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[] CODEX DIPLOMATICUS RUBENIANUS
DOCUMENTS
RELATIFS
A LA VIE ET AUX OEUVRES
DE
RUBENS
PUBLIÉS SOUS LE PATRONAGE DE
L'ADMINISTRATION COMMUNALE DE LA VILLE D'ANVERS
TOME TROISIÈME


[] CORRESPONDANCE
DE
RUBENS
ET
DOCUMENTS ÉPISTOLAIRES
CONCERNANT SA VIE ET SES OEUVRES
PUBLIÉS, TRADUITS, ANNOTÉS
PAR
MAX ROOSES
CONSERVATEUR DU MUSÉE PLANTIN-MORETUS A ANVERS
ET FEU
CH. RUELENS
CONSERVATEUR DES MANUSCRITS A LA BIBLIOTHÈQUE ROYALE DE BELGIQUE, A BRUXELLES
TOME TROISIÈME
DU 27 JUILLET 1622 AU 22 OCTOBRE 1626
ANVERS
JOS. MAES, Éditeur, 25, rue Rembrandt
1900


[] [] []

[1] CCLXXVI
NOTE DE PEIRESC.

Moulleure de
colle forte
Et d'albatre Calciné
Monsr

Rubens dict avoir veu dans Rome un excellent sculpteur et depuis à Anvers un Alleman qui sçavoient mouller des ouvrages de relief encores qu'ilz ne fussent de despouille, d'une façon du tout excellente faisantz les creux non de plastre, ne d'argille, ne de souffre, ne d'aulcune aultre des matières accoustumées, ains de colle forte, de celle qui se faict avec des rogneures de cuir dont se servent les peintres qui peignent à destrampe, laquelle ils font exprez pour cet effect, affin qu'elle soit plus blanche que si elle estoit gardée et vieille faicte.

Il a faict mouller de la sorte le Vase d'Agathe antique qui estoit à la foire St Germain l'an 1619, tout parsemé de Pampres de vigne ayant des testes de satyre pour ances avec des grandes cornes qui n'estoient nullement en despouille. Et a veu mouller des petits poissons ammoncelés et mis les uns sur les aultres témérairement et sans ordre, lesquels demeuroient si netz à la moulleure que cestoit une merveille, sans qu'il fust nécessaire de les brusler, comme quand on moulle les lézards en argille ou craye, car on les tire propremt de dedans le creux de colle après qu'elle est caillée.

Ilz font pour cet effect un lict d'argille sur lequel ilz logent bien perpendiculairement et sur un champ bien à niveau pour ne donner [2] pante de part ne d'aultre, le vase bien mouillé ou aultre chose qu'on veut mouller, en sorte que le plus gros demeure en hault, après touteffois y avoir mis deux ou trois filletz ageancez contre le vase de haut en bas, pour s'en servir aprez à diviser et fendre le creux de colle. Et y font comme un estuy ou enveloppe d'argile tout à l'entour du vase, laissant du vuide entre le vase et l'estuy d'argille, aultant comme il en fault pour donner compétente espoisseur au corps qu'on veult faire de colle pour servir de creux dudict vase, environ un doigt d'espaisseur.

Cela faict et la colle bien cuitte et bien nette, on la jette toute chaude dans ledict vuide, qui est entre l'estuy et le vase, jusques à ce que tout soit remply jusques en hault, et lors on le laisse raffroidir et cailler ou congeler à son ayse durant un jour, aprez lequel on faict avec lesdicts fillets un tail ou fente du haut en bas, tant à l'estuy d'argille qu'à la colle à l'endroict de quelque ance, ou de ce qui peut estre de plus difficille despouille et ouvre on comme une grenade conjointement l'estuy d'argille et le creux de colle qui y pose dessus, lequel est toujours mollastre et obéit facilement en aydant un peu avec les doigtz pour le desgager des choses qui sont hors de despouille, plustost on faict diverses fentes en divers lieux pour bien despouiller tout et aprez qu'on a osté le vase ou aultre chose moullée, on rejoinct proprement le creux de colle et l'estuy d'argille tous ensemble qui reprennent facilement leur place et puis on l'entoure de filletz et on y jette du plastre bien liquide afin qu'il puisse pénétrer par tout et aller chercher tous les creux et destours du moulle (que l'on meut pour cest effect). Et quand le plastre est bien prins on ne faict que rompre l'estuy d'argille et présenter la colle devant le feu où elle se fond, et le relief de plastre demeure net imbu néantmoins d'un peu de colle qui ne nuist nullement à sa blancheur ne à sa bonté, ains sert à luy donner du lustre avec le temps et à le rendre plus fort et de plus de durée.

Le Canthare d'Agathe de St Dénys se pourroit mouller de la sorte au jugement dudict SrRubens.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Feuillets détachés du volume LIII des MSS de Peiresc.


[3] COMMENTAIRE.

La note précédente se trouve dans les papiers de Peiresc à Carpentras. Elle a été évidemment écrite pendant un des séjours faits par Rubens à Paris, lorsque son ami s'y trouvait encore, soit donc en 1622 soit en 1623. Il est impossible de déterminer plus approximativement la date de la rédaction. Elle prouve une fois de plus combien les oeuvres de la sculpture ancienne et leur reproduction préoccupaient les deux amateurs. Elle prouve également l'attention que Rubens prêtait aux détails techniques d'un travail artistique et avec quelle exactitude il se rappelait et décrivait au besoin pareille opération.


CCLXXVII
PEIRESC A M. L'ÉVÊQUE DE LUÇON (RICHELIEU).

Monsieur.

Ayant sceu le desplaisir que vous avez tesmoignez sur le faulx bruict de la mort de MrRubens et le désir que vous aviez d'en estre esclaircy, je n'ay pas deub manquer de vous en donner des nouvelles puisque j'en avois de certaines par deux siennes lettres escrittes de sa propre main, l'une du 14e de ce mois laquelle m'arriva le soir mesme du jour que le bruict avoit couru dont je donnay advis le lendemain à Mr l'Abbé de St Ambroise et l'autre du 22 que j'ay encore eu ce jour, il ne parle pas seulement d'avoir esté malade.

J'ay voulu rechercher curieusement l'origine de ce bruict pour apprendre si ce n'estoit point quelque équivoque d'un mesme nom, car à ce que j'entend il y a force gents es Pays-Bas de ce nom là, mais je n'en ay rien peu sçavoir de certain. Je luy en donnai advis à luy mesme la semaine passée et crois que le prochain ordinaire il nous pourra dire si l'équivoque vient de ce pays là ou bien si c'est la mauvaise volonté de quelqu'un de sa profession qui luy porte envie à quoy je ne trouve guaires d'apparence bien qu'on le persuade ici.

Je voudrois avoir le bonheur de rencontrer de meilleures occasions de vous rendre le trez humble service qui est deub à un personnage [4] de vos qualités et vostre mérite et que l'honneur de vos commandements m'en ouvrist les moyens pour vous tesmoigner que je suis, etc.

De Paris ce 27 Juillet 1622.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f° 671 v°.


CCLXXVIII
PEIRESC A M. DE MAUGIS, ABBÉ DE St AMBROISE.

Mr.

Le coeur m'avoit bien dict aussytost que le faulx bruict de la mort de MrRubens parvint jusques à moy qu'il pourroit estre porté jusques à la Reine et me résolus de vous en escrire en mesme temps pour l'empescher et le prévenir mais à ce que j'ay veu par la vostre du 25 qui m'a esté rendue que la mienne lettre n'y est pas arrivée à temps et le pire est encor que je l'envoyois par vous pensant que les adresses en seroient plus seures. J'eusse mieux faict de l'envoyer droict à la poste. Tant y a que si elle s'estoit esgarrée vous aurez par celle-cy toutes asseurances de la plaine santé de Mr Rubens de qui j'ay receu à ce soir une lettre du 22 de ce mois toutte escritte de sa main et toute remplie de belles et droictes osservations de l'antiquité et de raisons pour lesquelles une figure de Démosthènes antique est représentée avec la teste à demy chevelue et à demy razée ce qu'il avoit faict exprez pour oster le moyen d'oser sortir en publicque afin d'estre plus obligé à tenir le logis et vacquer à l'estude et à la contemplation. Il me réitère les témoignages de playsir qu'il a eu de vostre voyage et qu'avant vostre despart vous eussiez encore appétit de le voir et dict qu'il n'eust pas manqué de vous escrire par nostre ordinaire ains que vous voyant en voyage pour aller ou revenir il estimoit que difficilement la letre vous pouroit attendre que vous ne fussiez de retour icy. Il adjouste tout au bas qu'ils ont à parer à une cruelle guerre que le Ms Spinole estoit en campagne avec une puissante armée despartie néanmoints en telle sorte qu'on ne sçavoit encores à quelle part il visoit, mais bien qu'une partie de ses forces estoit au siège de Berghen à six ou sept lieues d'Anvers d'où l'on entendoit la canonade jour et nuit.

[5] J'ay esté voir tantost Made d'Espare pour l'asseurer du contraire de la nouvelle que Mr de Bonneuil avoit donné à Made la comtesse de Fruges sa fille afin que si elle luy escript qu'elle luy oste la créance de ce faulx bruict. J'ay escrit encore à Mr de Lusson puisque vous me mandez qu'il ne l'aura pas désaggréable afin que si vous estiez allé à vostre abbayie il eust trouvé les nouvelles certaines dont je vous seray bon garan et vous eusse envoyé les originaux de ses dernières lettres du 14 et 22 parceque je voyois bien qu'elles eussent couru en lieu où j'eusse eu honte qu'on m'eust veu amuser avec luy à ces petites badineries d'anticailles. Pour finir je vous supplie de faire estat de vostre trez humble serviteur.

De Paris, ce 27 Juillet 1622.

Carpentras, Bibliothèque et Musée d'Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V., f° 670 v°.


COMMENTAIRE.

Le voyage de l'abbé de Saint-Ambroise. Il s'agit du voyage que Claude Maugis fit à cette époque à Pougues où se trouvait la cour et où il allait s'efforcer de mettre la dernière main à l'affaire de la galerie de Marie de Médicis. Ce que Claude Maugis eut encore appétit de voir avant son départ n'est pas Rubens comme la tournure de la phrase le ferait croire, mais bien le buste de Démosthène.

Madame la comtesse de Fruges. Dame d'honneur de Henriette de France. Nous présumons que c'est la même personne que nous avons nommée la comtesse de Touge dans la lettre du 25 juillet 1622.


[6] CCLXXIX
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sigr mio singmo.

Queste poche righe in fretta sono per accusar la ricevuta del suo piego delli 22 che mi venne molto a proposito per poter mandare nuove ben fresche della sanita di V. S. alla corte della Regina dove m'ha bisognato scriverne non solamente al Sgr Abbate, ma al Sr di Lusson ancora, per cio che il Sr Abbate se n'andava alla sua badia a Bourges. Et se la lettera originale di V. S. non fosse stata piena d'altre particolari ch'io non voleva esponere cosi in publico, l'haverei mandata insieme con le mie. V. S. vedera della qui aggiunta del Sr Abbate che fu vero il mio pronostico che sarebbe portato il falso rumore sin à Pougues. Io ne haveva scritto al Sigr Abbate, ma non andaranno cosi tosto le lettere; credo bene che non haveranno tardato d'arrivare. Ma perche la Regina et il Sr di Lussone et il Sr Abbate hanno mostrato tanto dispiacere della perdita di un par suo, se V. S. mi crede, ella fara un poco di ringratiamento di quella mostra di buon volere et se le sara grave di scrivere alla Regina, in ogni modo io stimo ch'ella debba scrivere due parole al Sgr de Lussone per non lasciarsi uscir di mano quella occasione di gratitudine et di liberargli pienamente d'ogni sospetto che potesse essere vera quella nuova, et a lui V. S. potera scrivere l'obligo ch'ella sente alla charita della Regina, di pigliarsi dispiacere del fatto suo.

Del resto m'e stato carissimo l'aviso che mi da V. S. che con buona gratia del Sr Roccox se sia fatta la cera del Demosthene. Io non mancoro dunque di rendergliene gratie, ma hora veramente io son molto distratto con la mia lite, et la prego di schusarmi. M'ha ben fatto V. S. un summo piacere di ricordarmi il luoco di Plutarcho intorno alla razura della testa di Demosthene, di che io confesso ingenuamente che non mi ricordava piu, come se mai non l'havessi letto, non havendomi allora fatto riflectione, ne pensato che tal attione se dovesse trovare scolpita in marmo. Tengo bene che sia un grandissimo argumento della certitudine dell' imagine et ne fo grandissima stima.

[7] Il Vivotto la saluta e dice essersi scordato del terzo impronto, et haverlo negletto come cosa di poco momento, ma che vedera di mandarlo.

Con che, senz' altro affte le bacio le mani. Di Pariggi, alli 29 Luglio 1622.

Il Sgr des Granges fratello maggiore del Sr Abbate di So Ambrosio si trovo hieri in casa del Sr de Lomenie quando io gli feci vedere la lettera del Sr Abbate et l'originale di quella di V. S. delli 22 stante per convincere la falsita del rumore; egli mi disse che vorebbe havere quell' obligo a V. S. ch'ella si degnasse fare comprare per conto suo, un focile d'archibuggio delli piu leggieri et migliori che si trovino costà. La preggo di fare questo servitio per amor del Sr Abbate, io mandarei il costo.

Delle nuove, il Re sta a Besiers in Linguadoca et s'haveva da principiare in breve l'assedio di Monpelieri. Il duca di Rohan haveva mandato verso il nuovo contestabile de Lesdiguiera per trattare.

Il fattore de carrettoni m'haveva promesso che se veniano come egli sperava, egli non haverebbe mancato di menarmeli per far fabricare l'altra cassa del quadro. Io credo che non sia venuto alcuno, et che bisognera aspettare l'altra settimana.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f. 671 v°.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Ces quelques lignes tracées à la hâte sont pour vous accuser la réception de votre lettre du 22, qui m'est arrivée bien à propos pour envoyer de fraîches nouvelles de votre santé à la cour de la reine, où j'ai été obligé d'en écrire non seulement à M. l'Abbé, mais encore à M. de Luçon, par le motif que l'Abbé se rendait à son abbaye à Bourges. Si votre lettre n'avait pas été remplie de détails particuliers que je ne voulais pas exposer ainsi en public, je l'aurais communiquée en original avec mes lettres. Par la missive ci-jointe de l'Abbé, vous verrez que je pronostiquais juste en disant que le [8] faux bruit se serait porté jusqu'à Pougues. J'en avais écrit à l'Abbé, mais les lettres ne partiront pas si tôt; je crois bien qu'elles n'auront pas tardé d'arriver.

Et puisque la reine, M. de Luçon et M. l'Abbé ont témoigné un si grand déplaisir de la perte qu'ils eussent faite en vous, qu'ils regardent comme leur égal, vous leur ferez, si vous m'en croyez, un bout de remerciement de cette marque de bienveillance. Si vous trouviez quelque inconvénient d'écrire à la reine, je crois qu'il faudra cependant, de toute manière, envoyer deux mots à M. de Luçon, pour ne pas laisser échapper cette occasion de lui témoigner votre reconnaissance et de le délivrer complètement de tout soupçon que la nouvelle pourrait être vraie. Vous pourrez lui écrire combien vous avez été respectueusement ému des regrets exprimés par la reine en apprenant ce qui vous était arrivé.

Il m'a été très agréable d'apprendre de vous que l'empreinte en cire du Démosthène a été prise avec toute la bonne grâce de M. Roccox; je ne manquerai pas de l'en remercier; mais pour le moment, je suis tout à fait absorbé par mon procès et je vous prie de m'excuser. Vous m'avez fait le plus grand plaisir en me rappelant le passage de Plutarque relatif à la tête rasée de Démosthène; je vous avoue franchement que je ne m'en souvenais pas plus que si je ne l'avais jamais lu. Je n'y avais sans doute point fait attention, ne supposant pas que le sujet dût se trouver un jour sculpté dans le marbre. Je regarde ce passage comme une preuve très forte de l'authenticité de la pièce et j'ai celle-ci en très haute estime.

Monsieur Vivot vous salue et dit qu'il avait oublié la troisième empreinte ou plutôt l'avait négligée comme une chose de peu d'importance; mais il verra à vous l'envoyer.

Sur ce, n'ayant plus rien à vous dire, je vous baise les mains affectueusement.

De Paris, le 29 juillet 1622.

M. des Granges, frère aîné de M. l'Abbé de Saint Ambroise, se trouvait hier chez M. de Loménie où je lui montrai la lettre de l'Abbé et la vôtre du 22, afin de le convaincre de la fausseté du bruit qui a couru sur vous. Il m'a dit que vous l'obligeriez beaucoup en voulant bien acheter pour son compte une batterie d'arquebuse, des plus légères et des meilleures que vous puissiez trouver en votre pays. Je vous prie de lui rendre ce service pour l'amour de M. l'Abbé; je vous en expédierai le montant.

En fait de nouvelles, je vous annonce que le roi est à Béziers dans le Languedoc et aura à commencer sous peu le siège de Montpellier. Le duc [9] de Rohan a envoyé vers le nouveau connétable, le duc de Lesdiguières, pour traiter avec lui.

Le facteur des chartons m'avait promis, si ceux-ci arrivaient comme il l'espérait, de me les amener pour faire fabriquer l'autre caisse du tableau. Je crois qu'aucun d'eux n'est arrivé; il faudra donc attendre jusqu'à la semaine prochaine.


CCLXXX
L'ABBÉ DE St AMBROISE A PEIRESC.

Monsieur.

J'ay receu celle qu'il vous a pleu m'escrire du XXI du passé qui m'a mis hors de peine ne vous pouvant exprimer le desplaisir que je receu de la nouvelle de la mort de M. Rubens comme avez veu par celles que je vous escrivis par Mr le Masle secrétaire de Mr Lusson. Si tost que la Reine eust appris la nouvelle de Madame la Comtesse de Fruges, Sa Majesté m'envoya quérir pour me la dire qui en tesmoignois du desplaisir. Je dis à Sa Majesté que je ne pouvois le croire et qu'on trouveroit que ce seroit les paintres qui par hayne faisoient courir le bruict. Ce qui s'est trouvé véritable (1) comme j'apprends par les vostres et je loue Dieu de ce qu'il se porte bien.

Pour les affaires, je l'en ay faict par de çà, toutes les places sont remplies et l'on a osté quelques tableaux de ceux que nous avions arrestez: le 15e comme la Royne va pour esprouver la résolution des Dieux pour les mariages, le 15e, comme le Roy reçoit son espouse en la présence de la Royne Mère. Par ce moyen la Royne a gaigné cinq places des quelles Sa Majesté m'a donné les subjects qui n'apportent aucune contrainte à MrRubens: il n'y a que les subjectz ce sera à luy à disposer les figures des tableaux des quelles je conféreray avec vous à mon retour à Paris qui sera le plus tost qui me sera possible vers le vingte de ce mois parceque le Sr Rubens desiroit sçavoir le signe qui dominoit à la naissance de la Royne. C'estoit le Taureau: [10] Sa Majesté est née en Avril, à midy. Il vouloit sçavoir si elle estoit née de jour ou de nuict.

Pour le courier de Bruxelles la Royne me dict que elle luy feroit rendre tout ce qu'il avait déboursé et que seroit très content d'elle. Je retournay hier de Pougues où j'ay esté neuf jours à faire ma cour où je résolus touttes mes affaires.

L'on donna des appréhensions de l'armée du Comte Mansfeld au païs Messin. Mr de Sully se retirant en sa maison a esté arresté auprez de Moulins et mené au chasteau de Moulins par Mr Charleux ayant passe-port du Roy et lettres du Roy. L'on a trouvé ceste hardiesse estrange, l'on despecha vers la Royne pour en advertir Sa Majesté qui demanda si y avoit pouvoir du Roy de l'arrester, on lui dit que non. Elle ne replicqua aucune chose, recognoissant beaucoup d'imprudence.

L'on a faict un décret à Rome que l'on dira la conception de la Vierge non la sanctification. Ce sont les Espagnols qui l'ont faict donner sur quoy je finiray la présente, après vous avoir dict que, suyvant vostre bon et sage advis, l'on mettra sur le portail de la Royne toutes figures mystiques avec inscriptions au dessoubs: Fortitudo qua jura filio illibata servavit; prudentia qua audiens et diversorum consiliorum; patientia qua adversorum domitrix. Et vous prie de m'honorer de vos commandements et me recepvoir, vous baise bien humblement les mains en qualité Monsieur, de vostre très humble et affectionné serviteur.

De Maugis.

A Bourges, ce premier Aoust 1622.

Billet de Peiresc a Rubens accompagnant la lettre précédente.

Quando io voleva mandare la presente alla posta ho ricevuto l'aggionta del Sgr Abbate et stimato dovergliela inviare, mentre andaramo aspettando il suo ritorno, havendo inteso volontieri che gli sia giunta la mia lettera a tempo per desingannarlo del falso rumore avanti la sua partenza della corte della Regina et per levare l'impedimento della risolutione del negotio di V. S. Cio ch'egli dice del segno di Tauro non credo che sia vero, perche la regina dice esser nata in [11] Aprile a mezodij in cui hora il segno del Tauro non poteva essere l'ascendante. Ma i mathematici lo determinaranno facilmente stimando che sarà piu tosto il Leone ò la Vergine et que' saranno piu honorati di quello del Tauro.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, p. 673


TRADUCTION.

Quand j'ai voulu envoyer la présente lettre à la poste, j'ai reçu la lettre ci-jointe de Monsieur l'abbé et j'ai cru devoir vous l'envoyer. J'attendrai son retour et j'ai appris avec plaisir qu'il a reçu ma lettre à temps pour démentir la fausse nouvelle avant son départ de la cour de la reine et pour lever l'obstacle qui empêchait la conclusion de votre affaire. Je ne crois pas que ce qu'il dit du signe du Taureau soit vrai; la reine disant qu'elle est née en avril, à midi, le signe du Taureau ne pouvait être à l'ascendant. Mais les mathématiciens détermineront facilement ce point. Quant à moi, j'estime que ce sera le Lion ou ta Vierge plutôt que le Taureau et que ces signes là sont plus honorables que celui du Taureau.


COMMENTAIRE.

Le 15e comme la Royne va pour esprouver la résolution des Dieux pour les mariages (de son fils et de sa fille); le 15e comme le Roy reçoit son espouse en la présence de la Royne Mère. Deux sujets de tableaux de la galerie de Marie de Médicis qui ne sont point mentionnés dans la liste de la lettre du 22 avril 1622, et qui ont été supprimés lorsque le programme a été définitivement arrêté. Ils faisaient partie de la série de cinq sujets attribués aux mariages de Louis XIII et d'Élisabeth de Bourbon.

Les statues du Luxembourg. Sur l'avis de Rubens, on préféra, pour la décoration de la façade principale du palais du Luxembourg, des statues allégoriques aux statues de reines dont il avait été question. Huit de ces figures s'élèvent aux coins du couple octogone qui couronne l'entrée principale du palais du Luxembourg.

Le signe de la naissance de la reine. Dans son tableau de la Naissance de la reine, Rubens fit figurer comme signe du Zodiaque le Sagittaire qui indique Ie mois de novembre et décembre. Il confondit la date de la naissance du roi avec celle de la naissance de la reine. (Voir la lettre de Rubens du 29 octobre 1626.)

[12] Les appréhensions de l'armée du comte de Mansfeld. Après la déroute subie par le duc de Halberstadt à Hoeste, près de Francfort, il joignit ses troupes à celles de Mansfeld; ils envahirent et ravagèrent l'Alsace, d'où ils se rendirent en Lorraine. Ils y commirent également de grands dégâts. Le Ir août 1622, il entra en France, entre Metz et Verdun, et alla camper près de Beaumont.

Monsieur de Sully. Maximilien de Béthune, duc de Sully, né le 13 décembre 1560, mort à Villebon, le 22 décembre 1641, le célèbre ministre d'Henri IV, fameux comme homme de guerre, d'état et de finances. Après la mort du roi qu'il avait servi pendant trente ans, il se retira des affaires. Il resta attaché pendant toute sa vie au culte et au parti des réformés. Il avait trois fils et deux filles. L'aîné de ses fils était le marquis de Rosny, le second le marquis d'Orval: tous deux se convertirent au catholicisme.


CCLXXXI
PEIRESC A RUBENS.

Molto illre Sigr mio ossmo.

Ho havuto grand piacere di vederla cosi risoluta all' impassibilita stoica contro gli artificii dell'invidia, et prego il Sigre la faccia crepare con l'aumento d'ogni prosperità, sanità et languezza di vita, si come dell' arrivo del quadretto ben conditionato sperando che cosi sara dell' altro maggiore che partii Sabbatho se non m'inganna il fattore. La ringratio del zelo eccessivo ch'ella mostra verso di me con la sua amorevolissima delli 29 del passato, e mi dispiace che vadi a guardare con troppo esatezza certe minutie che non devono andare in conto fra di noi, cosi come sono cose et altre bagatelle: io non son stato cosi scrupuloso con V. S. ultimamente nel modello di cera di Demosthene ch'io non haverei fatto fare per una dozzina di scudi.

Quanto alla compensatione tra il Sr della Planche et io, V. S. ha torto di non trovarla buona, poiche cosi m'e piaciuta a me stimando molto piu importuno di fare numerare due volte la somma di 500 lbche di aspettare un mese et compensare una con l'altra.

Ho inteso volentieri che l'osservatione della razura di Demosthene [13] sia de proprio motu della gentillezza di V. S. alla quale appunto et non ad altri poteva toccare di risolverla.

Del negotio nuovo di S. Malo non ho inteso niente mene informaro, et le rendo gratie delle nuove di Bergues.

Baciandole per mille volte le mani, di Pariggi, alli 40° Ago 1622.

Qui si fa gran rumore della venuta del Mansfelt, mandato ci dai Spagnuoli che hanno fatto la tregga et pace in questa congiontura per mandarcelo adosso et per far diversione alli progressi del Re contra gli Hugonotti il che non si puo digerire senza murmurarne et con raggione.

Il duca di Lediguiera fece la professione il 23 del passato et i giorni seguenti riceve l'ordine del S. Spirito et il carico di Connestable.

La Regina parte martedy per andar alla volta della corte reggia far l'assedio di Lunello et de Somieres, prima di Monpellieri.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f° 672 v°.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Cela m'a fait grand plaisir de vous voir résolu à opposer l'impassibilité du stoïque aux artifices de l'envie et je prie le Seigneur de faire crever celle-ci en augmentant sans cesse en vous la prospérité et vous donnant la santé et une longue vie.

J'apprends avec satisfaction l'heureuse arrivée du petit tableau et j'espère que le plus grand aura le même sort; il doit être parti d'ici samedi, si le facteur m'a dit vrai.

Je vous remercie du zèle vraiment excessif dont vous avez fait preuve envers moi par votre très gracieuse lettre du 29 juillet, mais je ne suis pas content de cet excès d'exactitude et de règlement de comptes qui ne devrait pas exister entre nous pour des choses comme celles-ci et pour d'autres bagatelles. Je n'ai pas eu ce scrupule avec vous quand vous m'avez envoyé dernièrement ce modèle en cire du Démosthène, une chose que je n'aurais pas fait exécuter ici pour une douzaine d'écus.

Quant à l'affaire de la compensation entre M. de la Planche et moi, vous avez tort de ne pas la trouver bonne; elle me plaisait beaucoup, car je [14] trouve qu'il était plus importun pour moi de faire payer deux fois 500 livres que d'attendre un mois et de payer un compte avec l'autre.

J'ai appris avec plaisir que la remarque au sujet de la tête rasée de Démosthène m'a été donnée proprio motu par votre amabilité; il est donc certain que c'est à vous et à nul autre que l'on doit la solution de cette énigme.

Je n'ai rien entendu de la nouvelle affaire de Saint Malo; je prendrai des informations. Je vous remercie des nouvelles que vous me donnez de Berg-op-Zoom et vous baise mille fois les mains.

De Paris, le 4 août 1622.

On fait grand bruit en cette ville de l'arrivée de Mansfeld appelé ici par Espagnols, qui ont fait la trève et la paix en cette circonstance, pour nous le mettre à dos et faire diversion aux progrès de S. M. contre les Huguenots, ce qui ne se digère pas sans murmure et avec raison.

Le duc de Lesdiguières a fait profession de foi le 23 du mois passé; les jours suivants, il a reçu l'Ordre du St Esprit et la charge de connétable.

La reine part mardi pour aller avec la cour royale assister au siège de Lunel et de Sommières avant de commencer celui de Montpellier.


COMMENTAIRE.

Berg-op-Zoom. Le 19 du mois de juillet 1622, la ville de Berg-op-Zoom fut cernée par les troupes espagnoles sous le commandement de don Luis de Velasco. L'armée des assiégeants fut considérablement augmentée dans le courant du mois d'août. Plusieurs assauts furent livrés; les assiégés, sous le commandement du sieur de Ryhoven, la défendirent courageusement et le prince d'Orange se dirigea vers la ville pour la débloquer lorsque, le 2 octobre 1622, les Espagnols levèrent le siège.

Mansfeld. Ernest de Mansfeld naquit en 1585 et était fils naturel du comte Pierre-Ernest de Mansfeld. Il apprit l'art de la guerre en Hongrie sous son frère, le comte Charles. Il servit d'abord le duc de Savoie contre l'Espagne. La paix étant faite, il conduisit deux mille hommes au secours des insurgés de Bohème; il embrassa la religion réformée et fut élu général en chef des insurgés. Il battit le comte de Bucquoy et fit élire roi de Bohème, Frédéric, électeur palatin. Battu par les armées de l'empereur, il se retira, en 1621, dans le bas Palatinat, où il réunit ses troupes à celles de Frédéric et battit successivement les Bavarois et les Hessois, alliés de l'empereur. Il penétra dans les Pays-Bas, opéra sa jonction avec Christian de Halberstadt [15] et battit les Espagnols. Il pénétra ensuite dans la Westphalie et la Frise orientale, où il licencia ses troupes. Il se rendit en France et en Angleterre pour demander des secours, afin de rétablir le comte palatin sur le trône de Bohème. En 1625, il rentra en Allemagne et fut battu, l'année suivante, par le duc de Wallenstein. Ayant résolu de passer au service de Venise, il voulut se rendre dans cette ville; il tomba malade à Vranovitz, en Bosnie, et y mourut le 20 novembre 1626.


CCLXXXII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sigr mio singo.

Non le posso far piu di due righe per dirle ch' ho ricevuto il suo piego delli 5 del presente et inviato le sue alli SSr di Lussone et di St Ambrogio ringratiandola sommamente della cortese offerta a favore del Sr des Granges al quale faro intendere il scrupolo et dubbio di V. S. Penso bene che la sua intentione non sia di haver un arquibugio intiero con la canna a canone et incastratura di legno ma solamente il fucile cioe cio che chiamamo un Rouet o ferramenti con quali s'appiccia il fuoco all' instrumento et delli piu leggieri che si faccino, il che si puo accommodare poi a canoni longhi et corti, come si vuole.

Faro diligenza del nuovo negocio di S. Malo, ma non ho potuto con glintoppi della mia lite che mi noia sommamente.

Si continua l'assedio di Lunello et se ne spera buon essito. Il contestabile doppo sua conversione et ricettione del Ordine di S. Spirito he incaminato ad assediar Bays per nettar la contrada de' Hugonotti. Il Mansfelt ci tiene tutti insonni.

Ed io le preggo di Dio ogni maggior bene.Di Pariggi, alli 12 Agosto 1622.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f. 673.


[16] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Je ne puis vous faire aujourd'hui que deux lignes pour vous dire que j'ai reçu votre missive du 5 et envoyé vos lettres à M. de Luçon et à l'Abbé de. St Ambroise. Je vous présente mes meilleurs remerciements pour l'offre courtoise que vous avez faite à M. des Granges; je lui ferai connaître votre hésitation et vos doutes. Mais je pense bien que son intention n'est pas d'avoir une arquebuse entière, avec le canon et la monture en bois, mais seulement la batterie, ce que nous appelons un rouet, ou l'appareil de fer avec lequel on communique le feu à l'instrument. Il demande l'appareil des plus légers que l'on confectionne, afin qu'il puisse s'accommoder, à volonté, à des canons longs ou courts.

Je ferai de nouvelles démarches pour l'affaire de St Malo; je n'ai pu m'en occuper à cause des embarras de mon procès qui m'ennuie énormément.

Le siège de Lunel se poursuit; on en espère un bon résultat. Le connétable, après sa conversion et la réception de l'Ordre du St Esprit, s'est mis en marche pour assiéger Bay-sur-Bay et nettoyer la contrée de Huguenots. Le Mansfeld nous ôte à tous ici le sommeil.

Je prie Dieu de vous accorder toutes ses faveurs.De Paris, le 12 août 1622.

COMMENTAIRE.

Le siège de Lunel. Le 8 août 1622, la ville de Lunel se rendit au prince de Condé après un siège qui ne dura que quelques jours.

Le siège de Bay-sur-Bay. Il n'y eut pas à vrai dire de siège de Bay-sur-Bay. Les habitants s'étaient révoltés à la nouvelle de la conversion du duc de Lesdiguières, mais se soumirent quand ils apprirent qu'il se dirigeait vers leur ville pour les ramener à l'obéissance.


[17] CCLXXXIII
PEIRESC A L'ABBÉ DE St AMBROISE.

Monsieur.

J'ay receu la vostre du Ier de ce mois. J'ay esté infiniment aise que ma lettre du 21 du passé vous aye esté enfin rendue, pour vous oster de la peine où vous avoit mis le faux bruict que Mme de Fruges vous avoit porté. Vous aurez maintenant les remerciements de MrRubens de l'amitié que vous luy avez monstrée en ceste occasion. Il escrit aussy à Mr de Lusson, à qui j'envoye la lettre et me mande qu'il a souvent esprouvé de pareils traits d'envie de ceux qui sont jaloux de sa fortune, qui le publient souvent ou mort ou malade, n'ayant autre regret, ce dict il, si ce n'est qu'ils ne mentiront pas tousjours. Au surplus, Mr Berthelot m'estant venu voir, je luy ay dict ce que vous m'escriviez des figures mystiques. Il a un peu de regret à celles qui sont desjà faictes en suivant les premiers projects, mais il s'accommodera volontiers à ce que vous trouverez bon et cherchera quelques autres places pour loger celles qui sont desjà achevées.

Mon procez me tient si subject que à peine ay-je peu desrobber ce moment pour vous faire ces deux lignes, vous m'excuserez s'il vous plaist.

On faict tous les jours avancer et reculer Mansfelt selon la diversité des humeurs de ceux qui en discourent. M. de Bouillon escrivoit du 6 du passé qu'il n'estoit nullement de la partie et je commence à doubter plus que jamais s'il osera entrer en France ou non si ce n'est que le Roy voulust accepter son service comme il luy offre. La Royne a retardé son partement de mardy dernier à hier et puis à mardy prochain, et je crois qu'elle ira encore un peu plus loing.

De Paris, ce 12 Aoust 1622.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f. 673.


COMMENTAIRE.

M. de Bouillon. Henri de la Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, naquit le 28 septembre 1555. Il embrassa, jeune encore, le calvinisme et servit dans [18] l'armée du duc d'Alençon. En 1576, il se déclara pour le roi de Navarre et jouit de la confiance de Henri IV. En 1589, il fut nommé lieutenantgénéral du roi en Guienne, en 1592, maréchal de France. En 1615, il se mit au service des Huguenots, mais refusa, en 1621, le titre de généralissime qu'ils lui offrirent. Il fut attaqué de la maladie qui sévissait à Sédan et mourut en cette ville, le 25 mars 1623. Il était prince de Sédan et duc de Bouillon par son mariage avec Charlotte de la Marck, sa première femme. Il épousa en secondes noces une fille de Guillaume le Taciturne. Il joua un rôle fort considérable dans les troubles de la France à cette époque et eut une grande influence sur l'électeur palatin Frédéric, lors de la guerre que celui-ci soutint contre les alliés catholiques au sujet de la Bohème.

Au mois d'août, en 1622, au moment où la présente lettre fut écrite, Mansfeld avec le duc de Halberstadt se trouvait en Lorraine, indécis sur ce qu'il allait faire; le duc de Bouillon, sans se joindre à lui, entretenait des rapports amicaux avec le chef des forces des Réformés. Mansfeld négociait avec Louis XIII au sujet des conditions auxquelles il accorderait à la France son secours ou au moins sa neutralité. Le roi le tint en suspens pendant qu'il organisait une armée sur les bords de la Meuse. Mansfeld, voyant que ces pourparlers n'aboutiraient pas, se décida, le 23 août, a opérer sa retraite sur les Bays-Bas. Il se mit en marche le 25; le 29 il rencontra près de Fleurus, en Hainaut, l'armée de Gonsalve de Cordoue qui lui infligea une grave défaite.


CCLXXXIV
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sigr mio osservo.

M'e stata sommamente cara la sua lettera delli 12 del corrente, cosi per intendere il ricapito del quadro del Tintoretto, come pro l'aviso del trattato con il Mansfelt. Facendo grand capitale dell' esquisito giudicio di V. S. et dell' affirmativa usata da lei per dismovermi della opinione ch'io haveva conceputa con la maggior parte di quei che pensano penetrare, in qualche maniera, le cose del mondo. Li quali non potevano persuadersi che doppo tre bataglie guadagnate sopra il [19] Palatino, doppo tanto avantaggio, nel miglior della stagione, si sia non solamente lasciata l'impresa, ma concluso un treggua o pace secreta, doppo haver assicurato tutti li ministri di Francia che non si sarebbe conclusa altramente alcuna pace, in questa congiontura dell' absenza del Re in tempo che il Mansfelt era sforzato di pigliar partito contra quasi si voglia per non lasciar romper l'essercito suo. Voglia Iddio che gli ministri di costa non habbino voluto burlarsi con la Sma Infanta cosi come con li nostri. Si hanno del nove della corte assai fresche, io ne ho havuto delli IX stante di Besiers, con la quale si verifica la redditione di Lunello, St Gilles, Aymargues ed altri luoghi d'intorno a Monpelieri. Et che il contestabile ha ridotto Bays sopra il Rhodano et assedia Privas, con intentione di andar poi approssimando di Monpelieri. E morto poi il Sgr Carde di Rhetz et si dice che sia conservato il vescovato di Pariggi al fratello ma che le Abbatie siano tutte distribuite, cioe quella di S. Joanni di Soissons al Cardle di Savoya, quella della Corona alli Padri Giesuite, una di Bretagna che la Regina madre dona al Sr di Lussone. Si fa grand perdita in quel prelato per il zelo ch'egli haveva al servitio di S. M.

La Regina parte martedi per andare alla volta di Lyone et vedera la regina Madre à Molins. S'aspettava hieri il Sgr Abbate ma non può venire sino a Mercordi prossimo. Io faro il servitio quanto meglio a me sara possibile. Et con tal fine di cuore le bacio le mani.

Di Pariggi, alli 17 Agosto 1622.Di V. S. M. Ill. Serv. affo.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f. 673 v°.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'ai reçu, avec le plus grand plaisir, votre chère lettre du 12 courant; parce qu'elle me donne l'adresse où je dois envoyer le tableau du Tintoret et l'avis du traité avec Mansfeld. J'apprécie hautement votre jugement profond et l'assurance avec laquelle vous combattiez l'opinion que je m'étais faite avec la plupart de ceux qui pensent pénétrer, en quelque manière, les choses de [20] ce monde. Nous ne pouvions pas, en effet, nous mettre dans la tête qu'après avoir gagné trois batailles sur le Palatin, après tant d'avantages obtenus, au plus beau de la saison, on ait non seulement abandonné l'entreprise, mais encore conclu une trève et une paix secrètes, alors qu'on avait assuré aux ministres de la France que l'on n'aurait point traité de la paix, en l'absence du roi, au moment que lui, Mansfeld, est forcé de prendre parti contre qui l'on veut pour ne pas voir se débander son armée. Dieu veuille que les ministres de là-bas n'aient pas voulu se moquer de la sérénissime Infante, comme ils se sont moqués des nôtres.

J'ai des nouvelles assez récentes de la cour, j'en ai reçu le 9 de Béziers; elles confirment la reddition de Lunel, St-Gilles; Aymargues et autres localités des environs de Montpellier. Le connétable a réduit Bay-sur-le-Rhône, il assiège Privas et a l'intention de s'approcher ainsi de Montpellier. Le cardinal de Retz vient de mourir. On dit que l'archevêché de Paris sera conservé à son frère, mais que les abbayes seront distribuées; celle de St Jean de Soissons au cardinal de Savoie, celle de la Couronne aux Pères Jésuites; une autre en Bretagne serait donnée par la reine-mère à M. de Luçon. C'est une grande perte que la mort de ce prélat, qui avait beaucoup de zèle, poul le service de Sa Majesté.

La reine part mardi pour se rendre à Lyon et verra la reine-mère à Moulins. On attendait hier M. l'Abbé, mais il ne peut venir avant mercredi prochain. Je ferai la commission le mieux que je pourrai.

Je finis en vous baisant les mains de tout coeur.De Paris, le 17 août 1622.

COMMENTAIRE.

Le traité avec Mansfeld. Dans les premiers jours du mois d'août 1622, l'infante Isabelle voulant attirer Mansfeld au service du roi d'Espagne lui envoya, à Mouzon en Lorraine, le duc de Beurnonville pour lui faire des offres. On lui compterait deux cent mille écus, on entretiendrait une armée de dix mille hommes, dont il aurait le commandement, on lui restituerait les biens que son père possédait dans le Luxembourg. C'est là le traité dont Rubens avait parlé à Peiresc. Le roi de France, de son côté, fit faire des ouvertures à Mansfeld. Celui-ci posa comme conditions à son entrée au service de Louis XIII, que le roi prendrait à son service neuf mille hommes des troupes de Mansfeld dont il conserverait le commandement, que le titre de maréchal de France lui serait accordé et que quelques terres, près de Paris, seraient érigées en comté ou marquisat en sa faveur. Le seigneur de Montereau, [21] négociant au nom du roi de France, trouva ces conditions excessives. On amusa encore pendant quelques jours Mansfeld jusqu'à ce qu'une armée suffisante fût rassemblée, pour l'empêcher de pénétrer en France. Nous avons fait connaître dans le commentaire de la lettre précédente la fin de l'aventure.

Le cardinal de Retz. Henri de Gondi succéda à son oncle, Pierre de Gondi, mort le 17 février 1616, qui lui avait remis l'administration de son diocèse, en 1598. Il fut créé cardinal, en 1618, par le pape Paul V et mourut à Béziers, le 3 août 1622.


CCLXXXV
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sgr mio Singo.

Subito che il Sgr de la Planche hebbe ricevuto la lettera ch'io gli mandai di parte di V. S., egli mi mandò a dire ch'egli m'haverebbe fatto sborzare subito la somma di 500 ₶ che V. S. gli scriveva disborzare, et havendo io inteso che certa tappezaria ch'io gli haveva ordinata era quasi finita volsi sapere a cui termine a poco apprezzo la potrei sperare. Mi fu risposto che fra 15 a 20 giorni sarebbe fornita, il che mi mosse a non volere altramente darmi la brigga di numerare la somma poi che in si breve spatio di tempo io haveva da restituirla per il prezzo della tappezzaria, di maniera che non tenne a lui ch'io non ricevessi subito i dannari contanti, ma a la mia negligenza di non volergli lasciare passare per le mie mani diverse volte in si breve spatio di tempo, si come io le scrissi allora, che V. S. ha havuto torto di havere improvato le nostre conventioni, che erano in termini di ogni raggione. Onde la preggo di non imputarne la causa ad altro et di commandarmi con ogni authorità, pregandole dal Sigr ogni maggior bene.

Di Pariggi, alli 25 Agosto 1622.Di V. S. Ill. Serv. affmo.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copie des lettres de Peiresc, t. V., f. 674.


[22] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Aussitôt que M. de la Planche eut reçu la lettre que je lui avais envoyée de votre part, il me prévint qu'il m'aurait fait payer immédiatement la somme de 500 livres que vous lui aviez écrit de débourser. Mais, ayant appris qu'une certaine tapisserie, dont je lui avais fait la commande, était presque terminée, je voulus savoir à quelle époque à peu-près je pouvais espérer de la recevoir. Il me fut répondu qu'elle serait achevée dans 15 ou 20 jours. Cela me détermina à ne pas vouloir me donner la peine de compter cet argent que j'avais à lui restituer, dans un si court délai, pour le prix de la tapisserie. De sorte qu'il n'a pas tenu à lui que je n'ai pas reçu immédiatement cet argent comptant, accusez-en ma négligence; je n'ai pas voulu, comme je vous l'écrivais, faire passer par mes mains, en un si court espace de temps, diverses fois les mêmes écus. Vous avez eu tort en désapprouvant nos conventions, qui étaient dans les termes de la raison. Je vous prie donc de ne pas imputer la chose à d'autres qu'à moi et de disposer de moi en toute liberté.

Sur ce, je prie Dieu de vous combler de ses faveurs.De Paris, le 25 août 1622.

CCLXXXVI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sgr mio Singmo.

Arrivò mercordy sera il Sr Abbate et andai hieri da lui per visitarlo, ma non lo potei trovare. Stimo che difficilmente mi sia possibile di complir seco per questa mattina, di maniera che sara forza di rimettere al prossimo ordinario la relatione del suo viaggio. Hebbi la sua gratissima delli 18; ne posso assai laudare la natural bontà di V. S. nel mostrare tanta sodisfatione della poca servitù ch'ella riceve da me, dispiacendomi che non siano veri le enchomii che V. S. m'attribuisce, senza alcun mio merito, sendo restato in tanto arreraggio del [23] dovere nella commissione del trattato con Po Parente et in quella di negozio di S. Malo, ma certo la moltiplicita delle liti che si producono a dozzina l'una dall' altra, non mi lasciano quiete d'animo, senza la quale [e] difficile di poter servir l'amico. Basta che non si manca buon volere et che tosto ò tardi spero darle qualche sodisfattione.

M'ha fatto gran piacere V. S. di mandarmi quei particolari dell' assedio di Bergues; stiamo aspettando con somma impatienza il progresso et successo del' impresa di turar la bocca del canale.

Il Mansfelt non e altramente maresciale di Francia; ben e vero ch'egli ha posto la sua artiglieria in deposito nelle mani del Conte di Grand Pré, governatore di Mousone, per seguita di promesse fatte al Re di non far hostilita, mentre s'aspetta se mena il trattato. Et che i popoli d'intorno Sedan hanno fatto instanza che con occasione dell' armata posta in piedi, si riduca il Bullone al suo dovvere.

V. S. hebbe torto di dolersi con il Sr Della Planche per non havermi mandato le 500 lire contanti poiche cosi erano restati d'acconto, et veramente la brigga di numerarle se mi fossero state portate, per haverle poi da sborzare doppo 15 giorni e numerarle una seconda volta m'era de molto maggior danno, che di farne la compensatione spontanea ch'io ne farei, si come io haveva gia mandato a V. S. Ma ella e un poco troppo esatto et poco troppo ponctuale in queste minutie, anche ho avuto un altro avantagio nel accelleratione della nostra tappezzaria, la quella non si sarebbe forzi spedita di molti giorni piu tardi.

Havera inteso V. S. la morte del Sr Cardin. di Rhetz, con infinito dispiacere di tutto il mundo, e la redditione di Lunello e di Forminiera luoghi d'hostaggio alli Hugonotti e di grand' importanza. Stiamo aspettando se si prencipiara l'assedio di Monpelieri o se si riserbera ad altro tempo.

Con esse, senz' altro, affectte le bacio le mani.Di Pariggi, alli 26 Agosto 1622.Di V. S. Servo affo.

Poscritta. Ho veduto il Sr Abbate, ma impeditissimo, il quale mi ha promesso che per l'ordinario prossimo V. S. havera ogni sorte di soddisfattione. Egli mi ha monstrata la lettera che V. S. scrisse ultimamente al Sgr di Lussone, il quale glielha mandata per interpretarla, prima che farlei risposta, et ha bisognato ch'io n'habbia fatto [24] la traduttione e del particolare toccante al terlizzo et all' accumulatione di tanti soggetti in un sol quadro. Quanto alli 5 soggietti riserbati V. S. gli havera notati in un pollizino.

Mi scordava di dire a V. S. che hieri fecero correre una voce che un intagliatore de suoi rami et dissegni haveva mancato di amazzare V. S. Io gli diedi la mentita et mi valsi dell' ultima lettera di V. S. delli 18 stante. Et la prego per l'avenire, volendomi continuare l'honore delle sue lettere, di non volersi inscrire cosa che merita d'essere taciuta si possimo monstrare quando fa di bisogno, come haveva fatto d'alcune precedenti ch'io non voleva palezare, per non far sapere il trattato delle pitture antique.

La sortita di Pariggi doppo la morte del maresciale d'Ancre.
La sortita di Bloys.
Il trattato d'Angoulesma.
L'arme prese la seconda volta avanti il Pont di Se.
La riconciliatione intiera con il figlio doppo la morte del Contestabile.
Il tutto con figure mistice et con ogni rispetto al figlio.

Io nondimeno posso dar poco et non potendosi far di manco almeno faremo lasciar la piena dispositione delle figure a V. S.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f. 674.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

M. l'Abbé est arrivé mercredi soir, je suis allé lui faire ma visite hier, mais je n'ai pu le rencontrer. Je crois qu'il me sera très difficile de pouvoir le complimenter ce matin; je serai donc forcé de vous donner par le prochain courrier seulement la relation de son voyage. J'ai reçu votre chère lettre du 18; je ne saurais assez louer cette bonté naturelle qui vous porte à montrer tant de satisfaction du peu de service que je puis vous rendre. Je regrette de devoir dénier les éloges que vous me donnez, sans aucun mérite de ma part, car je suis grandement resté en retard de ce que j'aurais dû faire dans la commission relative à l'accord avec Paul Parent et dans celle de l'affaire [25] de S. Malo. Mais, positivement, la multiplicité des procès qui arrivent par douzaines l'un après l'autre, ne me laisse pas ce repos de l'esprit sans lequel il est difficile de rendre service à un ami. Qu'il me suffise de vous dire que la bonne volonté ne me fait pas défaut, et que j'espère tôt ou tard vous donner quelque satisfaction.

J'ai eu grand plaisir à recevoir de vous ces détails sur le siège de Berg-op-Zoom. Nous attendons avec la plus vive impatience l'avancement et l'heureuse issue de l'entreprise de boucher l'entrée du canal.

Mansfeld n'est pas en réalité maréchal de France; il est bien vrai qu'il a mis son artillerie en dépôt entre les mains du comte de Grand-Pré, gouverneur de Mouzon, ensuite d'une promesse faite au roi de cesser toute hostilité tandis que l'on attend s'il approuve le traité. Les populations autour de Sédan ont fait des instances afin qu'on profite de l'armée qui est là sur pied, pour ramener le duc de Bouillon à ses devoirs.

Vous avez tort de vous désoler que M. de la Planche ne m'a pas envoyé les 500 livres parce qu'ainsi elles sont restées à votre compte. Mais, vraiment, si elles m'avaient été portées, la peine de les compter et de les compter une seconde fois, 15 jours après, pour les débourser, c'était là pour moi un plus grand ennui que d'opérer tout d'un coup la compensation ainsi que je vous l'avais annoncé. Mais vous mettez trop d'exactitude et de ponctualité dans ces minuties. J'aurais obtenu un autre avantage encore par cette compensation: celui de faire accélérer la tapisserie; celle-ci, en effet, n'aurait probablement été expédiée que plusieurs jours plus tard.

Vous aurez appris que le cardinal de Retz est mort avec les regrets de tout le monde; vous saurez aussi la prise de Lunel et de Sommières, localités de grande importance et qui avaient été données en garantie aux Huguenots. Nous sommes dans l'attente de savoir si l'on commencera le siège de Montpellier ou si on le remettra à une autre époque.

Je termine en vous baisant affectueusement les mains.De Paris, le 26 août 1622.

Post-scriptum. J'ai vu M. l'Abbé, mais il était très occupé; il m'a promis de vous donner, par le courrier prochain, toute espèce de satisfaction. Il m'a montré la lettre que vous avez écrite dernièrement à M. de Luçon, qui l'avait envoyée à l'abbé pour en avoir l'interprétation, avant d'y répondre, et il a fallu que j'en fisse la traduction, particulièrement en ce qui concerne la toile et l'accumulation de tant de sujets en un seul tableau. Quant aux cinq sujets réservés, vous les trouverez annotés sur le billet ci-joint.

J'oubliais de vous dire que hier on a fait courir le bruit qu'un graveur, [26] de vos estampes et de vos dessins avait manqué de vous tuer. J'ai donné le démenti à cette nouvelle en m'appuyant sur une lettre que j'ai reçue de vous le 18. Mais pour l'avenir, je vous prie, en continuant de m'honorer de vos lettres et pour qu'en cas de besoin je puisse les montrer, de vouloir bien ne plus y insérer des choses qui doivent être tenues secrètes, comme vous l'avez fait dans quelques-unes des plus récentes que je n'ai pas voulu communiquer pour ne pas faire connaître le traité relatif aux peintures antiques.

(Billet joint à la lettre.)
La sortie de Paris après la mort du maréchal d'Ancre.
La sortie de Blois.
Le traité d'Angoulême.
La reprise des armes devant le Pont-de-Cé.
La réconciliation complète avec son fils après la mort du connétable.
Tout cela avec des figures mélangées et avec tout le respect dû au fils de la reine-mère.

Je puis en tout cas vous donner ceci, quoique ce soit peu de chose, et ne pouvant faire moins, nous ferons du moins en sorte que l'arrangement des figures vous soit entièrement abandonné.


COMMENTAIRE.

Le comte de Grand-Pré. Ce fut le 14 août 1622, que Mansfeld donna en ôtage au comte de Grand-Pré, gouverneur de Mouzon, le duc de Saxe-Weimar et huit pièces de son artillerie. A ces conditions, il lui fut permis de loger avec son armée dans un des faubourgs de la ville en attendant la décision du roi sur les propositions que Mansfeld lui avait faites.

Prise de Sommières. Sommières fut pris par le roi le 22 août 1622.

Les sujets réservés. De ces cinq sujets la Sortie de Blois a été traité par Rubens dans le tableau qui porte le titre la Reine s'enfuit du château de Blois dans la nuit du 21 au 22 février 1619 (OEuvre de Rubens, n° 747). La Reprise des armes devant le Pont-de-Cé est devenu le Voyage de Marie de Médicis au Pont-de-Cé (OEuvre de Rubens, n° 742). La Réconciliation complète avec son fils après la mort du Connétable, sera bien le tableau qui porte le titre analogue la Réconciliation de Marie de Médicis avec son Fils (OEuvre de Rubens, n° 748). Quant au Traité d'Angoulême, c'est probablement la Conclusion de la Paix (OEuvre de Rubens, n° 749).


[27] CCLXXXVII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sigr. mio singo.

Le rendo gratie particolari di quanto ella s'e degnata scrivermi cosi del servitio per il Sr des Granges, como delle cose di Bergues, et del Mansfelt benche non si siano trovati ben certi gli avisi di detto Mansfelt, che V. S. havera inteso esser passato al servitio delli Stati di Hollanda pagato per tre mesi havendo lasciato il canone in Sedano, al Palatino di cui le armi vi erano scolpite et abbruggiato tutti i suoi carri eccetto 40 per andar in maggior diligenza parte della sua infanteria sendo montata su i cavalli de' carri abbruggiati. Egli fece 14 leggue la prima notte. Et parti in tanta buon hora per noi che non eran' ancora gionti li dannari che gli si mandavano sino a 60 mila scudi con animo di darli all' estrema necessita quando altramente non si potesse schifvare la sua entrata in questo regno.

Dalla corte non si ha per hora cosa di momento, mentre s'aspettava l'essito del trattato del Duca di Rohan, sendo corso una voce questa sera (ma non troppo certa) che due compagnie delle guardie regie erano entrate in Monpelieri per far lavorare alla demolitione delle fortificazioni nuove. Quando se ne vederanno lettere et avisi piu certi lo crederemo et non prima. In tanto il Re e andato a veder la villa d'Aigues Mortes altre volte l'una di quelle d'hostaggio. La quale S. M. ha posta sotto il Gouverno del Sr de Varennes gentilhuomo principale di Borgogna, et di sommo merito, con universal applauso di tutta la Corte.

Il Sr Abbate e stato ammalato questi giorni et hoggi intendo che gli hanno cavato sangue, egli haveva comminciato a scriverle, ne so s'egli havera potuto finire per questo ordinario, non havendolo potuto visitare io per essere stato un poco rissentito anch' io et obligato secondo l'ordinanza del medico, di bagnarmi questa settimana, il che m'ha un poco indebolito, et vietato la faculta d'uscir di casa.

Restano le condoglienze che le devo della perdita del suo Michaele che sia in pace, laquale ho inteso con sommo dispiacere sapendo la [28] devotione ch'egli haveva al servitio d'un padrone tanto amorevole quanto gli era V. S.

Il Sigr di Moriere intendo che sia venuto con licenza del Re per negocii domestici per li quali egli se n'e andato nel Poictou senza fermarsi qua piu d'un giorno o duoi et senza andare in Corte.

E un gran pezzo che V. S. non mi dice niente dell' arcivescovo di Spalato, che si ha fatto quà, hora morto, hora attoscicato, hora relapso: di gratia, un pochetto di raguaglio.

Il SgrHugone Grotio e stato ammalato assai gravamente, ma sta hora assai bene e si e bagnato questa settimana ancora lui, e uscito fuori la sua Apologia, laquale io manderò a V. S. per il primo carrettone per non lasciare alla discrettione del coriere di mettere a rançone V. S. per il porto.

Et senz' altro, di cuore bacio le mani a V. S.Di Pariggi alli 1° di Settembre 1622.Di V. S. M. Ill. Serv. affto.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f. 675.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Je vous rends grâces tout particulièrement de ce que vous ayez daigné m'écrire à propos du service que vous avez bien voulu rendre à M. des Granges, ainsi que pour me donner des nouvelles de Berg-op-Zoom et de Mansfeld. Toutefois, celles qui concernent ce dernier, n'ont pas été trouvées très certaines. Vous devez avoir appris qu'il a passé au service de la Hollande, dont il a été payé pour trois mois; il a laissé ses canons à Sédan au Palatin dont ils portaient les armoiries, et après avoir mis le feu à tous ses chariots, à l'exception de quarante, pour aller avec plus grande diligence, il fit monter une partie de ses hommes de pied sur les chevaux des véhicules brûlés et s'avança, la première nuit, de quatorze lieues. Et il est parti de si bonne heure pour nous que les sommes n'étaient pas encore arrivées qui lui étaient envoyées, jusqu'à concurrence de 60,000 écus et qu'on avait l'intention de lui donner à la dernière extrémité, quand il n'y aurait plus eu d'autre moyen d'éviter son entrée dans notre pays.

[29] Je n'ai rien d'important à vous mander de la cour, sinon qu'on y attend l'issue du traité avec le duc de Rohan; le bruit ayant couru ce soir, mais sans trop se confirmer, que deux compagnies des gardes du roi étaient entrées dans Montpellier pour faire travailler à la démolition des nouveaux forts. Mais nous y croirons quand il nous arrivera des lettres ou des nouvelles plus certaines. En attendant, le roi est allé voir de nouveau la ville d'Aigues-Mortes, l'une de celles laissées en garantie, et lui a donné pour gouverneur M. de Varennes, gentilhomme de bonne maison de la Bourgogne et homme de très grand mérite. La cour applaudit unanimement à ce choix.

M. l'Abbé a été malade ces jours derniers et j'apprends aujourd'hui qu'on lui a tiré du sang. Il avait commencé à vous écrire; n'ayant pas pu lui faire visite, je ne sais s'il a terminé sa lettre pour ce courrier. Moi-même, ayant eu un peu de bile, j'ai du, par ordonnance du médecin, prendre des bains cette semaine, ce qui m'a un peu affaibli et empêché de sortir de chez moi.

Il me reste à vous présenter mes condoléances au sujet de la perte que vous avez faite de Michel, à qui Dieu donne la paix. J'ai appris sa mort avec une peine très vive; je connaissais le dévouement qu'il apportait à votre service; il est vrai que vous étiez pour lui un maître digne de toute affection.

M. Du Maurier, à ce que j'apprends, est arrivé avec un congé du roi, pour des affaires de famille qui l'ont appelé dans le Poitou; il ne s'est arrêté ici qu'un jour ou deux et n'est pas même allé à la cour.

Il y a longtemps que vous ne m'avez rien appris de l'archevêque de Spalatro, que l'on dit ici tantôt mort, tantôt empoisonné, tantôt relaps; de grâce, donnez-moi quelque nouvelle à son sujet.

M. Hugo Grotius a été assez gravement malade, mais aujourd'hui, il est assez bien; il a pris aussi des bains cette semaine. Son Apologie vient de paraître, je vous l'enverrai par le premier charton, afin de ne pas donner au courrier l'occasion de vous rançonner pour le port.

Et pour finir, je vous baise les mains de tout coeur.De Paris, le 1r septembre 1622.

COMMENTAIRE.

Les nouvelles de Mansfeld. Voici comment les faits rappelés par Peiresc sont racontés dans le Mercure François (t. VIII, p. 742): «Mansfeld ne pensa plus qu'à pouvoir se mettre à sauveté et en seureté sur les pays des Estats des Provinces Unies: Aussi après avoir fait entrer son artillerie dedans Sédan, il brusla ses chariots qu'il avoit en grand nombre pour monter partie de [30] son infanterie, abandonnant et délaissant à la vengeance du paysan, tous ceux qui ne le peurent suivre, et le 25 dudict mois luy et Halberstat partirent la nuict prenant le chemin de Thierasche, cheminant tout le jour tant qu'ils peurent, demeurans campez une nuict, et le jour suivant ils firent telle traicte qu'ils arrivèrent à la frontière de Henaut où ils entrèrent le lendemain vingt-septiesme du mesme mois.» Cinq jours après l'évènement, ces faits furent transmis de Paris à Rubens et cela dans un ordre et dans des termes tellement semblables à ceux que l'on retrouve dans le Mercure François de cette année, que nous croyons pouvoir dire que Peiresc tirait ses nouvelles d'une correspondance imprimée ou manuscrite, fournissant régulièrement la capitale de renseignements et alimentant la source à laquelle les auteurs du Mercure François puisaient également pour composer l'histoire de leur temps. Le Mercure François cite lui-même (t. VIII, p. 708 et 711) diverses versions de ce qui s'est passé dans l'occurrence. Il y a d'abord les relations imprimées en Flandre, puis «La relation véritable» et en troisième lieu «Le récit véritable de ce qui s'est passé en la frontière de Champagne, depuis que l'armée de Mansfeld est partie du Palatinat». Tous ces comptes-rendus sont faits immédiatement après les événements; Peiresc en a connu un ou plusieurs et s'en est servi dans sa lettre à Rubens. Il a dû en être de même pour les autres nouvelles qu'il transmettait régulièrement à son ami d'Anvers.

Hugo Grotius (Voir lettre du 26 février 1622). Nul doute que Rubens ne l'ait rencontré lors de son premier séjour à Paris. Son apologie, qui venait de paraître vers le premier septembre, est l'Apologeticus eorum qui Hollandiae, Westfrisiae et vicinis quibusdam Nationibus ex Legibus praefuerunt anti mutationem quae evenit anno 1618. Scriptus ab Hugone Grotio. Paris 1622. Le livre fut traduit immédiatement et parut en Français et en Hollandais.


[31] CCLXXXVIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto illmo Sigr mio singmo.

La sollicitudine che V. S. s'e assonta di descrivermi con tanta essatezza il successo delle due volte del Mansfelt, mi e di tanto maggior obligo quanto so che gli e caro et scarzo il tempo, onde le devo infinite gratie assicurandolo che me ne son arrecato molto honore apprezzo gli amici, che non havevano creduto li primi avisi, ben che convengono hora li molti particolari con la relatione di V. S. laquale e stata creduta di tutti que' che l'hanno veduta, con tutto che si fosse sparza voce et pensata universalmente, che non era vera alcuna rotta, ne anco alcuna battaglia generale, anzi solamente qualche scarramuccia di poco momento. Di modo che habbiamo havuto a carissimo di vederne la verita con tante circonstantie cappaci di farla credere.

V. S. m'ha voluto rendere la pariglia intorno al passo dall' armata tedesca su i confini di questo regno, come se gli si fosse comesso di S. M. Ma V. S. ha torto di credere che gli si sia comesso, ne che gli si potesse vietare se gli havesse voluto penetrare piu oltre in questo stato forzi che l'armata ch'era in piedi gliel'haverebbe potuto impedire, ma sarebbe stato pericoloso a tentarlo con gente nuova, non agguerita, ma andando su l'estremita di confini, et con tal diligenza che la sua prima cavalcata non fu di minor spatio che di quattordici legue et la maggior parte di notte, era ben difficile di corrergli dietro, per cio che non si pensava a questo et s'aspettava ancora l'essito del trattato, per il quale si preparavano ad inviare dannari, ma per buona sorte non erano ancora pronti ne dovevano giungere di qualche tempo.

Il canone che costi non si sapeva dove fosse restato lo lasciò in Sedano in mano del Palatino di cui era proprio, le sue arme palatine sendone scolpite sopra.

Se si trovera vera la ferita et morte d'Alberstat havero carissimo d'intendere la sua fortuna si come della morte del Weimar et dal incontro del Conte Henrico di Bergues, se vi intraviene qualche altra fattione di guerra.

[32] Di qua habbiamo nuove assai cattive, che passò a miglior vita il Sigr de Vic guardasigilli, alli 2 del presente, il settimo giorno della sua febre continua; che il Conte di Schomberg era tuttavia ammalato di medesima febre; che il Conte d'Alay, figlio del Duca d'Angoulesme era morto ancora di malattia. Et per colmo, che sara rotto il trattato di pace, et tre giorni dopo fatta una sortita di Mompelieri dove erano morti il duca di Fronsac, figlio del Conte di St Paolo, il Marchese di Beuvron, viconte di Torigni, il fratello del colonello d'Hornano, Hocquetot, favorito del Principe di Conde, et altri in numero di 20, quasi soli senz' arme diffensive volsero opporsi a 2000 fanti et 200 cavalli tutti giovinetti, il Duca di Montmorency vi resto ferito di due botte di picche, l'una alla coxa et l'altra sottol ventriculo e fece relatione al re del successo sinistro havendo la sua spada in mano insanguinata sino al capulo.

Il Sgr di Lussone e stato eletto proveditore di Sorbona in luogo del defunto cardinale de Rhetz, benche absente et nonostante l'instanza che si faceva al nome del Cardle de la Valetta et altri prelati grandi.

Ho fatto le sue recommendationi al Sgr Abbate, il quale ha risoluto con ogni affetto, aspettando la sua risposta all' ultimo suo piego, dove spero che V. S. haveva trovato una parte di ciò ch'ella aspettava.

La lite sta tuttavia in piedi, et mi dispiace non poco della parte che S. S. degna pigliare nella briga ch'io ne ricevo. Le cose St Malo non fanno progresso che sia potuto pervenire sino a me, ma mi prometto raguaglio in breve del ultimo stato.

