EMBLEMES NOUVEAUX; eſquels
LE COURS DE CE MONDE EST DEPEINT ET REPRESENTé PAR
CERTAINES Figures, deſquelles le ſens
eſt expliqué par rimes: dreßés Pour plus grande incitation au gens
de bien & honorables, d’ enſuivre la pieté & vertu,
& Pour ſincere inſtruction & advertiſſement
aux meſchans & diſſolus de fuïr le vice.
Premierement
En Allemand par André Frideric, &
mainte- nant en François, pour le bien de la jeu- neſſe,
& du ſimple peuple. Mis en lumiere
par Jaques de Zettre.
Francoforti
Apud Lvcam Iennis
Anno. 1627.
|| [ID00007]
|| [3]
A Messieurs
Jaqves, & Jean de bari, propres freres, Marchants, mes
treshonorés & favorables Oncles, ſalut.
MEssieurs & tres-honorés Oncles.
Comme nul de nous n’ eſt nay pour ſoy meſme
ſeulement, ains que la pa- trie requiert une bonne partie de no-
ſtre vie, les parens ont droict à une au- tre non moindre, joint que le
tout de noſtre vie ſe doibt rapporter à la gloire de Dieu, qui ľa
donnée, & qui la conſerve tant qu’ il lui plaiſt; J’
eſtime que ľ Au- theur de ce livret, ſe ſouvenant de ces
choſes, n’a pas mal colloqué les heures qu’il y a employées, &
partant auſſi, que les deſpens que j’ay fait pour
ľimpreſſion d’icelui en Allemand & graveure des
figures, ne ſont perdus. Ce qui m’a pouſsé encore plus outre, en
ſorte que voyant qu’il a eſté bien receu en ſa langue, je
ľay fait veſtir d’ une autre robbe, que je me perſuade ne
lui eſtre mal ſeante, & ne doute point qu’il ne
puiſſe atteindre ſon but, qui eſt de repreſenter aux
ſimples & moins doctes, tant le mal que le bien; ceſtui-ci, pour
ľenſuivre, & ceſtui-là pour le fuïr.
|| [4]
Or ceſte louable couſtume eſtant, dés long temps, que ceux qui
mettent en lumiere des livres, les dedient à ľhoneur de leurs bienfaicteurs
& amis, pour leur fai- re paroiſtre ľaffection qu’ils ont de,
ou recognoiſtre les biens-faits qu’ils en ont receus, ou de les honorer
ſe- lon leur devoir, ſur tout s’ ils ſont leurs parens en
ligne aſcendante, qui ſont comprins ſous le nom de pere &
mere: recognoiſſant que vous eſtes mes Oncles, leſ-
quels à bon droit je doy honorer; J’ ay pris la hardieſſe de
vous conſacrer & preſenter ceſtui-ci en toute reve- rence,
m’aſſeurant que comme je vous ľoffre en ſin- cerité
de mon cœur, auſſi vous le recevrés benigne- ment & avec tel
viſage qu’aves accouſtumé de me monſtrer, comme
treshumblement je vous en prie, & me recommandant tres affectueuſement à vos
bonnes graces, je ſupplie le Pere de miſericorde qu’il lui
plaiſe vous faire proſperer de plus en plus, vous accompa- gnant de
ſes benedictions divines en toutes vos entre- priſes, afin que les
puiſſiés amener à telle fin, que le Nom de ľEternel en ſoit
glorifié, & que vous en ayés un entier contentement en vos corps & en vos a-
mes, leſquels je recommande au Seigneur Tout-puiſ- ſant
d’ auſſi bon cœur, que je demeure,Meſſieurs & treshonorés Oncles, Voſtre humble &
ſerviable nepveude Franckfort ce 6. de Septemb, l’ an 1627.Jaques de Zettre.
|| [5]
Preface de ľ Autheur au Lecteur.
AMi Lecteur, Le grand & excellent Juriſcon-
ſulte Ulpian parlant des pensées de noſtre cœur
dit ainſi; Perſonne n’ eſt puni à cauſe de
ſes pensées, ou bien ſelon qu’ on le pro- nonce en
noſtre language Allemand; Les pen- sées ne doivent point de peage. Or
ces axiomes ont lieu és jugemens de ce monde tant ſeulement, eſquels
perſonne ne reçoit ni louange ni punition pour ľ amour de
ſes pensées, ſoyent elles bonnes oú mauvaiſes; Mais devant le
ſiege judicial de la ſain- cte Trinité il en va bien autrement, voire
du tout au contraire; Car, comme la ſaincte Eſcriture
teſmoigne abondamment, les mauvaiſes pensées, ſur tout celles
qui ſont accompagnées d’ opi- niaſtreté, &
auſquelles la perſonne ne reſiſte point, ains y prend
plaiſir, ne meritent pas moindre punition devant Dieu, qui ſeul
ſonde les cœurs, que les paroles ou les œuvres.Or combien qu’ en ceſte grande foibleſſe &
perverſité du cœur de l’ homme, qui est à tout mal enclin, il
ſoit impoſſible de n’ a- voir aucune mauvaiſe
pensée, & eſtre pur à la façon des Anges, tout ainſi
qu’ onne peut empeſcher les oiſeaux de voler par deſ-
ſus noſtre teſte: Tant y a, que comme les oiſeaux ne
ſe peuvent
[6]
nicher ſur noſtre teſte contre noſtre gré,
auſſi peut on, moyennant l’ aide de Dieu, autant
reſiſter aux pensées mauvaiſes, qu’ on ne les mettra
point en effect, ſi on ne veut: ſelon l’ admonition pro-
verbiale, qui porte; que de mauvaiſes pensées il ne faut pas faire
des arreſts, ou concluſions.Or d’ autant que la maudite oiſiveté est ſouvent la cauſe des
mauvaiſes pensées, & qu’ à bon droit on dit, que fuïr les
occa- ſions de pecher, c’ eſt fuïr les pechés meſmes: Il
est con- venable d’ employer le temps, auquel on n’ a rien à faire,
auſſi bien que celui auquel on est chargé d’ affaires, en
ſorte qu’ on en puiſſe rendre bon conte: ſelon
que Caton a fort bien dit; Opor- tet non minus otii, quàm negotii
rationem extare: c. Il ne faut pas moins pouvoir rendre raiſon du
loiſir, que des oc- cupations, & affaires qu’ on a. Car
autrement, il ne peut ſortir que mal d’ une oiſiveté inutile,
ſelon le proverbe diſant, que De ľoiſiveté viennent
les vices. &, En ne faiſant rien, on apprend à mal faire. &c.
Pour donc remedier à ce mal, tant d’ un coſté que de l’ autre,
& le deſtourner autant que faire ſe peut, j’ ay pour mon
regard dreßé ces Emblemes, & declaré le ſens caché & intelligence
d’ iceux par rimes y adjouſtées. Et ay pris le ſubject de ces
me- ditations pour la plus part de l’ eſtat & cours du monde,
loüé la vertu & ce qui est bon, & exhorté à l’ enſuivre;
& reprins le vice, & fidelement diſſuädé d’ icelui. Au
demeurant j’ ay une entiere confiance, que ce mien labeur procedant de bonne
affe- ction, ne deſplaira à aucun qui a l’ honeur en
recommandation.
[7]
Je ne me ſuis proposé de blaſmer ou outrager perſonne en parti-
culier, lors meſme que j’ ayusé de plus grande vehemence, ains
j’ ay traicté le tout en general. Je n’ ignore pas que d’
autres excel- lents & doctes perſonnages, tant
eccleſiaſtiques que ſeculiers ont par ci-devant mis en lumiere
des Emblemes en latin avec un ſingulier artifice, attendu qu’ ils
ſont encore en eſtre: Mais d’au- tant qu’ un
chaſcun ne les entend pas, n’ ayant la cognoiſſance de
la langue; J’ ay bien voulu faire un eſſay pour ce fait en
noſtre language Allemand, eſperant que cene ſera ſans
fruict. Que ſi ce mien labeur deſplaist à quelqu’ un, il
demeure en la li- berté d’un tel, de mettre en lumiere quelque choſe
de meilleur, s’ il le ſçait faire, je lui congratuleray
volontiers & de bon cœur. Je n’ ay cerché en tout ceci en
façon quelconque ma gloire, mais par un Zele Chreſtien,
ſeulement le profit de mon prochain qui est Chreſtien avec moy, &
devant toutes choſes l’ honeur du Dieu tout-puiſſant. A
icelui qui est ſainct, fidele & miſericordieux je recommande le
lecteur benin & favorable, comme auſſi toute perſonne, lui
ſouhaitant un pieux & Chreſtien amendement de ſa vie,
& felicité temporelle & eternelle.
|| [ID00013]
Corrigés les fautes advenues en l’impreſſion, comme s’
enſuit.
Pag. 15. ℣. 1. liſes ſimple. p. 25. ℣. 8.
& 9 au commencement De, qui est au 8. doibt eſtre au 9.
& En, qui est au 9. en ſa place. p. 27. ℣. 14.
l. t’ allie p. 29 ℣. 19 & 20. l pauvreté,
affetté. la 18. fig. & ſes vers tant deſſus que
deſſous, est en la place de la 20. & au reciproque. p. 104.
℣. 1. l. pas p. 107. ℣ 21. l. taſton nant.
p. 121 ℣. 5. l. de ce monde. p. 125. ℣. 2. l.
s’enfuit ℣. 4. l la Mort. p. 128. ℣. 2. l. eu
la cheveſche p. 135. ℣. 13. l. deſſus. p.
141. ℣. 13. l. qu’ aux. ℣. 18. Et. p. 143. ℣. 14.
l. ſçau- roit on p 155 ℣. 9. l. le
fort.
|| [ID00014]
Quadrain
ONc poſſible ne fut d’ à chaſcun ſatisfaire,
A l’un plaiſt le nouveau, à l’autre plaiſt le vieux:
Il n’eſt pas defendu à toy de faire mieux,
Zoïle, ains de blaſmer, ſi tu ne le ſçais faire.
|| [2]
Dieu à creé le monde, & il a tant de teſtes.
DU grand Dieu Eternel tous ſommes creatures;
Teſtes eſtranges a au monde toutesfois:
Accommode toy donc au monde à ceſte fois,
Seul tu ne peus fleſchir tant diverſes natures.
|| [ID00016]
|| [ID00017]
|| [3]
Declaration de la I. Figure.
Dieu nous a tous creés fort merveilleuſement,
Et Chriſta rachetés tous les ſiens puiſſamment:
Le ſainct Eſprit auſſi avec grande efficace
Les Chreſtiens ſanctifie, & remplit toute place.
Heureux celui qui tout ce cognoit ſainement
Conſiderant en ſoy tant ſon commencement,
Que ſon milieu, ſa fin. Heureux celui qui ouvre
La porte de ſon cœur, & qui tout le deſcouvre
Devant Dieu l’honorant. Regarde noſtre Eſpoux,
La vraye eſpouſe à lui vueilles mener tout doux.
Ici j’ enten l’ a ſeule Egliſe Chriſtiane,
Et non pas des meſchans le grand troupeau prophane.
De teſtes il y a au monde à grand’ foiſon,
Et là un chaſcun veut enſuivre ſa raiſon.
Ne penſant à ſa fin, ni à ſon origine,
Ne cognoit ſon prochain, ni l’ eſſence divine.
Et le jour la journeé à l’advanture vit,
Qu’ il eſt Seigneur de vie en ſon cœur penſe & dit.
Il eſt certain qu’ à bien ne viendra ceſt affaire,
Dieu punira tous ceux qui ne lui veulent plaire:
La derniere heure vient, icelle retarder
Nul ne peut; penſe y bien, ſage, pour te garder
Que tu ne ſois ſurpris tout à la deſpourveuë
Sur les loix de ton Dieu jette tousjours la veuë.
|| [4]
Pour maintenir le monde, il y a trois Eſtats.
TRois Eſtats so ̅ t dreßés, l’un Nourrit, l’autre Enſeigne,
Le troiſieme Maintient ceux qui ſont oppreßés.
Nul d’ eux dire ne peut; J’ ay en moy ſeul aſsés:
Cil qui fait ſon devoir, aura l’ eternel regne.
|| [5]
Declaration de la
II.
Figure.
L’ordonnance de Dieu on peut en ce cognoiſtre,
Qu’ au monde trois Eſtats il a fait comparoiſtre;
Sans leſquels l’Univers ne pourroit ſubſiſter:
Ains ſeroit ruiné ſans pouvoir reſiſter.
C’ eſt pour cela que Dieu ici tout bien ordonne,
Afin que tout chaſcun à ſon debvoir s’ addonne.
Heureux celui qui tient la voye du Seigneur,
Et ſa vocation va ſuivant de bon cœur,
Cil qui tousjours employe à ce fidele peine
D’avoir devant ſon Dieu la conſcience ſaine,
Subſiſter devant lui, lors que rendre faudra
Le conte de tous faits & dits, lequel vaudra:
Car Dieu contemple tout, à quoy que tu t’ addonnes,
Par ton acte meſchant ſentence tu te donnes.
Sidoncques devant Dieu abſout eſtre tu veux,
Ton train & ton eſtat bien conſiderer peux.
Gouverne tout ton train par de Dieu les paroles,
Ainſi tu monteras par deſſus les deux poles.
|| [6]
L’Argentardlagent.
LE ſiecle d’or aumonde est venu à ceſte heure,
L’ Or & l’ Honeſteté, quand ils ſont balancés,
L’ Or emporte le poids: Donnans ſont avancés,
Pour argent tout eſtat de tout faire labeure.
|| [ID00022]
|| [ID00023]
|| [7]
Declaration de la
III.
Figure.
LE monde d’ à preſent ſur argent ſe repoſe,
Et les biens temporels font qu’ eſlever il s’ oſe,
La joye terrienne eſt ſon accouſtrement.
Pour ceſte vie on met l’ eternelle hardiment:
Difficulté ne fait la plus grande partie
De mettre ſur ſon chef la cappe de ſotie.
Le maheureux argent fait la bible tomber,
L’amour, la loyauté & la foy entomber.
Par terre ſont le ſceptre & l’ eſpeé: le Diable,
Ayant vaincu, ſe rit du monde miſerable,
De ce qu’il a les gens à ſon vueil faire induit,
Et les Spirituels meſmes auſſi ſeduit.
Les biens & les preſens font que peu de gens penſent
A fuïr les pechés, la plus part les avancent,
Il y a ja long temps que plus garde on n’y prend:
Auſſi les cœurs des grands l’avarice ſurprend,
Leur foy & leur amour ils mettent en arriere
Sans honte. C’ eſt à toy, ô Dieu, que ma priere
J’addreſſe, Voy cela: Car le Diable eſt ſi fin,
Qu’il ſeduit les Chreſtiens ſans meſure & ſans fin.
|| [8]
Ceſont des vices grands qui ont la vogue au Monde.
IL ne faut s’ eſtonner s’ il va ſi malau Monde;
Car pour le temps preſent quaſi toute Vertu
A prins fin: En ſa place est le vice tortu.
Conſidere ta fin, que Mort ne te confonde.
|| [ID00026]
|| [ID00027]
|| [9]
Declaration de la
IV.
Figure.
DU Monde la clarté Dieu ſouſtient Voyant-tout,
Autrement il ſeroit tenebreux juſqu’ au bout.
La force malheureuſe avec ſa violence,
A fait que cruauté eſt venuë à outrance,
C’ eſt l’honeur de ce monde & le deſir d’ argent
A quoy eſt maintenant addonnée la gent.
Puis auſſi ſe fait veoir l’ orgueil & ſuperbie,
Et le plaiſir charnel, avec ſon infamie.
Le Monde eſt appuyé ſur l’inique Mammon,
Quiconque en a le plus eſt en plus grand renom:
Il eſt mis au deſſous de l’arbre tranſitoire,
Son temps employe mal, ſelon qu’ il eſt notoire.
La Juſtice & la Foy liées ſont ſouvent,
Sur tout lors que l’ argent bien tinte & marche avant.
On ſe tient fort & ferme à l’ honeur qui s’ envole,
Tant le glaive-portant, que celui qui immole.
Combien que nul d’iceux ſon heure ne cognoit,
Et que de fine Mortattrapés on les voit;
Voire eux qui par fineſſe & par gloire mondaine
Penſoyent vaincre Satan, ſans avoir fort grand peine.
Ceux qui devroyent à Dieu ſervir ſans fiction,
Vont par leur propre coulpe à leur perdition.
Approche toy de Chriſten vraye repentance,
Ainſi la mort ſur toy n’ aura point de puiſſance.
|| [10]
L’alme vertu ſe void maintenant priſonniere.
QUi veut eſtre pieux n’ est en aucune eſtime,
On louë la vertu, mais c’ est ſans l’ excercer,
Pluſtost on la verra en priſon oppreſſer;
Par ce moyen s’ eſmeut l’ ire du Dieu ſublime.
|| [ID00030]
|| [ID00031]
|| [11]
Declaration de la V. Figure.
Odouce Charité avec tes beaux enfans, (quans
Quand de chaines vos mains, & vos cols de car-
Environnés on void, pres de grande richeſſe,
De laquelle on pourroit aider à grand largeſſe
Maint homme creignant Dieu, ayant neceſſité:
On peut bien dire alors en pure verité,
Que c’ eſt tout pour neant que de toy on ſe vante:
Car maint qui a gra ̅ ds bie ̅ s, neant moins ſe tourme ̅ te,
Et ſouffre pauvreté lui meſme volontiers,
Tant qu’il meure, & ſes biens laiſſe à ſes heritiers.
Le reſte des vertus on void empriſonneés,
Chaſcun ſes volontés enſuit deſordonnées,
Meſmement les anciens n’y veulent adviſer,
Les jeunes ne s’ en font que rire, & meſpriſer
Les Vertus: Dont il faut que Dieu y remedie
Par famine, & par peſte, & autre maladie;
Comme desja on void en maint & maint endroit,
Que le mal commencé de plus en plus s’accroit.
O Seigneur donne nous par ta faveur & grace,
Que des vertus puiſſions ſuivre la vraye trace.
|| [12]
En Chriſt tant ſeulement ſe trouve le ſoulas.
