſouuent faire à pluſieurs, leſquelz en oyant nom- mer les fables d’Eſope, tout inco ̅ tinent ??? es deſdaignoient & en deſgoutoient les autres, s’arreſtans ſeulement à l’ha- bit, & non à la perſonne. Telles gens ???e ſçauent combien de force a vne fa- ble, pour perſuader, diſſuader, & tour- ner les courages des auditeurs au but de celuy qui les recite. Demoſtenes s’en trouua tresbien, quand il propoſa aux Atheniens la fable des Breb iz, leſ- quelles en faiſant paix auec les Loupz, leur liurerent leurs Chiens de garde, & ainſi deſtituées de defenfe furent deuorées des Loupz famis. Par ceſt a- pologue les Atheniens entendirent bien, que s’ilz, donnoient Demoſtenes en la puiſſance de leurs ennemys, quilz ſe mettoient en da ̅ ger (par fau- te de conſeil) de perdre leur ville. Me [ID00008] nenius Agripa recitant au peuple Ro- main la fable des me ̅ bres & du corps, le reco ̅ cilia auec le Senat: ce que n’a- uoient ſceu faire les perſuaſions des ſages. Temiſtocles, auec la fable du Heriſſon & du Renard, fit vn grand bien à ſes concitoiens. Les deux ſacrez teſtamens contiennent beaucoup de telles ſimilitudes co ̅ cernantes les œu- ures morales. Il eſt eſcrit au ix. chapitre du liure des Iuges, que Ioathan faiſant vne hara ̅ gue au peuple de Sichen, qui auoit eleu Abimelech pour ſon Prin- ce, leur alega, que les arbres auoient voulu faire vn Roy, & de fait l’Oliue, le Figuier, & la Vigne, refuſerent ceſte authorité: au dernier s’adreſſerent à l’Eſpine, luy diſant: Co ̅ mande, & do- mine ſur nous. Elle reſpondit: Si vous m’auez conſtitué pour voſtre Roy, ve- nez & vous repoſez ſous mon ombre, ſi vous ne voulez, le feu ſorte de l’Eſ [ID00009] pine & em braſe les Cedres de Liban Par ceſte parabole il ſignifia leur lege- reté & la cruauté du Prince, en la puiſ- ſance duquel ilz s’eſtoient aſſubietiz. Ainſi en vſa noſtre Poëte Græc Eſope, lequel Nature, pour recompenſe de la di formité de ſon corps, auoit doué des graces de bon eſprit. Et ſemble qu ice- luy enuers les Græcz en ayt eſte’ l’in- uenteur. En recognoiſſance dequoy, ſuyua ̅ t de loing ceux qui luy ont por- té bo ̅ ne affection, apres auoir mis cent d’icelles fables en lumiere, quelque te ̅ ps y a, i’ay de rechef aioint à icelles lxxi. autres fables du meſme autheur: toutesfois en changea ̅ t de diſpoſitio ̅ , & meſla ̅ t la proſe parmy lesvers, à fin de co ̅ te ̅ ter les amateurs de l’vne & l’autre maniere de dire. A Dieu Lecteur, ly & fay ton profit. De Paris le xxii. Iuin.1548Plus que moins
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Beauté d’eſperit.
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Vertu & ſageße
D’vn bon eſperit,
Vaut mieux que richeſſe,
Qui paſſ¢ & perit.
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Du Renard & du Leopard. Fable CI.
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VN Leopard contr¢ vn Renard auoit
Quelque debat, qui touch oit leur beauté,
Sa belle peau tant bien priſer ſçauoit,
Pour ſes couleurs & leur di uerſité:
Mais le Renard plein de ſubtilité
Par deſſus luy ſe reputoit tres beau,
Atribuant trop plus de dignité
Et de beauté à l’eſprit, qu’à la peau.
Si ma peau n’eſt tant que la tienne belle,
Diſt le Renard, certes i’ay qui vaut mieux,
l’ay quelque peu de ſens en ma ceruelle,
Dont ie me tien plus que toy glorieux:
I’ay vn ſçauoir ſubtil, ingenieux,
Prompt, & gentil, qui toute beauté paſſe,
Et n’eſt habit tant bon & precieux,
Quant à ſon pris, que l’engin ne ſurpaſſe.
Toute beauté ſubiet¢ à l’accident,
Dont l’argument giſt en corps & en biens,
S’il luy ſuruient vn petit in cident
D’auerſité, elle ſe tourn¢ en riens:
Toſt ſont paſſez les plaiſirs terriens,
Beauté de corps languiſt comm¢ vne Roſe:
Mais l’eſperit, par les fruitz qui ſont ſiens,
Touſiours eſt beau par deſſus toute choſe.
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Contre ceux, qui muent d’eſtat, & non de meurs.
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Vn homme mauuais de naturc
Et mal norry en ſa ieuneſſe,
Quelqu¢ honneur qu’il ayt d’auanture,
Ses meurs ne chang¢ en ſa vieilleſſe.
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De la Formis. Fab. c CII.
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LA Formis, que voyez maintenant, fut ia- dis homme, lequel gaignant ſa vie à la- bourer les terres, ne ſe contentoit point de ſes propres labeurs, ains deſ???oboit les fruitz de ſes voyſins. Iupiter indigné de l’auarice d’iceluy, le tranſmua en ceſte petite beſtelet- te, qui s’apelle Formis. Vray eſt que quand il mua la forme, il ne changea pas les affections: car maintenant & iuſques au iourd’huy en allant aux heritages d’autruy, il deſrobe les fruitz du labeur de tous les voyſins, & les porte chez ſoy.Ceſte fable veult ſig nifier, que les mauuais par nature, quelque mutation d’eſtat qu’ilz facent, & fuſſent ilz eſſeuez aux plus haux ho ̅ neurs, toutesfois ilz ne muent leuts meurs & ne peuuent oublier les mauuaiſes couſtu- mes, eſquelles ilz ont eſté norriz en ieuneſſe.
|| [ID00014]

Concorde & diuiſion.
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C’eſt vn grand bien, ioyeux, & dele= ctable,
Quand les parens viuent enſemblément
En bonne paix, & amyablement,
Et que l’vn eſt à l’autre ſecourable.
|| [ID00015]

Du Laboureur & de ſes filz. Fable CIII.
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VN ho ̅ m¢ auoit des enfa ̅ s trois, ou quatre,
Qui ſevouloie ̅ t touſiours fraper & batre
Et ne pouuoit iamais les apointer:
Mais pour ce fait il ſe fit aporter
Petitz baſto ̅ s, propres, comm¢ il luy ſemble,
Et les lia en vn fagot enſemble,
Ses filz preſens, auxquelz il preſenta
Celuy fagot: puys les amonneſta
L’vn apres l’autr¢ à le rompr¢ & briſer.
Lors pour ce fair¢ ilz ſe vont diſpoſer,
Chac un d’iceux pour le rompre s’eſforce,
L’vn perd ſon temps, l’autr¢ y laiſſe ſa force,
Sans exploiter ne faire rien qui vaille.
Adoncq’ le per¢ à chacun d’eux leur baille
Iceux baſtons, à part & ſeparez,
Qui ne font pas trop long temps demourez
En leur entier: car vn chacun à part
Rompit les ſiens, & en fit mainte part.
Ce que voyant le pere, leur va dire:
Mes beaux enfans, voyez, qu’il n’eſt rie ̅ pire
Qu’eſtr¢ en debat, noyſifz, & diuiſez,
Vous le voyez par les baftons briſez.
Doncq’ ſi voulez par acord eſtr¢ vniz,
Encontre tous ſerez fortz & munis,
Toute choſe eſt durable par concorde,
Et ſe perit & deſtruit par diſcorde.
|| [ID00016]

Contre les trop craintifz.
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L’homme trop paoureux
Sa fortune pert:
Mais le bien expert
Eſt touſiours heureux.
|| [ID00017]

Du Cerf, & du Bichot. Fable CIIII.
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QVelque fois le Bichot s’arraiſonna au Cerf, & luy dit ainſi: Mon pere, il m’eſt auis, que tu es plus grand & plus leger à la courſe que les chiens: & d’auantage, tu as de grandes cornes pour te defendre: pourquoy do ̅ cques as-tu telle crainte d’eux? Et le Cerf en riant luy reſpondit: Ce que tu dis eſt vray, mon filz: mais ie ſçay vne choſe, que tout auſsi toſt que i’eſcoute l’aboy des Chiens, ie ne ſçay quel chemin pre ̅ de pour m’en fuir.Ceſte fable donne à entendre, que ceux qui ſont craintifz par nature, quelque amo- nition qu’on leur donne, ne peuuent eſtre aſſeurez. Et à ce propos dit Virgile, que For- tune ayde aux hardiz, & qu’elle reiete les craintifz.
|| [ID00018]

Superfluité empeſche de bien faire.
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Pluſieurs durant leur pauureté
Sont vertueux & gens de bien:
Mais s’ilz ont richeſſ¢ à planté,
Maintesfois ilz ne vallent rien.
|| [ID00019]

D’vne femme & de ſa Poule. Fable CV.
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AVcune femme norriſſoit
Vne Gelin¢ en ſa maiſon,
Qu’ell¢ aymoit fort & cheriſſoit,
A cauſe qu’en toute ſaiſon
Luy ponnoit vn œuf frais, de rente,
Dont ne fut pas aſſez contente.
La femme penſant que d’autant
Plus à manger luy bailleroit,
Qu’ell¢ iroit touſiours augmentant,
Et que du moins deux œufz pondroit,
Dequoy ell¢ eſtoit ſi friande,
Luy bailla beaucoup de viande.
Pour l’abondante norriture,
La Geline deuint ſi graſſe,
Que contre couſtum¢ & nature,
De pondr¢ vn œuf elle fut laſſe,
Et on cques depuys œuf ne fit,
Ny à ſa maiſtreſſe profit.
Ainſi pluſieurs tandis qu’ilz ſont
Pauures de biens & de richeſſe,
Profit, vertu, & grans biens font,
Par leur induſtri¢ & ſageſſe:
Mais s’ilz ont des biens abondance,
Tout celà tourn¢ en decadence.
|| [ID00020]

Conſeil, ou dommage.
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Le conſeil du ſage
Il nous faut garder,
Ou nous hazarder
A’ noſtre dommage.
|| [ID00021]

De la Tortue & de l’Aigle. Fable CVI.
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LA Tortue eſt peſante de nature, & pour- ce elle habite touſiours contre la terre. ??? n iour elle fit requeſte à l’Aigle, qu’il luy ???leuſt de ſa grace luy aprendre à voller, & ???u’elle auoit deſir de monter haut, pour voir ???es choſes qui ſont ſur la terre: mais l’Aigle, en l’amonneſtant, luy reſpondit: qu’elle ſe contentaſt de l’eſtat ou elle eſtoit, & que c’e- ſtoit choſe impoſsible & hors de ſon naturel, qu’elle peuſt voller. Toutesfois la Tortue en plus grande inſtance la prioit de luy faire ce plaiſir. Parquoy l’Aigle obtemperant à ſa de- mande, la print entre ſes ongles, & la porta bien haut en l’ær, puys la laiſſa tomber en terre parmy des durs cailloux, co ̅ tre leſquelz elle ſe froiſſa & mourut.Ainſi font pluſieurs, qui ne veulent croy- re le conſeil des hommes prudens es choſes, qui concernent leurs affaires: par laquelle faute ilz ſe treuuent deceuz & tombent en gros inconuenieus, tant de leurs biens, que de leurs perſonnes.
|| [ID00022]

Contre les flateurs & aſſentateurs.
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Il ne faut point flater le dé
Ny auoir langage fardé
Il faut que verité on die
De ſanté, ou de maladie.
|| [ID00023]

Du Medecin & du Malade. Fable CVII.
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VN Medecin pres vn malad¢ eſtoit,
L’interrogant comment il ſe portoit.
??? pacient au lict conſtitué
???y reſpondit, qu’il auoit fort ſué
???us que deuoir. Certes c’eſt tresbon ſigne,
???e diſt à lors le maiſtr¢ en Medecine.
???Vn autre iour, ce Medecin gentil,
???uy demanda, comment luy eſtoit il.
??? iſt le malad¢, il m’eſt auis & ſemble,
???u’il m’eſt treſmal: car ie friſſonn¢ & tre ̅ ble.
???e n’eſt que bien, ce diſt le Medecin.
???e iour d’apres, que s’aprochoit la fin
???u pacient, luy demanda encores
???Quel il eſtoit, comm¢ il ſe ſentoit ores.
???elas! diſt il, i’ay vn flux trop debile.
Celà va bien, & vous eſt fort vtile,
Ce reſpondit ce Medecin flateur.
Tantoſt ſuruint vn priué ſeruiteur,
Qui demanda au malade comment
Il ſe portoit. Helas mauuaiſement!
Reſpondit il: car il me faut mourir
Combien qu’on dit que ie doyue guerit.
Ainſi pluſieurs ſouuent ſont abuſez,
Par telz flateurs, ſimulateurs ruſez:
|| [ID00024]

Qui bien ou mal à l’apetit conſentent,
De ces gens là, qui depuys s’en repentent.