Con che per fine baccio con ogni affetto le mani. Di Pariggi, alli 8 settembre 1622.

Di V. S. serv. affmo.

Qui si e visto dissegno del assedio di Bergues, nel cui canale sono rappresentate due fortezze di qua et di la dal fiume, fabricate dalli Hollandesi, che dicono essere di difficillima espugnatione, et negano assolutamente che lo Spinola habbia fatto ne potuto fare apprezzo'l canale la piatta forma che V. S. mi disse altre volte. Volessimo ben saperne la verita et vederne il dissegno se si trova.

J'ay receu en fagot les trois exemplaires des Palais de Gênes et en ay présenté un a Mr de Loménie qui vous en sçait tout bon gré. [33] M. Brosse est à Vernueil; à son retour je lui enverray le livre et à M. Berthelot.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V, f. 675.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Je vous suis d'autant plus obligé pour le soin que vous avez mis à me faire connaître avec tant d'exactitude l'issue des deux expéditions de Mansfeld, que je sais combien le temps vous est précieux et rare. Je vous en dois des grâces infinies et je vous assure que je m'en suis attiré grand honneur auprès de mes amis qui n'avaient pas ajouté foi aux premières nouvelles; aujourd'hui, leurs avis particuliers concordent avec votre relation à laquelle ont ajouté foi tous ceux qui l'ont lue, quoique le bruit se soit répandu et cru généralement qu'il n'y avait eu aucune défaite, et même aucune bataille générale, mais qu'il s'était agi seulement d'une escarmouche insignifiante. De sorte qu'il nous a été très agréable de savoir la vérité avec tant de circonstances qui devaient entraîner notre foi.

Vous avez voulu me redresser à votre tour à propos du passage de l'armée allemande sur les frontières de ce royaume, comme si ce passage avait été commandé par ordre du roi lui-même. Vous êtes dans l'erreur en croyant cela et en croyant qu'on eût pu lui défendre de pénétrer plus avant dans ce pays; il est possible que l'armée qui était sur pied eût pu l'empêcher, mais il aurait été dangereux d'en faire la tentative avec des troupes nouvelles et non aguerries. Et puis, Mansfeld était à l'extrême frontière d'où il partit avec une hâte telle que sa première étape ne fut pas moindre de quatorze lieues faites en majeure partie de nuit. Dans ces conditions, il était très difficile de le poursuivre, d'autant plus qu'on ne songeait à rien et qu'on attendait l'issue du traité par lequel on se préparait à lui envoyer de l'argent. Mais, par un hasard heureux, les écus n'étaient pas prêts et ne devaient arriver que dans quelque temps.

Le canon dont on ignorait ici la destinée, avait été laissé à Sédan aux mains du Palatin dont il était la propriété, car il portait ses armoiries.

Si la nouvelle se confirme de la blessure et de la mort de Halberstadt, je serai heureux d'apprendre son trépas ainsi que celui de Weimar et de la [34] rencontre du comte Henri de Bergh s'il intervient quelques changements dans les faits de la guerre.

D'ici, il y a des nouvelles assez mauvaises: M. Méri de Vic, le garde des sceaux, est passé à une vie meilleure, le 2 du présent mois, au septième jour de sa fièvre continue; le comte de Schomberg est fort malade de la même fièvre; le comte d'Allais, fils du duc d'Angoulême, est mort également de maladie. Et pour comble, on dit que le traité de paix est rompu, que trois jours après, il s'est fait une sortie de ceux de Montpellier, dans laquelle sont morts le duc de Fronsac, fils du comte de St Paul, le marquis de Beuvron, le vicomte de Thorigny, le frère du colonel d'Ornano, Hocquetot, favori du prince de Condé et d'autres, au nombre de vingt, qui, presque seuls et sans armes défensives, voulurent s'opposer à 2000 hommes d'infanterie et 200 cavaliers, tous hommes très jeunes. Le duc de Montmorency y fut blessé de deux coups de pique, l'un à la cuisse et l'autre au ventricule; il a fait au roi la relation de cet insuccès tenant en main son épée ensanglantée jusqu'à la poignée.

M. de Luçon a été élu proviseur de la Sorbonne en remplacement de feu le Cardinal de Retz, bien qu'il fût absent et malgré les instances qui se faisaient pour le Cardinal de la Valette et d'autres hauts prélats.

J'ai présenté vos compliments à M. l'Abbé; il vous salue le plus affectueusement du monde et attend votre réponse à sa dernière lettre, dans laquelle vous aurez trouvé, je pense, en partie ce que vous attendiez.

Le procès continue toujours et je suis désolé que vous daigniez prendre part aux soucis qu'il me cause. L'affaire de St Malo ne fait pas de progrès qui soit parvenu à ma connaissance, mais on me promet sous peu des nouvelles de l'état des choses en dernier lieu.

Et pour finir, je vous baise affectueusement les mains.De Paris, le 8 septembre 1622.De Votre Seigneurie le Serviteur très affectueux.

P.-S. On a vu ici un dessin du siège de Berg-op-Zoom: sur le canal sont représentées deux forteresses, une sur chaque rive, que les Hollandais ont élevées et que l'on disait être presque inexpugnables, et l'on niait absolument que Spinola ait élevé ou pu élever près du canal la plate-forme dont vous m'avez parlé. Nous voudrions bien savoir ce qui en est et voir le dessin, si on peut le trouver.
(En français.) J'ai reçu en fagot les trois exemplaires des Palais de Gênes, et en ay présenté un à M. de Loménie qui vous en sçait tout bon gré, M. Brosse est à Vernueil; à son retour je lui enverray le livre et à M. Berthelot.


[35] COMMENTAIRE.

Halberstadt. Chrétien de Brunswick, administrateur de l'évêché de Halberstadt, surnommé Chrétien le fou, prit parti pour la femme du palatin, la reine de Bohême, dont il portait le gant sur son casque. Il combattit dans les rangs des protestants, à la tête de 3000 cavaliers et de 4000 piétons, et se réunit au duc de Mansfeld au mois de mars 1622. Ensemble, ils firent subir une défaite à Tilly près de Wiesloch, le 27 avril suivant. Le 17 juin, il subit une défaite près de Hoechst. Au mois de juin, il fit avec Mansfeld une excursion dans l'Alsace. Là, ils apprirent que le palatin les avait congédiés. Ils se mirent au service de la Hollande et se rendirent dans ce pays quand, le 28 août, ils rencontrèrent, près de Fleurus, Gonzalès de Cordoue, le commandant des Espagnols. La bataille s'engagea, l'issue resta indécise, l'évêque d'Halberstadt y perdit son bras gauche. Il fit frapper une médaille avec l'exergue Altera restat et fit savoir à Spinola qu'il lui restait un bras pour se venger. Il était né le 20 septembre 1599; il mourut le 16 mai 1626.

Weimar. Jean-Ernest, duc de Saxe-Weimar depuis 1615, s'engagea, en 1619, dans l'armée du roi de Bohême; se rendit à La Haye, en 1620, pour y recruter des troupes destinées à servir la cause du palatin-roi. Il fut blessé, non tué, le 6 août 1622, lors d'une surprise tentée par Henri de Bergh dans la Gueldre, contre les troupes du prince d'Orange sous les ordres duquel il servait.

Comte Henri de Bergh. Le septième fils de Guillaume IV, comte de Bergh, et de Marie de Nassau, soeur du Taciturne, naquit à Brême en 1573. Son père étant passé au service de l'Espagne, ses fils le suivirent. En 1621, il commandait une partie de l'armée de Spinola. En 1621 et 1622, il s'empara de plusieurs villes de la Hollande. Pendant l'hiver de 1623-1624, il fit une incursion dans les Provinces-Unies; il se distingua encore les années suivantes. Quant, en 1628, Spinola fut rappelé à Madrid, Henri de Bergh fut désigné pour lui succéder à la tête des troupes. Les résultats de la campagne de cette année et de l'année suivante, firent planer des doutes sur sa fidélité. En effet, bientôt on acquit la certitude qu'il trahissait les intérêts du roi son maître. De cette partie de son histoire, nous aurons à nous occuper en détail plus loin.

Schomberg (Henri de). Maréchal de France (Voir 14 avril 1622). Peiresc dit qu'il était malade de la fièvre; ses biographes disent qu'il souffrait de la goutte.

Comte d'Allais. Louis-Emmanuel de Valois, comte et puis duc d'Allais, second fils de Charles de Valois, duc d'Angoulême, qui était fils naturel de [36] Charles IX. Il naquit, en 1596, et entra d'abord dans l'état ecclésiastique; en 1618, quand son frère aîné fut mis en prison à cause de démence, il prit le parti des armes et se signala aux sièges de Montauban et de La Rochelle. Il mourut à Paris le 13 novembre 1653. La nouvelle de sa mort communiquée ici par Peiresc est donc fausse, comme il le reconnaît d'ailleurs lui-même dans la lettre suivante.

Duc de Fronsac. Léonce d'Orléans-Longueville, fils unique de François d'Orléans-Longueville, comte de Saint Paul, né le 19 mars 1605. Il était donc dans sa 18me année quand il fut tué.

Marquis de Beuvron. Jacques de Harcourt, marquis de Beuvron, fils aîné du prince de Harcourt et de Gillonne de Matignon.

Hocquetot (Hoctot, Ouctot). Lieutenant de chevau-légers du prince de Condé.

Duc de Montmorency. Henri II, duc de Montmorency, né à Chantilly, en 1595, fut fait amiral par Louis XIII, à l'âge de 17 ans. Il se trouva au siège de Montauban et à celui de Montpellier, où, comme Peiresc le raconte, il fut blessé. Il se distingua au siège de La Rochelle et déploya un courage héroïque dans la guerre du Piémont, en 1629 et 1630; à cette occasion, il fut nommé maréchal. En 1632, il prit parti pour Marie de Médicis et pour le duc d'Orléans et se mit à la tête des révoltés du Languedoc. Pris les armes à la main, il fut condamné et fut décapité le 30 octobre 1632.

Cardinal de La Valette. Louis de Nogaret, cardinal de La Valette, né le 8 février 1593, prit le parti de Marie de Médicis et concourut à son enlèvement du château de Blois. Dans la suite, il abandonna la reine-mère et s'attacha au service du cardinal de Richelieu dont il fut, le reste de sa vie, le partisan le plus dévoué. Il commanda les armées du roi en Allemagne et en Italie, de 1635 à 1639; il mourut le 28 septembre de cette dernière année.


[37] CCLXXXIX
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sgr mio Ossmo.

Ho visto questa mattina il Sgr Abbate, il quale mi ha mostrata la lettera che V. S. gli scriveva, et da principio l'ho trovato un poco rissentito delle parole di V. S. quando dice che pare che la Regina si diffide del valore di V. S. volendo i dissegni prima che si ponga mano all' opera. La voce di diffidenza, sendagli un poco grave, io gli ho rimostrato con la maggior dolcezza a me possibile, che l'intentione di V. S. era la piu sincera et la piu innocente del mondo, ch'io trovava che V. S. era fondata di grandissima raggione in tal querimonia. L'ho preggato a sentir egli in seco stesso, quando gli venisse voglia di fare qualche bel quadro, quanto li sarebbe grave che lo volessero obligare a darne fuori il dissegno prima che finirne la pittura, per cosi perdere la dolce liberta di cangiare. Egli mi diceva prima, che l'intentione non era di toglierle la liberta di cangiare il sito et positura delle figure, ma solamente per suo gusto proprio per havere nella sua cassetta li dissegni, di quanto si haveva di mettere in opera ch'ella non pretendeva ancora di haver gli dissegni originali, ma solamente coppie fatte da qualche giovane valenthuomo. All' hora io gli ho rimostrato quanto era grande il pericolo di mandare coppie di dissegni, nelle quali era difficile et quasi impossibile, che il coppista non lasciasse scorrere qualche diffetto che sarebbe imputato al padrone; che V. S. faceva scrupulo di essibire li dissegni originali, se non era presente per rendere raggione del suo concetto, et sentir il parere altrui, senza lasciare la difficolta indecisa, come restarebbero per via di lettere.

Egli m'opponeva la volonta assoluta della Regina; io gli faceva vedere che V. S. non lo neggava assolutamente, ma che V. S. si tenerebbe molto obligato alla S. M. di lasciarle quella liberta, et che lui farebbe sommo favore a V. S. di adjutarla appresso S. M. accio non fosse costretta a mandare que' dissegni, senza venire in persona; massime sendo gia principiati 708 quadri et ridotti quasi a perfettione, [38] ne quali poi che non s'era lasciato scrupulo, non era raggione di pretendere dissegni; poi che erano quasi finiti i quadri istessi, et che non potevano hormai patire gran mutatione. Egli si e lasciato andare a dire che poi che erano prencipiati questi 708, non era già la ragione di farvi mutatione, sendosene lasciata ogni dispositione a V. S. ma che V. S. farebbe grand piacere alla Regina di mandarlei un schizzo di detti 708 quadri con tutto che fossero finiti, accio ch'ella havesse il piacere di goderne il concetto, aspettando la vista de' quadri istessi. Io gli ho replicato ancora l'inconveniente, che si farebbe se per sorte passassero i dissegni di que' 708 quadri per mano di persona mal affetta o poco intendente nell' arte et che vi si formassero difficolta alle quali V. S. potesse rispondere di presenza. Finalmente, con l'aiutto del Sr de Lomenie et del Sr de la Baroderie che vi sono sopragionti et che gli hanno dato il torto, egli si e lasciato vincere, et si e ridotto a volere in ogni modo dissegni de' cinque ultimi soggietti, senza aspettar la venuta di V. S., a conditione che nessuno gli vedera se non la Regina, il Sr di Lussone et lui, accio di potere considerarne la riuscita e mutare il pensiero se fosse di bisogno, senza haver risguardo all' absenza di V. S. poi che questi sono solamente concetti che si hanno da spieggare solamente per saggio et per tentare se saranno sopportabili in raggion politica piutosto che dell' arte di pittura. Et con questo egli spera di ottenere dispenza o scusa della Regina, accio V. S. non sia costretta di mandare gli altri dissegni senza essere presente.

Se mi è licito di dare consiglio a V. S., io credo ch'ella puo condescendere a lasiare venire i dissegni di que' cinque soggietti, et se gli altri 708 fossero in stato di essere finiti in breve, sarebbe ancora meglio di portargli et di venire di persona con tutti gli altri dissegni che V. S. promette. Io haverei grand interesse che fosse piu tosto ben presto che piu tardi, accio di non correre rischio d'esser obligato di ritornare a casa, ben che io non sia ancora troppo vicino a partire con la mia [lite]. Ma l'imprese di pittura sogliono essere longue in altre mani che di V. S. et certo che mi son rallegrato sommamente d'intendere che si fossero portati tanto innanzi i questi 708 quadri, che mi fanno sperare più pronta venuta di V. S.

Il Sr Bertelotto ha havuto il suo essemplare de' Palazzi di Genoa et lene rende infinite gratie. Egli m'haveva promesso una lettera per [39] V. S., ma non l'ho ancora mandata a pigliare, forzi l'haveremo di mattina prima che parta il corriere et saperemo se il Sr di Brosse sara di ritorno per dargli il suo. Ho fatto al SrGrotio la congratulatione et saluti di V. S., il quale la risaluta et la pregga di fareli capitale della sua servitù, sendole dedicatissimo et tutti li suoi.

La ringratio della confirmatione degli avisi della rotta del Mansfelt. Vorrei ben intendere il successo vero et preciso della ferita del vescovo d'Alberstat et dello stato del Spalatrense.

Dalla Corte non habbiamo altro che la continuazione del assedio di [Mompellieri]. La Cavaleria ricupero il ridutto del nemico occupato il primo giorno, ma non si trovo il terreno commodo da farvi alloggiamenti, di maniera che difficilmente si potra ritenere. Stava bene il Sgr di Montmorency. Il comte di Schomberg era del tutto risanato alli 8 del corrente e la stessa sera doveva andare a dormire nel Camp. Si mettevano in batteria li canoni et si sperava di metterne in brevi sino a 50 pezzi. Il conte di Allais, primogenito del Duca d'Angoulesme stava risanato del tutto della sua infirmita. Il Duca d'Alluin, figlio del Conte di Schomberg, stava tuttavia ammalato. Zamet non era ancora morto della sua coscia rotta del canone, ma s' era poca speranza. Il Duca di Rohan haveva mandato al Sr Contestabile un gentilhuomo per far nuove proposte di accommodatione sopra le quali ritornavo il Contestabile in Corte et senz'altro di tutto il cuore le baccio le mani.

Di Pariggi, alli 15 Settembre 1622.Di V. S. M. Illre serv. affo.

Io m'era scordato d'un particolare che non bisogna tacerle, cioe che il Sr Abbate venendoci, permettendo, a non dar fuora dissegni senza esser presente, s'era lasciato andare una volta a dire che al meno bisognava mandare un discorso o descrittione minuta delle figure che s' havevano da fare ne' cinque ultimi soggietti, ma poi egli ritorno a fare instanza per li dissegni istessi delli detti soggietti. Mi disse il Sr Abbate che la Regina haveva una cassetta nella quale haveva fatto mettere insieme tutti li dissegni et piante di tutta la fabrica del suo palazzo et di tutte le figure che vi andavano collocate, sino alle minutie degli ornamenti, de' lambricci e de' giardini et che voleva aggiongervi la raccolta di tutti li dissegni delli quadri di V. S. tutti in un libro a posta ben ordinati et ben finiti; questo puo essere et forzi sara bene [40] di dar qualche speranza di ponergli. Ma vedendo ch'egli mi parlava di coppie et non delli originali et sappendo io d'altronde che gli, per sua curiosita, a raccolti alcuni schizzi degli ornamenti di detto palazzo dubito che la proposta di questi dissegni non venga del suo motu proprio, et forzi per suo interesse, accio di metterli et serbarli poi nel suo studio. V. S. vedera alla quanta apparenza il possa essere et cio che ne possa fare.

Non si maravigli V. S. della moderatione della cedola; gli fecimo tanta vergogna et gli inculcassimo tanto timore di giusto rissentimento del Re, a cui indirettamente toccavano alcuni capriccij, ch'egli raffredij un poco l'ardore. Ma certo io non haveva sperato che la moderatione fosse tale quale egli mi disse doppo che le hebbi mandata la sua risposta. Il che mi confirma sempre piu che di molte cose la Regina lascia far a lui, et luy impiega il nome di S. M. in molte cose che stanno in suo arbitrio di lui.

Quando V. S. mi scrivera qualche particolare in questo proposito, di gratie, la faccia in un pollicino da parte dalle sue littere, che si possa abbraciare doppo haverlo letto, come le prego di fare con questo et che non impedisca di mostrargli le lettere che V. S. mi scrive.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. t. V, f. 676.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'ai vu ce matin Mr l'Abbé. Il m'a montré la lettre que vous lui avez écrite, et d'abord, je l'ai trouvé un peu mécontent de vos expressions, lorsque vous dites qu'il semble que la Reine se défie de votre talent en demandant les dessins avant que vous mettiez la main à l'oeuvre. Le mot défiance lui a paru un peu sévère: je lui ai remontré avec la plus grande douceur possible, que votre intention était la plus sincère et la plus innocente du monde et que, selon moi, vous aviez eu la plus grande raison de vous plaindre. Je l'ai prié d'en juger par lui-même: s'il lui prenait envie d'exécuter quelque beau tableau, combien ne serait-il pas fâcheux qu'on voulut l'obliger à se [41] dessaisir du dessin avant d'avoir terminé la peinture et qu'on lui ôtât ainsi la douce liberté d'y apporter des changements. Il me répondit d'abord que l'on n'avait point l'intention de vous priver de la liberté de changer la situation et la pose des figures, que c'était uniquement pour satisfaire son goût personnel que la Reine désirait avoir dans sa cassette les dessins qui devaient être exécutés en peinture, qu'elle ne prétendait même pas avoir les dessins originaux et se contenterait de copies faites par quelque jeune homme habile. A cela, je répliquai qu'il y aurait grand danger à envoyer de ces dessins des copies sur lesquelles il était difficile, presque impossible, que le copiste ne laissât se glisser quelque défaut qui serait ensuite attribué au maître. J'ajoutai que vous vous faisiez scrupule d'exhiber de vos dessins originaux à moins d'être présent pour rendre raison de votre conception et écouter les avis d'autrui, sans laisser subsister les difficultés irrésolues comme ce serait le cas si on traitait la chose par voie de correspondance.

Il m'opposait la volonté absolue de la Reine: je lui fis voir que vous, de votre côté, vous ne faisiez pas de refus absolu, que vous seriez très obligé envers S. M. si elle vous laissait toute liberté; quant à lui, disais-je, il mettrait le comble à sa bienveillance en appuyant auprès de S. M. votre demande de ne pas être tenu de communiquer ces dessins sans les apporter en personne, d'autant plus que 7 ou 8 tableaux sont déjà commencés et presque arrivés à leur achèvement; et puisque pour ceux-là toute incertitude est écartée, il n'y a pas de raison d'en exiger les dessins; les tableaux étant presque terminés, on ne peut guère y apporter désormais des changements d'importance.

Il s'est laissé aller à dire qu'en présence de la mise en train de 7 ou 8 tableaux il n'y avait plus de raison d'y rien changer, puisqu'on vous avait laissé toute latitude dans l'exécution, mais que vous feriez grand plaisir à la Reine en lui envoyant une esquisse des sept ou huit tableaux, même s'ils étaient terminés, afin qu'elle ait le plaisir de jouir des projets en attendant de jouir de la vue des tableaux eux-mêmes. Je lui ai objecté encore à quel inconvénient on s'exposerait, si par hasard, les dessins des 7 ou 8 tableaux passaient dans les mains de quelque personne mal intentionnée ou s'entendant peu à l'art: il sortirait de là des difficultés auxquelles vous seul pourriez répondre par votre présence.

Enfin, avec le secours de Mr de Loménie et de Mr de la Baroderie, qui sont survenus et lui ont donné tort, il s'est laissé convaincre et s'est borné à exiger, de toute manière, les dessins des cinq derniers sujets, sans attendre votre arrivée et à condition que personne ne les verra, hormis la Reine, M. de Luçon et lui. Il faut, selon lui, que l'on puisse examiner [42] si la composition est réussie, et la modifier si cela serait nécessaire, et pour cela on ne doit pas avoir égard à votre absence, puisqu'il s'agit seulement de ces idées qui peuvent être observées sur un essai de projet et dont il faut juger l'acceptation, au point de vue de la raison politique plutôt qu'au point de vue de l'art de la peinture. De cette façon, il espère obtenir le désistement ou l'agréation de la Reine, afin que vous ne soyez pas obligé d'envoyer les autres dessins sans les accompagner vous-même.

S'il m'est permis de vous donner un conseil, je vous dirai que vous pouvez laisser venir ici les dessins des cinq derniers sujets, et si les 7 ou 8 autres sont en état d'être terminés sous peu, vous feriez mieux encore en les apportant en personne avec tous les autres dessins dont vous avez fait la promesse. J'ai le plus grand intérêt à ce que ce soit le plus promptement possible et non dans un certain délai, car je cours le risque de devoir retourner chez moi, bien que je ne sois pas encore près de partir, à cause de mon procès. Mais comme les travaux de peinture traînent en longueur en d'autres mains que les vôtres, je me réjouis déjà hautement d'apprendre que si vous veniez apporter ici les 7 ou 8 tableaux terminés, j'ai lieu d'espérer que votre arrivée ne tardera guère.

Mr Berthelot a reçu son exemplaire des Palais de Gênes et vous en rend des grâces infinies. Il m'avait promis une lettre pour vous; à vrai dire, je ne l'ai pas encore fait prendre; peut-être la recevrai-je ce matin, avant le départ du courrier; et saurai-je si Mr de Brosse est de retour, afin que je lui remette son exemplaire. J'ai fait vos compliments à M. Grotius; il vous rend ses civilités et vous prie d'agréer l'offre qu'il vous fait de ses services et de son dévouement tant pour lui que pour tous les siens.

Je vous remercie de la confirmation des nouvelles relatives à la défaite de Mansfelt. Je voudrais bien savoir les suites véritables et précises de la blessure reçue par l'évêque d'Halberstadt ainsi que la situation de l'évêque de Spalatro. De la Cour nous n'apprenons rien d'autre que la continuation du siége [de Montpellier]. La cavalerie a repris le réduit occupé le premier jour par l'ennemi, mais elle n'a pas trouvé le terrain favorable pour s'y faire des logements, de sorte qu'il lui sera difficile de s'y maintenir. Le duc de Montmorency va bien. Le Comte de Schomberg était tout-à-fait guéri le 8; il devait, ce jour-là, se rendre au camp dans la soirée et y passer la nuit. On mettait en batterie les canons et l'on espérait en placer bientôt jusqu'à cinquante. Le Comte d'Allais, fils aîné du duc d'Angoulême, est tout-à-fait rétabli de sa maladie. Le duc d'Alluin, fils du Comte de Schomberg, est très malade. Zamet n'est pas mort encore, mais on a peu d'espoir: il a la cuisse rompue d'un boulet de canon. Le duc de Rohan avait envoyé [43] au Connétable un gentilhomme, pour faire de nouvelles propositions d'accommodement: le Connétable est retourné à la Cour pour en conférer: Et sur ce, de tout coeur, je vous baise les mains.

De Paris, le 15 septembre 1622.

J'avais oublié un détail que je ne dois pas vous taire. Mr l'abbé était venu à permettre que vous ne donniez pas vos dessins sans que vous ne fussiez présent; il s'est une fois laissé aller à dire que, tout au moins, vous deviez envoyer un mémoire ou une description minutieuse des figures qui doivent entrer dans les cinq dernières compositions; mais ensuite, il s'est mis de nouveau à faire des instances pour l'envoi des dessins eux-mêmes de ces cinq sujets. L'abbé me dit que la Reine avait une cassette dans laquelle elle a fait rassembler tous les dessins et les plans relatifs à la construction de son palais, toutes les figures qui doivent le décorer et jusqu'aux détails d'ornementation des lambris et des jardins, et qu'elle voulait y ajouter la collection de tous les dessins de vos tableaux réunis dans un livre spécial, bien arrangés et terminés avec soin. Cela se pourrait bien, et il sera peut-être bon de lui donner quelqu'espoir de les y placer.

Voyant qu'il me parlait de copies et non des originaux, sachant, d'un autre côté, que lui, qui est un curieux, a recueilli quelques esquisses de la décoration du palais, je me suis douté que la proposition relative aux dessins pourrait bien venir de son motu proprio, et qu'elle pourrait être faite dans son intérêt, afin de prendre ces dessins et de les conserver dans sa collection. Vous verrez l'apparence de vérité qu'il y a dans ce que je vous dis et vous jugerez de ce qu'il y a à faire.

Ne vous étonnez pas de la modération du billet; nous lui avons tellement fait honte et si fortement inspiré la crainte du juste ressentiment du Roi, auquel il touchait indirectement par quelques-unes de ses fantaisies, qu'il a un peu refroidi son ardeur. Mais, certes, je n'espérais pas que sa modération eût été telle qu'il me le dit lui-même, après, que je vous eusse envoyé sa réponse. Ce qui me confirme davantage encore dans cette idée c'est qu'en beaucoup de choses, la Reine le laisse agir et qu'il se sert du nom de Sa Majesté dans beaucoup de choses qui sont laissées à son arbitre à lui.

Quand vous aurez quelque chose de particulier à m'écrire sur ce sujet, veuillez, de grâce, le faire sur un billet séparé de la lettre, billet que l'on peut brûler après l'avoir lu, comme je vous prie de le faire avec celui-ci, ce qui ne m'empêcherait pas de lui communiquer vos lettres.


[44] COMMENTAIRE.

Mr de La Baroderie. Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi et intendant des jardins de Sa Majesté.

Zamet (Jean), baron de Murat et de Billy. Depuis la mort de son père, arrivée en 1614, il était conseiller du roi, capitaine du château et surintendant des bâtiments de Fontainebleau. Il servit avec grande distinction sous Louis XIII en Guienne, en Champagne, au Siège de Saint-Jean d'Angely et à celui de Clérac. Devant Montauban, il eut le bras droit cassé. Le 4 septembre 1622, au siège de Montpellier, il fut blessé à la cuisse et expira cinq jours après.

Les Esquisses. On sait que Maugis parvint à se procurer les esquisses des tableaux de la Galerie de Médicis. De Piles les vit chez lui en 1650. Peiresc a donc pénétré les intentions du collectionneur qui, sous couleur d'exécuter la volonté de la reine, cherchait à acquérir lui-même les projets des tableaux dont il comprenait la grande valeur.


CCXC
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sgr mio singmo.

M'impedisce la mia lite non senza infinito mio despiacere di scrivere a V. S. con commodita, ma non m'impedira gia di rendergli quelle maggiori gratie che posso dell' affetto col quale ella mi da minuto ragguaglio di tante cose curiose di coteste parti, et specialmente dello Spalatense, del viaggio del quale se s'intende costi alcuna cosa, et del suo passaggio per li stati di Germania e d'Italia, V. S. mi fara favore singolare di farmene parte. Questi nostri Hugonotti publicano le battaglie del Mansfelt con molto minor perdita che non si dice costi, anzi con grand avantaggio contra il Gonzales di cui dicono che gli habbia portato via molti dannari in preda, et che il maggior numero de morti sia della banda de' Spagnuoli. Ma io ho creduto facilmente cio che V. S. men ha scritto et confirmato.

[45] Dalla Corte si ha aviso che il conte d'Allais, che si era tenuto per morto, si sia finalmente risanato in un luogo dove l'havevano portato infermo et desperato; ma che mori Zamet alli 9 del corrente per la sua ferita nella coscia et la moglie del Sr Morano, thresoriere de l'espargne l'istesso giorno onde il marito e tanto afflitto che se ammalatti lui stesso dicendo voler uscir del mondo s'egli scampa. Et cosi le grandissime richezze non fanno piu felici i possessori che le minori facolta.

Si fece a Mompellieri, dopo essersi ritirato il soccorzo, una fattione notabile nella presa di due corni delli nemici assaltati in un medesimo momento con somma bravura sendone stati tagliati a pezzi 200 delli nemici con perdita solamente di 30 soldati et morte del Sr Tarault l'uno delli compagni del Marescial di Vitri et morte del Marescial d'Ancre, furono presi i corni et tutto il munimento et fattovi subito l'alloggiamento sicurrissimo, due passi vicino alla contra scarpa. Et si tiene che sia stato ammazato Argencourt ch'era il capo principale della militia nemica.

Il Sr presidente d'Anquaire, figlio del presidente Blainville e stato finalmente accettato per successore al Sr di Gevres, secretario di stato suo zio. Il Duca d'Espernon ha havuto la sua provision del governo di Guienne. Il conte di Schomberg le sue del governo di Limousin et Angoumois; il Marescial di Praslin quella dell governo di Xaintonge. Si tiene che il Sr d'Andilly habbia il carico d'intendente delle finanze ch'haveva il Baudino. Ce un rumore ma non si confirma ancora che il Vicelegato d'Avignon tornando di corte, con detto Baudino, et il conte di Torigny convalescenti, siano stati presi priggioni dei Hugonotti.

Del resto e ritornato il Sr Brosse no' hieri l'altro; lo volsi veder hieri, ma non fu in casa tutto il giorno, gli faro presentare il suo libro et fare ogni instanza per le misure.

Quanto alla difficolta proposta, io non vorrei veramente con l'absenza della Regina muover quell'intoppo, sendo certo che il Sr Abbate non ha ordine di provedere al pagamento di questo, bisognarebbe scriverne alla Regina et aspettar molto tempo, et forzi conparerebbe tanto buono, poi che se non m'inganno hanno preso opinione che V. S. dovesse far lo sborzo necessario a questa impresa, et che bastava di haverlo aggradito et per conto della sicurezza, del quarto [46] della grand'opera che V. S. non pensa havere, io vorrei credere il contrario, poiche V. S. ha un buon contratto obligatorio della una et l'altra parte, et che l'opera per tanto privileggiata, che quando avenisse morte di chi ha dato l'ordine, sarebbe sempre paggata quella parte che si trovarebbe finita. Poi che V. S. spera di potere finire in breve 708 quadri portandogli qua, non sara difficolta che non si pagavino insieme tutte le spese del terlizzo, se fosse di molto maggior consideratione lo sborso fatto da V. S. Vorrei ben farsi consideratione, ma per 1000 L. et per il doppio in cosi grand'impresa non vorrei consigliar V. S. di farsi tanto povero, non pensando ch'ella corra maggior rischio che della spesa di detto terlizzo, poi che non e nell'obligatione, ma vi sono per le lettere delli agenti che le darebbono molto aiuto per cavarne pagamento in ogni evento. La prima volta ch'io vedero il Sr Abbate io voglio tentare quasi aliud agens di porre in questione il caso che V. S. teme per vedere il suo genio senza mostrar ch'io creda che V. S. cy pensi. Et senz'altro affe le baccio le mani. Di Pariggi, alli 23 settembre 1622.

Di V. S. Ill. Serv. affo.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, t. V. f. 678 v°.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

A mon extrême regret, mon procès m'empêche de vous écrire tout à mon aise; il ne m'empêchera pas cependant de vous rendre mille actions de grâces pour l'empressement affectueux avec lequel vous me donnez des nouvelles si détaillées de tant de faits intéressants qui se passent de vos côtés, et spécialement de l'évêque de Spalatro. Si vous appreniez quelque chose de son voyage et de sa traversée par les états de l'Allemagne et de l'Italie ce serait m'honorer d'une faveur singulière que de m'en faire part. Nos Huguenots dans leurs récits de la bataille de Mansfelt lui attribuent des pertes beaucoup moindres qu'on ne le dit ici; ils prétendent même qu'il a obtenu de sérieux avantages sur Gonzalès de Cordoue, [47] auquel il aurait pris, comme dépouilles, de grosses sommes d'argent; ils disent encore que le plus grand nombre de morts a été du côté des Espagnols. Mais j'ai plus aisément ajouté foi à ce vous m'en avez écrit et affirmé.

De la Cour nous avons appris que le Comte d'Allais, que l'on avait tenu pour mort, s'est finalement rétabli dans une localité où on l'avait transporté pour malade et désespéré. Zamet est mort le 9 de ce mois, de sa blessure à la cuisse. Le même jour est décédée aussi la femme de M. Moran, trésorier de l'Epargne; son mari en conçut un tel chagrin qu'il en est tombé malade et dit que même s'il en réchappe, il veut sortir de ce monde. Cela prouve que les possesseurs d'immenses richesses ne sont pas plus heureux que ceux qui ont seulement des moyens médiocres.

Après la retraite des forces envoyées au secours de Montpellier, il s'est livré là un combat important pour la prise de deux bastions où les ennemis ont été assaillis au même moment avec la plus grande bravoure; deux cents ont été taillés en pièces; de notre côté la perte n'a été que de 30 soldats. Monsieur Tarault, l'un des compagnons du maréchal de Vitri, a été tué ainsi que le maréchal d'Ancre; les bastions ont été pris avec tout leur armement et l'on s'y est logé immédiatement d'une manière très sûre à deux pas de la contr'escarpe. On dit que d'Argencourt, le chef principal de l'armée ennemie, y a été tué.

M. le président d'Anquaire, fils du président Blainville, a été enfin accepté pour successeur de M. de Gèvres, secrétaire d'Etat, son oncle. Le duc d'Epernon a reçu la provision du gouvernement de Guienne. Le comte de Schomberg celles de ses gouvernements du Limousin et de l'Angoumois, le Maréchal de Praslin celle du gouvernement de Saintonge. On croit que le Seigneur d'Andilly a la charge d'intendant des finances qu'avait Baudin. Il court un bruit qui ne se confirme pas encore, que le Vice-légat d'Avignon revenant de la Cour avec ledit Baudin et le Comte de Torigny entrés en convalescence, aurait été fait prisonnier avec ceux-ci par les Huguenots.

J'ai encore à vous dire que M. de Brosse nous est revenu avant-hier; j'ai voulu le voir hier, mais, de toute la journée, il n'a pas été chez lui; je lui ferai porter le livre que vous lui offrez et j'insisterai vivement pour obtenir les mesures.

Quant à la difficulté soulevée, je ne voudrais vraiment pas, en l'absence de la Reine, essayer de la résoudre: je suis certain que l'Abbé n'a pas l'ordre de pourvoir au paiement de cela; il faudrait en écrire à la Reine et attendre longtemps, peut-être cela semblerait-il bien, puisque, si je ne [48] me trompe, on est dans l'opinion que vous devriez faire toutes les dépenses nécessaires de l'entreprise et qu'il suffit de vous avoir approuvé et de vous avoir avancé en acompte pour votre sécurité, le quart du grand ouvrage dont vous ne pensiez pas avoir la commande. Je voudrais être persuadé du contraire. Puisque vous êtes muni d'un bon contrat obligatoire pour les deux parties, et que l'oeuvre est si bien privilégiée que si celui qui a donné la commande venait à mourir, vous seriez toujours payé pour la partie qui serait achevée. Et puisque vous avez l'espoir de terminer dans un bref délai 7 ou 8 tableaux, en les apportant ici, il n'y aura aucune difficulté à vous payer à la fois, toutes les dépenses de la toile.

Si les déboursés que vous avez faits avaient une importance beaucoup plus considérable, je voudrais bien qu'on en tienne compte, mais pas pour mille livres ni pour le double, dans une si grande entreprise, je ne voudrais vous conseiller de vous faire si pauvre; je ne pense pas que vous couriez de plus grand risque que celui des dépenses pour la susdite toile, puisqu'elle ne figure pas dans l'obligation, mais qu'elle y est par les lettres des agents lesquels vous donneront grand appui pour retirer le paiement à tout évènement. La première fois que je verrai l'Abbé, je veux essayer quasi aliud agens de mettre en question le cas sur lequel vous avez des craintes, afin de connaître ses intentions, sans faire voir que je sais ce que vous en pensez.

Sur ce, je vous baise les mains affectueusement.
Votre très affectueux Serviteur.
De Paris, le 23 septembre 1622.

COMMENTAIRE.

Gonzalès de Cordoue. Don Gonzalès de Cordoue, commandant des troupes espagnoles sous le marquis de Spinola. Le 28 août 1622, il livra bataille à Mansfeld et Halberstadt près de Fleurus; plus tard, il fut gouverneur de Milan.

Praslin (Maréchal de). Charles de Choiseul, comte du Plessis-Praslin, servit d'abord sous les ducs de Guise, ensuite sous Henri III et Henri IV, Marie de Médicis et Louis XIII. Il fut fait maréchal en 1619 et servit contre les Huguenots dans la Normandie, le Béarnais et la Guienne. Après que la guerre civile fut terminée, en 1623, il fut nommé gouverneur de la Saintonge de l'Angoumois et de l'Aunis. Il mourut à Troyes, le 1r février 1626, âgé de 63 ans.

Baudin, intendant des finances, puis des postes (Voir lettre suivante).


[49] CCXCI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sgr mio Singmo.

Ricevei hier sera le due lettere di V. S. l'una per il Sgr Abbate, et l'altra per me, laquale havendo letta, io mandai subito al Sr Abbate con la sua. Mi dispiace di non haverlo potuto veder hoggi, ma non m'e stato possibile. Egli disse al mio servitore di haver qualche speranza che il Sgr Brosse dovesse haver fatto le misure a tempo da mandarle per questo ordinario, il che il detto Sr Brosse m'haveva quasi promesso quando gli feci presentar il libro di V. S. Ma se non si sara esseguito, ne manchero di mandarci un servitore domani mattina, con qualche dispiacere di non poterci andare personalmente come feci l'altra volta, ma bisognera pur farlo ancora segli non lo fa da se stesso questa volta. Mandaro ancora dal Sgr Abbate per vedere se vorra farle risposta.

Dalla Corte habbiamo lettere delli 21, che il giorno seguente, doppo pranzo, il Re doveva dare i sigilli regii al Sr Alligre in luogo del defonto Sr de Vic, che Dio habbia, non senza grand'applauso, et quasi universale per esser persona temperata et che fa stima della virtu et del merito: staro aspettando con non poca impatienza l'aviso del successo et esecutione di quel negotio.

E poi morto finalmente il conte d'Alais con grandissimo sentimento di tutta la Corte. Sara ben passato costa il rumore della disgratia del Vicelegato d'Avignone, il quale, tornando di fare un complimento a S. M. di parte di S. Sta per offerire la citta d'Avignone alle Regine fu presso priggione con 24 o 30 gentilhuomi d'Avignone che l'accompagnavano et con il conte di Torigni et l'intendente des Portes Baldoines tutti duoi convalescenti che pensavano passar sicuri con quella scorta et condotti tutti dalli Hugonotti di Nimes, quali non sperano piccola ranzone di quella preda.

Del resto si ha buonissima speranza della presa di Mompelieri cosi faccia Iddio! Le due Regine hanno ordine di andare in Arles, dove si devono incaminar quanto prima, et dove il Sr di Lussone spera di trovar la barretta.

[50] Et senz'altro affete le bacio le mani. Di Pariggi, alli 29 Settembre 1622.

Di V. S. serv. affmo.

La preggo d'informarsi un poco dello stato di G. de Bie, intagliatore ch'era qui l'anno passato, il quale prometteva di venire qua et non se n'ha nuove gia un gran pezzo.

Po. Scritta. Il Sgr Brosse m'a mandato ad assicurare che lunedy o martedy, per il piu tardi haveremo le misure, et il Sgr Abbate m'a preggato di far sue schuse per questo ordinario che supplira col prossimo et con le misure.

Alli 30 Settembre.

Un amico mio venendo da me in absenza mia et trovando su la tavola il libro di V. S. de' Palazzi me lo prese et mi disse poi che non me lo voleva piu rendere di maniera che V. S. n'havera da perdere ancora un essemplare, ma la prego di aggiungervi li nomi dé fondatori et padroni che saranno della sua notizia, et di gratia mi scusi la troppo gran liberta.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc, V. 679.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'ai reçu hier vos deux lettres, l'une pour M. l'Abbé, l'autre pour moi: après avoir lu celle-ci, je l'envoyai à l'Abbé avec celle qui lui était destinée. Je regrette de n'avoir pu lui faire visite aujourd'hui, mais cela m'a été impossible. Il a dit à mon valet qu'il espérait que M. Brosse aurait terminé ses mesurages assez à temps pour vous les envoyer par ce courrier; M. Brosse m'en avait à peu près fait la promesse quand je lui fis porter votre livre. Mais s'il ne l'a pas exécutée, je ne manquerai pas de lui dépêcher un valet demain matin, regrettant de ne pouvoir y aller moi-même, comme je l'ai fait l'autre fois. Il me faudra pourtant le faire encore si cette fois il ne donne pas ces mesures de son propre mouvement. J'enverrai aussi chez l'Abbé pour savoir s'il veut vous envoyer une réponse.

[51] Nous avons des lettres de la Cour, du 21: on y dit que le lendemain, après le dîner, le Roi doit donner les sceaux du royaume à M. d'Aligre, en remplacement de feu M. de Vic, que Dieu veuille recevoir! Cette nomination est universellement approuvée: M. d'Aligre est un homme modéré, qui sait faire estime de la vertu et du mérite: j'attends avec beaucoup d'impatience que cette nouvelle se confirme et s'exécute.

Le comte d'Alais est mort finalement: toute la Cour en a manifesté une très grande douleur. Le bruit doit avoir passé jusque chez vous du malheur arrivé au Vice-légat d'Avignon. Il revenait d'avoir été complimenter S. M. de la part du pape, et offrir la ville d'Avignon aux deux Reines, quand il fut fait prisonnier, avec 24 à 30 gentilshommes d'Avignon qui l'accompagnaient, avec le comte de Torigny, et l'intendant Porte-Baudouin, tous deux convalescents, qui croyaient pouvoir passer en sûreté avec une pareille escorte, et qui furent amenés à Nîmes, par les Huguenots, qui comptent sur une belle rançon à payer pour une telle proie.

Pour le reste, on a les meilleures espérances quant à la prise de Montpellier. Que Dieu veuille y donner suite! Les deux Reines ont ordre de se rendre à Arles, elles se mettront en route au plus tôt vers cette ville où M. de Luçon espère trouver la barette.

Et sans plus, je vous baise les mains affectueusement.De Paris, le 29 septembre 1622.Votre serviteur affectionné.

Je vous prie de vous informer un peu de l'état du graveur Jacques de Bie; il était ici l'année passée et promettait d'y revenir; il y a très longtemps que je n'ai plus de ses nouvelles.

Post Scriptum. M. Brosse m'a envoyé l'assurance que lundi ou mardi, au plus tard, nous aurons les mesures et l'Abbé m'a prié de vous présenter ses excuses par ce courrier: il vous écrira par le prochain courrier en vous envoyant les mesures.

Ce 30 septembre.

Un de mes amis trouvant chez moi, pendant mon absence, sur la table votre livre des Palais de Gênes, l'emporta avec lui et me dit après qu'il ne me le rendrait pas, de manière que vous aurez encore à vous priver d'un exemplaire en ma faveur. Mais je vous prie d'y ajouter les noms de ceux qui ont fait bâtir ou à qui appartiennent ces palais, pour autant que vous en ayez connaissance, et je vous prie d'excuser la trop grande liberté de ma demande.


[52] COMMENTAIRE.

d'Aligre. Après la mort du garde-sceaux Méry de Vic, deux noms furent mis en avant comme ses successeurs, Etienne d'Aligre et Louis Lefèvre de Caumartin. De Caumartin fut préféré; il mourut en janvier 1623 (Voir lettre du 26 janvier 1623).

Le Vice-légat d'Avignon. Octavien Corsini, vice-légat d'Avignon en 1622, fut envoyé au commencement de septembre par le pape, expressément pour féliciter le roi du succès de ses armes, et fut reçu au camp avec les plus grands honneurs. Comme il retournait à Avignon accompagné du comte de Torigny, il fut pris par l'ennemi et conduit en triomphe à Nîmes avec Torigny et Porte-Baudouin; peu de temps après, le Vice-légat fut remis en liberté contre le paiement par le gouvernement, d'une somme d'argent.



PEIRESC A RUBENS.

Il existe à la Bibliothèque nationale à Paris un cahier manuscrit dans lequel Peiresc annotait les lettres qu'il écrivait à ses divers correspondants. MM. Philippe Tamizey de Larroque et Charles Ruelens en ont publié les parties les plus intéressantes, dans le tome IV du Bulletin Rubens, pp. 1 à 112, sous le titre de Les Petits Mémoires de Peiresc, publication dont 200 exemplaires ont été tirés à part, sous le titre de Petits Mémoires inédits de Peiresc (Anvers, Veuve de Backer, 1889 in-8°). Nous y trouvons mentionnées, comme les autres, les lettres envoyées à Rubens. Nous en tiendrons note au fur et à mesure qu'elles se présenteront.

Le registre commence par les lettres du 4 octobre 1622; le 7 du même mois, Peiresc annote: «A M. Rubens,» sans plus. Cette lettre ne figure pas dans les registres des minutes et des copies des lettres de Peiresc, conservés à Carpentras. Elle est donc perdue pour nous.


PEIRESC A RUBENS.

Lettre citée dans les Petits Mémoires de Peiresc: «14 octobre 1622. A M. Rubens, avec ses mesures.» Il s'agit des mesures des panneaux à remplir par Rubens, dans la Galerie du Luxembourg. La lettre n'est pas inscrite dans les registres de Carpentras.


[53] CCXCII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illmo. Sigr. mio singre.

M'ha fatto V. S. una gratia singolare con la relatione che s'e degnata farmi del libro m. s. del Spalatrense, et le ne resto infinitamente obligato, massime vedendo che a lei non ha tenuto, ch'ella non m'habbia procurata la vista istessa di detto libro, non dubitando che il padrone non lo tenga con molta gelosia, poi che vi stanno tanti contradittori a dosso, ma le ne resto col medesimo obbligo che le n'haverei se l'havessi visto.

Quelli quesiti regii tra l'altre cose haverebbono ben meritato d'essere trascritti se fosse stata cosa di pochi fogli, se capita alle mani di V. S. una seconda volta, io mi prometto ch'ella gli fara coppiare. Intanto vorrei ben sapere se l'authore l'ha communicato a posta accio fosse veduto, o pure se glie l'hanno rubbato. Et se non ha poi havuta alcuna nuova del fato suo doppo la sua partita.

La ranzone del Sr Vicelegato, scrivono della Corte, che si trattava di farla moderare a sette mila schudi con restituire alli ribelli un cappitano celebre, chiamato Beaufort, tenuto prigione alla Bastiglia, gia fin dal tempo del'assedio di Montalbano, havendo loro offerto in scambio il conte di Torigny, ma se la pace sara conclusa, come ne corre la voce, de bisogna credere che si liberara con maggior avantaggio. Quella canaglia di Mompelieri, quando sepero ch'era prigione il Vicelegato, se misero a griddare su le lor mura alli soldati Regij che si dovevano rallegrare, che se n'andava estirpata l'heresia degli Hugonotti poiche il Vicelegato predicava in Nismes.

Stiamo aspettando con grandissima impatienza il successo de l'ultimo trattato d'accommodamento, il quale era stato ridotto a termini molto buoni, ma nonobstante la voce che ne corre, non se n'ha certezza alcuna, anzi pare che vi sia intravenuto qualche intoppo, non senza nostro grandissimo dispiacere. Il Duca di Nevers ha perzo il primogenito Duca di Rethel con incredibile cordoglio et ha fatto metter che ha fortuna al secondo genito, priore della Carita, per cui beneficii s'era fatto tanto rumore et tanto ciazzo.

[54] Il Duca di Boglione si e risserrato con la moglie nel donjone del suo castello senza pratticare con nessuno per la contaggione che fa gran strage in Sedano, havendo attinta la governatrice della figlia del Duca et genero, con certi altri domestici di castello subitamente et con gran terrore di tutti.

La ringratio dell' inclinatione ch'ella s'era assunta per una mia parolina a favore d'un personnaggio di cui il merito e restato indietro, bisogna volere quello che vuol il padrone; in tanto la partialita di V. S. per amore dell' amico obbliga assai e mostra la bonta della sua natura. Io son stato tre volte dal presidente Janino per poter [dar] le conto di S. Malo et ho havuta tanta disgratia che non ho potuto trovarlo di commodita. Ma e ben maggiore la mia vergogna di non potere darle conto del trattato desiderato col Sr P[aulo] Parente, io l'ho visto una volta o due, ma non l'ho ancora potuto condurre a casa per mostrare i marmi di V. S. et so ch'egli e tanto furto che s'egli s'accorge che n'habbiamo voglia e perso il negocio, per cio ch'egli mettera le cose sue su le nuvole et le vostre sotti i piedi. Ce bisogna un poco piu di patienza, ben che passi gia i termini del dovere quella di V. S. Ho caro che le siano tornati in mano que fogli ch'ella haveva negletto appresso d'Ambourg et Tuttino, li quali sonno felicissimi perche hanno havuto l'honore d'accompagnarne tanti altri cosi stupendi. Et senz'altro con ogni affetto le bacio le mani et al negligentissimo ben che meritevolissimo SrGevartio nostro.

Di Pariggi, alli 20 octobre 1622.

Il Sr Abbate ha perzo una sua amica che lo tiene in doglio et m'ha impedito di governarlo per i ritratti, egli me n'ha gia promesso alcuni, et la testa del Re defunto, si potra haver grande, ma non della Regina si ben della forma picciola che V. S. ha vista.

Assicurano qui gli Hugonotti che se ne fuggi il Spinola dall' assedio con tanta precipitatione che lasciò gran quantita d'armi et robbe et mise il fuoco alle tende senza levarne gli ammalati che vi si abbruggiarono in grand numero, il che sarebbe una inhumanita inaudita laquella io non crederei mai et havero caro d'intenderne cio ch'ella ne potra sapere.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc, V. 680.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «20 octobre. A M. Rubens.»


[55] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Vous m'avez fait une grâce singulière par l'exposé que vous avez bien voulu me faire du livre en manuscrit de l'évêque de Spalatro et je vous en suis infiniment obligé, surtout en voyant qu'il n'a pas dépendu de vous de me procurer la vue du livre lui-même. Je ne doute pas, en effet, que le possesseur n'en soit très jaloux, car il aura beaucoup de contradicteurs à dos. En tous cas, je vous ai la même obligation que j'aurais eue si j'avais pu voir le livre. Ces questions du Roi, entr'autres choses, eussent bien été dignes d'être transcrites; s'il ne s'agit que de quelques feuillets et que le livre vous tombe dans les mains une seconde fois, je me permettrai de vous en demander la copie. En attendant, je voudrais bien savoir si l'auteur l'a communiqué à dessein, pour le faire voir, ou seulement si on le lui a volé, et si l'on n'a plus eu aucune nouvelle de son sort après son départ.

La rançon du Vice-légat, écrit-on de la Cour, se négocie afin de la faire réduire à 7000 écus en y ajoutant la restitution aux rebelles d'un célèbre capitaine, nommé Beaufort, que l'on tient prisonnier à la Bastille, depuis le siège de Montauban, et pour lequel on avait offert déjà en échange le comte de Torigny. Mais si la paix se conclut, comme il en court le bruit, il est à croire que la délivrance se fera à des conditions plus avantageuses. Quand cette canaille de Montpellier eut appris la capture du Vice-légat, elle se mit à crier, du haut de ses murs, aux soldats du Roi qu'ils devaient se réjouir, que l'hérésie des Huguenots allait être extirpée puisque le Vice-légat prêchait à Nîmes.

Nous attendons avec la plus grande impatience la conclusion du dernier traité d'accommodement, traité qui avait été ramené à des conditions excellentes, mais malgré la rumeur qui en circule, il n'y a aucune certitude; au contraire, il semble qu'il est survenu quelque empêchement, ce qui nous causerait le plus grand souci. Le duc de Nevers a perdu son fils aîné, le duc de Réthel; il en est affecté d'une manière incroyable et a fait mettre sa fortune sur son second fils, le prieur de la Charité, pour les bénéfices duquel on avait fait tant de bruit et de railleries.

Le duc de Bouillon s'est renfermé avec sa femme dans le donjon de son château, sans communiquer avec personne à cause de l'épidémie qui [56] lait de forts ravages à Sedan et a atteint la gouvernante de la fille du duc et le gendre de celui-ci, et qui a frappé subitement quelques domestiques du château, en jetant l'épouvante parmi tous les autres.

Je vous rends grâce de l'attention que vous avez accordée à un petit mot de recommandation de moi en faveur d'un personnage dont le mérite est resté en arrière: il faut vouloir ce que veut le maître! En attendant, le zèle que vous avez montré pour l'ami, oblige celui-ci, autant qu'il donne une preuve de votre bonté.

Je suis allé trouver trois fois aujourd'hui le président Jeannin pour pouvoir vous rendre compte de l'affaire de St. Malo et j'ai eu la mauvaise chance de ne pouvoir lui parler à l'aise. Mais je suis bien plus honteux de ne pouvoir vous rendre compte de l'affaire que vous désirez conclure avec M. Paul Parent; j'ai vu celui-ci une fois ou deux, mais je n'ai pas réussi encore à le conduire à mon logis pour lui montrer vos marbres. Cependant je le sais, il est tellement voleur, que, s'il s'aperçoit que nous avons envie de faire l'échange, l'affaire est perdue; il portera ses objets à lui aux nues et mettra les vôtres sous ses pieds. Il nous faut un peu plus de patience, bien que la vôtre ait déjà dépassé les bornes raisonnables. Je suis heureux d'apprendre qu'elles sont revenues dans vos mains ces feuilles que vous aviez abandonnées auprès d'Ambourg et de Tuttin et qui sont heureuses d'avoir eu l'honneur d'en accompagner tant d'autres, tout aussi admirables.

Et sur ce, je vous baise affectueusement les mains à vous et à ce très négligent mais très digne M. Gevaerts.

De Paris, ce 20 octobre 1622.

M. l'Abbé a perdu une sienne amie ce qui le tient en deuil et m'a empêché de régler avec lui la question des portraits: il m'en a déjà promis quelques-uns, à savoir la tête du roi défunt, s'il peut la trouver de grande dimension; mais de la reine il n'en a qu'une petite, comme celle que vous avez vue.

Les Huguenots d'ici affirment que Spinola a dû lever le siége avec tant de précipitation qu'il a abandonné une grande quantité d'armes et de chevaux et mis le feu aux tentes de son camp sans en faire enlever les malades qui ont été brûlés en grand nombre. Ce serait là un manque d'humanité tout-à-fait inouï auquel je ne pourrai jamais croire. Je serais heureux d'apprendre ce que vous en savez.


COMMENTAIRE.

Le Manuscrit de l'évêque de Spalatro. Peiresc, comme on le voit, attache une importance extrême à tout ce qui concerne l'évêque de Spalatro; ce [57] qui est remarquable même chez un homme aussi universellement curieux que lui. Nous ignorons comment Rubens a eu connaissance du manuscrit dont il est question ici, mais nous croyons que le séjour de l'auteur à Anvers peut y être pour quelque chose. Papebrochius annote dans son Synopsis Annalium Antverpiensium, publié par le père van Spilbeeck, que Marc-Antoine de Dominis, en venant d'Angleterre, aborda à Anvers, en 1622, y tomba malade, se fit administrer les sacrements des mourants, rétracta ses hérésies et partit pour Rome, où il fut incarcéré comme relaps et mourut.

Le Duc de Nevers. Charles de Gonzague, né à Paris, le 16 mars 1580, hérita de sa mère Henriette de Clèves, les duchés de Nevers et de Réthel. Sous le nom de Charles I, il devint duc de Mantoue en 1627, après la mort du duc Vincent II. Il mourut en 1637. Son fils aîné, François de Paule, duc de Réthel, mourut le 13 octobre 1622 d'une fièvre maligne gagnée au cours d'une expédition contre Mansfeld qui se dirigeait du Luxembourg vers les Pays-Bas. Son second fils Charles, connu comme Charles II de Mantoue, né en 1609, mourut le 30 août 1631. Le fils de Charles II succéda en 1637 à son grand-père, sous le nom de Charles III.

Spinola a levé le siège. Dans l'après-midi du 2 octobre 1622, Spinola quitta ses positions au Nord de la ville de Bergen-op-Zoom; dans la nuit il les abandonna toutes. La grande précipitation, dont il est question ici, n'est pas constatée par l'histoire.


CCXCIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre. Sigr Singularissimo.

Tardano appunto le lettere pin del solito, ho visto volentieri che V. S. fosse stata présente nello sposalitio della Regina Madre in Sta Maria del Fiore et nella sala del banchetto et m'e stato charissimo che V. S. m' habbia rimesso in memoria l'Iride che comparve su la tavola, con quella victoria romana in habito di Minerva che cantò con tanta dolcezza, dispiacendomi sommamente che sin d'allora io non habbia prencipiato la felicissima amicitia intervenuta poi con V. S.

[58] Quando ho parlato delle calze alla Polacca del gran Duca ho adoperato l'usanza nostra qui che faciamo differenza delle calze ordinarie et communi che si solevano legare sotto il ginoccio et che non si portano senza jarretieres. Questi si chiamano bas attaché à la Polacque, perche il re Henrico III le portò di Polonia et l'altre si portano staccate cioe il bas de chausse, et le hault de chausse, ma credo che habbiamo ambi duoi il medesimo concetto perche ne' termini non s'intendiamo, poiche V. S. parla di habito fatto di fascie, la parte superiore delle calze alla Polaccha facendosi quasi sempre di fascie, benche talvolta si faccino di drappo repplicato. Basta che il gran Duca faceva la ceremonia a nome del Re sposo et io lodo sommamente la positura determinata da V. S. dello sposo a destra et la sposa alla sinistra, tutti duoi in proffilo si come anco del Cardinale in habito sacerdotale et pontificio, che cappello in testa mi parebbe un poco troppo repugnante alla verita.

Ma percio che gli entrò in chiesa col cappello in testa, et che per celebrare fu deposto sopra un altarino vicino al maggiore altare, con la cappa et altri habiti cardinalitii, io vorrei trovar qualche luoguetto per collocarvi detto altarino et metter il cappello rozzo di sopra per segno della dignita del Prelato piu certo che la Croce. Ben mi ricordo che gli haveva il pallio archiepiscopale sopra la casula sacerdotale, non so se V. S. trovera apposito di non obmetterlo.

Io ho fatto intendere al Sr Abbate il scrupulo di V. S. intorno la presenza de Mr Le Grand; ma egli dice che V. S. deve seguire la verita de l'historia che le sara nota. Io gli ho fatto hoggi le sue ricomendationi et vorrei che V. S. gli havesse scritto due righe, con tutto che gli non le havesse scritto che veramente egli ha havuto gran fatica pro amore suo in quelle misure, lequelle io non haverei mai ottenute senza la sua diligenza, questo costa poco et obbliga un galanthuomo come questo. Egli e stato tutto tristo della malatia del suo fratello che ha un poco di febre, non senza qualche pericolo.

Se comparisce il Benivienni Fiorentino faremo il servicio a nome di V. S. per conto de 20 franchi. De negocio di St Malo, intendo che si sia rimessa ogni cosa, al ritorno di S. M. et che questi SSi non hanno voglia che si finisca facilmente, mentre durano le differenze publiche di confti stati. Hebbi torto veramente di scordarmi [59] la morte di L. Gamorino amazzato d'una mosquettata nel fronte, andando alle trinciere, con grando dispiacere del Re et del Conte di Schomberg et di molti altri galanthuomini che lo stimavano assai. Io non lo conosceva, ma oltre l'interesse publico me ne lo dispiace non poco vedendo che gli era amico di V. S.

D'altre novità non che vi habbiamo hora di consideratione fuor quelle della pace che gia sono invecchiate; s'aspetta hoggi o domani il corriere che dovera portare l'aviso dell' intrata del Re in Mompelieri. Ma potendosi prima tenere per certa detta pace.

Il Principe di Condé e passato in Italia per Loreto et l'Arcivescovo di Lyone e partito di ordine di S. M. in diligenza, credesi per contrapeso. Se V. S. intende niente del successo della bibliotheca di Heidelberg, che di gratia ci ne faccia parte. Et di cuore la baccio le mani.

Di Pariggi alli 27 oct. 1622.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V. 680 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «28 octobre. A Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Cette fois, votre lettre est arrivée un peu plus tard que d'habitude. J'ai vu avec plaisir que vous aviez assisté aux épousailles de la Reine Mère à Ste Marie des Fleurs et que vous avez été dans la salle du banquet. Vous avez très bien fait de me remettre en mémoire l'arc-en-ciel qui parut sur la table avec cette victoire romaine en habit de Minerve qui chanta avec tant de grâce. J'ai un regret extrême de n'avoir pas, dès lors, commencé avec vous cette heureuse liaison d'amitié qui nous a unis plus tard.

Quand j'ai parlé des bas à la Polonaise du grand Duc, je me suis servi d'une expression en usage ici. Nous faisons une différence entre les bas ordinaires ou communs que l'on a coutume de lier sous le genou, qui ne se portent pas sans jarretières, et que nous appelons bas attachés à la Polacque, parce que le roi Henri III les avait importés de Pologne, et les autres [60] qui se portent non-attachés, c'est-à-dire le bas de chausse détaché du haut de chausse. Je crois que tous les deux nous comprenons également ce détail de costume, nous ne différons que sur les termes; vous entendez parler d'un habillement composé de bandes, et dans les bas à la polonaise, la partie supérieure est presque toujours formée de bandes, quoiqu'elle se fasse quelquefois en drap replié.

Il suffit que le Grand Duc ait fait la cérémonie au nom du Roi époux et j'approuve entièrement la disposition que vous avez donnée aux personnes: l'époux à droite, la fiancée à gauche, tous deux de profil; j'approuve aussi le Cardinal en habits sacerdotaux et pontificaux, mais ce chapeau sur la tête me paraît un peu trop contraire à la vérité. Il est entré, sans doute, dans l'église le chapeau sur la tête, mais pour célébrer, il a déposé cet insigne sur un petit autel voisin du grand-autel, avec la chape et les autres ornements cardinalices; je voudrais donc trouver une petite place dans le tableau pour y loger ce petit autel et déposer par-dessus le chapeau rouge: ce serait un signe plus certain de la dignité du prélat qu'une simple croix. Je me rappelle très bien qu'il portait le pallium archiépiscopal sur la chasuble du prêtre. Je ne sais si vous trouverez qu'il soit à propos d'omettre ce détail.

J'ai soumis à M. l'Abbé votre scrupule relativement à la présence de M. Le Grand, il m'a répondu que vous deviez suivre la vérité historique que vous connaissez bien. Je lui fais aujourd'hui vos compliments et j'aurais voulu que vous lui eussiez écrit deux lignes, à moins que vous ne l'ayez fait depuis, car, vraiment, par amitié pour vous, il s'est donné beaucoup de peine pour obtenir les mesures; sans ses diligences, je ne les aurais jamais obtenues. Une lettre vous coûtera peu et vous obligerez un galant homme. Il a été bien triste de la maladie de son frère qui a un peu la fièvre, non sans quelque danger.

Si le Benivienni de Florence apparaît, nous ferons l'opération en votre nom au prix de 20 francs. Quant à l'affaire de St. Malo, j'apprends que tout a été remis jusqu'au retour de S. M. Ces Messieurs n'ont aucun désir de la terminer aussi facilement tant que dureront les différends politiques avec les Etats-Fédérés.

J'ai eu vraiment tort de ne pas me rappeler la mort de Gamorino tué d'un coup de mousquet au front en se rendant aux tranchées. Cette mort a causé un très grand déplaisir au Roi et au Comte de Schomberg, ainsi qu'à beaucoup d'autres personnages de qualité qui l'estimaient beaucoup. Je ne le connaissais pas, mais outre le souci de l'intérêt public, j'ai une autre raison de m'affliger de sa perte, c'est de savoir qu'il était de vos amis.

[61] Nous n'avons pas en ce moment d'autres nouvelles d'importance, excepté des nouvelles de la paix: mais celles-ci sont déjà anciennes. On attend aujourd'hui ou demain le courrier qui doit apporter l'annonce de l'entrée du Roi à Montpellier. Mais en tout cas, l'on peut être certain de la paix.

Le prince de Condé a passé en Italie par Lorette et l'archevêque de Lyon est parti en hâte par ordre de S. M. On croit que c'est pour tenir la balance égale. Si vous entendez quelque chose de ce qui est advenu de la bibliothèque de Heidelberg, faites-le moi savoir, de gràce.

Et de tout coeur, je vous baise les mains.De Paris, le 27 octobre 1622.

COMMENTAIRE.

Les épousailles de la Reine Mère. Le 5 octobre 1600, le grand duc de Toscane, Ferdinand de Médicis, épousa par procuration sa nièce Marie de Médicis, au nom de Henri IV, dans l'église Santa Maria del Fiore à Florence. Ce fut le Cardinal Aldobrandini qui célébra le mariage. Les représentants de la France étaient Roger de Bellegarde, grand-écuyer de France, porteur de la procuration du Roi, et le marquis de Sillery, négociateur de cette alliance. Les critiques de Peiresc portent sur des détails de l'esquisse que Rubens avait faite de cette scène. Dans le tableau définitif, tous les personnages portent des bas sans jarretières dont le bord supérieur est recouvert par le haut de chausse; le Cardinal Aldobrandini est coiffé de la mître épiscopale, son chapeau rouge est déposé sur l'autel auquel il officie; il porte le pallium sur la chasuble. Monsieur Le Grand ne figure pas dans la cérémonie.