COmme les voyagers laßés cerchent l’ ombrage,
Pour un peu repoſer couvers contre l’ ardeur
Du chaud Soleil; Ainſi du fidele le cœur
Sous la croix d’ un ſeul Christ peut reprendre courage.
|| [13]
Declaration de la
VI.
Figure.
L’Ombre du vray arbre eſt le ſeul Seigneur Jeſus,
Ceſt arbre au loing eſtend ſes branches par deſſus
Tout le monde: Il ſouſtient le tout par ſa puiſſance.
Quiconque va cerchant ſous lui en confiance
A ſon ame repos, en quelque temps & lieu
Que ce ſoit; il l’ aura en lui comme en ſon Dieu.
O trois & quatre fois heureux cil qui ſouſpire
D’ un cœur non feint à lui, & tousjours s’y retire,
Pour ſon ame cerchant ſous lui un tel repos,
Lequel il trouvera, & tout gay & diſpos
Pourra prendre ſur ſoy la robbe nuptiale,
De laquelle veſtu entrera en la ſale
Du grand Roy de ce Tout, & là aſſiſtera
Au nopces de ſon fils, où bien-venu ſera.
Nous ne ſçaurions trouver, c’ eſt choſe veritable,
Ce precieux habit, des pechés en l’eſtable.
Parquoy deſpeche toy, vien avec grand deſir
Vers l’arbre du Seigneur, en lui pren ton plaiſir:
Icelui meurira les bons fruits de ton ame,
Et fera qu’ à jamais ton ame ne ſe paſme.
|| [14]
Aggreable eſt à Dieu vraye ſimplicité.
SI du monde es moqué, Chreſtien, qu’ il ne t’en chaille,
Li de Dieu la parole & la medite bien,
Lors tu pourras ſans crainte aſſeurer le pas tien:
Sinon, tu ne feras jamais choſe qui vaille.
|| [ID00036]
|| [ID00037]
|| [15]
Declaration de la
VII.
Figure.
L’Aſne laborieux eſt une fimple beſte
A laquelle on ne fait en ce monde grand feſte;
Tant y a neant moins, que Jeſus le Seigneur
Ne ľa point dedaigné, & n’a cerché ľhonneur
Du monde: Cartout ce que le monde n’ eſtime
Dieu couſtumierement le met en lieu ſublime.
Il abbat les hautains, & les humbles en haut
Eſleve; ainſi en Dieu le ſimple ne defaut:
Les ſages il ſurprend, en toute leur ſageſſe,
Redreſſe les courbés, les aide en leur deſtreſſe.
Quiconque en tout affaireici va tousjours droit,
Se tenant au Seigneur ferme, à tous ſes dits croit,
Ne ſe deſtourne point à dextre n’à ſeneſtre,
Auſſi n’eſt ſarreſtant à la joye terreſtre,
Mais imite l’Aſnon, qui le droit chemin tient,
Selon que le Seigneur le guide, va & vient:
Tel en ſa ſimple foy, reveſtu de juſtice
De Jeſus ſon Sauveur, trouvera Dieu propice,
Lequelle recevra au royaume des cieux,
Où tous te loueront, ô Dieu, à qui mieux mieux.
|| [16]
Telle eſt de vraye foy la conſtante nature.
COmme on ne void tarir une vive fontaine,
Ains verſe aux animaux richement ſa liqueur;
En œuvres de clemence ainſi des bons le cœur
S’exerce, & plaist à Dieu en conſcience ſaine.
|| [ID00040]
|| [ID00041]
|| [17]
Declaration de la
VIII.
Figure.
TOut ainſi qu’une ſource en haut ſon eau jettante
Eſt à tous animaux une rente excellente,
Dont il n’y a aucun qui s’en puiſſe paſſer,
Que ſi on n’en a point, il en faut pourchaſſer:
Comme auſſi de tant plus qu’on puize en la fontaine
Tant plus elle rend d’eau, & à ľinſtant eſt pleine,
On void pareillement & ſa courſe & ſon flux
Avec ſon bruit bruyant croiſtre de plus en plus.
Ainſi d’un cœur ardant la foy qui eſt non feinte
S’ eſleve contre mont ayant de Dieu la crainte:
Et d’autant plus qu’ elle eſt rafreſchie en ce lieu,
Tant mieux elle retient ſon Seigneur & ſon Dieu,
Et ne le laiſſe aller en aucune maniere,
Juſques à ce qu’ elle ait obtenu ſa priere.
Par le moyen de foy & de dilection
On parvient au Seigneur, & à fruition
De tout ce qu’ on ſouhaite: Ainſi la vraye ſource
Qui ľame rafraiſchit eſt atteinte en ſa courſe.
|| [18]
Ainſi la Charité vraye ſe repreſente.
ES quarrieres on void couper la pierre dure,
D’icelle toute ſorte on fait de baſtiment,
Pierre à pierre joignant par crampons & ciment:
Ainſi de Charité est la ferme nature.
|| [ID00044]
|| [ID00045]
|| [19]
Declaration de la
IX.
Figure.
L’Ancienne couſtume eſt de joindre pierre à pierre
Pour baſtir des maiſons, & les pierres on ſerre
Enſemble de crampons avec plom inſerés,
Voire qui veut avoir baſtimens aſſeurés
Encontretous les heurts & force violente,
Depeur qu’ elle ne les abbate ou face fente.
Pareillement unie & conjoincte eſt la Foy
A Charité ardante, où il n’y a dequoy
Se plaindre aucunement de male-tromperie.
De force eſt Patience en la Croix bien cherie,
Pour autant que la Foy ne peut eſtre ſans Croix;
L’ardante Charité de tourmens ni d’abbois
Ne ſe ſoucie point: Ici la Patience
Surmonte tout: Et Dieu lui fait veoir ſa clemence.
En la tentation ſe void le baſtiment
Qui a eſté posé ſur un tel fondement,
A l’encontre duquel violence ne force
On ne peut inventer, combien qu’ on s’y efforce:
Ce baſtiment ne peut ſe fendre, tant il tient;
De Prudence d’ Eſprit ſeule tout cela vient.
|| [20]
L’ Eſperance Chreſtienne oncquesne confondra.
HElas! combien de maux il faut qu’ un Chreſtien ſouffre
En paſſant l’Ocean du monde furieux:
Ton eſpoiren la voix du Seigneur, curieux
Sois d’ ancrer, ſi ne veux eſtre englouti du gouffre.
|| [ID00048]
|| [ID00049]
|| [21]
Declaration de la X. Figure.
REgarde de jetter ton ancre en un tel lieu,
Où c’eſt que ſon cours a la parole de Dieu:
En charité de foy celui ferme demeure,
Au cœur duquel la foy ſe deſcouvre bien meure.
Quelque vague en la mer qui lui vienne au devant,
Quelque bruit que ce ſoit, ou tourbillon de vent,
Rien nuire ne lui peut, ni rompre ſa naſſelle,
Pour autant qu’en ſon cœur le Seigneur ſa foy ſeelle.
Tu pourras aisément paſſer parmi la croix,
Si ferme tu te tiens à Dieu & à ſa voix.
Tu paſſeras les maux du monde en telle ſorte,
Qu’ en fin tu parviendras des cieux juſqu’ à la porte:
Car Foy & Charité de telle vertu ſont,
Que du Diable pervers aucun conte ne font.
Or mets tant ſeulement le caduque en arriere,
Et ſui de Jeſus Chriſt ton redempteur ľorniere.
Par la force d’Eſprit & ſon ſoulagement
A ſa voix de ton cœur fiche ľancre hardiment:
Par ainſi le ſalut auras pour ton partage,
Le royaume des cieux eſt ton meilleur gaignage.
|| [22]
Il faut que par la croix le cœur ſoit eſprouvé.
DIeu conduit ſes enfans d’ une facon eſtrange,
Rouge est l’une des croix, l’ autre a noire couleur,
Douleur ſuit le plaiſir, & le plaiſir douleur:
La parole de Dieu luit, & jamais ne change.
|| [ID00052]
|| [ID00053]
|| [23]
Declaration de la
XI.
Figure.
LACharité vraye eſt choſe tres-precieuſe,
Tentation ne craint, tant elle eſt courageuſe.
En Dieu & ſa parole elle met ſon eſpoir,
En charité le cœur tout ardant ſe fait veoir.
Bien que la noire croix lui apporte triſteſſe,
La rouge en peu de temps lui r’apporte lieſſe.
Un tel cœur tousjours vole en foy contre les cieux,
Et regarde haut & bas à ſon Dieu gracieux.
Tu l’as ſans contredit en ſa parole ſaincte,
Son lieu ceſte-ci monſtre en verité non faincte.
Que ſi nous demeurons en foy tout ſimplement,
Aux paroles de Chriſt croyans entierement,
Noſtre propre raiſon amenans priſonniere
Par la force de Foy à la voix de lumiere,
Une telle Foy croit la parole de Dieu,
Qui ne croit point à Dieu, entre Chreſtiens n’a lieu,
Et ne peut contempler la lumiere vivante,
La parole le juge auſſi, quoy qu’il ſe vante.
An contraire celui qui aime de bon cœur
Les paroles de Chriſt, demeurera vaincueur,
En aimant ſon prochain ſans fraude ni malice,
Il recevra de Dieu l’ eternel benefice.
|| [24]
L’Arc trop tendu ſe rompt, ou pour le moins la’ corde.
DE jouër ſur le luth, & pluſieurs livres lire,
Il ne faut point douter que ce ne ſoit plaiſir:
Mais de tendre trop fort les nerfs n’ aye deſir,
Ni de fauſſe lunette; il ne te peut que nuire.
|| [ID00056]
|| [ID00057]
|| [25]
Declaration de la
XII.
Figure.
LEs vers qui ſont chantés ſur le luth ſont plaiſans,
Et font paſſer le temps ſouvent aux courtiſans.
Il eſt vray que beaucoup de temps le jouëur paſſe,
Le plaiſir qu’on y prend la joye ne dechaſſe:
Mais ſi quelqu’ un trop fort du Luth la corde tend,
Elle ſe rompt, & lors le tendeur ſe repent.
Ainſi ſemblablement cil qui fait violence,
De acquiert puis apres à ſon dam cognoiſſance.
En la ſaincte Eſcriture ainſi il en advient,
A grand joye d’ eſprit de Dieu elle nous vient,
Sa voix le cœur, la moële, & ľame reconforte
Contre tous les aſſauts de tentation forte.
Quiconque à Dieu ne veut croire, ni à ſa voix,
Ains ſon opinion enſuit à chaſque fois,
Et icelle pretend inſerer en la Bible,
Et non pas ceſte-ci en ſa teſte inflexible.
Cerchant en des mots clairs pluſieurs ſubtilités,
Pour en avoir le ſens à ſes cupidités;
Item qui ne veut point avoir droictes lunettes,
N’ayant ſouci du temps, ni des paroles nettes,
Ni du but du parlant, ſuivant ſimplicité.
(Soit qu’ il le croye, on non) en touté verité,
Pour avoir rejetté par ſa raiſon charnelle
Le vray ſens, ſouffrira une peine eternelle.
|| [26]
Pren bien garde à tes pas de peur que tu ne tombes.
EN quelque lieu qu’ on aille, on trouve de la faute;
L’argent fait non-voyans pluſieurs qui ſont voyans:
Pren garde à tes brebis qui paiſſent par les champs:
Car tu es en danger que le loup ne les t’ oſte.
|| [ID00060]
|| [ID00061]
|| [27]
Declaration de la
XIII.
Figure.
TOut ho ̅ me qui au loing de ſes clairs yeux regarde,
Et à l’entour de ſoy aveugle ne prend garde,
Void en païs d’autruy beaucoup d’infirmité,
Sans mettre ſa lunette & voir la cruauté,
Qu’ exercent les cruels loups en ſa bergerie:
Un tel eſt pour certain digne de moquerie.
Cil qui en faict d’autruy veut eſtre ſi veillant,
Et quant à ſes brebis eſt tousjours ſommeillant,
Les laiſſant par erreur, ou par doctrine fauſſe,
En danger de leur corps, & de cheoir en la foſſe
De ľEnfer tenebreux: Un tel en s’ erigeant
Sur colomne qui n’a fondement’que d’argent;
On ne ſçauroit aſsés exprimer ſa folie:
Remarque bien un tel, & de lui ne t’a lie.
Le vray berger ne peut ſouffrir que ſon troupeau
Endure froid ou faim, ou bien diſette d’eau,
Ains en droicte ſaiſon le mene au paſturage,
Le maintient & defend encontre de la rage
Des loups deſgaſte-parcs: de peur qu’ on n’ait dequoy
Lui dire à juſte cauſe; Aide premier à toy,
Tu feras puis apres aux autres aſſiſtance
Al’ encontre du loup qui leurs brebis offence.
|| [28]
Dedans un verre eſtroit grand bruit le tavan meine.
LE tavan eſtant pris dans la phiole, murmure:
Ainſi l’ eſprit d’ erreur tient en ſecret ſes tours;
Tant ya qu’ en lumiere ils viendront quelques jours,
Et ſa punition il faudra qu’il endure.
|| [ID00064]
|| [ID00065]
|| [29]
Declaration de la
XIV.
Figure.
QUand le tavan faſcheux ſe trouve dans un verre,
Ily fait retentir ſon murmurant tonnerre,
Au plus fort de ľEſté, & principalement
De nuict, par ſon ſourd bruit s’ eſveille maint dorma ̅ t,
Le tavan volontiers place eſtroite n’ endure:
Ainſi un heretique & ſa doctrine impure
Se fait ouïr bien toſt, quand il ſe void ſurpris
Par la ſaincte Eſcriture, il tord les mots eſcrits.
Il faut que ſon eſſaim avec le bruit qu’il mene,
En oſte le vray ſens par ſa gloſe vilaine.
Il faut entierement que ľexplication,
Qu’en ſon cerveau a mis ſa folle paſſion,
Soit toute la meilleure, & meſme oſe bien dire
Que c’ eſt le fondement où ne faut contredire.
L’Heretique & tavan jamais n’apportent bien
Ils enveniment tout ſans en eſpargner rien.
Le tavan par poiſon met la fin à ſa vie,
L’Heretique meſchant deſſert qu’on le chaſtie.
Mais n’ eſt ce pas ici une grand’ pauvrete,
Que maint qui penſe voir clair, & eſtre affette,
En tel aveuglement eſt, que comme heretiques
Il blaſme du Seigneur les plus ſaincts domeſtiques.
|| [30]
Tel eſt l’ arbre de vice avec ſes fruits tant beaux.
QUel est l’ arbre à ſes fruicts on cognoist d’ ordinaire,
Le bon porte bon fruict, & le mauvais mauvais,
Les vices ſont conjoints, & par tout trop eſpais:
Si tu n’ es aſſeuré du faict, vueille t’ en taire.
|| [ID00068]
|| [ID00069]
|| [31]
Declaration de la
XV.
Figure.
IAmais aucun bon fruict ne print ſon origine
D’arbre qui ait eſté de mauvaiſe racine.
Auſſi toſt que ľon ſent quelque ſubtilité,
On voudroit maiſtriſer meſme la Deité.
Le malheureux Satan au monde orgueil apporte,
Et de tout ſon pouvoir au bien ferme la porte.
Nul ne ſçait lire bien, ſinon ľhomme envieux,
Eſtimant qu’inſensés ont eſté tous les vieux.
L’enflée ambition eſt en haut eſlevée,
Pour l’amour des preſens, couſtume depravée!
A tout cela ſurvient la curioſité,
De tout eſcrit changer aurons commodité.
Et s’il y a aucun lequel noſtre fineſſe
Deſcouvre; Par argent nous ferons qu’il nous laiſſe.
L’Avarice ſouvent maint homme fait paſſer
Si avant, qu’il s’ employe à verité chaſſer.
Ce ſont là les beaux fruicts que ce bel arbre porte.
Mais encor il en croit un de mauvaiſe ſorte,
Tout au plus haut de ľarbre, & principalement
Il y doit eſtre afin que le tout librement
Se face: avec ľeſpée un chaſcun je menace,
Avec gibet, & rouë, ou bien avec diſgrace:
Qui ne veut obeïr à mes commandemens,
Je lui feray ſouffrir & angoiſſe & tourmens.
|| [32]
Eſcoute en tout affaire auſſi l’ autre partie.
LE Diable est un Eſprit plein de toute malice,
Et ſur tout il aſſaut par ſes ruſes ceux-là,
Qui ſages penſent eſtre en ceci & cela.
Soigneux pren garde à toy & à ſon artifice.
|| [ID00072]
|| [ID00073]
|| [33]
Declaration de la
XVI.
Figure.
DE quereller n’y a ni reigle ni meſure,
Puis qu’un chaſcu ̅ prete ̅ d de ſon fait la droicture.
Souvent on void aſsés que c’eſt par meſentend,
Voire (gra ̅ de honte c’eſt) maint ſon fait point n’ente ̅ d;
Et neant-moins ſouvent ſe rapporte à juſtice,
A la ſaincte Eſcriture, & ce avec prejudice:
Mais ce pendant il ouvre un œil tant ſeulement,
Pour ne voir rien ſinon avantageuſement
Ce qu’il deſire fort: Toy contemple le texte
Tout entier, ne cerchantici aucun pretexte,
Si tu veux eſtre ſage & au fait entendu
De la ſaincte Eſcriture, à quoy as pretendu,
Qu’eſt il beſoin de ce qu’a eſcrit Ariſtote?
Car il eſtoit payen commettant mainte faute.
Or la doctrine humaine eſt confite en abus,
Et celui quin’ eſt qu’homme, errer peut tant & plus.
Puis le malin Eſprit voudroit bien tout confondre;
Garde toy donc de lui, de peur qu’il ne t’ enfondre
En l’enfer tenebreux; En fineſſe eſt diſcret,
Il ſe monſtre eſtre ami, mais il trompe en ſecret.
Fay ce que Dieu te dit: Et ſi l’ennemi oſe
T’inciter à peché, tien lui l’oreille cloſe.