Aymer ce qui nous eſt contraire.
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Souuent nous blaſmons
Ce, qui est vtile:
Et choſe inutile
Louons & aymons.
|| [ID00025]

De la Biche. Fable CVIII.
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VNe Biche borgne d’auanture paiſſoit au long du ???iuage de la Mer, aya ̅ t l’œil, du- quel elle voyoit clair vers la terre, à fin de ſe garder des Veneurs, & celuy duquel elle ne voyoit goute elle l’auoit du coſté de la Mer, comme ne ſe doutant qu’il luy peuſt venir quelque accident d’icelle partie. Ce penda ̅ t paſſoit par ceſte coſte vne nauire, & tout auſ- ſi toſt la Biche fut aperceuë de ceux qui e- ſtoient dedans, l’vn deſquelz luy tira vn trait, & la naüra à mort. La pauure Biche ſe ſentant frapée, ſe print à pleurer, & faire ſes regretz: Helas! diſoit elle, il ne m’eſt auenu aucun mal du coſté que ie craignois le plus: mais de ce- luy, duquel ie ne me defiois point, i’ay eſté trahie.Nous voyons par ceſt Apologue, que les choſes, qui nous ſemblent nuyſibles, nous ſont ſouuent les plus vtiles: & celles, qui nous ſemblent vtiles, nous portent aucunesfoys nuyſance.
|| [ID00026]

Ne changer l’eſtat à quoy on ſe cognoiſt.
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Qui ſeveult meſter d’vn affaire,
Dont iamais il ne ſceut rien faire,
Et il luy en vient du dommage,
Il n’eſt pas estimé pour ſage.
|| [ID00027]

De l’Aſne & du Loup. Fable CIX.
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AInſi qu’vn Aſne s’esbatoit,
Et dedans vn verd pré ſautoit,
???l ſe mit au pied vue eſpine:
Dequoy il ſe print à clocher,
Et pour ſa gueriſon chercher,
Deuers le Loup vient & s’encline.
Helas (diſt il) Loup, bien ie voy,
Que ie ſuis viande pour toy,
Ou pour les Corbeaux, vrayement,
Mais fay moy ce bien, & me tire
L’eſpine, qui mon pied martire,
???’en mourray plus ioyeuſement.
Lors le Loup tir¢ à belles dents,
L’eſpine, qui eſtoit dedans
Le pied de l’Aſne, qui ſentit
La douleur moindre, ſi delaſche
Vn coup de pied au Loup tant laſche,
Et plat en terre l’abatit,
Ah! diſt le Loup, ie ſoulois eſtre
Cuiſinier: mais i’ay fait du maiſtre
Medecin, ſans experience.
Celuy eſt fol, & fait grand vice,
Qui delaiſſe ſon artifice,
Pour vaquer a autre ſcience.
|| [ID00028]

Ne rendre mal pour bien.
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Qui ſans equité
Offenſ¢ vn amy
Il a merité
D’en estre puny.
|| [ID00029]

De la Biche & de la Vigne. Fable CX.
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VNe Biche, fuyant les Veneurs, ſe mit à couuert deſſous vne Vigne ſi coyement, qu’ilz paſſerent outre, ſans l’aperceuoir. Elle penſant en ſoymeſme eſtre bien cachée, & ayant oublié ſa premiere peur, commença à brouter les fueilles de la Vigne, qui ſe prin- drent à mouuoir & trembler, au moyen de- quoy les Veneurs iugerent, qu’il y auoit quel- que beſte cachée en ceſte Vigne. Parquoy re- to urnans vers icelle ieterent pluſieurs coups de trait droitement ou ilz voyoient le trem- blement, & la naürerent à mort, laquelle en rendant les derniers ſoupirs, diſoit ainſi: Ie ſeufre cecy iuſtement: car il ne me faloit pas ofenſer ce ux qui me gardoient.Par ceſte fable nous pouuons cognoiſtre, que le vice d’ingratitude eſt digne de puni- tion: & que ceux qni fontiniure, ou tort, à leurs biensfaiteurs, ſeufrent à bon droit les maux & auerſitez, qui apres leur ſuruien- nent.
|| [ID00030]

Eſtre ſage par experience.
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Qui eſt eſchapé d’vn danger,
S’il eſt prudent, il n’y retourne,
L’experience l’en deſtourne,
Qui fait l’opinion changer.
|| [ID00031]

Du Paſteur & de la Mer, Fable CXI.
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QVelque Paſteur aſſez rud¢ & ſauuage
Gardoit ſon parc, pres le bord & riuage
D’vne grand’ mer: & là voyant posée,
Pour nauiguer, tranquil¢, & diſposée,
Delibera le nauigage prendre,
Et pour ce fair¢ alla ſes Brebiz vendre,
Puys de l’argent il ſe fit gros marchand
Monta ſur mer, & s’en alla cherchant
Les loings païs, pour vendre ſes denrées.
Luy nauigant par eſt ranges contrées
La Mer s’enfla, les grans vens ſe leuerent
Contre les flotz & vagues ſe ruerent
Par tel effort & tempeſte ſi grande,
Qu’entre les eaux perit la nef marchande
Et à grand peine eſchapa du naufrage
Celuy marchand, qui apres le dommage
De tous ſes biens, & richeſſe perie,
Reprint l’eſtat de ſimple bergerie.
Vn temps apres voyant la mer tranquile,
Il diſt en ſoy: Ha mer faulſ¢ & ſubtile,
Tu te fais douce à fin que de rechef,
Ie perd¢ en toy mes biens, en grief meſchef,
Ie ne ſuis pas ſi ſot & imprudent
D’eſtre eſchapé d’vn manuais accident
|| [ID00032]

Et puisapres y retourner: car certes
L’homm¢ eſt fait ſag¢ à cauſe de ſes pertes.

Prendre ſon ennemy à ſon auantage.
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Le caut diß mule
Pour mieux aſſaillir,
Souuent on recule
Pour plus loing ſaillir.
|| [ID00033]

De l’Aſne & du Lyon. Fable CXII.
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VN Aſne & vn Coq eſtoient quelque iour dans vn pré, ou ilz mangeoient enſem- ble. Sur l’heure arriua vn Lyon, qui s’apro- cha de l’Aſne, & le Coq à l’inſtant ſe print à chanter. Adonques le Lyon ſe mit en fuyte: car on dit qu’il craint grandement le chant du Coq: parquoy l’Aſne, penſant qu’il s’en fuyſt de la peur qu’il auoit euë de luy, cou- rut apres le Lyon, lquel voyant que l’Aſne l’auoit ſuiuy ſi loing, que le chant du Coq ne pouuoit paruenir iuſques à eux, ſe retourna contre l’Aſne & le deuora, lequel en mou- rant, s’eſcria: O moy miſerable & fol que ie fuis! (dit il) qui ay voulu aſſaillir mon mai- ſtre, & luy faire guerre, veu que ie ne ſuis pas né de parens preux & vaillans en bataille!Ceſte fable ſignifie, que pluſieurs hom- mes par fole hardieſſe aſſaillent ceux, deſ- quelz ilz ſont en fin occiz: pource que les autres, vſans de prudence militaire, les ſça- uent prendre à leur auantage.
|| [ID00034]

Beaucoup promettre & faire peu.
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Quiconques promet
Vn cas impoſsible,
Ft l’effait n’y met,
Eſt à tous riſible.
|| [ID00035]

D’vne Sorciere. Fable CXIII.
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VNe Sorcier¢ enchantereſſe,
Pour gaigner argent en maints lieux,
Faiſoit à vn chacun promeſſe
D’apaiſer les ires des dieux,
Diſant, qu’elle tenoit les cieux,
Et toute conſtellation,
Temps ſerein, & temps pluuieux,
Eau, & terr¢ en ſubiection.
Aucuns de ceſte region
L’acuſerent à la iuſtice:
Car contre la religion
Ell¢ exerçoit ſon malefice.
Lors celuy, qui auoit l’ofice
De Iug¢, à mort la condanna:
Parquoy pour punir ſa malice
Au feu ardant on la mena.
Quelqu’vn, qui la vid, luy va dire:
Tu auois promis d’empeſcher
Des haux dieux la fureur & l’ire:
Mais rien n’y vaut ton haut preſcher:
Car tu ne t’es peu depeſcher
Des hommes, qui à mort te mettent.
Le peu fair¢ eſt à reprocher
A ceux là qui beaucoup prom???ettent.
|| [ID00036]

Dieu reſiſte aux orgueilleux.
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C’eſt vne grand’ faute,
Dont peine s’enſuyt,
Quand parole haute
A ſon maistre nuit.
|| [ID00037]

Des deux Coqs. Fable CXIIII.
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DEux Coqs ſe batoient enſemble, pour l’amour de leurs Gelines, tant que l’vn mit l’autre en fuyte, lequel comme vaincu & chaſsé de pres, ſe ieta dans vn lieu obſcur, & ſe cacha. Mais celuy qui auoit vaincu, enflé de ſa victoire, s’en vola ſur vne haute mu- raille, ou il commença à cha ̅ ter à haute voix, & tout ſoudain vne Aigle auolant de haut le vint rauir, & en fit proye: Et celuy qui s’e- ſtoit caché, quand ſa peur fut paſsée, ſe vint mettre en la compagnie des Gelines.Par ceſte Fable eſt demonſtré, que Dieu reſiſte aux orgueilleux & les puniſt, & don- ne ſa grace & bienueillance aux humbles.
|| [ID00038]

Ne faire rien ſans conſeil.
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Qui par conſeil ſes actes fait.
Il ne reste rien imparfait
En tout celà qui en deſpend,
Et iamais il ne s’en repent.
|| [ID00039]

Des deux Grenoilles. Fable CXV.
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DEdans vn eſtang habitoient
Deux Grenoilles, qui ſe hantoient
Si priuément, que la fortune
Eſtoit à toutes deux commune.
Par la grand’ chaleur de l’eſté,
Qui boit toute l’humidité,
Beaucoup d’eſtangs à ſec tarirent,
Dont les Grenoilles s’esbahirent.
Par faute d’eau de l’eſtang ſortent
Et deuers vn Puys ſe tranſportent,
Ou l’vne vouloit pour deſcendre
Y faire l’autre condeſcendre,
Mais l’autre reſpondit ainſi:
Si le Puys ſe tariſt auſsi,
Nous, fruſtrées par ce defaut,
Comment monterons nous en haut?
Car il ne faut, ſans y penſer,
Aux entrepriſes s’auancer,
Pource qu’au lieu de l’auantage
Souuent on reçoit grand dommage.
On ne void point au ſage faire
L’entrepriſe de quelqu¢ affaire
Sans voir quell¢ en ſera l’yſſue,
Pour eſtre laiſsé¢, ou receuë.
|| [ID00040]

Prendre ſa partie auerſe par ſes paroles.
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C’eſt ſubtilité
Quand vn mot contraire
Est bien reieté
Contre l’auerſaire.
|| [ID00041]

De la Truy e & de la Chienne. Fable CXVI.
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LA Truye & la Chienne ſe tanſoient & iniurioient l’vne l’autre: & la Truye iu- roit par la déeſſe Venus, qu’auecques ſes dents elle mettroit la Chienne en pieces. La Chienne, par diſsimulation, luy dit: Tu iu- res folement par le nom de la déeſſe à l’enco ̅ - tre de moy, comme voula ̅ t dire, qu’elle t’ay- me grandement: mais au contraire, comme degouſtée de ta chair orde & ſalle, elle ne per- met en nulle maniere qu’elle ſoit offerte en ſon temple. Pour ceſte cauſe, dit la Truye, me porte la déeſſe ſi grand’ amour, qu’en me preſeruant la vie, elle ſe monſtre ennemye à to us autres animaux, leſquelz elle veult eſtre occiz & ſacrifiez ſur ſes autelz. Mais toy, ſoit que tu ſois viue, ou morte, ta chair eſt touſ- iours puante.Ceſte Fable demo ̅ ſtre que tout ainſi font les prudens Orateurs, qui par grand artifice conuertiſſent à leur louange les iniures, qui leur ſont obiectées par leurs ennemys.
|| [ID00042]

Parler contre ſoymeſme.
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Ignoranc¢ eſt ſi indiſcrete,
En ſon parler ſi mal ſecrete,
Que quand elle penſe bien dire
Contre ſoy la verrez deſdire.
|| [ID00043]

Du Medecin & de la Femme. Fable CXVII.
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VNe vieillot¢ ayant mal à la veuë
Et ſe ſentant de clarté deſpourueuë
Promit d’argent & d’or bien grande ſomme
A vn tel quel Medecin bien pauur¢ homme,
???’il la pouuoit par ſon ſens & ſçauoir
A pertement & clair la faire voir.
Le marché fait ainſi qu’il fut promis
Le Medecin à la penſer s’eſt mis:
Mais chaque fois que penſer la venoit
Quelqu¢ vtenſil¢ en la maiſon prenoit
Si celément, que rien elle n’en ſceut:
Et toutesfois elle s’en aperceut
Apres qu’ell¢ eut la veuë recouuerte.
Oonq’ ſe voyant greuée pour la perte
Au Medecin demandant ſon ſalaire
En iugement, luy va reſponſe faire:
Tresbien payé certes de moy ſeras
Quand de mes yeux voir clair tu me feras.
Il eſt bien vray, que moy aueugl¢ eſtant
Vy ma maiſon pleine de biens autant
Qu’on ſçauroit dir¢, & ores que ie voy
Comme tu dis ie ne voy rien chez moy.
Par ce propos trop haſtif & volage
Eſt demonſtré que l’homme bien peu ſage
|| [ID00044]

Cuydant parler voire à la bonne foy
Le pluſſouuent il parle contre ſoy.