Monsieur Le Grand. Nous croyons qu'il faut lire Legrain ou Legrin. Jean Baptiste Legrain, né à Paris en 1565, fut attaché à la personne de Henri IV et fut maître des requêtes sous Marie de Médicis. Il mourut le 2 juillet 1642. Il écrivit divers ouvrages historiques dont les principaux se rapportent à l'histoire de Henri IV et de Louis XIII. En 1614, il fit paraître: Décade contenant la vie et les gestes du roi Henri Le Grand; en 1619: Décade contenant l'Histoire de Louis XIII depuis l'an 1610 jusqu'en 1617. Rubens aura consulté cet auteur et aura voulu l'introduire comme spectateur et futur historien de la cérémonie du mariage.

Gamarin (Gaborin). Voir la lettre du 9 juin 1622.

Entrée du roi à Montpellier. Montpellier venait de se soumettre le 19 octobre 1622.

L'Archevêque de Lyon. Denis Simon, cardinal de Marquemont, archevêque de Lyon de 1612 à 1626.

[62] La Bibliothèque de Heidelberg. Le 20 septembre 1622, la ville de Heidelberg fut prise par les Impériaux sous le commandement de Tilly. L'année suivante, l'ancienne et célèbre bibliothèque que l'on conservait dans le choeur de l'église du Saint Esprit fut envoyée par Tilly à Rome au Vatican, où elle est désignée sous le nom de Bibliothèque palatine. Elle renfermait 3500 manuscrits. 38 des meilleurs que les Français avaient enlevés à Rome et transportés à Paris furent repris en 1815. Le pape Léon XIII a rendu à la Bibliothèque de l'Université de Heidelberg les 852 manuscrits vieux-allemands que le Vatican possédait encore.


CCXCIV
PEIRESC A RUBENS.

Molto illre Sigr mio ossmo.

Rendo le solite gracie che devo alla solita cortesia di V. S. che non si stanca mai di obligarmi, senza ch'io posso fare la centesima del debito mio. Ho visto molto volentieri li particolari dell' assedio che sono accompagnati di ogni sorte di verisimilitudine. Non ho potuto vedere il Sgr Brosse, ma ho visto il Sgr Abbate, il quale la risaluta di cuore; gli ho mostrato cio che V. S. mi scrive intorno alla finestra che s'haveva da fare sopra la porta della terrazza della Galleria. Egli mi ha detto assolutamente che non s' haveva da ordinare finestra alcuna, perciò che non se ne dell'altra banda di rimpetto; io replicava l'oscurita della quale io haveva altre volte fatto grande opposizione al Sgr Brosse. Ma eggli stette sempre sodo che se la Regina le commendava si potrebbe fare, ma ch'egli non lo poteva giudicare apposito, et che più tosto bisognarebbe far la porta garnita di vetro, a guisa di fenestra, de la meta in sù. Io lo rivedero a posta et le ne dirò il successo. In tanto ella può ben essere sicura che il luoco di detta finestra non e compreso o tocante sotto l'arco della porta di sicuro, anzi che se dovesse essere, sarebbe sopra l'arco di detta porta et occuparebbe gran spatio per la grossezza del muro; [63] che obligarebbe a slargare il buso per il dentro, per darci della luce conveniente.

Per conto delli quattro quesiti, io tengo che senza alcun scrupulo puo V. S. far l'arme del Re indorate, anzi quando sarebbono fatte all' antiqua non darebbe noja, sendo certo che lui vivendo si dilettava assai di veder suoi ritratti o figure vestite all' antiqua et nobilmente arricchite, anzi quando gli si diceva che gli doveva esser piu curioso di portar habiti ricchi et tempestati di gioie, egli rispondeva ch'era troppo gran suggettione et che gli bastava di essere carico ne' suoi ritratti. Della notte dove comparisce Lucina, mi pare che V. S. non debbe far alcun scrupulo (siccome dice il Sgr Abbate ancora) massime poi che la verita conviene et che V. S. vi trova qualche commodita per l'arte della pittura.

L'altare del S. Maria del Fiore similmente deve essere assolutamente al suo arbitrio et se dura lo scrupulo di V. S. nel soggietto del Christo morto, facendo un tabernacolo da collocare il Santmo Sacramento, non si fa niente contra la verita et si leva la noia della tristitia del soggietto. Pure quando si vede un Christo morto, massime di marmo, io non li trovarei tanto inconveniente, supplendo ogni diffetto l'excellenza dello scultore.

Ma la difficolta del velo e un poco maggior dell' altra, havendosi da trattare con donne et il Sr Abbate non ardisce di darne consiglio assoluto, temendo che molti piglino per vestito spagnuolo quello che sara piu tosto Romano antiquo. Ben dice egli che sendo le figure eccellenti nell' arte di pittura, si passera facilmente sopra ogni difficolta che vi si potrebbe formare.

Il Sigr Des Granges, suo fratello, e stato gravemente ammalato di febre continua, ma si e convertita in terzana et se ne spera ottima riconvalescenza in breve. Io le consiglio di scrivere une righe al Sr Abbate per li rittratti et gessi delle teste ch'ella domanda, accio si faciliti ogni cosa, et mi pare che gliel' haveva scritto gia un pezzo fa. Mi par stato carissimo che il Sgr Marchese d'Alluye habbia dato una occhiata alle sue gemme, se non a tutte, al meno ad alcune delle principali, et mi dispiace sommamente di non haver havuto la medesima felicita, assicurandola che se la mia lite si fosse possuta terminare questo settembre, come io aveva sperato, io le sarei stato [64] adosso un giorno senza ch'ella se ne fosse accorta, non per altro che per vederla ella et quelli suoi thesori, ch'ella possiede, non solamente in materia di gemme antique, ma di quelli amici di tanto merito che non cessano il culto dovuto alla sua virtu e sommo valore, cioe il Sgr Roccox et li SgrGevartio, li quali io risaluto di tutto il cuore, bacciandole per infinite volte le mani.

Di Pariggi, alli 3 novembre 1622.Di V. S. mia Illre. Serv.

La nuova della pace sara cosa notissima hormai a V. S. et e hormai vecchia sendosi intesa di certo il segguente giorno della partita dell' ultimo ordinario. Il Re se verra hora in Provenza et vuol veder ancora il Delphinato, venendo in Lyone. La nuova della pace non sopragionse alla Rochella sinon Venerdy passato et il giorno precedente. Il Sgr Duca di Guisa con 37 vascelli et 10 galere combatte il nemico che haveva 70 vele, mise tutto in disordine; ne portò in fondo sei vascelli con perdita loro di 2000 huomini, havendone preso prigioni sino a 200 et piu, et fra gli altri un delli deputati del consiglio della Rochella. Il resto del armata nemica sendosi salvato al mare come puote. Il cui successo avenne a 4 miglia della Rochelle et del campo regio del Comte di Soissons, sendo uscito sul lido un gran popolo della Rochelle et sino alle donne per veder quello spettacolo. Se e perso dalli nostri, il Sgr di Vinceguerra, celeberrimo corzaro che e grando perdito et 405 gentil huomini con 400 altre persone.

Poscritta. Ho inteso un gran disgratia arrivata hier sera nel Louvre, dove Monsieur, fratello del Re, giucando con un bastone in mano, et facendo girare un globo suspenso nella Galleria, si rupe la corda alla quale era attacato et gli casco sopra le spalle havendogli un poco offesa la testa ancora, gli cavarono sangue subito, et hoggi, per gratia di Dio, si trova essere senza pericolo, secondo la relatione de' medici et cirurgi.

Alli 4 novembre.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc, V. 681.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «4 novembre. A M. Rubens avec les commissions, etc.«


[65] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur,

Comme de coutume, je dois vous rendre grâces de votre courtoisie habituelle, qui ne se fatigue jamais à m'obliger, sans que je puisse vous en rendre la centième partie. J'ai lu avec plaisir les détails du siège, détails accompagnés de diverses conjectures très vraisemblables. Je n'ai pu voir Mr Brosse, mais j'ai vu Mr l'Abbé qui vous salue de tout coeur. Je lui ai communiqué ce que vous m'écrivez au sujet de la fenêtre qui devait être percée au-dessus de la porte de la terrasse de la Galerie. Il m'a dit positivement qu'au'cune fenêtre ne devait être percée parce qu'il n'y en a pas de l'autre côté, en face. Je lui objectai l'obscurité pour laquelle, plusieurs fois, je m'étais mis en grande opposition avec Mr Brosse. Mais il ne cessa de tenir bon, disant que si la Reine l'approuvait, la chose pourrait se faire; que lui ne pouvait pas être d'un avis opposé, mais qu'il faudrait plutôt y faire une porte garnie de verre, en guise de fenêtre, depuis le milieu jusqu'en haut. Je le reverrai expressément et je vous dirai la suite. En attendant, vous pouvez être sûr que l'ouverture de cette fenêtre n'est pas prise sous le cintre de la porte de sûreté, et ne touche pas celui-ci, mais que si elle devait se faire, ce serait au-dessus du cintre de cette porte où elle occuperait un grand espace à cause de l'épaisseur des murs qui obligerait d'élargir la baie intérieure pour donner une lumière suffisante.

Pour répondre à vos quatre questions; je tiens d'abord que, sans aucun scrupule, vous pouvez donner au roi une armure dorée; même quand elle serait faite à l'antique, elle ne donnerait pas lieu à être critiquée, car il est certain que, de son vivant, il aimait assez de se voir, sur ses portraits ou ses statues, revêtu d'un costume à l'antique et richement orné; et même quand on lui disait qu'il devrait être plus porté qu'il ne l'était aux vêtements somptueux et chargés de joyaux, il répondait que c'était un trop grand fardeau pour lui et qu'il lui suffirait d'en être chargé en peinture: quant à la nuit dans laquelle apparaît Lucine, cela ne doit pas, me semble-t-il, vous causer le moindre scrupule et Mr l'Abbé est du même avis, surtout lorsque la vérité l'exige et que vous y trouvez quelque avantage au point de vue de la peinture.

[66] De même, l'autel de Ste Marie des Fleurs doit être absolument laissé à votre convenance et si vous persistez toujours dans votre objection contre ce sujet du Christ mort, vous pouvez le remplacer par un tabernacle où se place le Saint Sacrement; vous ne faites, ainsi, rien de contraire à la vérité et vous vous délivrez de l'ennui de reproduire là un sujet aussi triste. Pourtant, si l'on avait sous les yeux une pietà, surtout si elle est en marbre, je n'y verrais aucun inconvénient; dans ce cas, l'admiration de l'oeuvre du statuaire détruirait toute autre impression moins agréable.

La difficulté relative au voile est un peu plus grande, car on y a affaire aux dames. Mr l'Abbé lui-même n'ose pas donner un conseil péremptoire, il craint que beaucoup de personnes ne prennent pour un vêtement espagnol ce qui serait plutôt une antique draperie romaine. Du reste, il est d'avis que si les figures se distinguent par leur mérite artistique, on passera aisément sur les détails auxquels on trouverait à redire.

Mr des Granges, le frère de l'Abbé, a été gravement atteint d'une fièvre continue qui s'est transformée en fièvre tierce; nous espérons que bientôt sa convalescence ira au mieux. Je vous conseille d'écrire quelques lignes à l'Abbé au sujet des portraits et des épreuves de têtes en plâtre que vous désirez avoir: vous les obtiendrez ainsi plus facilement: il me semble même que vous lui en avez déjà écrit il a y quelque temps.

J'apprends avec grand plaisir que le Marquis d'Alluye est venu jeter un coup d'oeil sur vos pierres gravées, sinon sur toutes, du moins sur quelques-unes des principales, j'ai un regret extrême de n'avoir pas eu le même bonheur, je vous assure que si mon procès avait pu se terminer en septembre, comme je l'avais espéré, je serais venu vous tomber à dos sans que vous vous en fussiez aperçu, rien que pour vous voir, vous et vos trésors, non seulement en fait de camées, mais encore en fait d'amis, car vous en avez qui sont du plus grand mérite et vous rendent le culte qui vous est dû, pour vos hautes qualités et votre talent supérieur, c'est-à-dire Messieurs Rockox et Gevaerts que je salue de tout mon coeur, en vous baisant mille fois les mains.

De Paris, le 3 novembre 1622.

La nouvelle de la paix doit vous être bien connue aujourd'hui; elle est déjà vieille, car elle a été confirmée ici le lendemain du départ du dernier courrier. Le Roi arrivera en ce moment dans la Provence et veut voir encore le Dauphiné avant d'arriver à Lyon. L'annonce de la paix n'est arrivée à La Rochelle que vendredi passé. La veille, le Duc de Guise, avec 37 vaisseaux et 10 galères, livra bataille aux ennemis qui avaient 70 voiles et les mit en déroute. Il coula à fond six vaisseaux, avec 2000 hommes, [67] et fit plus de 200 prisonniers, parmi lesquels se trouve un des députés au conseil de La Rochelle. Le reste de l'armée ennemie s'est sauvé par mer comme ils l'ont pu. Cette victoire a été obtenue à quatre milles de La Rochelle et du camp royal du Comte de Soissons: une grande foule de La Rochelle, et jusqu'aux femmes, etait accourue sur le rivage pour assister à ce spectacle. De notre côté, nous avons perdu M. de Vinceguerre, célèbre corsaire, — c'est une perte sensible — puis quatre ou cinq gentils-hommes et quatre cents autres combattants.

Post scriptum. J'apprends un accident fâcheux arrivé hier au soir, au Louvre: Monsieur, frère du Roi, jouant dans la Galerie avec un bâton, faisait tourner une boule suspendue à une corde qui est venue à se rompre. La boule lui est tombée sur les épaules en lui faisant une contusion à la tête. On lui fit une saignée immédiatement et, grâces à Dieu, il est hors de danger aujourd'hui selon le rapport des médecins et des chirurgiens.

Le 4 novembre.

COMMENTAIRE.

Armure du Roi. Les quatre questions posées par Rubens à Peiresc se rapportent à des détails de différents tableaux de la Galerie de Médicis. La première concerne l'Apothéose de Henri IV où le Roi est représenté portant une armure antique. La seconde se rapporte à la naissance de Marie de Médicis où l'on voit Lucine, la déesse, qui préside aux naissances, apparaissant au milieu des ombres de la nuit et portant le flambeau de la vie qui éclaire la scène. La troisième concerne le mariage par procuration de Marie de Médicis (OEuvre de Rubens n° 734), où l'on voit sur l'autel devant lequel la cérémonie a lieu, un groupe en marbre du Christ mort, couché sur les genoux de son père. On ne saurait préciser à quel tableau a trait la question du voile. Il est propable que c'est à l'apothéose de Henri IV où figure la reine veuve drapée dans un voile.

Le Marquis d'Alluye. Charles d'Escoubleau, marquis de Sourdis et d'Alluye, frère des deux Archevêques de Bordeaux, François et Henri de Sourdis, était un collectionneur distingué qui mourut en 1666.

La nouvelle de la paix. La paix fut conclue entre le Roi de France et les Hugenots à Montpellier, le 19 octobre 1622. L'édit de Nantes restait en vigueur. Les fortifications des villes, places, châteaux et forts occupés par les réformés devaient être démolis, les anciennes murailles, tours et fossés demeuraient en leur état, avec défense de les fortifier. Des précautions furent prises pour le rétablissement de la religion catholique partout où elle avait été abolie.

[68] La bataille. Le combat de l'île de Ré eut lieu le 27 octobre 1622. Les Rochellois avaient soixante-dix navires, quinze cents des leurs y furent tués ou noyés; les royalistes perdirent quatre cents hommes. Le député de La Rochelle fait prisonnier se nommait Tassère.

M. de Vinceguerre. Il périt par une blessure reçue en voulant éteindre les flammes qui consumaient un des navires de guerre dans la bataille navale livrée par le Duc de Guise aux Rochellois.

Monsieur, frère du Roi. Gaston Duc d'Orléans.


CCXCV
L'ABBÉ MAUGIS A RUBENS.

J'ay receu celle qu'il vous a pleu m'escrire du 3e de ce mois. J'ay esté bien content de ce que vous avez eu pour aggréable les mesures que l'on vous a envoyées des trois grandes places pour mettre des tableaux à la galerie de la Royne. Pour l'ouverture que désirez au-dessus de la porte de la terrasse, la Royne n'a eu aggréable que l'on la fist. Tout ce que vous pouvez désirer en cette 2e affaire, c'est que l'on brise la porte par en hault et que l'on y mette une vitrine. Je crois que si l'on faisoit la fenestre que désirez, qu'elle apporterait un faux jour aux tableaux qui seroient à l'opposite. La Royne ne voulant pas l'ouverture, je vous conseille n'y penser plus et vous arrester aux mesures que l'on vous a envoyées et ne manqueray de vous envoyer la teste du Roy deffunct en plastre bien faicte qui aura esté moulée sur le naturel. Pour la teste de la Royne mère, l'on n'en n'a point faicte en ronde bosse de bien. Mr de Loménie a une petite teste en bronze de la Royne mère. Si vous l'avez agréable l'on vous en envoyera une en plastre de mesme. Elle est faicte par maistre Barthélemy Prieur, qui estoit bon sculpteur. Vous devez croire que je tiendray tousjours à extrême faveur vous pouvoir servir et que chercheray tous les moyens qui me seront possibles pour ce faire à toutes occasions, sachant ce qui est deub à vostre mérite, ne pouvant avoir un plus grand contentement que d'estre employé pour vostre service. Conservez-moy [] [] [69] toutes vos bonnes grâces et me recevez à vous baiser les mains en qualité, Monsieur, de vostre très cher et très affectionné serviteur.

A Paris ce 4 nov. 1622 (1).

Maugis, abbé de St Ambroise.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V. 684 v°. Publiée avec quelques variantes par L. Clément de Ris dans: Les Amateurs d'autrefois p. 58.


COMMENTAIRE.

Barthélemy Prieur né à une date inconnue, vers 1540, mort à Paris en 1611, fut élève de Germain Pilon, visita l'Italie, se maria vers 1570. Il eut de son vivant une grande réputation et se distingua comme sculpteur de bustes. Il fit ceux de Henri III et de Henri IV, qui sont au Louvre. Il portait le titre de premier sculpteur du roi.


CCXCVI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre. Sigr mio singmo.

Hebbi hieri la lettera di V. S. con quella del Sr Abbate a cui la mandai subito insieme con la mia ma non l'ho potuto vedere. Andai l'altr' hieri dal Sr Brosse, ma era fuori et non s'aspettava prima della settimana prossima di modo che non la posso risolvere della finestra ch'ella desiderava nel 3° vano grande. Vidi il Sr Bertelotto che la saluta con ardore indicibile. La longhezza straordinaria e cattivo essito del negocio di S. Malo ha data occasione a certi mercanti di Dieppe che cercavano ripresaglia contra que di Daneramarcha di fuggire l'intervento del Sr Chancelliere di Sillery, come un poco molle in cose che hanno di bisogno di risolutione, li quali sendo andati [70] dritto al Re et al consiglio stabilito presso la sua persona, hanno ottenuto la ripresaglia tutta secreta, et sendo venuti al Porto di Dieppe senza potere ottenere licenza dal Governatore d'esseguirla, sonno andati a Calais, dove hanno trovato un vecchio cavaliere gallicano che gli ha dato la licenza et hanno fatto l'arrestamento di tutte le facolta di Danemarca. Alcuni di Bordeaux chiedendo simul represaglia utimamente sopra gli Inglesi per una nave di Canada, et havendo preso una nave inglese, il Sr cancelliere la fece subito restituire. Del resto mi dispiace ben della malattia che fa costi tanto fracasso; preggo Iddio che la conservi con perfetta sanita.

Havera V. S. gli articoli per conclusione della pace. Altro non habbiamo qui di nuovo per adesso. Monsieur, fratello del S. Mata commincia a correre come prima senza poterlo far stare fermo. Egli hebbe gia otto giorni una percossa in testa della figurina di metallo che gli casco adosso con gran paura degli assissenti, per il gran pericolo che lei corse d'esser ammazzato, gli cavarono subito del sangue e per gracia divina egli non hebbe poi febre. Et con tal fine, assicurandola che faro cercar il pezzo d'Agatha, le baccio le mani affettuosissimamente, un poco in fretta.

Di Pariggi, alli XI Nov. 1622.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V. 682.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: XI novembre. Rubens.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Je reçus hier votre lettre pour moi et votre lettre pour M. l'abbé; à qui j'envoyai immédiatement l'une et l'autre. Je n'ai pu le voir. Avant-hier, je suis allé chez M. Brosse, mais il est absent et on ne l'attend pas avant la semaine prochaine, de sorte que je ne puis vous donner de solution au sujet de la fenêtre que vous désirez avoir dans le 3e grand panneau. J'ai vu M. Bertelot qui vous salue très chaleureusement. La longueur extra-ordinaire et la mauvaise issue de l'affaire de S. Malo a donné occasion à [71] quelques marchands de Dieppe qui cherchaient des représailles contre ceux du Danemarc, de renoncer à l'intervention de M. le chancelier de Sillery pour être un peu mou dans les choses qui demandent de la résolution. Ils sont allés directement auprès du Roi et du conseil attaché à sa personne et ils ont obtenu qu'on userait secrètement de représailles. Etant venus au port de Dieppe, sans avoir pu obtenir du gouverneur la permission de les exécuter, ils sont allés à Calais, où ils ont trouvé un vieux chevalier français qui leur a donné licence et ils ont fait arrêt sur tous les biens des Danois. Quelques marchands de Bordeaux ayant demandé de pouvoir exercer des représailles semblables sur des Anglais pour un navire du Canada, et s'étant saisis d'un navire anglais, furent obligés de restituer celui-ci immédiatement sur l'ordre du chancelier.

Je suis désolé d'apprendre qu'une maladie exerce chez vous de grands ravages: je prie Dieu de vous conserver la santé parfaite.

Vous aurez reçu les articles du traité de paix. Pour le moment, je n'ai pas d'autres nouvelles. Monsieur, frère du Roi, commence à marcher comme auparavant sans pouvoir se tenir droit. Il y a huit jours, il reçut sur la tête le coup d'une petite figure de métal tombée sur lui; les assistants en conçurent une grande frayeur, car il a manqué d'être tué. On lui tira du sang immédiatement, et, grâces à Dieu, il n'eut pas la fièvre. .

En finissant, je vous promets de faire chercher la pièce d'Agathe, et je vous baise les mains avec effusion, mais un peu à la hâte.De Paris, le 11 novembre 1622

COMMENTAIRE.

Sillery. Nicolas Brulart de Sillery, conseiller au parlement de Paris en 1573, homme de confiance des rois Henri III et Henri IV, garde des sceaux en 1603, chancelier de France en 1607. Les sceaux lui furent ôtés en 1616 et rendus en 1623, à la mort de Caumartin. Sous Louis XIII, son crédit diminua. S'étant opposé à l'élévation du cardinal de Richelieu, le puissant ministre le fit disgracier. Il se retira dans sa terre de Sillery en Champagne où il mourut en 1624, âgé de 80 ans. On le dépeint comme un homme d'un naturel patient, complaisant, simple, adroit, s'accommodant à tout pour augmenter ses biens et ses honneurs. Ces traits concordent bien avec le caractère, que Peiresc trace ici de lui en un seul mot.


[72] CCXCVII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sigr mio singmo.

Doppo il ritorno del Sr Brosse non l'ho potuto vedere prima d'hieri et havendogli fatto i debiti complimenti di parte di V. S. per l'essatezza delle misure mandatele egli si offeri prontissimo ad ogni suo cenno. Io accettai l'offerta et gli dissi che grandissimo favore egli potrebbe fare a V. S. di trovar mezzo di render cappare la Regina et il Sr Abbate che ci voleva una finestra sopra la gran porta della terrazza accio di far spiccare le pitture ch'andano in quel fondo della galleria et senza lasciarlo venire alla luce che si può cavare dall' istessa porta io lo prevenni dicendo che quella luce, venendo di basso, non era convenevole alle pitture come quella che viene di sito piu alto, il che egli mi concesse con gran ingenuita et condescese volentieri a far dal canto suo ogni sforzo dicendo che non vedeva che fosse cosa tanto difficile ad ottener, et che poteva dipendere dell' arbitrio di V. S. più che d'ogni altro per cercar il maggior lustro ed il maggior vantaggio delle sue pitture et che ricognoscendo le raggioni di V. S., egli passava al suo parere et credeva che fosse necessario aggiongendo ch'egli haveva detto a V. S. che si potrebbe far cosi ogni volta che cosi le piacesse et che s'egli sene fosse ricordato facendo i dissegni, l'haverebbe notato a suo luogo, ma ch'egli mene darebbe le misure hoggi per mandargliele. Io ci ho mandato hoggi per toglierle, ma egli m'a risposto che non haveva potuto finirle et che domattina le potrei havere. Io vi mandero domani et se non si havino a tempo, anderanno per la prima commodita.

Ho poi havuto hoggi la sua delli XI, et visto quanto le premeva questo negocio, di modo che lo trattaro con tanto maggior ardore, sperando che V. S. potra fare il tutto a suo beneplacito et che finalmente si dontara la fierezza del contradittore a cui se V. S. havesse scritto da principio non credo che si fossero trovati questi intoppi sendo mi veramente accorto d'un pochetto di gelosia per laquale si taglia del volere assoluto della padrona in cose che si [73] rilassono poi il giorno seguente, experto crede Roberto. Et cosi spero ch'avenira per questo particolare, non dubita V. S. della sua lettera che altri occhi che gli miei non la vederanno. Et se V. S. vuole gliela rimandero ma sin tanto che si finisca il negocio, io la serbo per ricordo delle ragioni di V. S. accio di vincere quella persona. Quanto al velo gia si e rilassato il Sr A[bbate] dicendo che lo lascia alla discretione di V. S. et che sendo opera esquisita e degna di un par suo quando sara fatta, non vorebbe la Regina che se ne scancellasse un tiro di pennello massime attacandosi all' habito Romano antiquo et discostandosi quanto si potra dallo spagnuolo. Anzi io gli dissi et e vero d'haver visto ritratti della Regina madre fatti in sua presenza nelli quali Ella si faceva pingere in habito Sybillino per cercar maggior vantaggio alla venusta et di diverse maniere, cosi del pittore Cahier come di altri il che mi confesso esser vero ma era in buon humore.

La pace e certissima et indubitata: si hanno avisi da Mompelieri che gli habitanti Hugonotti istessi sen andavano spontaneamente lavorar in numero di piu d' 800 alla demolitione delle fortificationi con gran furia, dicendo che gli tardava assai di veder spianar l'oggetto delle lor rovine. Et que' di Nismes d'impatienza del tempo che si perdeva mentre non veniva il contestabile alla lor citta per ordinare simile demolitione gli havevano scritto et fatto supplica che si degnasse dargli aviso in tanto d'onde gli piaceva che si principiassero dette demolitioni. Que' di Montalbano hanno ricevuto con giubilo un consigliere del parlamento di Tholosa venuto per detta pace et portato le chiavi al Mareschiale di Temines che non era distolto di la nia non si ha ancora aviso ch'egli vi habbia fatta la sua entrata. Si spera che i Rochellesi faranno parte del debito loro anch'essi havendo fuggito l'occasione di nuova battaglia per aspettar l'ordine della pace. Que' di Privas che sono stati li primi di tutti con l'arme in mano havevano voluto essere gli ultimi, et ci andava il Mareschial di Bassompierra per assediarli con il conte d'Auvergne ma sono venuti all' incontro con le chiavi et ogni uno vorra godere un poco di quiete.

Il Re e andato a fare una scorza in nostro paese sendo partito d'Arles il secondo del corrente giunto in Aix alli 3 partitone alli 5 per andare a S. Maximino et vede le reliquie della Maddalena la Domenica sentir mezza alla Sta Baume. Et il lunedi giongere a [74] Marsiglia dove si credeva che S. M. trovarebbe il Duca di Savoya sendosi viste le sue tre galere ch'andavano a quella volta; di la se ne viene a Beaucaire per l'apertura delli stati di Lingua d'Occa et poi per Avignone se ne viene a Lyone dove non si fara tanto soggiorno poi che il complimento del Duca di Savoya sara spedito. S. M. fa conto d'arrivarci alli 25 stante.

Il globo che cascò sopra la persona di Monsieur pesa 44 libre e di metallo con cerchi meridiani verticali orizontali et haveva 4 figurine su l'horizonte l'una delle quali feri col suo braccio quel principe. Se tutto il globo gli havesse dato in testa, era spedito cascando un tal peso di piu di 10 piedi d'altezza; non si ruppe la corda come s'era detto ma il globo era sospeso et attacato con fibola passata a vite (ma forzi non so dire il termine proprio) et con farlo girare usci la vite dalla sua fibola et cascò lo stromento e un gran miracolo et gran favore dalla somma bonta divina.

Et senz' altro ringratiandola con il Sgr Roccox di tanta amore-volezza, ad ambidue di tutto cuore baccio le mani et prego contentezza.

Di Pariggi, alli 17 novembre 1622.Servit. affmo.

Il cavaliere non m'a reso la risposta della sua Agatha ma ci recaro diligenza. Ho havuto il dissegno del Sr Brosse, ma come egli lo finij hier sera non restando altro che le chiffre della misura ch'egli faceva conto di metter questa mattina, ma non havendo potuto dormire questa notte, non si e potuto svegliare a ciò le finisse, et io credo che V. S. le potra supplir facilmente con quelle ch'ella ha presso di se et se non le e facile, rimandandomi il dissegno lo faro supplire, con la perdita di due settimane di tempo.

Alli 18.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, V. 682 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: 18 novembre. A M. Rubens avec la fenestre.


[75] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Depuis son retour, j'ai pu voir seulement hier Mr Brosse, et lui présenter vos remercîments pour l'exactitude des mesures qu'il vous a envoyées: il s'offre à vous servir promptement en toute chose. J'acceptai cette offre et lui dis quel immense service il pouvait vous rendre en trouvant le moyen de faire comprendre à la Reine et à l'abbé que vous désiriez vivement que l'on ouvrît une fenêtre au-dessus de la grande porte de la terrasse, afin d'éclairer les peintures qui viennent dans le fond de la Galerie, et pour répondre d'avance à l'offre qu'il me ferait de prendre la lumière dans la porte elle-même, je lui dis que cette lumière venant de bas en haut ne convient pas aux peintures comme celle qui vient de haut. Il en convint très ingénûment et s'engagea volontiers à faire, de son côté, son possible pour me donner satisfaction, tout en ne voyant pas que la chose fût difficile à obtenir, car il doit dépendre de vous plus que de personne d'autre de présenter vos compositions dans leur plus grand éclat et dans tous leurs avantages. Donc, se rendant à vos raisons, il adoptait votre projet dont il reconnaît la nécessité. Il ajoutait vous avoir dit, qu'en toute occasion, il ferait tout son possible pour vous être agréable; s'il se fût souvenu de votre recommandation quand il exécutait ses dessins, il en aurait tenu note en son lieu, mais ajoutant qu'enfin il me donnerait aujourd'hui même les dimensions pour que je puisse vous les adresser. J'ai envoyé aujourd'hui pour les faire prendre, mais il m'a repondu qu'il n'avait pu terminer la besogne et que j'aurais les mesures demain matin. Je vous les enverrai donc demain, et si elles ne m'arrivent pas à temps, elles partiront par la première occasion.

J'ai reçu, aujourd'hui déjà, votre lettre du II, et j'y vois combien cette affaire vous tient au coeur, de sorte que je mettrai plus d'ardeur encore à la traiter, dans l'espoir que tout se fera selon votre bon plaisir et que nous dompterons enfin l'entêtement de notre contradicteur. Si vous lui aviez écrit, dès le principe, je crois que nous n'aurions pas rencontré ces obstacles qui proviennent d'un brin de jalousie pour laquelle il exploite la volonté absolue de la maîtresse dans les affaires, dont elle ne s'occupe plus le lendemain: experto crede Roberto. Dans notre cas, je l'espère, il en adviendra de même.

[76] Vous pouvez être assuré que pas d'autres yeux que les miens ne verront votre lettre. Si vous le désirez, je vous la renverrai, mais pas avant la fin de l'affaire; ayant besoin de la consulter pour les arguments que vous apportez contre l'obstination de la personne.

Quant à la question du voile, l'abbé s'est déjà rendu: il la laisse à votre discrétion. Si l'oeuvre est excellente et digne de tout ce que vous avez fait, lorsqu'elle sera terminée, la Reine ne voudrait pas que l'on en efface un trait de pinceau, surtout s'il s'agissait de modifier l'antique costume Romain, pourvu qu'il s'éloigne autant que possible du costume espagnol. Je lui ai dit, et c'est la vérité, que j'ai vu des portraits de la Reine Mère exécutés d'après nature, sur lesquels elle s'est fait peindre en costume de Sibylle, cherchant ainsi à faire paraître sa beauté plus avantageusement et de diverses manières: c'est ainsi que l'a représentée le peintre Cahier et d'autres encore. Il m'avoua que c'était exact: il est vrai qu'il était de bonne humeur.

La paix est certaine et officielle. Les nouvelles de Montpellier nous apprennent que les habitants Huguenots eux-mêmes vont travailler spontanément, au nombre de plus de 800, et avec la plus grande ardeur, à la démolition de leurs remparts; il leur tardait beaucoup, disent-ils, de voir disparaître ces causes de leur ruine. Ceux de Nîmes, impatientés du retard que mettait le Connétable à venir ordonner chez eux la même démolition, ont écrit à celui-ci et l'ont supplié de leur permettre de commencer cette besogne. Ceux de Montauban ont reçu avec transport un conseiller du Parlement de Toulouse envoyé pour traiter de la paix et ont porté les clefs de la ville au Maréchal de Thémine, qui ne s'était pas éloigné de là, mais on ne sait pas encore s'il a fait son entrée en ville. On espère que ceux de La Rochelle rentreront aussi dans leur devoir; eux aussi ont fui l'occasion d'une nouvelle bataille, pour attendre la conclusion de la paix. Ceux de Privas, qui avaient été les premiers à prendre les armes en main, voulaient être les derniers à les déposer: le Maréchal de Bassom-pierre accompagné du Comte d'Auvergne, s'est mis en route pour aller assiéger la place, mais les habitants sont venus à sa rencontre avec les clefs de la ville. De sorte que partout on veut jouir d'un peu de repos.

Le Roi est allé faire une course dans notre Provence: parti d'Arles, le 2 de ce mois, il est arrivé le 3 à Aix, d'où il est parti le 5, pour se rendre à St Maximin; où il vit les reliques de Ste Madeleine, le dimanche, en assistant à la Messe dans la Ste Baume. Le lundi, il est arrivé à Marseille, où il croyait rencontrer le Duc de Savoye, dont on avait aperçu les trois galères se rendant vers ce port. De là, il vient à Beaucaire pour [77] l'ouverture des Etats de Languedoc, puis, passant par Avignon, il arrivera à Lyon, où il ne fera pas un long séjour, car, après y avoir expédié ses compliments au duc de Savoie, S. M., compte être à Paris le 25.

Le globe qui tomba sur Monsieur, est de métal et pèse 44 livres; il porte des méridiens verticaux et horizontaux et 4 figurines sur l'équatorial: c'est l'une d'elles qui frappa le prince de son bras. Si le globe entier lui avait porté sur la tête, il eut été tué par un tel poids tombant de dix pieds de hauteur. Ce n'est pas la corde qui s'est rompue, comme on l'avait dit, mais le globe était suspendu et attaché par une boucle dans laquelle passait une vis — peut-être n'est-ce pas le mot propre —; en faisant tourner le globe, la vis est sortie de la boucle et le globe est tombé. C'est un grand miracle et une faveur de la bonté souveraine de Dieu que l'accident n'ait pas été plus grave. .

En vous remerciant vous et Monsieur Roccox de tant de marques d'affection, je vous baise les mains à tous deux de tout coeur et prie le Ciel de combler vos désirs.De Paris, le 17 novembre 1622.

Le chevalier ne m'a pas remis la réponse concernant votre Agathe: mais j'en aurai soin.

J'ai réclamé le dessin de M. Brosse; il l'a seulement terminé hier au soir et doit encore y mettre les chiffres des mesures: il comptait les y inscrire ce matin; mais n'ayant pu dormir de la nuit, il lui a été impossible de terminer ce travail. Je pense qu'il vous sera facile de le faire vous-même avec les éléments que vous possédez déjà. Si vous ne le pouviez pas, renvoyez-moi le dessin et je ferai inscrire les chiffres: ce sera une perte de temps de deux semaines.

Le 18

[78] CCXCVIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sigr mio singmo.

Non sonno arrivate questa volta le lettere di V. S. prima che hoggi su l'hora del pranzo et perche il giorno era molto bello et sereno, io son montato a cavallo subito per andare dalli Sgr Colmans, accio di vedere i quattro cartoni accennati; ma non lontano di casa m' e venuto in contro un mio cuggino ch'arrivava della Rochella, che m'ha obligato ad un complimento inevitabile et Dio sa se haveremo un tal giorno di molte settimane, io non lasciero perdere la prima occasione, et faro ogni dovere per la raccommandatione che merita l'opera et l'authore.

M'ha pur date V. S. un somma allegrezza con quel poco di speranza d'anticipatione della sua venuta della quale può ben essere sicura che nessuno intendera motto alcuno altro non temo che la cessatione non del male che vorrei ben acquiettarsi, ma dell' apprehensione publica accio con minor ramarico ella si potesse incaminare.

L'Agatha non se ancora trovata se ben due o tre men' hanno promesso alcuni pezzi quasi conformi al memoriale, ma mi risolvo d'andare a cercare io che cosi facendo finiro piu presto il negocio et hieri io credeva haver trovato appunto cio che bissognava in un grano grosso come una noce nel mezzo del quale stava la vena bianca bellissima et della grandessa et proportione desiderata, ma il buggio del grano passava in mezzo della vena bianca, il che mi fece gran dispiacere.

E arrivato a Honfleur l'uno de' vaselli ultimamente andati nell' Indie di cui il compagno e stato affogato da Hollandesi con somma perfidia li quali diedero licenza al cappitano della nave francesa d'andare nel porto d'una fortezza indica di loro assediata, a conditione ch' al ritorno con carico di mercantie, si dividerebbono fra loro le mercantie con paggarle, et che poi vi potrebbe tornare per caricare una seconda volta a medesima conditione, accio che se ne ritornasse poi carico del tutto in Francia. Ma quando ritorno carico dal porto assediato, gli Hollandesi sotte pretesto di far divisione della mercantia, [79] sendo di buona fcde introdotti nella nave, tagliarono in pezzi tutti che usciranno di sopra eccetto un giovane che si salvo con gran miracolo et ch'ando a ritrovare l'altra nave ch'era passata oltre. Dicono che sia venuto della banda del stretto Megellanico. Un consigliere del Parlamento meo amico interrezzatovi e andato ad Honfleur a posta per vederlo, al suo ritorno, le faro parte del ragguaglio. Et di cuore le baccio le mani. Di Pariggi alli 24 novembre 1622.

Il Re e stato in peregrinatione a San Maxemino dove e la Madda-lena, et alla Sancta Baulme, sendo passato per Aix et per Massiglia, et fece l'apertura delli stati di Linguadoca a Beaucaire il 16 del corrente dove fu dato honoratissimo luogo al Cardle di Savoya. Deve arrivar a Lyone il 3 del prossimo et s'aspetta qui alli Re.

Della Rochella si sa che hanno ubbedito et ricevuto privatamente parecchi gentilhuomini et soldati dell' armate regie cosi terrestre come maritima, havendo inviati deputati al Conte di Soissons, et al Duca di Guisa, per farte debite summissioni, et per rendere la bandiera dell' amirante vasello al Duca di Guisa. Hanno designato alli deputati al Re per chiedere il perdono, et licentiata la soldatesca Inglese et Fiamminga, et fatto fuogi di grand allegrezza per la pace et cominciano la demolitione delle fortesse de la Nole, di Retz et d'Olléron, chera le conditioni impostegli da S. M. con la restitutione delle due navi del Duca di Nevers, ma l'una e tutta guasta et forata di 44 canonade delle Galere.

E nata certa differenza fra li SSriAleandro et Salmasio intorno all' intelligenza dell' umboni della toga Romana che se V. S. volesse far parte di cio ch'ella ha osservato in questo proposito sarebbe grandissimo l'obbligo d'ambele parti et il mio ancora.

Mi diede V. S. un buon aviso per de Dominis. Intendo ch'egli e passato per Milano dove il Gubernatore gli ha fatto donatione di 500 Ducatoni, ch'egli e stato regalato dal Duca di Parma et dal Legato di Bologna, vederemo quello che fara Roma. Ho visto l'atto della sua abjuratione che mi par fabricato con artificio tale ch'egli puo interpretare ogni cosa a suo modo s'egli piace et conformarsi alle propositioni del suo libro, et le tengo per una gran volpe. Ma non ho potuto veder l'interrogatorii d'Inghilterra, et se fosse un giorno possibile gli vederei pur volentieri.

[80] Mandai all' amico ch'intendeva in Germania (voleva dir l'inferiore) esserci visto una raccolta simile a quella che V. S. m'accenne, mi rispose che per l'abjuratione sarebbe possibile ma che dell' altro non haveva tenuto copia di che mi dispiace pure per ciò che vorrei ben non essere escuse del tutto con sicurita che non excedera la persona mia, si com l'osservaro per questa pezza.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, V. 683 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: 25 novembre. Au Sr Rubens avec les articles [de la paix.]


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Cette fois, votre lettre m'est arrivée seulement aujourd'hui, à l'heure du dîner. Comme le temps était serein et superbe, je suis monté immédiatement à cheval pour aller chez M. Colmans pour y voir les quatre cartons signalés. Mais, à quelque distance du logis, je vois venir à ma rencontre un mien cousin arrivant de La Rochelle, ce qui m'a obligé à lui faire des civilités et Dieu sait si, avant plusieurs semaines, nous aurons encore une journée pareille. Cependant, je ne laisserai pas échapper la première occasion, et je ferai tout mon devoir pour recommander, comme ils le méritent, et l'oeuvre et son auteur.

Vous m'avez causé une joie infinie avec cette faible espérance que vous me donnez de voir avancer la date de votre arrivée ici. Vous pouvez être bien assuré que personne n'en entendra un mot. Je ne crains rien d'autre que la continuation non de la contagion qui voudrait bien se calmer, mais de l'appréhension publique, afin que vous puissiez vous mettre en route avec moins d'inquiétude.

L'Agathe n'est pas encore trouvée, deux ou trois personnes m'ont promis quelques pièces à peu près conformes au mémoire, mais je me réserve d'aller moi-même à la recherche; de cette manière, je terminerai plus promptement l'affaire. Hier, je croyais vraiment avoir trouvé ce dont j'ai besoin dans un morceau de la grosseur d'une noix, au milieu duquel courait une veine [81] blanche, très belle, ayant la grandeur et les proportions voulues, mais le trou de ce morceau passait au milieu de la veine; ce qui me causa un grand désappointement.

Il vient d'arriver à Honfleur l'un des vaisseaux qui étaient allés dernièrement aux Indes. Celui qui l'accompagnait a été coulé par les Hollandais avec la plus grande perfidie. Ils avaient permis au capitaine du navire français d'entrer dans le port d'une ville forte de l'Inde qu'ils assiégeaient, à condition qu'à son retour ils partageraient son chargement de marchandises avec les Hollandais contre paiement, qu'ensuite, il lui serait permis d'aller prendre un second chargement, à la même condition, afin qu'il pût retourner en France avec une cargaison complète. Mais quand il sortit du port, tout chargé, les Hollandais montèrent sur le navire sous prétexte d'opérer le partage des marchandises; puis, abusant de la confiance qu'on avait eue en eux, ils tuèrent tous ceux de l'équipage qui arrivaient sur le pont; un jeune homme seul se sauva par miracle et parvint à monter sur l'autre navire qui avait passé outre. On dit qu'il est reveuu par le détroit de Magellan. Un de mes amis, conseiller au Parlement, qui y est intéressé, est allé à Honfleur pour prendre des informations. A son retour, je vous ferai part de son rapport. Et de tout coeur, je vous baise les mains.

De Paris, le 24 novembre 1622.

Le Roi est allé en pèlerinage à Saint Maximin où est la Madeleine et à la Sainte Baume, il a passé par Aix et par Marseillle et le 16, il a fait l'ouverture des Etats du Languedoc à Beaucaire, où il reçut avec les plus grands honneurs le cardinal de Savoie. Il doit arriver à Lyon le 3 décembre, et le jour des Rois, on l'attend ici.

De La Rochelle on apprend que l'on y rentre dans l'obéissance et qu'on y a reçu, comme particuliers, plusieurs gentilshommes et soldats de l'armée et de la flotte du Roi; on a envoyé des députés au comte de Soissons et au duc de Guise pour faire les soumissions requises et pour porter le pavillon du vaisseau-amiral au duc de Guise. Les députés chargés d'aller demander le pardon au Roi ont été désignés, les milices anglaises et hollandaises ont été licenciées, des feux de joie ont été allumés en l'honneur de la paix. On a commencé la démolition des forteresses de la Nole, de Retz et d'Oléron, conformément aux conditions imposées par S. M.; on a également restitué les deux navires du duc de Nevers, mais l'un des deux est tout à fait désemparé; il est troué de 44 boulets de canon lancés par les galères.

Je constate que M. M. Aléandre et Saumaise interprètent d'une manière différente l'umbo de la toge romaine: ces Messieurs et moi de même, nous [82] serions très heureux de connaître les observations que vous auriez faites sur ce point et nous vous prions de nous en faire part.

Vous m'aviez bien avisé au sujet de de Dominis: j'apprends qu'il a passé par Milan dont le gouverneur l'a gratifié de 500 ducatons; puis il a reçu des présents du Duc de Parme et du Légat de Bologne; nous verrons ce que l'on fera à Rome. J'ai vu l'acte de son abjuration: il me paraît avoir été rédigé avec beaucoup d'artifice, de façon à ce que l'auteur en puisse interpréter les propositions comme il le voudra et se conduire selon les principes exposés dans son livre; je le tiens pour un renard fieffé. Mais je n'ai pu voir encore les interrogatoires qu'il a subis en Angleterre; s'il vous était possible de me les procurer un jour, j'en prendrais volontiers connaissance. J'ai écrit à un ami avoir appris que, dans la Germanie — j'entends par là la Germanie inférieure — on avait vu un recueil semblable à celui que vous m'avez signalé. Il m'a répondu que c'est possible s'il s'agit d'un recueil relatif à l'abjuration, mais qu'il n'a pas tenu copie d'autre chose. J'en suis au regret, car je voudrais bien ne pas être incomplet; je puis vous certifier que je ne communiquerais ces documents à personne; j'agis de même pour celui-ci.


COMMENTAIRE.

M. Colmans. Amateur. Les quatre cartons que Peiresc allait voir étaient faits par Rubens et représentaient des épisodes de l'histoire de l'empereur Constantin (Voir la lettre suivante).

La Rochelle. La ville fit sa soumission le 16 novembre 1622, après la bataille, auprès de l'île de Ré. Peiresc envoya à Rubens un exemplaire des articles du traité de paix accordé aux vaincus.

Le Comte de Soissons. Louis de Bourbon, Comte de Soissons, naquit à Paris, le 11 mai 1604, succéda à son père comme grand-maître de France. Il se jeta d'abord dans le parti de la Reine-Mére, entra ensuite en négociation avec les protestants de La Rochelle, mais, en 1622, il se rallia au roi et se comporta fort courageusement au siège de La Rochelle où, malgré son jeune âge, il occupa un commandement très important. Plus tard, il fut mêlé à toutes sortes de conspirations et d'entreprises contre le cardinal de Richelieu. Il périt dans un combat livré contre les troupes royales dans la plaine de Bazeilles, le 6 juillet 1641.

Saumaise. Claude de Saumaise, le grand érudit français, né à Sémur, le 15 avril 1588. En 1622, il habitait Dijon et préparait une édition du [83] De Pallio de Tertullien, dans lequel il s'occupe très spécialement des vêtements des Romains. Il mourut le 3 septembre 1653.

Sainte Madeleine. Le 2 novembre 1622, Louis XIII se rendit à Maximin où l'on honore les reliques de Sainte Madeleine la pénitente. Ce sanctuaire s'élève sur une montagne appelée la Sainte Baume (la Sainte Grotte) à l'endroit où la Sainte passa dans une grotte les 34 dernières années de sa vie, nourrie par les anges. On y conservait son crâne dans lequel était marquée l'empreinte des doigts du Christ qui la toucha en lui disant: Noli me tangere, lorsqu'elle étendait la main pour toucher le Sauveur qui lui apparut sous l'aspect d'un jardinier. On y conservait encore ses cheveux qui lui avaient servi à essuyer les pieds du Christ, ainsi que quelques gouttes du sang du Sauveur recueilli par elle sous la croix avec la terre sur laquelle il était tombé. Ce sang se liquéfiait chaque année au Vendredi-Saint. Lors de cette visite, on montra à Louis XIII l'ampoule qui le contenait, mais le miracle de la liquéfaction n'eut pas lieu.


CCIC
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sgr mio Singmo.

Alla sua ultima delli 24 del passato, me le conviene dire intorno alla differenza delle misure che il secondo dissegno e stato fatto in camera del Sr de la Brosse senza andarlo a confrontare nella Galleria, havendo egli creduto che bastava di mostrare l'ornamento che si potra fore alle finestre nuove da V. S. desiderate su la porta, correspondenti all' altre finestre, restando sempre in fondamento gia preso delle misure mandatele su i primi dissegni, alle quali bisogna accommodare il secondo in ogni modo et se ben (havuto risguardo alla proportione dell'altezza) V. S. non trova piu di 9 piedi nel dissegno ultimo fra la porta et la gran finestra piu vicina, questo e un error di memoria sul quale non bisogna restare, anzi imaginarsi la detta gran finestra piu discosta dalla porta di cinque piedi, tutto il restante havendosi [84] ad accommodare similmente alle prime misure cioè nella larghezza della porta et altezza delli ornamenti che visi andavano facendo sopra con le nuove finestrelle, tutto quel vano sendo senza dubbio eguale all' altro chi gli e opposto, si come V. S. ha giudicato molto bene.

Ho visto la lettera del Sr Abbate, e le confirma ciò che le ne dissi ultimamente, cioè che in questo negocio non s'e altro che la sua imaginazione sola, fondata sopra l'opinione che gli ha, che facendo le finestrelle sopra la porta, la luce sara troppo grande rimpetto al quadro della coronazione, dove la Regina ha da essere rappresentata con tutte le principesse attorno e che egli pensa non esser necessaria tanta luce. Non credendo io che la Regina n'habbia solamente inteso parlare, et se ben il Sr Brosse ha posto anch'egli la conditione alle finestrelle (se cosi piace alla Regina), questo si e fatto per non dar la mentita al Sr A. che ha detto di haverne parlato a S. M. siccome di molte altre cose delle quali si e poi verificato, che non sara detta una parola; ma per liberarsi di repliche, egli suol opponere il nome della Regina. Ne parlammo questi giorni in presenza del Sr de Lomenie, ed io gli dissi come da me, che non mi pareva cosa che la Regina dovesse negare a V. S. di fare una finestra di più o di non farla, non sendo niusciuno che sappia meglio di lei stessa, il lume che e necessario alle sue pitture, et ch'io non vedeva che questo importasse un tantino alla Regina ne ad altri quasi voglia, stimando che la spesa di Sr Brosse in rifar le finestrelle era cosa di troppo poco momento. Et gli volse opponere l'interesse del quadro della coronatione dicendo che troppo lume lo guastarebbe tutto; io replicai che non era cosa incognita a lei et che doveva ben essere sicura V. S. del contrario, poiche mostrava di desiderarlo con tanto ardore, che se questo fosse vero sarebbono quasi tutti gli altri quadri della Galleria che haveranno la luce ancor maggiore di quà et di là. Egli non seppe che dire et se non le havesse scritto che la Regina non lo voleva, credo che le haverebbe scritto tutto il contrario, doppo esser si accorto del proprio errore.

In somma, pro conclusione se torna a conto a V. S. di haver le finestrelle piu tosto che di non haverle, io credo che sara cosa facilissa di farle aggradire alla Regina et ancora al Sr Abbate. Ma se V. S. giudica che importi poco, io le consigliarei di far il quadro [85] intiero senza finestre. Et quello mi fa piu inchinare a questa opinione è cio che V. S. mi scrive di haver gia cominciato il dissegno et collocato il trono di Giove et di Giunone appunto nel sito dove andavano delle finestrelle, che io lodo sommamente, stimando che li 14 piedi che restano del vano non saranno troppo grandi per colocarvi il consiglio delli altri Dei.

Che della vetricata della porta non occorre dubitare che non si faccia nella forma che V. S. la vorra ordinare. Se V. S. havesse voluto fare altri quadri da portare le haverei consigliato d'aspettare che dalla Regina si risolvesse la difficoltà. Ma poiche V. S. e en pensiero di far quello, io credo che sara molto meglio di farlo in quel modo che di perdere la commodita di portar l'uno delli grandi et delli principali.

La ringratio delli nomi delli authori de' Palazzi di Genoa, et quando ella sapra gli altri che mancano mi fara gratia di nominarmeli.

M'hanno portate tutte l'agathe bianche le quali si sono trovate in mano di que' che ne sogliono vendere, senza che vi si sia trovato cosa a proposito sendo tutte d'un bianco transparente, ch'io non credo essere cio ch'ella vuole, havendo io cercato un bianco di latte opaco senza transparenza.

Nel resto poi habbiamo veduto li quattro cartoni delle tapezzerie accennati da lei in compagnia delli SSri de Lomenie, de Fourcy, di St Ambrosio, della Baroderie, Jacquin et Dunot, quasi tutti di que' che hanno carico del Re sopra le opere publiche. Era ordinata l'apertura delle casse un giorno preciso, che si dovessero essere la maggior parte di que' signori, con ordine che si rincassassero subito li cartoni sino all' arrivo di S. M. senza che niusciuno le potesse vedere che S. M. non gli havesse visti prima. Di modo ch'io non volsi mancar di trovarmi all' assignatione, il che non fu inutile poiche V. S. m'haveva scritto il particolare delli soggietti, che se ben gli altri sapevano in generale che erano della Vita di Constantino, nulladimeno non sapevano il particolare di ciascheduna historia ch'io gli andai esponendo, non senza admiratione dell' esatezza di V. S. in esprimere gli habiti antiqui, sino alle clavi delle calighe ch'io vidi con grandissimo gusto, sotto il piede d'un cavaliere seguitante Maxentio.

[86] V. S. ha grand' oblige al Sr Abbate della raccommandatione ch'egli fece dell' opera in termini di grandisso ardore, et le consiglio di fargliene due righe di ringratiamento sopra la mia relatione. Il Sr de la Baroderie ancora che ha buonissa notitia delle cose buone, la servii con grandisso affetto et con fortisse ragioni, che sono di grand' authorita appresso tutti quei Signori; ognuno ne resto sodisfattiso. Et si come non si pote far l'assemblea tanto secreta che non vi si incontrassero molte persone, o venute a caso con l'arcivescovo nuovo di Parigi, o con altri SSri ch'andavano per comprar tappezzarie, o a posta per veder le sue opere, cosi fra esse non mancarono lingue temerarie et invidiose che se recavano a mordere a qualche cosuccia. Ma furono costretti tutti di confessare che l'opera veniva da grand huomo et da genio nobilissimo et che nello stato ch'ella era, se ben non era che di suoi servitori, non era pittore in Francia, che potesse sperare d'arrivare a cosa simile de gran lunga. Sopra li tutti quattro cartoni fu stimato quello del battesimo, nel quale niusciuno trovò a mordere qualsi voglia minutia, anzi fu ammirato in tutte le sue parti. L'allocutione che era molto a mio gusto per l'esattezza degli habiti militari antiqui trovo molti contradittori, non per altro che per quella maniera delle gambe (non dritte secondo l'usanza commune) ma delineate in arco. Io mi ricordo ben di ciò che V. S. mi disse in proposito del bell' arco delle gambe di quel Moze di Firminet et di quel St Paolo, che la natura faceva sicuramente quell' effetto in apparenza, et questi contradittori non possono negare la verita dell' effetto della natura. Ma dicono che questo e piu tosto un poco di diffetto o di certe nationi (como di que' ch'erano tutti Blesis pedibus o forzi generale) et che poi che l'hanno vietato gli scultori antiqui, et Michael Angelo, et Raphaele, et il Corregio et il Titiano par che si habbia di vietare ancora hoggidi. Et che gli occhi avvezzi a questa osservatione, non possono senza estendersi vedere maniera tanto diversa.

Fuora di questo particolare, le sue opere sarebbono viste con stuppore di ogni uno, [ben] che questo non e al gusto di questa nostra natione, et se V. S. vuol udire il consiglio di suo servitore, ella s'accomodara per l'avvenire alla malattia delli nostri occhi. Come li pittori d'Ethiopia che fanno la Madonna con la facie nigra alla [87] Moresca, che quando Michael Angelo et Raphaele verrebbono hoggidi a far qui pitture con figure ch'avessero le gambe a questo modo, sarebbono costretti di sentire, ogni momento, infinite contradittioni per questo particolare. Et se nelli quadri della Galleria, V. S. non si risolve di cercare positioni naturali in ogni altro sito che in quello dove apparisce l'arco e cosa certissima che V. S. n'havera mala sodisfattione havendo da far con questi cervellini avvezzi a cosa diversa al lor parere. Gli Egittj antiqui, li quali erano quasi tutti Blesi, davano la medesima positura alle lor figure, et credo che le haverebbono trovato difformi senza quel diffetto. Cosi fanno nostri Francesi libertini.

Nel cartone della Bataglia furono visto con stupore la figura di Licinio o altro che combatte contra Constantino, et un morto chi giace sotto il suo cavallo, et tutta la dispositione intiera. Ma non parve che corrispondesse l'atto di Constantino nel vibrar il jaculo con un poco minor vivacita di quello ch'averebbono desiderato, et non volsero credere, che il pittore havesse ben seguitato il dissegno del braccio (che deve esser il dritto benche la tappezzaria habbia obligato a farne il sinistro) che vibra il jaculo, come se fosse un tantino dislocato, et fuor della vera positura naturale; et questo fu quanto vi fu trovato a dire ch'a Constantino qualche altra gamba piu ritorta che non gli piace a loro.

Nel maggiore della rovina del Ponte furono ammirate infinite cose et principalmente quelle due figure sospese alle lor mani, l'una ferita che si sospende con una sola mano, che mi par del tutto excellente et inimitabile (alle quale nondimeno volsero improvare alcuni la proportione della coxa che pende giù) et l'altra che s'attacca alle due mani, laquale fu ancora essaminata con stuppore, ma ci trovarono ancora qualche cosuccia, in una coxa, che pende piu bassa dell' altra, dove vorrebbono che V. S. havesse rittocato et dato una botta di sua mano a ciascheduna in quelle parti.

V. S. ha voluto ch'io le dicessi con liberta tutto ciò che le importava, io haverei creduto di mancar al debito, s'io le havessi celato que' particolari. Son ben sicuro che V. S. scusera l'affetto che mi ci ha mosso, et l'opinione ch'io tengo che gli amici non devono mancare a questi officii sopra ogni altro. Et qui per fine le baccio di cuore le mani. Di Pariggi, alli 1 Decemb. 1622.


[88] Di nuovo non habbiamo altro che il ritorno del Duca di Savoya al suo stato sendo partito d'Avignone alli 21, con molto segni di sodisfattione, il Re havendolo accompagnato sino a 3 legue fuor della citta, S. M. havendo poi voltato et continuato il suo viaggio per altra strada. Hora S. M. deve essere a Grenoble, di ritorno del gran Chartossa, per arrivar a Lyone alli 4. o 5. del presente. Il resto della Corte V. S. lo trovera nella cartuccia stampata qui aggionta la quale e fidele.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V. 684 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «1 décembre. A M. Rubens de sa Tapisserie.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

En réponse à votre lettre du 24 novembre, il faut que je vous dise, relativement à la différence des mesures, que le deuxième dessin a été fait dans la chambre de M. de Brosse sans que l'on ait été en opérer le relèvement dans la Galerie même. M. de Brosse croyait qu'il suffisait de vous montrer un projet d'ornement pour les nouvelles fenêtres que vous désirez avoir au-dessus de la porte, et correspondant aux autres, la base des mesures restant toujours la même. Ces mesures vous ont été envoyées avec les premiers dessins et celles du second dessin doivent y être rapportées, de toute manière, en tenant compte des proportions quant à la hauteur. Dans le dernier dessin, vous ne trouvez pas plus de neuf pieds entre la porte et la grande fenêtre la plus proche, c'est une erreur de mémoire à laquelle il ne faut pas s'arrêter, mais il faut se représenter la grande fenêtre distante de cinq pieds de plus de la porte et tout le reste doit s'arranger selon les premières mesures, c'est-à-dire ce qui concerne la largeur de la porte et la hauteur des ornements qu'on fera au-dessus, lesquels, avec les nouvelles petites fenêtres, rempliront un vide égal, sans aucun doute, à celui qui est dans le côté opposé, le tout étant ainsi que vous l'aviez fort bien réglé.

J'ai vu la lettre de M. l'abbé, et elle confirme ce que je vous disais dernièrement, que dans cette affaire, il n'y autre chose que son imagination [89] seule. Il est convaincu qu'en ouvrant de petites fenêtres au-dessus de la porte, il donnera trop de lumière en face, sur le tableau du couronnement, où la Reine doit être représentée avec toutes les princesses autour d'elle; selon lui, cette quantité de lumière est inutile. Quant à moi, je crois que la Reine n'a pas même entendu parler de tout cela; si M. Brosse a mis pour condition de l'ouverture des petites fenêtres, que cette modification plût à la Reine, il l'a fait uniquement pour ne pas donner de démenti à l'abbé, qui a dit en avoir parlé à Sa Majesté. Il en sera ici comme de beaucoup d'autres choses dont on a trouvé qu'il ne s'était pas dit une parole: c'est pour se dispenser de toute réponse qu'il a l'habitude d'opposer le nom de la Reine. Nous en parlions l'autre jour en présence de M. de Loménie qui était de mon avis: il lui semblait, comme à moi, que la Reine ne pouvait pas vous refuser une fenêtre de plus ou de moins; attendu que personne ne savait, mieux que vous, la quantité de lumière qu'il est nécessaire de donner à vos tableaux. Je ne vois pas que cela importe le moins du monde à la Reine ou à toute autre personne, et j'estime que les frais à faire par M. de Brosse pour reconstruire les petites fenêtres sont une chose de trop peu d'importance. Il nous opposait sans cesse le tort que le trop de lumière ferait au tableau du couronnement; je lui répondis que vous n'ignoriez pas cela et que vous deviez être bien persuadé du contraire pour faire autant d'instances dans le but d'obtenir du jour; que s'il en était comme il le dit, presque tous les autres tableaux de la galerie seraient d'une façon ou de l'autre trop éclairés. Il ne sut que répondre et s'il ne vous avait pas écrit ce refus de la Reine, je crois que vous recevriez un ordre tout à fait contraire, tant il est revenu de sa propre erreur.

En somme, s'il vous convient mieux d'avoir les petites fenêtres, que de ne pas les avoir, il vous sera très facile, je pense, de les faire agréer par la Reine et aussi par l'abbé. Mais si vous jugiez qu'elles n'ont qu'une importance secondaire, je vous conseillerais d'exécuter tout le tableau sans tenir compte de la fenêtre. Ce qui me porte à vous exprimer cette opinion, c'est que, selon votre dernière lettre, vous auriez déjà commencé la composition et placé Jupiter et Junon sur leur trône, exactement à la place où devraient s'ouvrir les lucarnes, ce que j'approuve de tout point, et j'estime que les quatorze pieds de champ qui vous restent ne seront pas de trop pour y placer le conseil des Dieux. Quant au vitrage de la porte, il ne se fera point, sans aucun doute, de la manière que vous en donneriez l'ordre. Si vous aviez exécuté d'autres tableaux pour les apporter, je vous aurais conseillé d'attendre que la Reine eût résolu la difficulté. Mais puisque vous êtes occupé au susdit, je crois que vous feriez mieux de l'achever selon [90] le plan ci-dessus, afin de ne pas perdre l'avantage de venir placer l'une des pages les plus grandes et les plus importantes.

Je vous remercie de m'avoir donné les noms des architectes des Palais de Gênes; quand vous aurez appris les noms qui manquent, faites-moi la grâce de me les communiquer.

On m'a porté toutes les agates blanches qui peuvent exister ici chez les marchands; aucune ne m'a convenu; toutes étaient d'un blanc transparent; ce n'est pas là, je crois, ce que vous voulez: ce que j'ai cherché, c'est un blanc laiteux et opaque.

Je suis allé voir les quatre cartons que vous avez préparés pour des tapisseries; j'étais accompagné de M. M. de Loménie, de Fourcy, de St Ambroise, de la Baroderie, Jacquin et Dunot qui sont presque tous de ceux que le Roi charge de l'inspection des travaux publics. On avait fixé un jour pour ouvrir les caisses, en présence de la plupart de ces inspecteurs, avec ordre d'y rentrer immédiatement les cartons et défense de les montrer à qui que ce fût avant l'arrivée du Roi, qui doit les voir le premier. Je n'ai pas voulu manquer à l'invitation et ma présence n'y a pas été inutile. Vous m'aviez écrit le détail des sujets, tandis que ces messieurs savaient seulement d'une manière générale qu'il s'agissait d'une vie de Constantin et ignoraient les détails de chaque composition. Je pus donc les leur expliquer. On a fort admiré votre profonde connaissance des costumes antiques et l'exactitude avec laquelle vous avez rendu jusqu'aux clous des chaussures, ainsi que je l'ai remarqué avec grand plaisir aux pieds d'un cavalier de la suite de Maxence.

Vous avez de grandes obligations envers l'abbé: il nous a loué votre oeuvre en termes empreints du plus grand enthousiasme; je vous conseille de lui envoyer, sur mon rapport, deux lignes de remerciement. M. de la Baroderie, qui est un excellent appréciateur des bonnes choses, vous a également rendu justice avec beaucoup de bienveillance et de solides raisons: il a vivement impressionné tous ces messieurs et ceux-ci ont été très satisfaits. Notre réunion n'a pu être tellement secrète qu'il ne se soit trouvé là plusieurs personnes, arrivées, par hasard, avec le nouvel archevêque de Paris, ou venues pour achever des tapisseries, ou venues exprès pour voir vos cartons. Parmi ces intrus, il n'a pas manqué de critiques téméraires et envieux qui se sont mis à mordre sur des bagatelles. Tous cependant furent obligés d'avouer que l'on avait sous les yeux l'oeuvre d'un grand homme et d'un génie élevé, et que telle qu'elle était, même exécutée par la main de vos élèves, pas un peintre en France ne pouvait espérer arriver à créer une chose qui en approchât à grande distance.