Or l’ Eternel te dit, que Chriſt eſt le chemin,
La verité, la vie, & il te tend la main:
En lui doncſeulement croy, ſes mandemens garde,
Ainſi viendras à Dieu qui eſt ta ſauvegarde.
|| [34]
Le monde eſt gouverné d’une eſtrange façon.
EN ce monde il ya des gens de toute ſorte,
L’ un veut tout eſpargner, & l’ autre tout deſpend:
Celui qui fait du bien jamais ne s’ en repent,
Mais celui qui fait mal ſon droict ſalaire emporte.
|| [ID00076]
|| [ID00077]
|| [35]
Declaration de la
XVII.
Figure.
ILy a moult de gens travaillans en ce monde,
Le plus d’iceux ne plaiſt à Dieu, quand il les ſonde:
Car le nombre plus grand au Diable eſt addonné,
Et tout ſelon ſageſſe humaine a ordonné.
L’un s’exerce au travail, ľautre ne fait que boire,
Et le pecheur meſchant ne veut point à Dieu croire.
Le troiſieme baſtit, le quatrieme desfait,
Un chaſcun eſtre veut le maiſtre par effect.
Ceux-là ſont clair ſemés qui pour le feu eſtaindre
Se mettent en devoir, lors qu’il eſt à contraindre,
Mais quand le feu eſt grand & que des ja tout ard,
On le veut eſtouffer, mais on y vient trop tard.
O n ne prend point d’eſgard à la racine verte,
Qui fleurit, refleurit encor bien que couverte.
O Seigneur Eternel, vueilles y regarder,
Vien, vray Dieu, viſiter, voire ſans plus tarder.
Charité & ſes fruicts, & la Foy eſt eſteinte,
Vien bien toſt & reçoy de tes ſaincts la complainte.
Le ſalaire à chaſcun donne en ton jugement,
Aux fideles & bons, ſelon ton jurement,
Vueilles communiquer la couronne de gloire,
Et aux meſchans l’enfer, puis qu’ils ne veulent croire.
|| [40]
En haut ſe va guindant Juſtice venerable.
ENtre tous les oiſeaux qui l’air flottant traverſent,
L’Aigle ſeul est qui peut dans le rond regarder
De Titan chaleureux: Ceux qui veulent garder
Saincte juſtice, ainſi en ce monde s’exercent.
|| [ID00080]
|| [ID00081]
|| [37]
Declaration de la
XVIII.
Figure.
TOut le monde eſt rempli de toute mauvaiſtié,
Garde t’en, autrement tu ſeras chaſtié,
Aye ſoing de n’errer ſur tout en ta croyance,
Mais comme le ſerpent, uſe toy de prudence.
Aux dits de l’Eternel croy en ſimplicité
La colombe imitant fuy la ſubtilité;
Laiſſe les tous entiers ſans adjouſter n’en prendre,
Car telle fauſſeté l’ire de Dieu engendre. (Deut. 4. 12.
Auſſi à ton pochain porte amour de bon cœur,
En lui communiquant de tes biens ſans rancœur,
Comme à l’ame & au corps il lui eſt profitable;
Repren le en ſes desfauts ainſi qu’ eſt convenable,
Avec douceur d’eſprit à bien l’ameneras
Et ainſi aisément obeïr le reras.
O que tu es heureux avec ton cœur fidele,
Dieu recompenſera une pieté telle:
Tu recevras au ciel ſalaire richement,
La couronne de gloire auras pour ornement,
Pource qu’ as manié ton eſpée en droicture;
La gloire t’ appartient laquelle tousjours dure.
|| [38]
L’Amour & loyauté ſont tousjours par enſemble.
LAoù l’ Eſprit de Dieu la religion plante,
Le cœur incontinent ſincere ſe fait voir,
Et à ſes deux coſtés tousjours il veut avoir
Foy & Dilection: Telle race est plaiſante.
|| [ID00084]
|| [ID00085]
|| [39]
Declaration de la
XIX.
Figure.
Vn gra ̅ d cœur, & conjoinct avec un grand courage,
Qui combat pour avoir l’eternel heritage,
Ayant à ſes coſtés la Charité, la Foy,
Et tousjours regardant devant & apres ſoy.
Il a beaucoup de cœurs dans ſa circonference,
Qui lui ſont tous loyaux en bonne concordance,
Et qui tous enflammés ſont de dilection
Par ſageſſe de Dieu, & par direction
De ľEſprit d’icelui: Je mets ceſt axiome,
Qu’heureuſe eſt la cité telle, heureux tel royaume;
Entrer là ne pourra nulle calamité,
Pour autant que ľamour & la fidelité
Fermement ont voulu logis en tel lieu prendre,
Et d’ un cœur les ſouhaits devant Dieu font eſpandre.
Tels cœurs plaiſent auſſi à la Divinité,
Elle tousjours les aide en leur neceſſité;
Car la vraye priere outrepaſſe la nue,
Et vient juſques à Chriſt lequel rien ne renue.
|| [36]
La vie des humains doit eſtre ainſi reglee.
HOmme mortel crain Dieu en ſuivant ſa loy ſaincte;
Porte amour au prochain, ne lui fais aucun mal,
En ta religion ſois prudent & feal:
Dieu parfera le reſte, onques n’ en ſois en crainte.
|| [ID00088]
|| [ID00089]
|| [41]
Declaration de la
XX.
Figure.
IL n’y a point d’oiſeau qui en vol ſoit pareil
A ľ Aigle, lequel peut regarder le ſoleil,
Il s’eſleve haut en ľair vers la ſplendeur bruſlante
De Phœbus flamboyant, lequel ne ľeſpouvante,
Encorbien qu’il luiroit deux ou trois fois plus fort,
Sine lui peut il nuire aux yeux par ſon effort.
Ainſi pareillement s’eſleve la juſtice,
Et penetre par tout en honneur ſans malice,
Ne ſeſpouvante point pour force ni clarté,
Ains de ſes yeux par tout regarde en liberté:
Sur verité demeure avec ferme courage,
Et pluſtoſt laiſſeroit corps, vie & heritage:
Elle cognoiſt treſbien que Dieu aime le droit,
Et tous les gens de bien auſſi en tout endroit:
On la verra un jour en vie au ciel montée,
Aux meſchans eſt la mort eternelle appreſtée.
|| [24]
Souventesfois on void la juſtice enchainee.
LE chien eſtant lié abbayant ſe heriſſe,
En ſorte que de loin ſouvent on oit ſa voix,
Tant y a qu’il demeure attaché à ſon bois:
Ainſi il en advient ſouvent à la juſtice.
|| [ID00092]
|| [ID00093]
|| [43]
Declaration de la
XXI.
Figure.
IAçoit que retenu ſoitle chien par la chaine,
Si ſe fait il ouïr ſouvent en mainte plaine:
Et combien qu’on ne peut le veoir à chaſque fois,
Il ſe deſcouvre bien neantmoins quelque fois:
Il en prend tout ainſi de la Juſtice ſaincte,
On ne la void ſouvent en republique mainte,
Si oit on bien ſes cris & ſon gemiſſement,
Et pour certain au jour viendra finalement,
Lors elle reluira par la vertu divine:
Mais bien toſt le meſchant s’en ira en ruine,
Honte & ignominie ayant pour portion,
Afin qu’au vray Dieu ſoit faicte confeſſion.
Car comme le Soleil en ſon lict ne demeure,
Auſſi Dieu aide aux ſiens quand il en eſt droite heure.
Ainſi le cœur fidele eſt remis en vigueur,
Lequel au paravant eſtoit en grand langueur.
|| [44]
Le piquant Heriſſon reſſemble au droict ſevere.
TOutainſi que le chien fort ſe bleſſe en la chaſſe
De l’heriſſon piquant, quand il le veut haper:
Pareillement celui ne pourra eſchaper,
Lequel contre le droict oſe tourner ſa face.
|| [ID00096]
|| [ID00097]
|| [45]
Declaration de la
XXII.
Figure.
L’Heriſſon eſt armé d’aiguillons bien piquans,
En ſorte que les chiens qui le ſont attaquans,
Cerchans de lui oſter & le corps & la vie,
Ne font rien qu’abbayer & monſtrer leur envie:
Car il les pique fort en la gueule & par tout,
Où ils le viennent joindre, & ſi en vient à bout,
Tellement qu’il les fait reculer en arriere,
Abbayans contre lui. Tout en ceſte maniere,
Maint ſuperbe penſant eſtre fort bien adroit
S’eſleve par trop haut à ľencontre du droict.
Mais rien ſinon bleſſeure en ſa gueule il n’emporte,
A ſes biens, corps, honneur ainſi dommage apporte.
Parquoy, ſi tu es ſage, il te convient garder,
Ton ſalaire autrement recevras ſans tarder.
Qui aime verité, & fidele ľexerce,
Tel avec ſon prochain en ſaincte paix converſe,
Il aime ľequité tousjours & la rondeur;
Làhaut és cieux ľattend la couronne d’honneur.
|| [64]
Ceci eſt bien certain que tout trop ne vaut rien.
QUiconque ſon mouſquet chargeant ne tient meſure,
Lui meſme est aisément le premier abbatu;
Pareillement ſe void par ſa coulpe batu
Cil qui tord & corrompt la juſtice & droicture.
|| [ID00100]
|| [ID00101]
|| [47]
Declaration de la
XXIII.
Figure.
L’Arquebuſe ſouvent vaut bien un bon ami,
Elle defend ſon maiſtre encontre l’ennemi:
Que ſi en la chargeant tu tiens juſte meſure,
Mieux t’en pourras ſervir: Mais ſi tu n’en as cure,
Ains par temerité tu la charges trop fort,
Tu ſeras le premier qu’ elle mettra à mort.
Il en advient ainſi quand on fait violence
A la droicte juſtice, & par outrecuidance
On la tord & corrompt, pour l’envie aſſouïr;
Quiconque fait cela, n’en peut long temps jouïr,
Il recevra en fin ſon tres-juſte ſalaire,
Eſtant puni en l’ame & corps comme fauſſaire,
Car quiconque fait mal reçoit ſon chaſtiment;
Mais grace avec les bons eſt eternellement.
|| [48]
Tel eſt le naturel de tout homme mondain.
ON cerche honneurs, & force, & argent en ce monde,
On s’addonne à orgueil & à preſomption,
Venus est de pluſieurs la delectation;
Par ainſi le cœur tombe en l’abyſme profonde.
|| [ID00104]
|| [ID00105]
|| [49]
Declaration de la
XXIV.
Figure.
AU monde ſe fait veoir ľaffection humaine,
Qui à ces quatre buts ľhomme conduit & meine,
Il veut premierement de ľhoncur temporel,
Afin qu’il ait en main le glaive corporel,
Puis il s’en va cercher avec grand diligence
Le ſac rempli d’argent par droict ou par meſchance;
Et quant & quant s’enſuit ľorgueil & la fierté;
Puis le plaiſir charnel en toute liberté.
C’eſt ce que bien ſouvent d’aller à Dieu empeſche,
Le petit doigt devroit touſcher Dieu, mais reveſche
Il eſt tiré du cœur dedans le monde bas,
Où la gloire & l’argent ſont tousjours ſon pourchas.
C’eſt en ce qu’aujourd’huy lemonde fort s’amuſe.
Et le Diable malin tous les mondains abuſe,
Tellement que ſouvent maint homme de grand cœur
Aisément en oubli met Dieu ſon createur.
O dommage infini! ô choſe deplorable!
Que n’y pensés Chreſtiens, comme il eſt convenable?
Pourquoy aimés vous mieux le monde & vanité,
Que le ſalut qui dure à perpetuité?
Quiconque met la main aux filés de malice,
Et fin il tombera en mauvais precipice.
|| [50]
Je repreſente ainſi le devoir des Juriſtes.
SI tu dois decider une cauſe peſante,
Vueilles la bien peſer, afin que juſtement
En puiſſes puis apres prononcer jugement,
Ainſi tu obtiendras couronne permanente.
|| [ID00108]
|| [ID00109]
|| [51]
Declaration de la
XXV.
Figure.
SI tu veux eſtre dit un droicturier Juriſte,
Et de fait vray Chreſtien, & non pas Atheiſte,
Tourne tes yeux ouverts tout à ľentour de toy;
Le temps de maintenant le requiert fort, croy moy:
Ne vueilles descoher par paſſion ta fleche,
Car quiconque le fait contre ľEternel peche.
Or toy, homme de bien, jamais ne le feras,
Ains tout premierement le fait bien cognoiſtras:
Viſe ľœil ſans faillir de ta ſagette atteindre,
Et de percer le cœur qui eſt faux, ſans rien craindre:
Monſtre lui de ta main auſſi fidelement,
En quoy il a failli & a fait follement:
Lors en humilité auras louänge bonne,
Sur ton chef porteras de gloire la couronne,
|| [52]
Choſe plaiſante à Dieu c’eſt de tousjours bien faire.
AInſi l’homme de bien ſon art & ſa ſcience
Employe, & à chaſcun il fait tousjours le droit
Sa ̅ s haine & ſans faveur: qu’ainſi Dieu le veut, croid,
Auquel il veut ſervir en bonne conſcience.
|| [ID00112]
|| [ID00113]
|| [53]
Declaration de la
XXVI.
Figure.
LA figure à trois coings de tous coſtés deſcouvre,
Car trois viſages a, & de tous trois elle ouvre
Les yeux diligemment: Et de plomb le niveau
En droicte ligne pend: Et le trebuchet beau
En juſte poids deſſous. Si ſans nulle malice,
Ainſi que le ſerpent, la prudence & juſtice
On conjoinct, Dieu le veut, ſans nulle invention,
Le ſage à cela penſe avec attention,
Et le fait, Dieu aidant à ſaincte diligence,
Il peſe au paravant le tout avec prudence,
Et n’eſt point eſtourdi; Ne fait rien par faveur,
Mais pour ľhoneur de Dieu employe ſa valeur:
Puis apres à chaſcun il prononce en droicture
Le jugement de tout en conſcience pure.
Ne prend aucuns preſens, eſtime le plus beau,
N’abuſer de ſa force, ains tout faire au niveau.
Or puis que ľEternel tout ce bien toſt contemple,
Ille peſe au poids juſte, & rend un ſalaire ample,
Avec meſme monoye il paye argent contant,
Et ſi ainſi as fait, tu en verras autant.
|| [54]
Ceci eſt le miroir des Chreſtiennes Vertus.
CEs deux belles vertus d’honeur ſont couronnees,
L’une est Integrité, & l’autre Verité,
Entr’elles ily a beaucoup de pieté;
Elles ſont toutesfois aujourd’ huy contemnees.
|| [ID00116]
|| [ID00117]
|| [55]
Declaration de la
XXVII.
Figure.
EN tout temps & ſaiſon ſans aucune malice
Sois diſcret, en uſant de la clef de juſtice;
Aime de cœur entier la loyauté & foy,
Et en toute vertu tousjours exerce toy.
Jette bien viſtement de toy tout mal arriere,
La loy ſur le meſchant darde en ceſte maniere;
A celle fin qu’eſtant ſaiſi de ſaincte peur,
Du vice deſormais il repurge ſon cœur.
De ľhomme quoy que grand jamais ne t’eſpouvante;
Mais attain le du droict de ta fleſche volante.
Demeure en ferme foy & vraye charité,
Et ne te fie point (car c’eſt temerité)
Au meſchant & larron, quoy que ſemblant il face
D’eſtre loyal; fuy le, car ce n’eſt que fallace:
Penſe pluſtoſt tousjours à ces deux chefs tant beaux,
Qu’ils luiſent devant toy ainſi que des flambeaux:
L’un d’iceux Verité, & ľautre repreſente
La ronde Integrité, aux preud-hommes decente:
Couronnées d’honeur elles ſont à bon droit,
Car ſaincte loyauté chaſcun y aperçoit.
Or courageuſement à tout honeur t’addonne,
Et tu ſeras orné de ſemblable couronne.
|| [56]
Pren les armes au poing & defen la patrie.
DIeu au commencement crea l’ homme ſans armes,
Il advient toutesfois qu’en ſa vocation
Maint s’en ſert juſtement contre l’oppreſſion:
S’il en faut là venir, fay le ſans jetter l’armes.
|| [ID00120]
|| [ID00121]
|| [57]
Declaration de la
XVIII.
Figure.
IL eſt bon de lier toutes armes enſemble,
Et de garder la paix, qui tout bien nous aſſemble:
Neantmoins s’il advient qu’on ne puiſſe autrement,
Que de ſe revenger, lors courageuſement
Porte toy, & defen hardiment la patrie,
Et lui ſois en honneur par vaillante induſtrie:
Ne vueilles plus tenir les armes en priſon,
De peur que ľennemi ne vienne en ta maiſon,
Et que t’ayant reduit à dure ſervitude,
Il n’exerce ſur toy ſa tyrannie rude.
Ne permets point auſſi, que pour ľamour d’argent,
L’ennemi deſloyal devienne ton regent;
Mais ſouvien toy tousjours de garder la foy ſaincte,
Chemine en ton eſtat rondement & ſans crainte.
|| [58]
Ceux qui menent les droits ſont ſouvent bien eſtranges.
LA plume du plaideur trempee en l’eſcritoire
Se trouve bien ſouvent corrompante le droit,
Elle frappe de taille & d’eſtoc ſi à droit,
Que le blanc ſoit le noir, & le noir blanc, fait croire.
|| [ID00124]
|| [ID00125]
|| [59]
Declaration de la
XXIX.
Figure.
Vn eſtrange baſton c’eſt que d’une halebarde,
Et d’un tel en nnemi te peus bien donner garde,
Elle frappe de taille & d’eſtoc puiſſamment,
Elle pouſſe & retire à ſoy cruellement:
Les mauvais advocats ont la meſme couſtume,
Ils ſeduiſent pluſieurs gens de bien par leur plume:
Tantoſt ils vous diront que bon droit vous avés,
Si n’empliſsés leur bourſe, ils diront vous devés.
Ils mettront bien ſouvent pour des preſens leur ame
Et danger eminent de ľinfernale flame.