Mauuaiſe nature dificile à changer.
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Bonne norriture.
Hanter, & manger,
Ne peuuent changer
Mauuaiſe nature.
|| [ID00045]

Du Paſteur & du Loup. Fable CXVIII.
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QVelque Paſteur trouua vn petit Lou- ueteau non ueau né, lequel il porta en ???a maiſon, & le norrit auec ſes Chie ̅ s. Quand ???l fut deuenu grand il alloit aux champs a- ???necques les Chiens garder les Brebiz: Et ſi d’auanture vn Loup emportoit vne Brebis, il couroit apres quand & les Chiens, & lors que ???es Chiens eſtoie ̅ t las de courir & s’en retour- noient, il couroit apres le Loup larron, & l’ayant ataint il mangeoit ſa part de la proye: p uys s’en retournoit. Et s’il n’eſtoit en la puiſ ſan ce du Loup larron d’emporter la Biebis, le Loup domeſtique en eſtra ̅ gloit vne ſecre- tement, & la ma ̅ geoit acompagné des Chiens, & fit celà pluſieurs fois, iuſques à ce que le Paſteur, l’ayant ſceu & aperceu, le tua.L’intention de ceſte Fable eſt de donner à entendre, que pluſieurs, nonobſta ̅ t les bon- nes meurs à quoy on les induit, & l’acouſtu- mance, en laquelle ilz ſont norriz, ilz ne cha ̅ - gent iamais leur mauuaiſe nature.
|| [ID00046]

Se garder de la fraude d’autruy.
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De l’homme cauteleux & fin
Garde toy bien iuſqu’à la fin:
Car faux ſemblant ſçait tant de ruſe
Que le prudent ſouuent abuſe.
|| [ID00047]

Du Chat & des Souriz. Fable CXIX.
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VN Chat cherchant la venaiſon,
Cognoiſſant qu’en vne maiſon
Y auoit des Souriz beaucoup,
Y alla pour faire ſon coup:
Et de fait en mangea aucunes.
Les autres voyans ces fortunes
Es haux greniers ſe retirerent
Et là longuement demourerent,
Tant que le Chat n’en vid plus nulle:
Parquoy vn peu il diſsimule
Deliberant les atraper.
Or que fit il pour les tromper?
Penſant en ce point les ſurprendre
Les piedz en haut il s’alla pendre
Contr¢ vn mur à vne cheuille,
Faignant que la mort, qui tout pille,
L’auoit là mis & eſtendu:
Mais vn Rat ſag¢ & entendu
Le voyant faire telle mine,
Diſoit: O faulſe beſte fine!
Quand mort & roide tu ſerois
De ton corps ie n’aprocherois:
Car les bien experimentez
Des fineſſes d’autruy tentez
|| [ID00048]

Pour tout celà qu’ilz peuuent voir
Ne ſe laiſſent point deceuoir.

Preparer le mal & receuoir la peine.
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Qui cherche la destruction,
Et mal à autr uy apareille,
Selon droit & pour la pareille
Il en reçoit punition.
|| [ID00049]

Du Lyon, du Loup, & du Renard. Fable CXX.
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LE Lyon, eſtant deuenu bien vieux, eſtoit couché malade en ſa cauerne, en laqu el- le toutes les beſtes l’allerent viſiter comme leur Roy, ſinon le Renard. Le Loup donques ayant trouué ocaſion de faire mal au Renard, l’acuſa deuant le Lyon, diſant, qu’il ne faiſoit conte de ſon Seigneur, & ne l’eſtoit ven??? vi- ſiter ainſi que les autres. Le Renard arriuant de bonne fortune en la cauerne, auant que le Loup euſt acheué ſa harangue, ouyt les der- nieres paroles de l’acuſation faite contre luy. Le Lyon le voyant arriuer ſe print à le regar- der de trauers & grinſer les dents: mais le Re- nard demandant licence de ſe iuſtifier co ̅ tre la calomnie du Loup, diſt: Qui ſont ceux de la compagnie, qui ayent autant trauaillé pour la recouurance de la ſanté du Roy que moy? qui n’ay ceſſé d’aller & de venir ſur tous les Medecins de ce païs, pour trouuer medica- ment propice à voſtre ſante? lequel i’ay trou- ué à la fin? Et comme le Lyon luy comman- daſt de declarer promptement ceſte medeci- ne, il diſt: Sire, ſi vous eſcorchez le Loup tout vif, & vous enuelopez de la peau toute chau [ID00050] de vous ſerez guery. Le Lyon vſa de ce con- ſeil, & le Renard voyant le Loup mort giſant à terre, diſt en riant: Il ne faut pas ainſi pro- uoquer ſon Seigneur à malueillance contre ſon prochain, ains l’induire à douceur & be- neuolence.Ceſte Fable nous enſeigne, que qui ma- chine quelque mal à l’encontre d’autruy, le pluſſouuent il ſe treuue pris es laqs qu’il luy auoit preparez.

Sageſſe requiſe au Prince.
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Si vn Princ¢, ou vn Gouuerneur,
Ne ſçait ſoymeſme ſe conduire,
Comme pourra il par honneur
A bien viure les ſiens induire?
|| [ID00051]

Du Renard & du Singe. Fable CXXI.
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EN vn beau champ les beſtes s’aſſemblere ̅ t
A fin d’eſlir¢ & fair¢ vn nouueau Roy,
Aucuns d’entr’eux le concile troublerent,
Voulans n’auoir Princ¢, Iuge, ne Loy.
Vn Sing¢ y vint, qui fit mile ſoupleſſes,
Danſes, & ſautx dont fut ſi bien voulu,
Que d’vn acord pour telles gentileſſes
Fut le grand Roy par deſſus to us eſleu.
Quelque Renard ſur ce Roy enuieux
Pour le tromper luy dit ainſi: Cher ſire,
Ie ſçay cy pres vn treſor precieux
Qui apartient à voſtre haut empire.
Selon ſon dit aux champs l’acompagna
Ou luy monſtra vne foſſe profonde:
Là bas, dit il, le feu Roy eſpergna
Tous les treſors & richeſſes du monde.
Le Sing¢ y creut, & bas il deſcendit
Tout auſsi toſt fut pris & arreſté,
Dont ſe plaignoit, & le Renard luy dit
En reprochant ſon inſtabilité:
Toy non ſachant, nous veux-tu dominer,
Qui laſchement t’es laiſsé ainſi prendre?
Certes qui veult ſon fait ainſi mener
Sans iugement, il eſt trop à reprendre.
|| [ID00052]

Le bien qui est en la perſonne, est cauſe de ſa vie.
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Grace bien requiſe
Et ſageſſ¢ aquiſe
En neceſsité
Font vtilité.
|| [ID00053]

Du Cigne & de l’Oye. Fable CXXII.
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VN homme riche norriſſoit enſemblevne Oye & vn Cigne, non pas à vne meſme fin: car il norriſſoit le Cigne, pour ſon cha ̅ t, & l’Oye, pour l’engreſsir & en faire vn bon repas. Comme donques le temps fut eſcheu, qu’il faloit tuer l’Oye pour la ma ̅ ger, le mai- ſtre ſe leua la nuict, & la cherchant pour luy couper la gorge, à cauſe qu’il ne voyoit gou- te, prit le Cigne au lieu de l’Oye, lequel ſen- tant le mauuais party qu’on luy vouloit fai- re ſe mit à chanter vn chant de mort, co ̅ me il a de couſtume, par la douceur duquel chant ſon maiſtre, qui le vouloit tuer, le cogneut & le laiſſa.Ceſte Fable ſignifie, que bien ſouuent les ſciences & graces, qui ſont en nous, ſont cau- ſes de noſtre vie & du pardon de noz fautes.
|| [ID00054]

Ne renchoir au peril dont on eſt eſchapé.
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Promeſſe fait¢ à ſon dommage,
Peril à grand’ pein¢ eſchapé,
Sans y penſer eſtr¢ atrapé
A l’auenir fait l’homme ſage.
|| [ID00055]

Du Chien & du Loup. Fable CXXIII
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VN Chien dormoit deuant la porte
D’vne maiſon, là ſe tranſporte
Vn Loup, qui le veult dëuorer.
Le Chien qui n’oſe s’aſſeurer,
Se voyant en proy¢ & deſtrouſſe,
Luy diſt, en luy baillant la trouſſe:
Làs! monſieur, ne me tuez point,
Ie ſuis trop maigr¢ & mal en point
Pour fair¢ vn bon repas de moy:
Mais ie vous prometz, ſur ma foy,
Que ſi voulez vn peu atendre
Ie deuiendray gras & bien tendre:
Car mon maiſtre dedans bref temps
Fera vn banquet, que i’atens,
Ou ie feray de bons repas,
Et celà fait ne faudray pas
(Apres m’eſtr¢ ainſi engresſi)
De me tenir en ce lieu cy,
Auquel vous me retrouuerez
Puys, s’il vous plaiſt, me mangerez.
Le Loup le creut. Huit iours apres
Il reuint illec tout expres:
Mais le Chien au grenier eſtant
Le gaudiſſoit, l’amonneſtant
|| [ID00056]

De ne croire plus au caquet
Ny de s’atendr¢ à nul banquet.
Qui laiſſ¢ eſchaper ſa fortune
Iamais ne l’a ſi oportune.

Recognoiſtre ſon bienfaiteur.
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Qui au bien faiteur
Est (comme licite)
Remunerateur
Autre bien merite.
|| [ID00057]

Du Laboureur qui trouua le treſor. Fable CXXIIII.
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VN Laboureur, en houa ̅ t vne ſienne pie- ce de terre, trouua vn treſor, pour lequel benefice, & à fin d’en auoir d’auantage, tous les iours il couronnoit ſa terre de chapeaux de fleurs. Continuant ce fait longuement, Fortune s’aparut à luy to ute marrie, diſant: O ſot homme! pourquoy fais-tu preſent de mes biens à la terre, dont ie t’ay donné la ſei- gneurie? car ſi le temps vie ̅ t à ſe muer, & que ton treſor tombe en main eſtra ̅ ge, ie ſçay bie ̅ que moy Fortune ſeray de toy accuſée.Il faut donques par le ſens de ceſte Fable recognoiſtre ſon bienfaiteur, & luy rendre graces de ſes benefices.
|| [ID00058]

Vſer de cautelle contre ſes ennemys.
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En toute bataille mortelle,
Soit ſur la Mer, ou ſur la terre,
Le vray excercice de guerre
C’est vſer de ruſ¢ & cautelle.
|| [ID00059]

Du Chien & du Coq. Fable CXXV.
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VN Chien & vn Coq ſe ſont mis
Enſembl¢ ainſi que bons amys,
Pour aller en pelerinage.
Vn iour en faiſant leur voyage,
Que le Soleil eſtoit couché,
Le Coq s’eſt bien & beau iuché
Deſſus vn haut arbre tout verd,
Et le Chien, pour eſtr¢ à couuert,
Et paſſer le temps tenebreux,
Se mit dans l’arbre, qui fut creux.
Or auint que ſur la mynuit
Le Coq à ſon reſueil tout duit
Chanta, dont vn Renard voyſin
Acourt, & luy dit: Beau couſin,
Qui prenez là haut voz esbatz,
Venez vous en chanter cy bas.
Il me plaiſt, puys que le voulez,
Diſt le Coq: donques apellez
Le portier, à fin que ie ſorte.
Le Renard alla à la porte
Du tronc creuſé, ou il eſueille
Le Chien, dont il a grand’ merueille,
Quand il le void de luy ſi pres.
Lors il s’en fuyt &, Chien apres,
|| [ID00060]

Et le Coq par ce bon tour là
Tout aſſeuré demoura là.

Les flateurs honorez, & les veri= tables dechaſſez.
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On void en credit
Ceux qui flatent bien:
Mais ſouuent n’a rien
Qui verité dit.
|| [ID00061]

Du Roy des Singes & de deux ho ̅ mes. Fable CXXVI.
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DEux hommes vindrent au païs des Sin- ges, leſquelz, ren contrez par vn maiſtre Singe, les pria d’aller chez luy: à quoy ilz co ̅ - ſentirent. Eux arriuez il s’aſsit au mylieu de tous lesautres Singes, comme il auoit veu fai re aux Princes de la terre. Puys commanda que ces deux hommes fuſſent amenez deuant luy. Eſtans venuz demanda à l’vn: Qui ſuis- ie? i’en veux auoir ton opinion & teſmoigna- ge. L’homme menteur & flateur reſpondit: Vous eſtes vn grand Roy, & ceux qui ſont à l’entour de vous ſont grans Seigneurs, Ducz, Comtes, Barons, & Cheualiers de voſtre Roy- aume. Le Singe oyant la reſponſe fut ioyeux, & pour telle louange commanda luy faire de grans dons & recompenſes. L’autre homme, qui n’auoit inte ̅ tion que de dire verité, pen- ſa en luy meſmes, que ſi ſon co ̅ pagnon, pour auoir menty, auoit eſté tant bien remuneré, que, pour dire verité, il auroit d’auantage: parquoy ſe ferma en ceſte intention. Eſtant donques interrogué par le Singe, diſant: Ho ̅ - me, dy moy qui ie ſuis? que t’en ſemble? & & qui ſo ̅ t ceux que tu vois à l’entour de moy? [ID00062] reſpondit: Tu es vn Singe, laid, & pelé: & auſ- ſi ſont ceux qui t’en uironnent. Il n’eut pas ſi toſt laſché la parole, que, par le commande- ment du vieil Singe, tous les autres auec les ongles & les dents le desſirere ̅ t & mirent par pieces, pour ce qu’il auoit dit verité.De ceſte condition ſont pluſieurs grans perſonnages, qui ayment les faulſes louanges & flateries, & hayent ceux, qui, comme gens de bien, leur diſent choſes veritables.