[91] Des quatre cartons, celui du Baptême a été mis au premier rang; personne n'y a découvert le moindre détail à reprendre et il a été admiré dans toutes ses parties. L'Allocution qui me plaisait beaucoup par l'exactitude des costumes militaires, trouva beaucoup de critiques; mais seulement en ce qui concerne votre manière de dessiner les jambes, que vous arquez au lieu de les faire droites selon l'usage. Je me rappelle bien ce que vous m'avez dit un jour, à propos de la belle courbure des jambes du Moïse de Fréminet et du St Paul, que dans la nature cet effet est certainement réel, et les contradicteurs n'ont pu nier la vérité de cette observation. Mais ils répondirent que c'est là l'effet de quelque défaut ou une particularité nationale, car il est des pays où tout le monde est bancroche ou à peu près. Les statuaires de l'antiquité ont proscrit cette forme, Michel Ange, Raphael, le Corrège, Titien ont fait de même: il semble donc qu'il faut encore la proscrire aujourd'hui; les yeux habitués à cette manière de voir ne peuvent sans difficulté accepter une manière entièrement différente.

Vos cartons auraient émerveillé tout le monde, sans cette particularité, qui ne peut être goûtée dans notre race, et si vous voulez écouter le conseil de votre serviteur, vous vous accommoderez, à l'avenir, de cette maladie de nos yeux. Les peintres de l'Ethiopie représentent la Madone à la Moresque, avec une figure noire, mais si Michel Ange ou Raphael venaient ici aujourd'hui nous peindre des figures ayant les jambes tournées en arc, ils entendraient des critiques sans fin leur en faire le reproche. Si vous ne vous décidez pas, dans les tableaux de la Galerie, à chercher des poses naturelles dans une tout autre attitude que celle où apparaîtra cet arc, c'est une chose très certaine que vous en retirerez peu de satisfaction, ayant à compter ici avec des étourdis qui n'aiment pas ce qui contrarie leur sentiment. Les anciens Egyptiens qui étaient à peu près tous cagneux, donnaient ce défaut à leurs figures et auraient, je crois, trouvé difforme tout ce qui ne présentait pas ce défaut. Nos petits maîtres français font de même.

Sur le carton de la bataille, on a été émerveillé de la figure de Licinius ou du personnage qui combat contre Constantin, et de la figure d'un mort gisant sous son cheval: la composition entière du reste a excité l'admiration. Il a paru cependant que Constantin brandissant son javelot aurait pu mettre un peu plus de vivacité dans le mouvement, ensuite, on ne croit pas que le peintre ait bien reproduit le dessin du bras qui lance le javelot (ce bras doit être le bras droit, quoique le carton de la tapisserie doive représenter un bras gauche); il a l'air d'être un peu disloqué et de n'avoir pas un mouvement naturel: c'est tout ce qu'on a trouvé à redire [92] à cette figure à l'exception pourtant d'une jambe, un peu plus arquée qu'il ne plaît à ces critiques.

Dans la grande scène du pont rompu, on a admiré une infinité de choses et surtout ces deux personnages suspendus par les mains; le blessé qui se tient par une seule main, m'a paru tout à fait excellent et inimitable; quelques-uns toutefois y critiquaient les proportions de la cuisse pendante; et l'autre qui s'accroche avec les deux mains a été trouvé superbe; mais encore une fois, on y a découvert un défaut minuscule, une cuisse tombant plus bas que l'autre. On aurait voulu que vous eussiez donné de votre main une retouche à chacune de ces deux cuisses.

Vous avez voulu que je vous fisse un rapport en toute liberté, j'aurais cru manquer à ce devoir si je vous avais caché ces détails. Vous m'excuserez, j'en suis sûr, en faveur de mon affection qui m'y a poussé, et de l'opinion que je professe que les amis ne peuvent pas manquer à se rendre de pareils services les uns aux autres. Et sur ce, je vous baise les mains de tout coeur.

De Paris, le 1 décembre 1622.

Pas d'autre nouvelle que celle du retour du duc de Savoie dans ses états. Il est parti d'Avignon, le 21, très satisfait; le Roi l'ayant accompagné à 3 lieues hors de la ville. S. M. est revenue sur ses pas et a continué son voyage par une autre route. Aujourd'hui, le Roi doit être à Grenoble, de retour de la Grande Chartreuse et doit arriver à Lyon, le 4 ou le 5. Vous trouverez les autres nouvelles de la Cour dans la petite relation imprimée, que je joins à cette lettre et qui est très fidèle.


COMMENTAIRE.

Les petites fenêtres que Rubens voulait faire ouvrir au-dessus de la porte qui donnait sur la terrasse auraient eu pour effet d'amoindrir l'espace réservé au tableau du Gouvernement de la Reine. Dans le bas de ce tableau, une échancrure dut être pratiquée, correspondant à la baie de la porte en question. Cette entaille a été couverte dans le tableau, tel qu'il est actuellement, par un morceau de toile, sur lequel sont peints des nuages se rattachant à ceux qui couvrent les parties voisines de la composition. Si des fenêtres avaient été pratiquées au-dessus de la porte, le tableau aurait dû être raccourci d'autant et la scène de l'Olympe qui se prolongeait au-dessus de la porte, aurait dû être rétrécie. Rubens suivit le conseil de Peiresc et n'insista point pour obtenir les fenêtres.

Les quatre cartons de tapisseries, que Peiresc était allé voir, représentaient quatre sujets de l'Histoire de Constantin: le Baptême de Constantin, [93] (OEuvre de Rubens n° 729), l'Apparition à Constantin du Monogramme du Christ (Ibid. n° 719), la Bataille de Constantin contre Maxence (Ibid. n° 721) et la Défaite et la Mort du tyran Maxence (Ibid. n° 722). Peiresc parle successi-vement de chacun de ces quatre cartons et rapporte à Rubens les remarques auxquelles ils ont donné lieu.

Les personnes présentes à l'ouverture de la caisse renfermant les cartons étaient MM. de Loménie, de St Ambroise, de la Baroderie que nous connaissons, Fourcy, Jacquin et Dunot que nous n'avons pas encore rencontrés.

Fréminet (Martin), ou plus exactement Fréminel, premier peintre des rois Henri IV et Louis XIII, naquit le 23 septembre 1567. Il visita l'Italie et y resta, dit-on, quinze ans. Il prit Michel Ange pour modèle et peignit la chapelle de la Trinité au château de Fontainebleau. Il mourut en 1619.

Le duc de Savoie. Charles-Emmanuel I, né à Rivoli, le 12 janvier 1562, succéda à son père Emmanuel-Philibert en 1580. Il épousa Catherine d'Autriche seconde fille de Philippe II. En 1588, il enleva aux Français le marquisat de Saluces. En 1590, les Provençaux le choisirent pour leur comte et pendant de longues années il fit la guerre à Henri IV. La paix fut conclue à Lyon en 1601. Le duc de Savoie céda à la France la Bresse, le Bugei, le val Romei et le pays de Gex; le roi lui abandonna le marquisat de Saluces avec les forteresses de Demont, Cental et Roque-Sparvière. Pendant de longues années, il guerroya contre les Genévois et l'Espagne. En 1619, son fils épousa Christine de France, soeur de Louis XIII. Plus tard, et de concert avec la France et avec Venise, il recommença la guerre contre l'Espagne, pour soustraire à sa domination la Valteline. Cette guerre fut terminée en 1626 par le traité de Monçon. Bientôt après, il en commença une autre pour faire valoir les droits de sa petite-fille sur les duchés de Mantoue et de Montferrat, contre le duc de Nevers, qui venait de succéder au duc de Mantoue. Lorsque le duc de Réthel, fils du duc de Nevers, eut épousé la petite-fille de Charles-Emmanuel, celui-ci continua les hostilités dans le but de s'approprier le Montferrat. Cette guerre qui fut malheureuse pour lui, dura jusqu'à sa mort, arrivée le 26 juillet 1630.

Nous aurons à nous occuper plus d'une fois encore du duc de Savoie dans la suite de la correspondance de Rubens.


[94] CCC
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illmo. Sigr. mio singmo.

Sonno venute molto tardi questa volta le lettere di V. S. di 2 del corrente et ormai hieri l'altro era gionta la cassetta con duoi esemplari de suoi Palazzi di Genoa, et il Roetto d'Archibuggio il quale andassimo portar subito, il Sgr Abbate et io, al Sr des Granges suo fratello ch'era in letto con la sua febre terzana, il quale per sua modestia singolare le volse ricevere con ogni sorte di demonstratione di gratitudine, pregandomi con somma instanza de farlene i suoi ringratiamenti et de volere intendere la speza per farnela rimborzare, il che fui costretto di promittergli.

Ma pure m'accorsi che non sara eseguita la commissione conforme al suo intento, havendo egli domandato un fucile nel quale non ci va chiavi, et havendo il fabro mandato a V. S. un roetto (che chiamo qui le petit ressort) che e diversisso del fucile et intesi ancora che un di varleti di camera del Re andando l'anno passato in Anverza un parente di detto Sr des Granges gli disse solamente che gli voleva comprare un par de fucili d'archibuggio, il quale senz'altra difficolta, andò da un di que' chene fanno in Anverza, et ne comprò duoi che si sprovarono eccelentissi et questo le fece venire a voglia a lui. Di maniera che se si trovasse questo artifice costi senz'andare a Brusselles sarebbe forze piu facile d'incontrare ciò che si desidera. Io credo che sara bene a V. S. ne faccia un poco di diligenza per trovarlo, et se si ne trova di capperne uno ben leggiero et ben pulito et faccia intendere, se le piace, il costo dell' uno et dell' altro, accio che restino questi SSri con piena sodisfattione et che V. S. non vi butti il suo.

Nella cassetta ne fuori non si trovò alcuna lettera di V. S. e V. S. non m'ha scritto che me ricorde, che le piace che si faccia dell' uno di quei esemplare, l'altro ritinendolo per me, poi che cosi ella l'ha voluto: n'aspettero dunque il suo ordine et in tanto le rendero mille gratie del mio et della briga toltasi per quel roetto del Sr des Granges, si come anco delli cortesissmi officii usati a favor di [95] suo servre con li SSri du Maurier et Regensberg, la cui dolcezza fa che mesurano altrui alla mesura delli suoi meriti.

Delli dissegni del cartocci V. S. havera inteso quando lene scrissi ultimamente. Io non ho ancora rivisto il Sr Colmans per saper quello che sara poi successo.

Qui si tiene per certo che non si sia conchiuso niente con S. A. di Savoya et che la risolutione del negozio si sia rimessa in questa citta, non credendo io che per questo si venghi a rottura. Il Duca di Savoya mostro ben di partir con sodisfattione d'appresso S. M. la quale l'accompagno a 3 leggue di qua Avignone et poi se separarono. Credo che mi scordai di notar a V. S. che L. S. A. era vestita entrando in Avienone d'un vestito berettino riccamato d'oro con una rouppiglia riversata su la spalla, un capello altissimo senza orlo piu d'un ditto, un gran pannaccio su la banda sinistra, il che era molto strano nel mezzo de gli habiti francesi. Con l'ordinario lettere della Corte di 23 al 28 del passato di Valenza et di Romans si ha che il Re haveva dato ricompenza alli Governatori hugonotti delle Citta di Montelimar et di Dié, et le haveva rimesse in mano de Catholici con grand' applauso di que' popoli, et che si era conchiuso il trattato simile per la fortezza de Livrone sul Rhodano con animo di farla spianare, et che si sperava che si dovesse spianar ancora la cittadella di Grenoble. Et qui finiscono le nuove di qua, ringratiandola delle sue, ma sopratutto della cortese offerta in materia del secreto del Spalatense, et non sparmiare veramente qualche scudi delli quali molto volontieri le farei il rimborzamento.

Et le baccio affettuosamente le mani pregandole quanto ella puo desiderare.Di Pariggi, alli 8 Decem. 1622.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc, V. 686 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «8 décembre. A M. Rubens.»


[96] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Cette fois votre lettre du 2 courant est arrivée bien tardivement et depuis avant-hier a été apportée la caisse contenant deux exemplaires des Palais de Gênes et le rouet d'arquebuse. Nous sommes allés de suite porter ce dernier, M. l'Abbé et moi, à M. des Granges, son frère, qui était au lit avec une fièvre tierce. Avec cette bonté qui le caractérise, il reçut l'objet en nous faisant toutes les démonstrations de la reconnaissance, en me priant instamment de vous remercier et de vous demander le compte de la dépense afin de vous la rembourser, ce que je fus obligé de lui promettre.

Cependant, j'ai lieu de penser que la commission n'a pas été faite conformément à son désir: en effet, il a demandé un briquet d'arquebuse sans clefs, et l'armurier vous a envoyé un rouet, ce que nous appelons ici le petit ressort, qui est tout à fait différent du briquet. Je sais qu'un valet de chambre du Roi étant allé l'année dernière à Anvers, avait reçu d'un parent de M. des Granges la commission d'acheter tout simplement une paire de briquets d'arquebuses. Il se rendit chez un de ceux qui fabriquent cet objet à Anvers et, sans aucune difficulté, il en acheta deux qui étaient excellents. Ce valet en fit venir d'autres, à volonté. De sorte que si vous pouviez découvrir cet artisan chez vous, il ne faudrait plus aller à Bruxelles et il vous serait facile de rencontrer l'objet que l'on désire. Je crois qu'il serait bon de faire quelque diligence pour découvrir le personnage et si vous y parvenez, veuillez acheter un de ces briquets bien léger et bien fourbi et envoyez-moi, s'il vous plaît, en même temps la note des frais de l'un et de l'autre, afin que ces messieurs soient pleinement satisfaits et que vous ne soyez pas mécontent.

Ni dans la caisse, ni du dehors, il ne m'est arrivé de lettre de vous. Je ne me souviens pas que vous m'ayez écrit à qui vous destinez l'un des exemplaires des Palais de Gênes. J'en ai retenu un pour moi, comme vous l'avez voulu; j'attendrai vos ordres pour l'autre. Et je vous rends mille grâces pour mon exemplaire, pour la peine que vous vous êtes donnée au sujet du rouet de M. des Granges et pour vos bons offices en ma faveur auprès de M. M. du Maurier et Regensberg, dont la bienveillance fait qu'ils jugent les autres d'après vos mérites.

[97] Vous avez appris par ma dernière lettre ce qui en est des dessins des cartouches: n'ayant pas encore revu M. Colmans, j'ignore s'il sait ce qui en est advenu par la suite.

On tient ici pour certain que rien n'a été conclu avec le Duc de Savoie et que l'on se promet de terminer l'affaire ici: je ne crois pas que l'on en viendra à une rupture. Le Duc de Savoie a montré beaucoup de satisfaction en quittant S. M. qui l'a accompagné à une distance de trois lieues d'Avignon, après quoi, ils se sont quittés. Je crois avoir oublié de vous raconter qu'en entrant à Avignon S. A. portait un petit bonnet brodé d'or, avec une roupille rejetée sur l'épaule, un chapeau très élevé avec un bord large seulement d'un doigt et orné du côté gauche d'un grand panache. Ce costume faisait un effet étrange au milieu des habits à la française.

Avec le courrier ordinaire de la cour du 23 au 28 du mois passé, il est arrivé pour nouvelles de Valence et de Romans que le Roi avait donné un dédommagement aux gouverneurs huguenots des villes de Montelimar et de Dié et a remis ces villes dans les mains des catholiques à la grande satisfaction des habitants. Un traité semblable a été conclu pour le fort de Livron sur le Rhône, fort qui sera démantelé, et l'on espère aussi que la citadelle de Grenoble sera démolie. Voilà toutes les nouvelles d'ici; je vous remercie de celles que vous m'avez données, mais je vous remercie particulièrement de l'offre gracieuse que vous me faites au sujet des affaires secrètes de l'évêque de Spalatro; n'y épargnez pas, je vous prie, quelques écus, je vous en tiendrai compte avec le plus grand plaisir.

Je vous baise affectueusement les mains, priant Dieu de combler tous vos désirs. De Paris, le 8 décembre 1622.

COMMENTAIRE.

Valence et Romans, Montelimar et Livron. Le roi qui avait séjourné pendant trois jours dans Avignon avec le duc de Savoie quitta cette ville le 21 novembre: le 23, il arriva à Montélimar où il fut reçu par le consul catholique qui avait remplacé les trois consuls de la religion réformée. De là, il se rendit à Valence, à Romans, à Livron et à Grenoble, où il arriva le 28 novembre. De Grenoble, il partit pour Lyon où il parvint le 6 décembre. Il remit son entrée solennelle dans la ville pour attendre sa soeur, duchesse de Savoie, qui devait arriver le 10 décembre; mais comme le voyage de cette princesse se trouva retardé, le roi et la reine firent leur entrée à Lyon, avec grand appareil, le dimanche 11 décembre 1622.


[98] CCCI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sigr mio singmo.

La sua gratissima delli 8 m'e stata ricapitata questa sera solamente a 9 hore di notte ho mandato ancora al Sr Abbate la sua, ma mi sono trovato intriggato in tante faccende ch'a pena lo potuta leggere, ho pigliato grandissimo gusto nelle raggioni allegate da V. S. per salvar la maniera, che a me pare nobilissima et ho a caro di saperle per valermene al primo incontro con que' censori che non sanno perche parlano. Io andero a vedere il Sr Colmans per haver la vista del dissegno ch'io godero somma ingordiggia et non parlero dell' aviso se non conforme alla sua intentione dispiacendomi di non poter la trattare ad oggio questa volta, per esser gia piu di mezza notte et io stracessimo et charico per domattina d'infiniti intrighi.

Rivedero l'agathe per cappar la migliore. Se a V. S. non importasse tanto la durezza io ho in Provenza un caillou o torzo di agatha grosso come il pugno, bianchisso et senza transparenza se non in una parte dove era la crosta del calcolo, ma non e pietra dura piglia pero assai bel pulimento. Là si potrebbe pigliare con siggurta, pezzi più grandi che la palma della mano et de tal grosseza che la piacerebbe. Se l'opera dove V. S. la vuol collocare non e esposta all' ingiuria del vento et della pioggia o destinata ad ornamento che patisca frictione continua come gli annuelli, o altre cose che se frustano come le medaglie, io non credo che V. S. trovi cosa piu apposita della mia laquale se ben non e dura, non è pero manco venuta di Levante sendomi stata portata d'Aleppo, con altre curiosità, già più di 12 anni. Io scrivero a casa che me la mandino, et V. S. vederà se potra valersene per questo o per altro. Et qui finisco baciandole di tutto cuore le mani. Di Pariggi, alli 8 [15] Dec. 1622.

Di nuovo non si ha che l'intrata del Re in Lyone domenica passata, et che S. M. s'aspetta queste feste a Briara, dove si trattavera a cacciar alcuni giorni mentre vengono le reggine per entrar [99] insieme in questa citta. La principessa di Piemonte non ha ancora gionta ne s'aspettava prima d'hoggi.

Io m'era scordato del principale, cioe che finalmente cie giudicato il negocio di S. Malo. Io haveva sperato di poterle mandare hoggi la copia dell' arresto del consiglio ma non e stato spedito, bisognera aspettar l'ordinario prossimo. In tanto la diro solamente che le cose vanno bene, et che si e concessa la represaglia per quanto intendo, con riserba di non farne l'essecutione con atti d'hostilita. Ma le ne diro piu particolari et piu certi al primo giorno.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Pciresc. V, 687 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «16 décembre. A M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Votre bonne lettre du 8 m'a été envoyée seulement ce soir. A neuf heures de la nuit, j'ai encore fait porter à l'abbé la lettre qui lui était destinée. J'ai été tellement engagé dans une foule d'affaires que j'ai à peine pu lire votre missive. J'ai pris le plus grand plaisir à lire les raisons que vous alléguez pour justifier vos compositions (des tapisseries) que je trouve superbes, et je suis heureux de connaître vos explications pour m'en servir à ma première rencontre avec ces critiques qui ne savent ce qu'ils disent. J'irai voir M. Colmans pour y examiner votre dessin, ce dont je me promets une haute jouissance de gourmet. Je ne parlerai de votre message, que lorsque vous m'en aurez exprimé votre intention; je regrette de ne pouvoir le traiter à loisir aujourd'hui; mais il est déjà plus de minuit, je suis très fatigué et chargé d'une besogne infinie pour demain matin.

Je reverrai les agates pour en choisir la meilleure. Si vous ne teniez pas autant à l'extrême dureté, j'ai en Provence un caillou ou trognon d'agate, gros comme le poing, très blanc et sans transparence, excepté dans la partie où est la croûte de la pierre. Mais ce n'est pas une pierre dure, et cependant elle prend très bien le poli. On peut y tailler en toute sécurité des morceaux plus grands que la paume de la main et gros à [100] volonté. Si l'oeuvre pour laquelle vous la destinez ne doit pas être exposée aux injures du vent et de la pluie, si elle ne fait point partie d'un ornement qui doive souffrir une friction continue comme un anneau, ou l'usure comme une médaille, vous ne trouverez point, je pense, de pierre, plus appropriée que celle que je vous offre, car, tout en n'étant pas dure, elle n'en est pas moins venue du Levant et m'a été apportée d'Alep avec d'autres curiosités, il y a plus de douze ans. J'écrirai chez moi pour qu'on me l'envoie et vous verrez si elle peut vous servir à cela ou à autre chose. Et je finis en vous baisant les mains de tout coeur. De Paris, le 8 [15] décembre 1622.

Pas d'autres nouvelles que l'entrée du Roi à Lyon dimanche passé. S. M. est attendue pour les fêtes à Briare, où elle restera chasser pendant quelques jours, jusqu'à l'arrivée des deux Reines. Puis elle rentrera avec celles-ci dans cette ville, où la princesse de Piémont n'est pas encore, mais où on l'attend aujourd'hui.

J'avais oublié la nouvelle principale: c'est que, finalement, l'affaire de St Malo a été jugée. J'avais espéré vous envoyer aujourd'hui la copie de l'arrêt du Conseil, mais il ne m'a pas été expédié; ce sera pour l'ordinaire prochain. En attendant, je me borne à vous dire que les choses vont bien; on a accordé les représailles pour autant que je puisse comprendre les conclusions avec la réserve de ne pas commettre d'actes d'hostilité dans l'exécution. Mais je vous en parlerai plus en détail et plus positivement au premier jour.


[101] CCCII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sigr mio singmo.

Ho ricevuto la sua delli 16 del corrente et faro il servitio quanto meglio a me sara possibile intorno al negotio delli cartoni con il Sr Abbate, et impieghero gli amici per cercar l'occasione appresso il Re. Ma mi dispiace sommamente di non havere tutto quel credito che sarebbe di bisogno. Le rendo mille gratie della cortese offerta delli scritti del Spalatrense non dubiti V. S. che il Sr Archiprete ne qualunque altro non n'intenderanno un minimo susurro. Solo mi dispiacera se manca il tempo per havere l'opera compita. Io le dissi ch'havemo gli interrogatorii di Monsigr Nuncio ma ce manca la conclusione che vorrei ben non essere omessa costi; ma la preggo di mandarmi la spesa del coppista ne si dia la brigga di fargli trascrivere una seconda volta se non ne vuole copia per se stessa, che a me basterà quasi voglia scrittura perche si possa leggere per discrettione, che sara ben difficile se non la leggiamo. Mo caro che si sia finalmente intesa la differenza del fucile ne daro aviso al Sr Abbate et al suo fratello. Et la ringratio del suo doppio esemplare dei Palazzi de Genoa, vergognoso ch'ella ecceda de tanta cortesia verso di me, che hò poco facoltà di far lo scambio dovuto. Et senz' altro di cuore le baccio le mani pregandole del Cielo ogni maggior bene. Di Pariggi, alli 22 decemb. 1622.

L'ultime nuove della Corte portano che sendosi agguiacciato il fiume Ligeri sono mutati i dissegni della partenza et che la regina madre non parte dy Lyone se non doppo le feste de Natale, di modo che non sera qui prima del fin di Gennaro.

Ho scritto tanto in fretta, che mi scordava di dirle che l'arresto non se potuto havere a tempo per questo ordinario. Io andai dal Sgr di Champigny in cui mano erano le carte et scritture il quale non ne ha saputo niente, non so come havera fatto la Parisière ma ne saperemo la verita per il prossimo.


[102] Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 687 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: 22 décembre. «Au Sr Rubens avec l'entreveüe de Lyon.» (Par l'entreveüe de Lyon il faut entendre la relation imprimée de l'entrevue que Louis XIII eut avec sa mère à Lyon, plaquette que Peiresc envoya à Rubens avec la présente lettre.)


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'ai reçu votre lettre du 16 et je ferai, du mieux qu'il me sera possible, la démarche au sujet des cartons auprès de M. l'Abbé, et j'emploierai mes amis pour chercher une occasion d'agir auprès du Roi. Mais je suis hautement au regret de n'avoir pas tout le crédit qui serait nécessaire.

Je vous rends mille grâces de l'offre courtoise que vous me faites des écrits de l'évêque de Spalatro: vous pouvez être assuré que ni l'Abbé, ni l'Archiprêtre, ni qui que ce soit n'en apprendront le moindre mot: mais ce me serait un chagrin, si le temps venait à me manquer pour recueillir toutes les pièces. Je vous ai dit que j'ai les interrogatoires de Monseigneur le Nonce, mais je n'en ai pas la conclusion. Je voudrais bien la recevoir de chez vous, mais je vous prie de m'envoyer la note du copiste. Ne vous donnez pas la peine de lui faire transcrire une seconde fois ces pièces, à moins que vous n'en vouliez une copie pour vous-même. Pour moi, n'importe quelle écriture me suffit; si elle peut être lue, même avec hésitation, il serait difficile que je ne la lise point.

J'ai été heureux d'apprendre que l'on ait enfin compris la différence entre les briquets de fusil; j'en donnerai avis à l'Abbé et à son frère. Je vous remercie du double exemplaire des Palais de Gênes; je suis confus de recevoir tant de marques de votre courtoisie, alors que je puis si peu vous offrir en échange. Sur ce, je prie le Ciel de vous combler de ses biens et je vous baise les mains de tout coeur. De Paris, le 22 décembre 1622.

Les dernières nouvelles de la Cour portent que la Loire s'étant gelée les projets de départ ont été modifiés: la Reine-mère ne partira de Lyon qu'après les fêtes de Noël, de sorte qu'elle ne sera à Paris que vers la fin de janvier.

[103] J'ai écrit avec tant de hâte que j'oubliais de vous dire que l'arrêt (de St Malo) n'a pu m'arriver en temps pour vous être expédié par ce courrier. Je me suis rendu chez M. de Champigny entre les mains de qui étaient les lettres et les pièces, mais il ne savait encore de rien. Je ne sais comment aura fait La Parisière: nous saurons la vérité par le courrier prochain.


CCCIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sigr mio singmo.

Io vorrei ben per servitio di un par suo, pigliar d'altre incommodità che di scrivere doppo mezza notte, una volta, non potendo assai ammirare l'essatezza di V. S. d'haverne voluto fare un complimento aposta, non senza farmi qualche vergogna, sapendo, che non ho meritato tanti ringratiamenti ma questi sono effetti della somma sua cortesia. Son ben obbligato io ad infinite gratie del disturbo quasi continuo per lungo spatio di tempo, di uno delli suoi domestici a fare la copia di que scritti, et quello che e peggio delle frequenti interruttioni che ne riceve lei stessa per supplire al diffetto del copista, di che ho da restarle con infiniti obblighi.

Per l'agatha bianca non occorre che V. S. faccia ceremonie meco, d'altro non mi dispiacera che del diffetto di durezza per non poter corrisponder in questo all' altri pezzi alli quali ella potra applicarla. Et quello che importa quasi più, la perdita del tempo per aspettare di tanto lontano ma usero quella maggior diligenza che sara possibile, per abbreviarlo se posso senz' aspettar la mia andata in Provenza.

Delli cartoni ho raggionato con il Sgr Abbate, il quale mi promette officij li piu vivi et affettuosi che si possa apprezzo la Regina Madre. Egli mi disse di non haverle risposto aspettando che siano finite le teste di gezzo del Re defunto et della Regina Madre, per accompagnarle con le sue lettere. Et temo che non saranno finite per questa volta. In tanto non manchero di fargli a nome di V. S. il complimento del buon capo d'anno.

[104] Resta il negocio di St Malo nel quale s'e trovata gran difficolta, io ho fatto diligenza straordinaria per haver coppia del arresto senza mai haverla potuto obtenere, et l'esito mi fa indovinare, che doveva essere stato cosa rubbata, per cosi dire, cioè che si era fatta sottoscrivere dal Sr Cancellario senza essaminarla particolarmente, et che poi sendosene accorti si sia cercata strada di coprire il negocio, basta che il Greffiere dice hora che l'arresto non contiene altro, se non che gli attori sono rimandati alla persona del Re et per ordinarne de propria bocca cio che parera a S. M. Io ho voluto havere coppia di quell' arresto in quella forma, senza nondimeno haverlo potuto ottenere per anchora benche me la prometterono. Di maniera ch'io non so come scusare a V. S. d'havere troppo leggiermente creduto i primi avisi, ma non cessarò ch'io non scuopra la verita sicura, sperando che per il prossimo ordinario ne potremo esser chiariti, se non viene a tempo per questo la copia promessa. Et que senz'altro fo fine, preggando a V. S. il buon capo d'anno con serie d'altri seguenti tanti quanti ne merita il suo sommo valore. Di Pariggi, alli 29 dec. 1622.

Il Re party de Lyone il lundy 19, celebrò natale alla Charita et s'ha da trattenere nelle selve d'attorno Malesherbes et Fontainebleau sino alli 12. o 15. del mese di Gennarro prossimo per quanto s'assicura. La Regina sua sposa partij il martedy 20 et viene giornate piccole per arrivare qui in circa a quel medesimo tempo. La Regina madre resta in Lyone per far le feste conla figlia, per partirne il 2° di Genno o al piu tosto il giorno d'hoggi, ma si credeva che dovesse passarvi ancora il capo d'anno. Non habbiamo altre nuove.

Di gratia un affettuosisso bacciamano al gentillisso Sr Gevartio nostro con i versi qui aggionti per augurargli il buon capo d'anno, et un poco piu di tempo di otio che li passati per finir il poema nostro accio V. S. lo possa portare quando le occorrera di venirsene in questo regno.

Hora mi vengono d'assicurare che l'arresto non s'e registrato altramente et che solamente sopra la supplica di que' di St Malo si e stato decreto che si ritirassero alla persona del Re. Io persisto nella opinione che vi habbia havuta qualche cosa straordinaria.

Alli 30 dec.

[105] Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 688.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: 29 décembre «A M. Rubens avec les vers de Borbonius pour Gevartius.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Je voudrais bien pour vous rendre un service équivalent faire quelque chose de plus désagréable que de vous écrire une fois après minuit. Je ne puis assez admirer votre attention pour moi en m'adressant un compliment spécial, et qui m'a causé quelque honte, car je sais que je n'ai point mérité tant de marques de reconnaissance; aussi, je les regarde comme des effets de votre extrême courtoisie. Mais, quant à moi, je vous dois des obligations infinies pour le trouble continuel que je vous cause depuis si longtemps, en employant un de vos serviteurs à me faire la copie de ces écrits, et, ce qui est plus grave, pour les fréquentes interruptions de travail que vous occasionne votre zèle à suppléer à l'inexpérience du copiste.

Je vous en prie, ne faites point de façons avec moi à propos de l'agathe blanche: je regrette seulement qu'elle ait ce défaut de n'être pas assez dure pour correspondre en cela aux autres pièces auxquelles vous pourriez l'adapter; je regrette aussi, ce qui est peut-être plus important, le temps que nous perdons à attendre qu'elle nous arrive d'aussi loin; mais je ferai toute la diligence possible pour abréger ce délai ne voulant pas le reculer jusqu'à mon retour en Provence.

Je me suis entretenu des cartons avec l'Abbé qui me promet ses offices les plus empressés et les plus affectueux auprès de la Reine-mère. Il me dit qu'il ne vous a point répondu, parce qu'il attendait l'achèvement des têtes en plâtre du roi défunt et de la Reine-mère pour vous les envoyer en même temps que sa lettre. Je crains qu'elles ne soient pas terminées pour cette fois encore; en tout cas, je ne manquerai pas de présenter à l'Abbé, en votre nom, des compliments de nouvelle année.

Il me reste à vous parler de l'affaire de St Malo qui donne de grandes difficultés: j'ai fait des démarches extraordinaires pour avoir une copie de l'arrêt, sans avoir pu l'obtenir. L'issue de l'affaire me fait supposer qu'il [106] y a eu là quelque chose de volé, si je puis le dire, ou, en d'autres termes, que l'arrêt a été signé par le chancelier sans qu'il ait examiné la cause et que, plus tard, s'en étant renseigné, on aura cherché un moyen d'étouffer l'affaire, en se contentant de faire dire par le greffier que l'arrêt ne contient autre chose que le renvoi des parties devant la personne du Roi pour entendre le bon plaisir de S. M. de sa propre bouche. J'ai donc cherché a avoir copie de l'arrêt ainsi formulé, mais je n'ai pu me le procurer, quoiqu'on me l'eût promis. De sorte que je ne sais comment me faire pardonner de vous d'avoir ajouté foi si légèrement aux premières nouvelles; mais je ne cesserai mes démarches qu'après avoir découvert la vérité vraie et si la copie ne m'arrive pas pour ce courrier, j'espère bien vous la faire tenir par le courrier prochain. Et sans plus, je termine en vous priant d'accepter pour cette année et une bonne série d'années suivantes, tous les voeux que mérite un homme de votre valeur.

De Paris, le 29 décembre 1622.

Le Roi partit de Lyon, le lundi 19, il célébra la Noël à La Charité et se divertit dans les bois autour de Malesherbes et de Fontainebleau; il y sera jusqu'au 12 ou 15 janvier, à ce qu'on assure. La Reine, sa femme, est partie le mardi 20 et voyage à petites journées pour arriver ici à la même époque. La Reine-mère reste à Lyon pour y passer les fêtes, avec sa fille: elle partira de là le second janvier, ou au plus tôt, aujourd'hui même; mais on croit cependant qu'elle y devra passer encore le jour de l'an. Je n'ai pas d'autres nouvelles.

Faites-moi la grâce de présenter mes compliments les plus affectueux à notre cher Gevartius, avec les vers ci-joints, pour lui souhaiter une heureuse année et un peu plus de loisir que les années précédentes pour qu'il finisse notre poème, afin que vous puissiez m'apporter celui-ci à votre premier voyage en ce royaume.

On m'assure aujourd'hui que l'arrêt n'a pas été enregistré autrement, et que c'est seulement sur la supplique de ceux de St Malo, qu'on a ordonné à ceux-ci de s'en remettre à la personne du Roi. Mais je persiste dans mon opinion qu'en tout cela il s'est passé quelque chose d'extraordinaire.

Le 30 décembre.

[107] CCCIV
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. Sigr.

Ho inteso con gran piacere che si sia finita la copia delli scritti del Spalatrense prima che partisse l'arche. Il quale assecuro V. S. non intendera mai un minimo susurro di quel negocio, et poi che sta in sicuro la prima copia, non ha fretta la seconda et venira sempre a tempo, contandomi la certitudine di haverla qualche giorno et che non si corra piu rischio di non haverla, di che le rende infinitamente gratie. Ne sara di bisogno di mandarla per la posta constera la commodita de' carretony, ma vorrei che V. S. accompagniasse li fagotti d'un pollizzino di recapito con la taxa del porto che se n'ha da paggare che tutti gli vetturini non sono egualmente discreti, alcuni sendo un poco piu tyranni de dovere; questo si puo regolare a tanto la libra, o tanto del fagotto senza risguardo al peso. Ciò che V. S. mi manda della liberalità del SrRoccox intorno alle medaglie gotiche, mi pone un martello per non sapere che scambio io gliene possi mandare, mi bastarebbe la vista degli impronti per non desassortire il suo studio. Vorrei ben sapere se fra le medaglie d'oro del Duca D'Arscot o del detto Sr Roccox non se ne sonno di quelle minute simili a quelle che si sogliono trovare sotto il nome d'Anastasio et di Justino et altri imperatori di quel secolo ma con nomi barbari o non convenevoli alli imperatori Romani, et se c'e in quantita o nò, et se sene potrebbe haver un poco di nota o inventario.

Quant' all' arresto di St Malo, m'hanno voluto assicurare che si era tenuto secreto et sospeso, il che si videsse se sene potrebbe obtenere il sigillo, ma che non havendolo voluto sigillare il Sr Guardasigilli, l'havevano a fatto concellato, ma questo non lo so ancora di sicuro. E ben vero che hora che la corte e di ritorno, et che si puo parlare ad tutti que' che ne puonno haver inteso qualche voce et delli quali si potera essere necessario l'intervento io spero che sapro ogni cosa et piu tosto. Conforme all' ordine di V. S. non spargniero qualche pistola, dispiacendomi di non poter meglio servire V. S. et massimo sendoci interessato il Sgr Roccox, mio padrone antiquo.

[108] Al Sr Abbate faro il baciamano, et credo ch'egli le debba scrivere per questo ordinario per cio che gli ha mandato in casa mia li gessi della testa di Henrico IIII et della Regina Madre, li quali io faro incassare et inviare per il primo carrettone con tutta la prontezza che sara possibile. Con che senz'altro bacio di tutto cuore le mani a V. S.

Di Pariggi alli 5 Januario 1623.

S'aspetta il Re Martedy prossimo in circa et in medesimo tempo la Regina regnante, ma della Regina Madre non si assicura, ne si ha ancora nuova della sua partenza da Lyone. Tutte le nuove stanno in sospeso sino al arrivo del lor Maesta, et qui corre la voce che l'impresa del Principe Mauritio era sopra la vostra citta d'Anversa. Iddio le salvi il Sgr Roccox et V. S.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, V. 688 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «5 janvier. A M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur,

J'ai appris avec grand plaisir que l'on a terminé la copie des écrits de l'évêque de Spalatro avant le départ de l'Archiprêtre, lequel, vous pouvez en être assuré, ne saura jamais le moindre mot de cette affaire. Maintenant que la premiére copie est assurée, la seconde ne presse point, elle viendra toujours à temps depuis que j'ai la certitude de l'avoir un jour et que je ne cours plus le risque de ne pas l'obtenir, ce dont j'ai à vous remercier mille fois. Il ne sera pas besoin de me l'envoyer par la poste; il y aura moyen de la remettre aux rouliers, mais je voudrais que vous ajoutassiez au paquet un petit billet d'envoi avec la note des frais à payer, car tous les rouliers ne sont pas également discrets, et quelques-uns sont un peu plus exigeants qu'ils ne devraient l'être: tout cela peut se régler à tant la livre, ou à tant le paquet sans avoir égard au poids.

Ce que vous me dites de la libéralité de M. Rockox relativement aux médailles gothiques me donne quelque souci, parce que je ne sais pas ce [109] que je pourrais lui envoyer en échange; je me contenterais volontiers de la vue des empreintes afin de ne pas dépareiller sa collection. Je voudrais bien savoir si parmi les médailles d'or du duc d'Aerschot ou de M. Rockox il n'y en a pas d'un petit module, semblables à celles que l'on trouve avec les noms d'Anastase, de Justin ou d'autres empereurs de ce siècle, mais portant des noms barbares ou ne convenant pas à des empereurs romains. Je voudrais savoir aussi si dans ces collections ces pièces se trouvent en quantité ou non, et s'il n'y aurait pas moyen d'en obtenir une notice sommaire ou un inventaire.

Quant à l'arrêt de St Malo, on a voulu me donner comme certain qu'il a été tenu secret et en suspens, ce que l'on pourrait constater par le fait qu'il n'aurait pas obtenu l'apposition du sceau; or, comme le Garde des sceaux a refusé de le sceller, on l'aurait tout-à-fait annulé: mais je ne sais pas encore tout cela avec certitude. Maintenant que la Cour est rentrée, et que l'on pourra en parler à tous ceux qui peuvent en savoir quelque chose ou dont l'intervention serait nécessaire, j'espère que je saurai tout et promptement. Et, me conformant à vos ordres, je ne regarderai pas à quelques pistoles: n'ayant qu'un seul regret, celui de ne pouvoir vous rendre service davantage surtout dans une affaire où M. Rockox, mon ancien protecteur, est intéressé.

Je ferai vos compliments à l'Abbé; je crois qu'il doit vous écrire par ce courrier pour vous dire qu'il a envoyé chez moi les têtes en plâtre du feu roi Henri IV et de la Reine-Mère. Je les ferai emballer et vous les recevrez par le premier messager; j'y mettrai toute l'activité possible. Sur ce, je vous baise les mains de tout coeur.

De Paris, le 5 janvier 1623.

On attend le roi vers mardi prochain et en même temps la Reine; quant à l'arrivée de la Reine-Mère, rien n'est encore décidé: on n'a pas de nouvelles de son départ de Lyon. Toutes les nouvelles sont en suspens jusqu'à l'arrivée de Leurs Majestés. Le bruit court ici que l'entreprise du Prince Maurice était dirigée contre votre ville d'Anvers.

Dieu veuille vous sauver, vous et Monsieur Rockox.

COMMENTAIRE.

L'entreprise du prince Maurice. Au commencement du mois de décembre 1622, le prince Maurice projeta une expédition contre un des points des Pays-Bas espagnols, sans faire connaître exactement lequel. Les uns croyaient [110] qu'il s'agissait de s'emparer d'une ville de la Flandre Zélandaise, Hulst par exemple; d'autres supposaient avec plus de probabilité qu'il voulait surprendre Anvers. Dans ses mémoires, le prince Frédéric-Henri assure lui-même que l'expédition était dirigée contre cette dernière ville. Le prince Maurice fit embarquer 88 compagnies d'infanterie; il donna ordre à son frère Frédéric-Henri de lui amener quelques troupes et parmi elles des cavaliers. A Anvers, on s'attendait à cette attaque et on prenait ses mesures en conséquence. Le projet échoua. Ayant à peine dépassé Willemstad, la gelée et l'orage empêchèrent la flotte d'avancer. Le 6 décembre, les Etats-Généraux reçurent du prince un avis daté de Willemstad sur le Hollandsche Diep, leur annonçant qu'il n'avait pas réussi dans son entreprise.


CCCV
BALTHASAR MORETUS A JEAN WOVERIUS.

Ampliss. et Doctiss. Domine.

Italicas per Cognatum isthuc abeuntem remitto, quas plures jam a Rubenij manu accepi. Gratias de iis ago, et felicem tibi tuisque annum ex animo precor. De duorum Cardinalium imaginibus, an jam isthic depictae, libens intelligam. De Oudarti et Pantini si commodè haberi nequeant, nolim amplius inquiri, suffecerint binae illae, et quas per Rubenium hic curavi, aululae meae exornandum...

Antverpiae in officina Plantiniana VII Idus Jan. 1623.

Adresse: Joanni Woverio AErarii Belgici praefecto.


Archives du Musée Plantin-Moretus. Registre des lettres latines de 1620-1628, page 94.


TRADUCTION.
BALTHASAR MORETUS A JEAN WOVERIUS.

Monsieur.

Je vous renvoie par mon cousin qui part d'ici, les feuilles italiennes dont j'en avais déjà reçu plusieurs de la main de Rubens. Je vous en remercie et [111] vous souhaite de tout coeur une heureuse année à vous et aux vôtres. J'apprendrai volontiers si les deux portraits des Cardinaux ont déjà été peints. Si ceux de Oudartius et de Pantinus sont difficiles à obtenir, je vous prie de ne pas pousser plus loin vos recherches: les deux premiers avec ceux que j'ai fait peindre par Rubens me suffiront pour orner mon salon.

Anvers, de l'Officine Plantinienne, le 7 janvier 1623. Adresse: A Jean Woverius, président de finances belges.

COMMENTAIRE.

Les feuilles italiennes renvoyées par Balthazar Moretus à Jean Woverius sont des nouvelles hebdomadaires que Woverius avait envoyées à Rubens pourqu'il les transmît à Moretus. Quelque temps auparavant Woverius avait écrit à Balthasar Moretus:

«Je vous envoie de nouveau les nouvelles des mois passés, non seulement d'une seule ville mais de l'univers entier. Lisez-les et goûtez le plaisir de vous occuper des choses présentes. J'apprends que jadis ces feuilles avaient pour rédacteur un homme de grande réputation. Suetonius en parlant de Jules César dit: Il fut le premier à établir l'usage que les actes du Sénat et du peuple fussent rédigés et publiés tous les jours. Qu'y a-t-il de plus utile que de faire connaître à tous ce que les hommes font partout? Les oisifs s'en occupent utilement et les hommes actifs suivent le cours de bien des choses, souvent les autorités les plus élevées en tirent grand fruit. Et quand tout cela ne serait pas, quel plaisir de voir pour ainsi dire se dérouler devant nos yeux le spectacle du monde entier. Celui qui disait: tout le monde joue la comédie, proclama une grande vérité. Je ne les lis que dans cette intention et souvent je suis frappé par la pensée: que de vanité dans les choses. Dans la suite, vous recevrez régulièrement les numéros par Rubens et voudrez bien me les renvoyer. Agréez, mon cher Moretus, les salutations de votre dévoué Woverius. (1)»

[112] La lettre, comme la plupart de celles de Woverius, ne porte pas de date et Moretus a négligé de l'y inscrire. Au dos, il n'a fait que marquer: D. Woverius de Italicis. Il est évident néanmoins que la lettre de Moretus et celle de Woverius traitent du même objet et sont écrites à peu d'intervalle.

Woverius qui occupait une fonction très élevée, il était président du Trésor ou ministre des Finances, avait intérêt à être bien informé des évènements politiques et autres dans les divers pays. Il se faisait donc envoyer des correspondances de l'étranger. Ces communications étaient écrites à la main (scriptiones) et remplaçaient nos journaux. Rubens en échangeait régulièrement toutes les semaines avec Peiresc ou avec les fréres Dupuy; Balthasar Moretus entretenait une correspondance analogue avec Philippe Chifflet de 1638 à 1640. On comprend que ces sortes de feuilles hebdomadaires devaient être les bienvenues chez Rubens.

Il est assez probable cependant que les nouvelles italiennes hebdomadaires que Woverius envoyait à Rubens et que celui-ci passait à Balthasar Moretus, n'étaient pas des lettres personnelles, mais émanaient d'un office spécial de correspondances. Dans un des recueils de la Gazette d'Abraham Verhoeven que possède le Musée Plantin-Moretus, nous rencontrons parmi les Nos de l'année 1621 une plaquette de 14 pages in-16°, ayant pour titre Nouvelles certaines d'Italie, datée de 1623, et imprimée par Verhoeven en français, contre son habitude de publier des traductions flamandes des nouvelles qui lui parvenaient. Ces Nouvelles certaines d'Italie reproduisent-elles une des correspondances dont parle Woverius, ou bien s'agirait-il de quelque Gazette Universele comme Verhoeven en imprimait de temps en temps pour faire diversion à ses nouvelles de l'un ou l'autre pays déterminé? Peiresc connut une Gazette italienne; il n'en parle jamais à Rubens, mais dans une lettre qu'il écrivit, le 13 août 1627, à Pierre Dupuy il dit: «Vous verrez la Gazette qui est venüe tant de Rome que de Gênes, encore que possible en aurez-vous apprins le contenu avant la réception de cette dépesche.» (1) La question se pose si cette Gazette était imprimée ou manuscrite.

Balthasar Moretus avait formé le plan de faire servir à la décoration des salles d'apparat de son habitation les portraits des membres de sa famille, ceux des plus illustres savants et protecteurs des sciences et ceux des hommes de lettres avec lesquels l'officine plantinienne était en relation. Il fit exécuter un grand nombre de ces portraits par son ami Rubens; d'autres lui étaient fournis par ses correspondants ou par d'autres artistes. Le Musée [113] Plantin-Moretus possède encore des effigies peintes par Rubens, celles de Plantin et de sa femme Jeanne Rivière, de Jacques Moretus et de sa femme Adrienne Gras, de Jean Moretus I et de sa femme Martine Plantin, de Juste Lipse, de Léon X, de Laurent de Médicis, de Pic de la Mirandole, d'Alphonse roi d'Arragon, de Mathias Corvinus, de Petrus Pantinus, d'Arias Montanus, d'Ortelius, de Côme de Médicis et du pape Nicolas V. Il possède en outre le portrait de Gaspar Gevartius, d'Erycius Puteanus et de Godefroid Wendelinus par Thomas Willeborts (Bosschaert); ceux de Ludovicus Nonnius, d'Albertus Miraeus et de Jean Moretus II par Erasme Quellin; ceux de Jean Malderus, de Jean Woverius, de Jean-Jacques et de Jules Chifflet par Balthasar van Meurs; ceux des Cardinaux Baronius et Bellarmin, de Balthazar Corderius, Ange Politien, Marsilius Ficinus, Leonardus Lessius, Mathieu de Morgues et Carolus Scribanius par des artistes inconnus.

Le 20 juillet 1622, Balthasar Moretus écrivit à Jean Woverius: «Quant aux portraits de Baronius, Bellarminus, Pantinus et Oudartius, j'accepte volontiers votre offre de les faire peindre là-bas et vous envoie à cet effet quatre panneaux en bois. (1)» Woverius se trouvant alors à Bruxelles, c'est là que furent exécutés les portraits des deux cardinaux. Balthasar Moretus les avait reçus le 10 mars 1623. (2) Celui de Oudart ne fut jamais exécuté. Celui de Pantinus ne put être fait qu'en 1633.

C'est des quatre derniers portraits qu'il s'agit dans la lettre de Woverius du 7 janvier 1623.


[114] CCCVI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sigr mio.

Alla lettera di V. S. delli 5. haverei molte cose da dire ma mene manca il tempo, et ho corsso gran risico de perdere commodita di questo ordinario senza poterla scrivere. La venuta del Contestabile et il negocio della nostra lite havendomi caggionato occupatione straordinaria spero nondimeno che non sara ancora partito l'ordinario ben che sia gia tardi.

Io mi son rallegrato sommamente di vedere ch'ella presta l'orecchia alle propositioni di mutar aria, di che io sarei molto fiero, potendo riuscire. Et se non torniamo alla guerra questa primavera, io credo che la cosa si potrebbe sperare con qualche sua sodisfactione. Due giorni prima ch'io ricevessi la sua lettera, incontrai il Sr Colmans, il quale mi confesso d'havere i dissegni dei Cartoni et mi promesse di farmegli vedere, ma non ho potuto far quel viaggio, che e lungo come sa V. S. benche nell' istezza citta, per un huomo intriggato in liti. Egli congionse che V. S. pensava a detta peregrinatione e transmigratione con occasione dell' impresa del principe Mauritio, io replicai che se le ne fosse fatta grande instanza forzi ch'ella vi potrebbe inclinare ma ch'io non crederei facilmente, ch'ella potesse lasciare i parenti, la patria, e tante commodita ch'ella haveva costa, et che in mia presenza il defunto Sr de Vic le haveva fatto qualche motto a questo proposito, senza ch'ella vi potesse condescendere, quanto all' impresa che era cosa di troppo difficile riuscita per haverne paura. In somma io rimessi il tutto in termini di reputatione, et dissi tutto cio che potei immaginarmene per sua commendatione et per movere a fare ogni sforzo per disporla a voler venire. Arrivo S. Mta Martedy hieri solamente si fermo il primo consiglio de negocii di stato dove fu S. Mta et il contestabile con il cancelliere etc. Il Re sene va domani a S. Germain et in breve saremo chiariti se la pace dovera du rare o nò, et caso de si cercaremo i mezzi convenevoli per l'apposta di sua vocatione ma fin alla hora non vorrei consigliar [115] di tentarla con l'incertitudine presente. Mi disse ancora il Colmans che non se portarebbono altramente li cartoni al Louvre, il che lodai, et credo che sara meglio di non farne tanto ciasso per ancora finche vengha altra cosa.

Le teste dovevano essere levate hoggi da carettoni, ma non sono ancor venuti et poi con somma fretta fo fine. Di Pariggi alli 13 Jan. 1623.

Mi scrivono da Roma che il Spalatense haveva fatto nuova et piu ampia abjuratione in mano del Carde Bandini capo della Congregatione del S. Offizio havendo confessato dallo stato heretico et dannato una per una tutte l'oppinioni che ha tenute. Et gia si e assonto di scrivere contra li proprii scritti comminciando da un consilium reditus per opposto a quello della profectione. Il papa gli ha restituito l'habito episcopale, l'ha ricevuto benignamente et gli ha assegnato provisione per vivere.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V, 689 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «13 janvier. A M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'aurais beaucoup de choses à dire au sujet de votre lettre du 5 janvier, mais le temps me fait défaut et j'ai couru grand danger de perdre l'occasion de ce courrier et de ne pas pouvoir vous ecrire. L'arrivée du Connétable et les affaires de notre procès m'ont occasionné une besogne extraordinaire; j'espère toutefois que le courrier ne sera pas encore parti, bien qu'il se fasse déjà tard.

Je me suis grandement réjoui de voir que vous prêtez l'oreille aux propositions que l'on vous fait de changer d'air, j'en serais très fier si elles pouvaient réussir. Si nous ne tournons pas à la guerre au printemps, je crois qu'on peut espérer de voir la chose s'accomplir à votre entière satisfaction. Deux jours avant de recevoir votre lettre, j'ai rencontré M. Colmans, qui m'avoua posséder les dessins des cartons et me promit de me les [116] faire voir, mais je n'ai pu aller jusque chez lui; c'est un long voyage, comme vous le savez, quoique nous demeurions dans la même ville, et surtout pour un homme empêtré, comme je le suis, dans des procès. Il m'a dit aussi que vous songiez à ce départ et à émigrer à cause de l'entreprise du prince Maurice; je lui répondis que si l'on faisait de grandes instances, vous pourriez peut-être incliner vers ce projet, mais que je croirais difficilement à une idée de votre part d'abandonner la famille, la patrie, tous les avantages que vous avez là-bas. J'ajoutais que feu M. de Vie vous avait un jour parlé de ce projet en ma présence, mais que vous n'y aviez pas voulu souscrire, et que, quant à l'entreprise de Maurice, je la regardais comme trop difficile et trop chanceuse pour inspirer de la crainte: en résumé, j'ai réduit tout cela à des paroles de conjecture, mais en même temps j'ai dit à M. Colmans ce que j'ai pu imaginer de mieux pour l'engager à faire tout ce qui est en son pouvoir, afin qu'il vous dispose à donner suite au projet en question.

C'est hier, mardi, seulement que Sa Majesté le Roi est arrivé et que s'est tenu le premier conseil consacré aux affaires d'état: Sa Majesté y fut présente en même temps que le connétable, le chancelier et d'autres. Le Roi se rend demain à St Germain et, sous peu, nous saurons si la paix doit durer ou non. Dans l'affirmative, nous chercherons les moyens de hâter votre appel ici; mais, pour le moment, dans l'incertitude où nous sommes, je ne voudrais pas vous engager à vous déplacer. M. Colmans m'a dit encore que l'on ne portera point les cartons au Louvre; ce dont je le louai. Je crois, du reste, qu'il serait mieux de ne pas faire tant de bruit de tout cela, et d'attendre le moment où il arrive d'autres choses.

Les messagers devaient venir aujourd'hui chercher les têtes; ils ne sont pas venus encore; mais je termine en toute hâte. De Paris, le 13 janvier 1623.

On m'écrit de Rome que l'archevêque de Spalatro a fait une nouvelle et plus ample abjuration entre les mains du Cardinal Bandini, président de la Congrégation du Saint Office. Il a été relevé de sa condition d'hérétique et il a condamné l'une après l'autre toutes ses opinions antérieures. Il s'est même mis à réfuter ses propres écrits, en commençant par opposer le traité du Concilium Reditus à celui de de Profectione. Le pape lui a permis de reprendre ses habits d'évêque, il l'a reçu avec bienveillance et lui a assigné des ressources pour vivre.


[117] COMMENTAIRE.

Le Connétable. — Lesdiguières.

Projet d'émigration de Rubens. C'est la seule mention que nous ayons rencontrée de cette intention prêtée à Rubens de quitter Anvers pour aller s'établir soit à Paris, soit ailleurs. Peiresc qui connaissait son ami n'a pas pris au sérieux le bruit qui en courut à cette époque et il a eu raison.

Le Chancelier. — Nicolas Brulart, Seigneur de Sillery.

L'archevêque de Spalatro. L'on sait qu'après avoir désavoué ses opinions hérétiques et avoir obtenu son pardon, Marc-Antoine de Dominis fut peu après convaincu d'être en correspondance avec des personnes suspectes. Ses lettres ayant fourni la preuve que sa conversion n'était pas sincère, il fut arrêté et enfermé au château de Saint Ange où il mourut en septembre 1624.

Les deux traités dont parle Peiresc sont: Expositio consilii suae profectionis et Exposito consilii sur reditus ex Anglia.


CCCVII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sigr. mio singmo.

Faro i bacciamani al Sr Abbate ordonatimi con la sua lettera delli 12. del corrente capitatami questa sera, et la preggo di ringratiare a mio nome il SrGevartio della cortese promessa di mutatione conforme alli voti nostri.

Mancarono li carrettoni la settimana passata di venir a levare la cassetta con le teste del Re et della Regina, di che mi dispiacque sommamente questa volta, per non correr il medesimo risico, io gliele ho voluto mandare, senza fare altro pretio, poi che costi li padroni stanno nelle regole del dovere meglio delli lor servitori. Havero caro d'intendere che siano gionti ben conditionati. Faro la schusa del ritardamento del fucile col Sr de Granges.

Arrivo hieri sera la Regina Madre. Il Re venne a posta di St Germano, per riceverla al suo arrivo. Non ho potuto veder oggi [118] il Sr Abbate per intenderne qualche particolarita, ma suppliremo la prossima settimana con l'aiuto del Sre Iddio.

Qui sono gionti li deputati della Rochella per rinovar l'instanza accio si faccia la demolitione del forte fabricato apprezzo, et per dolersi delle munitioni che vi sonno intrate ultimamente, onde s'aumentano sommamente i sospetti loro di nuova guerra questa primavera, di maniera che nonci manca temore di vedere rompere la tranquillita presente.

Il conte d'Orval gia Governatore di Montalbano mentre era assediato figlio secondo genito del Duca di Sully et genero del Sr Maresciale della Forza, si e fatto catholico in Orleans et sta qui hora dove va alla messa con suo fratello primogenito marchese di Rhosny. Altro per adesso non le posso dire fuor che le solite racommendationi di tutto cuore. Di Pariggi, alli 19 Janu. 1623.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V. 690.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «20 janvier. A M. Rubens et le mesme jour sa caisse des testes.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Selon l'ordre que vous m'en avez donné par votre lettre du 12, qui m'arrive ce soir, je présenterai vos civilités à M. l'Abbé, et je vous prie de remercier en mon nom Mr Gevaerts de sa promesse courtoise d'opérer cet échange, conformément à mes désirs.

Les voituriers ont oublié la semaine dernière de venir prendre la caisse contenant les têtes en plâtre du Roi et de la Reine, ce que j'ai bien regretté. Pour ne plus courir le même risque, je me suis décidé à vous les envoyer sans faire aucun accord, parce que chez nous les patrons se tiennent mieux dans les limites de leur devoir que leurs serviteurs. J'apprendrai avec plaisir que ces objets vous ont été remis en bonne condition. Je ferai à M. des Granges vos excuses du retard qu'éprouve l'envoi du briquet d'arquebuse.

La Reine-Mère est arrivée hier au soir, le Roi est venu de St Germain en poste pour la recevoir. Je n'ai pu me rencontrer avec l'Abbé aujourd'hui [119] pour en tirer quelque nouvelle, mais avec la grâce de Dieu, je réparerai cela la semaine prochaine.

Les députés de la Rochelle sont arrivés ici pour renouveler leurs instances au sujet de la démolition du fort construit près de la ville et pour se plaindre de l'entrée récente de nombreuses munitions, ce qui a beaucoup augmenté leurs soupçons relativement à une guerre, au printemps prochain. De sorte qu'il ne manque pas de sujets de craindre que la tranquillité actuelle ne soit bientôt rompue.

Le comte d'Orval, gouverneur de Montauban, durant le siège de cette ville, fils puîné du duc de Sully et gendre du Maréchal de la Force, s'est fait catholique à Orléans, et en ce moment il est ici et va à la messe avec son frère aîné, le marquis de Rosny. N'ayant pas d'autres nouvelles à vous apprendre, je vous présente de tout coeur mes amitiés accoutumées. De Paris, le 19 janvier 1623.


CCCVIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sigr mio Singmo.

Questa mattina ho ricevuto la sua lettera delli 19. et questa sera tornando a casa vi ho trovato il fucile portato dal Sr de Vos, con la cartuccia delle medaglie del SrRoccox delle quali io resto con gran obligo a quel gentilhuomo et a V. S. ancora che mele ha procurato havendocene trovato qualcheduna che non sara inutile all' assortimento cominciato, et por cio le fâro improntare per rimandare gli originali quanto primo, al detto Sr Roccox mio singolare padrone con mille gratie del favore di tal communicatione che m'e stata carissima assicurando le S. S. V. V. che ogni volta ch'elle se degnaranno communicarmene dell' altre le saranno restituite con ogni sicurezza possibile, oltre che ne resterò all' uno et all' altro con obligo infinito.

Il fucile sara portato domani al Sr Abbate per darlo al Sr des Granges suo frattello, et spero ch'egli ne restera sodisfatto.

[120] Delle 8 figure destinate al torrione del palazzo della Regina Madre quattro erano finite gia piu di due mesi sonno, et credo che l'altre quattro siano molto avanzate, il Sr Bertoletti, havendo la mano molto leggiadra et pronta et sonno grandezze delle statue heroicque quasi del doppio del naturale senza essere troppo grandi talmente che non credo che l'altre otto figure di bronzo accennate da V. S. potessero giongere a tempo ne che fossero assai grandi per quella situatione et altezza.

Restami a ringratiarla de' voti prosperi ch'ella fa per il felice essito della mia lite di che ho veramente gran bisogno.

Quanto alla proposta del Sr Colmans, io haveva ben giudicato cio che poteva esser dell' intento di V. S. et vorrei che mi costasse gran cosa et potere condurre il negocio all' optato fine, assicurandola che mi ci impieghero con tutto l'animo.

Del resto dopo il dispaccio fatto con l'ultimo corriere della settimana passata tutta questa corte e quasi mutata di facce, l'istesso giorno che partij il corriere sendo stato licentiato il Conte di Schomberg con quattro soprastanti alle finanze di Francia. Il di segguente sendo morto il Sr Guardasigilli di Caumartin et li sigilli sendo stati restituiti lunedy sera al Sr Cancelliere non senza ammiratione universale.

Martedy fu subrogato il Marchese de la Vieuvillle al Conte di Schomberg et al Sr di Champigny al carico di contrarotulario del Sr de Castille, restando solo il piu vecchio delle cinque soprastanti presidente di Chevry, con l'assistenza del Sr de Beauclerc fatto nuovo soprastante o intendente, il quale era secretario della Regina. L'istesso Martedy S. M. se n'ando a St Germano con intentione di tornare sabbato, et si dubita ancora che possa in breve succedere qualche altera mutatione. Basta che la Regina Madre ha gran parte nell' intimo consiglio del Re. Il giorno ch'ella arrivo il Re partij di S. Germano et fu molte hore a cavallo per andare a trovarla sino al luoco dove ella haveva da disnare, et entrando in Pariggi ella stava nel fondo della sua carrozza, il Re et la Regina sua sposa in una delle portiere, et Monsieur con Madama nell' altra portiera et cosi entrarono con gran giubilo di tutto il popolo.

Il Sigr Abbate non ha mancato a farle l'officio d'amico tutto intiero dicendo alla Regina Madre, che molti pittori havevano fatto [121] congiurazione contra V. S. per cercare a censurare le sue opere benche a grandissimo torto, la Regina gli rispose, che non si curava delle lor ciacciare, ne voleva sotto pena della sua disgratia che al eu no fosse tanto ardito di parlargli sinistramente delle opere di V. S. delle quali ella restava a pieno sodisfatta, et sicura che voleva che fosse palese a tutti. Ella s'informo piu volte del tempo che si poteranno sperare li suoi primi quadri non videndo l'hora di haverne qualche numero, et il Sr Abbate mi dice havergli risposto che credeva che in breve S. M. potrebbe haverne 7. o 8. a che ella mostro gran sodisfattione aggiongendo che vorrebbe ch'ella gli venisse portare avanti il fine del mese prossimo. Toccara a lei a pensarci, et dar qualche termine preciso s'e possibile per fare i quadri et ne potra scrivere qualche motto al detto Sigr Abbate. Con che per fine le baccio di tutto cuore le mani.

Di Pariggi alli 26 Janu. 1623.La Regina e gravida non senza grandissa allegrezza d'ogniuno.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V, 691 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «27 janvier. A Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'ai reçu ce matin votre lettre du 19, et, en revenant au logis ce soir, j'ai trouvé le briquet d'arquebuse que M. de Vos m'avait apporté avec le paquet contenant les médailles de M. Rockox. J'en demeure très obligé à ce gentilhomme et à vous qui me les avez procurées. Dans le nombre, j'en ai trouvé quelques-unes qui ne seront pas inutiles à la collection que j'ai commencée; aussi, j'en ferai prendre les empreintes afin de pouvoir au plus tôt renvoyer les pièces originales à M. Rockox, en le remerciant mille fois de son aimable communication. Je vous assure à tous deux que j'en ai été très heureux et chaque fois que vous voudrez bien m'en communiquer d'autres, elles vous seront restituées avec toutes les sûretés possibles et je vous en serai toujours extrêmement reconnaissant.

[122] Le briquet sera porté demain chez l'Abbé qui le fera tenir à Mr des Granges, son frère. J'espère que celui-ci en sera satisfait.

Des huit figures destinées à la coupole du palais de la Reine-Mère, quatre sont terminées depuis plus de deux mois, et je pense que les quatre autres sont très avancées: M. Bertolet travaille avec une grande gracieuseté et rapidité. Les figures ont la grandeur des statues héroïques, presque le double de la grandeur nature, sans cependant être trop grandes. Aussi je pense que les huit autres figures de bronze que vous avez désignées n'arriveront pas à temps et ne seront pas assez grandes pour la hauteur où l'on devrait les placer.

Je vous remercie des voeux que vous exprimez pour une heureuse issue de mon procès: vraiment, j'ai grand besoin d'être réconforté. Quant à la proposition de M. Colmans, j'avais bien jugé quelles pouvaient être vos intentions et je voudrais qu'il m'en coûtât quelque peine pour pouvoir amener l'affaire au résultat désiré: je vous promets d'y employer tout mon zèle.

Depuis ma dernière dépêche de la semaine passée, la Cour, ici, a presque changé de face. Le jour même où partit mon courrier, le comte de Schomberg a été congédié avec quatre surintendants des Finances de France; le lendemain, M. de Caumartin, garde-des-sceaux étant venu à mourir, les sceaux ont été restitués à M. le Chancelier, dès lundi soir, ce qui a causé une satisfaction générale.