Tantoſt ils ſont amis, & tantoſt ennemis,
Le droict auſſi avant, qu’argent le pouſſe, eſt mis.
Ils ſervent de leur plume en maniere diverſe,
Auſſi bien à ľami, qu’à la partie adverſe.
Ils tordent le bon droit, les meſchans impoſteurs,
Et ſont pour de ľargent de Satan ſerviteurs.
Bon droit le plus ſouvent ils oppreſſent & couvrent,
Tant que beaucoup de jours en la fin le deſcouvrent:
Lors la meſchanceté ſe void tout clairement,
Au dommage du corps, puis auſſiau tourment
De l’ame: Tant y a qu’en fin le droict demeure,
L’Eternel le mauvais punit; c’eſt choſe ſeure.
|| [60]
La providence en tout eſt tousjours neceſſaire.
POſe un bon fondement quoy que tu entreprennes,
Aye à tes deux coſtés le ſerpent, le miroir;
De l’orloge tourner ne mets à nonchaloir:
Le coq prendgarde au temps, encor que tu meſprennes.
|| [ID00128]
|| [ID00129]
|| [61]
Declaration de la
XXX.
Figure.
LE coq empennaché les ſaiſons nous denonce,
A ſe lever matin les pareſſeux ſemonce:
Il ne ſe laiſſe point ſaiſir de grand ſommeil,
Eſt tousjours pourvoyant ſans avoir ſon pareil.
Par ſon coquelicoq il le donne à entendre,
Apres avoir frappé trois fois ſon coſté tendre,
Avant que de chanter ſa gaillarde chanſon.
L’homme qui eſt diſcret enſuit ceſte façon;
Il conſidere bien & le temps & ľaffaire,
Tousjours eſt diligent, & jamais temeraire;
Il ne babille point ſans prudence & ſçavoir,
En ſon faire & parler s’addonne à ſon devoir.
|| [62]
Le Droit va droit.
ENtre pluſieurs engins bonne est la chauſſe-trape,
Tant y a neantmoins qu’elle endommage ceux,
Qui de paſſer deſſus ſont ſi audacieux:
Ne foule point le droict depeur qu’ilne t’atrape.
|| [ID00132]
|| [ID00133]
|| [63]
Declaration de la
XXXI.
Figure.
IEtte la chauſſe-trappe ainſi que tu pourras,
Une pointe tousjours contre-mont tu verras:
Et qui ne cognoiſt point ſa conſtante nature,
Elle lui fait ſouvent ſouffrir angoiſſe dure.
De la vraye juſtice il en prend tout ainſi,
Soit qu’on la jette au loing, ou tienne pres auſſi,
Qu’on ſe jouë avec elle en la meſme maniere,
Qu’avec cartes & dés, qu’on pouſſe avant, arriere,
On lui torde le nés tout ainſi comme on veut,
On uſe de chandelle & lunettes s’on peut;
Le glaive contre-mont tient ſa pointe piquante,
De ſon vol garde toy & ta teſte arrogante.
|| [64]
Conſtante Patience en fin ſurmonte tout.
DEs dits de l’Eternel on apprend Patience,
Elle ne prend à cœur du monde la faveur,
Ni la haine: Il ſe paſſe avecques ſa ſplendeur:
La Mort vient, & met fin à toute outrecuidance.
|| [ID00136]
|| [ID00137]
|| [67]
Declaration de la
XXXIII.
Figure.
LA chanſon du Hibou n’eſt pas guere plaiſante,
Par laquelle de nuict maint il en eſpouvante,
Le bruit eſt que ſes cris & leur ſon vehement
Guerre & ſedition denotent proprement:
Ainſi maint garnement aujourd’huy ne demande,
Qu’a chanter la chanſon de ľapoſtate bande,
Par haine & par rancune, par dit, & par eſcrit
Il eſmeut bien ſouvent ce que cœurs enaigrit,
Et maint homme de bien a mal faire il incite,
Au corps, honeur & biens grand malheur lui ſuſcite.
Las! qu’ à maint ennuyeuſe eſt alors la ſaiſon,
Qui ſouffreen ſon eſprit angoiſſe en ſa maiſon!
Mais en fin toutesfois ſe remet la balance,
L’honeur & verité apportent abondance,
L’alme juſtice fait revivre gens de bien;
Au Diable le Hibou, car ſon cri ne vaut rien.
|| [68]
Heureux celui qui fait le devoir de ſa charge.
SEr Dieu, & le prochain; car ainſi Dieu l’ordonne;
Pour ce faire tousjours aye juſte & bon poids,
Manie auſſi le glaive en obſervant les loix,
Ainſi que le Soleil n’a egard à perſonne.
|| [ID00140]
|| [ID00141]
|| [69]
Declaration de la
XXXIV.
Figure.
C’Eſt au Dieu Eternel qu’il faut faire ſerment,
Qu’en ce monde le droict maintiendras ſaincte-
Et que te ſerviras d’armes, poids & meſure, (ment,
Pour tous egalement ſans faire à nul injure:
Car c’eſt ainſi que luit le Soleil d’equité,
Bongré, maugré qu’en ait ľEſprit d’iniquité.
Quant à moy je feray à chaſcun aſſiſtance
De fait, & de conſeil, Dieu me donnant conſtance.
Tout bon Juriconſulte en ſon affaire eſt tel,
Il ſçait qu’ainſi faiſant il ſert à l’Immortel,
Lequel le lui rendra en ľeternelle vie,
Cela eſt tres-certain, qu’hardiment il s’y fie:
Et encor qu’en ce lieu ne ſoit aimé de tous,
Si a il en ceci contentement tres-doux,
Qu’en cheminant ainſi ſa bonne conſcience
Bon teſmoignage à Dieu rend de ſon innocence.
|| [70]
A ſa fin viendra tout ce qui eſt tranſitoire.
LE Soleil en ſon cours vers l’Occident traverſe,
La fin du monde vient, le gyrouët l’argent
Suit auſſi volontiers, tel bateau tel regent;
La Juſtice & la Foy s’en vont à la renverſe.
|| [ID00144]
|| [ID00145]
|| [71]
Declaration de la
XXXV.
Figure.
POur certain ceci eſt un cas fort deplorable,
Que ľargent & ľhoneur du monde miſerable
Maiſtres ſe ſont rendus, & gouvernent la Foy,
Encore davantage, ils fleſchiſſent la Loy:
On ne regarde plus à Verité ſincere.
Comme la gyrouëte à tout vent obtempere;
Ainſi ces deux vertus s’exercent à preſent,
Et vous en trouverés un à peine entre cent,
Qui en face autrement: Qui en argent abonde,
Et en honeurs, fidele eſt & juſte en ce monde,
Qui tousjouis va flottant ſur ľondoyante mer,
Juſqu’à tant que les vents le viennent abyſmer,
Par ainſi mettent fin à toute ľinjuſtice,
Il adviendra bien toſt, evident eſt ľindice,
Car lepeché vilain s’augmente cependant,
Que le flambeau des cieux panche vers ľOccident.
|| [72]
Ne vois tu pas comment l’Orgueil tousjours tout gaſte?
L’Orgueil a maintenant emporté la victoire,
Car il a corrompu tant l’un que l’autre eſtat:
Tant y a que mourront le Preſtre & le Soldat:
Dieu a l’affliction des pauvres en memoire.
|| [ID00148]
|| [ID00149]
|| [73]
Declaration de la
XXXVI.
Figure.
LAs! laquelle pauvreté au monde plein de vice,
Où ľEgliſe ſe void enſemble & la police
Infectée d’orgueil & de preſomption,
Le pauvre ſouffre auſſi tousjours extorſion;
Et où tout au plus haut la force ſeculiere
A main droicte eſt aſſiſe en gloire ſinguliere,
Ayant des ſaincts Eſcrits ľauthorité en main,
Et de ſageſſe humaine y versé le venin:
Puis de ľautre coſté ſont mis les gens d’Egliſe,
Qui cerchent les honeurs & le gain à leur guisé!
O Seigneur vueille ay der à tel païs & lieu,
Où il en va ainſi, ô ayde Seigneur Dieu!
Ainſi à ľEternelles gens de bien ſouſpirent,
La punition vient ſur tous ceux qui conſpirent
A ľencontre de lui: Et en la fin la mort
Met à repos celui à qui on a fait tort.
Mais ceux qui ont foulé les pauvres en ce monde,
Sont envoyés tout droit en ľabyſme profonde.
|| [74]
Au chariot d’Orgueil veut tirer tout le monde.
D’eſtre orgueilleux & fier, ſe tenir en eſtime,
Chaſcun s’en veut meſler, tant les jeunes que vieux,
Chaſcu ̅ penſe aujourd’ huy que so ̅ advis vaut mieux;
Dont il enſuit ſa teſte, & autruy deſeſtime.
|| [ID00152]
|| [ID00153]
|| [75]
Declaration de la
XXXVII.
Figure.
LE malheureux Orgueil eſt au plus haut monté,
La plus part des humains ſous ſon joug a donté,
Et le paon maintenant eſpand ſa queuë brave,
Voulant par là monſtrer ſon excellence grave:
Que s’il y a quelqu’un qui ne s’eſtime point,
A un tel pour cela perſonne ne ſe joint.
En ceci toutesfois eſt la meilleure choſe,
Que ľorgueilleux long temps en haut lieu ne repoſe,
Mais ſe voit bien ſouvent precipité en bas,
††e trouvant tout honteux lors qu’il n’y penſoit pas.
††artant les orgueilleux & les fols joints enſemble
††irent à qui mieux mieux ce chariot qui tremble,
Un chaſcun s’y employe avec fort grand deſir,
††eſme le villageois à pouſſer prend plaiſir;
††inſi à un chaſcun plaiſt ſa façon de faire,
††artant eſt le païs de fols plein d’ordinaire:
††t comme le commun proverbe aujourd’huy dit;
Un chaſcun ſuit ſon ventre. Et puis ſans contredit,
††a folle opinion eſt toujours la meilleure,
††açoit que bien ſouvent petit gain en demeure.
|| [76]
Le Conſeil eſt content ainſi que le Roy veut.
VOus avés tous deux droict & voſtre cauſe est bonne,
Comme donc l’eſtimés faites faire au ſergent,
Vous en avés puiſſance, & nous aurons l’argent,
Et l’honeur; bien que l’Ange un autre advis nous donne.
|| [ID00156]
|| [ID00157]
|| [77]
Declaration de la
XXXVIII.
Figure.
EN ce throne eſt aſſis un Roy tres-magnifique,
Il eſt puiſſant & ſage, auſſi fort juridique,
Les cauſes en ſa main par cinq debouts il tient,
Et le Conſeil diſcret à ſes deux coſtés vient:
Vous y verrés aſſis un eſtrifveur Juriſte,
Lequel a tous les droits (ſur leſquels il inſiſte)
En ſon livre compris, du tout n’y manque rien.
Tout aupres de lui eſt ſon compagnon ancien,
Grand perſonnage à qui trop petite eſt la teſte,
Par trop ſçavoir ne ſçait ſi lui en eſt la beſte;
Il trouve en ſon cerveau de nature le droit,
Qui proprement le porte, & ſi fermement croid,
Que renverſer cela ne pourra tout le monde.
En fin ſe fait ouïr la grand cloche qui gronde:
Voici venir un Preſtre, ou Eveſque, ou Prelat,
Qui tient graves propos, & jette ſon eſclat,
Soit qu’on ľaye fait tel, ou qu’il ſoit creu lui meſme,
Si a il rapporté ľEſcriture à ſon theme.
Ainſi eſt gouverné le monde avec danger
De ľame; juſqu’ à tant que ce vienne changer
L’Ange, leur annonçant du livre d’Eſaïe,
Que tous aveugles ſont, & remplis de folie.
Au Seigneur appartient le conſeil & ľeffect;
Prenés donc garde à vous & à tout voſtre fait.
|| [78]
Les flatteurs aujourd’ huy ſont les plus eſtimés.
DOucement, doucement, diſcret & galant homme;
Car autrement le Roy ne te pourra ſouffrir,
Flatte hardiment les grands, ſi ne veux encourir
Leur diſgrace; & ſortir avec les bons en ſomme.
|| [ID00160]
|| [ID00161]
|| [79]
Declaration de la
XXXIX.
Figure.
POur certain il y a encor des bons Seigneurs,
Qui ſouve ̅ t volontiers ſeroye ̅ t bons gouverneurs;
N’eſtoit que des flatteurs de bonté ľapparence
Les gaigne par fineſſe, & par leur tolerance.
Mainte choſe exquiſe eſt des flatteurs en avant
Miſe; Et eux puis apres autrement font ſouvent.
C’eſt en ce temps ici que flatteurs hypocrites
Sont à ľentour des Rois faiſant les chate-mites:
Mais s’il y a quelqu’un qui aille rondement,
On ne ľeſtime rien, & honeurs rarement,
Non plus qu’autres faveurs, il recoit; Davantage
Il eſt haï de tous: c’eſt tout ſon avantage,
Qu’avec honte & vergoigne il s’en ira dehors.
Le Roy David en euſt eu des bien grands remors,
Car il ne ſouffroit point en ſa maiſon royale
Quiconque s’addonnoit à choſe deſloyale.
O Dieu plein de bonté, donne à tes ſerviteurs
Rois, Princes & Seigneurs de chaſſer les flatteurs:
Aux Seigneurs & ſubjets ſont choſe peſtifere,
Mais maint homme de bien porte la folle-enchere.
On devient ſage en fin, mais c’eſt ſouvent trop tard,
Parquoy qu’un chaſcun aye à ce proverbe egard,
Qui dit, qu’ Heureux celui qui pour devenir ſage
Du malque ſouffre autruy fait ſon apprentiſſage.
|| [80]
D’avares Gouverneurs telle eſt la tyrannie.
LEs mouches qui ont faim ſont les plus fort piquantes,
Encor plus fort le ſont diſetteux Gouverneurs,
Qui foulent les ſubjets & trompent les Seigneurs,
Eſpees, verges ont, & eſtrilles mordantes.
|| [ID00164]
|| [ID00165]
|| [81]
Declaration de la
XL.
Figure.
DU monde le tres-grand malheur eſt deplorable,
Quant le Gouverneur eſt d’argent inſatiable,
En uſant de ľeſpée, & comme un publiquain,
Cerche en tout & par tout ſon particulier gain.
Il ne penſe jamais qu’à avoir bourſe pleine,
Et de pendre le monde à une belle chaine,
Qui ſoit du plus fin or. Avec ſon glaive il prend
Ce qu’il peut des ſubjets, & jamais ne leur rend.
Puis par ſa flatterie au Seigneur les yeux bande,
Lequel ne peut pas veoir ſa tromperie grande.
Vueilles, o Seigneur Dieu, ces larrons demaſquer,
Ouvrant les yeux des Rois; afin que ſe moquer
D’eux ne ſe puiſſent plus: Donne leur ceſtegrace,
Comme à David ton ſerf, qu’ils voyent la fallace
De ceux qui bien ſouvent aveuglent les Seigneurs,
Et ſe moquent de loing d’eux & de leurs honeurs,
Se ſervans pour cela de fineſſe du Diable,
Ils ont bien toſt ſurprins le Seigneur accoſtable.
O Seigneurs courageux & bons, haïſsés les,
Et n’en ſouffrés aucun dedans vos beaux palais;
Chaſsés loing de vos cours toutes gens deſloyales,
Mais recevés les bons en vos maiſons royales.
|| [82]
Les hommes mondains ſont addonnés à vantance
LE monde je condui uſant de tromperie
Comme le fin renard, j’abbuſe les humains;
Je n’ay cure de Dieu, je commets actes maints,
Satan, l’Enfer, la Mort meſont pour moquerie.
|| [ID00168]
|| [ID00169]
|| [83]
Declaration de la
XLI.
Figure.
IE ſuis le plus ſçavant qui ſe trouve en la terre,
J’enten, je cognoi tout, en rien jamais je n’erre;
Et s’il eſt de beſoin de mon art louänger,
Je ne faudray de mettre ame & corps en danger.
Avec grande induſtrie & ſageſſe le monde
Conduire j’ay appris, me ſervant de faconde:
Je ne faus pas d’un poil. Je n’ay ſoin nullement
De Dieu, ains je rempli mon ventre ſeulement.
Or j’ameine ſouvent au païs grand encombre,
Par guerre & par diſcorde & par mort de grand no ̅ bre:
Les plus ſages qui ſoyent en village ou cité
Je meſpriſe, aux Seigneurs j’oſte ľautorité:
A bout de tout je viens par ma ſage fineſſe,
J’eſleve qui je veux, & qui je veux j’abbaiſſe.
C’eſt le train que je meine auſſi long temps qu’en fin,
L’ennemi des humains, qui ſe monſtre plus fin
Que jamais je ne fus, me met en grande peine,
Et la mort puis apres au ſepulchre m’emmeine,
Mon ame eſt de Satan, mon corps proye des vers:
Chaſcun lors s’esjouït qui m’à veu ſi pervers.
|| [84]
Il faut diligemment prendre garde à ſes faits.
LE Soleil ſe levant à l’un des bouts du monde,
Tient ſa route & courant ſe couche à l’autrebout,
Soit qu’on face du bien, ou du mal, il void tout:
Fay ainſi & chemine en conſcience ronde.
|| [ID00172]
|| [ID00173]
|| [85]
Declaration de la
XLII.
Figure.
AInſi que Jeſus Chriſt le Soleil de juſtice,
Auſſi bien ľequité contemple qu’injuſtice
Commiſe des humains, & rend bien pour le bien,
Et punit le meſchant, ſans qu’il ſoit meu de rien.
Pareillement doibt faire ainſi du droit la force,
Et à ľentour de ſoy regarder n’eſtant torſe;
Sur tout ſe ſouvenir qu’il n’eſt ja de beſoing
De ſuivre la raiſon charnelle, ains avoir ſoing
De ſe reigler ſur tout ſelon la loy divine,
Et que tout cequi eſt contraire elle abomine:
Car c’eſt la loy de Dieu qui la vraye raiſon
Monſtre parfaitement en tout temps & ſaiſon.