Ne s’estonner pour la parole.
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Pour ouyr hautement crier
On ne ſe doit point effrayer,
Tel menace qui a grand’ peur
Mais au fait cognoiſt on le cueur.
|| [ID00063]

Du Lyon & de la Grenoille. Fable CXXVII.
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EN eſté, vn Lyon eſtoit
Pres d’vn eſtang, ou s’esbatoit
Sous le limon vne Grenouille
Dedans l’eau, ou elle ſe mouille,
Laquelle cria hautement:
Parquoy le Lyon viſtement
Se tourna deuers la partie,
D’ou ceſte voix eſtoit ſortie,
Penſant que ce fuſt quelque beſte,
Qui luy vouſiſt faire moleſte.
Lors atendant du fait l’iſſue
La Grenouill¢ il a aperceuë,
Qui ſortoit de l’eau en ſautant,
Dont il eut dueil & d’ire tant,
Qu’en eſtandant ſa dextre pate
Il la mit à mort toute plate,
Diſant en ſoy: Ie ne deuois
Me troubler d’ouyr tell¢ voix,
Sans voir de qui ell¢ venoit.
Ainſi donques ſe reprenoit
Le Lyon pour auoir eſté
De peu de choſ¢ eſpouuenté:
Car pour haute parol¢ ouyr
Il ne ſe faut point esbahir.
|| [ID00064]

De ceux qui par ignorance font mal à leurs amys.
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C’est treſgrand’ erreur
De nuyr¢ aux amys,
Et porter faueur
A’ ſes ennemys.
|| [ID00065]

Des Mouſches à Miel. Fable CXXVIII.
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VN Larron eſtoit entré dans vn Iardin, ou ̅ eſtoient des ruchés de Mouſches à miel, ce pendant que le maiſtre eſtoit abſent, & en emporta tout le Miel. Quand le maiſtre fut retourné & vid les ruches vuides, il regarda dedans bien auant ſi rien y eſtoit demouré. Les Mouſches retournantes de leur paſture, & l’aperccuant ainſi, le vindrent piquer de leurs aguillons de tous coſtez, & le traiterent treſmal. Lors il leur diſt: O treſmanuaiſes Mouſches! vous laiſſez aller quite & ſans bleſſeure celuy, qui a deſrobe voſtre miel, & moy, qui me ſoucyois de voſtre bien, vous me perſecutez.A inſi font beaucoup d’hommes, qui par ignorance ne ſe ſçauent donner garde de leurs ennemys, & deboutent leurs amys, co ̅ - me eſtimans qu’ilz leur portent nuiſance.
|| [ID00066]

Peu parler bien beſongner.
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Trop ſe vanter & louër ſes beaux ge= ſtes,
Et ſans effait estre plaiſant diſeur,
Eſt à blaſmer deuant les gents honnestes,
D’vn grand venteur, on void petit fai= ſeur.
|| [ID00067]

D’vn homme qui ſe vantoit Fable CXXIX.
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QVelqu¢ homm¢ eſtoit allé en pluſieurs lieux,
Et auoit veu maints eſtranges païs,
Luy retourné deuint ſi glorieux,
Que ſes voyſins penſoit fair¢ esbaïs:
Il ſe vantoit des choſes par luy faites,
Louoit ſa forc¢ & ſes vertuz parfaites:
Et meſmement il ſe print à vanter,
Qu’il auoit eu en Rhodes pour ſauter
L’honneur & pris, & qu’il en voulo it croire
Les Rhodiens vrais teſmoings de ſa gloire,
Deſſus leſquelz au ieu de loing ſaillir
Il auoit eu le triumph¢ & victoire
Sans l’auoir veu à telz esbatz faillir.
Vn asſiſtant oyant celuy vanteur,
Luy diſt: Amy ſi ta parol¢ eſt vraye,
Tu as trouué icy vn bon ſauteur,
Ne reſte plus ſinon que l’on s’eſſaye,
Rhodes eſt cy, le ieu, & le combat,
Teſmoings ne faut pour vuider ce debat.
Lors ſe vanteur s’alla taire tout coy,
Voyant qu’il a trop preſumé de ſoy,
Et cognoiſſant qu il faut fuyr vantance,
Alors qu’en ſoy defaut la ſufi ſance,
|| [ID00068]

Et parler peu pour ſe mettr¢ à l’ouurage:
Voyant auſsi qu’en prompt¢ experience
Il n’eſt beſoing de preuu¢ ou teſmoignage.

Contre les mauuais gouuerneurs.
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Mauuais gouuerneurs
Trop aymans honneurs,
Pour auoir au double,
Peſchent en eau trouble.
|| [ID00069]

D’vn Peſcheur Fable CXXX.
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VN Peſcheur faiſoit ſa peſche en quelque fleuue, dans lequel au mylieu du fil de l’eau il auoit eſtendu ſes rethz des deux co- ſtez, auec des cordes & baſtons liez à groſſes pierres, puys venoit vers la riue & aux enui- rons, & batoit l’eau auecques grand bruit, à fin que les poiſſons en s’enfuyant ſe vinſent iet er à deſpourueu dedans la rethz. Quel- qu’vn de ceux qui habitoient au long de ce fleuue. le voyant ainſi faire le reprenoit & blaſmoit, de ce qu’il troubloit le fleuue, & ne laiſſoit boire l’eau qui fuſt claire, à quoy il reſpondit: Certes ſi le fleuue n’eſtoit trou- blé il me faudroit mourir de faim.Par ceſte Fable nous faut entendre, que les gouuerneurs des citez font à lors bien leurs beſongnes, quand ilz induiſent le païs en troubles & ſeditions.
|| [ID00070]

L’vn à la peine & l’autre le profit.
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Tel labeur¢ & fait les façons,
Qui n’en cueille pas les moiſſons
Tel au iardin l’arbr¢ a planté
Qui de fruit n’a iamais gouſté.
|| [ID00071]

Du Lyon de l’Ours, & du Renard. Fable CXXXI.
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LE Lyon plein de grand’ puiſſance
Et l’Ours de forte reſiſtance
Auoient vn Petit Cheüreau pris
Qui n’eſtoit pas de trop haut pris:
Toutesfois vous deuez ſçauoir,
Que chacun d’eux faiſoit deuoir
???e s’esforcer à qui l’auroit
Et qui plusfort d’eux deux ſeroit,
De ſorte qu’auecques les dens
Et les grifz, qui entroient dedans
Leurs chairs, ſi profond ſe bleſſerent,
Tant ſe penerent & laſſerent,
Qu’ilz leur conuint deſſus leurs culz
S’aſſeoir, comme las & vaincuz.
Or tan dis que de ceſte peine
Taſchoient à r’auoir leur aleine
Et regardoient leur ſang eſpandre,
Le Renard, quel’on deüroit pendre,
Se trouuant d’auantur¢ en voye
Rauit ſoudainement la proye,
Qui eſtoit entr¢ eux en debat.
Parquoy trauaillez du combat
Et des aſſautx inſuportables,
Cryoient: Bien ſommes miſerables
|| [ID00072]

D’auoir combatu en ce point,
Pour celà que nous n’auons point.
Souuent ???n trauaill¢ & labeure
Et le fruit à autruy demeure.

Cognoiſtre vn fait par l’autre.
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Verité on treuue
D’vn cas incertain,
Quand par le certain
On en fait l’eſpreuue.
|| [ID00073]

Du Mary & de la Femme. Fable CXXXII.
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VN homme ayant vne Femme, qui ſe fai- ſoit en nemye de tous ceux de ſa maiſon, voulut ſçauoir ſi elle ſe porteroit ainſi en- uers les ſeruiteurs de la maiſon de ſon pere. Et pour ce faire, ſous couleur raiſonnable, il l’enuoya à ſon pere, de la maiſon duquel, a- pres peu de iours, elle retourna chez ſon ma- ry. A pres qu’elle fut retournée ſon mary l’in terrogua, comme elle s’eſtoit portée chez ſon pere. Ie ne ſçay, dit elle, les Bouuiers & Ber- gers m’auoient touſiours pour ſuſpecte. O femme, dit il, ſi tu as hay ceux, qui des le matin menent leurs beſtes aux champs, & ne reuiennent iuſques au ſoir, que peult-on eſ- perer quelle tu ſeras enuers ceux, auec leſ- quelz il faut que tu demeures tout le long du iour?Ceſte Fable ſignifie, qu’on cognoiſt aucu- nesfois les grandes choſes par l’argument & experience des petites, & les choſes incertai- nes par les manifeſtes.
|| [ID00074]

Contre ceux qui ſe vantent de ce qu’ilz ne peuuent faire.
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Se vanter de choſ¢ impoßible
Contre ſon propre naturel,
D’imparfait ſe faire pareil
Aux parfaitz, c’est choſe riſible.
|| [ID00075]

De la Taupe. Fable CXXXIII.
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LA Taupe, ſans en faire doute,
De ſa nature ne void goute,
Vn iour ſe vanta ſo tement
Qu’elle voyoit bien clerement,
Diſant à ſa mere: Ie voy
A pertement & vous & moy
Et ſi ſens vn¢ odeur tresbonne:
Puys i’oy vn grand bruit qui reſonne
Comme rompure d’vne pierre,
Qui eſt cheute cy bas en terre.
O fille! reſpondit la mere,
Ta parol¢ eſt trop menſongere:
Car ie te cognois deſpourueuë
Non pas ſeulement de la veuë,
Ains d’odorer, & de l’ouye.
Tu me penſois fair¢ esbahye,
Aucuns ſe vont ainſi vantant
En ſe priſant & en mentant:
Mais qui de bien pres les verroit
Moins que rien on y trouueroit.
|| [ID00076]

De trop entreprendre vient grand pe???il.
[arrow up]


Qui laiſſe l’estat
A’ quoy il s’entend,
Le malheur l’atend
Pour le m???ttr¢ à plat.
|| [ID00077]

Du Bouc & du Loup. Fable CXXXIIII.
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VN Bouc, ayant laiſſé ſon troupeau, fut ſuiuy d’vn Loup, qui le vouloit manger, & regarda ̅ t derriere luy il diſt: Ha monſieur ???e Loup, ie voy bien maintena ̅ t que ie mour- ???ay, & qu’il faut que tu me manges: mais ie te prie (à fin que ie meure plus ioyeuſement) de ſonner ta cornemuſe, au ſon de laquelle ie me prendray à danſer. A don ques le Loup ſe mit à chanter de la cornemuſe, & le Bouc à ſauter. Mais les Chiens oyans telle feſte vin- drent courir ſur le Loup, & le mire ̅ t par pie- ces. En mourant il ſe retourna vers le Bouc, & diſt: Certes il m’eſt bien employé, veu que de mon naturel ie ſuis cuyſinier, & i’ay vou- lu eſtre meneſtrier.Ceſte Fable donne à cognoiſtre, que plu- ſi eurs font peu de conte des choſes, eſquelles ilz ſont aptes par nature, & s’esforce ̅ t d’exer- cer celles dont ilz n’ont cognoiſſance, dont en fin les conuient tomber en grans incon- ueniens.
|| [ID00078]

Promettre bien & faire mal.
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Promettr¢ à autruy luy bien faire,
Et luy eſtre du tout contraire,
Procede d’vn meſchant vouloir
Qui ne veult iamais rien valoir.
|| [ID00079]

Des Mouſches gueſpes & Perdris, & du Laboureur. Fable CXXXV.
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LEs Mouſches gueſpes & Perdris,
Ayans de boire bonn¢ enuie
???our la ſoif, qui les auoit pris
Aux champs en pourchaſſant leur vie,
??? Deuant vn Vigneron ſe mirent
Requerans d’vn ardent deſir
De l’eau à boir¢, & luy promirent,
De recognoiſtre ce plaiſir.
Dirent les Perdris: Nous ferons
Dedans voz vignes des prouuins,
Et ſi bien nous labourerons
Que vous recueillerez prou vins.
Les Gueſpes dirent: Nous irons
De voz vignes tout à l’entour
Pour poindr¢ & piquer les larrons
Si vous nous faites ce bon tour.
Lors reſpondit le Vigneron:
I’ay deux Beufz, dont l’vn s’en ira
De mes Vignes à l’en uiron,
Et l’autre les labourera.
Ilz font tout, ſans quelque promeſſe:
Il vant donques mieux leur bailler
Qu’à vous, qui vſez de fineſſe
N’y vous vueillez point trauailler.
|| [ID00080]

Aucuns promettent franchement
Donner-ſecours ayd¢ & defenſe:
Toutesfois naturellement
Ilz ne font qu’iniur¢ & offenſe.