Mardi, le Marquis de la Vieuville a été subrogé au Comte de Schomberg et à Monsieur de Champigny dans la charge de contrôleur du Seigneur de Castille, de sorte que le président de Chevry, le plus ancien des cinq surintendants reste seul, assisté de M. de Beauclerc, nouvellement créé surintendant ou intendant: celui-ci était le secrétaire de la Reine. C

e même mardi, le Roi est allé à Saint-Germain avec l'intention d'en revenir samedi et l'on est en doute encore si sous peu il n'y aura pas d'autres changements. Qu'il me suffise de dire que la Reine-Mère prend une grande part au conseil intime du Roi. Le jour qu'elle est arrivée, le Roi quitta Saint Germain et fut plusieurs heures à cheval pour aller la trouver là où elle s'arrêta pour dîner. En entrant à Paris, elle se tenait debout au fond de son carrosse, le Roi et la Reine, sa femme, étaient à l'une des portières, Monsieur et Madame, à l'autre. Ils firent ainsi leur entrée à la grande jubilation de tout le peuple.

Monsieur l'Abbé n'a pas manqué de remplir complètement son office d'ami en disant à la Reine-Mère que plusieurs peintres avaient formé contre vous une conspiration pour chercher, à très grand tort, à faire désapprouver [123] vos oeuvres. La Reine lui a répondu qu'elle ne prenait aucun souci de leurs critiques, qu'elle défendait sous peine de sa disgrâce que l'on s'enhardît à dire du mal de vos oeuvres, dont elle était entièrement satisfaite et qu'elle voulait que tout le monde le sût. Elle s'est informée plusieurs fois de l'époque probable à laquelle elle pouvait espérer recevoir les premières toiles, ne s'attendant pas encore à en recevoir un certain nombre; l'Abbé m'a dit avoir répondu que sous peu, S. M. en recevrait sept ou huit. Elle en témoigna le plus vif contentement, ajoutant qu'elle voudrait bien que vous vinssiez les lui apporter avant la fin du mois prochain. A vous d'y songer et de donner, si c'est possible, quelque date précise de l'achèvement des tableaux; et veuillez en écrire quelques mots à l'Abbé.

En finissant, je vous baise les mains de tout coeur. De Paris, le 26 janvier 1623. La Reine est enceinte, ce qui cause une joie universelle.

COMMENTAIRE.

Caumartin. Louis Lefèvre de Caumartin, né en 1552, fut successivement intendant de Poitou et de Picardie, ambassadeur en Suisse, conseiller d'Etat, président du grand Conseil. Il obtint la charge de garde-des-sceaux en septembre 1622 et mourut le 22 janvier 1623. Les sceaux furent restitués au chancelier Nicolas Brulart, Seigneur de Sillery.

Vieuville. (Charles, marquis de La) né vers 1582. Entra d'abord dans la carrière des armes et devint premier capitaine des gardes-du-corps, maréchal-de-camp, et lieutenant-général de la Champagne et du Réthelois. Après la mort de son père, en 1612, il lui succéda dans la charge de grand fauconnier de la Couronne. En janvier 1623, il succéda à Schomberg comme surintendant des Finances. Il dut se démettre en 1624, et fut emprisonné au château d'Amboise d'où il parvint à s'échapper. Il se réfugia à l'étranger; le Roi lui permit de rentrer en France en 1626. En 1631, il alla rejoindre le duc d'Orléans et Marie de Médicis dans les Pays-Bas. Condamné à mort en 1632, il fut amnistié en 1643. En 1651, il reçut le titre de duc et pair, et fut remis à la tête des Finances par le Cardinal de Mazarin. Il mourut le 2 janvier 1653.

Castille. Pierre de Castille qui épousa Charlotte, fille du président Jeannin, fut ambassadeur en Suisse en 1612 et intendant des Finances en 1627. Il mourut en 1629.

[124] Beauclerc. Charles de Beauclerc, Baron d'Achères et de Rougemont, secrétaire de la Reine, créé surintendant des Finances en janvier 1623, secrétaire d'Etat depuis le 5 février 1624, mourut en 1630.


CCCIX
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre Sigre mio singmo.

Hebbi hieri un poco tarde la sua littera delli 26. del passato et mi fu carisso d'intendere che l'opera della Regina commincia di comparire nel suo sallone, di che non manchero a dare aviso al Sr Abbate con fargli i complimenti ordinatimi di V. S.

Doppo l'ultimo dispaccio io consignai il fucile del quale il Sr des Granges venne a farmi subito grandissmo ringratiamento havendolo trovato conforme al suo voto, et mi fece grand instanza de voler sapere da V. S. la spesa dell' uno e dell' altro a che io risposi che no sapeva et che le ne scriverei, ma che non credeva che V. S. volesse tenir conto de cose di si poco momento massime havendo il Sr Abbate fatto la spesa ultimamente di quelle due teste regie del ritardamento delle quali m'e spiaciuto assai, ma certe il torto non e stato tutto mio. Subito ch'io le hebbi mandai a chiamare un seul tore mio amico, et gli ordinai la cassetta et l'acconciatura accio andassero ben conditionate, a che non si persero piu di due giorni, bisogna poi aspettar l'arrivo de' carrettoni quali mancarono di levarle una settimana ma non la sequente. Et io spero ch'ella le havera ricevute quest' hora.

Venne hieri da me il Sr Archiprete et mi trattava di molto imprese grandi ch'egli ha nel animo io vorrei che gli riuscissero conforme alli suoi voti.

Si diceva questi giorni ch'el Sr Barbino haveva ricercato licenza di venirsene qua per farsi tagliare della pietra, non so se sara venuto o se resta ancora la, et lo vorrei sapere se fosse facile d'informarsene.

[125] E stato liberato di custodia il Conte della Penna figlio del Mareschiale d'Ancre, et va per la citta come se altro non fosse stato.

L'intelligenza e sempre buonissima tra la Regina Madre et il Re, Ella sene va domani a stare al suo palazzo di Luxemborgo per 15. o 20. giorni inentre dura la fiera, et circa sua spurga havendo fatto tapezzare le stanze del palazzo nuovo, ma non ci vuol dormire, anzi andera nel palazzo vecchio di Luxemburgo contiguo al nuovo nel quale ella andera per la galleria dove hanno d'andare le sue pitture che S. M. aspetta con impatienza grandissa.

Del resto non habbiamo altro che la continuazione dell' ordine stabilito da S. M. nelle sue finanze, restando destituiti il Conte di Schomberg et li SSri di Castiglie, des Portes, Le Clerc et du Houssay senza speranza di ricuperare lor cariche il Re havendo fatto risposta a tutti gli intercessori, che voleva vedere quest' anno il successo di detto ordine, la pace perche si tenga un ppco piu sicura che prima che si facessero queste mutationi. Ma pur gli deputati della Rochella mostravano questi giorni gran dispiacere che non si esseguisse la demolizione delli forti et che al contrario visi mandassero nuove munitioni. Et senz'altro di Pariggi, alli 3 Feb. 1623.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies de lettres de Peiresc. V, 692.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «2 février. A M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'ai reçu hier un peu tard votre lettre du 26 janvier et j'apprends avec plaisir que l'oeuvre de la Reine commence à s'étaler dans votre salon: je ne manquerai pas d'en donner avis à Mr l'Abbé en lui présentant vos hommages, selon votre désir.

Depuis ma dernière dépêche, j'ai remis le briquet d'arquebuse à Mr des Granges qui est venu de suite m'en témoigner la plus grande reconnaissance; il l'a trouvé tout à fait selon ses voeux et me prie instamment de lui dire ce que vous avez payé pour l'un et pour l'autre des briquets. [126] Je lui répondis que je ne le savais pas, et que je vous en écrirais, mais que je ne croyais pas que vous teniez note de choses de si peu d'importance, d'autant plus que dernièrement, Mr l'Abbé avait payé ces deux bustes royaux dont je regrette l'arrivée tardive chez vous; mais ce n'a pas été tout à fait de ma faute. Dès que je les eus reçus, j'envoyai chercher un sculpteur de mes amis, à qui je fis apprêter une caisse et des emballages pour que les bustes partissent en bonne condition. Cela ne nous a fait perdre que deux jours; il nous fallut ensuite attendre les voituriers qui ont tardé toute une semaine à venir chercher la caisse. J'espère qu'elle vous est arrivée en ce moment.

Hier est venu chez moi Monsieur l'Archiprêtre qui m'a entretenu des grandes entreprises qu'il a projetées; j'espère qu'elles réussiront selon ses voeux.

On disait ces jours derniers que Monsieur Barbin avait demandé la permission de se rendre ici pour se faire tailler de la pierre; je ne sais s'il est venu ou s'il est encore là-bas; je voudrais le savoir s'il est possible que vous vous en informiez.

Le Comte de la Penna, fils du Maréchal d'Ancre, est sorti de prison et se promène par la ville comme si de rien n'avait été.

Le Roi et la Reine-Mère continuent à vivre en très bonne intelligence. La Reine-Mère va s'établir demain pour quinze ou vingt jours dans son palais du Luxembourg, pendant la durée de la foire; c'est pour ce motif et pour se purger qu'elle a fait tapisser les appartements du Palais neuf, mais elle n'y veut pas coucher encore, et habitera le vieux palais du Luxembourg; celui-ci est contigu au palais neuf et elle se rendra dans celui-ci par la galerie où doivent venir vos tableaux que S. M. attend avec une extrême impatience.

Pour le reste pas d'autres nouvelles, sinon que S. M. continue à mettre l'ordre dans les Finances et que le Comte de Schomberg, MM. de Castille, des Portes, Le Clerc et du Houssay restent destitués sans espoir de recouvrer leurs charges, car le Roi a répondu à tous ceux qui avaient intercédé pour eux qu 'il voulait voir cette année le résultat de cette mesure. On regarde à présent la paix comme un peu mieux assurée qu'avant ces changements. Cependant, les députés de la Rochelle ont montré ces jours derniers un grand déplaisir de ce que l'on n'exécute point la démolition des forts et qu'au contraire on y apporte de nouvelles munitions.

Paris, le 3 février 1623.

[127] COMMENTAIRE.

Le Comte de La Penna ou de Pene. Le Maréchal d'Ancre fut tué par ordre de Louis XIII, le 24 avril 1617. Sa femme, la Galigaï, fut brûlée vive, le 8 juillet suivant. Leur fils fut incarcéré. Le Maréchal d'Ancre, Concino Concini, se prétendait issu des Comtes de Penna en Italie; il donna ce nom à son fils. Le Comte de Pene fut relâché à la fin de 1622, à condition qu'il sortirait du royaume. Il se retira à Florence et y mourut en 1631.


CCCX
PEIRESC A RUBENS.

Molto ill.

Questa mattina ho ricevuto la sua delli 3 febo et portato subito al Sr Abbate quella ch'era diretta a lui il quale subito le andato a portare alla Regina la quale va continuando la sua purga nel Louvre senza esser andata al Luxemburgo. Egli m'a assicurato de dover farle risposta quella sera, dicendo che spera che la Regina trovera buona la delatione della venuta di V. S. sino al fine di Marzo prosso purche non passi piu oltre di che mi rallegro anch' io sommamente, sperando che la vista delli quadri fara subito riuscire il nego del Sr Colmans a che tentaremo di far i preparativi necessarij. Io resto sommamente maravigliato della tardenza delle teste, ne so a che imputare il fallo son risoluto di passare io stesso domani nella casa dove alloggiano i carettoni per informarmene. L'allegrezza della gravidanza della Regina fu molto breve sendosi il giorno sequente verificato il contrario con sommo dispiacere d'ogni uno et forzi che mi scordai davisarnela ultimamente. Delle lettere del Sr Abbate non faccia difficolta d'inviarmele a me dirette perche quando vanno separate sonno di maggior costo et in ogni modo, io le soglio ricevere percio che mando un laquay a levarle, altramente non le haverebbono a tempo per far la risposta, [128] et io fo questo servicio molto volentieri et per l'uno et per l'altro ne ci trova interesse che vaglia.

V. S. fa troppo cerimonie sino alle minime cosaccie con che la servo di vero cuore come fo io.

Quanto alle medaglie del SrRoccox io le stimo assai piu ch'egli non fa, et haveva desiderato di rimandarle per non privarnelo principalmente, et poi secondariamente per mantenere credito, et accrescergli la voglia di communicarmene dell'altre, d'ogni metallo, con quella certezza di doverle ricuperare fidelmente. Ma poi che V. S. non lo trovo apposito, io farò cio ch'ella me consiglia, et gliene rendero le dovute grazie con il prossimo ordinario. Se non ho tempo per questo di che dubito assai et non manchero di lodar le migliori comesi deve, anzi di cercar qualche altre cose in scambio, che potesse essere di suo gusto. Et se sapessi mancamenti alle sue serie, farei ogni sforzo [per] ricuperar quel che posso che gli facesse assortimento.

Di nuovo non habbiamo altro che lo stabilmento del Carde de la Rochefoucault in luogo del Carde de Retz defunto come capo del consiglio regio. Et la rottura successa con ogni atto d'hostilitate fra gli habitanti della Rochelle et li soldati dei forti regii d'intorno sendi venuti corrieri et deputati d'ambe le parte per far querimonie reciproche, cioe i soldati del' incendio di certe barche cariche di legnami che venivano al forte, le quali sonno state abbruggiate o messe a fondo. Et gli habitanti, delle represaglie fatte da detti soldati et delle batterie delli canoni contra di loro, onde non so se sia restato morto alcuno. Par che vorranno la guerra in ogni modo, ben che qui si dispongano le cose alla pace. Et senz'altro di Pariggi alli 9 febo 1623.

Mi dispiace che del negocio di St Malo non si sia potuto penetrar ultro ma la morte del Guardasigilli ha fatto perdere la speranza di sapere con certezza la negativa del sigillo. A l'absenza del sollicitatore La Parisière si leva il mezzo d'imparar da lui medesimo il vero successo di quel negocio che forzi non si potra imparar da altro.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et Copies des lettres de Peiresc. V, 692.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «10 février. A M. Rubens avec lettre de M. l'abbé.»


[129] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'ai reçu ce matin votre lettre du 3 février et j'ai porté de suite à Monsieur l'Abbé celle qui lui était destinée. L'Abbé est allé immédiatement la communiquer à la Reine, qui continue à soigner sa santé au Louvre, sans être allée encore au Luxembourg. Il m'a assuré qu'il vous répondra ce soir pour vous dire qu'il espère que la Reine approuvera le retardement de votre arrivée ici à la fin de mars, pourvu que ce terme ne soit pas dépassé. Je m'en réjouis beaucoup de mon côté; j'espère que la vue de vos tableaux fera réussir sur le champ l'affaire de M. Colmans, pour laquelle nous ferons, au préalable, toutes les démarches nécessaires.

Je suis extrêmement étonné du retard que subissent les bustes; je ne sais à quoi l'attribuer; j'irai m'en informer moi-même demain à la maison où logent les charretiers.

Notre joie de la grossesse de la Reine a été fort courte: le lendemain on a constaté qu'il n'en est rien, au grand regret de tout le monde. Peut-être ai-je oublié de vous le dire dernièrement. Quant aux lettres pour Mr l'Abbé, ne faites point de difficultés de me les adresser directement; il en coûte davantage de les envoyer à part. De toute manière, c'est moi qui ai l'habitude de les recevoir, parce que je les fais chercher par un laquais, sinon elles ne nous parviendraient pas en temps pour y répondre. Je me charge très volontiers de ce service; nous y trouvons l'un et l'autre un notable intérêt.

Vous faites vraiment trop de cérémonies au sujet de ces choses très minimes que je vous offre de tout mon coeur.

Quant aux médailles de Monsieur Rockox, je leur reconnais plus d'importance qu'il ne le fait lui-même et j'étais résolu à les lui renvoyer d'abord pour ne pas l'en priver et ensuite pour conserver sa bienveillance et le rendre plus disposé à m'en communiquer d'autres de tout métal, avec la certitude que je les lui restituerais fidèlement.

Mais puisque vous trouvez que cela ne convient guère, je suivrai votre conseil et le remercierai par le premier courrier. Si je ne trouve pas le temps d'en agir ainsi, ce qui est bien possible, je ne manquerai pas de louer les meilleures pièces comme elles le méritent avant de lui offrir en échange quelques objets qui soient de son goût. Et si je savais ce qui [130] manque à ses collections, je ferais tout mon possible pour me procurer ce qui pourrait les compléter.

Nous n'avons pas encore d'autre nouvelle que le maintien du Cardinal de La Rochefoucauld en remplacement de feu le Cardinal de Retz comme chef du Conseil du roi et la rupture suivie de toutes sortes d'hostilités entre les habitants de la Rochelle et les soldats du fort royal intérieur. Il est venu des messagers et des envoyés des deux partis pour se plaindre chacun de son côté: les soldats, de l'incendie de quelques barques chargées de bois qui se dirigeaient vers le fort et qui ont été brûlées ou coulées à fond; les habitants, des représailles exercées par les soldats et par la batterie des canons contre certains d'entre eux. J'ignore si ces actes d'hostilité ont causé mort d'homme. Ainsi, ils voudront la guerre de toute façon, quoique les choses tournent ici à la paix. Il n'y a point d'autres nouvelles.

Paris, le 9 février 1623.

Je regrette qu'il ne m'ait pas été possible d'en apprendre davantage sur l'affaire de St Malo, mais la mort du garde-sceaux a fait perdre l'espoir d'apprendre avec certitude le refus du sceau et l'absence du solliciteur La Parisière nous prive du moyen d'apprendre de lui-même la marche véritable de l'affaire que peut-être nul autre ne pourra nous faire connaître.


COMMENTAIRE.

Rochefoucauld (François de la) né à Paris, le 8 décembre 1558. Lorsqu'il avait quinze ans, le Cardinal de Guise lui résigna l'abbaye de Tournus; il remplaça son oncle dans la charge de maître de la chapelle du Roi. A l'âge de vingt-six ans, il devint évêque de Clermont; il reçut le chapeau de Cardinal le 10 septembre 1607. Il fut nommé plus tard évêque de Senlis et, en 1609, ambassadeur à Rome, d'où il revint en 1613. En 1618, il succéda au Cardinal Du Perron dans la charge de grand aumônier de France; en 1619, il fut nommé abbé de Sainte-Geneviève, et appelé à la présidence du Conseil d'État, en 1622. En 1624, il se démit de cette charge et de l'évêché de Senlis pour s'occuper de la réformation des ordres religieux. Il établit la Congrégation de Sainte-Géneviève et fut le plus zélé défenseur des prérogatives du pape contre Richer, l'adversaire du Cardinal Bellarmin. Cet homme de rares qualités et d'éminentes vertus mourut à Sainte-Géneviève, le 14 février 1645.

Mort du garde-sceaux. Le garde-sceaux était de Caumartin (Voir la lettre du 26 janvier 1623).

La Parisière. Le personnage chargé de l'affaire de Saint Malo (Voir la lettre du 16 juin 1622).

[131] Les médailles de Rockox. Peiresc avait visité le cabinet des médailles de Rockox en 1606 et l'avait beaucoup admiré. Lors de la visite de Rubens à Paris, en 1622, il apprit de celui-ci que la collection de leur ami commun s'était beaucoup enrichie. Peiresc s'occupait de la description des médailles gothiques et d'autres pièces rares dont l'inscription était difficile à déchiffrer. Il fit demander par Rubens à Rockox si ce dernier ne possédait pas quelques médailles de ce genre qu'il pourrait utiliser pour son travail. Rockox lui envoya quelques pièces et lui fit savoir par Rubens qu'il les lui cédait en toute propriété.


CCCXI
PEIRESC A RUBENS.

Molto etc.

Appena mi lascia tempo la mia lite in queste congionture per farle due parole in risposta della sua delli 10 stante et assicurarla che faro li complimenti col Sr Abbate et col Sr des Granges giusto come ella commanda dispiacendomi sommamente che non sonno arrivate le teste consignate gia piu d'un mese al fattor del carretone, Nicolo Pechardo, il quale ho cercato io personalmente 203 volte senza haverlo trovato in casa temendo che sia intravenuto qualche disgratia alla cassetta di dette teste, per che non le son ricapitate, sendo partiti carrettoni piu di 304 da quel tempo in qua. Li scritti del de Dominis non hanno fretta. Schusimi di gratia V. S. et mi perdoni. Di Pariggi alli 16 feb. 1623.

Ho ricevuto la sua delli 17 stante ma non ho potuto vedere il Sr Abbate a cui non manchero di far il complimento ordinato, et ricordargli che si e scordato di mandarle la risposta della Regina, mi par che gli mi disse che S. Mta era restata sodisfatta della promessa di V. S. Dell' altro negocio vedero di gettargliene qualche parola a traverso per vedere il suo genio, et di condurlo con un poco piu rispetto che il Sr De la Planche, [per] che non vorrei che il mio zelo passasse ad inconsideratione et le fosse nocivo.

[132] Del negocio di S. Malo, non posso penetrar niente che vaglia, et mene voglio male a me stesso, cercaro d'intenderne qualche cosa di piu se m'e possibile. Venne da me lunedy il nepote del SrRoccox et mi rese la lettera del zio et di V. S. Io restai molto ben edificato della sua modestia et cortesia; et presi seco assignatione per condurlo mercordy a vedere la bibliotheca del Re et del Thuano et altre curiose. Ne mancai d'andare con la carozza d'un amico per levarlo alla casa dove egli m'haveva detto d'essere alloggiato al faulxborgo Sto Germano ma non potei trovare persona che havesse notizia di lui, ne in detta casa, ne in piu di 15 altre delle piu celebri del Borgo, dove alloggiano forestieri, di maniera che me ritornai non senza gran mortificatione et non so dove farlo cercare hora. Io aspetto d'intender qualche nuova per servirlo come son tenuto al Sr Roccox a V. S. et alla virtu di quel gentilhuomo che mi par di merito singolare, et non manchero di rispondere al detto Sr Roccox dispiacendomi di non potere fare il debito per questo ordinario, ma poco s'e mancato ch'io non hebbi perso il tempo di farle queste due righe, pregandola di schusarmi come quello che e... Di Pariggi alli 24 feb. a XI hore.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 692 v°.

Dans les Petits Mémoires de Peiresc, nous lisons: «19 février. Au Sr Rubens.»; 24 février. «Au Sr Rubens, avec la remonstrance aux Hollandois.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur,

Mon procès me laisse à peine le temps en ce moment de vous écrire deux mots en réponse à votre lettre du 10 courant, et pour vous assurer que je ferai vos compliments à Mr l'Abbé et à Mr des Granges, comme vous m'avez demandé de le faire. Je regrette vivement que les têtes ne vous soient pas arrivées. Je les ai fait remettre, il y a plus d'un mois, au facteur de la voiture Nicolas Péchard, que je suis allé voir deux ou trois fois sans le rencontrer chez lui. Je crains qu'il ne soit survenu quelqu'accident à la cassette qui renferme ces têtes, puisqu'elles ne vous [133] sont pas encore parvenues, quoiqu'il y ait eu trois ou quatre départs de voitures depuis lors. Les écrits de de Dominis n'ont pas de hâte. Excusez moi, je vous en prie, et pardonnez-moi. De Paris, le 16 février 1623.

J'ai reçu votre lettre du 17 courant, mais je n'ai pu voir Monsieur l'Abbé auquel je ne manquerai pas de faire les compliments dont vous me chargez et de rappeler que l'on a oublié de vous transmettre la réponse de la Reine; il me paraît d'après son dire que Sa Majesté était satisfaite de votre promesse. Quant à l'autre affaire, je tâcherai d'en toucher un mot en passant pour le sonder et pour le conduire avec un peu plus d'égards que Monsieur de la Planche, parce que, je ne voudrais pas que mon zéle changeât en imprudence et vous devint nuisible.

De l'affaire de St Malo, je ne parviens à découvrir rien de certain, et je m'en veux à moi-même; je chercherai à en apprendre quelque chose de plus, si c'est possible. Lundi dernier, le neveu de Mr Rockox est venu me trouver et m'a remis la lettre de son oncle et la vôtre. J'ai été charmé de sa modestie et de sa politesse. J'ai pris rendez-vous avec lui pour lui montrer mercredi la bibliothèque du roi, celle de de Thou et autres curiosités. Je n'ai pas manqué d'aller dans le carrosse d'un ami pour le prendre à l'adresse qu'il m'avait indiquée au faubourg Saint Germain comme celle de son logement, mais je n'ai pas réussi à trouver quelqu'un qui le connût, ni dans cette maison ni dans plus de quinze autres des hôtels les plus connus du faubourg où les étrangers ont l'habitude de descendre, de façon que j'ai dû m'en retourner, non sans grande mortification, et à présent je ne sais pas où le chercher. J'espère d'apprendre quelque nouvelle de lui pour lui rendre service comme je le dois à Monsieur Rockox, à vous et aux mérites de ce jeune homme qui me paraissent très réels. Je ne manquerai pas non plus de répondre à Monsieur Rockox et de lui exprimer mon regret de ne pouvoir remplir mon devoir par le présent courrier. Encore un peu et le temps me manquait de vous écrire ces quelques mots.

Je vous prie de m'excuser, étant etc. De Paris, le 24 février à 11 heures.

COMMENTAIRE.

Rockox (le neveu de). Dans une lettre suivante, Peiresc désigne le neveu de Rockox par le nom de de Baron. Dans une lettre écrite par Peiresc à Rockox et datée du 10 mars 1623, il s'excuse vivement de ne pas avoir rencontré son neveu, et appelle celui-ci Monsieur Loenhout. Il s'agit donc d'un neveu de Rockox qui s'appelait Baron et Loenhout. Ce doit être [134] un fils de Louis Perez de Baron, seigneur de Loenhout, créé chevalier par l'empereur Mathias le 3 septembre 1613 (1).

De Thou. Jacques-Auguste de Thou, le célèbre historien, né à Paris le 8 octobre 1553, mort le 7 mai 1617, possédait, outre sa charge de président au parlement de Paris, celle de grand-maître de la bibliothèque du Roi. Il avait formé lui-même une bibliothèque considérable et précieuse. Elle fut conservée dans sa famille jusqu'en 1680. En cette année, elle fut vendue. Une grande partie des livres qui la composaient, et entre autres plus de mille manuscrits, ont passé dans la Bibliothèque nationale de Paris.


CCCXII
WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY CARLETON.

(Postcript). My L: Davers, desyreing nowe to have his Creation of Bassano againe; because Rubens hath mended it very well; doth by a Ire commande me to traete wth him, for his owne Pourtrait, to be placed in the Princes Gallery.


Original: Londres Public Record Office. Foreign State Papers. Correspondance de W. Trumbull, 1623, n° 52.

Publié par Noel Sainsbury op. cit. p. 64.


TRADUCTION.
WILLIAM TRUMBULL A SIR DUDLEY CARLETON.

Milord Danvers désire maintenant rentrer en possession de sa Création du Bassan, parce qu'elle a été fort bien restaurée par Rubens. Sa lettre m'ordonne de traiter avec le peintre pour le portrait de celui-ci que le Prince de Galles voudrait placer dans sa Galerie.


COMMENTAIRE.

La Creation du Bassan dont il est question ici, est le tableau qui fut [135] offert par son propriétaire à Rubens en vente ou en échange d'autres tableaux. Il en est question dans les lettres de notre recueil du 8 juin, du 12, 17, 31 juillet, du 7 août et du 18 septembre 1619; dans celles du 25 et du 29 novembre 1620 et du 15 décembre 1621.

Le portrait de Rubens que désirait posséder le prince de Galles lui fut fourni par Rubens et se trouve à Windsor Castle. Le catalogue des tableaux de Charles I l'indique comme «donné au roi par Mylord Danby (Lord Danvers)». Voir Oeuvre de Rubens, n° 1043.


CCCXIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre

Questa sera a nuove hore doppo mezzody ho finalmente havuta la sua lettera delli 23 febo, la quale non s'era potuta ritrovare di tutto il giorno et le rendo somme gratie della relatione della congiura de Hollanda laquale si credeva essere fatta a posta per rovinare le reliquie di que che non sonno del partito del Principe.

Ho fatto i complimenti con il Sigr Abbate et ricordatogli l'omissione della replica della Regina. Egli m'ha detto che la Regina resto sodisfatta della promessa di V. S. dicendo solamente che non era certa d'essere in Pariggi al termine assignato da V. S. ma che se [acca]deva di dovere partire inansi sarebbe al Sgr Abbate anco di scriverlo a V. S. et chella facesse ogni sforzo d'accelerar con la sua venuta.

Hora non si parla d'altro che del viaggio del Re in Picardia dove s'intende ch'habbia da andare il Sr Cancelliere et tutto il consiglio al meno sino a Compiegne. Et la Regina regnante se ne va ad un voto proferto alla madonna di Letitia, ma se crede che la Regina madre non si movera di qua o al meno che se fa il viaggio bavera da tornare in Pariggi prima che passar piu oltre, et cosi potra ritrovarvisi circa il fine di questo mese al quale staremo aspettando V. S. in buono stato. Io son in grandissima pena per non poter ritrovare il Sr di Barron nepote del SrRoccox, il quale ho fatto [136] cercare per tutta la cita sino dall' ambasciatore senza poterne ritrovare la stanza per servirlo et supplire al diffetto della settimana passata non sapendo in tanto di quel fronte scrivere al Sr Roccox senza havere servito il nepote conforme al mio dovere.

E arrivato qui un mio fratello per addossarsi una parte delle mie occupationi importune, il che mi dara con l'aiuto del Signore un poco pin di tempo d'attendere a servire gli amici et soddisfare a tanti debiti che tengo a V. S. et al Sr Roccox in quella parte mi sara possibile. Con che di cuore a V. S. baccio le mani. Alli po marzo 1623.

Se si trovasse per sorte costi una tavola stampata in forma di mappamunda dal Plantino 1561, de Fasti Capitolini ordinati dal Pighio et dedicati al Cardinale Perenotto haverei caro di comprare una a pretio moderato pur che fosse ben conservata havendone una, ma un poco guasta.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 693.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «3 mars. Au Sr Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Ce soir à 9 heures, j'ai enfin reçu votre lettre du 23 février; elle ne s'était retrouvée de toute la journée. Je vous remercie de ce que vous m'apprenez concernant la conjuration en Hollande que l'on croirait tramée à dessein pour ruiner ce qui reste du parti des adversaires du prince.

J'ai présenté vos compliments à Monsieur l'Abbé et lui ai rappelé qu'il avait négligé de faire connaître la réponse de la Reine. Il m'a dit que la Reine était satisfaite de votre promesse; seulement elle ajouta qu'elle n'était pas certaine d'être à Paris à la date indiquée par vous, mais que dans le cas où elle serait obligée de partir avant votre arrivée, Monsieur l'Abbé recevrait l'ordre de vous le faire savoir et, de son côté, elle ferait tout son possible pour hâter son retour.

[137] En ce moment, on ne parle que du voyage du Roi en Picardie; il s'ensuit que le chancelier et tout le conseil devront aller au moins jusqu'à Compiègne. La Reine règnante, en accomplissement d'un voeu, s'en va en pèlerinage à la Vierge de Laetitia. Mais on croit que la Reine-Mère ne quittera pas la ville, ou du moins que, si elle fait un voyage, elle devra encore revenir à Paris avant de s'éloigner définitivement; de sorte qu'elle se trouvera ici à la fin de ce mois, l'époque à laquelle nous vous attendons en bonne santé. Je regrette infiniment de ne pouvoir retrouver Monsieur de Baron, le neveu de Monsieur Rockox, que j'ai fait chercher par toute la ville et jusque chez votre ambassadeur, sans pouvoir trouver son logis. J'aurais bien voulu me mettre à son service, et faire pour lui ce que j'ai été dans l'impossibilité de faire la semaine dernière et ne sais en attendant comment j'aurai le courage d'écrire à Mr Rockox sans avoir rempli mon devoir envers son neveu.

Mon frère est arrivé ici pour se charger d'une partie de ma lourde besogne. Avec l'aide du Seigneur, il me permettra de consacrer un peu plus de loisir à servir mes amis et à satisfaire autant qu'il me sera possible aux devoirs que j'ai à remplir envers vous et envers Mr Rockox. Je vous baise les mains de tout coeur. Aujourd'hui, le 1r mars 1623.

Si, par hasard, vous trouviez chez vous un exemplaire du tableau en forme de Mappemonde des Fasti Capitolini arrangé par Pighius, dédié au Cardinal Granvelle et imprimé par Plantin en 1561, je vous prierais de l'acheter à un prix modéré, à condition qu'il soit en bon état, car j'en possède un, mais il est un peu détérioré.


COMMENTAIRE.

La conjuration de la Hollande. Au commencement de l'année 1623, une conjuration fut ourdie contre la vie du Prince Maurice de Nassau. A la tête se trouvaient les deux fils d'Oldenbarnevelt, Groeneveld et Stoutenburg, et Andries van der Dussen, le beau-fils d'Elie van Oldenbarnevelt, Slatius un ancien ministre des Rémonstrants et d'autres membres de ce parti. Le 6 février 1623, le complot fut dénoncé au Prince d'Orange par quatre matelots qui avaient été engagés pour aider à l'exécution. Une partie des conjurés, Groenevelt, Slatius et quatre autres furent saisis; le 27 février, quatre d'entre eux furent décapités; Groeneveld fut exécuté le 29 mars; Slatius subit le même sort; Stoutenburg et Van der Dussen parvinrent à s'échapper et se réfugièrent à Bruxelles, où l'infante Isabelle les prit sous sa protection.

[138] Pighius. Fasti Capitolini. Tabula Magistratuum Romanorum, per Stephanum Pighium Campensem fut imprimé par Plantin en 1561. Le tableau seul fut publié et non le volume de Commentaires qui devait l'accompagner. Cette pièce est devenue introuvable. L'ouvrage complet fut édité en trois volumes in-folio; le premier parut dans l'imprimerie plantinienne chez Jean Moretus en 1599; le second et le troisième, édités par André Schott, parurent en 1615 chez la veuve et les fils de Jean Moretus, sous le titre de Annales Romanorum.

Le frère de Peiresc. Palamède de Fabri, sieur de Valavez, arriva à Paris le 28 février 1623. Ce jour là, Peiresc annota dans ses Petits Mémoires, en lettres majuscules: Arrivée de mon frère. Après le départ de Peiresc de Paris, au mois d'août 1623, ce fut son frère Valavez qui le remplaça comme correspondant ordinaire de Rubens. A son tour, Valavez fut remplacé par Pierre Dupuy au mois d'avril 1626.


CCCXIV
PEIRESC A RUBENS.

Molto etc.

Andai hier sera dal Sr Abbate subito ch'hebbi ricevuto la sua lettera delli 3 stante, per parlare delle 2 stanze che V. S. desidera nel palazzo vecchio di Lucemburgo, ma non hebbi ventura di trovarlo, ne commodita di ritornare, non manchero di far il servitio per la 1a occasione, et d'informarmi di quel Sr Marcetti que V. S. nomina il quale non e di mia notitia. Del nepote del SrRoccox io son nella maggior insulta del mondo, non potendo haverne nuova di sorte alcuna qualche instanza et perquisitione chio n'habbia fatta per tutto dove io mi poteva imaginare ch'egli praticasse. Il giorno dell' assignatione ch'io haveva presa seco, io non mancho d'andare a cercarlo con la carozza, nel luoco dove mi pareva ch'egli m'havesse detto d'habitare, cioe nel borgo St Germano, all' albergo di Venetia, et in 12 o 15 altre delli piu celebri alberghi dove capitano forestieri. Et mentre io andava in volta a cercando, intesi poi ch'era venuto [139] in casa mia il suo servitore dicendo che suo padrone m'aspettava con la carozza, et parlo ad un servitore della casa nostra dicendo che sarebbe ritornato il giorno seguente, ma non e poi mai comparso. Non so con che fronte venir innanzi al Sr Roccox. Ma V. S. sa che Pariggi e un mar di confusione, dove non e facile di trovare un huomo se non si sa ricapito preciso. Intimi di gratia V. S. ad ottenere perdono di questo fallo, avenuto per mia colpa, di non havere fatto scrivere la stanza di quel gentilhuomo, o dato maggior attentione a cio ch'egli me ne disse quando lo viddi. Io non lasciai di riccommandarlo alli Sri Rigaltio et Puteano in caso che si presentasse per vedere le biblioteche Regia et Thuana, ma non vi e comparso similmente.

Del resto non habbiamo altro di nuovo che il passaggio del Principe di Galles in Spagna incognito, di sabbato passato alcuni vogliono che fosse accompagnato del Marchese di Buccingam, et che senza essere cognosciuti fossero introdotti dal Sr de Bonnoeuil a vedere cenare il Re, et il giorno seguente a vedere il balletto della Regina. Fu ritenuto il Duca di Rohan in Mompelieri senza ordine del Re, et se ordino subito la sua liberatione, con speranza che per questo non si rompera la pace pure si sta con qualche dubbio, per li sospetti di congiuratione contra la guarniggione di detta citta, li quali caggionarono la detentione di detto Duca. In tanto non si parla quasi piu del viaggio di Picardia. Et senz'altro di core a V. S. baccio le mani etc. Di Pariggi alli 10 marzo 1623.

Del negocio di S. Malo non si sa altro in questa corte.

Qui habbiamo alcuni curiosi d'antiquita che compatiscono alla mala sorte del SrDe Bie, et che l'aiuterebbero volentieri accio potesse uscire da faccende et venir a lavorare della sua vacatione. Se V. S. potesse trattarne seco ella farebbe gran carita. Egli diceva haver comprato li libri di dissegni delle medaglie di Golzio non stampati, cioe un libro di medaglie imperiali datogli dal Duca d'Arscot et da luy lasciato in prestito o in pegno appresso il Sr Vo Cobergo, un altro delle medaglie della Grecia comprato 800 libre et gli altri volumi delli dieci Cesari restante complemento del numero di XII, comprati altre 800 libre.

Vorressimo pregarla d'informarsi della verita se sonno in essere [140] veramente detti libri a suo potere o no et se si potrebbono comprare, o desimpegnare per farlo venir qua ad attendere all editione di essi.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 693 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «10 mars. A M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Aussitôt après avoir reçu votre lettre du 3 courant, je me suis rendu, hier soir, chez Monsieur l'Abbé pour lui parler des deux chambres que vous désirez avoir à votre disposition au vieux palais du Luxembourg, mais Je n'ai pas réussi à le trouver et je n'ai plus eu l'occasion de retourner chez lui. Je ne manquerai pas de m'acquitter du message à la première occasion et de m'informer de ce Mr Marcetti dont vous me parlez et que je ne connais pas. Au sujet du neveu de Mr Rockox, je suis dans le plus cruel embarras, n'ayant pu découvrir aucune trace de lui, quelqu'instance et démarches que j'ai faites, partout où je pouvais m'imaginer le rencontrer. Le jour pour lequel je lui avais donné rendez-vous, je n'ai pas manqué aller le chercher avec un carosse, à l'endroit qu'il me semblait avoir indiqué comme son logement, à savoir au faubourg Saint Germain dans l'hôtel de Venise et dans douze ou quinze autres des logements les plus connus, fréquentés par les étrangers. Pendant que j'étais allé à sa recherche une seconde fois, un domestique, à ce que j'ai appris plus tard, est venu chez moi en disant à mon valet que son maître m'attendait avec la voiture, et ajoutant qu'il serait revenu le lendemain; mais je n'ai plus rien entendu de lui. Je ne sais quelle figure je vais faire devant Mr Rockox. Mais vous n'ignorez pas que Paris est une mer agitée où il n'est pas facile de trouver quelqu'un, si l'on ne connaît pas son adresse exacte. Employez-vous, je vous en prie, à me faire pardonner cette déconvenue arrivée parce que j'ai négligé de faire écrire l'adresse de ce Monsieur, ou de faire meilleure attention à ce qu'il me dit quand je l'ai vu. je n'ai pas manqué de le recommander à MM. Rigault et Dupuy dans le cas où il se présenterait pour visiter la bibliothèque du Roi et celle de de Thou, mais là non plus il n'a pas été vu jusqu'ici.

[141] Pour le reste, nous n'avons pas d'autres nouvelles, si ce n'est l'arrivée, samedi dernier, du Prince de Galles se rendant incognito en Espagne. D'aucuns prétendent qu'il est accompagné du marquis de Buckingham et que sans être connus les deux voyageurs ont été admis par Mr de Bonnoeuil à voir le souper du Roi et le lendemain le ballet de la Reine. Le duc de Rohan a été arrêté à Montpellier sans l'ordre du Roi et a été aussitôt relâché. Nous espérons que cela ne donnera pas lieu à une rupture de la paix, quoique des doutes s'élèvent à ce sujet par les soupçons de conjuration conçus contre la garnison de cette ville qui ont été cause de l'arrestation du duc. En attendant, on ne parle plus guère du voyage en Picardie. N'ayant autre chose à vous écrire, je vous salue de tout coeur. De Paris, le 10 mars 1623.

De l'affaire de St Malo, on n'entend plus parler à la cour.

Il y a ici quelques amateurs d'archéologie qui compâtissent au sort infortuné de Mr De Bie et qui l'aideraient volontiers à sortir d'embarras et à se remettre au travail. Si vous pouviez vous en occuper, vous feriez une bien bonne oeuvre. Il prétendait avoir acheté les livres des dessins des médailles de Goltzius non imprimés, notamment un livre des médailles impériales qui lui fut donné par le duc d'Arschot et qu'il a donné en prêt ou engagé à Monsieur Vincent Cobergher, un second des médailles de la Gréce qu'il paya 800 livres, et les autres volumes des dix Césars, servant de complément aux XII Césars et payé également 800 livres.

Nous vous prions de vous informer si réellement ces livres sont en sa possession et si on pourrait les acheter ou les dégager et les envoyer ici pour les publier.


COMMENTAIRE.

Puteanus. Pierre Dupuy (Voir lettre du 17 janvier 1620). Il avait été fort lié avec le président de Thou, dont il publia les éditions de l'histoire parues en 1620 et en 1626. Ses relations avec la famille de Thou devaient le mettre à même d'introduire des étrangers dans la bibliothèque du défunt historien. Il était avec Nicolas Rigault garde de la bibliothèque du Roi.

Le voyage du Prince de Galles. Le duc de Buckingham avait su inspirer au prince de Galles, plus tard Charles I Roi d'Angleterre, le projet romanesque de se rendre incognito en Espagne pour y demander la main de l'infante Marie. Suivant un mémoire conservé aux archives de Simancas, le prince arriva à la Cour de Madrid le 17 mars 1623.

[142] Jacques De Bie. Dans notre commentaire sur la lettre du 26 février 1611, nous avons rappelé que Jacques De Bie avait acheté les gravures des oeuvres de Hubert Goltzius et avait fait paraître une édition nouvelle de ses livres en 1617-1620. En 1621, il partit pour la France et, au dire de Peiresc, il s'y trouva dans la détresse les premières années après son arrivée.


CCCXV
PEIRESC A ROCKOX.

Monsieur.

Voicy une amende honorable que je viens faire devant vous pour deux occasions; l'une annonçant les médailles gothiques qu'il vous a pleu m'envoyer, et l'autre, la venue de M. Loenhout votre neveu. Pour la première, j'avois attendu que les empreintes que je faisois faire de quelques unes de ces médailles fussent achevées pour vous renvoyer par après les originaux avec une lettre de remerciements et avois prié M. Rubens de vous faire cependant mes excuses, mais il me respondit que j'offenserois votre incomparable courtoisie, si je faisois difficulté de les accepter purement et simplement, disant qu'il avoit esté votre intention de me les envoyer afin que je les gardasse pour l'amour de vous, à quoi je n'ay osé intervenir et vous en fais maintenant mes très humbles remerciements, bien marry que ce soit si tard. Mais je vous dis le vray subject du retardement, lequel je vous supplie ne vouloir pas imputer à aucun deffault de bonne volonté, mais seulement au dessein que j'avois de m'en acquitter en vous renvoyant les originaux après en avoir retenu quelques empreintes. Mais vous avez voulu que mon obligation fût encore plus grande, bien qu'elle l'eust esté assez de la seule veue et de la permission d'en retenir des empreintes. Il y en a deux, entr'autres, qui ont un lion fort mal et goffement faict d'un costé et un cheval de l'autre, lesquelles j'estime tout plein et les estimerois beaucoup davantage, si les lettres qui debvoient estre du costé du lion se fussent un peu mieux conservées qu'elles ne sont. Il y a encore une petite monnoye [143] de Napules sous les empereurs grecz, laquelle est assez gentille et d'autres pièces assez curieuses pour en assortir mes recueils, mais je suis honteux de ce que vous ne me faictes poinct savoir s'il y auroit moyen de vous accommoder, en revanche, de quelque médaille qui pût servir à vos suittes. Je vous prie de m'en envoyer un peu de mémoire, afin que je voye si je pourrois vous accommoder de quelqu'une de celles qui vous manquent; ce me sera un grandissime plaisir de vous pouvoir tesmoigner, en cela et en toute autre chose, le service que je vous ay voué de si longue main.

L'autre reproche qui me fait rougir devant vous, est de n'avoir rendu aucun service à M. vostre nepveu depuis sa venue. Il fut quelque jour en ceste ville, sans que j'en sache rien et print la peine de me venir voir, il y a une quinzaine de jours. Je luy offris tout ce qui dépend de moy et m'ayant dict qu'il verroit volontiers la bibliothèque du Roy et celle de M. de Thou, je prins assignation avec luy au lendemain, pour l'aller prendre en carrosse chez luy et l'y ramener. Mais, soit qu'il équivoquast en me disant son logis, ou que je l'entendisse mal, tant y a que je l'alloy chercher avec le carrosse et ne le trouvay point au lieu où il m'avoit dict, ne en aucun par où je me puisse adresser et l'aller chercher. Tandis que j'estois après luy, on me dit, au retour que je fis chez moy, que son serviteur y estoit venu, et avoit tesmoigné que son maître avoit esté en peine de ce que le carrosse n'estoit point allé le prendre et promit d'y revenir le lendemain, mais il n'y est plus venu.

J'en ay fait demander des nouvelles chez M. vostre ambassadeur et partout où pratiquent ceux de vostre nation, mesme au bureau de la poste, mais je n'en ai peu rien apprendre et en suis en très grande peine. Je vous supplie de me pardonner une si lourde fautte que celle-là et de m'en faire imposer telle pénitence que vous adviserez. Que si ce jeune gentilhomme se laisse trouver, je tascheray de récompenser le temps perdu avec toute l'usure qu'il me sera possible.

Il reste à vous dire que j'ay communiqué avec quelques uns de mes amis ce que vous m'escrivez du cabinet du duc d'Arscot, lesquels sont tous d'opinion avec moy, que si vous le faisiez venir icy, il se vendroit asseurement en mettant un prix à chacune des séries à part, car de le vendre tout entier, si ce n'estoit Monsieur, frère du Roy, [144] personne ne l'achepteroit, mais à desmembrer, non en médailles particulières, mais en séries entières, asseurément il ne tarderoit pas d'estre vendu. C'est chose que nous avons souvent esprouvée en occasion quasi pareille. Vous y adviserez et s'il y a des inventaires bien faits, et que vous en peussiez envoyer, on en traiteroit à l'advance avec les curieux, afin de s'accommoder à prendre l'un une série, l'autre, l'autre. Quand vous ne feriez qu'un mémoire particulier du nombre des pièces de chacune série et du prix que vous y voudriez mettre, nous vous dirions à peu près ce qui s'en pourroit espérer. L'occasion de la venue de M. Rubens ne seroit pas mauvaise pour l'apporter, si vous vous y résolvez parce que le hasard et les frais n'y sont pas si grands; et d'attendre qu'on l'aille voir là, il est difficile. Nous en attendons ce qu'il vous plaira mieux en mander. Et je demeure, etc.

De Peiresc.

De Paris, ce 10 mars 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Publié par Mr Ch. Ruelens dans le Bulletin Rubens, Tome II, p. 118. Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «10 mars. M. Rockox.»


CCCXVI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre.

Io mi rallegro sommamente della buona nuova data mi da V. S. del finimento del quadri ch'ella fa conto di portare alla Regina per questa volta se non del tutto almeno sin al termine ch'ella faceva conto di condurgli aspettando l'oltima mano sul sito proprio.

Io son andato questa sera dal Sr Abbate per farnelo partecipe et non trovandolo in casa vi ho lasciato la lettera di V. S. accio regga cio che gli po toccare et che mi faccia intendere ciò ch'egli parera a proposito. Egli vidde la Regina domenica mattina senza parlargli del negotio delle stanze di Luxemborgo, per ciò ch'ella stava [145] tutta in devotione, havendo ricevuto il smo sacramento. Et dubito ch'egli non l'habbia poi potuto vedere per impedimenti fastidiosissimi d'una lite criminale d'un suo cugino, a cui s'haveva da salvare, senon la vita, al meno l'officio, la robba, et l'honore, il quale intendo essere stato giudicato hoggi et trattato assai favorevolmente. Di maniera che se non s'e fatto l'officio a tempo per risolverla questa volta, sara per il prossimo ordinario. Intanto io credo ch'ella possa venire allegramente senza darsi fastidio di quel particolare, che non le manchera allogiamento commodo. Et s'io son creduto si scrivera al Sr Pericar di tener la mano alla raccommandatione delle casse per impedire l'effetto del datij. Procuraremo similmente che si faccia il telare del fondo della Galleria, et si farebbono gli altri, ma non so precisamente i quadri che V. S. ha scelti et di fargli tutti si potrebbono guastare.

Del viaggio della Regina sin hora non habbiamo niente di certo non manchera il Sr Abbate di darlene aviso subito che vi sara qualche certezza. Quanto al Sr Baron nepote del SrRoccox mi dispiace sommamente di non haverlo potuto trovare, per scaricarmi di qualche portione di mio debito verso il Sr Roccox, et la possa assicurare che n'ho fatta perquisitione tanto particolare, che se ne domandato sino alla Signora ambasciatrice senza trovarne vestigio alcuno.

La ringratio del particolarij intorno la congiura non potendolo dir altro in scambio fuor che i Rochellesi scrivono al Re con tanta sumissione, nonobstante la nuova della detentione del Duca di Rohan, che non danno un minimo cenno di voler piu guerra, et che par che ogni cosa tenda alla pace et quiete publica. Il principe di Conde sta in casa sua in Mouromo, a far dieta per rimediar alli vesaggii del viaggio d'Italia, havendo promesso di venire in corte al fine di quello mese. Et senz'altro fo fine bacciandole per mille volte le mani. Di Pariggi alli 16 Marzo 1623.

Po scritta. M'ha mandato il Sr Abbate, che non mancherebbe di far il servitio con sua sodisfactione; pregandola di schusare gli impedimenti che non l'hanno lasciato fare il debito al tempo.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies de lettres de Peiresc. V, 694 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «17 mars. Rubens.»


[146] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Je me réjouis beaucoup de la bonne nouvelle que vous m'écrivez touchant l'achèvement de vos tableaux que vous comptez apporter à la Reine cette fois-ci. S'ils ne sont pas terminés entièrement, ils sont poussés jusqu'au point où vous comptez les mener, en attendant que vous y mettiez la dernière main quand ils occuperont leur emplacement définitif.

Je suis allé ce soir trouver Mr l'Abbé pour lui apprendre cette nouvelle et ne l'ayant point trouvé chez lui, je lui ai laissé votre lettre, afin qu'il prenne ses mesures pour ce qui le regarde et me fasse savoir ce qu'il pense de votre projet. Il a vu la Reine dimanche matin, mais il n'a pu lui parler des salles du Luxembourg parce qu'elle était absorbée dans ses dévotions, venant de recevoir le Saint Sacrement. Et je doute qu'il ait pu lui parler depuis lors, puisqu'il est entièrement pris par une affaire très ennuyeuse: il s'agit d'un sien cousin dont il doit sauver sinon la vie, au moins la place, les biens et l'honneur. J'apprends que le jugement a eu lieu aujourd'hui et que l'accusé a été assez favorablement traité. De façon que si l'affaire ne s'est pas terminée assez tôt pour que je puisse dès à présent vous en annoncer la conclusion, ce sera pour le prochain courrier. Cependant, je crois que vous pouvez venir sans crainte et sans vous préoccuper de ce détail et qu'il ne manquera pas de logement convenable pour vous. Si vous voulez m'en croire, vous écrirez à Monsieur Péricard de tenir la main à la recommandation des caisses pour prévenir les ennuis de la douane. J'aurai soin également de faire faire le châssis du fond de la Galerie ainsi que les autres, mais je ne sais pas exactement quels sont les tableaux choisis par vous et à les faire exécuter tous on court risque de les gâter.

Du voyage de la Reine nous n'avons jusqu'à présent aucune nouvelle certaine; Monsieur l'Abbé ne manquera pas de vous en informer dès qu'il y aura une décision prise. Quant à Monsieur Baron, le neveu de Monsieur Rockox, je regrette très vivement de n'avoir pas réussi à le trouver pour m'acquitter d'une partie de ma dette de reconnaissance envers Mr Rockox. Je puis vous assurer que je n'ai négligé aucune recherche, je me suis même adressé à Madame l'ambassadrice sans découvrir la moindre trace de lui.

[147] En reconnaissance des nouvelles touchant la conjuration, je ne puis rien vous annoncer sinon que les Rochellois ont écrit au Roi une lettre tellement pleine de soumission que nonobstant l'arrestation du duc de Rohan ils ne trahissent pas la moindre velléité de vouloir continuer la guerre et qu'ainsi toute chose tourne à la paix et au repos public.

Le prince de Condé réside dans son château de Mourom et y suit un régime pour se reposer des amusements de son voyage en Italie. Il a promis de venir à la Cour à la fin du mois. N'ayant d'autres nouvelles à vous communiquer, je vous baise les mains mille fois. De Paris, le 16 mars 1623.

Postscriptum. Monsieur l'Abbé m'a fait savoir qu'il ne manquera pas de faire à votre satisfaction ce que vous lui demandez, et vous prie de l'excuser s'il a été empêché de le faire en temps voulu.


CCCXVII
PEIRESC A RUBENS.

Molto illre.

Con la mia lite in termine d'essere giudicata, non posso trattenerle conforme al voto. La Regina Madre fa conto d'andare habitare al Luxemborgo vecchio, et non pensa poter lasciarle stanze vuote ha ben ordinato chelesi lasciassero le stanze del palazzo nuovo, sopra il suo appartemente, dove allogiava l'artige pittore che hanno ordinato uscire di là, ma ci converebbe haver mobili che sarebbe di troppo fastidio per poco tempo. Io faro cercare stanze vicino le manco incommode che mi sara possibile, poiche siamo fuori di questa gran prezza intanto non manchero l'impiegare qualche amico, et poi andaro far una scorza. Hora ch'ella se lasciata intendere del sito delli telari che fanno di bisogno, ci faceremo lavovare.

Le rendo mille gratie del cortese officio passato col SrRoccox et della speranza che mi lascia di voler trattare di dissegni de Golzio col Sr Bie. Del resto e stato liberato il Duca di Rohano et si spera che ogni cosa passara si come si deve. Et le baccio di core le mani.

[148] Di Pariggi alli 23 Marzo 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V, 695.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «24 mars. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

A cause de mon procès qui est sur le point d'être jugé, je n'ai pu vous écrire comme je l'aurais voulu. La Reine-Mère compte aller habiter le vieux Luxembourg et elle ne pense pas pouvoir y laisser des chambres disponibles. Elle a bien ordonné qu'on vous laisse les chambres dans le palais nouveau au-dessus de son appartement où logeait l'artiste peintre qui a reçu ordre de les quitter, mais il conviendrait d'avoir des meubles qu'il serait trop difficile de se procurer pour si peu de temps. Je ferai chercher un logis dans le voisinage le plus commode qu'il me sera possible, puisque nous sommes débarrassés de la grande foule; je ne manquerai pas d'en charger un ami et j'irai moi-même y jeter un coup d'oeil. A présent que vous avez fait connaître votre avis sur l'emplacement des châssis dont vous avez besoin, nous les ferons faire.

Je vous rends mille grâces du service amical que vous m'avez rendu auprès de Monsieur Rockox et de la promesse que vous me faites de traiter avec Monsieur de Bie des dessins de Goltzius. Pour le reste, le duc de Rohan a été mis en liberté et on espère que tout se passera convenablement.

Je vous salue de tout coeur.De Paris, le 23 mars 1623.

[149] CCCXVIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre.

Si risolse inopinatamente il viaggio di Fontainebleau l'altr'hieri sera il che mi dispiacque sommamte per timore che non ritardi la venuta di V. S. Questa mattina io ho mandata una poliza al Sr Abbate non potendoci andare questa sera ho mandato a pigliarne la risposta laquella V. S. vedera. Se V. S. fosse venuta avanti il fine di questo mese come pareva ch'ella havesse promesso non haverebbe corzo il rischio ch'ella corre di non vedere forzi tanto presto la Regina ben che si spera che il viaggio non habbia da passare piu oltre, al meno che non anderà de la da Tours, ma questo e incerto. Et per colmo di sventura mia s'e prencipiata la mia lite senza potersi finire qua di modo che mi conviene seguittare a Fontainebleau per ottenerne il fine se sara possibibile et temo d'essere costretto di partire Lunedy o Martedy per ritornarme subito che sia dato l'arresto con l'aiuto di Dio. Ma se piace a S. d. Mta che sianno spedite preste et che la corte ritorni qua doppo la Pasqua, saremo al colmo di felicita perche potremo sperare di rivederla qui in quel tempo, et di goderla pienamente senza disturbo della lite per aliquanti giorni prima che ritornarsene alla volta della patria.

Io haveva prencipiato un poco di trattato col Sr Paolo Parente, ma il disturbo della lite ha interrotto ogni cosa non senza mio ramarico. Schusimine di gratia V. S. per sua somma bonta. Questo viaggio m'impedira d'assicurar le sue stanze del borgo fra lequale io fui sul punto di dar caparre l'istesso giorno che si seppe il viaggio.

Ho caro ch'ella si risolva di portare lo studio del duca d'Arscot et tengo che si trovera mezzo di venderlo nel modo ch'io scrisse al SrRoccox il cui nepote non e mai comparso io tengo ch'egli sia passato piu oltre. Quanto al presente ch'ella vuol fare, non si porta cosa piu grata di lavori che chiamano dentelles, una gentil donna m'havesse promesso un poco di memoriale di cio che si puo scegliere [150] di piu raro, lo mandaro a pigliar domattina et le baccio per mille volte le mani.

Di Pariggi alli 30 Marzo 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et Copies des lettres de Peiresc. V, 695.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «30 mars. Vendredi Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Inopinément le voyage à Fontainebleau a été décidé avant-hier au soir, ce que je regrette beaucoup parce que je crains que votre arrivée ici n'en soit retardée. Ce matin, j'ai envoyé un billet à Monsieur l'Abbé; ne pouvant aller chez lui ce soir, j'ai fait prendre la réponse que vous trouverez ci-jointe. Si vous étiez venu avant la fin de ce mois, comme il paraît que vous l'aviez promis, vous n'auriez pas couru le risque de ne voir peut-être la Reine que fort hâtivement. Toutefois, on espère que le voyage ne sera pas effectué, ou du moins que Sa Majesté n'ira pas plus loin que Tours; mais tout cela n'est pas encore certain. Et pour comble de malheur, mon procès a commencé sans pouvoir se terminer, de manière que je serai tenu de suivre la Cour à Fontainebleau pour obtenir qu'on en finisse si possible. Je crains d'être obligé de partir lundi ou mardi pour retourner le plus tôt possible lorsqu'avec l'aide de Dieu le jugement sera prononcé. Mais s'il plaît à Sa Majesté que l'affaire soit promptement expédiée et que la Cour retourne ici après Pâques, nous en serons enchantés, parce que nous pourrons espérer de vous revoir ici à cette époque et de jouir pleinement de votre présence sans être troublé par les soucis de mon procès, pendant les quelques jours que vous passerez ici avant de retourner dans votre patrie.

J'avais commencé à traiter avec Monsieur Paul Parent, mais les tracas du procès m'ont, à mon grand regret, fait interrompre toute besogne; veuillez, je vous prie, m'en excuser. Ce voyage m'empêchera d'assurer vos appartements dans le faubourg, pour lesquels je fus sur le point de donner des arrhes le jour même qu'on a su que le voyage se ferait.

Je suis heureux d'apprendre que vous apportez la collection du duc d'Arschot et j'estime qu'il y aura moyen de la vendre de la manière que je l'ai écrit à Monsieur Rockox. Le neveu de celui-ci ne s'est plus montré [151] nulle part; j'estime donc qu'il aura continué son voyage. Quant au cadeau que vous voulez offrir, il n'y en a pas de plus agréable que de ces travaux que l'on appelle dentelles. Une charmante dame m'avait promis une petite liste de ce que l'on pourrait choisir de plus rare, je l'enverrai prendre demain, et vous salue mille fois.

De Paris, le 30 mars 1623.

CCCXIX
L'ABBÉ DE St AMBROISE A PEIRESC.
(Billet dont l'envoi est annoncé dans la lettre précédente.)

Monsieur.

J'ay demandé ce matin à la Royne ce qui plaisoit à Sa Majesté me commander pour escripre à M. Rubens qui n'attendoit que ces commandements pr venir en cette ville faire amener les tableaux qu'il avoit faicts pr la gallerie de son palais. La Roy ne m'a dict qu'elle partoit mardi prochain pour aller à Fontainebleau qu'elle ne sçavoit quel séjour elly pourroit faire et qu'elle me manderoit après Pasques le temps qu'elle pourroit estre de retour à Paris afin de le mander audit Rubens. J'aurois beaucoup de desplaisir qu'il se mist en chemin qu'il ne trouvast la Royne à Paris pour faire voir à Sa Majesté ses ouvrages. Il vault mieux qu'il diffaire son voyage que le précipiter pr n'avoir ce contentement à l'arrivée de Sa Majesté. Je donne ordre pr les châssis et bordures des tableaux que l'on a faicts qui seront prests dans peu de temps. Je feroy faire le passeport à qui désire porter les châssis et la lettre du Roy à M. Péricard. Sur quoy je vous baise très humble les mains en qualité Mr de votre très humble et affectionné serviteur

de Maugis Abbé de St Ambroise

A Paris, ce 30 mars 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V, 695 v°.

Cette lettre a été publiée, en partie, par M. Clément de Ris: Les Amateurs d'autrefois p. 59.


[152] CCCXX
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illo.

Per non lasciar scorrere lordrio di questa settimana senza scrivere le fo queste due righe per avisarla ch'io mene vo domani con laiuto del Sigre a Fontainebleau per seguitare i giudici che hanno prencipiato la visita della mia lite la quale mi vogliono spedire fra pochissimi giorni.

Il Re ci arrivo hier sera, hoggi e partito il Signor Cancelliere et doveva partire la Regina Madre, ma non l'ho ancora fatto domandare. Di la forzi che le potremo dare maggior sicurezza del ritorno. In tanto ho voluto lasciar la presente alla posta bacciandole per mille volte le mani et al gentilissimo SrRoccox.

Di Pariggi alli 5 Aprile 1623.

Io spero di venir far la pasqua in questa citta con laiuto divino et che le cose staranno in quiete.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V, 696.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «4 avril mardy. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Pour ne pas laisser partir la poste de cette semaine sans vous écrire, je vous fais ces deux lignes pour vous aviser que demain, s'il plaît à Dieu, je pars pour Fontainebleau où je suis les juges qui ont commencé l'examen de mon procès et qui veulent le terminer en peu de jours.

Le Roi est arrivé ici hier soir, aujourd'hui Monsieur le Chancelier est parti; la Reine-Mère devait partir, mais je ne me suis pas encore informé si elle l'a fait réellement. Il se pourra que d'ici là nous vous donnions plus de certitude quant au moment de son retour. Cependant j'ai fait porter la [153] présente à la poste et vous baise mille fois les mains ainsi qu'au très aimable Monsieur Rockox.

De Paris, le 5 avril 1623.

J'espère, avec. l'aide de Dieu, que je serai de retour à Paris pour le jour de Pâques et que la tranquillité continuera à régner.


Le 12 avril 1623, Peiresc écrivit à Rubens une lettre que nous trouvons notée dans les Petits Mémoires: «12 avril. Rubens.» Il n'en existe pas de minute à Carpentras.

Peiresc la mentionne dans la lettre suivante, du 21 avril, et rappelle à Rubens qu'elle lui rapportait la réponse du Cardinal de Richelieu, touchant l'époque où le peintre pourrait se rendre en France.


CCCXXI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illustre.

Arrivando io qua in Pariggi al ritorno di Fontainebleau, il Sr Abbate mi manda la lettera di V. S. delli 8. del corrente, et hieri n'hebbi un altra delli 14. le quali io ho mandate tutte due al Sr Abbate accio ch'egli vegga cio che gli parera doverle rispondere havendomi promesso di farlo questa mattina. S'io fossi stato ancora a Fontainebleau non haverei mancato di far intendere al Sr Cardledi Richelieu l'offerta di V. S. accio si degnasse farla alla Regina, ma sendo io qua par che tocchi al Sr Abbate per non guastar niente. Havera visto V. S. per la mia precedente la risposta che mi fece detto Sr Cardinale quando gli domandai il tempo che V. S. poteva venire, cioe che il soggiorno e viaggio della Regina dipendeva dell' arbitrio d'altri superiori li quali non si liasciavano ancora intendere del dissegno loro. M'avenne l'alt'altri raggionandone col Sr Abbate di dirgli ch'io haveva scritto ultimamente a V. S. che si credeva che il soggiorno di Fontainebleau fosse di alquante settimane et che [154] vedendo hora dalle sue lettere delli 8. che V. S. non faceva difficolta di portare i suoi quadri, io dubitava che non le venisse voglia di venirsene in quella congiontura per non correr rischio di piu lunga dilatione in caso d'altri viaggii majori. Mi rispose il Sr Abbate, che non vorrebbe che V. S. l'havesse fatto, dicendo che s'ella fosse venuta mentre la Regina stava in Pariggi, non haverebbero mancato mezzi di provedere al suo pagamento, ma che mentre si stava in viaggio sarebbe fatto molto piu difficile, massime le cose della Regina sendo ridotte molte alle strette in questo punto. Et ch'egli haverebbe ricevuto sommo dispiacere che V. S. fosse venuta senza toccar subito li dannari che si saranno dovuti, et senza che lui havesse mezzo di aiutarvi V. S. Et m'aggionse che si correva rischio d'una lite contra il Sr Brosse intorno ad una parte del pagamento della sua fabrica per cattivo consiglio et che restava indietro la fabrica dell' altra galleria per mancamento di ventimila scudi ne li quali s'haveva da paggare una casa d'un particolare dove l'ha da fondare. Io non so ancora cio ch'egli mi dira intorno al costi.