Fay donques que tousjours la juſtice reluiſe,
Puis qu’elle eſt en la loy, d’icelle donc la puiſe:
Alors en peu de temps elle te monſtrera
L’honeur, la verité, & quant & quant fera
Qu’auſſi verras le mal; dont tu pourras ſentence
Donner en verité, ſans craindre repentance.
|| [86]
La folie ne peut tousjours eſtre cachee.
IL advient quelque fois qu’en honeur monte l’Aſne,
Tant y a qu’ il ne peut ſe desfaire du ſot,
Tout ſon entendement ne peſe pas un lot,
Bien qu’il ſe vante fort du ſçavoir de ſon crane.
|| [ID00176]
|| [ID00177]
|| [87]
Declaration de la
XLIII.
Figure.
QUiconque trop hardi en ce monde veut eſtre,
Et comme un rodomont marchant faire du mai-
Se repoſant du tout ſur ľhoneur temporel, (ſtre,
Comme auſſi ſur ľeffort du glaive corporel;
Il paſſe outre hardiment ayant longues oreilles,
Son cœur reſſemble un tro ̅ c, duquel (grandes merveil-
Il ſort à force fous: En la bouche a tousjours, (les)
Sans droicture, ľeſpée; Helas tout à rebours
Toutſon affaire va. Celui qui ſans ſcience
S’ eſleve par trop haut, mettant ſa confiance
En la faveur des grands, & ſur ſon leger poids,
Que ſon chef grave emporte, ainſi comme tu voids:
En ſon gouvernement à pluſieurs fait outrage,
Combien que d’ un chaſcun ſoit cognue ſa rage:
Un tel verra ſon front rougir en temps & lieu,
Par ainſi recevra ſon ſalaire de Dieu.
|| [88]
Chaſque ouaille cerche ſa pareille.
NE t’ esbahis de veoir en ceux-ci telles teſtes,
Le plus grand ſot de tous s’ eſtime tout ſçavoir,
Tels’ oiſeaux de ſon chef monter il fait beau veoir!
Il est vray compagnon de ſi jolies beſtes.
|| [ID00180]
|| [ID00181]
|| [89]
Declaration de la
XLIV.
Figure.
DI moy, mon bon ami, ce que d’un tel te ſemble?
A quelquegrand Seigneur pour certain il reſſem-
On le peut remarquer à ſes beaux ſerviteurs; (ble;
Il merite treſbien d’ avoir force auditeurs:
Car il eſt tout rempli de ſcience tres belle,
Tant que ſa teſte en eſt trop petite; dont telle
Ouverture y manquoit, comme tu voids ici,
Afin que la ſcience en eſclataſt ainſi:
Puis qu’il y en a trop, il en peut donc part faire
A qui en a beſoing, de tant il n’ a que faire.
Il s’ eſmerveille fort de ſe voir ſi prudent,
Que la ſubtilitè de ſon eſprit ardant
Comprend tout. A ſes gens plaiſt bien ſa contenance,
Dont de le bien ſervir ont bonne ſouvenance,
Parce que d’icelui port ſage & bien ſeant,
Science, avancement ils ont, tout pourneant,
Le plus heureux de tous en portera la cappe,
Celui qui eſt le plus habile, qu’il la happe.
|| [90]
Tels de Machiavel ſont les cœurs des diſciples.
LE renard ne delaiſſe à jamais ſa nature,
Exerçant ſa fineſſe il n’ eſpargne travail,
Ses armoiries ſont ľ ennemi du bercail;
Un faux cœur est depeint ainſi par la figure.
|| [ID00184]
|| [ID00185]
|| [91]
Declaration de la
XLV.
Figure.
ENtouré de rayons tu es, cœur frauduleux,
Où pour tout il n’ y a que ſerpens venimeux,
En toy ľavarice eſt provenante dehaine,
Tant y a qu’ eſlevé tu es à peu de peine.
L’eſpée & le baſton tu as en ton pouvoir,
Cependant ta malice on ne peut pas bien veoir:
Tu es fort diligent & employes fineſſe,
A faire du renard, quand tu vois ta foibleſſe;
Que s’il vient à propos que puiſſes faire coup,
Tes armoiries ſont ouvertement le loup:
Pour autant que tu es en grand’ eſtime & charge,
Choſe eſtrange ce n’ eſt ſi ton chapeau eſt large.
Or tu debvrois penſer, jaçoit que ne ľentens,
Que ton orgueil ſe paſſe avec bien peu de temps,
Puis ton cœur venimeux avec ta violence,
T’ apporteront au corps & ame doleance.
|| [92]
Il ſe trouve aujourd’ huy de trois ſortes de chaſſe.
LA chaſſe, liber al & gentil exercice,
N’ est defendue à qui de ce faire a loiſir;
Mais la plus legitime il te convient choiſir,
Sinon Satan courra pour te faire ſervice.
|| [ID00188]
|| [ID00189]
|| [95]
Declaration de la
XLVII.
Figure.
CElui qui eſt tousjours entre beſtes ſauvages,
Oubliant ſon eſtat (ce que ne font les ſages)
Et qui à rien ne prend qu’ à la chaſſe plaiſir,
Dont d’ eſcouter le pauvre il n’a jamais loiſir,
Aime chie ̅ s, chevaux, cerfs & renards pleins de fraude,
Et lievres; à Satan, qui autour de lui raude,
Fait plaiſir ſingulier, dont il lui corne haut;
Mais la Mort lui monſtrant ľheure, lui dit qu’il faut
Deſloger: Et d’autant qu’il n’a la cognoiſſance
Que ſauvage eſt, ſon dard de force elle lui lance,
Et met fin à ſa vie, en lui faiſant tomber
Ses cornes, puis il faut le corps mort entomber,
Mais apres tout cela, de telle beſte ľame
Se trouve tourmenteè en ľinfernale flame.
|| [96]
Capitaine Renauld ſe ſert de ſtratagemes.
COntre ſon ennemi le Renard tours employe,
La Grue vigilante est tousjours en ſouci;
Le guerrier courageux en peut bien faire ainſi,
S’ il maintient la patrie, & pour la foy guerroye.
|| [ID00192]
|| [ID00193]
|| [97]
Declaration de la
XLVIII.
Figure.
VN vaillant Capitaine & diſcret chevalier
A tousjours de ſon fait un ſoing particulier,
De cœur à ľEternel ſon Dieu fait ſa priere,
Il met ľoiſiveté à toute heure en arriere.
En garde eſt atten tif, & quant il faut marcher:
Il prend bien garde au lieu là où il void fiſcher
A ľennemi ſon camp; avec lui ne ſe jouë,
Mais employe ſon ſens à faire qu’ on le louë.
Hypocrites flateurs ilne ſauroit ſouffrir,
Fauſſaires & menteurs, traiſtres il fait mourir.
Prudent eſt pour trouver les ruſes de la guerre,
Tout auſſi clair voyant qu’animal de la terre.
Quand Renauld diligent prend bie ̅ garde à ſon faict,
Et la Gruë en veillant fidele garde fait,
Sous ľEnſeigne de Chriſt on obtient la victoire,
L’Ennemi eſt batu: De ce courage gloire,
Et honeurle vainqueur reçoit des gens de bien,
Son chef eſt couronné pour le merite ſien.
|| [98]
Capitaine Levraut courageux en la fuite.
SI ton ſoldat en ſoy un cœur de lievre porte,
S’ il est jouëur, yvrongne, & outre ce paillard,
Larron comme un corbeau, faiſant du babillard,
Tu lui peux bien bailler en temps ſon paſſe-porte.
|| [ID00196]
|| [ID00197]
|| [99]
Declaration de la
XLIX.
Figure.
CElui qui entreprend ou commence la guerre,
Voulant faire tomber ſon ennemi par terre;
Et qui eſtime plus le lievre pour ce fait,
Et le louë hautement, en diſant qu’ il à fait
Gra ̅ ds exploits, abbatta ̅ t maints courageux ge ̅ darmes,
Heaumes leurarrachant & toutes autres armes;
Je ne puis à cela adjouſter grande foy,
Que d’un tel ľennemi ſoit mis en deſarroy,
Ne qu’il ait emporté glorieuſe victoire:
Fuïr eſtant aux champs, c’ eſt du lievre la gloire.
Je n’ay jamais ouï qu’un lievre ait pris le chien,
Mais que du chien ſouvent la proye eſt, je veoi bien.
Quand un homme qui eſt peureux & ſans courage,
Veut faire grands exploits de guerre: Davantage
S’ il a le naturel des larrons & corbeaux,
Et queſon cœur paillard ſoit bruſlé des flambeaux
De ľinfame Venus, addonné à ſa bouche;
Que des lievres vaillans un tel au rang ſe couche.
|| [100]
Pechés font que du ciel en fin deſcend la verge.
LE Turc ſobre & cruel ſon cimeterre aiguiſe,
Mais le Chreſtien yvrongne & paillarde hardiment,
Eſclave de Mammon. Et Dieu qui point ne ment
Pend la verge, & punir veut ceſte faitardiſe.
|| [ID00200]
|| [ID00201]
|| [101]
Declaration de la L. Figure.
LEs Chreſtiens en ce temps ſe font guerre mortelle,
C’ eſt honte que la Gent qui veut eſtre fidelle,
S’eſleve contre ſoy continuellement,
Dont ľennemi commun la ſurmonte aisément.
L’Avarice aveuglit les ſages à ceſte heure,
Et le Turc cependant à afiler labeure
Son cimeterre fort, pour le baigner au ſang
Des Chreſtiens, ô Chreſtiens, où eſt donc voſtre franc
Courage de jadis? Vous eſtiés ľeſpouvante
De ľincredule Gent. La legion tonnante
N’ eſtoyent ce pas Chreſtiens, qui emportoyent le prix
De vaincre ľennemi qui en eſtoit ſurpris?
Ce leur eſtoit un los à tousjours honorable,
Maintenant les Chreſtiens ſont du monde la fable,
Le vin, & les putains, ľargent ſoulfre des cœurs,
Fo ̅ t que maints gra ̅ ds guerriers ne ſont tousjours vain-
Par ainſi bie ̅ ſouve ̅ t & les Rois & les Princes (queurs.
Des Royaumes chaſsés on void & des Provinces:
Que ſi Dieu l’Eternel ne menoit pour les ſiens
La guerre, incontinent ſoyent reduits à riens.
|| [102]
L’effuſion de ſang c’ eſt le fruict de la
noiſe.
L’Eternel aime ceux qui à la paix ſ’ addonnent,
Il hait contentions, elles ſont du Mauvais;
Celui qui aime Dieu ne peut haïr la paix;
Les querelleux meurtriers au Diable s’ abbandonnent.
|| [ID00204]
|| [ID00205]
|| [103]
Declaration de la
LI.
Figure.
ON void ici par tout noiſes & bateries,
Aux chambres, ſur la rue, & ſur les galeries,
Il y a de ľeſtrif avec femme & enfans,
Tous ceux de la maiſon, tant libres que ſervans,
Ne ſçavent vivre en paix. L’un eſtant ſur la ruë,
Attend ſon compagnon, & puis apres le tuë:
S’ils ne tuent ľun ľautre, outrages pour le moins.
Tous les pires diront, ſe bravans à tous coings;
Les injures ſouvent ſont plus fort penetrantes,
Que glaives afilés, ou eſpées tranchantes.
Par la furie maint eſt par terre eſtendu,
Et comme d’un pourceau ſon ſang eſt eſpandu.
Ainſi Satan de tout vient poſſeſſion prendre,
Dautant qu’on ne veut point à ľalme paix entendre,
Qu’ on fait ſi peu de cas de ľimage de Dieu,
Que de ľoſer tuer de ſa vie au milieu:
Et meſme quelques fois pour ſa beneficence,
Maint qui ne ľattend pas a telle recompenſe,
La plus part des humains ne cognoiſt aujourd’huy
Ses bien-faicteurs, pour bien, elle rendra ennuy.
|| [104]
La guerre ne vient par ſans porter grand dommage.
L’Eternel te doint paix, beau Royaume de France;
Que puiſſiés eſtre unis grands Princes Allemans,
Dieu en qui vous croyés, des traiſtres allumans
La guerre en vos païs, vous garde en aſſeurance.
|| [ID00208]
|| [ID00209]
|| [103]
Declaration de la
LII.
Figure.
MEurtres, embraſemens, & toute autre nuiſance
Sont effects de la guerre & de la diſcordance.
On y va pour deſtruire & pour tout fracaſſer,
Ce qu’ on ne peut des mains, on le fera paſſer
Par la flamme du feu, lequel quand il s’allume,
Maiſons, gens, & beſtail tout enſemble il conſume:
Encor trouvera on maint tyran & moqueur,
Qui ſe resjouïra en ſon endiablé cœur,
Lors qu’il a tout gaſtè ſuivant ſa fantaſie,
Or primes il a tout ce qui le raſſaſie,
Il chante, il ſaute, il rit, tout content va cerchant,
A qui dire il pourra ſon acte ſi mechant;
Ce ne lui eſt aſsés du faict, ſi s’ il ne ſe vante,
Qu’ il a fort bien joué ſa farce violente!
O malheur au village, à la ville, au païs,
Où teleſclandre fontgens dignes d’ eſtre hais!
Là de douleur d’eſprit & de corps fort amere
Meurt maint homme de bien, contemplant ſa miſere.
|| [106]
Si la guerre eſt ſur mer le danger en eſt double.
LA maudite avarice, & deſir de vengeance
N’ont point peur deſormais des incommodités,
Tant ſur mer que ſur terre hommes ont incités
A la guerre eſmouvoir; telle est ľ humaine engeance.
|| [ID00212]
|| [ID00213]
|| [107]
Declaration de la
LIII.
Figure.
SUr la mer le danger eſt plus grand que ſur terre,
On y devroit tousjours prier ſans mener guerre:
Tant y a que Satan, qui ne ſçait repoſer,
Noiſes, meurtres & guerre y vient auſſi cauſer;
On ne regarde plus à vent ni à tempeſte,
Le monde eſt devenu aveugle & rage-en-teſte:
Et combien que pluſieurs eux meſmes au danger
Se ſoyent trouvés ſouvent, ſi ne veulent changer:
On ne redoute point les vagues ni les ondes,
Qui s’eſlevent bien haut deſſus les mers profondes,
Tonnerres & eſclairs, n’ autres adverſités,
Non pas meſme Atropos, qui a maints contriſtés;
Car on met tout cela maintenant en arriere.
L’avarice de tout ce mal donne matiere,
Sur tout quand il y a apparence de tort,
Que leguerrier pretend, dont il ſe plaind bien fort.
Lors pour raſſaſier la maudite avarice,
Il faut tout haz arder, tant hardie eſt malice:
Mais s’il faut maintenir vraye religion,
On s’ enfuit tout armé hors de la region.
|| [106]
Le fondement de foy c’eſt le Seigneur Jeſus.
CHrist est le fondement de foy, il le faut croire,
Il fait luire ſur nous ſa clarté clairement,
Toute ta confiance en lui mets hardiment,
Croy bien, aime le droict, ſi auras la victoire.
|| [ID00216]
|| [ID00217]
|| [107]
Declaration de la
LIV.
Figure.
QUiconque veut avoir bonne fin de ſa vie,
Qu’ un tel ſon baſtiment aſſeuré edifie
Sur Jeſus ſon Sauveur ferme & ſeul fondement,
A ſa pure parole ait egard ſimplement,
Qu’il ne ſe fie point à ce malheureux monde,
Qui n’eſt de rien content, ſi en argent n’abonde,
Et en honeurs mortels, il n’ a egard à rien,
Qu’a ſa propre raiſon, à Satan ceplaiſt bien.
L’Eternel tout-puiſſant demande un cœur fidelle,
Humble, & bien le ſervant, ſans fraude, ne cautelle.
Telle foy eſt ſemblable à des petits enfans,
Qui ſans feintiſe ſont: Elle rend triomphans
Ceux qui d’ ardant amour à la parole vraye
Regardent ſeulement, le chemin elle fraye
Vers la porte des cieux, eſclairant le croyant:
Laiſſe donc vanité à ton fait pourvoyant,
Car qui à tout auteur, ou eſcrivain veut croire,
Perd aisément ſa foy, & en elle ſa gloire:
Celui qui toutesfois ne veut lire, n’ ouïr,
Veut ſes aveugles yeux encor plus eſblouïr;
Et va deçà delà taſtonnaant ſans lumiere,
Il ne prend en peſchant que vapeur & fumiere:
Mais quiconque ſe fie en Dieu & en ſes dits.
Ne ſe trouvera point au nombre des maudits.
|| [110]
La loy de Dieu comprinſe en deux commandemens.
IL nous est commandé par la loy de Dieu ſaincte
D’ aimer le Tout-puiſſant, noſtre prochain auſſi:
Toutesfois cest amour accompli n’ est ici,
Jeſus Christ ſatisfait, ſi tu le crois ſans feinte.
|| [ID00220]
|| [ID00221]
|| [111]
Declaration de la
LV.
Figure.
LA loy de ľEternel eſt un parfait miroir,
Le peché qui ſe cache elle fait apparoir;
Parquoy ſi tu te veux tel que tu es cognoiſtre,
Il t’y faut contempler ſans feintiſe de cloiſtre:
Que ſi tu trouves lors un jour, ou un moment,
Auquel de fait, de bouche, ou bien par penſement,
Tu n’ayes transgreſsé, & commis quelque faute,
Soit parinfirmité, ou par malice caute;
Aſſeurément tu es le premier des humains,
Qui de tout peché as tenu nettes tes mains.
Or cependant à toy, comme ami, je conſeille,
De ne te point fier ſur ce qui n’eſt que fueille,
Ne te perſu ader qu’il ne te manque rien;
Car le plus hypocrite autant en feroit bien.
Mais celui qui eſt foible, en temps & ſaiſon bonne
Poſe ſon fondement deſſus ceſte colomne,
C’ eſt à dire ſur Chriſt, lequel l’a racheté,
Qui ce fait, en bon fond a ſon ancre jetté:
Puis envers ſon prochain ſe monſtre debonnaire,
Tant de cœur, que de bouche, en ſon œuvre ordinaire.