Contre ceux qui penſent bien parler.
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Qui penſe bien dire
Et ne ſçait qu’il dit,
Chacun en meſdit
Et n’en fait que rire.
|| [ID00081]

Du ioueur de Harpe. Fable CXXXVI.
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VN qui iouoit aſſez mal de la harpe, ſe te- noit ordinairement en vne maiſon, t ou- te enduite & voutée de chaux, en laquelle il chantoit tous les iours, ſe complaiſant en ſon chant, & s’eſtimant bon Muſicien, à cauſe du ſon de l’inſtrument, qui reſonnoit bien fort là dedans. Luy donques deuenu orgueilleux à ceſte ocaſion, penſa de s’aller preſenter au Theatre publique, à fin d’y chanter, ce qu’il fit. Et eſtant venu pour ſe monſtrer ſe print à chanter d’vne ſi mauuaiſe grace, que les aſ- ſiſtans, faſchez de telle harmonie, le chaſſerét de ce lieu auec des pierres en telle maniere, qu’il fut contraint de s’en fuyr.Ceſte Fa ble nous repreſente aucuns, qui en l’art de rethorique ſe penſent eſtre quelque gráde choſe, eux eſtans aux eſ coles, mais quád ilz viennent à ſe meſler en la republique ilz ne ſont priſez ny eſtimez.
|| [ID00082]

Dieu ayde aux iuſtes & eſt contrai= re aux mauuais.
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L’homme de bien ne fut iamais.
De noſtre Seigneur delaißé:
Mais il punit l’homme mauuais,
Du quel il ſe voit offensê.
|| [ID00083]

Du Bucheron & de Mercure. Fable CXXXVII.
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A Inſi qu’vn Buſcheron eſtoit
Pres d’vn eſtang, & abatoit
Vng arbre, qu’au pied il coupa,
Sa Coignée luy eſchapa
Et cheut en l’eau, dequoy il pleure.
Mais le bon dieu Meercur¢ à l’heure
Par ſa pitié le ſecourut
Et par deſſus l’eau s’aparut
Luy preſentant vne Coignée
Toute d’or iuſqu’à la poignée,
Que le bon homme refuſa:
Dont Mercure moult l’en priſa
Et luy preſenta la ſeconde,
Toute d’argent: mais rien du monde
De couuoitiſ¢ en luy n’entra.
Apres Mercure luy monſtra
Celle pourquoy il pleuroit tant,
Dont le bon homme fut contant,
Ne demandant que ceſte là.
Lors Mercure voyant celà
Pour telle bonté guerdonner
Toutes les troys luy va donner.
Vn autre voulant fair¢ eſpreuue
Si tel bon heur ainſi ſe treuue
|| [ID00084]

Sa coigné¢ en l’eau choir laiſſa.
Adoncq’ Mercure s’adreſſa
Vers luy, & comme cault & fin
Monſtra la coignée d’or fin,
Que l’autre pour ſienne clama,
Dequoy Mercure le blaſma:
Et pour auoir menty ain ſi
Il n’eut l’vne ne l’autr¢ auſsi.

Ce qui eſt bon aux bons est contrai= re aux mauuais.
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Aux gens vertueux:
Vertu est amye:
Mais aux vicieux:
Ell¢ eſt ennemye.
|| [ID00085]

Des larrons & du Coq. Fable CXXXVIII.
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QVelques larrons eſtans entrez en vne maiſon, n’y trouuerent rien, ſinon vn Coq, qu’ilz prindrent & s’en allerent: Et le ???oulans tu er il les prioit, qu’ilz le laiſſaſſent, ???iſant, qu’il eſtoit vtile aux hommes, pour ce ???u’il les reſueilloit au point du iour, pour ???es faire aller à leur labeur. Les Larrons luy ???eſpondirent, pour ceſte cauſe tant pluſtoſt ???e ferons nous mourir: car en reſueillant les ???hommes tu ne nous laiſſeras point deſrober.Ainſi nous mo ̅ ſtre ceſte Fable, que les cho- ???ſes qui ſont contraires aux mauuais, ſont vti- ???les & commodes aux bons.
|| [ID00086]

De ſote entrepriſe, moquerie.
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Qui fait quelque ſot¢ entrepriſe,
Ou fait choſe qui ne luy ſiet,
C’est à bon droit s’il luy meſchet
Et que tout chacun l’en deſpriſe.
|| [ID00087]

De la Corneille & du Corbeau. Fable CXXXIX.
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LEs anciens, qui les lettres ſçauoient,
Entre autres cas ceſt erreur obſeruoient,
Que par le vol ou le chant des oyſeaux
???lz prediſoient des actes tous nouueaux,
Et de chacun diſoient les auantures,
Ce qu’ilz no ̅ moient bons & mauuais augures:
Et meſmement aio uſtoient grande foy
Au noir Corbeau, dont bien marri¢ en ſoy
Fut la Corneill¢, & par ſa faulſe enuie
(Enuie nuit aux biens & à la vie)
Taſcha d’oſter au Corbeau ce credit.
Si s’en vola, ainſi qu’ell¢ entendit,
Deſſus vn arbr¢, & voyant par la voye
Venir des gens, ſe print en grand¢ ioye
A croquer haut, dont pluſieurs à la foys
En s’arreſtant eſcouterent ſa voix.
Mais l’vn d’entr¢ eux aux autres dit ainſi:
Paſſons plus outr¢, & n’arreſtons icy:
C’eſt ſeulement la Corneille meſchante,
Qui ne predit nul bien quand elle chante,
Ny mal auſsi, & pource laiſſons là.
Ainſi peult-on entendre par celà,
Qu’aucuns grans ſotz & pleins de folzvſages
Veulent du tout ſe comparer aux ſages
|| [ID00088]

Et aux plus grans, par entrepriſe vaine,
Dont on s’en rit, & eux perdent leur peine.

Gagner à ſon dommage.
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Tel cuyde gaigner
A ſon auantage,
Qui penſ¢ eſpergner
Et fait ſon dommage.
|| [ID00089]

Du Corbeau & du Serpent. Fable CXL.
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VN Corbeau ayant grand faim & voy ant dormir vn petit Serpent en vn lieu ou le ???oleil luyſoit y auola, & le rauit. Le Serpent ???e ſentant pris ſe retourna vers le Corbeau & ???e mordit ſi douloureuſement, qu’il conuint ???u Corbeau tomber & mourir, diſant: O moy ???miſerable! qui ay recouuré vn tel gain, qui ???eſt cauſe de ma perte.Ceſte Fable taxe ceux qui par foles inuen- tions de meſchantes pratiques gaignent des treſors, qui ſont cauſe de la perte de leur ſa- lut & du corps & de l’ame.
|| [ID00090]

Plus par Fortune que par labeur.
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Aucuns trauaillent nuict & iour
Et ſi meurent quaſi de faim
Les autres en oyſeux ſeiour
Plus qu’ilz ne veulent ont du pain.
|| [ID00091]

Des Peſcheurs. Fable CXLI.
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AV temps calme doux &’ paiſible,
Que rien n’eſt ſur la mer nuiſible,
Quelques Peſcheurs ſous eſperance
D’auoir du poiſſon abondance
Entre les eaux leurs rethz ieterent:
Mais de rien ilz n’y profiterent.
Tout le long du iour là ſe tindrent
Et poiſſon quel qu’il ſoit ne prindrent,
Dont eux faſchez & mal contans
D’auoir perdu ainſi leur temps
De retourner s’apareilloient.
Et tout ainſi qu’ilz en parloient
Voicy vn gros Turbot qui fuyt,
Qu’vn autre grand poiſſon pourſuyt,
Qui ſe vint mettr¢ en leurs reſeaux
Courant à nage par les eaux.
Là fut il pris & arreſté
A grand cry & ioyeuſeté
De ceux, qui pas ne l’eſperoient:
Ains de partir deliberoient.
Alors virent ilz que fortune
Se treuue douc¢ & oportune
Par accident à mainte gent,
Ou l’art & labeur diligent
|| [ID00092]

Pou ̅ r cauſe tant ſoit neceſſaire
N’a ſceu que bien peu ou rien faire.

Eſtre deceu par auarice.
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Qui pour autruy bien
Le ſien propre fuyt
Pauureté le ſuyt
Et en fin n’a rien.
|| [ID00093]

De la Chucas & des Colombes. Fable CXLII.
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VNe Chucas voya ̅ t en vn colombier, que les Colombes eſtoie nt bien norries, alla ſe blanchir, puys s’en vola auec elles au Colo ̅ - bier, à fin qu’elle participaſt à leur mangeail- le. Ce pendant qu’elle ſe taiſoit, elles pen- ſoient fermement qu’elle fuſt Colombe, & pour telle la receurent: mais s’eſtant oubliée quelque foys elle ſe print à mettre hors ſa voix, au ſon de laquelle elles la cogneurent: & en la perſecutant la chaſſerent dehors. Elle donques priuée de mangeaille fut contrain- te de s’en retourner vers les autres Chucas ſes compaignes, leſquelles pour la couleur qui luy eſtoit cha ̅ gée ne la cogneurent, & luy denierent à manger, en la chaſſant. En ceſte ſorte par apetit deſordo ̅ né de la viande d’au- truy elle perdit la ſienne propre.Il nous faut contenter de ce qui eſt à nous en fuyant auarice, qui ne no us ayde en rien quant au contentement, ains nous oſte les biens que nous poſſedons.
|| [ID00094]

Dieu à cognoiſſance de toutes choſes.
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Il ne peult eſtre rien cachê
Enuers le treſſouuerain Dieu,
Ou ſoit vertu, ou ſoit peché,
Fait en publiq’, ou ſecret lieu.
|| [ID00095]

D’vn homme & d’Apollo. Fable C XLIII.
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VN mauuais homm¢ alla fair¢ vn voyage
Vers Apollo, le dieu puiſſant & ſage,
Droit en Delphos, pour iceluy tenter.
Et pour ce fair¢ il voulut in uenter
Vne malic¢, & print ſous ſon manteau
Entre ſes mains vn petit Paſſereau.
Quand il fut là, il luy va dir¢ ainſi:
O Apollo! ce que ie tien icy
Eſt il viuant? eſt il mort? qu’en eſt il?
Or ſe penſoit ceſt homme ſi ſubtil,
Que ſi le Dieu luy euſt dit: Il eſt mort,
Il euſt monſtré l’oyſeau viuant & fort:
Mais s’il euſt dit, il eſt tout plein de vie,
Soudaine mort s’en fuſt toſt enſuyuie,
Et l’euſt tué ſous ſa cap¢ eſtendue.
D’Apollo fut la cautell¢ entendue,
Et reſpondit: O faux & meſchant trahiſtre!
Sa vi¢ & mort giſt en ton franc arbitre,
Soit mort, ou vif, metz le cy en preſence.
De ceſte Fabl¢ eſt telle la ſentence,
Qu’on ne ſçauroit ia mais Dieu deceuoir,
Tant il eſt plein de puiſſanc¢ & ſçauoir:
Et que tant ſoit quelque choſe celée,
Ell¢ eſt à luy patent¢ & reuelée.
|| [ID00096]

Choir d’vn peril en vn pluſgrand.
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Qui vn mal euite:
Sans diſcretion
Autr¢ afliction
Luy ſuruient bien uiſte.
|| [ID00097]

D’vne Chucas. Fable CXLIIII.
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VN homme ayant pris vne Chucas, la lia par le pied, d’vn petit filet, & la donna à vn ſie ̅ filz pour ſon esbat. Ceſte Chucas por- tant impaciemment la maniere de viure & la co ̅ uerſation qu’elle auoit entre les hommes, des qu’elle ſe vid quelque peu en liberté s’en fuyt & vola deuers ſon nid: mais en volant le lien qui luy pendoit au pied s’entortilla aux branches d’vn arbre, & ne pouuant voler de- moura pendue, dont elle mourut, en ſe com- plaignant en ſoymeſmes: Helas, diſt elle, mi- ſerable que ie ſuis! qui n’ay voulu endurer la ſeruitude des hommes, & m’en ſuis venue à l’impourueu chercher icy la ſin de ma vie!Ainſi auient à pluſieurs, qui pour eſchaper vn petit peril ſe laiſſent tomber en vn grand. Et à ce propos le prouerbe Françoys dit: Eſ- chapé n’eſt qui traine ſon lien: car à la fin il demeure pris.
|| [ID00098]

Ne laiſſer le certain pour l’incertain.
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Qui petit gain preſent refuſe,
Pour vn plus grand gain à venir,
Et ne veult le certain tenir,
Son eſpoir le tromp¢ & abuſe.
|| [ID00099]

Du Peſcheur & du petit poiſſon. Fable CXLV.
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VN peſcheur print à l’ameçon
Dedans l’eau vn petit poiſſon:
Qui voyant ſa captiuité,
???ria en grand¢ humilité,
???e Peſcheur, ainſi luy diſant:
???eigneur, tu me tiens à preſent
???on ſerf, mais quoy? ie ſuis petit,
Et n’y a en moy apetit,
Gouſt, ne douceur, ne recouurance
Metz moy en pleine deliurance,
Dedans les eaux, c’eſt mon hoſtel,
???uys quelqu¢ iour deuiendray tel
???i grand, ſi gros, que tu auras
Aſſez dequoy tu mangeras,
???ors de banquet te ſeruiray.
???e Peſcheur reſpond: Non feray
???e ſerois fol & mal apris
???i le gain qu’en mes mains i’ay pris
???ant petit ſoit, laiſſois aller
???our plus gros morceaux aualler.
???ntre mes mains tu demoutras,
???t pour te menger te mourras.
Celuy eſt fol, qui ne tient conte
Du gain preſent & qui peu monte,
|| [ID00100]

Ft contenn¢ vn bien gracieux
En eſperance d’auoir mieux.