Ma s'io ho da parlare con liberta a V. S. et da amico sincero, io le direi che sarei di parere tutto contrario al Sr Abbate. V. S. ci pensara ben bene. Le mie raggioni sono che si puo cadere difficolta alcuna a trovar i danari et aspettare il pagamento, tanto piu V. S. aspettara a portar l'opera gia fatta tanto piu tardi cominciara a correre la dimora del dovuto pagamento, et poi che restano con qualche scrupolo gli altri quadri si ritardarebbe il finimento dell' opera et li levarebbe a V. S. una gran parte dell' honore ch'ella si deve promettere potendola finire in tempo breve, con quella perfectione che le e solito. Si tiene hora che sia tolto da cenno il viaggio della Rochella, et che il Re habbia da trattenersi questa estate in Fontainebleau, Monceaux et altri luoghi d'intorno se il negocio della Valtolina non lo chiama da quella parte dove gia si fanno inviare alle frontiere alcuni reggimenti di soldatesca, accio siano lesti in caso di bisogna ben che si speri che le cose possino passare in accommodatione anzi. Hora si fa instanza al Parlamento per la verificatione di alcuni editti accio di trovare dannari, et se il Parlamento non fa la verificatione spontanea, come par che sia assai difficile, sara forza che il Re venghi personalmente a Pariggi con tutto il consiglio et la [155] Regina ancora, se sara sana. Et se V. S. si trovasse qua potrebbe godere quel momento cli tempo in questa citta, et s'egli manca corre rischio di perdere un mezz' anno senza poter continuar l'opera et forzi pin d'un mezz' anno se le cose andassero alla guerra sendone il Re sempre ritornato questi anni addietro solamente verso Natale. V. S. ci pensara seriosamente. Non vorrei che il mio parer solo le facesse fare dissegno di prejudicio, ma in concurrenza di pericoli diversi, mi par che s'habbia da vietare il maggiore. Io vi aggiongero poi un interesse mio particolare che forzi mi fa inclinare a quel parere piu tosto ch'all'altro, accio V. S. non me l'imputa poi cioe ch'io temo d'essere costretto di partire per Provenza al principio di Giugno et che mi spiacerebbe sommamente di farlo, senza havere servito V. S. in questa occasione in tutto cio che mi sara possibile conforme al voto.

Il duello di Conte del Candala fu fondato sopra cio che il Conte di Schomberg haveva accettato il governo di Limozino, nel quale detto Candale era stato ricevuto come successore designato al Duca d'Epernone, suo padre, sendo sicuro che non poteva sperar medesima successione al governo di Aquitania che possede hora il padre in luogo di quello di Limozino. Et con questo fo fine.

Di Pariggi alli 21 Aprile 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 696.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «21 avril. M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

En arrivant de Paris, à mon retour de Fontainebleau, j'ai reçu de Monsieur l'Abbé votre lettre du 8 courant et hier il m'en a envoyé une autre du 14. Je les ai fait remettre toutes deux à Monsieur l'Abbé; il verra ce qu'il y a à répondre et m'a promis de le faire ce matin. Si j'avais encore été à Fontainebleau, je n'aurais pas manqué de faire connaître votre offre à Monsieur le Cardinal de Richelieu, afin qu'il pût la transmettre [156] à la Reine s'il daignait le faire, mais me trouvant ici, il me semble bon d'en dire un mot à Monsieur l'Abbé pour ne rien gâter. Vous avez vu par ma précédente lettre la réponse que m'a faite Monsieur le Cardinal quand je lui demandai à quelle époque vous pouviez venir. Il me fit savoir que le séjour et le voyage de la Reine dépendaient d'une volonté supérieure qui n'avait pas encore fait connaître son intention. Il m'arriva l'autre jour, en parlant avec Monsieur l'Abbé, de lui dire que je vous avais écrit dernièrement que l'on croyait que le séjour à Fontainebleau se prolongerait pendant quelques semaines et voyant par votre lettre du 8 courant que vous ne feriez pas difficulté d'apporter ici vos tableaux, je me demandai si vous ne désireriez pas venir ici dans pareille circonstance, pour ne pas courir le risque de devoir attendre plus longtemps, si la Reine entreprenait de plus longs voyages. Monsieur l'Abbé m'a répondu qu'il n'aurait pas voulu que vous fussiez venu, ajoutant que si vous étiez arrivé pendant que la Reine habitait Paris, il y aurait eu moyen de vous faire payer, mais que cela serait beaucoup plus difficile pendant son absence, vu surtout que les sommes dont elle dispose pour de pareilles dépenses ont été fortement réduites. Il aurait beaucoup regretté que vous fussiez venu sans que vous puissiez toucher immédiatement l'argent qui vous sera dù et sans qu'il pût vous aider. Il me dit encore qu'un procès était à craindre contre Monsieur Brosse, au sujet d'une partie de sa construction pour laquelle il avait mal conseillé, et que la construction de l'autre galerie était en retard, faute de vingt mille écus qui manquaient pour payer la maison d'un particulier dont on avait besoin pour jeter les fondements. Je ne sais pas encore ce qu'il me dira du montant de votre compte.

Mais si je pouvais vous parler en toute liberté et en ami sincère, je vous dirais que je serais d'un avis tout opposé à celui de Monsieur l'Abbé. Vous y penserez sérieusement. Ce qui me fait parler ainsi c'est qu'il peut se rencontrer quelque difficulté à trouver l'argent pour vous payer; plus vous attendrez à apporter ici vos travaux déjà exécutés, plus sera reculé le moment où l'on devrait vous payer et, aussi longtemps qu'il y aura des doutes sur le sort des autres tableaux, l'achèvement du travail en sera retardé et on vous frustrera d'une grande partie de l'honneur que vous devez en attendre, si vous pouvez le terminer à bref délai, avec la perfection qui vous caractérise.

On croit à présent que le voyage de la Rochelle sera rayé du programme et que le Roi passera l'été à Fontainebleau, Monceaux et autres endroits des environs de Paris, si l'affaire de la Valteline ne l'appelle pas de ce côté. Déjà, on envoie par là quelques régiments de soldats à la frontière [157] afin qu'ils puissent se porter rapidement là où le besoin se ferait sentir, bien que l'on espère que toute l'affaire s'arrangera encore.

Actuellement, on insiste auprès du Parlement pour faire vérifier certains édits afin de trouver de l'argent, et si le Parlement ne procède pas spontanément à cette vérification, ce qui parait assez douteux, le Roi sera forcé de venir en personne à Paris avec tout le Conseil et avec la Reine si sa santé le permet. Si vous vous trouviez ici vous pourriez profiter de ce moment, si vous le manquiez vous courez risque de perdre une demie année sans pouvoir continuer le travail et peut-être plus longtemps encore si les choses tournent à la guerre, car dans les dernières années le Roi n'est retourné en ville que vers la Noël. Réfléchissez-y sérieusement. Je ne voudrais pas que mon avis seul vous fît prendre une résolution préjudiciable, mais en présence de périls divers il me semble qu'il faut éviter le plus grave. Je ferai valoir encore un motif personnel qui, peut-être, fait que je me range à cet avis plutôt qu'à tout autre, pour que plus tard vous ne m'en fassiez un reproche, c'est que je crains d'être forcé de partir pour la Provence, au commencement de juin, et que je regretterais vivement de quitter Paris sans m'acquitter, pendant votre séjour ici, de tous les services qu'il me serait possible et que je voudrais pouvoir vous rendre.

Le duel du comte de Candale a eu pour motif que le comte de Schomberg avait accepté le gouvernement du Limousin, quand lui, Candale, avait été désigné pour succéder au duc d'Epernon son père, et qu'il était assuré qu'il ne pouvait espérer la même succession dans le gouvernement de Guyenne que son père a obtenu en échange de celui du Limousin.

Et sur ce je termine.De Paris, le 21 avril 1623.

COMMENTAIRE.

L'affaire de la Valteline. La Valteline était une partie du canton des Grisons au pied des Alpes, entre le Milanais et l'ancien état de Venise. Une querelle s'étant élevée entre les Grisons et ceux de la Valteline, le duc de Savoie Charles-Emmanuel, la France et les Vénitiens prirent le parti des Grisons pour soustraire la Valteline à la protection de l'Espagne. Les Gênois se rangèrent du côté de ce dernier pays. Avec des alternatives diverses, cette guerre dura jusqu'en 1626; elle fut términée par le traité de Mouçon. Par ce traité, la Souveraineté de la Valteline fut laissée aux Grisons, les passages en Italie par ce pays restèrent à la disposition de la [158] France seule, les forts du pays seraient remis au pape pour être démolis. Ce traité qui fut une victoire remportée par la France, amena la paix entre ce pays et l'Espagne.

Le comte de Caudale. Henri de Nogaret d'Epernon, comte, puis duc de Candale, né en 1591. En 1612, il quitta son pays et se rendit à la Cour de l'empereur, puis il servit le grand-duc de Florence et se distingua dans la guerre contre les Turcs. En 1614, il fut nommé premier gentilhomme de la chambre du roi Louis XIII. Quelques mois après, il embrassa le parti des Huguenots et fut déclaré général des Cévennes. Rentré dans l'obéissance peu de temps après, il se mit au service du prince d'Orange contre l'Espagne en 1621-1622. Mécontent de ne pas avoir obtenu les gouvernements de son père, il se mit, en 1624, au service de Venise; il fut nommé généralissime des armées de la république en 1630. En 1636, il revint en France et fut en 1636 lieutenant-général de l'armée de Guyenne sous le duc d'Epernon son père, puis de l'armée de Picardie et enfin de celle d'Italie sous le Cardinal de la Vallette. Il termina sa carrière accidentée à Casal, le 11 février 1639.


CCCXXII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illmo Sig. mio singmo.

In risposta della sua amorevolissima delli 20 del presente ho da farle infiniti ringratiamenti di tanta cortesia, et di tanta parte ch'ella si degna pigliare nel fatto mio, dispiacendomi di non havere la qualita ch'ella s'imagina, per corrispondere alla sua buona opinione et del SrRoccox, et per servir efficacemente l'uno et l'altro conforme al lor merito et al debito mio. Io ritardaro la partenza per amor suo quanto sara a me possibile, ma li negocii domestici non mi permettono di ritardarla oltre il fine di giugno per il piu tardi. E vero che forzi mi bisognera tornar qua questo inverno prossimo se la nostra lite non s'accommoda.

M'e stato carisso l'intendere che li suoi quadri abbiano aggradito all' Infanta et a cotesti grandi, et me tarda sommamente di vederne [159] la riuscita in questa corte e che con questo ponte ella sia costretta di passare a questa vol ta per soggiorno piu lungo che per il solo finimento dell' opera della Regina, accio de haver maggior occasione di servirla tutto il tempo della mia vita conformo al voto.

S'aspecta hoggi Mr fratello di S. M. che ha havuto licenza di venir starsene qua per 12 giorni. Si sta ancora in incertitudine se il Re venira o no, ne si parla che S. M. facci un gran viaggio per questo mese prossimo. Et senz' altro.

Di Pariggi alli 28 Aprile 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 697.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «28 avril. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

En réponse à votre lettre très aimable du 20 courant, j'ai à vous remercier cordialement du bienveillant intérêt que vous daignez montrer dans mes affaires. Je regrette de ne pas posséder les qualités que vous m'attribuez pour répondre à la bonne opinion que vous et Monsieur Rockox avez de moi et pour rendre service à l'un et à l'autre comme votre mérite et mon devoir l'exigent. Je retarderai autant que possible mon départ par amour pour vous, cependant mes affaires domestiques ne me permettent pas de le remettre au delà de la fin de juin. Il est vrai que peut-être je serai obligé de retourner ici l'hiver prochain, si mon procès ne s'arrange pas.

J'apprends avec le plus vif plaisir que vos tableaux ont plu à l'Infante et aux Seigneurs de son entourage et il me tarde beaucoup de vous voir réussir également à notre Cour. Je me réjouis non moins que, de cette manière, vous serez forcé de prolonger votre séjour ici au delà du temps qu'il vous faut pour terminer les travaux commandés par la Reine. J'aurai ainsi l'occasion de vous servir ma vie durant au gré de mes désirs.

On attend aujourd'hui Monsieur, le frère du Roi, qui a obtenu la permission de venir passer ici douze jours. Il est encore incertain si le Roi [160] viendra ou non, on parle d'un grand voyage que Sa Majesté ferait le mois prochain.

N'ayant rien d'autre, etc.De Paris, le 28 avril 1623.

CCCXXIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto ille.

Questa mattina ho ricevuto il suo piego delli 29. del passato et subito sono andato dal Sr Abbate per rendergli la sua lettera, et trovandolo in purga, con un medicamento nello stomacho, faceva conto di ritornare domani ma egli ha voluto ch'io l'habbia visto et se mostrato tanto disposto a servirle che subito ch'io aveva fatto il complimento di V. S. per ottenere ch'egli prometesse di menarla a Fontainebleau egli se offerito prontissimo ad ogni suo cenno et havendo essaminato il negocio et gustato la decenza et importanza di farla chiamare, egli ha subito voluto scrivere al Sr Cardle di Lussone per accompagnar la lettera di V. S. et ha usato ogni termine di persuasione possibile accio ci voleva ottenere l'ordine della Regina, conforme al voto nostro. Il Srde Vallavez mio fratello haveva da fare un viaggio a Fontainebleau, io glie l'ho fatto anticipare di qualche giorno et l'ho incaricato di presentare al Sr Cardle l'una et l'altra lettera et di sollicitarne la risposta, che s'egli la potesse ottenere questa sera o domani mattina per tempo gli ho ordinato di mandarmela in diligenza. per poterla inviare a V. S. per l'ordinario. Ma se non si puo havere in quel spatio di tempo bisognera aspettar l'altro prossimo di che mi dispiacera non poco. Si non s'ottenesse la gratia con questo mezzo io mi risolvo d'andare personalmente la settimana prossima a Fontainebleau per farci la tentativa a piu gaillardo che vorrei servirla in cosa di maggior momento. Fu ammazzato il Sr Fiesco dal Sr Putanges, l'uno degli ordinarii della Regina di Francia, gia piu di due o tre [161] mesi detto Fiesco haveva fatto in Lyone una accusatione di troppo gran familiarita et amori tra detto Putanges et la dama di Vernel sorella del defunto Luynes, di che si fecero informationi dinanti a quattro Maresciali di Francia et sendo l'accusatione riuscita vana et calumniosa, detto Putanges incontrando in questa città detto Fiesco, lo perseguiva et l'ammazzo, mentre egli fuggiva d'innanti griedendo al popolo che lo salvassero, et subito il ne diede la remissione al detto Putanges sendosi giudicato ch'egli haveva gran raggione di vendicarsi di falsa calumnia. Et senz'altro etc. Di Pariggi alli 4 Maggio 1623.

Io mi son assunto di fare a V. S. le schuse.

Io mi scordava di mandarle che doppo l'ultima mia lettera sendomi trovato un giorno a raggionare col Sr Abbate delle difficolta che il Sr Cardlede Richelieu haveva fatta al Sr Brosse, le quali si sonno hora supprate subito che il Sr Cardinale ha havuto finito il trattato della compera del Contado di Limours dove detto Brosse ha fatto diversi viaggi per dissegnare certa fabrica nuova nel castello ch'egli ha da condurre. Egli m'aggionse che se V. S. porta va qualche quadretto di sua mano al detto Sr Cardle da potersi mettere in qualche studiolo, andarebbono molto piu facile tutte le cose sue. Io volsi parlare del suo quadro della conversione di S. Paolo, ma egli m'aggionse che la grandezza impediva di valersene in casa privata et poi che si era pagata 1000 ₶. V. S. ci pensara, et certo in questo secolo pochi sonno amici gratuiti in materia di corteggiani.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 697 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «5 mai. Au Sieur Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Ce matin, j'ai reçu votre paquet de lettres du 29 dernier. Je me suis rendu immédiatement chez M. l'Abbé pour lui remettre sa lettre et le [162] trouvant qui se purgeait et avait déjà pris médecine, je comptais y retourner le lendemain. Mais il tint à me recevoir et s'est montré tellement disposé à vous rendre service que, aussitôt que je lui eus fait connaître votre désir d'obtenir la promesse de vous conduire à Fontainebleau, il s'est de la meilleure grâce mis à votre disposition. Ayant examiné l'affaire et approuvé la convenance et l'importance de vous faire appeler, il a voulu aussitôt écrire à Monsieur le Cardinal de Lusson pour recommander votre lettre et a usé des termes les plus pressants, afin de l'engager à obtenir de la Reine un ordre conforme à votre désir. Monsieur de Valavez, mon frère, devant se rendre à Fontainebleau, je lui ai fait avancer son voyage de quelques jours et l'ai chargé de présenter au Cardinal les deux lettres et de solliciter, si possible, une réponse pour ce soir ou pour demain matin de bonne heure; je lui ai ordonné de me l'envoyer en toute hâte, pour pouvoir vous l'expédier par le prochain courrier. Cependant, s'il ne l'obtient pas aussi promptement, il faudra attendre le courrier suivant, ce que je regretterais beaucoup. Si nous n'obtenons pas de cette manière la faveur, je pense aller moi-même à Fontainebleau, la semaine prochaine, pour faire une tentative plus énergique que j'aurais voulu réserver pour un objet de plus grande importance.

Monsieur Fiesco a été assassiné par Monsieur de Putanges, l'un des commensaux de la reine de France. Il y a plus de deux ou de trois mois, ledit Fiesco avait accusé à Lyon Monsieur de Putanges d'une trop grande familiarité et de relations galantes avec Madame de Verneuil, la soeur de feu de Luynes. Une instruction se fit devant quatre maréchaux de France et l'accusation fut trouvée non fondée et calomnieuse. Monsieur de Putanges rencontrant Fiesco à Lyon le poursuivit et le tua pendant que celui-ci s'enfuit en criant au peuple de le sauver. Le coup porté, le public pardonna à Putanges, étant d'opinion qu'il avait eu grandement raison de se venger d'une pareille calomnie. Et n'ayant rien d'autre à vous écrire etc. De Paris, le 4 mai 1623.

Je me suis chargé de vous faire des excuses.

J'avais oublié de vous écrire qu'après votre dernière lettre, causant un jour avec Monsieur l'Abbé des difficultés que le Cardinal de Richelieu avait fait subir à Monsieur Brosse et qui cessèrent subitement aussitôt que le Cardinal eut conclu l'achat du comté de Limours où Monsieur Brosse fit plusieurs voyages pour fournir les dessins d'une construction à exécuter par lui dans le château. Monsieur l'Abbé ajouta que si vous offriez quelque petit tableau de votre main pour être placé dans un cabinet, les choses se passeraient beaucoup plus facilement. J'ai voulu parler de votre [163] tableau de la Conversion de Saint Paul, mais il fit observer que sa grande dimension l'empêche de figurer dans une maison particulière et puis qu'il a été payé 1000 livres. Veuillez y songer; il est certain que de nos jours peu de gens vous témoignent une amitié désintéressée dans les affaires de Cour.


CCCXXIV
RICHELIEU A CLAUDE MAUGIS.

Mr.

J'ay receu vostre lettre et celle de P1 Rubens, pr repondre auxquelles je vous diray que la Roy ne trouve bon qu'il vienne à Paris selon qu'il tesmoigne le désirer, encore que je ne puisse pas vous dire précisément le temps auquel elle y pourra estre. Vous luy pourrez donc mander qu'il vienne quand il voudra alors qu'il y sera il fera tendre ses tableaux en quelque chambre haulte du Luxembourg dont vous aurez la clef parce que Sa Majesté ne désire pas qu'on les voye que le tout ne soit faict et posé où ils doivent estre. Je m'en vais faire un tour à Limours pour visiter aux réparations. Sur cela je demeure Mr vostre bien affectionné à vous servir.

Le Cardl de Richelieu.

De Villeroy, ce 6 May 1623.

Et au-dessus: A Monsieur de St Ambroise.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V, 698 v°. (

Une copie de cette lettre fut envoyée à Rubens par Peiresc avec le billet suivant).


[164] CCCXXV
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre

Subito ch'io ho havuto la lettera del Sr Cardle ho preggato il Sr Abbate di lasciarmene pigliar la copia, et di scriverle due righe che saranno qui aggionte, le quali ho voluto mandar subito alla posta per poter marciare in caso che passij qualche straordinario accio non si perda un momento di tempo, aspettandola con incredibile patienza et vorrei ben ch'ella ci menasse il SrRoccox, et di gratia un poco di sollicatazione al SrGevartio alli quali bacio di core le mani. Di Pariggi alli 9 Maggio 1623.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 698.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «9 mai. A M. Rubens, avec la response du cardinal et de la Reyne.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Aussitôt que j'eus reçu la lettre de Monsieur le Cardinal, j'ai prié Monsieur l'Abbé de me permettre d'en prendre copie et de vous écrire deux lignes pour les y joindre. J'ai voulu les porter immédiatement à la poste pour que vous soyez prêt à partir dans le cas où il se passerait quelque chose d'extraordinaire et que vous ne perdiez pas une minute. Je vous attends avec la plus vive impatience et voudrais bien que vous puissiez amener ici Monsieur Rockox. Engagez quelque peu Monsieur Gevaerts à venir également et saluez les tous deux de ma part. Paris, le 9 mai 1623.


[165] CCCXXVI
CLAUDE MAUGIS A RUBENS.

Monsr.

J'ay receu response de Monseigneur le Cardl de Richelieu qui me mande que la Royne a aggréable et trouve bon que vous veniez en cette ville pour y tendre vos tableaux sur les châssis et les faire mettre dans une chambre où personne n'entre, de laquelle j'auray la clef ne désirant que l'on les mette en la gallerie que lorsque vous aurez achevé de faire tous les accessoires. Je vous attendray en bonne dévotion avec volonté à vous servir de coeur et d'affection en qualité, Mr, de votre très humble et très affectionné serviteur

Maugis, abbé de St Ambroise.

A Paris, ce 9 may 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 698 v°.

Reproduit par Clément de Ris: Les Amateurs d'autrefois, p. 60.


CCCXXVII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre

Questa volta viene l'ordine della venuta di V. S. con somma allegrezza mia. Conforme a cio che le scrissi per l'ordinario passato, il giovedy dell' altra settimana subito che il Sr Abbate hebbe finita la sua lettera al Sre Cardledi Richelieu, che fu circa un hora doppo mezzodi, io la mandai a presentare al Sre Card. per mano di mio fratello il quale lo trovo un poco rissentito et gia posto a dormire ben che fosse ancora gran giorno. La mattina del venerdy egli non manco di ritornarci, et subito che S. S. illma fu visibile gli presento in manu propria le lettere di V. S. et del Sr Abbate aggiongendo di parola quello chegli parve a proposito conforme all' instruttione [166] chio gli haveva data secondo il dispaccio di V. S. Rispose il Sr Cardle che non si poteva dar risposta, per cio che in quel punto partiva la Regina Madre per Villeroy et luy per Limours, et che bisognava aspettar il ritorno per abboccarsi. Gli offeri il Srdi Valavez mio fratello di seguitarlo a Villeroy se cosi S. S. illma lo trovava apposito ma ella sene schuso, per l'incertitudine del tempo del abbocciamento. Offerse poi di mandargli un laquay dove commenda-rebbe, per sminuir la causa delle ceremonie, et all'hora disse S. S. illma che se poteva abboccarsi con la Regina prima del suo viaggio di Limours non mancarebbe di mandar la sua risposta. Sendo ritornato qui mio fratello il Sabato, io mi dolsi un poco seco di non essere passato per Villeroy, il che non lo ritardava di piu di mezza giornata, et la domenica ci mandai un lacquay, al quale fu detto che sara gia inviata la risposta a questa volta al Sr Abbate laqual gionse appunto il martedy mattina, et subito il Sr Abbate venne a casa mia per mostrarmela et io per disgratia mi trovai absente, et sendo andato dal Sr di Lomenie vi sopravenne il Sr Abbate il quale mi mostro la lettera del Sr Cardinale della quale io feci subito la copia, et intanto il Sr Abbate le scrisse due righe senza uscire del gabinetto di quel Sigre et il tutto mandai a portare a Riccardo per inviarglelo in caso che passase qualche straordinario per Fiandra, senza aspettare l'ordinario di domani, ma per mala sorte, non n'e venuto alcuno di modo che V. S. la ricevera con la presente, et trovera se non m'inganno che basta l'ordine in quella forma per venire con buona gratia.

Mi dispiace ben della conditione di mettere le pitture in luoco serrato senza lasciarle vedere per cio che vorrei che la fama del suo valore provato in questa opera ci donasse soggetto di farla ricercare di volere ritirarsi in Francia, ma sara ben difficile che s'osservi questa prohibitione con tanta esatezza et forzi sara buono che non siano esposte in publico al primo arrivo, accio V. S. possa compatire (caso che fosse a proposito) al diffetto dell’ humore di questa natione in qualche cosetta leggiera, prima che si esponghino ad ogniuno.

Ho ricevuto la sua delli 5. del presente alla quale non m'occorre altra risposta, che intorno l'indispositione della Regina Madre, la quale non [e] maggiore che di dolore di denti et un pochetto di flussione sulla guancia. Ma per le donne poco male fa gran queri [167] monio. Viddi il Sr Archiprete quando fui a Fontainebleau et lo trovai dell' istesso humore di prima, ne mi disse d'essere di partenza altramente.

Del resto habbiamo poca certitudine della venuta della Corte anzi par che si parli di stare a Fontainebleau sino a Pentecoste se i grandi caldi non fanno accelerare un viaggio di St Germano o di Monceaux. Ma in ogni modo quando non venisse il Re a Pariggi, io tengo per certo che la Regina Madre ci vorra fare una scorza et potra vedere li quadri. Con che senz'altro, di cuore bacio a V. S. le mani et alli SSriRoccox et Gevartio adulando la mia passione in maniera ch'io m'imagino ch'egli non vorra lasciarla venire senza suo passaporto. Et alle Srie Vre preggo da Dio ogni piu desiderato bene.

Di Pariggi alli XI. Maggio 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, V, 698.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «12 mai. A M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Cette fois-ci, nous apprenons avec une vive joie l'arrangement pris pour votre arrivée ici. Conformément à ce que je vous ai écrit par le dernier courrier, aussitôt que, jeudi de la semaine passée, Monsieur l'Abbé avait pris connaissance de votre lettre au Cardinal de Richelieu, ce qui eut lieu vers une heure de l'après-midi, je l'ai fait remettre au Cardinal par mon frère qui le trouva un peu de mauvaise humeur et prêt à se mettre au lit bien qu'il fît encore grand jour. Vendredi matin, il ne manqua pas d'y retourner et aussitôt que Son Eminence fut visible, il lui remit votre lettre et celle de Monsieur l'Abbé en y ajoutant oralement ce qui lui parut convenable, conformément aux instructions que je lui avais données et au contenu de votre lettre. Monsieur le Cardinal répondit qu'il ne pouvait se prononcer quant à la date du départ de la Reine-Mère pour Villeroy et de lui-même pour Limours et qu'il fallait attendre leur retour pour s'aboucher. Monsieur de Valavez, mon frère, lui proposa de le suivre à Villeroy, si [168] Son Eminence le trouvait convenable; mais Monsieur le Cardinal l'en dissuada à cause de l'incertitude du jour où une entrevue serait possible. Il proposa ensuite que mon frère lui enverrait un laquais où il le désirerait pour simplifier les conditions de la cérémonie et du moment que l'entrevue avec la Reine pourrait avoir lieu avant son départ pour Limours, dit Son Eminence, il ne manquerait pas d'envoyer la réponse de Sa Majesté. Je regrettai quelque peu de ne pas m'être transporté à Villeroy et mon frère étant revenu ici le samedi, ce qui n'apporta qu'un retard d'une demijournée, j'envoyai le dimanche un laquais auquel on dit que la réponse serait envoyée à Monsieur l'Abbé, qui la trouva en bon ordre mardi matin et vint aussitôt me trouver pour me la montrer. Malheureusement j'étais sorti et me trouvais en visite chez Monsieur de Loménie. Là, Monsieur l'Abbé me rencontra et me montra la lettre du Cardinal. J'en fis aussitôt une copie et en présence de Monsieur l'Abbé, je vous écrivis deux lignes sans sortir de la chambre. Je fis porter le tout à Richard pour l'expédier en Flandre immédiatement, dans le cas où quelque courrier extraordinaire passerait, et sans attendre l'ordinaire de demain. Par un hasard malheureux, il n'est pas parti de poste extraordinaire, de manière que vous recevrez ces missives avec la présente et vous trouverez, si je ne me trompe, qu'il suffit d'un ordre donné dans ces termes pour vous faire venir de bonne grâce.

Je regrette bien qu'on ait mis la condition de mettre les tableaux dans un endroit fermé sans les faire voir, parce que je voudrais que la renommée de votre talent, prouvé par cette oeuvre, vous décidât à songer à vous établir en France. Cependant il sera bien difficile de faire respecter pareille défense avec tant de rigueur et peut-être vaudra-t-il mieux ne pas les exposer en public immédiatement après leur arrivée, afin que vous puissiez dans certains détails, si cela vous convient, faire quelque concession au manque de goût des Français avant de les exposer à la vue de tout le monde.

J'ai reçu votre lettre du 5 courant à laquelle je n'ai rien à répondre, si ce n'est que, quant à l'indisposition de la Reine, il ne s'agit que d'un mal de dents et d'un peu de fluxion sur la joue. Mais pour les dames petit mal cause grande plainte. J'ai rencontré l'archiprêtre à Fontainebleau et le trouvai de même humeur qu'auparavant; il ne me parla pas de son projet de départ.

Du reste, nous avons peu de certitude quant à l'arrivée de la Cour; au contraire, il paraît qu'on parle de rester à Fontainebleau jusqu'à la Pentecôte, si les grandes chaleurs ne font pas hâter le voyage à St Germain ou à Monceaux. Mais en tout cas, si le Roi ne vient pas à Paris, je tiens pour certain que la Reine voudra pousser une pointe jusqu'ici pour voir les tableaux. Sur ce, n'ayant rien d'autre à vous dire, je vous baise [169] les mains ainsi qu'à MM. Rockox et Gevartius, et j'aime à me figurer que ce dernier ne voudra pas vous laisser retourner sans son passeport.

Et je prie Dieu d'accorder aux dames tous les biens qu'elles désirent. De Paris, le 11 mai 1623.

CCCXXVIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre

Se ben io credo chella debba essere partita non dimeno, in caso che per mala sorte cosi non fosse non ho voluto ch’arrivasse costa l'ordinario senza chella vi trovasse una mia letteraccia per condolermi dell’ accidente sopragiontole nel piede ma spero che con i remedii et con il buon regimine V. S. havera recuperato la sanita et havera voluto venir quanto prima assicurandola che la stiamo aspettando in buonissima devotione. Con che rimettendo il tutto al sua venuta facciamo voti per la sua sanita et felice viaggio baciandole mille volte le mani.

Di Parriggi alli 19 Maggio 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, V, 699 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «19 mai. Rubeus.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur,

Bien que je crois que vous serez déjà parti, cependant si, par malheur, il n'en était pas ainsi, je n'ai pas voulu que ce courrier vous arrivât sans vous apporter un mot de ma main pour exprimer mes condoléances au sujet de l'accident qui vous est survenu. J'espère pourtant que, grâce aux remèdes et au bon régime, vous aurez récouvré la santé et aurez voulu venir ici le plus tôt possible, en vous assurant que nous attendons votre arrivée [170] avec la plus vive impatience. En remettant de parler de toutes choses jusqu'à votre venue, nous faisons des voeux pour votre santé et pour votre heureux voyage et vous baisons mille fois les mains.

De Paris, le 19 mai 1623.

CCCXXIX
GEVARTIUS A PEIRESC.

S. P. Nobilissime et amplissime Domine.

Ergo sine litteris meis Appelles ille noster Rubenius ad te venit! Peccatum profecto ingens, sive id procrastinationi et negligentiae meae, sive ipsius Rubenii properantiae imputandum: quippe non nisi sero vespere pridie ejus diei quo primo nunc discessurus erat, de ejus itinere certior factus sum.

Quod vero rarius ad te scribam, nullo id aut meae erga Amplm tuam observantiae vitio, aut tuorum in me officiorum oblivione fieri credas velim: sed (quod revera est) ob forensium negotiorum, quibus nuper immersi sumus, perpetuos fluctus, qui animum meum amoenioribus Musarum curis pasci solitum ab omni studiorum elegantia abduxerunt. Nosti quam capitaliter Musis inimica sit barbara fori rabies.

Nihilominus tamen versiculos meos in Heroinam Darciam jam olim effusos et a te multis (ut ille ait) comitiis efflagitatos, hisce diebus ad incudem revocavi et auxi, quos modo, qualescunque sunt, ad te mitto. Aiunt Physici Alphaeum amnem in Elide ortum, per mare Siculum non permixtis pelago fluctibus in Sicilia incorruptum erumpere. Non ita profecto cum Castalio fonte agi modo experior, qui simulatque civilibus undis permixtus fluit, multum de fece ac sordibus Praxeos ad se trahit.

Deinde eo modo aetas mea est, et is in Repub. gradus quae judicent satis datum esse studiorum amoenitati ac revocanda ea esse ad utilitatem. Valde mihi placuit semper illud Mureti dictum: Malos [] [] [171] versus facere, turpe esse; mediocres inglorium; bonos difftcilius quam ut praestari possit ab iis quibus aliud agendum est.

Atque ita omnino versibus abstinendum concludit cum Horatio, qui de se scribit.

Nunc itaque et versus et caetera ludicra pono.

Cujus sententiae me equidem etiam succinere profiteor, cum facile animadvertam versus meos ad primam illam Mureti speciem referendos esse.

Itaque quicquid gravioribus jurisprudentiae studiis et praxi forensi superest, partim Politicae, partim Historiae dono et subsecivis horis M. Antonini Imp [...] libb. XII adorno, quibus equidem nihil elegantius in tota antiquitate exstare existimo, et mirum est hactenus adeo eos latuisse merasque nugas ab Anton. Gevarra fictas ita mundo imposuisse.

Mox etiam, copiosius otium nactus, Manlivm nostrum jam olim praelo Cramosiano subjectum extrudere decrevi.

Vix credas quot in eo loca restituerim. Et observationem nostram de ejus aetate certissimam esse, pluribus et irrefragabilibus argumentis ex ipsa Manlii Astronomia petitis Godefridus Vendelinus, mathematicus summus, mihi confirmavit.

Porro velut mantissam aliquam ad versus meos adjunxi elegantis-simum carmen Revmi et Nobmi Patris Francisci de Momorency Soc. Jesu, quo Grotio nostro recuperatam libertatem gratulatur. Item, amaenum Rycquii Epigramma in catellam Aleandrinam, ut illa velut redhostimenta sint pro eruditissimis Borbonii versibus quos nuper ad me misisti.

Vale, Nob. Dm. et illustm. Praesidem D. Memmium patronum meum, officiosissime meo nomine saluta. Nonnulla pro manibus habeo quae ubi lucem viderint, una cum litteris ad illum missurus sum. Ipsum enim, ut olim Reges Persarum, [...] adire nefas existimo.

Et hoc Darciae Epinicion indignum judicavi quod illi communicaretur, tametsi ille olim solitus

Nostras esse aliquid putare nugas.

Viros clarissimos D. D. Puteanos fratres, Rigaltium, Grotium, Gothofredum officiose meo nomine salutes velim.

[172] Scribebam praefestinatim, Antv. XXV maij 1623 ipso festo Adscensionis Dominicae.

Nobilis. Amplit. Vae.
devotus

Gevartius.

Inclusse hae ut recte Rubenio curentur, rogo.

Au dos, de la main de Peiresc: Cum versibus Janae Darciae
scrib. lucubrationes in M. Antoninum imp.
in Manlium.


TRADUCTION.
GEVARTIUS A PEIRESC.

Monsieur.

Ainsi notre ami Rubens, notre Apelles, est allé vous trouver sans lettre de moi? J'avoue ma faute, ma très grande faute, qu'elle doive être imputée à mes retards et à ma négligence ou bien à la grande hâte de Rubens; en effet, ce n'est que tard dans la soirée, la veille de son départ, que j'ai su qu'il allait se mettre en route.

Cependant je ne veux pas que vous attribuiez la rareté de mes lettres à un manque d'égards envers vous ou à un oubli des services que vous m'avez rendus; mais (ce qui est la verité) au flot des affaires publiques où continuellement nous sommes plongés et qui prive mon esprit, habitué au doux commerce des Muses, des charmes de l'étude. Vous savez combien la barbare préoccupation des choses publiques est hostile aux Muses.

Néanmoins, ces jours derniers, j'ai remis sur l'enclume mes vers en l'honneur de l'héroïque Jeanne d'Arc que j'ai forgés autrefois et que (comme Rubens me dit) vous avez demandés avec tant d'instances; j'y ai ajouté quelques-uns et maintenant je vous les envoie tels quels. Les savants disent que l'Alphée qui prend sa source dans l'Elide, traverse la mer de Sicile sans se mêler aux eaux de celle-ci et en sort inaltéré dans le territoire de cette île. Je m'aperçois qu'il n'en est pas de même de la fontaine de Castalie qui, dès qu'elle se mêle aux eaux de la politique, se charge des ordures et de la boue de la vie réelle.

Et puis, mon âge et ma position publique sont tels que l'on juge que j'ai assez sacrifié aux plaisirs de l'étude, et que j'ai à songer à me rendre [173] utile. J'ai toujours fort goûté ce mot de Muret: «Faire de mauvais vers est honteux, en faire de médiocres est peu honorable; en faire de bons est trop difficile pour que ceux qui ont autre chose à faire s'y essaient.» Et ainsi il résolut de s'abstenir complètement de faire des vers, à l'exemple d'Horace qui témoigne de lui-même:

«A présent, je laisse là les vers et tous mes autres amusements.»

J'avoue me ranger à la même opinion, car je reconnais sans peine que mes vers rentrent dans la première des catégories énumérées par Muret.

Aussi le peu de temps qui me reste après mes études sérieuses de jurisprudence et la pratique du barreau, je le consacre en partie à l'étude de la politique, en partie à l'histoire et dans les moments qui me restent je commente le livre de Marc-Aurèle que je regarde comme ce que l'antiquité a produit de plus exquis. Je m'étonne qu'il ait échappé jusqu'à présent à l'attention et que les pures sornettes fabriquées par Antoine Guevara aient pu avoir tant de succès.

Bientôt aussi, quand je disposerai de plus de loisir, j'ai résolu de mettre dans le commerce mon Manlius confié jadis aux presses de Cramoisy. Vous croiriez à peine combien de passages j'ai corrigés dans cet auteur. Notre remarque sur l'époque à laquelle il appartient est de la plus grande exactitude, comme le prouvent de nombreux et irréfutables arguments tirés de l'Astronomie même de Manlius, d'après ce que m'assure le grand mathématicien Godefroid Vindelinus.

En outre, j'ajoute à mes vers, en guise de cadeau supplémentaire, une pièce de poésie du trés révérend et très noble père François de Montmorency de la Société de Jésus, dans laquelle il félicite notre ami Grotius sur sa délivrance. Ensuite, une épigramme fort jolie de Rycquius sur la petite chienne d'Aléandre, en retour des vers très savants de Borbonius que vous m'avez envoyés il y a quelque temps.

Portez-vous bien et veuillez saluer très humblement de ma part l'illustre président Memmius, mon patron. Je m'occupe de quelques travaux, que je lui enverrai avec une lettre dès que je les aurai terminés. Comme autrefois les rois de Perse, il est de ceux dont on ne peut approcher les mains vides. J'ai cru que mes vers sur Jeanne d'Arc étaient indignes de lui être offerts quoiqu'il eût l'habitude d'attacher quelque prix à mes babioles.

Veuillez également saluer en mon nom les frères Dupuy, Messieurs Rigault, Grotius et Gothofredus.

Ecrit en toute hâte à Anvers, le 15 mai 1623, le jour de la fête de l'Ascension.Votre tout dévoué

Gevartius.


[174] Je vous prie de remettre à Rubens la lettre ci-jointe.


Au dos de la lettre de la main de Peiresc:
Avec les vers sur Jeanne d'Arc.

Il écrit des commentaires sur Marc Aurèle et sur Manlius.


COMMENTAIRE.

Gevartius. Les écrits de Gevartius mentionnés dans cette lettre sont une pièce de vers en l'honneur de Jeanne d'Arc, dont il a été plus d'une fois question dans la correspondance entre Rubens et Peiresc, les Vindiciae Manlianae et le Commentarius in M. Aurelii Antonini [...] lib. XII. Ces deux derniers ouvrages sont restés inédits. J. B. Steenberg, conseiller à la haute Cour de Malines, s'était chargé de leur publication, mais il en fut empêché par une mort prématurée.

Antoine Guevara publia, sous le titre de Marco-Aurelio con el relox de principes, un livre qui eut un immense succès et fut traduit dans plusieurs langues. Il propose Marc-Aurèle comme modèle aux princes et lui prête des sentences et des lettres de sa propre invention.

Montmorency. François de Montmorency, né à Aire vers 1578, entra dans la Société de Jésus en 1618, mourut en 1640, fit paraître plusieurs recueils de poésies latines.

Memmius (Henri II de Mesmes), président au Parlement. Lorsque Gevartius se rendit à Paris en 1617, il y devint l'hôte et l'ami du président à mortier du Parlement de Paris qui l'attacha à sa personne avec des honoraires de mille florins. La bibliothèque du président était une des plus complètes que l'on pût voir, et sa maison le rendez-vous des érudits de Paris que le jeune savant anversois eut l'occasion d'y rencontrer. Henri de Mesmes, était fils de Jean- Jacques et petit-fils de Henri qui tous deux étaient des amateurs distingués et avaient formé la collection dont le protecteur de Gevartius hérita.

Gothofredus. Théodore Gottfried, historien du roi de France, né à Genève le 17 juillet 1580, venu à Paris en 1602, auteur de plusieurs livres sur l'histoire de France, mourut à Paris, le 5 octobre 1649.


[175] CCCXXX
PEIRESC A ROCKOX.

Monsieur,

J'ai aujourd'huy receu vostre lettre du 11 mai par les mains de M. Rubens, qui est arrivé, depuis hier au soir, en fort bonne santé. La bonne feste d'aujourd'huy l'a empesché de songer à deffaire les balles; demain il les fera transporter chez luy, et quand il les aura ouvertes, nous verrons vos médailles et tascherons de vous en faire descharger, m'asseurant qu'elles ne s'en retourneront point, si tant est que ceux auxquels elles appartiennent y aient mis le prix suivant la raison, car elles pourroient estre taxées en sorte qu'on eut regret de les achepter trop chères.

J'ay trouvé dans vostre lettre une petite médaille que je vous renvoye avec mes très humbles remerciements de la communication et des offres que vous m'en avez daigné faire. Je voudrais bien avoir de quoy me revancher en vostre endroict de tant d'effects de vostre courtoisie et j'en prendray les occasions, si j'en puis rencontrer. Estant ce, je suis de tout mon coeur, Monsieur, etc.

De Paris, ce 25 may 1623.

De Peiresc.


Si M. Gevartius vous vient voir, je vous supplie d'agréer que je le sallue et que je le remercie des recommandations et des témoignages de bienveillance que M. Rubens m'a faictes de sa part.


Publié par Mr Chs Ruelens: Bulletin Rubens, Tome II, p. 121.


COMMENTAIRE.

Rubens était arrivé à Paris et apportait les médailles du cabinet du duc d'Arschot, pour la vente desquelles Rockox servit d'intermédiaire. Rockox lui-même et Rubens en achetèrent chacun une partie. Peiresc s'était chargé de trouver des acquéreurs pour le reste. Il s'adressa, à cet effet, à Jean de Lauson, sieur de Livé, président au Grand Conseil; celui-ci consentit à prendre au prix demandé de six mille livres les médailles apportées par [176] Rubens. Peiresc en reprit pour son compte 28 qu'il paya 100 livres, lesquelles furent déduites de la somme totale à payer par le principal acheteur.

Cette double transaction, l'achat par le président de Lauson et l'acquisition par Peiresc, nous est attestée par les deux documents suivants:

Le premier est l'acte de vente à Lauson:

«Ce jourd'huy vingtquatriesme juin mil six cents vingt trois, monsr Rubens a convenu avec monsr le président de Lauson qu'il laissera en cette ville de Paris touttes les médailles d'or et les grecques tant de cuivre que d'argent, et ensemble les consulaires et quelques médaillons mis avec lesdites médailles grecques grandes, selon les desnombrement et taxe contenue au bordereau qui sera transcrit cy dessoubz; que le tout sera mis dans un coffret bien cloz, fermé et scellé des cachetz tant dudict Président que dudict sr Rubens, Et mis en despos en telles mains que ledict sr Rubens vouldra choisir, pour les garder durant trois mois, durant lesquelz ledict sr Président sera en son choix de prendre toutes lesdites médailles au pris contenu audict bordereau revenant à la somme de six mille livres; Et, en cas qu'il ne les veuille prendre, il luy sera loisible de ne les prandre pas et de les laisser remporter ou vendre ailleurs, comme il semblera bon audict sieur Rubens, le tout soubz le bon plaisir des srs Roccox et Vouerius (Woverius).

«Et en foy de ce Ont faict faire le présent escrit qu'ils ont signé de leur main. (Suit la liste des médailles).

Faict triple: Delauson, Pietro Pauolo Rubens, De Peiresc présant a aussi signé à l'original.»

Le second est une note de la main de Peiresc:

«Dénombrement des pièces demeurées au partage du sr de Peiresc, sur le marché fait entre M. de Lauson et M. Rubens, à tant moings des 6,000 l. du prix total (Suit l'énumération des pièces). Ces vingt-huit pièces, au prix des autres, selon la diversité des taxes apposées aux diverses layettes ou tablettes, reviendraient seulement à soixante-cinq livres, mais led. sr de Peiresc les paiera volontiers cent livres en diminution des 6.000 l. du prix total, en considération du choix, qu'il a faict desd. pièces, Et n'en demeurera pourtant pas moings obligé au sr de Lauson de la gratification. Et ainsi a il arresté avec M. Rubens de lui payer lad. somme de 100 l., lequel en tiendra compte aud. sr de Lauson sur les 6,000 l.»

Au dos de la convention, Peiresc a écrit de sa main. «Traicté des médailles du duc d'Arscot acheptées par M. de Lauson, où je suis intervenu [177] pour certain nombre de médailles au mesme prix que le sr de Lauson taxées à 65 l. Du 24 juin 1623.» (1)


Sous la date du 29 mai 1623, Peiresc note en lettres majuscules dans ses Petits Mémoires: «Arrivée de M. Rubens.»

Comme on l'a vu par la lettre du 25 mai de Peiresc à Rockox, cette arrivée eut lieu, non pas le 29 mai, comme le ferait croire cette note, mais le 24 mai.


CCCXXXI
PEIRESC A ALEANDRE.

Habbiamo qui il SigrRubbenio, che ha portato nove quadri grandi della galeria della Regina madre, che contengono delle principali attioni della vita sua in dissegni nobilissimi fatti all’ antiqua, che si fanno ammirar da ogniuno (2 Juin 1623).


Archives du Palais Barberini, Rome.

Publié par Eugène Müntz dans le Courrier de l'Art, 1881-1882, p. 455.


TRADUCTION.
PEIRESC A ALEANDRE.

Nous avons ici Monsieur Rubens qui vient d'apporter neuf tableaux de la Galerie de la Reine-Mère, contenant les principales actions de sa vie dans des compositions fort nobles conçues dans le goût antique et admirées par tout le monde (2 juin 1623).


[178] CCCXXXII
PEIRESC A GEVAERTS.

Monsieur.

J'eus ce bonheur que MrRubens se trouva chez moy, quand je receus vostre despesche de la semaine passée, où il print de sa main la lettre que vous me recommandiez de luy faire tenir et leut avec un infiny contentement voz excellents vers sur nostre Pucelle d'Orléans, que vous rendrez célèbre à jamais par un si digne ouvrage. Mr Vias y survint incontinent qui eut un grand plaisir à la participation des mesmes vers. Mr du Lis en est si fier qu'il ne s'en peult ressaisier, pour moy j'en ay esté si aise que j'en estois tout transporté de joye de tenir chose qui m'estoit si chère, et par mesme moyen de voir r'affraischir l’honneur que vous me faictes de me tenir pour vostre serviteur, dont j'estois desja en quelque peine. Au surplus, vous avez tort d'user de tant d'excuses en mon endroict pour le retardement de ceste oeuvre et de vos lettres qui ne pouvoient jamais venir que bien à temps. Je vous en remercie par un million de foys et vouldrois bien avoir moyen de vous en rendre la revanche proportionnée à mon obligation.

Je me conjouys avec vous de la louable entreprinse que vous avez faicte pour orner les oeuvres de l'empereur Antonin. Il y a longtemps que cette piece méritoit de passer par de si dignes mains que les vostres. Et suis bien aise aussy que vous ayiez trouvé de nouvelles preuves du temps que vivoit vostre Manlius et que vous n'ayiez pas perdu la volonté de continuer un si beau labeur. J'ay envoyé à Mr Aléandre les vers de Mr Ryquius sur son Aldine, dont je me sents vostre obligé, comme si c'estoit chose qui me touchast, estant ce que je suis à MrAléandre, et veux croire qu'un jour il vous en eschappera encores une douzaine sur le mesme subject pour l'amour d'un si galant homme, et qui vous ayme et honore tant que faict ledit SrAleandro.

M. Grottius est aux champs en une maison de M. le Président de Mesmes; j'attends son retour pour luy bailler les beaux vers du [179] P. Fr. de Monmorancy et vouldrois bien que ses voeux fussent aussy tost accomplis comme l'affaire le mérite.

J'ay fayct vos recommandations à M. du Puy et les feray à Mr de Mesmes et à Messieurs Rigault et Godefroy, ne l'ayant peu faire cette semaine pour un peu d'indisposition, qui m'a faict garder la chambre.

M. Viaz est icy aprez à faire imprimer de beaux panégyriques en vers latins à l'honneur du Roy, je vous les envoyeray aussy tost qu'ils seront achevés, et par la première commodité d'amy, vous envoyeray ce que je pourray ramasser de plus curieux des pièces courantes, entr'autres du beau poème du Sr Jean Sirmond au Roy. Et sur ce, je demeureray à jamais

Monsieur.
Vostre très humble et obligé serviteur

de Peiresc.

De Paris, ce 8 Juin 1623.

Nous ne sçaurions assez hault louer vostre beau poème sur la Pucelle, mais nous vous supplierions bien volontiers d'agréer qu'au quatorzième, le mot de sordent fut changé en taceam ou tel autre qu'il vous plaira, pour oster tout ombrage aux personnes intéressées; et qu'au pénultiesme vers le mot de Caledonios fût répété pour les léopards d’ Angleterre, pour rendre vostre comparaison plus accomplie et plus facile à comprendre à ceux qui sont moings attentifs. Car sans mentir, elle est excellente. Vous m'avez autres foys donné tant de liberté sur vous, que j'en abuse; je vous en demande pardon de bon coeur.

.... sed lilia regni.
ou autrement: Sacra Caledonios conantes vellere pardos Edomuit etc.


Autographe à la bibliothèque royale de Bruxelles. Correspondance de Gevartius, 5989, f° 117.

Les 6 premières lignes ont été publiées par Gachet: Lettres inédites de Rubens, p. 7.


[180] COMMENTAIRE.

Vias (Balthasar de), né à Marseille le 14 septembre 1587, mort dans la même ville en 1667; poète latin célèbre de son temps, amateur d'antiquités et ami de Peiresc.

Du Lis (Charles), né à Paris vers 1560, mort vers 1632; conseiller d'Etat, premier avocat général en la Cour des aides à Paris. Il descendait de Pierre d'Arc, un des frères de Jeanne d'Arc et composa des opuscules historiques relatifs à la Pucelle d'Orléans, imprimés en 1628.

Sirmond (Jean), né à Riom vers 1589, vint à Paris dans sa jeunesse et fut employé par le Cardinal de Richelieu. Il obtint le titre d'historien du Roi et fut admis, en 1634, à l'Académie française. Après la mort du Cardinal de Richelieu, il retourna en Auvergne où il mourut en 1649. Il publia de nombreux ouvrages sur l'histoire de son temps ainsi qu'un volume de poésies héroïques et élégiaques.


CCCXXXIII
PEIRESC A BAGNI.

Illmo et Rmo

Queste due righe sonno solamente per accompagniare il folio qui aggionto et dirle che finalmente la Regina Madre e venuta a posta da Fontainebleau per vedere i quadri del SrRubens di quali ella e restata con tanta sodisfattione che non si puo dir piu, havendolo trattato come il primo huomo del mondo in sua professione et favorito d'ogni maggior benevolenza che si poteva mostrare. Il Sgr Cardle di Richelieu finalmente arrivo hieri sera et hoggi vedendo i quadri non poteva satiarsi di considerargli et amirargli, ogni uno gli da gli dovuti elogii, di che egli ha da restare con qualche sodisfattione et credo che V. S. ancora come suo amico particolare le vorra pigliare la sua participatione et percio non ho voluto mancare di darlene aviso. La Regina se ne torna domani dopo pranzo per andare solamente a mezza strada di Fontainebleau. Questi gran caldi potranno aggiornar [181] la partita di Fontainebleau per andare a Monceaux et forzi a Tours. Altre nove non s'hanno dalla corte et jo per fine le prego dal cielo ogni augmento de bene. Di Pariggi alli 16 Guigno 1623.


Carpentras, Bibliothèque et Museé Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, II, 63.


TRADUCTION.
PEIRESC A BAGNI.

Ces deux lignes sont seulement pour accompagner la feuille ci-jointe et pour vous dire qu'enfin la Reine-Mère est venue en voiture de poste de Fontainebleau pour voir les tableaux de Monsieur Rubens. Elle en a été satisfaite au delà de toute expression, elle l'a qualifié comme le premier homme du monde dans son art, et lui a témoigné une bienveillance à nulle autre pareille. Le Cardinal de Richelieu est arrivé hier soir et en voyant aujourd'hui les tableaux, il ne pouvait se rassasier de les regarder et de les admirer. Tout le monde prodigue les éloges au peintre, ce qui me fait grand plaisir et je crois que vous, l'ami particulier de l'artiste, vous voudrez bien en prendre votre part. C'est pourquoi je n'ai pas voulu manquer de vous transmettre cette nouvelle. La Reine part demain après-dîner, elle n'ira que jusqu'à mi-chemin de Fontainebleau. Ces grandes chaleurs pourront faire ajourner le départ de Fontainebleau pour Monceaux et peut-être pour Tours.

N'ayant pas d'autres nouvelles de la Cour, je finis en vous baisant les mains et en priant le Ciel de vous accorder toutes sortes de biens.Paris, le 16 juin 1623.

[182] CCCXXXIV
PEIRESC A ALEANDRE.

Il SrRubens ha havuto grandissima sodisfattione della Regina Madre per le sue pitture. Et stà di già molto innanzi per l'editione delli camei più celebri dell' Europa, molti de' quali sonno già intagliati, et s'intagliano appunto que' duoi, de' quali io le parlai altre volte, del' Apotheose d'Augusto (23 juin 1623).


Archives du palais Barberini à Rome.

Publié par Eugène Müntz dans le Courrier de l'Art, 1881-1882, p. 455.


TRADUCTION.
PEIRESC A ALEANDRE.

Monsieur Rubens a obtenu un grand succès auprès de la Reine-Mère par ses tableaux. Il avance bien dans la publication des plus célèbres camées de l'Europe; beaucoup de ceux-ci sont déjà gravés et en ce moment on grave les deux dont je vous ai entretenu l'autre jour, ceux de l'Apothéose d'Auguste (23 juin 1623).


COMMENTAIRE.

Gravure des Camées. Dans notre commentaire sur la lettre du 26 novembre 1621, nous avons parlé de l'ouvrage que Rubens avait formé le projet de publier sur les plus célèbres camées de l'Europe et des planches qui ont été gravées pour y figurer. D'après la présente lettre, Rubens en avait déjà fait graver un certain nombre à la date du 23 juin 1623. Lors de son séjour à Paris dans le courant de cette année, il fit la copie du camée de la Sainte Chapelle pour servir de modèle au graveur de cette célèbre pièce. Rubens et son ami Peiresc s'occupèrent longtemps de ce projet. Au dos d'une lettre adressée à Rubens et datée du 3 juillet 1625, Peiresc annote «M. Roccox entre au traicté du cavalier del Pozzo.» Donc deux autres amateurs des choses de l'antiquité se joignirent aux deux amis pour publier l'ouvrage. De ces deux collaborateurs, le chevalier Cassien del Pozzo était [183] certainement un des curieux dont l'intervention pouvait être la plus efficace. Il habitait Rome et avait formé un cabinet d'antiquités extrêmement remarquable, comprenant entre autres, des médailles, des monnaies, des camées, des statues antiques; il en avait fait faire les dessins qui remplissaient 23 volumes in-folio. Les associés pour la reproduction des camées auraient trouvé dans cette collection une mine inépuisable. Mais pour des causes qui nous sont restées inconnues, le plan fut abandonné et les quelques camées que Rubens fit graver furent seuls imprimés. Dans la lettre suivante, on verra que Peiresc lui aussi avait pris des mesures sérieuses pour contribuer à l'oeuvre commune et s'était entendu avec Jacques de Bie pour faire graver par celui-ci les pièces remarquables de sa collection. Le fait que de Bie ne donna pas suite à cet accord fut probablement une des causes principales de l'abandon du projet.


CCCXXXV
PEIRESC A JAC. COOLS.

A Jacomo Colio Londini.
Mr.

J'ay receu vostre lettre du 23 Avril par Mr de la Planche et ay esté infiniment aise d'avoir de vos nouvelles faisant lestât que j'ay toujours faict de vostre vertu et de vostre mérite. Il y a quelque temps que le Sr Maurin Simpliciste m'avoit faict de vos recommandations dont je vous dois beaucoup de remercîment me recognoissant vostre obligé de longue main spécialement de l'honneur que vous me faictes de vous souvenir de moy. Les grandes affaires que j'ay eues sur les bras à desmêler avec le maréchal de Créquy lequel nous vouloit faire envahir la baronie de Rians m'ont empesché de pouvoir faire imprimer des livres de médailles. Le SrJacques de Bie m'avoit promis de venir en Provence pour les dessigner et tailler, mais il ne m'a pas tenu parolle et s'est laissé embarasser en de fâcheuses affaires dont il aura de la peine de se retirer. Vous verrez bientost en lumière deux grandes camayeulx antiques d'agathe orientale où sont représentées [184] des apothéoses de l'Empereur Auguste, l'un grand quasi comme la moitié de cette feuille et l'autre en toute la feuille ouverte où il y a 24 figures en l'une et 19 en l'autre. Ce sont les plus belles pièces que j'ai jamais vues de tout ce qui est resté de l'antiquité. MrRubens a prins la peine pour l'amour de moy de les desseigner de sa main et les faict graver chez luy, je donneray ordre que vous en ayez des premières et seray bien aise de vous rendre du service en chose plus digne de vous quand vous vous voudrez servir de moy. Je fais estat de m'en aller faire bientost un voyage en Provence où je voudrais bien avoir plus de moyen de vous servir. Si cependant vous me vouliez rien commander vous pourriez addresser vos lettres en cette ville chez Mr Brion marchant libraire à l'image St Claude rue St Jacques et seray à jamais

M. V.Paris ce 27 Juin 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et Copies des lettres de Peiresc, III, f°. 101.


CCCXXXVI
PEIRESC A RUBENS.
(Mémoire)
MÉMOIRE A M. RUBENS 1623.

Monsieur Rubens se souviendra s'il luy plaist en passant par Brusselles de revoir l’Instrument de Drubels qui monstre le flux et reflux de la Mer, et d'en prendre les dimentions les plus exactes qu'il pourra, et spécialemt du pertuis par où l'on y verse l'eau, et de la quantité qui est occupée tant par l'eau que par l'air, et s'enquerra du Gardien s'il fault souvent changer d'eau ou non, ou bien s'il en fault substituer quelque peu et en quel lieu il fault tenir l'Instrument, [185] si c'est en lieu sec ou humide, et si cette différance de situation n'y nuict pas.

Si la grande suitte des médailles de Cuivre du feu duc d'Arscot se met en vente soit en france, ou ez païs bas, et qu'il soit loisible d'en distraire une médaille de Septimius Severus, qui a un Serapis au revers tout debout portant d'une main le mont Argée, ce me seroit une infinie obligation et à Mr Rubens et à MrRoccox ou aultre qui y pourrait estre interressé s'il leur plaisoit de m'en accommoder au prix qu'ils jugeront raisonnable soit que ce soit jusques à six escus, ou jusques à dix escus si besoing est. Je l'ay veüe au Sr Coberger qui m'avoit une fois promis de m'en accommoder mais puis cela fut rompu. Elle me sert à un petit discours d'anticaille faict de longue main sur cette montagne, avec plusieurs médailles et graveures que j'ay mises ensemble servants à la mesme matière.

Mr Rubens pourra faire un peu de recherche chez ses amis pour recouvrer Un grand Auguste et un grand Tibère en médailles de cuyvre bien conservées, ensemble s'il pouvoit avoir quelqu'une des ces femmes Augustes rares comme la Domitilla, Julia Titi, Domitia, Plotina, Matidia et Marciana, pour les employer au Sistre, Miroir etc. qu'il sçait. Mais il fault se haster pour ce regard pour voir de faire quelque chose tandis que je suis à Paris.

Quand Mr Rubens fera graver en taille doulce quelqu'une de ses belles pierreries il obligera son serviteur de luy en envoyer quelque espreuve, sur l'assurance qu'on luy donne qu'elles ne seront point divulguées, ne pas seulement veües et les empreintes seront encore plus cher de beaucoup quand elles se pourront recouvrer.

On voudrait sçavoir si Mr Broumans est encore en vie, s'il est encor curieux ou non, et spécialement des poids antiques qu'il avoit recueillis.

Il faudra salifier Mr Roccox, Mr Gevartius de la part de leur très humble serviteur, et les advertir que j'escrivis à Mr Roccox incontinant aprez vostre arrivée et luy renvoyay une médaille qu'il avoit mise dans sa lettre et rescrivis à Mr Gevartius quinze jours aprez tant seulement.

J'aurois besoing de L’Auctarium de Golzius pour la Grecia qu'on a imprimé depuis quelque année, sans me charger des aultres volumes [186] jà cy devant imprimez. Je pense que les marchants qui l'ont fait imprimer ne feront pas difficulté d'en séparer quelque exemplaire car du commencement ils en avoient vendus plusieurs séparez, avant que j'en fusse adverty, car je m'en serois pourveu, je rendray l'argent qu'il coustera, et en adressant le livre icy chez Mr le président de Lauson près des enfants rouges on me le rendra seurement au cas que je ne fusse icy quand il viendra.

On voudroit bien sçavoir au vray en quoi consistent les livres de Golzius faicts à la main que le Srde Bie avoit acheptez, quels volumes il y a, s'il y a rien de complet, et quelle espérance il y a qu'on les puisse jamais voir au jour, Mr Coberger estoit saisy d'un volume de touttes les Impériales généralement tant grecques que latines on pourroit sçavoir de lui à Brusselles s'il la encores. Il faudrait sçavoir aussy dudict Sr Coberger s'il a encores le livre qu'il avoit dessigné de sa main de médailles de tout son cabinet ou non.

On désirerait avoir une coppie du premier devis que M. Rubens fit en Italien des peintures de la galerie de la Royne pour la garder par curiosité, sans la communicquer, et quand la Galerie sera achevée on sera bien aise d'avoir coppie du dernier devis des dictes peinctures tel qu'il a esté arresté.


(A la suite de ce mémoire Peiresc a écrit: «Promesse de son portrait.»)


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Manuscrits de Peiresc, LIII, f° 450.


COMMENTAIRE.

Ce mémoire a été remis par Peiresc à Rubens au moment où celui-ci quitta Paris.

L'instrument de Drebbels. Il s'agit de l'instrument du perpetuum mobile dont il sera encore question plus tard (Voir la lettre du 10 janvier 1625).

Corneille Drebbel naquit à Alkmaar en 1572. Dans sa jeunesse, il apprit la gravure dans l'atelier de Hubert Goltzius et nous possédons quelques estampes gravées par lui. Sa principale étude était la physique et son nom se rattache à quelques inventions ou améliorations d'instruments de grande importance. En 1604, il se rendit à la Cour de Jacques I. Il habita Londres jusqu'à sa mort qui arriva en 1634. Rubens l'y rencontra en 1629. Deux fois, il quitta cette ville pour se rendre à Prague où il séjourna une première [187] fois sous le règne de Rudolphe II et une seconde fois lorsque la ville fut prise par Fréderic, l'électeur palatin. Il s'occupa beaucoup de la construction de la machine dont il est question ici et qui paraît avoir été un appareil dans lequel par l'action atmosphérique certains liquides montaient et descendaient alternativement. Il construisit un bateau qui pouvait traverser sous l'eau une distance de plusieurs lieues et dans l'intérieur duquel on respirait sans difficulté et lisait sans lumière artificielle. Il a inventé ou amélioré le microscope et le thermomètre et s'occupait de nombre d'inventions ingénieuses ou fantastiques, un instrument de musique, une matière réfrigérante, une couveuse artificielle, une horloge qui marchait durant cinquante ou cent ans et bien d'autres machines encore sur la nature et l'efficacité desquelles nous ne sommes pas suffisamment renseignés.

Broumans. Brooman, un fils de Louis Brooman, le musicien, né à Bruxelles en 1527, mort en 1597, qui eut deux fils, Jacques et Charles, sur lesquels les renseignements manquent. Les Brooman appartenaient à une des sept familles patriciennes de Bruxelles. Un des membres de cette famille, Louis, fils de Charles, né vers 1591 et décédé en 1667, se fit connaître comme poète latin et traduisit en flamand les Héroïdes d'Ovide. C'est de Charles Brooman qu'il est question ici. Dans les Mémoires à mon frère de Vallavez, une série de recommandations et de messages données en 1608 à son frère qui se rendait dans les Pays-Bas et en Angleterre, Peiresc le charge d'aller saluer de sa part à Bruxelles «le Sr Carollus Broumans, officier de la maison de ville en Gripstraete (Rue de la Fourche).» Tamizey de Larroque, Lettres de Peiresc, VI, 687, 692.

Auctarium de Goltzius etc. L'édition primitive des OEuvres d'Hubert Goltzius (1557-1579) comprenait: 1° Fasti Magistratuum, 2° Sicilia et Magna Graecia, 3° Julius-Caesar, 4° Caesar Augustus, 5° Vivae omnium fere imperatorum imagines, 6° Thesaurus rei antiquariae. L'édition de Jacques de Bie (1617-1620) comprenait, sous des titres plus ou moins modifiés: 1° Fasti Magistratuum, auquel est ajouté le Thesaurus rei antiquariae, 2° Sicilia et Magna Graecia, 3° C. Julii Caesaris, Augusti et Tiberii nomismata. Ce dernier volume est formé de la fusion du Julius Caesar et du Caesar Augustus de l'édition primitive dont les planches ont été complétées et placées dans un ordre différent et auxquelles ont été ajoutées les gravures des médailles de Tibère. Le texte en a été écrit à nouveau par Ludovicus Nonnius. Cette nouvelle édition ne comprend pas les Imperatorum imagines dont les planches s'étaient perdues, mais elle s'était augmentée d'un volume nouveau Graeciae Universae et Insularum nomismata veterum, dont Jacques de Bie avait retrouvé le manuscrit et qu'il publia pour la première fois.

[188] L'avis au lecteur placé en tête du volume par Nonnius, qui écrivit également le commentaire de ce livre, en fait foi; il commence par ces mots: «Ecce tandem Huberti Goltzii Nomismata, quae Graeciam, ejusque insulas, et Asiam minorem tangunt, e tenebris situque eruta. Latuissent forte adhuc, nisi studio curaque Jacobi Biaei, ex Orci quasi cancellis protracta fuissent: quamprimum in manus meas venerunt, statui illa Commentario illustrare, et a fugitiva oblivione, ingeniorum altricem Graeciam, quoquo modo vindicare.»