De ces deux poincts ici depend toute la loy,
Qui les fait de bon cœur eſt juſte par ſa foy,
Et obtient à jamais de ľEternel la grace,
Il recevra en fin gloire qui ne ſe paſſe.
|| [102]
Ne faut legerement rompre l’amitié ſaincte.
SI tu as un ami honorable & fidelle,
Ayant touché ſa main en ſigne d’ amitié;
Pren garde à bon eſcient que par ta mauvaiſtié
Ne ſe rompe jamais une alliance telle.
|| [ID00224]
|| [ID00225]
|| [113]
Declaration de la
LVI.
Figure.
TOut ainſi que deux mains qui ſont ainſi liées
Par un fort cadenat, ſont bien appariées.
L’eſtoile qui eſt ſus te monſtre la ſplendeur
D’amour: Ainſi au monde en entiere rondeur
Doit eſtre ľamitié en loyauté non feinte,
Ferme, ſans s’eſloigner de la divine crainte.
Ne cerche viſtement pour peu de cas le clef,
C’ eſt un fol inſensé qui tombe en tel meſchef.
Qui oublie ľhoneur & la beneficence,
Qu’il a receu d’autruy; Qui ſon ami offence,
Et le perd volontiers: Une part de ſon cœur
Un tel perd avec lui, regret & creve-cœur
Lui advient puis apres, quand il ne ſçait que faire
En ſa neceſſité. En fin le vient desfaire
La paſle Mort: Parquoy pour ľamour d’un flateur,
Ton vieil & bon ami n’ eſtime eſtre menteur,
Puis que ľas eſprouvé: Ains retien le, & ľhonore;
Car s’il t’a fait du bien, il t’en peut faire encore.
|| [114]
Quand tu voids l’ennemi, pren garde à tes trenchées.
L’Abeille cerche miel en toute diligence,
Au profit de ſon maiſtre, & pour s’ entretenir,
Le bourdon pareſſeux paix n’en peut obtenir:
L’ aveugle du Soleil ne reçoit allegeance.
|| [115]
Declaration de la
LVII.
Figure.
LE peuple amaſſe-miel tient fort bonne police,
Il ne recognoiſt point le bourdon grand & nice:
Que s’il veut entreprendre à lui oſter ſon bien,
Imitant les larrons, il n’y eſpargne rien;
Ains avec toute force il s’y oppoſe viſte,
Le mordant, le picquant, le chaſſe de ſon giſte:
Par ce moyen ſon miel plein de douceur retient,
Lequel des tendres fleurs, des que le printemps vient,
Il cueille tous les jours en toute diligence.
Pourquoy donc les humains n’ ont ils intelligence
D’ en faire tout ainſi? Ne rougiſſent ils point,
De ſe laiſſer ravir, meſme eſtans en bon poinct,
Leur miel plus doux que miel? J’ enten-ci la parole
De ľEternel leur Dieu, qu’on leur oſte: Et ľidole
On leur met en ſa place, afin que ne ſachans
Ce que Dieu veut, ils ſoyent la proye des meſchans.
De là vient qu’avons tant de maux en ceſte vie,
Ce malheureux poiſon ľame auſſi mortifie:
Sourds, muets neantmoins ſommes, & ayans yeux,
Aveugles demeurons à la clarté des cieux.
|| [116]
La miſere de l’homme eſt grande en ceſte vie.
AUſſi long temps que l’ homme est vivant ſur la terre,
Il a ſolicitude & peur de tous coſtés,
Satan, la Mort, le Monde en lui leurs cruautés
Monſtrent; Mais l’ Eſprit bon lui aide en ceſte guere.
|| [117]
Declaration de la
LVIII.
Figure.
LA vie humaine n’ eſt rien que croix & ſouffrance,
Qui la moele & les os & le cœur à outrance
Afflige, & peu à peu conſume juſqu’ au bout,
Mal-heur à ľhomme vient tandis qu’il eſt debout:
Tant la Mort, que le Diable, auſſi le Monde immonde
Lui deſcochent leurs dards, pouren foſſe profonde
Le faire trebuſcher: Le Monde n’a repos,
De lui vient mauvaiſtié & vice à tous propos.
Il eſt en verité l’emplaſtre lequel tire
Peché en toute ſorte, & à l’homme l’inſpire,
Dans lequel ſe veautrant comme truye au bourbier,
Gueres il ne lui chaut qui le doit expier:
Car à tout mal enclin il eſt de ſa nature,
A incredulité, à haine, à forfaiture,
Si ce n’ eſt que de Dieu le bon Eſprit lui ſoit
Communiqué de grace, alors il en reçoit,
Conduit paricelui, contentement & vie,
Laquelle lui eſtoit au paravant ravie:
Les Anges à l’entour de lui plantent leur camp,
Quoy voyant l’ ennemi s’en va tout ſur le champ.
Mort, Monde, Chair & Diable avecſon ſtratageme,
Ne peuvent ſubſiſter devant la foy qui aime:
Ainſi l’homme Chreſtien paſſe tout à travers
De toute affliction, n’ayant peur des enfers.
|| [118]
Sois tousjours diſposé de partir de ce monde.
LE temps s’en va leger, la Mort bleſme s’ approche,
Heureux qui de bon heure à l’ Eternel ſe rend,
Et qui du Cigne blanc la chanſon droite apprend;
Beniſſant le bon Dieu, & vivant ſans reproche.
|| [119]
Declaration de la
LIX.
Figure.
COmme bien viſtement par ľair vole la fleſche,
Et ľœuvre qu’ elle doit en peu de te ̅ ps deſpeche;
Ainſi pareillement en fait noſtre heure auſſi,
Laquelle en un moment à peu pres vient ici,
Et emporte pluſieurs avecques violence,
Quand ils ſont ſans ſouci vivans en inſolence.
Parquoy tandis qu’avons noſtre entendement ſain,
Il nous convient tousjours d’avoir tous ce deſſein,
De chanter la chanſon laquelle ſignifie,
Que le Cigne eſt venu à la fin de ſa vie.
Quiconque orprimes veut, quand il ſera ancien,
Cognoiſtre ſes pechés, & eſtre bon Chreſtien,
Quandil lui faut mourir; telle recognoiſſance
Rarement vient à bien, ains eſt ſans eſperance.
|| [120]
La fin du monde eſt pres, bien qu’ on ne s’ en ſoucie.
L’œil de Dieu le tourment des oppreßés contemple,
Son oreille oit leur cri & leur gemiſſement;
On void des deux coſtés les grands qui la ſchement
Pendent l’ aile: La fin nous declare l’ exemple,
|| [ID00234]
|| [ID00235]
|| [121]
Declaration de la
LX.
Figure.
Ovray Dieu Tout-puiſsa ̅ t regarde en bas le mo ̅ de,
Lequel eſt gouverné par la monoye immonde,
Sur icelle à peu pres tout recline aujourd’huy
S’en ľaiſſant aveugler, y cerche ſon appuy:
Car le ſac plein d’argent ce monde eſt ľidole,
Et quine ľaime point ne vaut pas un obole:
Perſonne ne prend garde aux dits de ľEternel,
Lepauvre eſt ſurchargé du monde criminel;
Eſtant de lui preſsé ſi faut il qu’il le porte,
Ses mains levant au cielen Dieu ſe reconforte:
Puis que ceux qui ľeſpée & la croce ont en main,
Pendans ľaile aux coſtés, tiennent meſme chemin.
Telle des oppreſsés eſt donques la priere;
Seigneur, par ta vertu & force juſticiere,
Vien, car nous t’ attendons avec treſgrand deſir,
Et eſperons en toy toute joye & plaiſir.
|| [122]
Le pauvre eſt conſumé par la force du riche.
CEux qui jaunes rondeaux portent deſſus leurs robbes
Aux pauvres gens tourment apportent maintesfois,
Auſſi le ſçavent ceux qui les ont ſur les doigts.
Tu ſeras fourragé, ô meſchant, qui deſrobbes.
|| [ID00238]
|| [ID00239]
|| [123]
Declaration de la
LXI.
Figure.
LE pauvre maintenant grande oppreſſion ſouffre,
On lui oſte ſon pain, & le riche ľengouffre,
A ſa premiere force il ne peut revenir,
On ne lui fait honneur, biens ne peut obtenir:
Au contraire un chaſcun à tous moyens regarde,
Comment il lui pourra oſter tout ce qu’il garde.
L’araigne en fait ainſi fiſchant dedans le flanc
Des mouſches ľaiguillon, & ſucçant tout leur ſang.
On lui tire la peau par force & parfallace,
Juſques à tant qu’il ſoit reduit à la beſace:
Il advient donc ſelon le proverbe commun,
Je ľay ouï ſouvent prononcer à quelqu’un;
Le riche maintenant du pauvre le ſang mange,
Et Dieu meſme pourroit trouverce cas eſtrange:
Le Diabletoutesfois mange le riche en fin,
Adonc des fourrageurs eſt ſaoulée la faim:
Parquoy ſi ne voulés du Diable eſtre la proye,
O riches inhumains, chaſcun de vous me croye,
Ceſsés d’ eſtre cruels, & ſelon vos moyens,
Aidés & ſouſtenés vos pauvres citoyens:
Afin que Jeſus Chriſt vous face recompenſe;
En vous faiſant ouïr la joyeuſe ſentence.
|| [124]
Pren garde au temps preſent auſſi bien qu’a toy meſme.
L’Occaſion tousjours ne ſe laiſſe pas prendre
Quand on le voudroit bien: Repent††y aujourd’ huy;
Richeſſe, honeur, beauté, ſageſſe, joye, ennuy;
Au monde demeurront, & tu iras en cendre.
|| [125]
Declaration de la
XLII.
Figure.
SEigneur Dieu Tout-puiſsa ̅ t, tousjours tu nous ap-
Que viſteme ̅ t s’ enſuit noſtre vie & le temps, (pre ̅ s,
Ainſi qu’en un clin d’œil la fleſche ľair traverſe;
Le Mort faiſant grands pas accourt & nous renverſe,
Riche, & ambitieux, beau, & ſage, & ſçavant,
Se paſſent tout ainſi qu’une vapeur au vent.
O homme penſe donctousjours à ceſte choſe,
La Mort te vient ſaiſir, ta vie s’en va cloſe,
Il faut que nous partions c’eſt le vouloir de Dieu,
Bien que nous n’en ſachions ni le temps ni le lieu.
La mort baiſſe ſon dard contre nous à touteheure,
Parquoy fui le peché à bien faire labeure,
Ne differe long temps de ta vie amender;
Car tes biens en ce temps ne te pourront aider,
Ni ton orgueil auſſi, ta force redoutable,
Contre la dure mort n’eſt de rien profitable.
Pluſtoſt invoque Dieu, que de ſa grace ici
Te face part: Et toy ſois volontaire auſſi,
De pardonner à ceux leſquels t’ ont fait outrage;
Adonc verras de Dieu le gracieux viſage.
|| [126]
La parole de Dieu à tout jamais demeure.
LE dits de l’ Eternel ſont bien intelligibles.
Si garde on y vouloit prendre tant ſeulement;
Qui donc oreilles a, les eſcoute hardiment,
Ne ſuivant des humains inventions nuiſibles.
|| [ID00244]
|| [ID00245]
|| [127]
Declaration de la
LXIII.
Figure.
TAnt de jour que de nuict ľEternel nous eſclaire,
Par ſa clarté monſtrant ce que nous devons faire:
Sa parole nous eſt treſluiſante ſplendeur,
Si nous la recevions avec ſimple rondeur:
Mais Satan & peché, conjoints avec le monde,
Nous ont plongé dedans ľobſcurité profonde:
A quoy donques nous ſert d’avoir des ſi clairs yeux,
Puis que nous ne voulons point regarder d’iceux?
A quoy ſert le long nés, & vertu odorante,
Si ſentir ne voulons ľodeur ſi attirante?
A quoy nous ſert de tous les membres ſentiment,
Si nous ne ſentons pas le peché triſtement?
A quoy ſert il d’avoir & bonne & ſaine viande,
Si nous n’en jouïſſons comme Dieu le commande?
Las! à quoy ſert chandelle & lunettes avoir,
Depuis que ľon ne veut par icelles rien veoir?
|| [128]
L’un le chevron & l’autre a le feſtu en l’œil.
LEs oiſeaux ont tousjours en la cheveſche en haine;
Et toutesfois elle est oiſeau auſſi bien qu’ eux.
Toy jette le chevron de ton œil ſi tu veux
De la veuë d’ autruy faire enqueſte non vaine.
|| [ID00248]
|| [ID00249]
|| [129]
Declaration de la
LXIV.
Figure.
POurquoy regardes tu, ô pauvre miſerable,
Si loing dans ľœil bleſsé du frere ſupportable:
Hypocrite, hors du ſens, tu y voids un feſtu,
Et tu as merité d’ eſtre premier batu!
Conſidere toy bien, & tu verras ſans faute
Ton œil plus que le ſien chargé: Je te di, oſte
Tout premier le chevron qui eſt dedans le tien,
Apres regarderas de nettoyer le ſien.
Remonſtre à ton pochain doucement ſon offence,
Et ne le precipite aux enfers par vengeance;
Autrement tu ſeras ſemblable à ces oiſcaux,
Qui picque ̅ t la cheveſche eux n’eſtans pas plus beaux.
Parquoy lave toy bien devant que d’entreprendre
De cenſurer autruy; ſinon te faut attendre,
Qu’on te tiendra pour ſot, on te fera ſentir,
Que ta temerité merite un repentir.
|| [130]
Le deſir de vengeance eſt tousjours dommageable,
LEs chiens en ſe mordant monſtrent l’ experience,
Que le moindre est tousjours du plus fort abbatu,
Bien qu’il gronde deſſous, il n’ en gaigne un feſtu;
Ainſi fait le captif enflambé de vengeance.
|| [ID00252]
|| [ID00253]
|| [131]
Declaration de la
XLV.
Figure.
GRande eſt ſans contredit des humains la malice,
Souvent regne par force, Envie & Injuſtice:
Si donc avec le riche a noiſe le chetif,
Que de bon heure il laiſſe hardiment ſon eſtrif.
De tout bien on lui porte envie, & faut bien dire,
Que le Diable aux humains ceſte malice inſpire:
Elle eſt en tous eſtats exercée ſi bien,
Qu’à force de hair maint ne jouït de rien,
Ne ſe cognoiſſant pas ſoymeſme: Ainſi ſon ame,
Et ſon corps va gaſtant: Et le malin ľenflame
Tousjours de plus en plus: ſi que maint qui n’a peu,
Par envie accomplir le deſir qu’il a eu,
Mange ſon propre cœur, & cauſe ľamertume
De ſon chagrin deſpit, qui en fin le conſume.
La proye eſt des ſerpens le reſte de ſa chair,
Et ſon ame Satan avale ſans maſcher:
Alors ville & païs prennent resjouïſſance,
Pource qu’il eſt payé de ſon outrecuidance.
|| [132]
Les Epicuriens ſont pluſtoſt pourceaux qu’hommes.
LEs Fpicuriens aiment l’ yvrongnerie,
Car en elle pour eux il y a du hazard:
Tant la Mort, que le Diable y ont auſſi leur part,
L’ homme y perd corps & biens, l’ ame s’ en va perie.
|| [ID00256]
|| [ID00257]
|| [133]
Declaration de la
LXVI.
Figure.
ON s’addonnoit jadis à ce qui fait apprendre
La vertu: maintenant on apprend à deſpendre
Les biens de pere & mere. & tel ſe haſte fort,
Creignant de delaiſſer du bien apres ſamort,
Qui neantmoins ſe void reduit à la beſace,
Pluſtoſt qu’il ne penſoit: Et lors il faut quil face
Un conte tout nouveau: Car aux ſiens precedens.
Il s’eſtoit forconté, & maintenant ſes dents
Ne s’ en contentent point. Où eſt la gourmandi ſe,
L’yvrongnerie auſſi, là eſt la paillardiſe:
Lors que la pance eſt pleine elle ſuit volontiers,
Apres qu’ on a dancé: tous infames meſtiers.
Le Diable eſt meneſtrier qui leur fait aſſiſtance,
Et la mort en ſon rang conduit toute la dance.
Les biens eſtans faillis, la mort peu à peu vient,
Monſtrant ľheure eſcoulée, aucun conte ne tient
De priere quelconque: ains les forces defaillent,
Etfaut bongré maugré qu’en la foſſe s’en aillent.
Tout ce train au pourceau, & à Satan plaiſt bien,
Satan, ni le pourceau onc n’ y perdirent rien:
Car qui ſe veautre ici des pechés en la fange,
Apres ſa mort ſera puni du mauvais Ange:
Duquel, Pere tres-doux, vueille nous preſerver,
Et ce qu’as commencé en nous parachever.
|| [134]
Jamais bien n’apporta trop grande beuverie.
ASsés, c’ est aßés beu, jeune enfant, tel breu vage
Afait mourir pluſieurs, qui en ſont la venus,
Pour n’ avoir eſcouté; Garde toy de Venus:
Sinon Satan rira joyeux de ton dommage.
|| [135]
Declaration de la
LXVII.
Figure.
BAcchus, ton deſir eſt vrayement deteſtable,
Tu regnes neantmoins au monde miſerable:
Maint brave homme de guerre a tant versé, qu’en fin,
Il a eſté vaincu & tué par le vin.
La Mort eſt diligente à te tirer à boire,
Dame Venus auſſi de toy veut avoir gloire.
Par le moyen de ces deux vices malheureux,
Gens ſe ſont ruinés, & païs plantureux.
L’Eſprit malin en rit avec toute ſa bande,
Car quand il void cela, c’eſt tout ce qu’il demande:
Parquoy ſi veux avoir longue vie & ſanté,
Fuy tant que tu pourras telle meſchanceté;
Et ne permets jamais que deſſus toy domine
Paillardiſe ou le vin, pluſtoſt les abomine;
Que tu ne ſois puni à toute eternité,
Recevant le loyer ſelon qu’ as merité,
|| [136]
Les moqueurs deſormais ne ſont rien de nouveau,
LEs ſerviteurs de Dieu ſont meſprisés au monde,
Les moqueurs ne s’ en font que rire, & les honir:
Malheur à qui le fait; car Dieu le veut punir,
Le deshoneur à Dieu, qui les donne, redonde.
|| [ID00262]
|| [ID00263]
|| [137]
Declaration de la
LXVIII.