Menſonge en tous eſtatz.
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En tous les estatz
Iuſqu’au poteſtatz
Y a tromperie,
Fraud¢ & menterie.
|| [ID00101]

De Mercure & des Artiſans. Fable CXLVI.
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???Vpiter commanda à Mercure, qu’il print vne bo ̅ ne maſſe de la compoſition de men- ???onge, & la meſlaſt auec les negoces de tous ???es artiſans. Mercure ayant broyé ceſte com- ???oſition, & reduit à certaine meſure, en bailla ??? chacun ce qui luy en faloit. Co ̅ me donques ???l n’y euſt plus que le Couſturier à eſtre pour- ???eu, & qu’il reſtaſt encores beaucoup de ce- ???te medecine, il print mortier & tout & luy ???ailla: dequoy il eſt aue nu, que tous les arti- ???ans ſont menteurs, & meſmement les Couſtu- ???iers par deſſus tous autres.Ceſte fable veult taxer les Artiſans, qui men- ???ent par deception, par longue promeſſe, par ???romperie, par auarice, par paroles adulatoi- ???es, & en cent mile autres manieres, iuſques à ???arrecin & detention du bien d’autruy.
|| [ID00102]

N’auoir deux paroles en la bouche.
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L’homme qui eſt doubl¢ en ſon dire,
Qui veult louer, puys veult meſdire
Et n’eſt en parol¢ arreſté,
Il ne doit point estr¢ acointé.
|| [ID00103]

De l’Homme & du Satire. Fabb CXLVII.
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VN Dieu champeſtr¢ & Satire cornu,
Ayant les piedz de Cheüre & le corps nu,
Print amytié, & nouuell¢ aliance,
Auec vn homm¢, & pour tell¢ acointance
Entretenir, ilz mangerent enſemble.
Or eſtoit il ſaiſon d’hyuer qui tremble,
Et faiſoit froid:, parquoy l’ho ̅ me print peine
De reſchauffer ſes mains de ſon aleine.
Ce que voyant demanda le Satire
Pourquoy c’eſtoit. Et l’homme luy va dire,
I’aleine ainſi la chaleur de ma bouche,
Pour reſchauffer mes mains ou elle touche.
Bien toſt apres on mit en leur preſence
Vn metz tout chaud: lors l’homm¢ en dili- gence
Soufla deſſus, à fin qu’il refroidiſt:
Dont le Satir¢ en ſouriant luy diſt:
Pourquoy fais-tu ce ſecond ſouflement?
L’homme reſpond: I’apaiſe doucement
La grand’ chaleur eſtant en la viande.
Ha (reſpond il) certes ie ne demande
Ton amitié, puys qu’en pareille ſorte
Produis le froid & la chaleur tant forte,
De mcſme bouch¢ à ce faire trop duite
|| [ID00104]

Tell¢ amytié ne doit eſtr¢ introduite
Auecques ſoy: car l’homme qui eſt double
Fait ſon parler touſiours do uteux & trouble.

Contre ceux qui faignent amytié.
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Tel faint estr¢ amy,
Parlant par douceur.
Qui dedans le cueur
N’eſt qu’vn ennemy.
|| [ID00105]

De l’Aſne malade & des Loups. Fable CXLVIII.
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L’Aſne perſecuté d’vne greue maladie ſe coucha au lict, ou il f???t bien longueme ̅ t, en ſorte que la reno ̅ mée ſema par tout le païs qu’il ſe mouroit. Les Loups & les Chiens de là autour le vindrent viſiter, & interroguere ̅ t ſon filz en quel eſtat eſtoit le pere. L’Aſnon, qui eut peur (ſans ouurir l’huys) leur reſpon- dit par les creuaces: Mon pere ſe porte mieux que vous ne voudriez.Ce ſte fable enſeigne, que pluſieurs faignent eſtre marris de la mort d’autruy, lequel tou- tesfoys ilz hayent, & ne deſirent autre choſe que ſa fin, tellement qu’eux meſmes luy vou- droient auoir mengé le cueur.
|| [ID00106]

Ne rendre mal pour bien.
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L’homme remply de malefice
Rend le mal pour le benefice:
Mais le bon fait tout autrement
Bien pour mal il rend doucement.
|| [ID00107]

De l’Homme mords du Chien Fable CXLIX.
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VN Homme fut d’vn Chien blecé,
Et mords iuſqu’au ſang viuement,
A pluſieurt gens s’eſt adreſſé,
Pour recouurer alegement,
Contre ſon mal & grief tourment.
Alors rencontra d’auanture,
Vn moqueur qui ioyeuſement
Donna remed¢ à la morſure:
Luy diſant: ſi de ta bleſſure
Tu veux auoir gueriſon vraye
Pren de pain vne cruſte dure
Et la mouill¢ au ſang de ta playe:
Puys la donn¢ au Chien qui abaye,
Et te mordit en trahyſon,
Si de manger le pain s’eſſaye,
Tu auras brieue gueriſon.
A tel conſeil & oraiſon,
Reſpond le pauur¢ homm¢ o utragé,
Si ie le fais c’eſt bien raiſon,
Que ie ſoye des chiens mangé:
Ce n’eſt pas pour eſtr¢ vengé,
Car tant plus luy ferois de biens,
(Eſperant d’eſtre ſoulgé)
Tant plus me ferois mordr¢ aux chiens.
|| [ID00108]

Les hommes qui ne vallent riens,
D’autant qu’on leur penſe bien faire,
Par bons moyens & entretiens,
Et plus ſont en clins au contraire.

N’auoir fiance à ceux qu’on a moleſtez.
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Celuy eſt peu ſage.
Qui a fait outrage.
Et mal à autruy
Puis ſe fi¢ en luy.
|| [ID00109]

Du Renard trahy par le Coq. Fable CL.
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VN Renard auoit tué beaucoup de Pou- les à vn païſant, lequel cherchant tous les moyens de ſe venger, tendit ſes lacetz & print le Renard, dont le Coq fut ſeul teſmoin de la priſe. Le Renard le pria, ou qu’il luy a- portaſt vn couſteau, pour couper les lacs, ou il eſtoit lié, ou bien qu’il n’endiſt rien à ſon maiſtre, iuſques à ce qu’il l’euſt ro ̅ pu à belles dents. Le Coq luy promiſt to us les deux: mais n’ayant rien moins en volonté, que tenir ſa promeſſe, alla certifier à ſon maiſtre la priſe du Renard. Adoncques le païſant armé d’v- ne maſſue vint pour trouuer ce Renard, le- quel le voyant venir de loing, diſt: Ie ſuis bien fol & malheureux d’auoir penſé que le Coq me ſoit loyal, à moy qui luy ay tant tué de ſes femmes.C’eſt grand’ folie d’auoir confiance en ceux qu’on a greuement offencez: car (combien que ce ſoit contre noſtre loy) ilz atendent le temps de rendre la parei lle, & pource ne leur faut donner ocaſion de nous greuer.
|| [ID00110]

Alegeance de mal par le peril d’autruy.
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Plus facilement on endure,
Offenſe, dommag¢, & iniure,
Quand on void ſa parti¢ auerſe,
Qui en pareil danger ſe verſe.
|| [ID00111]

Du Turbot & du Dauphin. Fable CLI.
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DE dans la mer vn Dauphin pourſuyuoit
Quelque Turbot, & ſi pres le ſuyuoit,
Qu’il le cuy da par courſ¢ impetueuſe
Tenir ſurpris, en la mer fluctueuſe.
Vn flot les port¢, & le Turbot leger
Pour euiter de la mort le danger,
Nage ſi fort que contr¢ vn roc ſe lan ce,
Ouil ſouffrit de mort la violence.
Et le Dauphin de la haſte qu’il a
Acourt s’y fort contre ce rocher là
Qu’au lieu d’auoir iceluy Turbot pris,
Il ſe naüra, & fut de mort ſurpris.
Lors le Turbot eſtant pres de mourir,
Voyant ainſi ſon ennemy perir,
Diſt à part ſoy: La mort ne m’eſt point grieue
Puys que ie voy de luy la fin ſi brieue.
Ainſi pluſieurs portent legerement
L’auerſité, & plus paciemment
Alors qu’ilz voye ̅ t l’autheur de leur malheur,
Ainſi finer, ou languir en douleur.
C’eſt l’apetit de maudite vengeance,
D’ainſi trouuer de ſon mal alegeance:
Ell¢ eſt contrair¢ à ſainte charité
Cherchant d’autruy la propre vtilité.
|| [ID00112]

Amour eſt ſans honte.
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Amour qui nous dompte
Va touſiours ſans honte,
Pourc¢ eſt il ſans yeux
Et n’eſt iamais vieux.
|| [ID00113]

De Iupiter. Fable CLII.
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IVpiter (à parler fabuleu ſement) apres auoir formé & créé les ho ̅ mes, mit en eux toutes les affections, reſte honte, qu’il oublia de leur bailler: parquoy voyant qu’il n’auoit, aucun ???ieu ou la mettre, luy co ̅ ma ̅ da d’entrer & d’al- ???er par tout & en toutes co ̅ pagnies. Honte de ???rimeface luy contrediſt, & n’y voulut obeïr ???omme indignée de tel comma ̅ dement. Mais apres que Iupiter luy eut (à grand¢ inſtance) commandé d’ainſi faire, elle luy diſt: I’iray ???uys qu’il vous plaiſt: mais ce ſera par telle condition, que le dieu d’Amour n’y viendra ???oint: car, s’il y vient, ie m’en iray premier qu’il y arriue: car c’eſt choſe veritable, & qui ???uient ordinairement, que toute paillardiſe eſt ſans honte.Le ſens de la Fabl¢ eſt aſſez euident: pource qu’il conclud, que tous les amoureux enſuy- ???ent leurs paſsions ſans aucune honte.
|| [ID00114]

Des recteurs du bien publique.
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La ville qui eſt gouuernée
Par vne loy bien ordonnée,
Et par bons & iuſtes moyens,
Croiſt en biens & en citoyens.
|| [ID00115]

De l’Oyſeleur & du Merle. Fable CLIII.
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VN Oyſeleur ſes retz ten doit
Sur vn pre, aupres d’vn buiſſon,
???t vn Merle le regardoit,
Qui luy diſt en ceſte façon:
??? Amy qu’eſt ce que tu fais là?
Qu’il me ſoit par toy recité.
??? do ncques l’Oyſeleur parla,
???t diſt, ie fais vne Cité.
L’oyſeleur ſema tout aupres,
???es grains pour les oyſeaux atraire,
???t les prendr¢ aux retz puys apres
???ans le buiſſon s’alla retraire.
Le Merle croyant de leger,
???oyant le repas apreſté,
???eſcend en bas pour le manger,
???ais il fut aux laqs arreſté.
Ha(dit il) forgeur de cautelles,
???u n’auras gueres d’habitans,
???i toutes tes citez ſont telles,
Qui n’en ſoient bien toſt repentans
Car quand les Princes & recteurs.
???ont opreſsions inciuiles,
???ur les bourgeois habitate urs.
C’eſt ce qui perd les bonnes villes.
|| [ID00116]

Viure chichement.
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Vn homme aſſez riche
Viuant par moyen
Vaut bien mieux qu’vn chiche
Gardant trop le ſien.
|| [ID00117]

De Iupiter & de la Tortue. Fable CLIIII.
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IV piter celebroit vne feſte, en laquelle il a- uoit inuité toutes les beſtes: mais la Tortue y arriua bien tard. Luy eſmerueillé de ce qu’el- le auoit tant arreſté à venir, l’interroga pour quelle cauſe elle n’eſtoit venue de bo ̅ ne heu- re à ſon banquet. Elle luy reſpondit: Ie me treuue bien en ma maiſon, ie la treu ue belle, ie la treuue bonne: celà a eſté cauſe de mon tardeme ̅ t. Iupiter courroucé de ceſte reſpo ̅ ſe la condanna detouſiours porter ſa maiſon ſur elle en quelque part qu’elle yroit.Cecy nous ſignifie, que pluſieurs perſonnes ayment mieux viure chichement & pauure- ment en leur maiſon, que viure chez autruy magnifiquement & en grande abondance.
|| [ID00118]

Contre les infracteurs des veux.
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Ne fay ſi toſt à l’impourueu
A nostre Dieu promeߢ, ou veu,
S’il auient qu’il le faille faire
Tu y dois de droit ſatisfaire.
|| [ID00119]

Du Viateur & de Iupiter. Fable CLV.
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VN pelerin en faiſant ſon voyage,
A lupiter promiſt de luy donner,
La moytié iuſt¢ & entier¢ en partage,
Des biens par luy trouuez au cheminer:
Lors en penſant ſon fait à fin mener,
Il chemina atendant ſes fortunes,
En fin trouua, pour le mieux eſtrener,
Vn pannier plein d’Amandes & de Prunes.
Bien toſt mangea les Prunes & Amandes,
En oubliant ſa promeſſ¢ & ſa foy,
A Iupiter preſenta ſes offrandes,
De ce qu’il eut de reſt¢ auecques ſoy,
Di ſant ainſi: Iupiter dieu & Roy
Ie t’offr¢ icy les noyaux & coquilles
Des fruitz trouuez, or doncq’ contente toy
C’eſt la moitié de ces fruitz tant vtiles.
Le trop tenant & auaricieux
A bien grand’ peine il garde ſa promeſſe,
Et n’eſt loyal aux hommes ny aux dieux
Tant il eſt plein de fraud¢ & de fineſſe:
Fidelité perd le nom de maiſtreſſe,
Dedans le cueur ou regne couu???itiſe,
Qui tellement l’homme contraint & preſſe,
Qu’il rompt les veux faitz a Dieu & l’Egliſe.
|| [ID00120]

De perte ſoudaine longue ſouuenance.
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En la vi¢ humaine
La pert¢ eſt ſoudaine,
Subit elle vient
Long temps en ſouuient.
|| [ID00121]