C'était là assurément un des manuscrits de Goltzius acquis par Jacques de Bie dont parle Peiresc. Probablement il y en avait encore d'autres. Le Musée Plantin-Moretus possède quatre volumes manuscrits de Hubert Goltzius qui pourraient bien avoir passé par les mains de Jacques de Bie. Ce sont 2 volumes de texte: Historiae Urbium et pobulorum insulae Graeciae, un volume de dessins à la plume: Antigua aliqua monumenta ut hodierno die Romae in diversis locis spectantur ad vivum delineata per Hubertum Golsium herbipolitum, et une traduction française des Imperatorum romanorum numismata aurea publiés, en 1615, par Gérard Wolschaeten et Henri Aertsens avec les gravures de Jacques de Bie.

Par l' «Auctarium de Goltzius pour la Graecia» Peiresc entend le volume «Graeciae Universae» etc. publié pour la première fois par Jacques de Bie avec les gravures de Hubert Goltzius qu'il avait trouvées en même temps que le manuscrit. Peiresc possédait les volumes de l'édition primitive et voulait compléter son exemplaire par le volume posthume nouvellement paru; il exprimait en même temps l'opinion que les libraires lui vendraient séparément ce volume.

Le livre des médailles du cabinet de Cobergher dessinées par lui-même, est mentionné dans une note communiquée en 1600 à l'archiduc Albert sur Wenceslas Cobergher et conservée aux archives du Royaume à Bruxelles (Correspondance historique, t. III, collection des Papiers d'Etat et de l'audience). Elle est de la teneur suivante:

«Wencislaus van Obbergen, ordinairement appelé à Rome: il signor Vincenzo, est natif de la ville d'Anvers, ayant servi aultresfoiz à ung paintre fameux nommé de Vos, est eaigé d'environ quarante ans, de bonne représentation, courtois, et lequel se fait bien vouloir de sa nation et des estrangiers. Il est marié pour la seconde fois depuis nagaires avecq une jeusne fille eaigée d'environ quinze à seize ans, natifve de Bruxelles, ayant le père d'elle demeuré à Paris et Rome quatorze ou quinze ans, se tenant encoires présentement audict Rome. Il parle italien, français et flameng, et encor qu'il ne parle latin ny grecq, si est-ce toutesfoiz qu'il se sçait si bien [189] ayder desdictes langues s'en sert en son estude de médailles et antiquitez, de telle manière qu'il peult estre réputé entre les médiocres versez, auquel estude desdictes médailles il surpasse la plus grande partie de ceulx qui sont à Naples ou à Rome, et les at collecté avecq tel soing qu'il n'y at espargné nul argent. Il a réduit les effigies en ung volume beaucoup plus grand que celui de Golzius, mettant l'ung et l'autre costet desdictes médailles, toutes tirées à la plume de sa main propre, avec l'interprétation des inscriptions et figures en langue italienne, le tout en bon ordre, soit qu'on regarde le livre par luy composé et réduit ou aussi les médailles qu'il at disposées en son comptoir par layettes, et at ung bon jugement de cognoistre les adultérines ou faulses.

«En la paincture, qu'est sa principale profession, il est très excellent, et est tenu pour ung des premiers de l'Italie, ayant de ses tableaux abelly les principales églises de Naples et Rome, et y at peu de maistres qui le surpassent; et pour les inventions il est fort habile et heureulx; la main est courante, facille et doulce.

«En l'architecture il s'est employé plusieurs années soubz la conduyte des principaulx et plus renommez de Naples, et a fait tel progrès qu'à Rome et à Naples il a esté employé aux principaulx bastimens tant des maisons ou palais que des chasteaulx ou forteresses, et est fort excellent maistre à conduyre les fontaines ou rivières. Il est de fort bonne conversation, comme dit est, et l'ont en singulière affection le signor Jacomo Boncompaigne, duc de Sora, les cardinaux Cinthio et Aldobrandino, aussi le ducq de Sessa, et mesme est visité d'eulx et de tous aultres de la ville de Rome, faisans profession d'antiquitez, painctures ou architectures, (1)»

Nous trouvons encore une mention du livre de dessins de Cobergher dans une lettre de Jacques Cools datée du 18 octobre 1597, où on lit que Cobergher est venu de Naples habiter Rome et qu'il promet de publier un livre de médailles à l'instar de ceux de Goltzius. (2)


[190] CCCXXXVII
PEIRESC A BAGNI.

Sendo hieri per le strade incamminandomi dal SgrRubenio ch'aveva da partire incontrai quello che mi portava la lettera de V. S. Ilmo delli 24 stante et subito mandai a pigliare nell' Universita il Libro di Capitulari di Carlo Calvo con ordine che milo portasse da S. Rubens, verzo il quale io continuai la mi a andata et lo trovai sul momento di montar a cavallo havendolo trattenuto un pocchetto fin che arrivasse il libro ma sendosi trovato troppo grosso per metterlo in saccoccia et la valiggia caricata sopra il cavallo non fu possibile di farlo portare, lo mandero con occasione dell' andata del servitore di detto Sr Rubens.

30 Giungno 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et Copies des lettres de Peiresc, II, 63 v°.


TRADUCTION.
PEIRESC A BAGNI.

Chemin faisant hier, en me rendant chez Rubens qui allait partir, je rencontrai le messager qui m'apportait votre lettre du 24 courant. J'ai envoyé immédiatement quelqu'un à l'Université pour prendre le livre des Capitulaires de Charles le Chauve et pour me l'apporter chez Monsieur Rubens vers lequel je continuai ma route et que je trouvai au moment de monter à cheval. L'ayant entretenu quelques instants, le livre arriva; mais il se trouva être trop gros pour être mis dans sa sacoche et la valise étant chargée sur le cheval, il lui fut impossible de l'emporter. Je vous l'enverrai par le serviteur de Mr Rubens quand celui-là retournera.

30 juin 1623.

[191] CCCXXXVIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto ille.

Se ho da scrivere a V. S. durante quel poco tempo che mi resta di soggiornare a Pariggi bisogna cominciare a buon hora et accio questo ordinario non arrivi costi senza lettere nostre le fo queste due righe per dirle ch'abbiamo preggato il Dio per il suo felice viaggio et che non hanno mancato hoggi doppo pranzo li SSi Altino et Tristano di venir dal Sr Brosse a vedere le medaglie restanti, et che non lor mancava voglia di comprare al meno la seria grande di rame, se il prezzo non fosse stato tanto alto, havendone offerito 20 sl del pezzo, et mostrato che sarebbono arrivati a 30 sol. ma di pagarle ad un scudo l'una non pareva loro a proposito sendocine un si gran numero che arriva a 58 fra le quali molte sono di rovveschio molto commune et di poco pretio, et forzi che a 20 ss. l'una pigliarebbero bono ogni cosa, il che arriverebbe a 270 ₶, ch’e un terzo manco della tassa del S. Roccox. Ma io non (1)

Il Sr Chaduco m'e venuto ad invitare ch'io voglia andare a rivedere le suoi falli, dicendo haverne parecchi novi curiosi, che non si passarono per le mani quando ci fossimo; io gli promisi d’andare Domenica, doppo pranzo et all' hora tentaro d'haver un impronto, o pigliar l'inscrittione giusta, al meno di que' tagli di Massalina, che di comprargli non ç'occorre pensare sendomi venuto a dire Ricciardo, che gli haveva proposto di vendere tutti que' fascini insieme che sono al numero di 180 pezzi ma che lui s’era lasciato trasportare tanto di domandarne due mila schudi, mostrando di stimargli la meta del prezzo di tutto il resto del suo studio. Bisognara lasciargli passare [192] quella passia et godere la stampa del suo libro, se pure egli si lasciara persuadere di publicarlo.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies de lettres de Peiresc. V, 699 v° et 700.


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Si je veux vous écrire pendant le peu de temps que je passerai encore à Paris, je dois commencer de bonne heure et pour que ce courrier ne vous arrive point sans lettre de moi, je vous fais ces deux lignes pour vous dire que nous avons prié le Seigneur de vous accorder un heureux voyage et que MM. Aultin et Tristan n'ont pas manqué cet après-midi de venir de la part de M. Brosse, pour voir les médailles restantes. Le désir d'acheter au moins la série en bronze de grand module ne leur manquait pas, mais le prix leur parut trop élevé. Ils ont offert 20 sous la pièce et ont fait voir qu'ils seraient bien allés jusqu'à 30 sous, mais ils paraissaient peu disposés de payer un écu pièce, vu que le nombre était si considérable. En effet, il y en avait 58, parmi lesquelles il y en a beaucoup d'un revers très commun et de peu de prix. Peut-être qu'à 20 sous la pièce ils prendraient le tout, ce qui monterait à 270 livres, un tiers de moins que l'évaluation de M. Rockox. Mais je ne......

Monsieur Chaduc est venu m'inviter pour aller voir ses phallus, parmi lesquels il y en a plusieurs de nouveaux et curieux qui n'ont pas passé par les mains pendant que nous sommes ici. Je lui ai promis d'aller le voir dimanche après-midi et je tâcherai d'en prendre une empreinte ou de copier exactement l'inscription, au moins de ces intailles de Messaline. Quant à les acheter, il ne faut pas y songer, Richard étant venu me dire que Chaduc se proposait de vendre en bloc ces sujets obscènes qui sont au nombre de 180 pièces, mais qu'il se permettait d'en demander deux mille écus et les estimait à la moitié de la valeur de toute sa collection. Il faudra laisser se calmer cette prétention extravagante et se réjouir de l'impression de son livre si tant est qu'il se laisse persuader à le publier.


[193] COMMENTAIRE.

Altino (Aultin, Autin, Haultin, Jean-Baptiste) Conseiller au Châtelet à Paris, né vers 1580, mort en 1640, était un amateur très entendu en livres et en médailles. Il fut chargé en 1622, avec Rigault et Saumaise, de faire le catalogue de la Bibliothèque du roi. Il a laissé plusieurs recueils de numismatique.

Tristan (Jean Tristan de Saint-Amant) 1595-1656. Gentilhomme de la Chambre, savant numismate et auteur des Commentaires Historiques (Paris, 1644) contenant des planches de médailles et de camées.

Chaduc (Louis), 1564-1638. Conseiller au présidial à Riom. Il avait réuni une nombreuse collection de médailles qu'il avait fait graver et voulait expliquer. La première partie seule de cet ouvrage a été exécutée. Suivant Mariette, la majeure partie de cette collection a passé au Cabinet national de France des Médailles, ce qui a été contesté par le conservateur de ce dépôt, M. Chabouillet. Peiresc écrivant à Aléandre, le 2 novembre 1623, dit: «Nous avons dans ce pays un certain Chaduc de Clermont en Auvergne, qui a réuni deux cents amulettes en carniole, agathe et autres pierres précieuses avec les inscriptions les plus rares et les plus étranges qu'on puisse s'imaginer. On y voit représentées toutes les extravagences amoureuses de l'antiquité grecque et romaine et si ce n'était l'obscénité des sujets on ne saurait voir choses plus curieuses en fait d'antiquités. (1)»


[194] CCCXXXIX
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre

Queste due righe sono per accompagniare il suo Massimiliano a cui ho consignato il libro del Sr de Lausone et la coppia del Varchi, egli non faceva conto di partire di 3. o 4. giorni ma presentandosi la commodita del carro egli non la voluto lasciar perdere, et io credo ch'egli habbia fatto molto bene, per non lasciarla aspettar ella sua venuta con impatienza. Egli pensava partir hoggi con tanta fretta chio non haveva potuto promettergli d'andare a vedere acconciar le sue robbe. Ma io le viddi il giorno che V. S. partij, et gli mostrai dove havevano da collocarsi quando vorrebbe partire. Egli mi ha portato hoggi cinque fogli de' rami di V. S., cioe un St Michaele, un S. Lorenzo, il Viaggio d'Egitto et l'Epiphania in due carte di che ho di renderle sempre nuove gratie con dispiacere di vedermi sempre soprafatto da sua cortesia in maniera che non m'e possibile di renderle la pariglia. A che ho da aggiongere l’opera di detto Massimiliano piu di 3. o 4. giorni quasi intieri per dissegriarmi certe sepulture vecchie, nelle quali egli a riuscito molto bene a mio gusto et con tanta modestia et patienza, che non si potrebbe di piu. Mi dispiace che l'indispositione del Sr Cointo che haveva da vedere le medaglie restate da vendere habbia impedito di trattarne seco, ma non si poteva far altro. Il Vivoto si loda molto di V. S., et dice che il Vignone et il Voetto l'admirano ella et le sue opere ogni di piu. Et con tal fine le bacio le mani di cuore.

Di Pariggi, alli di 10 Luglio 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, V, 700.

Non inscrite dans les Petits Mémoires de Peiresc.


[195] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur,

Ces deux lignes vous seront apportées par votre Maximilien à qui j'ai confié le livre de Monsieur de Lauson et la copie de Varchi. Il ne comptait partir que dans trois ou quatre jours, mais comme l'occasion se présentait d'une voiture qui partait, il n'a pas voulu la perdre et je crois qu'il a fort bien fait pour ne pas se faire attendre par vous avec impatience. Il voulait partir aujourd'hui avec tant de hâte que je n'avais pu lui promettre d'aller voir si ses bagages étaient en ordre. Mais je les ai vues le jour où vous êtes parti et je lui ai montré où il devait les placer quand il voudrait partir. Il m'a apporté aujourd'hui cinq feuilles de gravures sur cuivre d'après vos tableaux, à savoir un Saint Michel, un Saint Laurent, la Fuite en Egypte et l'Adoration des Rois en deux feuilles. Je vous en dois encore de nouveaux remercîments et je n'ai qu'un regret c'est d'être toujours dépassé par vous en amabilité, de manière qu'il ne m'est pas possible de vous rendre la pareille. J'ai à ajouter à mes obligations envers vous les trois ou quatre journées presqu'entières que le même Maximilien a employées à dessiner pour moi certains tombeaux antiques, travail dans lequel il a fort bien réussi et tout à fait à mon goût et qu'il a exécuté avec une modestie et une patience extrêmes. Je regrette que l'indisposition de Monsieur Cointe qui devait venir voir les médailles encore à vendre l'a empêché de s'en occuper, mais à cela il n'y avait rien à faire. Le Vivot se loue beaucoup de vous et dit que Vignon et Vouet vous admirent vous et vos oeuvres tous les jours de plus en plus.

Sur ce, je vous baise les mains de tout coeur.De Paris, le 10 juillet 1623.

COMMENTAIRE.

Maximilien. Un élève de Rubens qui l'avait apparemment aidé dans le placement des premiers tableaux de la galerie de Marie de Médicis. Le fait qu'il était artiste est prouvé par la suite de la lettre dans laquelle Peiresc constate qu'il a dessiné des tombeaux antiques. Nous ne le connaissons que par cette seule mention et son nom de famille nous est inconnu.

[196] Cinq feuilles de gravures: Un Saint Michel. C'est la gravure appelée La Chute de Lucifer dans les lettres du 23 janvier 1619 et du 19 juin 1622; Un Saint Laurent, gravé par Vorsterman sous la date de 1621 (OEuvre de Rubens 468); La Fuite en Egypte ou plus exactement Le Retour d'Egypte, gravé par Vorsterman en 1620, mentionné dans la lettre du 19 juin 1622; L'Adoration des rois en deux feuilles, la gravure du tableau du Musée de Lyon faite par Luc Vorsterman en 1621 (OEuvre de Rubens, 173).

Cointe. Antiquaire inconnu, probablement Le Cointe. Un savant de ce nom, appartenant peut-être à la même famille, fut antiquaire du roi de 1664 à 1689.

Vignon (Claude). Né à Tours en 1593, mort à Paris, le 10 mai 1670. Il était peintre du roi et comptait parmi les amis et correspondants de Peiresc.

Vouet (Simon). Un des plus fameux peintres de l'école française. Il naquit le 9 janvier 1590 etfut enterré le 1er juillet 1649. Simon Vouet a résidé en Italie de 1612 à 1627; il n'avait donc pas vu les ouvrages de Rubens qui se trouvaient en France, à moins qu'il n'ait, à cette époque, fait un voyage dans sa patrie. Il se peut encore qu'il s'agisse ici de son père Laurent, peintre ordinaire de l'écurie du roi qui mourut en 1638.


CCCXL
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre

Infinite gratie ho da rendere a V. S. di tanto excesso d'amorevolezza verso di me et di tanta sollicitudine chella ha voluto pigliare per salutare que' miei SSi amici et padroni singolari, et fendermi li lor recommendationi, specialmente del SSiRoccox et Gevartio, alli quali io resto obligmo. L'officio che V. S. m'ha fatto apprezzo il suo compadre guardiano dallo stromento di moto perpetuo, la speranza che V. S. mi da non solamente d'un dissegno essatto ma del strumento istesso mi preme sommamente.

La relatione dello stato del Sgrde Bie me stata carissima et [197] vorrei ben che gli si risolvesse a fare metter ogni cosa in luce si come quella delli SSri Coberger et Broumans.

Nel dissegno dello specchio non ho gran speranza percio che il padrone non volse solamente arrivare sin dal Sre Brosse per vedere le medaglie che si restavano havendo pigliato un poco a male, che si ne sia dato via qualche cossetta il che non so come egli habbia penetrato, non havendolo io rivolato, se non alli SSri Altino et Tristano con patto di secretessa per tentare ogni via possibile.

Il Sre Chaduco mi ha negato l'impronto d'un intaglio solo di tutti que' ducento, io lo credeva ben rustico ma non tanto sciocco. Io spero di haverne ben presto una vendetta nobilissa, sperando di haver in mano una corniola nella quale sono scolpiti duoi fascini che combattono, l'un sopra l'altro, legendosi nel superiore Nicomed, et nel inferiore C. IVL. CAE di che io voglio prevalere per dargli un martello d'importanza, et veramente egli non ha cosa piu bella di questa et mi si da qualche pocho di speranza d'un altro intaglio, dove un fascino volante porta una lumaga, con l'inscrittione HEL. appresso la lumaga, et PAR apresso il F. Io le farei disperare se potesse fermarmi quà.

La gentildonna rapita era vedova di un consigliere del parlamento chiamato Brisard, il rapitore e un cavaliere di Malta chiamato La Ramée et sono fermati in Liége. Par che lei e figlia d'un mercante, ma ricca.

Intorno alle medaglie se V. S. ha ben comprese le mie parole cosi in scritto come di voce V. S. et il Sr Roccox haveranno potuto chiarirsi che l'intentione mia no fu mai di far smembrar il Sarapide d'Alessandro Severe, se non in caso che si dasse via questa prima serie o intiera o per particelle. Si come ne amo le medaglie ch'io misi da parte et le quali mi restono in mano conforme all' ordine che S. V. m'haveva dato quie se non in caso che succedesse l'essecutione del trattato del Sr di Lausone et non altramente, che non sarebbe raggionevole di far quel torto allo studio, et se ben l'occasione del mio viaggio di Provenza mi fece proporre di metterle fuori della cassa del Sr di Lausone; non fu mai il mio intento di impadronirmene se non con il compimento di quella conditione. Ma la gran fretta di V. S. ci tolse ogni modo di attendere come conveniva. Io [198] mettero dunque ogni cosa in un scatolino sigillato et la lasciero in mano del Sre de Seve, mercante celebre, con ordine di servarla sin tanto che doppo li tre mesi passati il Sr di Lausone pagando la sua parte et io la mia, lo scatolino mi si possa mandare in Provenza, o che non facendo il Sre di Lausone detto pagamento lo scatolino s'habbia da consignare qui al Sr Ferrarino a nome di V. S. o a tal altro que V. S. commandera di che la preggo di risolvermi con la sua prima risposta, che non credo di potere fare qui maggior soggiorno che sino alla ricevuta della sua risposta alla presente, la malattia andando crescendo et scacciandomi fuora di questa citta, dove non credo che restino molte persone di conditione. Io le ringratio le SS. VV. della cortese offerta, ma io fo conto di pagare dette medaglie in ogni modo quando m'habbino da cascare in mano et che si sminisca a proportione il pretio convenuto con il Sr de Lausone.

Per conto delle altre medaglie senza l'indispositione del Sr Cointo io sperava ch'egli fosse per pigliarle tutte, ma non se potuto fare altro et io non so che farei con la malattia crescente, la quale e di grandmo impedimento a questi trattati et spese in cose inutili, et le quali sono di custodia assai difficile in tali congiuntura di malo publico. Senza il quale io son securissimo, che si sarebbe dato spacio ad ogni cosa per certo ma con questo impedimento non posso sperare altro che l'esecutione del trattato del Sr de Lausone, il quale non mancara di parola facilmente. Et con questo per fine le bacio di core le mani et alli SSriRoccox et Gevartio, pregando Iddio de conservarle bene. Di Pariggi, alli 14 Luglio 1623.

Non ho potuto ancora vedere il Sr Abbate, ma compliro seco quanto prima.

Poscritta. Ho pensato che sarebbe meglio che lo scatolino delle medaglie ch'io ho messe da parte, corra il medesimo rischio del resto del cabinetto per vietare che se la contagione entrasse in casa del Sr de Seve, non me ne fosse imputato il fallo a me, et che non vi si corresse maggiore pericolo che in quella dell' ambasciatrice, et per ciò io tengo che sara piu a proposito chio consegni lo scatolino in mano della Sigra Ambasciatrice et cosi faro avanti che partimo di questa citta, se V. S. non trova l'altro depositario migliore, di che ella mi dira suo parere.


[199] Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 700 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «14 juillet. M. Rubens, touchant ma reserve:»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur,

J'ai mille grâces à vous rendre de votre excès d'amabilité à mon égard et du soin que vous avez bien voulu prendre de saluer mes amis honorés et de me transmettre leurs compliments, spécialement ceux de MM. Rockox et Gevartius auxquels je reste toujours fort obligé. Le message dont vous avez bien voulu vous charger auprès du père gardien concernant l'appareil du mouvement perpétuel, et l'espoir que vous me donnez de me faire parvenir, non seulement le dessin exact mais l'instrument lui-même, me touche fort sensiblement.

Ce que vous me dites de l'état de de Bie, m'a causé beaucoup de plaisir, je voudrais bien qu'il pût se résoudre à tout publier, de même que ce qui appartient à Messieurs Coberger et Brooman.

Quant au dessin du miroir, je n'en espère pas grand chose parce que le propriétaire n'a pas seulement voulu aller chez Mr. Brosse pour voir les médailles qui restent à vendre. Il a été quelque peu froissé qu'on en ait donné quelques-unes en cadeau, ce qu'il est parvenu à savoir, je ne sais comment, car je ne l'ai révélé qu'à MM. Altin et Tristan sous le sceau du secret et ne l'ai fait que pour favoriser la vente de toutes les manières possibles.

Monsieur Chaduc m'a refusé de laisser prendre l'empreinte d'un camée, le seul de ces deux cents que je désirais avoir; je le savais bien impoli mais non absurde à ce point-là. Je crois avoir une noble vengeance toute prête, j'espère d'avoir en main sous peu une cornaline, sur laquelle sont sculptés deux phallus qui combattent posés l'un sur l'autre. Celui qui se trouve en haut porte l'inscription Nicomed, celui qui se trouve en bas C. Jul. Cae. Je veux en profiter pour le tourmenter considérablement, car il ne possède rien de plus beau que ceci. On m'a fait espérer un autre camée sur lequel un phallus volant portant une limace avec l'inscription HEL et les lettres PAR auprès du phallus. Je le mettrais au désespoir si' je pouvais rester encore ici.

[200] La noble dame enlevée était la veuve d'un conseiller du parlement nommé Brisard, le ravisseur un chevalier de Malte nommé La Ramée. Ils se sont arrêtés à Liége. Il paraît qu'elle est la fille d'un négociant, mais elle est riche.

Quant aux médailles, si vous avez bien compris mes paroles, tant celles que j'ai écrites que celles que je vous ai dites de vive voix, vous et Monsieur Rockox vous aurez pu vous convaincre que jamais mon intention n'a été de faire détacher le Sérapis d'Alexandre Sévère, sinon dans le cas que cette première série fût vendue en son entier ou en partie. Comme j'aime les médailles que j'ai mises à part et qui me sont réservées conformément à l'ordre que vous m'avez donné ici, dans le cas où l'accord avec Monsieur de Lauson serait exécuté et non autrement, parce qu'il ne serait pas raisonnable de déprécier la collection, et quoique, à l'occasion de mon voyage en Provence j'eusse pris la résolution de les mettre hors de l'armoire de Mr de Lauson, jamais ce ne fut mon intention de me les approprier si cette condition n'était point remplie. Mais votre grande hâte nous empêcha complètement d'attendre comme il aurait convenu. Je mettrai donc tous les objets dans une boîte scellée et la laisserai en dépôt chez Monsieur de Seve, négociant bien connu, avec ordre de la garder jusqu'à ce que, les trois mois passés, Monsieur de Lauson payant sa part et moi la mienne, la caisse puisse m'être envoyée en Provence. Si, au contraire, Monsieur de Lauson ne consent pas à faire l'achat, la caisse sera consignée chez Monsieur Ferrarin à votre nom ou à celui d'un autre que vous indiquerez. Je vous prie par votre prochaine lettre de me faire connaître votre décision à ce sujet, parce que je ne crois pas pouvoir prolonger ici mon séjour au delà du moment où je recevrai votre réponse à la présente. La maladie fait des progrès ici et me chasse de la ville où il ne reste plus guère de personnes de condition. Je remercie ces messieurs de leur offre courtoise, mais je compte payer ces médailles quand j'en prendrai possession et que leur prix sera diminué de la part à payer par Monsieur de Lauson.

Quant aux autres médailles, si Monsieur Cointe n'était pas tombé malade j'aurais espéré qu'il les aurait prises toutes, mais cela n'a pas pu se faire et je ne sais que résoudre par ce temps de maladie croissante qui est peu propice à la conclusion de ces contrats et aux achats de choses inutiles et de conservation difficile à une époque d'épidémie. En dehors de cela, je suis parfaitement sur que tout se serait bien passé, mais en présence de ce contretemps, je ne suis sûr que de l'exécution du contrat avec Monsieur de Lauson qui se gardera bien de manquer à sa parole. Et sur ce je vous baise les [201] mains ainsi qu'à Messieurs Rockox et Gevartius, et prie Dieu de les conserver en bonne santé. De Paris, le 14 juillet 1623.

Je n'ai pas encore pu voir Monsieur l'Abbé, mais je lui ferai vos compliments à la première occasion.

Post Scriptum. J'ai pensé qu'il vaudrait mieux que la caisse des médailles que j'ai mises à part coure les mêmes risques que le reste de la collection, afin d'éviter que, si la contagion venait à se communiquer à la maison de Monsieur de Seve, on ne m'en fasse un reproche, et pour qu'elle ne coure un danger plus grand dans cette maison que dans celle de l'Ambassadrice, je crois qu'il serait plus convenable que je dépose la caisse entre les mains de Madame l'Ambassadrice. C'est ce que je ferai avant mon départ d'ici, si vous n'avez pas un meilleur dépositaire à indiquer. J'attendrai là-dessus votre avis.


CCCXLI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre

Alla lettera di V. S. delli 14 stante ho da rispondere che la sua congiettura intorno il cameo d'Agosto mi par molto bella et buona et forzi piu facile a sostenere che non la mia non dimeno mi resta sempre gran scrupulo nella persona di quello che V. S. stima Tiberio et io Giulio, ma ne me rimettero volentieri a suo parere. La ringratio infinitamente della promessa del dissegno di quel moto perpetuo, chio staro aspectando con grande impatienza mercordi prossimo, sperando di potere partire forzi il giorno seguente. La ringratio similmente dello spicchietto, ma temo che non vada da male con la mia absentia, andandosene ogni uno fuora per timore della contaggione.

Il Sr de Lauzone s’e ne fugito sino in Poitou, per haver corso gran rischio andando a visitare un Presidente de Barseau, suo vicino et parente prossimo, il quale mori della contagione il giorno seguente. Molti altri fanno o si risolvono a far lo stesso in breve, di maniera [202] che per il ricapito delle lettere, ci sara poca sicurezza se il Sr Ferrarino non si da l'assunto di pigliarne la brigga.

Il Sr di S. Ambrosio fa conto di partire la settimana prossima per Bourges, io gli ho fatto i complimenti di V. S. Egli m'ha pregato di farle sue schuse se non sodisfa alli ritratti promessi con questa contagione che lo scasa. Il Sr de Lomenie parla similmente d'andare al paese di Vendosme con casa sua, ma non e ancora risoluto, et per cio tengo che la miglior via per mie lettere sara di raccommendarle in casa del Sr di Lomenie che ordinarà a suoi domestici di farmele capitare.

Ho visto con grando gusto le primitie de' tagli di suoi camei, le quali non mi usciranno di mano sicuramente. Ho detto al Sr Tristano che V. S. haveva qualche pensiero di aggiongere il dissegno della sua medaglia di Messalina a quelli di V. S. di che egli si mostra molto fiero et forzi con questa sicurta ne vedremo un impronto. Io per ventura ho comprato hoggi certi dissegni vecchj raccolti in Roma da Stephano du Perac, authore della Roma antiqua, fra i quali ho trovato un dissegno d'una medaglia pur di Messalina, con la conciatura simile a quella del Sr Tristano, ma di piu con un groppo di capellatura dietro il collo et con il naso un poco basso a guisa di Caligula et il mentone assai innanzi; ne mandaro la copia a V. S. con l'ordinario prossimo. Nello Strada in folo delle medaglie imperiali c'e una Messalina giusta come quella del Sr Tristano, ma la testa di Claudio nel rovescio e un poco diversa quella dello Strada sendo all' ordinario et quella del Sr Tristano sendo più macilenta invecchiata et col mento tirato in fuori.

Quanto al Sgr Chiaduco, egli dice havere mandata tutta la sua robba in Auvergne casa sua per timore della contaggione. Io diedi un altra occhiata alle sue gemme et volsi caricare la mia memoria di qualche una delle principali ma la multiplicita fu tanto grande che l'una mi levava l'altra della mente.

Pure quella che V. S. nota di Messalina e in Agatha schura ovata et rappresenta un cornucopio che produce quattordici fascini in luogo di fiori et frutti, abbasso vicino alla punta del corno c'e una lumaga da una banda sinistra et un fascino che ha piedi dall' altra banda dritta, et ne sono ancora duoi altri piccioli senza gambe nel [203] gambo del pietra, et intorno l'inscrittione e questa sicuramente VAL. MES. IMP. CL. nel campo un V. per uxor et sotto il corno si legge VICTRIX, ma si sono sette o otto altre con mentione di Messalina, delle quali io non potrei darle relatione che vaglia et quel vecchietto e tanto geloso che non le lasciava godere ne vedere se non scorrendo.

Io lo pregai di lasciarmi pigliar impronta d'una sola con cera di Spagna ma non mi fu concesso, et ne restai malissime sodisfatto. Io ne ho havuto quasi la vendetta conforme al voto sendomi per gran sorte capitati alcuni intagli di quel genere, dalli quali potevano i suoi cavar grandissima luce. L'uno e una corniola picciola dove un fascino in forma di barca con ali in luogo di vele porta una lumaga stando sotto un Tridente di Nettuno et l'inscrittione e questa: PAR. HELI. FE. FE. FA, dove si trova un ratto di Helena rappresentato molto strannamente. L'altro e una carniola piu grande dove si veggono duoi fascini con piedi gallinacei che combattono; il vittorioso e inscritto NICOMED., il prostrato e inscritto C. IVL. CA. di sopra si legge FEL. VICT. AET. et sotto G. G. G. SV. Appresso quello di Giulio Cesare e il lituo, appresso l'altro e un tropheo d'amore composto d'una face, d'un arco et d'una pharetra. Io lo feci invitare a casa mia et gliene diedi la vista sola havendolo lasciato andare con la febre mezzo desperato di riconoscersi indegno ch'io gliene faccia parte.

Ne ho poi ricuperato un terzo di pietra sanguigna, scolpito dalle due bande, nell' una e un fascino con ale posto sopra una base, nel vano della quale e scolpita una mano che passa il pollice tra l'indice et l'altro ditto prossimo; di qua et di la della base ci sonno un gallo et una lumaga. Nel rovvescio e una matrice posta sopra una altra base nel vano della base si veggono un gallo, et un fascino con giambe. L'inscrittione altorno la matrice e [...], l'altra altorno il fascino e [...].

Egli non ha ancora visto questa et vorrei mostrar gliela per farlo pentire della discortesia nel negarmi impronto solo, per cio che gli non ha cosa piu utile in questo genere per provare che la lumaga rappresenti il sesso femineo di che egli cerca authorita con tanto ardore. Ne voglio far jettare impronti et poi non manchero di farne parte a V. S.

[204] Restami a rispondere alla proposta della vendita delle medaglie di bronzo et argento imperiali delle quali non si parlava se non sotto quella conditione che sortisse il suo effetto il trattato di Sre de Lausone, ma la contagione ha guasto tutto il negotio sendo tutti questi SSri andati fuora. Il Sr Tristano torno solamente hieri, io l'ho visto hoggi scorrendo senza poterne raggionare seco, et il Sr Cointo del quale io faceva maggior capitale s'ammalo et poi se n'e ito fuori anch'egli, senza speranza di poterci abbocare insieme. Di maniera che non posso darle sodisfattione ne speranza di rinovare alcun trattato. Ben tengo che non manchera il Sre di Lausone del canto suo, havendomene cosi assicurato il giorno avanti che partisse ma degli altri resta il tutto imperfecto et senza rimedio di far niente che vaglia. Con che senz'altro le bacio le mani et al Ille SreRoccox.

Di Pariggi alli 20 Luglio 1623.Vorrei ben sapere se il SrGevartio ha ricevuto mio piego.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, V, 701.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «21 juillet. M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

A votre lettre du 14 courant, j'ai à répondre que votre conjecture concernant le camée d'Auguste me paraît très heureuse et peut-être plus facile à soutenir que la mienne; néanmoins, il me reste toujours un grand scrupule sur le personnage que vous croyez être Tibère et moi Jules, mais je me rangerai volontiers à votre avis. Je vous remercie bien cordialement de votre promesse du dessin du mouvement perpétuel que j'attendrai avec grande impatience, mercredi prochain. Je compte partir d'ici le jour suivant. Je vous remercie également du petit miroir, mais je crains qu'il ne lui arrive malheur pendant mon absence, tout le monde quittant la ville par crainte de l'épidémie.

Monsieur de Lauson s'est enfui jusqu'en Poitou, parce qu'il avait couru un grand danger en allant visiter un président de Barseau, son voisin et [205] proche parent qui mourut de la contagion le lendemain. Beaucoup d'autres font la même chose ou sont résolus de le faire sous peu, de cette manière il y aura peu de certitude que vos lettres soient remises à leur adresse, à moins que Monsieur Ferrarin ne veuille se charger d'en prendre soin.

Monsieur de St-Ambroise compte partir la semaine prochaine pour Bourges, je lui ai fait vos compliments. Il m'a prié de vous présenter ses excuses de ce qu'il n'a pu vous donner satisfaction quant aux portraits promis à cause de cette contagion qui le chasse d'ici. Monsieur de Loménie parle également de se rendre au pays de Vendôme avec sa famille, mais n'a pas encore pris de résolution. C'est pourquoi, je crois que la meilleure manière de me faire recevoir vos lettres sera de les adresser à la maison de Monsieur de Loménie qui chargera ses domestiques de me les faire parvenir.

J'ai vu avec grand plaisir les épreuves des gravures de vos camées qui certes ne sortiront point de mes mains. J'ai dit à Monsieur Tristan que vous songiez à ajouter à ces reproductions le dessin de sa médaille de Messaline; il s'en montra très fier et peut-être qu'en lui en donnant l'assurance nous en obtiendrons une empreinte. Aujourd'hui, j'ai acheté d'occasion quelques anciens dessins recueillis à Rome par Etienne Du Perac, auteur de la Rome antique. Dans le nombre, j'ai trouvé le dessin d'une médaille également de Messaline avec le même raccommodage que montre celle de Monsieur Tristan, mais ayant de plus une touffe de cheveux derrière le cou, le nez un peu bas à la façon de Caligula et le menton fort proéminent. Je vous en enverrai une copie par le prochain courrier. Dans l'édition infolio des médailles impériales par Strada, il y a une Messaline exactement comme celle de Monsieur Tristan; mais sur le revers la tête de Claude est un peu différente. Celle de Strada présente la forme ordinaire, celle de Tristan est plus maigre, vieillie et le menton fuyant.

Quant à Monsieur Chaduc, il dit avoir envoyé tous ses effets dans l'Auvergne, son pays, par peur de l'épidémie. J'ai encore jeté un coup d'oeil sur ses gemmes et j'ai voulu garder le souvenir des principales, mais leur nombre est tellement considérable que l'une me fait oublier l'autre.

Mais celle que vous désignez comme une Messaline est en agathe obscure et représente une corne d'abondance qui verse quatorze phallus au lieu de fleurs et de fruits; en bas, près de la pointe de la corne, il y a une limace du côté gauche et un phallus qui a des pieds de l'autre côté à droite, et il y a encore deux autres petits phallus sans pattes sur le tube de la corne et tout autour on lit l'inscription VAL. MES. IMP. CL., sur le fond un V pour UXOR et sous la corne on lit VICTRIX, mais il y en a sept [206] ou huit autres avec la mention de Messaline dont je ne puis pas vous rendre exactement compte et ce vieux maniaque est tellement jaloux qu'il ne les laisse pas examiner à loisir et les fait seulement glisser devant vos yeux. Je l'ai prié de me permettre de prendre l'empreinte d'une seule médaille avec de la cire d'Espagne, mais il ne me l'a pas permis et je dus me retirer très mécontent. J'ai eu l'occasion de me venger de tout cela à mon gré. Par le plus grand des hasards, j'ai acquis quelques pierres gravées qui pourraient jeter beaucoup de lumière sur les siennes. L'une est une petite cornaline sur laquelle un phallus, en forme de barque avec des ailes au lieu de voiles, porte un limaçon debout sous le trident de Neptune, avec cette inscription PAR. HELI. FE. FE. FA; il s'y trouve un enlèvement d'Hélène étrangement représenté. L'autre est une cornaline plus grande où l'on voit deux phallus avec des pattes de poule qui combattent. Auprès du vainqueur se trouve l'inscription NICOMED., auprès du combattant terrassé C. IVL. CA.; dans le haut, on lit FEL. VICT. AET., dans le bas G. G. G. SV.. Près de la figure représentant Jules César, on voit le lituus augural; auprès de l'autre, un trophée de l'amour composé d'un flambeau, d'un arc et d'un carquois. J'ai invité Monsieur Chaduc de passer par chez moi et je lui ai fait voir les deux pierres gravées, mais ne lui ai permis rien de plus; il s'est en allé avec la fièvre, tout désespéré de se reconnaître indigne que je les lui communique.

J'ai acquis depuis lors une troisième pierre taillée, en sanguine, sculptée sur les deux côtés, sur l'une des faces se trouve un phallus ailé placé sur une base, dans le panneau de laquelle est sculptée une main qui passe le pouce entre l'index et le doigt du milieu; des deux côtés sur le socle se trouvent un coq et une limace; sur le revers, on voit une matrice posée sur un autre socle, sur le panneau duquel on voit un coq et un phallus avec des pattes. L'inscription autour de la matrice est [...], l'autre légende autour du phallus est [...]. Il ne l'a pas encore vue et je voudrais la lui montrer pour qu'il se répente de son impolitesse à me refuser une simple empreinte. En effet il n'a, en fait de pierres gravées, rien de plus utile pour prouver que la limace représente la partie sexuelle de la femme, ce qu'il cherche à prouver avec tant d'ardeur. Je vais en faire tirer des empreintes et ne manquerai pas de vous les communiquer.

Il me reste à répondre à la proposition de vendre les médailles impériales en bronze et en argent dont il n'a été question, sinon sous la condition que le contrat avec Monsieur de Lauson sorte son effet. Malheureusement, la contagion a gâté toute l'affaire; tous ces messieurs ayant quitté [207] la ville. Monsieur Tristan n'est revenu qu'hier; je l'ai vu aujourd'hui à la hâte, sans pouvoir m'entretenir avec lui. Monsieur Cointe sur lequel je comptais est tombé malade et puis lui aussi s'est en allé sans laisser aucun espoir pour moi d'avoir un entretien avec lui. De manière que je ne puis vous donner satisfaction ni espoir de renouveler aucun contrat. Je compte bien que de son côté Monsieur de Lauson ne fera pas défaut puisqu'il m'en a donné l'assurance le jour avant son départ, mais pour les autres la chose reste indécise et il n'y a pas moyen de rien faire qui vaille.

Sur ce, je vous salue ainsi que Monsieur Rockox. De Paris, le 20 juillet 1623. Je voudrais bien savoir si Monsieur Gevaerts a reçu mon paquet.

COMMENTAIRE.

Du Perac (Etienne), architecte parisien du XVIe siècle, mort en 1601, qui vécut longtemps à Rome. A son retour en France, Henri IV le nomma son architecte, il était peintre et graveur en même temps qu'architecte et archéologue. Il publia: I Vestigi dell' antichita di Roma raccolti et ritratti in perspettiva, une suite de 40 estampes. Rome, Lorenzo della Vaccheria, 1575.

Strada de Rosberg (Jacques), antiquaire, né à Mantoue au commencement du XVIe siècle, mourut à Prague en 1588. Il publia entre autres: Epitome thesauri antiquitatum hoc est imperatorum rom. orient. ac occident. iconum, ex antiquis numismat. delineatorum, Lyon, 1553, une traduction française de l'ouvrage fut publiée la même année à Lyon; puis Imperatorum romanorum omnium orient. et occident. imagines ex antiquis numismat. delineatae, Zurich, 1559, avec figures en bois. Strada avait formé une immense collection de médailles impériales anciennes et modernes dessinées par lui: 31 volumes de cette collection se trouvent dans la bibliothèque de Gotha. Dix volumes in-folio de manuscrits du même genre sont conservés à la bibliothèque impériale de Vienne.


[208] CCCXLII
PEIRESC A RUBENS.

Molto etc.

Ho ricevuto il suo piego delli 20 stante con lo spicchietto, et con il dissegno del moto perpetuo di che non li saprei rendere alcune gratie corrispondenti alla grandezza dell' obligo mio verso di lei. Ho trovato lo spicchietto bellissimo in suo genere, et pigliato gran gusto a farne diverse prove et se ben non fa effetto comparabile nella moltiplicatione dell' obietto a quello del Sr Ferrarino fa nondimeno altri effetti bellissimi che non puono cadere in quello del detto Sr Ferrarino.

Il dissegno del moto mi par cosa nobilissima et degna di gran consideratione ma temo che sia molto difficile di farlo esseguire in termine convenevole per produrre gli effetti desiderati. S'io l'havessi havuto un poco piu tosto haverei tentato di far fabricare quei canali vitrei in questa citta ma bisognera aspettar che siamo in Provenza et ch'abbiamo commodita di andare in mezzo a qualcheduna delle selve dovesi fabrican vetri. Et l'assicuro che ci procedero con tanta circonspectione et con tanta destrezza et secretezza che non lasciaro capire il secreto a nessuno con l'aiuto del Sigre. Di maniera che V. S. et il suo compadre puono riposarsene sopra la mia fede, et starsene quieti.

Ho fatto le raccommendationi di V. S. al Sr di Lomenie et al Sr Abbate li quali duoi ambi hanno mostrato obligo della sua favorevola memoria. Ma non ho potuto trattener ad aggio il Sre Abbate intorno alli particolari che V. S. mi scriveva, per essere sopravenuta interruttione di compagnia che me l'ha tolto inopinamente, ma faro il serivitio se piace a Dio, prima che partire.

Ho visto questa mattina il Sr Ferrarino et gli ho parlato dello scatolino delle medaglie, et della cassa de' marmi di V. S. Egli si e offerto cortesisste di ricevere l'uno et l'altro, et io non manchero di consignar glielo quanto prima, avanti la mia partenza, sperando che non si potra differire più di 506 giorni al più se piace a Dio conservarci.

[209] Et se V. S. vorra continuar di mandarmi qualche sua lettera, bisognera raccommandarla al detto Sr Ferrarino il quale mela potrà inviare a Bordeaux per la prima et seconda volta et poi bisognera mandare a Marsiglia dritto. Se la contagione non andasse facendo tanto gran progresso come ella fa non haverebbono mancato qui amici per ricevere lettere et mandarle in Provenza et in Fiandra ma il male e troppo grande et va sacciando ogni uno fuori. Il Sr di Lomenie se ne va in Vendosme, il Sr Abbate in Berry, il Sr de Lausone e andato in Poitou, il Sr Bignone sara ancora costretto di uscir fuori, et non credo che nessuno possa piu facilmente fare questo servitio che il Sr Ferrarino, il quale ha corrispondenti in Bordeaux et in Marsiglia et havera sempre qualcheduno in Pariggi per ricevere sue lettere.

Del resto ha da sapere V. S. che se n'e andato via il Sre Chaduco nella sua patria, con quattro pugnali nel senno havendo visto gli quattro intagli ithyphallici ch'io gli ho fatto passare innanzi gli occhi, senza ardire di sperare ch'io gliene dovesse dare alcuna communicatione. Quando egli hebbe visto gli duoi ch'ebbi li primi di Nicomede et Paride, gli sene ando tutto sbiggottito, et disse al Sr Giovanni Sirmondo, nepote del padre Giovanni Sirmondo suo compatriota, che volontieri egli m'haverebbe paggato dieci pistole di que duoi intagli per assortire la sua raccolta di cosa cosi nobile. Il Sr Sirmondo mi venne subito far l'ambasciata, alla quale io risposi ch'io non era mercante, ne tanto discortese quanto detto Sr Chaduco et che si come non poteva entrare il trattato di vendita di miei tagli cosi non mancarei di fargliene parte nella maniera la piu honorata che si potrebbe, havendogli fatto due proposte; l'una di dargliene impronte et consentire ch'egli stampasse con gli suoi (senza nominare mi pero) a conditione ch'egli mi darebbe impronte d'alcuni delli suoi di questo genere; et l'altra d'entrare in baratto di qualche d'une delle mie con qualche d'une delle sue. Quel vecchietto discortesisso s'imagino ch'io le voleva burlare et haver l'avantaggio di haverlo fatto consentire a dar via qualche impronto suo o qualche sua gemma, senza poi voler dar delle mie. Et con quella sua rusticita enorme disse che gli era piu utile et honorabile di privarsi delli miei, che di lasciar svirginare gli suoi, et lascio andar il trattato in fumo. Io hebbi poi il terzo intaglio [210] d'amethista con la vulva deificata et revestita delle ale di farfalla, et gliela feci vedere onde egli fu toccato di gelosia et dolore estremo, sendo cosa che gli servira ancora piu che le altre due per contenere la prova ch'egli congetturava, che la lumaga si ponesse per symbolo del sesso femmineo, et che il gallo si ponesse per quello della Venere maschia, et il giorno della sua partita io gli mandai a mostrare sino al cocchio il quarto intaglio che mi fu donato da un gentilhuomo mio amico dove questo vecchietto stupiva, leggendo quel Divus fascinus aeternus, Divus magnus majorum Pater et fu costretto di confessar partendo ch'egli haveva fatto gran fallo di non trattar meco con maggior cortesia. In tanto vedendo che V. S. haveva gusto di detti intagli, io gli ho subito dedicati tutti alla sua curiosita, dispiacendomi che non siano cose piu degne di lei, d'una sola cosa la pregaro che a sua commodita quando ella fara improntare qualche altra cosa, ch'ella faccia fare impronti di questi quattro tagli in piombo o altro metallo cavo, come si formano le medaglie specialmente quelle che sonno scritte nel rovescio accio di godere l'impronto piu simile alli originali.

Io gli pensava fare improntare qui ma havendo voluto adoperarne il mio improntatore ordinario si e trovato che la sua moglie era ammalata di peste volendo mandare da un altro si e trovato la casa serrata per simile accidente di maniera che per non correre rischio in questa cattiva congiuntura m'e parso molto meglio di lasciare la questa brigga per questa volta a V. S. la quale mi fara gratia di mandarmi detti impronti per via del Sr Ferrarino quando io potro esser in Provenza cioe sul fine di Settembre et non prima accio non capitassero a male con la mia absenza et non facessero andare a male le lettere di V. S. Con che, senz'altro, etc. Di Pariggi alli 27 Luglio 1623.

Poscritta. Il Sr Abbate m'e venuto a trovare, ho fatto il complimento, egli al contrario ma preggato di farle sue schuse con questo cattivo tempo et ma dato la polliza et mensura qui aggionte del suo camino et del quadretto ch'egli ci vorebbe di mano di V. S. facendo egli conte di departire martedy alla volta di Bourges.

Le mando ancora il dissegno della Messalina che valera quanto potra, egli e tirato col vetro sopra. L'originale di Stephano du Perac. [211] Il Sre Tristano ha havuto un Claudio Egittio con rovescio della figura in piedi di detta Messalina, la quale ha trezze lunghe, et tiene spiche in mano, egli mi ha quasi promesso impronte di tutte due, ma non so se la malattia non gli servira di schusa per adesso. Io ne ho uno piu netto del suo in Provenza il quale sara mandato a V. S. subito che vi saro gionto.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Copies et minutes des lettres de Peiresc. V, 702 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «28 juillet. Rubens avec les 9 graveures métalliques.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

J'ai reçu vos lettres du 20 courant avec le petit miroir et avec le dessin du mouvement perpétuel, ce dont je ne saurais assez vous remercier. J'ai trouvé le miroir beau dans son genre et je me suis amusé à en faire divers essais et bien que ces effets ne soient pas comparables dans la multiplication des objets à celui de Monsieur Frarin, il donne cependant des résultats fort remarquables qui ne peuvent être obtenus par celui de Monsieur Frarin.

Le dessin du mouvement perpétuel me paraît une chose fort remarquable et digne des plus grands éloges, mais je crains qu'il ne soit fort difficile de les faire exécuter dans les conditions voulues pour produire les effets désirés. Si je l'avais reçu un peu plus tôt, j'aurais essayé de faire fabriquer ici ces tuyaux en verre, mais il faudra attendre que je sois en Provence et que nous ayons l'occasion d'aller au fond d'une de ces forêts où l'on fabrique le verre. Et je vous promets de procéder à cela avec tant de circonspection, tant d'adresse et de mystère que, avec l'aide de Dieu, je ne laisserai surprendre le secret par personne. Vous pouvez donc, vous et votre collaborateur, compter sur ma promesse et être parfaitement rassurés.

J'ai fait vos compliments à Monsieur de Loménie et à Monsieur l'Abbé qui tous deux se sont montrés charmés de votre souvenir bienveillant. Mais aujourd'hui je n'ai pu entretenir ce dernier des détails dont me parlait votre dernière lettre, parce qu'une visite étant survenue inopinément a interrompu [212] notre conversation. Mais, s'il plaît à Dieu, je m'acquitterai de mon message avant mon départ.

J'ai vu ce matin Monsieur Frarin, et je lui ai parlé de la cassette de médailles et de la caisse de vos marbres. Il s'est offert très obligeamment pour recevoir l'une et l'autre et je ne manquerai pas de les lui faire remettre le plus tôt possible, en tout cas avant mon départ, qui ne tardera pas plus de 5 ou 6 jours, s'il plaît à Dieu de nous conserver la vie.

Si vous voulez encore m'envoyer quelque lettre, il faudra l'adresser à Monsieur Frarin qui pourra me l'envoyer à Bordeaux, la première et la seconde fois, et devra l'expédier directement à Marseille, dans la suite. Si l'épidémie ne faisait pas d'aussi grands progrès, je n'aurais pas manqué ici d'amis pour recevoir mes lettres et les envoyer en Provence ou en Flandre, mais le mal est trop grand et chasse tout le monde. Monsieur de Loménie part pour le Vendôme, Monsieur l'Abbé pour le Berry, Monsieur de Lauson est allé en Poitou, Monsieur Brignon sera lui aussi forcé de partir et je crois qu'il ne restera plus que Monsieur Frarin pour me rendre service. Il a des correspondants à Bordeaux et à Marseille et aura toujours quelqu'un à Paris pour recevoir ses lettres.

Du reste, vous devez savoir que Monsieur Chaduc retourne dans sa patrie avec quatre poignards dans le coeur. Il a vu les quatre pierres gravées ithyphalliques que je lui ai fait passer sous les yeux sans lui laisser espérer que je lui en donnerais communication. Quand il a vu les deux premières que je lui ai montrées, celles de Nicomède et de Pâris, il s'en alla tout décontenancé et dit à Monsieur Jean Sirmond, neveu du père Jean Sirmond son compatriote, qu'il m'aurait volontiers payé dix pistoles de ces deux pierres pour compléter sa collection de choses aussi précieuses. Monsieur Sirmond vint immédiatement me trouver avec le message; je lui répondis que je n'étais pas un marchand, mais que je n'étais pas non plus aussi désobligeant que Monsieur Chaduc; j'ajoutai que, comme il ne pouvait pas conclure le contrat de vente de mes camées, je ne manquerais pas moins de les lui communiquer de la manière la plus honorable. Je lui ai fait deux propositions à ce sujet: l'une de lui en donner des empreintes et de consentir à ce qu'il les imprime avec les siens - sans me nommer pour cela - à condition qu'il me donne des empreintes de quelques-uns des siens du même genre; la seconde de faire l'échange de quelques-uns des miens contre quelques-uns des siens. Ce vieux grossier personnage s'imagina que je voulais le duper et m'arranger de façon à lui faire donner quelqu'empreinte ou pierre sans rien vouloir lui donner en retour des miennes et, avec sa rudesse innée, il me dit qu'il lui serait plus utile et honorable [213] de se priver des miennes que de laisser déflorer les siennes et il laissa notre accord s'en aller en fumée. J'eus encore la troisième pierre gravée, une améthyste avec la vulve déifiée et garnie d'ailes de papillon et je la lui ai montrée, ce qui excita sa jalousie et lui causa une peine extrême, parce que c'était une chose qui lui aurait été plus utile que les deux autres comme fournissant la preuve de sa conjecture, selon laquelle le limaçon servait de symbole des parties sexuelles de la femme et que le coq était celui du sexe mâle. Le jour de son départ, au moment où il allait monter en voiture, je lui fis mettre sous les yeux la quatrième pierre taillée qui me fut donnée par un Monsieur de mes amis où notre vieux malappris lut avec stupeur les mots: le divin et éternel Phallus, le grand Dieu, Père de nos ancètres, et il fut forcé en partant d'avouer qu'il avait commis une grande faute de ne pas traiter avec moi sur un pied plus courtois. En attendant, voyant que lesdites pierres vous plaisaient, je les ai immédiatement offertes à votre curiosité, regrettant seulement que ce ne soient pas des objets plus dignes de vous. Je n'ai qu'une prière à vous faire, c'est que, si vous avez l'occasion de faire des empreintes de quelques autres choses, vous fassiez aussi tirer en creux des empreintes de ces quatre pierres dans le plomb ou dans un autre métal comme on fait spécialement pour les médailles qui portent des inscriptions sur le revers, afin d'avoir des empreintes reproduisant mieux l'original.

J'avais voulu faire faire les empreintes ici, mais, ayant songé à les faire exécuter par l'ouvrier que j'emploie d'habitude à ce genre de travail, il s'est trouvé que sa femme était malade de la peste; ayant voulu m'adresser à un autre, j'ai trouvé sa maison fermée par un accident semblable, de sorte que pour ne pas m'exposer à un danger quelconque dans ces tristes circonstances, j'ai pensé qu'il valait mieux vous abandonner pour cette fois-ci la besogne. Veuillez me faire parvenir ces empreintes par l'entremise de Monsieur Frarin quand je serai retourné en Provence, c'est-à-dire à la fin de septembre et non avant, afin qu'il n'arrive pas d'accident par mon absence à ces pierres et à vos lettres. Sur quoi, n'ayant rien d'autre à vous dire, etc. De Paris le 27 juillet 1623.

Postcriptum. Monsieur l'Abbé est venu me trouver, je lui ai fait vos compliments. De son côté, il m'a prié de l'excuser, en considération de ce temps malheureux. Il m'a donné la description et la mesure ci-jointes de sa cheminée et du tableau qu'il désirerait obtenir de votre main. Il compte retourner à Bourges mardi.

Je vous envoie encore le dessin de la Messaline qui a été fait le mieux qu'il a été possible; il a été pris derrière le verre. L'original appartient à Etienne Du Pérac. Monsieur Tristan a eu un Claude égyptien avec la [214] figure de cette Messaline en pied, au revers, qui a des tresses longues et tient des épis en main. Il m'a promis des empreintes des deux figures, mais je ne sais si la maladie ne lui servira pas d'excuse à présent. J'en ai une plus nette de la sienne en Provence que je vous enverrai aussitôt que je serai arrivé.


COMMENTAIRE.

Le collaborateur de Rubens pour la construction de l'appareil du mouvement perpétuel, était Jean de Montfort, fourier-major de l'archiduchesse Isabelle.

Les médailles et les marbres. Les médailles en question sont une partie de celles du duc d'Arschot que Rubens envoya à Peiresc pour tâcher d'en opérer la vente en France. La caisse de ses marbres devait contenir quelques antiquités que le peintre anversois envoyait à son ami Peiresc.

Bignon (Jérôme), né à Paris en 1589, mort en 1656, avocat général au grand Conseil depuis 1620. En 1642, il était grand-maître de la bibliothèque du roi.


[215] CCCXLIII
RUBENS A PEIRESC.

Molto illre sigr mio ossermo.

Non ho mai visto in vita mia cosa alcuna con maggior gusto che le gemme mandatemi da V S che mi paiono cose inestimabili e sopra ogni mio voto; ma daccettarle in dono e privar V S di cose tanto care non e l'intentione mia. I credami certo se non fosse, chio temo ch'all' arrivo di questa lei forse sarebbe partita io le rimandarei per il medesimo corriero d'oggi; ma temendo di qualque mal ricapito in absenza sua, et in questa trepidatione pella contagione e fuga d'amici io mi risolvo di guardarle appresso di me come un deposito pretiocissimo sin al primo viaggio chel sigr Idio mi concedera di fare a Pariggi challora non mancaranno mezzi di renderle a V S di presenza come spero o per qualque via sicura. I fra tanto verso il fine de settembre prossimo mandaro a V S gl'impronti ben fatti à fine che in quel mentre ella possa servirsene. Et per la sua liberalita ansi prodigalita le rendo mille gracie ammirando la sua affettione verso di me che la sforza curiosa come e di privarsi di cose tante rare. Ho caro chella habbia ricevuto il dissegno del moto perpetuo fatto con verità e retta intentione di communicargli il vero secreto et di piu quando V S sarà in Provenza et havera fatto la prova io mi obligo non riuscendogli de levarli tutti li suoi scrupoli. I forse (che non ardisco daffirmarlo ancora di certo) impetraro dal mio sigr compare che mi faccia far qui uno strumento intiero colla cassa i tutto como se fosse per tener appresso di me nel mio studiolo secreto et se posso ottenerlo en farò cordialiste un presente a V S ne mancara mezzo di farlo capitare a V S sicuramente in Provenza per via dalcuni mercanti ma chella habbia qualque corrispondenza in Marseglia. Toccante il specchietto io ne trattaro col istesso mio compadre per veder se potiamo far uno che aggrandisca maggiormente, et cio in minor volume per poterlo mandar lontano con piu agevolezza. Il obligo mio verso V S e tale e tanto chio vorrei potermi imaginare qualque cosuccia secondo le mie forze che potesse dar qualque gusto a V S. Il tempo non mi permette di ringraciar [216] V. S. particolarte per tutti gli buoni officij che mi ha fatto appresso il sigri de Loménie et il sigr abbate et altri amici si come ancora per la vendetta fatta et le piage date ansi poignalate in quel animo rustico e imbalordato del Chiaducq che meritava di portar seco questo cordoglio per supplicio della sua discortesia. Ma per tornar alle nostre gemme, mi piacce in estremo la diva vulva colle ali di papilioni ma non posso discernere che cosa sia quello, che tra laltare et la bocca dessa vulva roversciata, che forse discernero meglio havendone fatto limpronto che non ho potuto far hoggi per le molte occupationi mie ne anco in cera di Spagna. La causa chassomigliano la vulva al limazone non posso immaginarmi se non e forse per la capacita del caracollo, che è un riceptacolo molto alto e condecente al suo locato et ancora per esser un animal viscoso et humido. Et cornua possent comparari cristae qum videntur utrinque exerere cunni cum pruriunt, haec tecum libere et forte non infaceta sed spurca nimis. Ma ci pensaremo ancora meglio et a bel aggio. Io non trovai da principio linscrittione tanta da me desiderata e stimata: Divus magnus majorum pater, che sta nel rovescio di quella corniola pur la trovai in breve con somma allegrezza. Mi dispiacce di non intendere nella Victoria Nicomediana quelle littere ò note che siano G. G. G. SV. che stanno nel orlo inferiore della gemma. Mi dispiacce pero maggiormente di non poter esser piu lungo per esser molto tardi et alcuni amici me aspettano per cenar meco. Vego chella ha consignato al sigr Fraryn il scatolino colle sue medaglie et la cassa colli marmi, colli quali gratificarei voluntieri qualque amico pur vederemo piaccendo a Dio al nostro ritorno che cosa se potra fare et fra tanto mi raccommando humilte nella sua bona gracia et con tutto al cuore bacio a V S et al sigr di Valaves le mani pregandole del cielo un felicissimo viaggio. D'Anversa alli 3 dAgosto 1623.

Mi par un giorno un anno d'intendere che V S sia fuori di Pariggi et si ponga in sicurta per conto della contagione per la quale il meglior antidoto la fuga.

Non mancaro di servir al sigr Abbate conforme alla sua misura.

La Messalina mi e grata credo pero chella sia imbastardita nel aggrandirla.

Di V S molto Illuse.
servitor affmo

Pietro Pauolo Rubens.


[217] Au dos, l'adresse:
A Monsieur Monsieur Louys Frarin
pour la livrer à Monsieur de Peiresc
Conseglier du Roy à la Cour du
parlement de Provence
à Paris
(Cachet en cire rouge aux armes de Rubens)


De la main de Peiresc: Rubens 3 Agosto 1623Anverza
Receptione delle gemme ytifallice
moto ppetuo promesso


Le texte original de cette lettre se trouve en tête d'un volume d'épreuves de gravures d'après Rubens, retouchées par lui-même et appartenant à la Bibliothèque nationale, Cabinet des estampes, à Paris. Une copie s'en trouve dans la bibliothèque Méjanes à Aix en Provence (M. S. 1033, p. 415). Mols en a inséré dans ses Rubeniana une copie (Mols, Rubeniana II, 92, Bibliothèque royale de Bruxelles, département des Manuscrits) et un résumé (Ibid. p. 141). Emile Gachet a publié ce résumé en une demi-douzaine de lignes (Lettres inédites de Pierre-Paul Rubens, p. 12). La lettre a paru en entier dans Gio. Bottari: Raccolta di lettere sulla pittura, scultura ed architettura, scritte da più celebri professori dal secolo XV al XVII. Mariette l'avait communiquée à Bottari. M. Charles Ruelens a publié le texte italien dans Pierre-Paul Rubens, Documents et Lettres, p. 133, et une traduction française, Ibid. p. 9. Par un étrange malentendu, Gachet date la lettre du 23 août 1623 et Ruelens, tout en donnant dans le texte italien la date exacte de «Anvers, le 3 août 1623,» fait suivre la signature de la date: «Paris, le 13 mai 1625,» qui est la date de la lettre faisant suite à celle-ci dans son recueil. La lettre a encore été publiée par Millin dans le Magasin encyclopédique (Seconde année, 1796, Tome IV, p. 246-249), par S. Chardon de la Rochette dans les Mélanges de critique et de philologie (Paris, 1812, T. II, p. 194) et par Adolf Rosenberg dans ses Rubensbriefe (p. 66). Elle a fait, en 1834, l'objet d'une dissertation archéologique par H. Koehler, (Mémoires des Sciences politiques etc., VIe Série, T. III, Académie de St-Pétersbourg). En comparant à l'original de cette lettre le texte tel qu'il fut publié jusqu'ici, j'ai trouvé 258 corrections à faire. Ceci donne la mesure du soin avec lequel jadis les autographes de Rubens furent imprimées. Une exception doit être faite pour les textes édités par M. Gachard qui sont irréprochables.


TRADUCTION.
RUBENS A PEIRESC.

Monsieur,

De toute ma vie, je n'ai rien vu avec autant de plaisir que les pierres précieuses que vous m'avez envoyées. Elles me paraissent des choses [218] inestimables et au-dessus de tous mes désirs, mais je n'ai point l'intention de les accepter en cadeau et de vous priver d'objets de tant de valeur. Croyez-le bien, si je n'avais pas la crainte qu'à l'arrivée de cette lettre vous ne fussiez parti, je vous les retournerais par le même courrier d'aujourd'hui. Mais craignant qu'elles ne parviennent pas à la bonne adresse en votre absence et dans un moment où la peur de la contagion met tant d'amis en fuite, je me résous à les garder auprès de moi comme un dépôt très précieux, jusqu'au premier voyage que Dieu me permettra de faire à Paris. Je trouverai bien le moyen, alors, je l'espère, de vous les remettre en personne ou par quelque voie sûre. En attendant, vers la fin de septembre prochain, je vous enverrai les empreintes bien exécutées, afin que vous puissiez vous en servir. Et je vous rends mille grâces pour votre libéralité, disons mieux, pour votre prodigalité, car je ne puis qu'admirer cette grande affection que vous me témoignez et qui vous porte, vous si passionné de choses curieuses, à vous dessaisir pour moi de ces objes si rares. Je suis charmé que vous ayez reçu le dessin du mouvement perpétuel; il est fait avec vérité et dans l'intention sincère de vous communiquer le véritable secret. Il y a plus, quand vous serez en Provence et que vous en aurez fait l'essai, je m'engage, si vous n'avez pas réussi, à lever toutes les difficultés, peut-être même - mais je n'oserais pas encore vous en donner la certitude - j'obtiendrai de mon compère qu'il fasse faire ici un instrument complet avec la caisse, comme si c'était pour le tenir auprès de moi dans mon cabinet secret. Si je puis l'obtenir, je vous en ferai présent de tout mon coeur. Il ne manquera pas de moyens de vous le faire parvenir en Provence par l'entremise de quelques marchands, pourvu que vous ayez quelque correspondance à Marseille. Pour ce qui concerne le petit miroir, j'en parlerai avec ce même compère, pour voir si nous pourrions en construire un qui agrandisse davantage, sous un moindre volume, afin de pouvoir l'envoyer au loin avec plus de promptitude. Mes obligations envers vous sont telles que je voudrais pouvoir imaginer quelque petite chose qui fût dans mes moyens et qui pût vous être agréable. Le temps me manque pour vous remercier spécialement pour tous vos bons offices en ma faveur auprès de M. de Loménie, auprés de M. l'Abbé et de vos autres amis, pour vous remercier aussi de la vengeance que vous avez tirée de Chaduc et des blessures ou plutôt des coups de poignard que vous avez donnés dans son coeur sauvage et stupide, car il mérite de porter avec lui cette douleur comme châtiment de sa malhonnêteté.