Figure.
LE monde eſt tout rempli de rebelles moqueurs,
La rage inſensée a prins place dans les cœurs:
Aujourd’huy ſont moqués les miniſtres fideles,
Il ne chaut plus de Dieu, ni de doctrines telles.
Si quelqu’ un maintenant veut dire verité,
Il void incontinent tout le monde irrité.
C’eſt à lui qu’ on en a, c’eſt apres lui qu’ on crie;
Oſte, oſte le delà, puis qu’ ainſi nous deſcrie.
C’eſt ſon meilleur loyer d’ eſtre honi & moqué,
On eſtime le plus qui la le plus piqué.
C’eſt pour cela que Dieu punit en tant de ſortes,
Et qu’il n’y a ni foy, nigrace dans nos portes:
Car la deſloyauté a prins accroiſſement,
En tout païs on fait & parle fauſſement.
Qu’ ainſi ſoit, vray teſmoin en eſt ľexperience,
Qui nous en fait avoir trop bonne cognoiſſance.
|| [138]
De tous hommes mondains grande eſt la nonchalance.
ILy a moult de gens qui n’ ont niſoing ni cure,
Sinon que d’ amaſſer abondance d’ argent;
Que te ſert force, orgueil, argent, ô negligent!
Car tu t’ en vas tout nud dedans la terre dure.
|| [ID00266]
|| [ID00267]
|| [139]
Declaration de la
LXIX.
Figure.
L’homme calamiteux en ce bas territoire
Se tient tout attaché à ľargent tranſitoire,
Tant ſon cœur mesfiant, que ſes perverſes mains,
Sont priſes, tellement qu’il n’y a nuls chemins,
Par leſquels eſchaper de ſa priſon il puiſſe:
Par tout la porteroit, encor bien qu’il fuïſſe.
Sur force, & violence, & ſur honeur ľargent
De par ľhomme eſt poſé, ſon ame negligeant.
Et tant eſt deſpourveu de ſon bon ſens le monde,
Qu’ il met ſur un couſſin ľargent, où ſon cœur fonde,
Sur lequel doucement le Mammon malheureux,
Se repoſant, attend Satan ſon maiſtre affreux.
L’argent eſt maintenant par deſſus la juſtice,
Il foule la vertu, & avance le vice.
On fait tout pour argent, ľargent fait le marché,
Au pauvre cependant il demeure caché;
Car le riche ľoublie. ô Dieu, pren ľen ta garde.
L’heure du jugement dernier vient & ne tarde.
Les richeſſes s’en vont, ľhomme meurt nud & ſeul,
Et pour tout ſon avoir il emporte un linceul.
|| [140]
Du calomniateur grande eſt la tromperie.
QUiconque va cercher ſon heur ſur ľ eſcrevice,
Merveille ce ſeras’ ily parvient jamais:
Il en prend tout ainſi à qui croid au mauvais,
Ou qui attend de lui quelque loyal ſervice.
|| [ID00270]
|| [ID00271]
|| [141]
Declaration de la
LXX.
Figure.
CIl qui par deshoneur cerche ſon avantage,
Qu’ il attende hardiment, il aura ľheritage,
Lequel vient du malin, &, ſi croire voulons,
Les eſcrevices vont, mais c’ eſt à reculons,
Pour la plus part du temps: dont qui attend fortune
Deſſus un eſcrevice, attende une autre lune.
Ilſçait ſi bien nager, qu’ on le void rarement
Une heure deſſus ľeau, ains à fond promptement
On ľapperçoit tomber. Ainſi par violence
Quiconque acquiert honeur; & puis à inſolence
S’ addonne; un tel en fin de Satan eſt deſtruit,
On ne peut eſperer qu’il portera bon fruict.
Or combien qu’au bons cœurs ſoit longue la ma-
Des meſchans: toutes fois ſon chemin ľeſcrevice (lice
Tousjours tient; & en fin il faut que ſoyent punis
Les meſchans encorbien qu’ils ſeroyentmieux munis.
Parquoy ſois vertueux, & en tout equitable,
Eſt ne donne point lieu à la chançon du Diable:
Qu’il ne te mene perdre, & ſi mon dire entens,
Tu te deporteras de tout mal en tout temps,
Et aimeras la paix autant que ta prunelle:
Ce faiſant tu pourras avoir vie eternelle.
|| [142]
Il y a tromperie en toute marchandiſe.
DEs marchands le trafique est bien choſe louable,
Si les trompeurs n’ eſtoyent aujourd’ huy ſi communs;
Tous les plus affettés ſont les plus importuns:
La foy & loyauté n’ est ores profitable.
|| [ID00274]
|| [ID00275]
|| [143]
Declaration de la
LXXI.
Figure.
LEs te ̅ ps ſont fort faſcheux, grande eſt la co ̅ voitiſe,
Chaſcun ſe veut meſler du fait de marchandiſe,
Quiconque a de ľargent auſſi peu que ce ſoit,
En ſon cœur le deſir de trafiquer conçoit:
Mais tout le plus grand mal eſt qu’ à la judaïque
La plus part des marchands ordonnent leur trafique.
Et en pluſieurs endroits le juif eſt peu ſçavant
Pour tromper; le Chreſtien boute bien plus avant.
Les Conſtitutions, & la bonne ordonnance
Ne vaut rien deſormais: qui trompe acquiert cheva ̅ ce:
Soit qu’il ſoit le Seigneur, ou bien le ſerviteur,
On dit qu’il ſe nourrit en gentil debiteur.
Meſme le villageois de tromper fait ſon conte,
A peine ſçauroit trouver qui le ſurmonte.
Tout trompeur neantmoins trompé ſe trouverra,
Lors que de ľennemi attrappé ſe verra;
Sinon que ſans tarder ſon meſchant train amende,
Ainſi que ľEternelaux pecheurs le commande.
|| [144]
On ne ſçauroit ſaouler la convoitiſe humaine.
PLuſieurs ſont ruinés à cauſe des minieres
D’ or, d’ argent, & de plomp, & des autres metaulx:
Pluſieurs s’ eſtans gaſtés ſont devenus brutaulx,
Prenans oiſeaux de l’ air, ou poiſſons des rivieres.
|| [ID00278]
|| [ID00279]
|| [145]
Declaration de la
LXXII.
Figure.
LE Seigneur ľEternelaime le genre humain,
Et lui baille de tout richement en la main,
Illui monſtre ſouvent tant mainte abyſme creuſe,
Dont ľhomme peut tirer choſe fort precieuſe,
Comme ľor & ľargent, & tout autre metal,
Deſquels jouïroit bien s’il n’eſtoit ſi brutal.
S’il s’en vouloit ſerviren amour fraternelle,
Faiſant ce qu’il convięnt au ſerf de Dieu fidelle:
Mais les menteurs, trompeurs emportent orendroit
Ce qui venoit de Dieu, & poſſedions de droit:
Tout ainſi que dans ľeau le peſcheur fin la naſſe
Jette, & parce moyen force poiſſons amaſſe:
Et que partromperie, en ſifflant, les oiſeaux
On couvre de filés au bois, ou pres des eaux:
Ainſi pareillement on fait dedans les mines,
Par ľinſtinct de Satan, ſe monſtrant belles mines;
Rarement toutesfois y eſt ſincerité.
On trouveroit threſors, s’on diſoit verité,
Qui porteroyent profit non ſeulement aux Princes,
Mais auſſi aux ouvriers, & à pluſieurs provinces:
Au lieu que maintenant le Roy perte en reçoit,
Le Maiſtre ouvrier en fin ſa ruïne apperçoit.
Cela ne vient d’ ailleurs, ſelon ma conjecture,
Sinon des garnemens meſchans qu’ on y endure.
|| [146]
L’homme a d’avoir des biens deſir inſatiable.
LE coſſon derobbant, le blé tousjours aſſemble:
L’avare tout ainſin’ a jamais de repos,
Eſtimant qu’ à tousjours vivra eſtant diſpos:
Mais un autre en jouït, ſoit qu’ ill’ herite ou emble.
|| [ID00282]
|| [ID00283]
|| [147]
Declaration de la
LXXIII.
Figure.
AInſi que le coſſon de porter ne ſe laſſe (ſe,
Le blé qu’il peut trouver; que pour ľhyver amaſ-
Afin que doucement il le puiſſe paſſer:
Ainſi ľhomme ne fait que des biens pourchaſſer;
Souvent pour avoir biens caduques, met ſon ame
En danger eminent de ľinfernale flame,
Comme s’il devoit vivre en ce monde à tousjours,
Jaçoit qu’il ſoit certain qu’il va tout au rebours:
Car où que nous allions la Mort nous fait la guerre,
Nous aguetant, en fin nous fait mettre en la terre.
Adonc maint eſtranger avec profuſion
Ingrat, grand chere fait de la proviſion.
Encore bien ſouvent advient en ceſte vie,
Que ľavaricieux perd ce en quoy il ſe fie,
Car ce qu’avec grand peine & ſoing a amaſsé,
Fuſt ce à droict ou à tort, ayant bien tracaſsé:
Un autre larron vient, qui le tout lui emporte,
Puis le Diable venant tous deux en Enfer porte.
|| [148]
L’honorable Vertu eſt des vices ſouillée.
MAint homme on trouvera plein de ſcience grande,
A cauſe neantmoins des vices, ne fait rien
Qui vaille: Ainſi les boucs & pourceaux ſouillent
Par leur infameté la plus nette viande. (bien
|| [ID00286]
|| [ID00287]
|| [149]
Declaration de la
LXXIV.
Figure.
BOnne viande eſtant en un pot ord & ſale,
Sur tout ſi on la met ſur la teſte brutale
D’un bouc puant, qui eſt harraſsé des pourceaux:
Qu’il puiſſe demeurer au pot des bons morceaux,
Les eſſaye qui veut; moy je ne le puis croire.
Qu’un chaſcun bien ceci imprime en ſa memoire,
Si Dieu a departi à un homme beau don,
Cependant s’il ſe met du vice à ľabandon,
En ſe laiſſant ſeduire aux pourceaux aime-ordures,
On ſent la puanteur paſſant les vertus pures.
Il arrive à un tel comme à un pot infect,
Auquel eſt bonne viande, & neantmoins ſuſpect
Il demeure à bon droict, car il gaſte la viande,
Elle ne vaut plusrien, perſonne n’en demande:
Maint ſcience & ſageſſe ainſi pareillement
Corrompt, eſtant utile au Diable ſeulement,
Qui s’en eſtant fervi en la vie preſente,
En fin met ľame & corps dedans la flamme ardante.
|| [150]
La lumiere opposée aux tenebres obſcures.
QUiconque fait le bien n’ a peur de la lumiere,
La vertu hardiment pres ou loin ſe fait veoir;
Mais celui qui fait mal n’ oſe point comparoir,
Ains cerche de Satan la trop noire taniere.
|| [ID00290]
|| [ID00291]
|| [151]
Declaration de la
LXXV.
Figure.
AInſi que la lumiere és tenebres luiſante,
Auſſi ľalme vertu hardiment ſe preſente,
Reluiſant à chaſcun qui la recerche bien,
Ce qui eſt ſeulement le fait de vray Chreſtien:
C’eſt aux ſeuls gens de bien que ceſte clarté monte
Les meſchans au contraire ont de la vertu honte,
Ne s’en ſoucians point la fuyent laſchement,
Selon qu’il ſe fait veoir au monde ouvertement.
Le monde tout entier à mal faire s’addonne,
Et le malin Eſprit à force ľeguillonne,
Par ſa fineſſe & fraude en tenebres le tient, (tient,
Ta ̅ t que comme un pourceau maint homme ſe main-
Sans honte aucunement & ſans aucune crainte:
Il n’y a plus de lieu pour ľhoneſteté ſaincte.
Vien, Seigneur, vien bien toſt la chandelle allumer
Ainſi l’ obſcurité par elle conſumer.
|| [152]
L’avarice, & vertu reçoivent leur ſalaire.
CElui qui est mauvais reçoit mauvais ſalaire:
Mais celui qui craint Dieua ſon chef couronné:
A ſincere vertu l’ Eternel a donné
De s’eſlever aux cieux: à l’ argent au contraire.
|| [ID00294]
|| [ID00295]
|| [153]
Declaration de la
LXXVI.
Figure.
ILy a en ce monde une choſe admirable,
L’argent eſt plus peſant que la vertu louäble.
Ce fait que le monde en tenebres ſe logeant,
L’enfer eſt ſur le point d’engloutir tout ľargent:
Mais cependant vertu envers le ciel s’eſleve,
Pres de Dieu à tousjours meine vie ſouëfve.
Elle eſtoit ici bas preſsée ſous la croix;
Le Seigneur la met hors des horribles effrois:
Il lui met ſur ſon chef la couronne de gloire,
Des moqueurs diffamans il lui donne victoire;
Car ſes gemiſſemens ſont montés juſqu’aux cieux,
Dieu void ſa patience & ſa foy de ſes yeux.
Mais le bien temporel dedans ľabyſme tombe,
Et bruſle de chaleur qui eſt en ceſte tombe.
C’e qui eſt tranſitoire à Dieu ne peut venir,
L’orgueilleux & ſuperbe il ſçaura bien punir,
Il fait tomber Satan, ľorgueil & ľavarice
D’enhaut dedans ľabyſme avec tout autre vice.
|| [154]
La Mort tient entre tous une egale meſure.
RIen ne vit d’ immortel ſur la terre globeuſe,
Les païſans, les Rois, ſemblables à la fin,
S’ en vont tous peſle-meſle engloutis du deſtin;
Tout est né pour deſpouille à la Mort rapineuſe.
|| [ID00298]
|| [ID00299]
|| [155]
Declaration de la
LXXVII.
Figure.
QUand ľho ̅ me au monde vient, pour tout accou-
Il n’a que nudité, c’eſt tout ſon orneme ̅ t: (ſtreme ̅ t
Combien qu’en icelui obtient honeur & gloire,
Et grands gouvernemens; le tout eſt tranſitoire.
Il s’ eſtime puiſſant, excellent & bien haut,
En ſon cœur orgueilleux dit que nul ne le vaut:
Tant y a qu’ eſtant mis ſur la juſte balance, (vanc††
L’orgueiſleux, ľhumble; pauvre, & qui a grand che-
Le beau, laid; ſage, ſot; & le foible, & fort:
L’un peſe autant que ľautre eſtans au poids de Mort.
Maint eſtoit haut levé, quand il eſtoit en vie;
Tous ſe trouvent egaux, quand la mort ľa ravie.
On ne ſçauroit cognoiſtre à la teſte d’aucun,
S’il eſtoit pauvre, ou riche; honoré, ou commun:
Tel eſtoit grand Seigneur & riche perſonnage,
Qui s’eſt trouvé tout nud à la fin de ſon aage.
Heureux celui qui prend bien garde à tout ceci,
Se repent, a la foy tandis qu’il eſt ici;
Uſe d’honeurs & biens avec un cœur fidele.
Aſſiſte ſon prochain par amour fraternelle:
Car il ſera ſauvé de quelque eſtat qu’il ſoit.
Biens, honeurs temporels maint inſensé reçoit,
Lequel s’en jouë ici ſe mettant à ſon aiſe,
Precipite ſon ame en ľinfernale braiſe.
|| [156]
L’aiguillon de la Mort eſt deſormais rompu.
LE Diable a fait venir la Mort par tromperie
En ce monde; & nous agrand eſclandre apporté:
Quand Jeſus Christ viendra monſtrer ſa royauté,
Il oſtera la Mort, le Diable, & ſa furie.
|| [ID00302]
|| [ID00303]
|| [157]
Declaration de la
LXXVIII.
Figure.
LA Mort a ſon plaiſir quand le Monde elle void
Enchainé de Satan, que volontiers il oit,
Depuis qu’il a receu ſa fauſſe flaterie,
Par elle il eſt venu en telle faſcherie:
Car la Mort le perçant de ſes dards venimeux,
Abbat en un inſtant maint vaillant & fameux.
On ne ſçauroit aſsés ceſte miſere pleindre,
Qu’en peu d’heure la Mort ta ̅ t de ge ̅ s vient eſteindre.
Toutesfois nous avons, en ceſte adverſité,
La conſolation, que Chriſt a racheté
Ceux qui croyent en lui: la Mort leur eſt paſſage
De la mort à la vie: & Chriſt ſon beau viſage,
En fin leur monſtrera, quand il viendra juger;
Les meſchans deſloyaux on verra enrager,
Lors que pour leurs mesfaits orront juſte ſentence
Des tourmens eternels, ſans aucune allegeance;
Mais il prendra à ſoy tous les ſaincts & pieux,
Et les fera jouïr du royaume des cieux.
|| [158]
La vie humaine pend à un filet bien tendre.
LE fil bien deſlié est choſe profitable
Pour la vie de l’ homme, il est fort beau à veoir;
Mais il rompt aisément: ainſi faut il ſçavoir,
Que la Mort est à tous humains inevitable.
|| [ID00306]
|| [ID00307]
|| [159]
Declaration de la
LXXIX.
Figure.
AInſi que le filet a ſon commencement,
Auſſi a il ſon cours, ſa fin pareillement;
Gros, ou bien delié femme ou fille le file,
Il eſt non ſeulement beau, mains auſſi utile.
L’un ſ’en ſert à orgueil, l’ autre à neceſſité,
L’un en tire profit, & ľautre vanité.
Souvent il ſert aux gens de fort belle parure:
On en fait du papier, ſur lequel ľeſcriture
Mainte choſe comprend & propoſe aux humains,
En leur monſtrant, comment ils feront de leurs mains
Actes plaiſans à Dieu & à eux ſalutaires:
Sur terre y a beaucoup de choſes neceſſaires;
Mais on ne trouvera rien qui ſoit ſi exquis,
Dequoy on uſe bien, & comme il eſt requis;
Que le monde pervers maintenant n’en abuſe:
Il louë le mauvais, le bon blaſme, & refuſe.