De la chauue Souris, du Buyſſon, & du Plongeon. Fable CLVI
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LA chauue Souris, le Buyſſon, & le Plon- geon, s’acompagnerent & delibererent de mener train de marchandiſe enſemble. Pour ce faire la Chauueſouris emp???unta argent, qu’elle mit en commun, le Buyſſon ſe veſtit d’vne robe de layne, & le Plongeon ſe garnit de cuyure & autres metaux, & nauiguerent en- ſemble ſur la mer, ou il ne furent gueres, que la tourmente ſe leua, qui enfonça le nauire au my lieu des eaux: toutesfois apres que leurs biens furent perduz ilz ſe ſauuerent. Depuys ceſt accident le Plongeon a touſiours habité ſur le riuage des eaux, pour voir ſi la mer iete- ra le cuyure ſur le bord, la Chauueſouris pour la crainte des creanciers n’oſe voler que de nuict, & le buyſſon ſe prend aux robes de ceux qui paſſent aupres de luy, co ̅ me s’il cher- choit la ſienne.Le ſens de ceſte fable ſignifie, que bien ay- ſément nous rencheons es maux & perilz, eſ- quelz parauant nous eſtions tombez.
|| [ID00122]

Vſurper l’honneur d’autruy.
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L’homme ſe peult ſouuent tromper
Quand ſi follement ſe maintient
Que l’honneur, lequel apartient
A vn autre, veult vſurper.
|| [ID00123]

D’vne Mouſche. Fable CLVII.
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ON faiſoit quelque ieu de courſe
A qui em porteroit le pris
D’aller pluſtoſt au but, & pour ce
Chacun vn chariot a pris.
A telle courſe ſe leua
De la terr¢ vne grand pousſiere,
Qui ſi eſpeſſe ſe trouua
Qu’ell¢ oſtoit du iour la lumiere.
La Mouſche volant peu r’aſsiſe
Pour paſtur¢ & repos trouuer
Sur vn chariot s’eſtoit miſe,
Qui fit grand’ pouſiere leuer.
A cauſe des piedz des cheuaux
Et des rouës dans leur ornieres
Courans par les monts & les vaux
Terres ſeches & ſablonnieres.
La Mouſche ſot¢ & orgueilleuſe
Voyant ceſte contré¢ ainſi
Par l’ær tant obſcur¢ & poudreuſe
Se print à dire: Qu’eſt ce cy?
Combien me doit on eſtimer
D’auoir mis telle poudr¢ au vent?
I’oſe bien de moy preſumer
Que ie fais laid, & beau ſouuent.
|| [ID00124]

Aucuns combien qu’ilz ſoient grans ſotz
Eſtiment d’eux outre meſure
Et par leurs haux & braues motz
A l’honneur d’autruy font iniure.

Contre les malicieux.
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Malice trouuée
A l’autruy dommage
Doit estre d’vn ſage
Touſiours reprouuée.
|| [ID00125]

Du Loup & de la Brebis, Fable CLVIII.
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VN Loup auoit eſté chaſſé & mords par les Chiens, & pour le trauail & le mal qu’ilz luy auoient fait il ne pouuoit plus cheminer, ny ſe ſouſtenir de ſorte qu’il luy conuient ſe repoſer ſur la terre. Apres qu’il ſe fut vn peu mis à ſon ayſe, il commença à auoir faim. Et voyant d’aſſez pres vne Brebis, la pria de luy faire ce plaiſir d’aller querir de l’eau en vn fleuue, qui paſſoit là aupres, à fin de boyre. Si tu me donnes, dit il, à boyre ie trouueray bien le moyen d’auoir à manger. Elle qui co- gnoiſſoit ſa malice, luy diſt: Ie crains que, ſi ie te porte à boire, mon corps te ſerue de vian- de.Ceſte fable taxe les malicieux, qui par re- queſte demandent l’ayde d’autruy: mais leur fin tend à deſtruire ceux, auxquelz ilz dema ̅ - dent ce ſeruice.
|| [ID00126]

Chastier les enfans.
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Pour euiter plus grief dommage
On doit les enfans chastier
Ce pendant qu’ilz ſont en ieun¢ aage,
Car c’eſt lors qu’il en eſt mestier.
|| [ID00127]

D’vne mere & da ſon filz. Eable CLIX.
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VN ieun¢ enfant de l’eſcoll¢ emporta
Quelque liuret, & chez ſoy le porta,
Dont par ſa mer¢ il ne fut point repris:
Parquoy l’enfant meſchant & mal apris
Continua ſon larrecin en ſorte,
Que luy bien grand grandes choſes emporte
Tant deſroba que pour ſon malefice
Il fut liuré es mains de la iuſtice,
Qui le condamu¢ à ſouffrir mort amere.
Ce que voyant la trop dolente mere
Alloit apres en pleurs & deſconfort
Voyant ainſi mener ſon filz à mort.
Le malfaiteur alors le bourreau prie,
Qu il peuſt par???er à ſa mere qui crie,
Ce qui ſut fait, & ado ̅ cq’ s’apareille
De vouloir dir¢ à ſa mer¢, en l’aureille
Aucun propos, & elle s’aprocha.
Lors le meſchant l’aureille luy trencha
A belles dents, dont chacun le diffame:
Ah!, reſpond il, certes ſi ceſte femme
M’euſt chaſtié quand ie pris l’alphabet,
Pas ie ne fuſſ¢ ainſi mis au gibet.
Car quand on eſt repris d’vn petit vice,
Et qu’on reſiſt¢ à la ieune malice,
|| [ID00128]

Facilement de mal fair¢ on s’eſtrange
Vie mauuaiſ¢ en la bonne ſe change.

De ceux qui ſont intraitables.
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Aucuns deraiſonnables
Sont ſi treſintraitables,
Qu’on ne les peult renger
Par batr¢ & corriger.
|| [ID00129]

Du Laboureur & du Toreau. Fable CLX.
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LE Laboureur auoit vn Toreau, qui ne vouloit ſouffrir qu’o ̅ le miſt ſous le ioug, dequoy le païſant aucuneme ̅ t faſché, pour le rendre plus doux, luy ſia l???s cornes: car il en en hurtoit aucunesfoys: Puys il l’atela, non au chariot: mais a l’aireau, à fin qu’il ne ruaſt plus des piedz contre luy. Le maiſtre tenoit le manche de la charrue tout ioyeux, & luy e- ſtoit auis que par ce moyen il auoit dompté ſon Toreau, de ſorte qu’il ſe tenoit aſſeuré & des cornes & des piedz d’iceluy. Alors le Tau- reau intraitable, reſiſtant au ſeruice, frapoit du pied ſi durement en la terre, qu’il faiſoit voller la pousſiere ſi eſpeſſe, qu’il en emplit la bouche & la teſte de ſon maiſtre.Ainſi eſt il qu’il en ya de ſi dificiles à gouuer- ner, qu’on ne les peult adoucir, ny par art, ny aucun enſeignement tant ſont de faſcheuſe nature.
|| [ID00130]

De l’opinion des anciens quant aux ſonges.
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C’eſt vaine ſuperſticion,
D’aiouſter foy a quelque ſonge.
Et à nocturn¢ illuſion,
Qui n’eſt que fo???¢ & menſonge.
|| [ID00131]

Du Filz & du Pere. Fable CLXI.
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QVelque homme vieux vn tresbeau filz auoit,
Qui de chaſſer le nobl¢ esbat ſçauoit,
Et d’auoir chiens eſtoit tout ſon deduit.
Iceluy Per¢ en repoſant de nuit,
Vid en ſongeant, que ſon filz tant aymé
Eſtoit occis d’vn Lyon affamé.
Parquoy craignant qu’auec longue ſaiſon
Cela n’auint, fit fa, ire vne maiſon
De grand’ beautévn vray lieu de plaiſance,
Ou de tous biens y mit à ſufiſance:
Et là dedans il fit ſon filz garder.
Vn iour ce filz ſe miſt à regarder
Dedans la ſall¢ vne belle painture,
Faite par art, qui contrefait nature.
Là auiſa entre maint¢ autre beſte
Vn fier Lyon, auec ſa groſſe teſte,
Et en diſant hautement à part ſoy.
Ah faux Lyon, ie ſuis icy par toy!
Il le fiapa, mais par vn malen contre
Vn clou caché dedans le mur rencontre,
Qui le bleça, & ne ſe ſauua point,
Qu’il ne mouruſt (du Lyon) en ce point.
Par ceſte Fabl¢ Eſope veult tenir,
|| [ID00132]

Qu’on ne ſçauroit aux choſes auenir
Y reſiſter: mais, ſauf ceſte ſentence,
Le mal s’euit¢ auec ſage prudence.

Contre auarice & enuie.
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L’auaricieux
Ne veult bien qu’à vn
Le fol enuieux
Veult mal à chacun.
|| [ID00133]

De l’Enuieux & Auaricieux. Fable CLXII.
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VN ho ̅ me auaricieux & vn autre enuieux prioie ̅ t enſemble Iupiter, qu’il luy pleuſt de leur enuoyer Apollo pour ſatisfaire & ex- aucer leurs prieres, ce qu’il fit, & leur donna Apollo entiere liberté de ſouhaiter ce qu’ilz voudroient, par telle condition, que tout ce que l’vn auroit demandé, l’autre le receüroit an double. L’auaricieux penſa longuement qu’il pourroit demander, veu que toutes cho ſes ne le pouuoient contenter: toutesfoys il fit ſa requeſte d’or & d’arge ̅ t, & pluſieurs au- tres choſes, dont ſon compagnon receut le double. Quand ce vint au tour de l’enuieux à faire ſa priere, pour recompenſer ſon com- pagnon, il requiſt, que l’vn de ſes yeux luy fuſt arraché, ayant eſpera ̅ ce que par ce moye ̅ ſon compagnon perdroit les deux ſiens.Certaineme ̅ t c’eſt vne choſe inſatiable que l’auarice. Quant à enuie, il n’y a rien plus hors du ſens: car elle eſt contente d’endurer du mal, pour en faire ſoufrir à autruy d’a- uantage.
|| [ID00134]

Ne ſe contriſter pour les richeſſes perdues.
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Comme propre nous apartient
Ce qui dans nous prend ſa naiſſance:
Mais du dehors, on le retient
Par empruntée iouiſſance.
|| [ID00135]

D’vn homme chauue. Fable CLXIII.
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VN homme chauu¢ & de cheueux priué
Perruque faulſ¢ en ſa teſte portoit,
Dont il eſtoit aſſez mal arriué,
Et mal venu es lieux ou il hantoit:
Or auint il vn iour qu’il s’esbatoit,
Sur vn cheual, & brauoit par la ville,
Pour ſe monſtrer bien adextr¢ & habile.
Mais vn fort vent ſa perruqu¢ emporta:
Et deuant tous ſe trouua laid & vile,
Ce qui à rire vn chacun incita.
Luy ſe voyant moqué de tous ainſi,
Diſt en riant: Ne vous esbahiſſez
Si i’ay perdu ces faux cheueux icy,
Qui ſont d’emprunt, co ̅ m¢ vous cognoiſſez
Car il y a deſia maintz iours paſſez
Que les cheueux que me donna nature
M’ont delaiſsé, mais pour tell¢ auanture
Triſte ne fus, n’eſmeu d’aucun courroux:
Veu que les biens faitz à la creature
Ne ſeront pas touſiours auecques nous.
|| [ID00136]

Faſcherie compagne de Richeſſe.
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La richeſſ¢ eſt pleine
D’ennuy & de peine,
Pein¢ à la gaigner,
Peine à l’eſpergner.
|| [ID00137]

Du Sapin, & du Buyſſon. Fable CLXIIII.
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LE Sapin deſpriſoit le Buyſſon, & ſe va ̅ toit de ſa hauteur, diſant, qu’il eſtoit apliqué au baſtiment des grandes maiſons & palais royaux, & qu’il ſeruoit de maſt es nauires & à pluſieurs autres choſes: Mais vous Buyſſons (diſoit il) eſtes petitz contre terre & inutiles à tous bons vſages. L’vn des Buyſſons le pluſ- ſage d’entre eux, luy reſpondit: Monſieur le Sapin, tu te glorifies de ta nobleſſe, & te reſ- iouys de noſtre abiection: mais tu ne fais me ̅ - tion de noz biens & de tes maux. Quand on vient à te decouper en diuerſes pieces auec la coignée, combien voudrois tu bien donner à fin que tu fuſſes ſemblable à nous qui ſom- mes aſſeurez de ces maux là?Ceſte Fable fait entendre, qu’auec les ri- cheſſes il y a ordinairement du mal, & que le moyen a touſiours quelque bien auec ſoy. La hauteur eſt en danger continuel, & la baſſeur en ſeureté. Les hautes tours ſont ſubietes à tomber, & les foudres tom bent ſur les plus hautes montaignes.
|| [ID00138]

Ne s’atendre qu’à ſoymeſme.
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Il faut auoir en ſoy plus grand’ fiance,
Qu’au dit d’autruy, quant à ſon propr¢ affaire:
Car quand le temps s’aproche de le faire,
On est laißé & mis en oubliance.
|| [ID00139]

Du Laboureur & de l’Alouette. Fable CLXV.
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VN homme ſes voyſins pria
De moiſſonner ce qu’il y a
De blé en ſon champ, mais n’y vindrent,
Et bonn¢ excuſe vers luy prindrent.
Depuys en pria ſes amys,
Qui ne s’en ſont en peine mis,
Dont luy fruſtré de ſa pensée,
Sa parol¢ il a adreſsée
A ſon filz, diſant: Dans demain
Nous deux mettrons icy la main,
Et ferons l’aouſt ſans ayd¢ aucun,
Puys que le temps eſt oportun.
Dedans le blé eſtoit cachée
Vne Alouett¢, & ſa nichée,
Qui ſes paroles entendit,
Lors s’en alla, plus n’atendit:
Diſant ainſi. Ce temps pendant
Que le maiſtr¢ eſtoit s’atendant
A ſes prochains, ie n’auois crainte,
Et tenois la promeſſ¢ à fainte:
Mais puys que ie voy qu’il y vient
Luy meſm¢, eſt à bon eſcient.
Ceſte Fable nous fait entendre
Qu’on ne doit à nully s’atendre:
|| [ID00140]

Et qu’il n’eſt ſeruiteur, ne maiſtre,
Plus propre que ſoy pour y eſtre.