Nul ne veut deſormais ſa fin conſiderer,
Pour apprendre en ſa vie à ſes faits moderer:
Elle vient neantmoins bien ſouvent à la haſte,
Comme le fil ſe coupe, ainſi la Mort nous gaſte.
|| [160]
Tranſitoire & fragile eſt la vie de l’homme.
TOut ce qui est au monde, en quoy l’ homme ſe fie,
Reſſemble à un feſtu, ou à une vapeur,
Et s’en va viſtement comme fait une fleur,
Quand la Mort par ſon cor, ſa fin lui ſignifie.
|| [ID00310]
|| [ID00311]
|| [161]
Declaration de la
LXXX.
Figure.
ODieu plein de bonté, appren nous à compre ̅ dre
La fin de tous nos jours, fay que puiſſons appre ̅ -
Que c’ eſt de noſtre vie, & comment on en ſort: (dre
Nul ne peut eſchaper les fleſches de la Mort:
Riche, pauvre; puiſſant, qui s’ eſleve, ou s’ abbaiſſe,
Le ſain, le ſage, auſſi ľeſloigné de ſageſſe.
La Mort emporte tout allant en toutes parts,
Porte ľorloge au col, & au carquois des dards:
Car noſtre vie fait incontinent divorce,
Et la Mort nous ravit tout ce qu’avons de force,
Tout ainſi comme un feu ſa fumée jettant,
Elle s’eſvanouït & ſe perd à ľinſtant:
Comme auſſi fait le ſon de la fluſte qui jouë,
S’en va toutauſſi toſt que deſenfle la jouë:
Auſſi void on fleſtrir bien toſt ľherbe des champs,
Et le chaulme ſe rompt en un bien peu de temps.
Il en prend tout ainſi de ceſte noſtre vie;
Parquoy, ô inſensé, pren garde, & ne t’y fie:
Dequoy ſert la grandeur, les richeſſes, l’argent,
La ſcience, & l’honeur, en ce monde à la gent?
Mais qui humble de cœur, en crainte de Dieu paſſe
Sa vie; un bon threſor d’honeur au ciel ſ’amaſſe.
|| [162]
En poids egal ſe tient des pechés la balance.
ON fauche l’ herbe alors quand elle est aſſez meure:
Ainſi jaçoit que l’ homme aye long temps veſcu,
Toutesfois en la fin il ſe trouve vaincu,
Car la Mort fauche tout, tant que rien ne demeure.
|| [ID00314]
|| [ID00315]
|| [163]
Declaration de la
LXXXI.
Figure.
POurce que des pechés la balance eſt egale,
La Mort s’ approche fort & fauche en fin finale:
L’heure s’ eſt eſcoulée en courant viſtement,
Et on verra tantoſt du bien grand changement.
Parquoy diſpoſe toy à ta fin, il eſt heure,
Les faucheurs ſont ſortis au loin, je t’en aſſeure;
Ils n’eſpargneront rien; ains ils faucheront tout,
Tant qu’il n’y ait plus rien de ľun à ľautre bout.
Force n’empeſchera, n’ aucune violence,
Ni du monde ľhoneur, ni faveur, ni ſcience,
Non pas meſme l’argent, ni la beauté auſſi;
Il ne chaut à la Mort de rien de tout ceci,
Sois en bien aſſeuré, & de ce fay ton conte:
Donc au Seigneur Jeſus ta foy conſtante monte,
Et regarde à lui ſeul, laiſſant les hommes vains,
Ton ame & ton eſprit remets entre ſes mains.
|| [164]
Ici ſe void en train la famille du Diable.
LE lion, l’ aſne, & paon, le bouc, le chien, la truye,
Le crapaud, chaſcun d’ eux a ſa proprieté,
Ils ont en eux du bien & de l’ iniquité:
Mais l’ homme beaucoup plus par peché Dieu ennuye.
|| [ID00318]
|| [ID00319]
|| [165]
Declaration de la
LXXXII.
Figure.
LE Diable à grand effòrt ſonne de ſa trompette,
Sa famille ſe vient à lui rendre ſubjette;
Il ľa voulu avoir pour le partage ſien:
Le crapaud venimeux avare lui plaiſt bien;
La truye qui fouït du groin dedans ľordure,
A neantmoins tousjours faim, n’ayant nourriture;
Le bouc puant & ſale en ſa laſcivete
Vit; le chien envieux en ſa malignité,
Puis le ſuperbe paon ſe contemple ſoy meſme,
Ne voulant de ſes pieds veoir la laideur extreme;
Le lion furieux deſtruit tout ce qu’il peut;
Et ľaſne pareſſeux que tout pourriſſe veut,
Il retient ſon vieil train & laſchement chemine,
Il ne veut, ni ne peut changer d’ aſne la mine:
Avec ceux-ci Satan accorde ſa chançon,
Et tous ſes courtiſans enſuivent ſa façon,
Beuvans diligemment du peché le breuvage;
Tel eſt du malheureux monde le chariage.
|| [166]
Contemplés en ceci du monde la charrette.
L’Eſprit malicieux, avec grande puiſſance,
Conduit de tous eſtats induſtrieuſement
Pluſieurs, en leur oſtant tout leur ſens, tellement
Qu’ ils vont ſans y penſer dans le feu de ſouffrance.
|| [ID00322]
|| [ID00323]
|| [167]
Declaration de la
LXXXIII.
Figure.
ICi maint inſensé tire avec grand plaiſir,
Peu s’en faut qu’un chaſcun n’ait de tirer deſir:
Quiconque a ſeulement ſon ſac plein de monoye,
Bien qu’il ſoitun pourceau, & que loin ſe fourvoye,
Si a il en ce monde autant qu’il veut d’honneur,
Sur tout ſi de ľargent eſt liberal donneur.
Toutesfois bien ſouvent il n’a point de courage,
Le Diable le poſſede & conduit ſon ouvrage,
En ſorte que jamais aſsés ne peut avoir,
Il fait courir ſon char, ſans où il va ſçavoir:
Car ils’en va avec ſa ſatanique bande,
Payer de ſon mesfait en enfer juſte amende:
De ce ſon hoſte rit, car c’ eſt tout ce qu’il veut,
Le Diable pouſſe avant le char autant qu’il peut,
Son porte-enſeigne fait voler haut ſa banniere,
En ſe resjouïſſant d’eſtre ſur la frontiere:
Car il ne ſera ſeul en ľinfernal tourment,
Mais a des compagnons qu’il traitte rudement.
|| [168]
L’infernal gehenneur demonſtre la figure.
PEnſe bien à ceci, ô homme miſerable,
Ne ſois plus deſormais ni aveugle, ni ſourd;
Croy ceci hardiment, je te le di tout court,
Sans fin est le tourment de l’ Enfer effroyable.
|| [ID00326]
|| [ID00327]
|| [175]
Declaration de la
LXXXVII.
Figure.
LA trompette de Dieu reſonne maintenant,
Levés vous tous les morts, venés incontinent,
Vos os & voſtre chair ayans pour couverture
La peau qu’aviés jadis, ſelon ſaincte Eſcriture.
Venés vous preſenter au jugement de Dieu,
C’eſt le commandement qu’il vous fait en ce lieu.
Le juge jugeratout en bonne juſtice,
Tant ceux qu’ on a ſervi, quequi a fait ſervice:
Car il n’a point d’ eſgard n’à faveur, n’a preſens,
Il ne lui chaut de ceux qui des grands ſont faiſans;
Encore moins de ceux qui és armes ſe fient,
Ou qui ont grand butin, & qui s’en glorifient;
Il ne regarde point auſſi aux beaux diſcours,
Qui n’ont rien profité aux temples, ni aux cours.
De ce qui eſt plaiſant à Dieu, & neceſſaire
††
|| [176]
Le jugement enſuit la reſurrection.
QUand Jeſus Christ viendra en ſa magnificence,
Comme il l’ a declaré, au dernier jugement;
Lors un chaſcun de lui recevra juſtement
La dutout peremptoire & derniere ſentence.
|| [ID00330]
|| [ID00331]
|| [169]
Declaration de la
LXXXIV.
Figure.
HA! puis que ne voulés ouïr, gent enragée,
Voici Satan qui vient, ſon armée eſt rangée:
Il fait voler ľenſeigne ayant contentement,
Son glaive tout ſanglant monſtre ſuperbement,
Qu’il eſt bourreau cruel: ainſi il ſe declare.
Pour durement traiter les meſchans ſe prepare,
Par feu, ſoufre, & par poix, ſans uſer de fagot;
A maint il payera largement ſon eſcot,
Se ſervant à cela de ſes chaines obſcures,
Pourlier à jamais les pauvres creatures.
Dieu nous vueille garder de ľEternelle mort!
Amendés vous humains, pour de Dieu le ſupport,
Et pensés maintenant à ce qui ſe rapporte
Au ſalut eternel: Dieu en aucune ſorte
N’a eſpargné du tout rien, ne prenant plaiſir
A la mort du pecheur: ici avons loiſir
De la vie amender, cheminans en ſa crainte:
Il faut doncſervir Dieu de cœur, & ſans contrainte.
|| [170]
La file des pechés eſt ja toute accomplie.
SI de tels compagnons tu tiens ici la route,
En aſſemblant peché ſur peché tous les jours,
Suivant ceſte chanſon, tu feras pluſieurs tours;
Mais tu vas en Enfer tout droit, ſans point de doute.
|| [ID00334]
|| [ID00335]
|| [171]
Declaration de la
LXXXV.
Figure.
OR ſont tous les pechés à leur comble venus,
Le Diable a achevé ſa danſe, & retenus
Tous ceux qui ľont ſuivi en gentille ordonnance,
Ils ſont en bien grand nombre, & de diverſe engeance,
Gens d’ Egliſe & mondains, pauvres & opulens,
Danſent tous d’ un accord, & ſont equipollens,
Bien que ľun en ceſtui, & ľautre plaiſir prenne
En des autres pechés, ils font meſure pleine,
Et ſautent hardiment, ſans en eſtre diſtraits,
La mort & ľennemi vont devant & apres:
Ils ſont les meneſtriers qui jouënt à la danſe,
En ľabyſme ils vont tous avec correſpondance,
Là ils ſeront punis par la flamme du feu,
Qui jamais ne s’eſteind: c’eſt la fin de leur jeu.
|| [172]
En attendant le temps les roſes floriront.
QUi ſçauroit ſeulement avoir la patience,
Mettroit fin à ſon fait bien & heureuſement:
L’ ordonnance de Dieu tousjours entierement
S’ accomplit; à l’ encontre il n’y a de ſcience.
|| [ID00338]
|| [ID00339]
|| [173]
Declaration de la
LXXXVI.
Figure.
DIeu a tout ordonné, en ſorte que nature
Produit ce qu’ il lui plaiſt, rien n’ eſt paravanture:
Mais tout eſt en ſon lieu, & ſon ordre retient,
Ainſi que Dieu le veut toute choſe provient,
Perſonne ne lui peut de ce faire defendre,
Et à ſa volonté franche il nous faut attendre.
O combien eſt ľEſté aggreable & plaiſant,
Auquel ľame & le corps en joye va diſant, (gence,
Les grands faits du Seigneur, quand ľhomme en dili-
Medite les bien faits de la divine eſſence?
Combien belle eſt la roſe avecques ſes couleurs?
Et que jolies ſont toutes les autres fleurs?
Elles ne croiſſent pas pourtant chaſque journée;
Mais en un certain temps, que Dieu veut, de ľannée.
Il ſemble qu’ en hyver tout eſpoir ſoit perdu, (du:
Quand on void ſur les champs preſque tout morfon-
Mais quand ľEſtè revient, roſes de toute ſorte,
Le bois qui ſembloit ſec & rude nous apporte.
Ainſi toute autre choſe advient pareillement,
Chaſcune en ſa ſaiſon ſe monſtre proprement.
Atten donques le temps, aye en Dieu eſperance,
Il tedonra en temps de tout mal delivrance;
Quand il faudra mourir il ſera ſi humain,
Qu’il te conſolera, & te tendra la main.
|| [174]
La reſurrection des morts chaſcun doibt croire.
AU jour du jugement ſa fin prendra le monde,
Les ſaincts eſcrits de Dieu nous l’ enſeignent ainſi,
Les ſepulchres rendront leurs morts, la mer auſſi,
Tous ſe preſenteront au juge qui tout ſonde.
|| [ID00342]
|| [ID00343]
|| [177]
Declaration de la
LXXXVIII.
Figure.
VEnés tous les benits de mon pere celeſte,
Poſſedés ſon royaume en gloire manifeſte;
Pource que de bon cœur deſiré vous m’ avés,
En effect recevrés, depuis qu’eſtes lavés
En mon ſang, tous les biens ſelon voſtre croyance.
Au monde avés porté la croix en patience;
Parquoy approchés vous, & ayés le ſalut,
Que jadis preparer mon pere vous voulut.
Mais vous, departés vous de moy tout au contraire,
Maudits au feu d’Enfer, pour avoir le ſalaire,
Que par actes meſchans vous avés merité,
Il vous eſt des long temps desja tout appreſté,
Comme pareillement au Diable & à ſes anges;
Vous y ſouffrirés tous des angoiſſes eſtranges:
Vous avés meſprisé tant les pauvres, que Dieu;
Souffrés donc le tourment de la flamme au milieu.
|| [178]
CONCLVSION.
OR ſommes nous venus juſqu’à la fin du livre,
Puiſſe eſtre leu de ceux qui le bien veulent ſuivre,
Quiconque le lira, veuille ſe moderer,
Et devant qu’en juger, ſon but conſiderer.
S’il le fait ſans meſpris, & volontiers eſcoute,
Mon dire trouvera vray, ſans aucune doute:
Que s’il le trouve faux, qu’il diſe Non alors:
Il merite autrement d’eſtre bouté dehors.
On vit communément pour paſſer la journee:
Tant que pluſieurs ſont prins de mort inopinee:
Pour ceſte cauſe Dieu ſouvent auſſi permet,
Qu’ on tombe en deshoneur pour les maux qu’on
A peine on trouvera nation, tant ſoit elle (commet.
Barbare, qu’à ſon Dieu fuſt jamais ſi rebelle,
Comme ſont aujourd’ huy la pluſpart des Chreſtiens,
Qui ſont plus meſchans qu’onc ne furent les payens,
Je vous pri, dites moy, qui a du peché crainte,
Lequel en tous païs a la vogue? Et la ſaincte
Parole du Seigneur à qui va elle à cœur?
De la dilection vraye où eſt la vigueur?
Qui aime maintenant le Seigneur ſans feintiſe?
Et qui à ſon prochain de bien faire s’adviſe?
Qui eſt ores celui qui cerche ľequité?
Les fruicts monſtrent treſbien qu’on aime iniquité.
|| [179]
Encore de la foy chaſcun ſe glorifie!
Tresfroide eſt la priere, en Dieu on ne ſe fie.
Les fruits de ľarbre ſont d’ orenavant pourris,
Les ruiſſeaux de la foy s’en vont du tout taris,
Le cœur n’en a plus rien, on ſe vante de bouche,
Pour en produire fruicts, nul à peu pres n’y touche.
O Seigneur Dieu benin le pauvre endure effort,
Son cœur eſt eſmoy quaſi juſqu’ à la mort.
Le riche d’icelui du tout ne ſe ſoucie,
Mais pour biens amaſſer tousjours il negocie,
Son cœur, & ſa penſee, & ſon deſir eſt là,
Amour & loyauté ont prins fin pour cela:
Il faut que ſoit foulee aujourd’ huy la juſtice,
Et le deſſus en ont ľorgueil & ľavarice;
Car qui ne s’y addonne eſt du tout meſprisé,
On le laiſſe en danger lors qu’il eſt eſpuisé.
Or toy, tay t’en tout coy, en laiſſant à Dieu faire:
Je ne te celeray, croy moy en ceſt affaire,
L’inſolence long temps ainſi ne durera,
Mais ľorgueil & Mammon Satan emportera,
Ta force & tyrannie aura ſa recompenſe,
Ton infidelité te mettra en grand tranſe.
Puis qu’à peu pres nullui ne ſe veut amender,
L’Eternel Tout- puiſſant eſt preſt de commander
A la guerre & famine, & à la peſtilence,
Qu’elles deſtruiſent tout avecques violence,
|| [180]
La mort ľheure monſtrant le nous fera ſçavoir,
Et alors maint voudroit bien faire ſon devoir:
Le cruel ennemi desja ſon feu atiſe,
Pour du monde bruſler toute la convoitiſe,
Ce ſur quoy les meſchans ſe fioyent fierément,
Faiſans deſpit à Dieu & au prochain tourment;
On verra tout cela en peu de temps fin prendre.
Heureux qui ſon Seigneur Jeſus Chriſt peut entendre,
Et en le cognoiſſant du mal ſe deſtourner,
En ſuivant la clarté de foy, ci ſejourner.
Humains amendés vous de cœur, il en eſt heure,
Car la punition de peché ne demeure
Deſormais pas fort loin: pecheurs nettoyés vous,
Eſtans lavés au ſang du Seigneur Jeſus tous:
Dieu vous avoit creés purs & nets de tout vice,
Il redemande auſſi ľhomme pur de malice:
Parquoy deportés vous de pecher fierement,
Que ſi vous ľavés fait, pleurés amerement,
Ayant voſtre recours de Jeſus au merite,
Quiconque croit en lui, vie eternelle herite.
C’eſt la raiſon pourquoy ce livret vous deſcrit,
Divers pechés auſquels maint homme, qui perit,
Soit il en dignité & qu’il ait grand’ chevance,
Ou qu’il ſoit meſprisé & qu’il ſouffre indigence,
S’ addonne en ceſte vie, ayant honte mis bas:
Ici avoir blaſmé aucun je ne veux pas. FIN.
|| [ID00348]
|| [ID00349]
|| [ID00350]
|| [ID00351]
|| [ID00352]