En vaillance outrecuydance.
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Quiconques s’esforce
Par deſſus ſa force,
Sans en faire preuue,
Deceu il ſe treuue.
|| [ID00141]

Du Tigre & du Renard. Fable CLXVI.
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VN Veneur alloit à la chaſſe, l’arc au poing, & garny de ſon carquoys. Le Ti- gre le voyant venir, co ̅ manda à toutes les be- ſtes de ſe reculer arriere, & que luy ſeul met- troit bié fin à ceſte guerre. Le Veneur pour- ſuyuant ſa chaſſe tiroit à grans coups de trait, de l’vn deſquelz fut le Tigre ataint & mer- ueilleuſement bleſſé. Le Renard le voyant re- tourner de ceſte guerre, & comme il tiroit le trait hors de la playe, luy demanda quaſi en ſe gaudiſſant: Qui eſt celuy ſi hardy d’auoir na- üré vne ſi vaillante beſte? Le Tigre reſpon- dit, qu’il n’auoit cognoiſſance de celuy qui luy auoit donné le coup: neantmoins il con- iecturoit par la grandeur de la playe, que c’e- ſtoit vn homme.Le ſens eſt tel, que les preux & vaillans ſont ordinairement folz & outrecuidez: car vail- lance eſt touſiours acompagnée de temerité: Et auſsi l’engin ſurmonte la force.
|| [ID00142]

Vengeance d’amytié violée.
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Quiconque viol¢ amytié
Il en reçoit punition:
Car Dieu ne laiſſe l’impitié
Sans treſaſpre correction.
|| [ID00143]

De l’Aigle & du Renard. Fable CLXVII.
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L’Aigl¢ & la Renarde s’aymerent,
Si bien qu’enſemble demourerent.
Sus vn haut arbre l’Aigl¢ auoit
Fait ſon nid, comm¢ elle ſçauoit:
Et la Renard¢ eſtoit en terre.
Or anint il qu’ell¢ alla querre
A manger, pour ſes Renardeaux.
Tan dis l’Aigle Roy des oyſeaux
Cherchant pareillement paſture,
Rompant d’amytié la droiture,
Print les petitz de la Renarde:
Et les porta ſans qu’elle tarde
Dedans ſon nid, pour les menger:
Dequoy cuyda preſqu¢ enrager
Ia Renarde, qui de l’offenſe
N’eut pouuoir de faire vengence.
Il auint quelque peu apres
Qu’on ſacrifioit là aupres
Vne Cheüre qui fut roſtie,
Dont l’Aigl¢ en rauit grand’ partie.
A quoy pendoient charbons ardans.
Or ſi toſt qu’elle fut dedans
Son nid, il fut de feu eſpris
Et ſes petitz en piteux cris
|| [ID00144]

N’ayans puifſance de voller
Se laiſſerent en bas aller,
Ou la Renarde les mangea.
Ainſi punition vengea
L’iniur¢ à la Renarde faite.
Qui donq’ a l’amytié desfaite
Et veult vſer de trahiſon,
Si les hommes n’en font raiſon,
Il ne peult par temps, qui tout fine,
Eſchaper vengeance diuine.

Porter faueur à ſoymeſmes.
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Qui faueur ſe porte,
De ſens ſe tranſporte,
De ſon propre fait
Est iug¢ imparfait.
|| [ID00145]

Du Singe & de ſes Enfans. Fable CLXVIII.
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IL pleut quelque foys à Iupiter d’aſſembler deuant ſa maieſté tous les animaux, pour iu- ger qui ſeroit celuy qui auroit les plus beaux enfans. Les beſtes y acoururent, les oy ſeaux y volerent, & les poiſſons pour y asſiſter ſe pre- ſenterent ſur la riue des eaux. Le Singe vint tout le dernier, co ̅ duiſant apres ſoy ſes deux enfans. D’ausſi loing que les autres l’aperceu- rent venir, ſe prindrent tous à rire & ſe mo- quer des vilaines feſſes pelées de ſes enfans. Lors diſt le Singe: Moquez vous ta ̅ t que vou- drez, & que Iupiter donne le pris à qui luy plaira: car, quant à moy, mes enfans me ſem- blent beaux & gentilz, & m’eſt auis que, ſelon droit & bon iugement, ilz ont merité à eſtre preferez à tous autres. Iupit er ſe mit à ſous- rire de ceſte parole, & cogneut, que nous meſmes & ce qui procede de nous, nous plaiſt, & eſt de beſoin que les autres ſoient iuges de nous & de noz actes: car ſi nous iugeons de nous à noſtre faueur, nous nous deceuons & en fin tombons en deriſion des autres.
|| [ID00146]

Ne ſe reſiouir de vaine eſperance.
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Ne prenons point trop de lieſſe
Quand l’eſperanc¢ est incertaine,
Außi quand l’ſperanc¢ est vaine
N’en prenons point trop de triſteſſe.
|| [ID00147]

Des Peſcheurs & de la pierre. Fable CLXIX.
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QVelques Peſcheurs auoient en l’eau
D’vn fleuue ieté leur reſeau,
Qu’ilz ſentirent apeſantir
Et quand ce vint à le ſeutir
Si peſant, penſans auoir pris
Beaucoup de poiſſons de haut pris,
Se reſiouyrent grandement,
Et le tirerent roidement
Au rinage pres de la terre.
Lors auiſerent vne pierre
Dans leur filé, qu’ilz auoient priſe
Auec quelque peu de menuiſe
Qui ne pouuoit gueres valoir.
Parquoy deceuz de leur vouloir
Et fruſt rez de leur eſperance
Prindrent celà en deſplaiſance
Se deſpitans de dueil & d’ire.
Mais l’vn plus ſage leur va dire:
Compagnons, ne vous courroucez:
Il ſemble que ne cognoiſſez
Que triſteſſ¢ eſt & a eſté
Touſiours la ſeur de Volupté.
Sçachez que ioy¢ eſt de la ſorte
Qu’auec elle triſteſſ¢ aporte,
|| [ID00148]

Meſmemement quand elle procede
D’eſpoir, quila raiſon excede:
Parquoy d’eſperance perdue
Ne ſoit la ioye confondue.

Ne s’orguillir du bien d’autruy.
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Tel en ſon cerueau
Se paint estre ſage,
Qui n’eſt qu’vn gros veau
Ruſtiqu¢ & ſauuage.
|| [ID00149]

De l’Aſne veſtu de la peau du Lion. Fable CLXX.
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L’Aſne ſe pourmenant parmy vne foreſt trouua la peau d’vn Lyon, de laquelle il ???affubla, puys retournaà ſa paſture. Eſta ̅ t ainſi ???couſtré il eſpouuentoit & faiſoit fuyr les au- ???es beſtes. Son maiſtre le cherchoit de tous ???oſtez, & à cauſe de la peau ne le pouuoit co- ???noiſtre mais l’Aſne le voyant venir acourut ???u deuant de luy en brayant & rechignant. ???doncq’ ſon maiſtre le recogneut & le print ???ar les oreilles, qui aparoiſſoient par dehors, ???n diſant: Combien que tu deçoyues tous ???es autres, ſi eſt ce que ie te cognois bien.Ceſte fable fait entendre, qu’il ne ſe faut ???oint faindre autre qu’on n’eſt. Ne te vante ???oncq’ point d’eſtre ſçauant quand tu es igno ???ant & d’eſtre riche & noble quand tu es pau- ???re & vilain. Pource que, ſi la verité ſe deſ- ???ouure, la moquerie te demourra.
|| [ID00150]

Dieu hait les menteurs.
[arrow up]


Quiconques ment à ſon eſcient
Promet beaucoup & rien ne tient,
Et dol & fraud¢ en luy abonde
Eſt hai de Dieu & du mon de,
|| [ID00151]

Du pauure homme malade. Fable CLXXI.
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VN pauure malad¢ alité
Prioit les dieux pour ſa ſanté,
???eur promettant en ſacrifice
???ent Beufz pour ſi haut benefice
???eſlors vint en conualeſcence:
???ais pource qu’il n’auoit puiſſance.
???’offrir cent Beufz, il s’auiſa:
Cent petitz Beufz il compoſa
???e terr¢, & deſſus les autelz
???esoffrit aux dieux immortelz,
???eſquelz voyans ſa grand’ menſonge
???’aparurent à luy en ſonge,
???’amonneſtant en doux langage
???’aller ſur le marin riuage
Et là mil¢ eſ cus trouueroit,
???i toſt qu’arriué y ſeroit.
Luy eſueillé alla aux lieux,
Qui luy eſtoient nommez des dieux.
Et comm¢ il cherchoit la pecune,
???urgirent illec par fortune
???es pirates qui l’emmenerent,
Et auec eux l’empriſonnerent:
Auxquelz mil¢ eſcus il promit
Et qu’en liberté on le miſt.
|| [ID00152]

Mais on luy fit la ſourd¢ oreille,
Puys en fin pour ſomme pareille
De mil¢ eſcus il fut vendu.
Par???e propos bien entendu
Se cognoiſt que le createur
A en hayne l’homme menteur,
Qui promet trop facilement:
Et que celuy qui faulſement
Dieu & hommes abuſer penſe
En reçoit mal pour recompenſe.

Contre les pareſſeux.
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Le fort vertueux
A tout mal reſiſte,
Le deffectueux
Par ſa faut¢ eſt triste.
|| [ID00153]

De l’Aſne & des Grenoilles. Fable CLXXII.
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VN Aſne chargé de boys paſſoit par le mi- lieu d’vn mareſcage, dedans lequel il tom ba tout las, & ne ſe pouuoit releuer: à raiſon dequoy il ſe lamentoit & plaignoit hauteme ̅ t. Les Gre noilles, qui eſtoient au palu, oyans ſes complaintes, luy dirent. Helas pauure creatu- re! que ferois-tu ſi tu eſtois en ce lieu auſsi long temps que nous y ſommes? veu que, pour le petit de temps qu’il y a que tu es cy, tu te deſconfortes ſi outragenſement?Chacun en peult autant dire à vn homme pa- reſſeux & puſilanime, qui ſe contriſte pour pe- titz trauaux & accide ̅ s, & facilement peult re- ſiſter à grans inconueniens.
|| [ID00154]

Contre les mauuais parens & maiſtres.
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Pere qui n’aprend
A ſon filz quelqu¢ art,
Soit toſt, ou ſoit tard,
Par trop il meſprend.
|| [ID00155]

De deux Chiens Fable CLXXIII.
[arrow up]


VN homm¢ auoit en ſa maiſon
Deux Chiens, dont l’vn en la ſaiſon
Alloit comm¢ apris & bien duit
Auecques ſon maiſtr¢, au deduit
De la chaſſ¢, ou tant bien couroit,
Que mainte beſt¢ y demouroit:
Et lors le maiſtr¢ avant la proye,
V???rs la maiſon qrenoit ſa voye.
Luy arriué il departoit
La curée qu’il aportoit,
Non au ſeul Chien eſtant laſſé
D’auoir ???u venaiſon chaſſé:
Car l’autre Chien qui ne bougeoit
De l’hoſtel ſa part en mangeoit:
Dont le Chien de chaſſ¢ indigné
Que l’autr¢ auoit ſi bien diſné,
Luy dit, ce n’eſt pas la raiſon
D’ainſi manger la venaiſon,
Que i’ay eu tant de pein¢ à prendre.
Tu es grandement à reprendre,
Ie labeur¢ & tu ne fais rien,
Et as autant que moy de bien.
L’autre reſpond quant à ce point
Tu as tort, ne me repren point,
|| [ID00156]

Le maiſtre doit eſtre repris,
Qui ne m’a à la chaſſ¢ apris,
Ains m’a norry ainſi que luy
En viuant du labeur d’autruy:
Parquoy ne dois me diffamer.
Auſsi ne ſont pas à blaſmer
Ceux qui par faute des parens
Sont lourdz, oiſeux, & ignorans:
Car d’enfant, dont fruit ne s’eſpere,
Le deſhonneur en eſt au pere.

Plus que moins.
[arrow up]

Fin du Second liure des Fables d’Eſope, qui fut acheué d’imprimer à Pa= ris par Eſtienne Groul= leau, le vi.iour d’Octo= bre. 1548.
|| [ID00157]
|| [ID00158]

Nul ne s’y frote.
[arrow up]

Patere, aut abſtine.
[arrow up]

|| [ID00159]
|| [ID00160]
|| [ID00161]
|| [ID00162]
|| [ID00163]
|| [ID00164]
|| [ID00165]
|| [ID00166]


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