Mais, pour en revenir à nos gemmes, celle qui me plaît extrêmement, c'est la diva vulva avec des ailes de papillon, mais je ne puis distinguer ce qui se trouve entre l'autel et l'ouverture de la vulve, qui est renversée; [219] je le discernerai probablement quand j'en aurai l'empreinte que je n'ai pu exécuter aujourd'hui à cause de mes nombreuses occupations, pas même en cire d'Espagne. Je ne puis m'imaginer pourquoi ils assimilent la vulve au limaçon si ce n'est peut-être à cause de l'ampleur de la coquille, qui est un réceptacle très étendu et se modifiant d'après son contenu, ou peutêtre aussi parce que c'est un animal visqueux et humide, dont les tentacules peuvent se comparer à la crête qui se dresse des deux côtés de la partie sexuelle de la femme lorsqu'elle est en chaleur. Je vous dis ceci entre nous librement; l'explication est peut-être cherchée un peu loin, mais le sujet est bien indécent; nous l'examinerons de plus près et à loisir. Je n'ai pas trouvé d'abord l'inscription que je désirais tant de voir et que je prise fort: Divus magnus majorum pater; elle est sur le revers de la cornaline et je l'ai bientôt découverte avec une vraie joie. Je suis au regret de ne pas comprendre, dans la Victoire de Nicomède, ces lettres ou ces notes: G. G. G. SV. qui se trouvent sur le bord inférieur de la gemme. Mais je regrette encore plus de ne pouvoir m'entretenir plus longtemps avec vous; il se fait tard, et quelques amis m'attendent pour souper avec moi. Je crois que vous avez confié à Monsieur Frarin la petite boîte avec vos médailles et la caisse avec les marbres, dont je ferais volontiers cadeau à quelque ami. Mais, s'il plaît à Dieu, nous verrons à notre retour ce que nous pourrons faire, et entretemps, je me recommande à vos bonnes grâces et de tout coeur je vous baise les mains à vous et à Monsieur de Valavès, priant le ciel de vous accorder un heureux voyage.

D'Anvers, le 3 août 1623.

Les jours me paraissent des années en attendant que vous soyez hors de Paris et que vous vous mettiez en sûreté; car, pour une contagion, le meilleur antidote c'est la fuite.

Je ne manquerai pas de servir l'Abbé comme il le mérite.

La Messaline m'est agréable, cependant je crains qu'elle n'ait été gâtée par l'agrandissement.

Je suis, Monsieur, votre très humble serviteur

Pierre Paul Rubens.


Au dos: «Monsieur Monsieur Louys Frarin pour la livrer à Monsieur de Peiresc Conseglier du Roy à la Cour du Parlement de Provence à Paris.»


De la main de Peiresc: «Rubens 3 août 1623. Réception des gemmes ithyphalliques. Mouvement perpétuel promis.»


[220] COMMENTAIRE.

C'est la première en date des lettres adressées par Rubens à Peiresc qui nous ait été conservée par un heureux hasard, toutes les précédentes ayant été détruites par les héritiers de Peiresc qui n'attachaient aucune importance à ces précieux documents.

La partie la plus intéressante de la lettre est celle qui se rapporte à la pierre gravée dont Rubens inséra le dessin dans son texte et dont il essaya de fournir une explication. Il y voyait une glorification de la fécondité féminine. Le 27 juillet précédent, Peiresc lui avait envoyé quatre camées ithyphaliques, l'une qu'il appelle celle de Nicomède, l'autre celle de Pâris, la troisième qu'il appelle la vulve déifiée et garnie d'ailes de papillon, la quatrième dont le sujet n'est pas indiqué, mais qui portait l'inscription: Le divin et éternel Phallus, le grand Dieu, Père de nos ancêtres. C'est de la troisième que Rubens donne le dessin sommaire. Il accepte l'explication fournie par Peiresc de la diva vulva et cherche à la justifier.

Dans la dissertation insérée aux Mémoires de l'académie de St-Pétersbourg, Koehler émit l'opinion et la justifie longuement que la troisième de ces pierres envoyées par Peiresc était fausse, tout aussi bien que celle qui portait l'inscription Divus magnus majorum pater. Selon lui, l'objet ayant la forme de bourse ou de cruche renversée n'est rien autre qu'un des vases dont étaient garnies les roues à godets, employées par les anciens Egyptiens pour puiser l'eau du Nil. De nombreuses pierres gravées portant d'un côté une figure semblable et de l'autre l'inscription [...] ont été conservées. Elles servaient d'amulettes et l'inscription était une formule magique employée contre l'une ou l'autre maladie. Le faussaire avait reproduit sur le camée dessiné par Rubens la cruche dans sa forme habituelle, avait transformé en autel les bâtons sur lesquels elle est ordinairement dressée et y avait ajouté les ailes qui devaient compléter la forme symbolique qu'il voulait donner à la figure. Dans sa lettre du 10 août 1623, Peiresc lui-même rapporte qu'il possédait plusieurs pierres gravées où la même figure, ressemblant à une bourse renversée, était représentée, mais toujours sans les ailes de papillon ou de mouche qui se trouvaient sur l'exemplaire envoyé à Rubens. Ce fait confirme pleinement l'opinion défendue par Koehler.

Par une singulière coïncidence, les pierres authentiques, dont celle-ci était une contrefaçon portent les noms d'Abraxas; le même qui est donné aux amulettes dont se servaient les Basilidiens et dont il est question dans la lettre de Peiresc du 10 août suivant, sans que ce dernier pas plus que Rubens voulût établir quelque rapport entre ces deux sortes de pierres gravées.


[221] CCCXLIV
PEIRESC A RUBENS.

Molto ill.

Ancora non son potuto uscire di Pariggi non senza molto mio ramarico, ma i negocii non me l'hanno permesso spero non dimeno di potere partire Lunedy con l'aiuto di S. D. Mta. In tanto ho ricevuto la gentilissima sua lettera delli 27, la quale me obliga sempre a nuovi ringratiamentj apprezzo la sua cortesia per tanti segni d'amorevolezza ch'ella mi va mostrando, della quale vorrei ben essere digno, et corrispondere all' opinione che V. S. ne ha. Ho caro che la storia fira sia stata di suo gusto et se la Valentina mi capitasse mai le ne farei parte molto volontieri come faro dalla Veneta subito che saro gionto a casa.

Poi che non le sono spiacciute le inscrittioni delle gemme itifalliche mi giova credere che le gemme istesse non haveranno havuto minor ventura di che staro aspettando suo parere, per vedere se la vista della vilita et piccolezza delle pietre non haveran sminuito l'opinione che V. S. ne poteva haver presa dispiacendomi che non siano cose piu degne di V. S. che legli haverei dedicato molto piu volontieri.

La nuova di que de Basilidiani di Seviglia non era ancora pervenuta sino a me et n'havessimo veduto molto volontieri l'editto. Ma in scambio habbiamo havuto qui certi altri sectarii nuovi della Rosea Croce, assai celebre in Germania, che forzi son gli medesimi di Seviglia, li quali volsero mettere per le strade certe carte o memoriali affissi alla mura nelle quali in quattro righe promettevano al mondo la noticia della divinità, et l'invisibilita delle persone a nome de' fratelli rosei di che si piglio informatione et si mise in priggione un certo Theofilo corteggiano sospecto d'Atheismo, al cui si va facendo il processo per altre cose pero non trovandosi prova ch'egli sia di que de Rosei.

Il Sr Gioly ha venduto la sua raccolta d'anticaglie al Sr di Fontenay, di che io non ho havuto tanto dispiacere, ben che il [222] nuovo padrone communichi assai mal volontieri le sue curiosita quando non fosse che per punitione de SSri Altino et Tristano gli quali andavano facendo i freddi nel trattato della compra delle medaglie restate a V. S. dicendo che speravano di haver quelle del Gioly ch'erano piu curiose et piu rare che le vostre et forzi che un giorno il Sre di Fontenay mettera ordine al suo studio et sara obbligato di lasciarlo vedere et godere gli amici piu facilmente che per il passato.

Mi dispiace ben che non si sian potuto ottenere i dissegni delli specchio, et del sistro, ma V. S. conosce la persona et per il 1° lo potremo havere da Roma, dove il SrAleandro n'ha ritenuto il dissegno, et per l'altro se non m'inganno mi pare che il Sr Cobergo havesse un dissegno di cosa molto simile; quando se gli facesse chiedere a mio nome forzi che lo lasciarebbe dissegnare.

Del resto il Paulo Parente ciarlatano et furbo il maggiore che sia mai stato al mondo me ha tenuto in incertezza sino alla vigilia della mia partenza. Finalmente, non potendo egli piu fuggire egli mi venne a vedere et dire che le sue robbe erano serrate tutte per causa della contaggione ma che io gli desse un memoriale di ciò ch'io vorrei del suo che a suo tempo egli mi farebbe risposta et poi come se fosse nato il proposito a caso, egli mi racconto che un antiquario di nostro paese haveva havuto voglia altre volte d'una sua medaglia di Vitellio di bronzo per la quale gli mando una testa di marmo di Tiberio d'eccelentissima maestria la quale egli accette assai malvolontieri ma al instanza de gli amici che ne lo pregarono egli si lascio persuadere a dar via sua medaglia. Il che mi faceva comprendere che s'io gli havessi specificato le cose che V. S. desiderava del suo studio, egli haverebbe tenuto un prezzo forzi maggiore del suo Vitellio, et poi non si sarebbe forzi ancora fatto niente di maniera ch'io giudicai piu a proposito di tacere et lasciarlo andare et questa sera ho fatto rincassare tutti li marmi di V. S. et ho mandato la cassa al Sr Ferrarino, al quale domani portaro la scatola delle medagliette. Con che per fine, etc. Di Pariggi, alli 3 Agosto 1623.

Io prego V. S. di giovarmi in un picciolo inconveniente, apprezzo il SrGevartio. Il Sr Salmasio mando altre volte al Sr Rigaltio una copia di Epigrammi latini antiqui non editi li quali mi furono mostrati, et forzi dati in prestido al detto Sre Rigaltio ben che non [223] mene ricordi benbene. Era qui allora il Sr Gevartio et se non m'inganno gli furono posti in mano o dal Sr Rigaltio o da me istesso, senza ch'io ne habbia mai poi inteso altro sin hora che il Sr Salmasio facendo instanza di rihaverli, il Sre Rigaltio me gli domanda a me et io non me ne ricordo piu. Di gratia intenda V. S. destramente dal Sre Gevartio s'egli ha mai visto o no c'erano dentrovi centoni della Medea di Ovidio il che dico per farlo ricordare, et c'erano ancora certi epigrammi del suo Manlio Theodoro (del secolo di esso) et se gli fossero restati in mano come io credo V. S. mi oblighera sommamente di procurarmene la restitutione accio di liberar la mia fede. Se sono passati per le mie mani ci sono stati si poco tempo che n'haveva perso la memoria, et se il Sre Gevartio gli ha portati via io credo che l'habbia fatto innocentemente fra altre sue carte, con intentione di valersene nel suo Manlio Theodoro et di farne poi la restitutione. Se per sorte V. S. gli potesse ricuperare, ella mi fara gratia d'inviargli quà al Sr Ferrarino et mettere il ricapito al Sr Melchiore Tavernier mercante d'imagini alla Rosa rossa nell' isola del Palazzo nel cantone della strada Harlay, il quale havera ordine di riceverlo et farlo ricapitare.

Il Sr Abbate e partito per Bourges et le bacia le mani mille volte.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 710.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «4 aoust. M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur,

Je n'ai pas encore pu sortir de Paris, à mon grand regret, mais mes affaires ne me l'ont point permis. J'espère du moins avec l'aide de Dieu pouvoir partir lundi. Entretemps, j'ai reçu votre très aimable lettre du 27 qui m'oblige à vous remercier de nouveau pour votre courtoisie qui se manifeste par tant de preuves d'amitié que j'en voudrais bien être digne [224] et répondre à l'opinion que vous avez de moi. Je me réjouis que l'histoire de Florence ait été de votre goût et si je rencontre jamais celle du Valentinois, je vous en donnerai volontiers des nouvelles, comme je le ferai pour celle de Venise, dès que je serai à la maison.

Quoique les inscriptions des gemmes ithyphalliques vous paraissent intéressantes, j'aime à croire que ces pierres elles-mêmes n'auront pas eu moins de succès. J'attends votre avis sur elles et suis curieux de savoir si le bas prix et la petite dimension des pierres n'ont pas diminué l'opinion que vous pouviez avoir d'elles. Je regrette que ce ne soient pas des choses plus dignes de vous que je vous aurais offertes bien plus volontiers.

La nouvelle des Basilidiens de Séville ne m'était pas encore parvenue et nous aurions bien volontiers vu l'édit les concernant. Mais par contre nous avons eu ici certains autres sectaires nouveaux de la Rose-Croix, assez célèbres en Allemagne, qui sont peut-être les mêmes que ceux de Séville. Ils songèrent à afficher sur les murs dans la rue certains papiers ou avis dans lesquels ils promettaient au public en quatre lignes la connaissance de la divinité et l'invisibilité personnelle et cela au nom des frères de la Rose-Croix. On s'est informé d'eux et on a mis en prison un certain Théophile, courtisan, suspect d'athéisme, auquel on va faire un procès d'un autre chef, puisqu'on ne trouve pas de preuve qu'il appartienne à la secte des Rose-Croix.

Monsieur Gioly a vendu sa collection d'antiquités à Monsieur de Fontenay, ce qui ne me déplaît pas trop, quoique le nouveau propriétaire ne communique pas volontiers ses curiosités. Je m'en réjouis quand ce ne serait que parce que Messieurs Altin et Tristan y trouvent leur punition. Ils s'en allaient faisant les indifférents quand il s'agissait d'acheter ce qui restait de vos médailles et disaient qu'ils espéraient acquérir celles de Gioly qui étaient plus importantes et plus rares que les vôtres. Peut-être aussi qu'il viendra un jour où Monsieur Fontenay mettra sa collection en ordre et sera obligé de la laisser voir et de satisfaire plus facilement ses amis que par le passé.

Je regrette bien qu'il n'ait pas été possible d'obtenir les dessins du miroir et du sistre, mais vous connaissez l'homme et quant au premier nous pourrons l'avoir de Rome où Monsieur Aléandre en a gardé le dessin; quant à l'autre, si je ne me trompe, il me paraît que Monsieur Coberger possédait un dessin d'un objet fort semblable. Si vous le lui faisiez demander en mon nom, peut-être qu'il permettrait d'en faire le dessin.

Du reste, Paul Parent, le plus grand charlatan et fourbe que le monde ait jamais vu, m'a tenu en suspens jusqu'à la veille de mon départ. [225] Finalement, ne pouvant plus me duper, il vint me trouver pour me dire que toutes ses marchandises étaient enfermées à cause de l'épidémie. Il me demanda de lui donner une note des pièces lui appartenant que je voudrais avoir, me promettant de me faire parvenir sa réponse à temps et puis, comme si la conversation tomba là-dessus par hasard, il me raconta qu'un antiquaire de notre pays avait eu envie l'autre jour d'une sienne médaille en bronze de Vitellius, en échange de laquelle il lui avait envoyé une tête en marbre de Tibère d'un excellent travail. Il était peu disposé, dit-il, à conclure le marché, mais il se laissa persuader par les instances de ses amis à se dessaisir de sa médaille. Il me fit comprendre que, si j'avais désigné les objets de sa collection que vous désiriez acquérir, il vous en aurait demandé probablement un prix supérieur à celui de son Vitellius, et puis il n'aurait peut-être rien voulu céder du tout; de façon que je trouvai plus à propos de me taire et de le laisser aller. Ce soir, j'ai fait remballer tous vos marbres et j'ai envoyé la caisse à Monsieur Frarin; auquel je remettrai demain la boîte des médailles. Sur ce, pour finir, etc. De Paris, le 3 août 1623.

Je vous prie de me venir en aide dans un léger embarras où je me trouve vis-à-vis de Monsieur Gevartius. Il y a quelque temps, Monsieur Saumaise envoya à Monsieur Rigault une copie d'anciennes épigrammes latines inédites qui m'ont été montrées et furent probablement prêtées à Monsieur Rigault, quoique je ne me rappelle pas exactement de ceci. Monsieur Gevartius se trouvait alors ici et, si je ne me trompe, elles lui furent données en main par Monsieur Rigault ou par moi-même. Je n'en entendis plus parler depuis lors jusqu'en ce moment. Maintenant Monsieur Saumaise désirant les ravoir, Monsieur Rigault me les redemande et je ne m'en rappelle plus. Veuillez vous informer habilement auprès de Monsieur Gevartius si jamais il les a vues ou non. Il s'y trouvait des centons de la Médée d'Ovide; je dis cela pour rafraîchir sa mémoire et il y avait aussi quelques épigrammes de son Manlius Theodorus de la même époque. S'il les a gardées, comme je le crois, vous me ferez le plus grand plaisir en me les faisant renvoyer, pourque je puisse les restituer au propriétaire. Elles ont passé par mes mains, mais je les ai gardées si peu de temps que j'en ai perdu le souvenir. Si Monsieur Gevartius les a emportées, je crois qu'il les a mises fort innocemment parmi ses autres papiers dans l'intention de s'en servir pour son Manlius Theodorus et de me les renvoyer ensuite. Si, par hasard, vous les retrouviez, vous me feriez plaisir de les envoyer ici à Monsieur Frarin et d'y mettre l'adresse de Monsieur Melchior Tavernier, marchand d'estampes, à la Rose rouge, dans l'île du Palais, au coin de la rue Harlay, qui a reçu l'ordre de les recevoir et de les remettre.

[226] Monsieur l'Abbé est parti pour Bourges et vous fait faire mille amitiés.


COMMENTAIRE.

Les hérésies basilidiennes. Basilide était un hérésiarque du second siècle, mort en 130 ou 131; il vécut à Alexandrie où il répandit ses erreurs. Pour expliquer l'origine du mal, il imagina des anges qui avaient été chargés de créer le monde et qui s'en étaient partagé l'empire. L'ange auquel appartenait le territoire, occupé par la nation juive, voulut soumettre tous les autres. Ceux-ci se liguèrent contre lui et persécutèrent les juifs. Dieu envoya son premier fils pour délivrer le genre humain, mais il remonta au ciel sans être reconnu par personne. Ce fut Siméon le Cyrénéen, dont le Christ avait pris la figure, qui fut crucifié à sa place. Basilide avait un symbole nommé Abraxas qui était une figure ou un talisman représentant le nombre 365, lequel, selon lui, plaisait le plus à la puissance créatrice, placée dans le soleil. Selon le système grec de numération, les lettres Abrasax ou Abraxas valent 365, a = 1, b = 2, r = 100, a = 1, s = 200 = a = 1, x = 60. L'Abraxas gravé des Basilidiens semble avoir représenté un torse humain avec une tête de coq, des pieds en forme de serpents, tenant dans la droite un fouet, dans la gauche un anneau renfermant une double croix. Cependant il se faisait de formes différentes. Toutes reproduisaient les divers attributs ou personnifications du soleil. Ce sont les pierres gravées dont parle ici Peiresc. Dans le livre de Jean Chifflet, Abraxas, un grand nombre de ces pierres sont reproduites. Le mot Abraxas passa des Basilidiens à toutes les sectes de la magie et de l'alchimie; le nom de pierres Abraxiennes fut donné plus tard à toutes espèces de gemmes aux figures et aux textes énigmatiques.

Les Rose-Croix. Les Rose-Croix étaient les membres d'une société secrète née en Allemagne au 17e siècle. Ils voulaient renouveler la face du monde en établissant une Eglise complètement réformée et un Etat où le bien-être règnerait pour les peuples et pour les individus. Ces idées furent développées pour la première fois par Jean-Valentin Andreae, né à Herrenberg dans le Wurtenberg, le 17 août 1586, mort à Stuttgart en 1654. Dans un grand nombre de publications en prose et en vers, il développa ses idées religieuses et politiques. En 1615, il publia à Cassel la Confession de la Société des Rose-Croix. En 1616, il fit paraître Chymische Hochzeit Christian Rosenkreuz. Il prétendait avoir découvert dans le tombeau d'un soi-disant Chevalier de Rosenkreuz les doctrines de ce gentilhomme qui, au quatorzième siècle, aurait visité l'Orient et aurait rapporté de là les mystères de la pierre [227] philosophale et de l'Elixir de la Vie. Le Chevalier Rosenkreuz (Rose-Croix) n'était autre que Jean-Valentin Andreae lui-même qui, par allusion à son nom, avait adopté comme sceau une croix de St-André, cantonnée de quatre roses avec l'exergue Crux Christi Corona Christianorum, symbole que les Rose-Croix adoptèrent comme leur insigne. En 1620, Andreae fonda «la Fraternité Chrétienne,» destinée à répandre ses idées de réforme qui tendaient à la régénération du Christianisme par la charité active. Sa Chymische Hochzeit était une fiction et conçue par lui comme une satyre des divagations des théosophes alchimistes de son temps.

La Société de la Fraternité Chrétienne conquit peu d'adhérents, mais les rêveurs mystiques de son temps s'emparèrent des utopies développées dans le livre du Chevalier de la Rose-Croix et fondèrent une secte qui les adopta comme sa doctrine. En 1622, un groupe de Rose-Croix se forma à La Haye avec des embranchements à Amsterdam et dans plusieurs villes d'Allemagne et d'Italie. Ils s'attribuaient toutes sortes de connaissances et de pouvoirs surnaturels et prétendaient se trouver sous la protection spéciale de Dieu. La secte mena une existence assez obscure, mais son nom revint à plusieurs reprises dans les Annales des sociétés secrètes réformatrices et dans le vocabulaire des charlatans et des illuminés du 18e et du 19e siècle.

Au moment où Peiresc et Rubens traitaient dans leurs lettres des Basilidiens et des frères de la Rose-Croix, l'époque des sectes mystiques qui s'étaient multipliées dans les premiers temps de la Réforme était loin d'être close. Non seulement en Allemagne, mais dans plusieurs autres pays, il en surgissait encore à tout instant. En France, les Rose-Croix, sous le nom d'Invisibles cherchaient à répandre leur doctrine; à Malines on en condamna comme magiciens; en Allemagne on les accusa de sorcellerie et on les pendit.

En 1623, dix mille personnes furent arrêtées en Espagne comme hérétiques. On les appelait «illuminés» (Alumbrados), et ils appartenaient évidemment à une secte de mystiques. L'Inquisition, effrayée de leur grand nombre, ne fit brûler vifs que sept des meneurs et une femme Beata; les autres furent condamnés à l'emprisonnement perpétuel. Ce ne furent d'ailleurs pas seulement les imposteurs et les illuminés de tout genre qui se prétendaient en commerce avec les pouvoirs surnaturels; le commerce avec le diable était admis comme un fait indéniable par les autorités ecclésiastiques et civiles, l'exorcisme était pratiqué partout, et les sorciers fournissaient aux tribunaux une bonne partie de leur clientèle habituelle.

Le courtisan Théophile qui fut mis en prison sous l'accusation d'athéisme est le poète français Théophile Viaud, né en 1590, à Boussères-Sainte- [228] Radegonde dans l'Agenois, d'une famille huguenote et noble. En 1619, Théophile fut accusé d'être l'auteur de quelques pièces de vers licencieux et satiriques et obligé de quitter sa patrie. Il se réfugia à Londres. Ayant obtenu la permission de rentrer en France, il se convertit au catholicisme. En 1622, il fut de nouveau accusé d'avoir publié des vers obsènes et sacrilèges et poursuivi criminellement. Son procès était pendant devant le Parlement au moment où Peiresc écrivait la présente lettre. Le 19 août 1623, il fut condamné par contumace comme criminel de lèse-majesté divine et humaine à être brûlé vif. La sentence fut exécutée en effigie; Théophile put s'enfuir, grâce à la protection du Roi et du parlement lui-même. Il fut arrêté, mené à Paris et mis en prison. Une nouvelle procédure fut tenue, et la sentence capitale changée en un simple bannissement de la capitale. Mais Théophile avait tant souffert en prison qu'il en contracta une maladie et fut emporté le 25 septembre 1625.

De Gilly, amateur d'antiquités et de médailles. Peiresc l'appelle: «l'homme de M. Cassagne.»

Fontenay (François-Olivier de), abbé de Saint Quentin de Beauvais, 1581-1636, grand amateur de livres, de médailles et de pierres gravées.


CCCXLV
RUBENS A PEIRESC.

Molto Illre sigre mio ossmo.

Mi sono sopragiunti tanti negotii hoggi che mi è impossibile di rispondere alla sua gratissima come dovessi, sed summa sequar fastigia rerum il resto bisognarà rimettere al ordinario prossimo. Per conto delle gemme io persevero a renderne a V. S. infinite gracie con animo però di restituirle a V. S. un giorno, e frà tanto la provederò delli impronti. Non mi ricordo d' haver visto in vita mia cosa alcuna più a mia sodisfattione. Il decreto della Inquisitione promulgato contra gli Basilidiani in Sevilla sarà difficile d' havere per adesso, non essendo arrivato in questa città se non un esemplar solo ch' io sappia; pur s' usarà ogni diligenza possibile per haverlo. La setta della Croce [229] Rosea é hormai vecchia in Amsterdam, e mi riçordo d' haver letto tre anni sono un libretto vulgato della loro compagnia, nel quale si descrive la vita et il sepolcro glorioso et misterioso del loro primo institutore, et tutti gli loro statuti et ordini, che non mi pare altro ch'una Alchimia, fingendo d' havere la Pietra Philosophica, et è in effetto una mera impostura. Il studio del sig. Golii mi move ancora la saliva quando ci penso, et buon prò faccia al sigre Fontané havendogli bastato l' animo di comprarlo. Haverò caro d' haver col tempo il dissegno dello specchio, se la copia è in Roma appresso il sigreAleandro; che in quanto al sistro credo si trovarebbe più facilmente Il sigre Cobergen stà fuori per le sue facende verso Wynokberga in Fiandra, ne tornarà così presto. La istoria del Paolo Parente mi pare ridiculosa e senza pari. Hoc enim est insanire potius quam delirare. Vada con le robbe in pace, si come il Chiaducque, ancora che se potrebbono attellar in un cocchio per un paio di bovi; mi dispiace solo degli gran travagli che V. S. se è presa con questa canaglia per amor mio. Io haverei servito volontieri V. S. hoggi nel particolare di quei epigrammi Latini non editi antichij, mà il sigreGevartio è absente, sendo andato à Brusselles per basciar le mani al sigre cardle della Cueva suo padrone, che si parte alla volta di Roma, chiamato dalla fattione Spagnuola per haver quel vuoto di più; onde se puo congetturar che questo conclave andarà in longo, non partendo lui per la posta, e pur crede d' arrivar à tempo non potendosi per scrutinium far massa de' voti. Il marchese Spinola si parte hoggi o domani verso Maestrich, ove si fà la piazza d' arme, non ostante che tratta ancora della trega sotto mano. Altro non hò per adesso per la gran strettezza di tempo, et per fine baccio a V. S. e al sigre de Valaves suo frattello con tutto il cuore le mani, pregandoli dal sigr Iddio un felicissimo viaggio.

Di Anversa alli 10 di Agosto 1623.Di V. S. Molto Illre
Serre affmo

Pietro Paolo Rubens.


Copie à la Bibliothèque Méjanès à Aix. M. S. 1029, pp. 185-186.

Une seconde copie se trouve dans le même Registre pp. 221-222.

Publié et traduit par E. Gachet, Lettres inédites de Rubens, p. 8.

Publié encore par Rosenberg, Rubensbriefe, p. 69.


[230] TRADUCTION.
RUBENS A PEIRESC.

Monsieur.

Il m'est survenu tant d'affaires aujourd'hui que je ne puis répondre à votre agréable lettre comme je le devrais, sed summa sequar fastigia rerum. Il faudra remettre le reste à l'ordinaire prochain. Pour ce qui est des pierres gravées, je vous en remercie toujours infiniment, bien résolu pourtant à vous les restituer un jour, et en attendant je vous en enverrai les empreintes. Je ne me souviens pas d'avoir vu de ma vie quelque chose qui m'ait fait plus de plaisir.

Il sera difficile de se procurer pour le moment le décret promulgué par l'inquisition contre les Basilidiens à Séville. On n'en a, que je sache, encore reçu qu'un exemplaire ici. Nous ferons néanmoins tout notre possible pour l'avoir.

La secte des Rose-croix est déjà ancienne à Amsterdam, et je me souviens d'avoir lu, il y a trois ans, un petit livre publié par leur société, dans lequel on trouvait la vie et la mort glorieuse et mystérieuse de leur premier fondateur, ainsi que tous leurs statuts et ordres. Je n'ai vu dans tout cela que des alchimistes, feignant de posséder la pierre philosophale, et c'est effectivement une pure imposture.

L'affaire de la collection de M. Gioly me remue encore la bile quand j'y pense, et grand bien fasse à M. de Fontenay qui a eu le courage de l'acheter. Je serai charmé d'avoir, à l'occasion, le dessin du miroir, si M. Aléandre en possède la copie à Rome. Quant au sistre, je pense qu'on le trouverait plus facilement. M. Cobergen est absent pour ses affaires. Il est maintenant à Bergues-St-Winnoc, en Flandre, et il ne reviendra pas de sitôt.

L'histoire de Paul Parent me semble d'un ridicule sans pareille. Hoc enim est insanire potius quam delirare. Qu'il aille en paix lui et ses nippes, aussi bien que Chaduc. On pourrait très-bien les atteler à un coche en guise d'une paire de boeufs. Je regrette seulement que par amitié pour moi, vous vous soyez donné tant de peine avec cette canaille.

Je vous aurais volontiers rendu dès aujourd'hui le service demandé au sujet des épigrammes latines anciennes inédites, mais M. Gevaerts est absent. Il s'est rendu à Bruxelles, pour prendre congé du cardinal della Cueva son patron, que le parti espagnol appelle à Rome, afin d'avoir une voix [231] de plus. On peut donc conjecturer que ce conclave traînera en longueur, car son éminence ne part point en poste et compte néanmoins arriver à temps, une majorité ne s'étant pas encore formée par le scrutin.

Le marquis Spinola part aujourd'hui ou demain pour Maestricht, où s'établit la place d'armes, ce qui ne l'empêche point de continuer sous main les négociations pour la trêve.

N'ayant rien de plus à vous écrire pour le moment, faute de temps, je vous baise les mains de tout mon coeur ainsi qu'à M. de Valavès, votre frère, et je prie Dieu qu'il vous donne un heureux voyage.D'Anvers, le 10 août 1623.De votre très illustre Seigneurie
l'affectionné serviteur

Pierre-Paul Rubens.


COMMENTAIRE.

Cette lettre est la réponse pour ainsi dire point pour point à celle de Peiresc du 3 août 1623. C'est la première des lettres de Rubens dont Emile Gachet dans ses «Lettres inédites de Rubens» donne la traduction. Nous conservons cette traduction en y apportant les retouches indispensables.

Le livre que Rubens a lu en 1620 est probablement La Noce chimique de Christian Rose-Croix, paru en 1616, dont nous avons parlé plus haut.

Cardinal della Cueva (Alphonse della Cueva), marquis de Bedmar, né en 1572, ambassadeur de Philippe III à Venise, y organisa, en 1618, une conspiration contre l'indépendance de la république et dut se sauver quand ses menées perfides furent découvertes. En 1622, il fut nommé cardinal et envoyé dans les Pays-Bas espagnols comme président du Conseil. Il s'y rendit tres impopulaire et dut être rappelé. Il se retira à Rome où il mourut le 2 août 1655, après avoir obtenu successivement l'évêché de Palestrine et celui de Malaga.

L'élection du pape qui eut lieu en 1623 fut celle d'Urbain VIII. Son prédécesseur, Grégoire XV, mourut le 8 juillet de cette année, lui-même fut élu le 6 août. La prévision de la longue durée du Conclave ne se réalisa donc pas et, si le 10 août le cardinal della Cueva venait de se mettre en route, la faction espagnole avait songé un peu tard à faire appel à son vote.


[232] CCCXLVI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre

Havera ancora V. S. questa mia lettera da Pariggi non senza qualche dispiacere d'esservi stato ritenuto sin adesso per la morte del primo Presidente della Corte dei Conti di Provenza mio parente, il cui officio me bisognato domandare per un altro Signore parente del defonto et mio di cui il primogenito ha sposato mia sorella unica, a cui fine son stato astretto di tardare di andare in Corte, et di solicitare quel negotio, il quale con l'aiuto d'Iddio e riuscito conforme al voto et per gionta di consolatione, ho ricevuto la sua lettera del 3° stante mezzo del Sr Ferrarino. La quale m'ha rallegrato sommamente vedendo di havere appunto incontrata occasione di presentarle cosa non ingrata sendomi stato carissimo di vedere che le 4 gemme inviatele siano di tanto suo gusto. Io temo che V. S. non accrescia un poco la dimostratione di sua sodisfattione piu per amore di suo servitore che per merito del presente. Vorrei poterne trovare di piu pretioso et piu degno di lei che le ne farei il dono con molto maggior gusto. Ma, di gratia, pensi mai V. S. a rimandarmi altro che gli impronti soli che s'ella mi rimandasse gli originali io gli rimandaro subito a V. S. et se sapessi chella facesse difficolta a ricevergli io gli gettarei nel fiume sicuramente, non volendo che sianno in possesso d'altro che di V. S. in quanto potra dipendere di mia authorita, et questo basti per sempre se le piace. Per gli impronti, havero caro di ricevergli a suo tempo, senza prejudicio della proprieta di V. S. nelle originali che e irrevocabile per conto mio, se V. S. non gli vuol dar via a quale altro suo amico qualsi voglia, quando non le stimasse degne del suo studio, per che non ritornino da me che le ne fo dono tanto volontieri.

Io pensava haverle scritto la mia congiettura intorno alle lettere scolpite sotto l'anello, laquale mi venne in mente a caso mentre il Chaducq teneva la pietra in mano, cioe G. G. G. SV. per GALLIIS SVBACTIS, vel GALLIARUM SUBACTOR, che fu subito appro [233] vato da detto Chaduque con grand applauso ma forze che si ha da riferire a cosa diversissima di quella. Quanto alla Dea vulva io lo devo havere fra le mie gemme in Provenza una centinaia di tagli spettanti all' heresie Basilidiane o gnostiche et altre simili fra le quali parecchie volte si vede scolpita la vulva nella medesima forma che sta in questo taglio, cioe come una borza posta sotto sopra ma però senza quelle ale di papilioni o di mosca le quali io non ho mai visto se non in questo intaglio solo che mi ricordi. Et cio che V. S. trova strano fra la bocca della borza et l'altare, si vede in tutti quel intagli ch'io dico a V. S. et io ho sempre congietturato che fossero le sellule diverse nelle quali si riceve il semine masculino et che que' raggietti dei lati siano i nervi, cotiledoni, o ligamenti della vulva. Ma questo io protesto darlo quasi a caso per non essere prattico nell' anatomia et molto manco in quelle parti a me ignotissime che in ogni altra.

Del motivo dell' usanza di por il Limazzone per il sesso femineo, io trovo molto piu stranno il silentio degli authori antiqui, et piu difficile de renderne raggione che di trovare qualche probabilita in tal comparatione, le raggioni di V. S. parendomi fortissime et non aliene del senso commune per quella viscosita et per la tardita del moto ma per quelle criste io confesso che non era cosa di mia notitia ma non havere havuto in pensiero tal effetto di natura, che a V. S. con la sua professione non doveva essere ignoto, havendolo inteso da lei volontieri come ogni altro suo concetto, li quali non puonno essere se non nobilissimi in quasi voglia soggietto et atto che s'attachino. Io non so se potrei ancora havere qualche ventura da non spressarsi ma un gentilhuomo mio amico di Bordeaux facendomi gran instanza di andare allogiare in casa sua a Bordeaux hora in questo mio viaggio mi disse che uno suo fratello giovane haveva certe anticaglie che sarebbono a mio commando, et havendo inteso far mentione di questo genere di tagli itifallichi, mi dice che suo fratello haveva una gemma nella quale si vedeva una corona o guirlanda tutta carica di questi frutti, la gemma era tutta piena di lettere ch'egli non haveva tentato di leggere. Io non so come V. S. ne ricevera l'avviso, ma certo ch'io sto in grandissima impatienza di haverne la vista, et che mi tardara non poco d'arrivar a quella volta, per vedere se visi [234] potrebbe imparare qualche nuovo concetto, che facesse arrabiare il nostro ingratissimo vecchietto, in cui caso V. S. ne havera molto presto l'avviso et le parti che le se conviene. Del resto ho da renderle infinite gratie della speranza che V. S. mi lascia di potere un giorno vedere lo stromento intiero del moto perpetuo, che certo io non posso havere gran speranza di farlo fabricare in mio paese, dove i vetrari non habitano se non in mezzo alle selve, et sono assai goffi. Se V. S. puo ottenere questa gratia dal suo compadre io la stimaro infinitamente se pure mi sara lecito di pagare il costo degli artefici, che non restara sminuito l'obligo mio verzo le SSre Vre. In tanto io le ne resto con il medesimo obligo che le haverei doppo l'effetto successo si come anco dell' occhiale. Et per conto della vettura io credo che sara facillissima per via del mare soppra le navi che vanno di Hollanda a Marsiglia dove si puo fare il ricapito al Sr Gasparo Seguiran che havera cura di pagare il porto et farmi condurre a salvamento la cassetta in Aix et io cercaro in scambio qualche possa essere di suo gusto.

Il Signor Abbate partii la settimana passata per Bourges. Io non posso partire prima di Lunedy prossimo, giovante il Sgre Iddio, per levarmi di quest' aria infetto et conservare la persona di un suo servitore accio se le possa dare qualche piu degno effetto del mio amore et della mia dispositione a servirla. Con che, etc.

Di Pariggi alli 10 Agosto 1623.

Non bisogna omettere d'avisare V. S. che volsi fare improntare ultimamente una mezza dozzina delle medaglie dello scatolino, accio che se con questa contaggione corresse qualche rischio dello scatolino, non fossi frustato al meno delli impronti ma si come non m'era stato sicuro ne lecito d'impiegarvi alcuno improntatore di que che solevano far destramente, cosi mi riusci pessimamente l'opera di colui a cui haveva ricorso di maniera che volendo consignare lo scatolino al Sr Ferrarino, prima che sigillarlo io mi diedi una licenza forzi degna di grandissimo biasimo sendomi risoluto di ritenere appresso di me tre medagliette d'argento di quelle mezzane barbare che hanno certi scoffioni in testa assai bizzarri et fra le piccioline di metallo cavate da quelle che non erano state appreciate dal SrRoccox ne tolsi altre tre l'una delle quali di Laodicea con la teste d'Attido delle quali [235] io voglio mandare un impronto al Sr Pignorio, con la buona gratia delle S. S. V. V. Et quando per disgratia, il Sr di Lausone non effectuasse la promessa, mi sara facilissime di rimandarle tutte sei fidelmente et securamente a V. S. di Provenza, di che bisognera che siamo risoluto assai a buon hora per haver tempo di rimandarle a V. S., prima che le capitano le altre restate qui.

S'io ho fatto errore faro la penitenza che mi sara ingionta ma ho disposto della robba di V. S. o delli suoi amici, con quella liberta ch'io vorrei ch'ella disponesse della mia et di quella di miei amici. Il che ho fatto con qualche ardire, con la risolutione firma ch'io ho di restituirle fidelisste nel caso che occorra la restitutione stipulata et che la dispositione divina si arrivasse caso funesto di contaggione, che Dio guardi in casa del Sr Ferrarino credo che queste medagliette restatemi non correbbono tanto rischio come lo scatolino che se V. S. o li SSri Roccox et altri socii, ci trovano difficolta, avisandomene V. S. io lo rimanderò in Anversa a V. S. subito que sarò giù in Provenza et che havro l'avisi.

Mando a V. S. il discorzetto del Sr Pignorio sopra la mano gieroglifea, et insieme certi articoli di questa setta rosea, che si sono trovati in camera d'uno ch'era fuggito, dove ce della passia, et balordaggine stupenda con que lor mysterii cabalistici et alchimici. Da qui avanti il Sr Ferrarino havera cura di ricevere qualche lettera di V. S. et di mandarmele a Bordeaux cioe quelle che giongeranno quivi questo mese, quant'alle altre bisognera che si degnino inviarle a Marsiglia al Sr Gasparo Seguiran il quale me le fara capitare a casa et pagara i porti.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, V. 711 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «10 août. M. Rubens avec le Pignorius et les fr. Roses. Sous la même date, Peiresc annote: «Baillé la boitte des médailles du duc d'Arscot à M. Ferrarin, luy ayant envoyé 8 jours auparavant la caisse des marbres de M. Rubens.»


[236] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Je vous écris encore celle-ci de Paris, non sans regret, d'avoir été retenu ici jusqu'à présent par le décès du premier président de la Cour des Comptes de Provence, un mien parent, dont je dois demander la place pour un autre parent du défunt et de moi-même, son fils aîné ayant épousé ma soeur unique. Dans ce but, j'ai été obligé de rester ici, d'aller à la Cour et de solliciter dans cette affaire qui, avec l'aide de Dieu, s'est heureusement terminée. En guise de consolation, j'ai reçu votre lettre du 3 courant par l'intermédiaire de Monsieur Frarin. Elle m'a causé le plus vif plaisir en me prouvant que j'ai trouvé l'occasion de vous présenter des objets qui étaient les bienvenus; j'ai été fort heureux de voir que les quatre gemmes que je vous ai envoyées vous plaisent tant. Je crains que vous n'exagériez quelque peu l'expression de votre satisfaction plus par amour pour votre serviteur que pour la valeur du présent. Je voudrais bien pouvoir en trouver un plus précieux et plus digne de vous et vous l'offrirais avec beaucoup plus de plaisir. De grâce, ne songez jamais à me renvoyer autre chose que les seules empreintes; si vous me renvoyiez jamais les originaux, je vous les réexpédierais aussitôt et si je savais que vous fassiez difficulté de les recevoir, je les jetterais sans aucun doute à l'eau ne voulant pas qu'ils soient la propriété d'un autre que de vous, pour autant que cela dépend de moi: ceci dit, n'en parlons plus jamais, s'il vous plaît. Quant aux empreintes, je les recevrai volontiers en temps voulu sans préjudice de la propriété des originaux qui vous appartient irrévocablement, à moins que, les jugeant indignes de votre collection, vous ne vouliez les donner à un autre de vos amis, pour qu'ils ne me retournent pas à moi qui vous les offre de si bon coeur.

Je pensais vous avoir écrit ma conjecture concernant les lettres gravées sur l'anneau; elle me vint à l'esprit tout à coup pendant que Chaduc tenait la pierre en main, notamment que G. G. G. SV. signifie GALLIIS SVBACTIS ou GALLIARVM SVBACTOR. Cette explication fut immédiatement approuvée avec grand empressement par Chaduc, mais il se peut bien que la signification soit toute autre. Quant à la Dea vulva, je dois avoir parmi mes gemmes en Provence une centaine de ces pierres gravées se rapportant aux hérésies Basilidiennes ou gnostiques et autres semblables, [237] parmi lesquelles s'en trouvent plusieurs où l'on voit sculptée une vulve de la même forme que sur votre pierre, c'est-à-dire comme une bourse posée le fond en haut, mais sans ces ailes de papillon ou de mouche, que j'ai vues seulement, pour autant que je me rappelle, sur cette pierre gravée. Et, ce que vous trouvez d'étrange entre l'ouverture de la bourse et l'autel se voit dans toutes les pierres gravées dont je vous parle; je l'ai toujours tenu pour les diverses petites cellules dans lesquelles se déverse la semence mâle, j'ai supposé que les rayons latéraux sont les nerfs, les cotylédons ou les ligaments de la vulve. Mais je vous préviens que je donne ces conjectures un peu au hasard n'étant pas versé dans l'anatomie et plus ignorant dans cette science que dans toute autre.

Quant au motif de l'usage de prendre le limaçon pour l'emblème du sexe féminin, je trouve beaucoup plus étrange le silence des auteurs anciens et plus difficile d'en donner la raison que de trouver quelque probabilité dans une pareille comparaison. Vos raisons me paraissent très sérieuses et concordant avec le bon sens quant à la viscosité et à la lenteur du mouvement. Mais quant à ces crêtes, je confesse que ce n'est pas chose de ma compétence; je n'ai jamais songé à cet effet de la nature que votre profession doit vous avoir fait connaître, et j'ai appris avec plaisir vos explications qui ne peuvent être que fort intéressantes sur tout sujet et acte dont vous traitez. Je ne sais si je ne pourrais me féliciter de ne pas m'être pressé, mais un monsieur de mes amis à Bordeaux insiste beaucoup pour que je vienne loger chez lui à mon prochain voyage; il me dit que son jeune frère a des antiquités qui sont à ma disposition. Ayant entendu parler de ces gemmes ithyphalliques, il me dit que son frère avait une pierre gravée où se voyait une couronne ou guirlande entièrement chargée de ces fruits, la gemme était toute couverte de lettres qu'il n'avait pas essayé de lire. Je ne sais comment vous en recevrez des nouvelles, mais il est certain que je suis dans la plus grande impatience de voir ces pièces et qu'il me tarde beaucoup d'arriver pour voir s'il n'y a pas moyen de recueillir quelque nouveau renseignement qui fasse enrager notre vieil ingrat. Dans ce cas, vous en recevrez le plus tôt possible l'avis et les parties à votre convenance.

Enfin, j'ai encore à vous remercier infiniment de l'espoir que vous me donnez de pouvoir un jour voir en son entier l'instrument du mouvement perpétuel, que certes je ne pourrai jamais espérer sérieusement faire fabriquer dans mon pays, où il n'y a de verriers qu'au milieu des bois et où ils sont fort maladroits. Si vous pouvez obtenir cette faveur de votre collaborateur, j'en serai infiniment satisfait, à condition toutefois qu'il me sera permis de payer le prix de l'appareil, ce qui ne diminuera en rien l'obligation [238] que je vous aurai. D'ailleurs, je vous reste tout aussi obligé que je le serais après la réussite, tout comme de la lunette. Et, quant au transport, je crois qu'il se fera le plus facilement par mer sur un navire allant de la Hollande à Marseille. Dans cette dernière ville, vous pourriez l'adresser à Monsieur Gaspard Séguiran qui aura soin de payer le port, et de me faire apporter la caisse à Aix. Je chercherai à vous procurer en échange quelque chose à votre goût.

Monsieur l'Abbé est parti la semaine dernière pour Bourges. Je ne puis partir avant lundi prochain, s'il plaît à Dieu, pour échapper à cet air infect et pour conserver la personne de votre serviteur, afin que je puisse vous donner quelque preuve plus digne de mon affection et de mon désir de vous être agréable. Sur ce, etc.

De Paris, le 10 août 1623.

Je ne dois pas oublier de vous informer que j'ai voulu, au dernier moment, faire prendre l'empreinte d'une demi-douzaine des médailles de la cassette, afin que si par ce temps d'épidémie la boîte court quelque risque, nous ne soyons pas au moins sans avoir des empreintes. Mais, comme je n'étais pas sûr de trouver ici pour cette besogne aucun des preneurs d'empreintes qui ont l'habitude de faire adroitement la besogne, et que celui auquel j'avais eu recours a très mal réussi ce travail, j'ai pris, au moment de remettre la boîte à Monsieur Frarin et avant de la sceller, la liberté, digne peutêtre du blâme le plus énergique, de garder devers moi trois petites médailles d'argent, de ces pièces barbares sur lesquelles les têtes sont coiffées de bonnets fort bizarres et parmi les toutes petites médailles en métal, j'en ai pris trois autres qui paraissaient peu importantes à Monsieur Rockox. L'une de celles-ci est une Laodicée avec la tête d'Atys dont je désire envoyer une empreinte à Monsieur Pignorius, si vous voulez bien me le permettre. Et si, par malheur, Monsieur de Lauson n'exécutait pas sa promesse, il me sera très facile de vous les renvoyer toutes les six de la Provence, fidèlement et sûrement, ce à quoi nous devrons nous résoudre de fort bonne heure pour avoir le temps de vous les renvoyer avant que les autres qui sont restées ici vous arrivent.

Si j'ai mal fait, je ferai la pénitence qui me sera imposée, mais j'ai disposé de votre bien ou de celui de vos amis avec la même liberté avec laquelle je voudrais que vous disposiez du mien ou de celui de mes amis. Je l'ai fait avec quelque hardiesse, étant fermement résolu à vous rendre le tout très scrupuleusement si l'on exigeait la restitution. Si la volonté de Dieu était que quelque cas funeste d'épidémie devait se produire dans la maison de Frarin, ce dont le ciel nous préserve, je crois que les petites [239] médailles que j'ai gardées ne courent pas un risque aussi grand que la boîte. Si vous ou Monsieur Rockox et les autres copropriétaires faisiez quelque difficulté, vous voudrez bien m'en aviser, je vous les renverrais à Anvers aussitôt après mon arrivée en Provence et au reçu de votre avis.

Je vous envoie le petit mémoire de Monsieur Pignorius sur la main hiéroglyphique et en même temps quelques écrits concernant la secte des Rose-Croix, que l'on a trouvés dans la chambre d'un fugitif, où se montre la sottise et la stupidité étonnante de leurs mystères cabalistiques et alchimiques. Dorénavant, Monsieur Frarin aura soin de recevoir vos lettres et de me les envoyer à Bordeaux, c'est-à-dire celles qui arriveront ici dans dans le courant de ce mois. Pour les autres, il faudra avoir la bonté de les envoyer à Marseille à l'adresse de Monsieur Gaspard Séguiran qui me les fera parvenir et paiera le port.


COMMENTAIRE.

Le parent de Peiresc pour lequel celui-ci demanda la place de premier président de la Cour des comptes de Provence, était Antoine de Séguiran, dont le fils Henri de Séguiran épousa la soeur consanguine de Peiresc, Suzanne de Fabri. Antoine de Séguiran obtint cette place; il ne l'occupa que pendant deux ans; en 1625, son fils Henri, le beau-frère de Peiresc, lui succéda.

Gaspard Séguiran était le frère de Henri Séguiran, et Jésuite.

Le Mémoire de Monsieur Pignorius sur la main hiéroglyphique. L'écrit de Pignorius que Peiresc envoie à Rubens est une dissertation faite par le savant archéologue italien à l'occasion d'une antique main d'airain trouvée à Tournai. L'opuscule fut publié par les soins de Peiresc à Paris, en 1623, sous le titre de Magnae Deum matris Idae et Attidis initia ex vetustis monumentis nuper Tornaci Nerviorum erutis.


[240] CCCXLVII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ille

Queste due righe con il piede alla staffa sonno solamente per avisare la ricevuta della sua ultima del 10. stante et dire che se non accettasse le gemme, non potrei far capitale del suo affetto ma forzi che non le trova degne della sua curiosita in cui caso in ogni modo io non desidero che ritorni mele, me ne mancara alcuna, anzi che le dia a qualche suo amico.

Ho scritto in Roma per vedere se si potra trovare dissegno di un specchio come quello del Sr Gioly havendo inteso che la compra del suo studio si e fatta a credito al pretio di mille schudi, delli quali si paga l'interesse. L'ordine ch'io ho dato a V. S. per ricapito al Sr Taverniere e piu tosto per il libro del Goltzio o altra robba di volume che per le lettere, lequali anderanna molto piu prontamente per li corrispondenti del Sr Ferrarino, che del Taverniere il quale non ha commercio tanto frequente.

Io parto hoggi con l'aiuto del Sre non havendolo potuto prima per li ritardamenti avenuti dal negotio di mio cognato che ritorno l'altro hieri per la terza volta di Provenza. Hora me ne son sbriggato et andro pensando in che maniera potrei far nascere qualche occasione di servirla in Provenza. Con che per fine, etc.

Di Pariggi alli 18 Agosto 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 704 v°. La lettre se trouve copiée une seconde fois dans le même registre p. 713 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «18 août. M. Rubens.»


[241] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Je vous écris ces deux lignes, le pied dans l'étrier, uniquement pour vous accuser réception de votre lettre du 10 courant et pour vous dire que si vous n'acceptez pas les gemmes, je ne pourrai plus compter sur votre amitié. Mais peut-être que vous ne les trouvez pas dignes de votre attention; dans ce cas, je ne désire d'aucune façon que vous me les renvoyiez puisqu'aucune ne me manquera,. mais plutôt que vous les donniez à l'un ou l'autre de vos amis.

J'ai écrit à Rome pour voir si on pourrait trouver le dessin d'un miroir comme celui de Monsieur Gioly. J'ai appris qu'il a vendu sa collection à crédit au prix de mille écus dont on lui paie l'intérêt. L'arrangement que je vous ai fait connaître au sujet de l'adresse de Monsieur Tavernier se rapporte plutôt au livre de Goltzius ou à l'envoi de quelqu'autre colis volumineux qu'aux lettres, qui me parviendront beaucoup plus rapidement par les correspondants de Monsieur Frarin que par ceux de Tavernier, qui n'a pas de relations aussi fréquentes.

Je pars aujourd'hui avec l'aide de Dieu, n'ayant pu le faire à cause du retard survenu dans l'affaire de mon beau-frère qui est revenu avant-hier pour la troisième fois de Provence. Aujourd'hui, je suis enfin libre et je partirai en pensant à la manière dont je pourrai faire naître en Provence quelqu'occasion de vous rendre service.

Sur ce, je finis, etc.De Paris, le 18 août 1623.

[242] CCCXLVIII
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illre.

La cortesissima lettera di V. S. delli 12 Agosto mi capito in Bordeaulx questi giorni et mi recò non poca consolatione. Ma stava fuori della città il padron dell' intaglio accennato et io non voleva partire senza haverne almeno la vista. Finalmente Dio celo condusse, l'istesso giorno ch'io haveva da partire et per far la cosa piu breve (che la storia sarebbe troppo grande) io non lo potei vedere senza essere toccato ben accanto, non tanto per mio gusto proprio quanto per quello di V. S. laquale ci havera da trovare qualche trattenimento non ingrato. Il maggior diffetto ch'io ci trovi è della concorrenza di tante singolarita, che l'hanno da rendere raccommandato con quelle inscrittioni le piu esquisite lequali io habbia ancora trovate in alcune gemme, et lequali mi farebbono credere che la gemma in individuo fosse stata altre volte in possesso della sua Messalina senza che mi par troppo vile, et di troppo goffa maestria, per quel secolo et per una si gran principezza, se pur non hanno havuto qualche superstitione d'intagliarla in uno giorno solo, o in qualche momento preciso. Il cui diffetto mi faceva quasi dubitare dell' antiquità. Io ho fatto molto diligenza in quel poco tempo che mi restava, per penetrare onde ella veniva, ma non ho havuto certezza che vaglia se non che il padrone l'hebbe d'un suo parente ch'era stato syndico della citta di Bordeaulx il quale è morto. E ben vero che si trovarono gia alcuni anni in questa citta tre figure di marmo bellissime due di senatori Romani ma senza teste, et una di donna con la testa laquale si e creduta una Messalina, et laquale veramente somiglia non poco il suo Cameo, senza quel mento ritorto, et con il suffo della capellatura sul fronte simile alla medaglia d'oro, ma la trezza pendente dietro e, come l'uso di quel secolo, et come nel suo cameo. Et cio che diede occasione alla congiettura furono duoi frammenti d'inscrittione l'uno al honore di Claudio Imp. Cos. II (che è il tempo della Messalina) et l'altro al honore di Druso, che giudicarono essere padre di detto Claudio [243] con che dicono che si trovarono medaglie di Claudio et di detta Messalina, lequali passarono in mano del maiore et giurati o sindici di questa citta ch'ebbero la curiosita di far collocare dette statue nel palazzo publico dove si veggono ancora con detti fragmenti, ma la pioggia gli ha guasti et quasi scancellati del tutto. Io m'andai a vederli un poco tardi et con qualche disgusto di non havergli considerati meglio. Se ne fa mentione dietro il cronico di Bordeaulx, stampato questi anni addietro. Ho dato ordine di far dissegnare la testa di quella statua, mi dispiace d'essere stato costretto di partire in fretta, per non mancare d'esser in Provenza, all' apertura del nuovo Parlamento, il primo d'Ottobre. Basta che il padron della gemma voleva farmi credere, che fosse stata ritrovata nel medesimo luogo delle statue, un anno o duoi doppo delle statue, di che io non pretendo rendermi cautione. E ben vero che se V. S. stima che quella gemma le sia di qualche ventura, io non stimo meno una picciola plasma che mi costò hieri un scudo da un orifice assai meschino nella quale e scolpita la barca di Jona con la balena, e l'inscrittione [...] della quale io son veramente quasi altretanto invaghito quanto e V. S. del suo cameo di Messalina che non m'era ancora accaduto di trovare quella inscrittione in gemme antique benche fosse tanto celebre nella primitiva chiesa, et io non l'haverei applicata in quel senzo et in quel soggietto, senza veder questo intaglio. V. S. n'havera l'impronto, tale quale si e potuto fare cosi in fretta et se ben sono tutti imperfetti, voglio nondimeno credere, che cio che manchera in alcuni si trovera et si potra suplire negli altri et che V. S. non trovera ch'io habbia fatto cattiva scielta, dispartendo con V. S. questo spoglio di Bordeaulx di queste due gemme, serbandomi la cristiana et dandole a lei per la sua parte, la pagana. Vorrei pero che fosse qualche cosa di piu gentile, per assortire le altre sue gemme, degne di piu nobile compagnia che non puo l'essere questa corniola tanto goffa. La prego nondimeno di mandarmene un impronto ben fatto a sua prima commodita che la cera d'Ispagna non basta a dar sodisfattione a curiosi, si come di Provenza io le manderò un impronto ben fatto del Jona. Et se posso far eseguire il secreto delli smalti, le ne manderò un impronto di smalto all' antiqua. Del resto mi par ben una sorte raccommandabile, ch'in medesimo tempo ch'io ho dato aviso a V. S. della corona (ch'io [244] non sapeva ancora dovere appartenere a Messalina) V. S. n'habbia inteso mentionare una altra con quella inscrittione de JVLIA VICTRIX, della quale io vedero molto volontieri l'impronto se sara di persona capace di obligare galanthuomini, per vedere, se vi sara alcuna conformita de concetti.

Quanto alla Lumaga veramente l'imaginatione di V. S. m'appaga del tutto et io non ci vorrei aggiongere altro, che cio che si dice di quella concha Veneris o porcellana laquale non si scosta troppo della figura del sesso feminile et io voglio usare diligenza di farne pescare ne' nostri mari per vederla con l'animal vivente et osservarne la forma et positura.

Cio che V. S. dice dell' Attide del Sgr Pignoria e tanto forte ch'io vorrei credere, che un hermafrodito havesse pigliato l'habito et la thiara Phrygia di Attide per trasfigurarsi un poco. Io ho visto l'originale che era bello con gli bechi la collana il cingulo, et gli bottoni a fibule rimesse d'argento et con bellissima pattina antiqua.

Ho havuto una relatione minutissima di tutti gli interrogatorii fatti dagli inquisitori alli Adombradi o Denudi di Lisbona dove sotto specie di congregatione, et di pietà, si veggono sporchezze nefandissime. Se V. S. non gli ha le ne faro parte di Provenza, insieme della commissione del vescovo inquisitore.

Le rendo gratie infinite del suo parere intorno alli Rosei, contra liquali il padre Garasso fa stampare un libretto bellissimo che non e ancora venuto fuori almeno mentre io stava in Pariggi. Ho visto volontieri la particolarita della bataglia contra Halberstat. Mi manca la carta et in questo momento s'approssima il luogo di Cadillac, dove io mene vo sbarcare per continuare il viaggio sopra i miei cavalli, havendo scritto la presente, con qualche quiete in barca venendo da Bordeaulx senza la cui commodità mi sarebbe stato difficile di sodisfare a questo debito come si conveniva. Un gentilhuomo che m'e venuto accompagnar sin qui, porterà questo plico al Sgr Fiani per inviarlo al Sr Ferrarino. Prego Iddio che vada salvamente. Con che le bacio le mani di tutto il cuore. Di barca su la Garonna vicino a Cadillac, alli 17 Settembre 1623.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 714. [245] Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «17 septembre, de Cadillac. A M. Rubens avec la corniole de Messaline.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Votre lettre très aimable du 12 août m'est parvenue à Bordeaux ces jours derniers et m'a apporté une grande consolation. Mais le propriétaire de la gemme signalée habitait hors de la ville et je n'ai pas voulu partir sans au moins l'avoir vue. Finalement, le jour même où je devais partir, Dieu le conduisit ici et pour être bref (car l'histoire serait trop longue à raconter en détail) je n'ai pu voir la pierre gravée sans être touché vivement, non pas tant par le plaisir que cela me faisait que par celui que vous éprouverez à trouver quelque chose d'intéressant. La plus grave difficulté que j'y ai trouvée c'est la coëxistence de tant de détails qui en font le prix avec ces inscriptions, les plus remarquables que j'ai découvertes sur aucune pierre gravée. Elles me feraient croire que la gemme qui ne me paraît pas trop insignifiante et de travail trop grossier pour ce siècle et pour une si grande princesse, a été plusieurs fois en possession de Messaline, à moins qu'on n'ait été assez superstitieux pour les tailler en un seul jour et à un moment précis. Cette difficulté me fit presque douter de son antiquité. Je me suis donné beaucoup de peine pendant le peu de temps qui me restait pour découvrir d'où elle provenait, mais je n'ai pas trouvé d'autre indication sérieuse sinon que le propriétaire la tenait d'un de ses parents qui avait été syndic de la ville de Bordeaux et qui est mort. Il est bien vrai que, passé quelques années, il se trouvait dans cette ville trois très belles figures de marbre, deux de sénateurs romains, mais sans tête, et celle d'une femme avec une tête que l'on croyait être celle de Messaline, et qui réellement ressemblait beaucoup à son camée, sans avoir le menton tordu et avec la touffe de cheveux sur le front, mais la tresse pendante dans la nuque comme c'était la mode de l'époque et comme on le voit sur le camée. Ce qui a donné lieu à la conjecture furent deux fragments d'inscriptions, l'une en l'honneur de l'empereur Claude, consul pour la seconde fois (ce qui se rapporte au temps de Messaline) et l'autre en l'honneur de Drusus que l'on croit être le père de Claude. On dit qu'en même temps que ces statues l'on trouva des médailles de Claude et de Messaline qui passèrent dans les mains du mayeur et des jurés ou syndics de cette ville. Ceux-ci firent placer ces statues à l'Hôtel de Ville où on [246] les voit encore avec lesdites inscriptions. Malheureusement, la pluie les a gâtées et presqu'entièrement détruites. Je suis allé les voir, mais un peu tard et avec un certain déplaisir de ne pas les avoir mieux examinées. Il en a été fait mention dans la Chronique de Bordeaux, imprimée quelques années après. J'ai donné ordre de faire dessiner la tête de cette statue de femme. Je regrette de devoir partir à la hâte pour ne pas manquer en Provence à l'ouverture du nouveau parlement, le premier octobre. Je me borne à dire que le propriétaire du camée voulut me faire croire qu'il fut trouvé au même endroit que les statues un ou deux ans après, ce dont je ne me porte pas garant. Il est vrai que si vous croyez que cette gemme soit pour vous une heureuse acquisition, je n'estime pas moins un petit plasma que j'ai payé hier un écu chez un orfèvre fort pauvre, et sur lequel était sculptée la barque de Jonas avec la baleine et l'inscription [...], dont je suis réellement aussi épris que vous de votre camée de Messaline. Il ne m'est pas encore arrivé de rencontrer cette inscription sur des gemmes antiques, bien qu'elle fût fort connue dans l'église primitive et je ne l'aurais pas appliquée dans ce sens et à ce sujet sans avoir vu cette pierre gravée. Vous en recevrez l'empreinte telle que j'ai pu la faire à la hâte et, quoique toutes celles que j'ai pu prendre soient imparfaites, j'aime cependant à croire que ce qui manquera dans les unes se trouvera dans les autres et pourra être suppléé par elles. J'espère que vous trouverez que je n'ai pas fait un mauvais choix en partageant ce butin des deux camées de Bordeaux avec vous, gardant pour moi la chrétienne et vous donnant la païenne pour votre part. Je voudrais cependant que ce fût quelque chose de plus beau pour s'assortir avec vos autres camées et de plus digne d'une si noble collection que ne l'est cette grossière cornaline. Je vous prie néanmoins de m'en envoyer une empreinte bien faite à la première occasion, car la cire d'Espagne ne suffit pas à satisfaire les amateurs. De mon côté, je vous enverrai de Provence une empreinte bien faite du Jonas. Si je puis faire retrouver la recette des émaux, je vous en enverrai une empreinte en émail à l'antique.

Du reste, je regarde comme un hasard heureux de vous donner connaissance de la couronne, que je ne savais pas devoir appartenir à Messaline, au moment même où vous en avez entendu mentionner une autre avec l'inscription de JVLIA VICTRIX. J'aimerais bien de voir une empreinte de celle-ci, si elle appartient à une personne capable d'obliger un galant homme, afin de voir s'il y a quelque conformité entre les deux conceptions.

Quant au limaçon, votre idée me satisfait entièrement, et je ne voudrais y ajouter autre chose si ce n'est ce qui est dit de la conque de Vénus ou de la porcelaine qui ne diffère pas tant de la partie sexuelle féminine [247] et je veux en faire pêcher sans retard dans nos mers pour voir l'animal vivant et pour examiner sa forme et son maintien.

Ce que vous dites de l'Attis de Monsieur Pignoria est si bien fondé que je voudrais croire qu'un hermaphrodite a pris l'habit et la tiare phrygienne d'Attis pour se transformer un peu. J'ai vu l'original qui était beau avec les becs, le collier, la ceinture, les boutons à faibles boucles d'argent et la superbe patine antique.

J'ai vu une relation très minutieuse des interrogatoires faits par les inquisiteurs des Adombrados ou Denudos de Lisbonne, qui, sous le couvert de congrégation et de piété, commettaient les plus abominables obscénités. Si vous ne l'avez pas, je vous le ferai parvenir de Provence en même temps que la commission de l'évêque inquisiteur.

Je vous suis fort obligé de votre opinion sur les Rose-Croix, contre lesquels le père Garasse fait imprimer un très beau livre, qui n'a pas encore paru, du moins pas pendant mon séjour à Paris. J'ai lu avec plaisir les détails sur la bataille contre Halberstadt. Le papier me manque et en ce moment nous approchons de Cadillac où je vais débarquer pour continuer mon voyage à cheval. J'ai pu écrire la présente avec quelque calme sur la barque venant de Bordeaux; sans cette commodité, il m'aurait été difficile de m'acquitter convenablement de cette dette. Un monsieur qui m'a accompagné jusqu'ici portera cette missive à Monsieur Fiani pour l'envoyer à Monsieur Frarin.

Sur ce, je vous baise les mains de tout coeur.De la barque sur la Garonne, près de Cadillac, le 17 septembre 1623.

COMMENTAIRE.

Attis ou Atys. Dieu phrygien, analogue à Adonis, qui s'était émasculé pour échapper aux poursuites de Cybèle. L'art grec le représente comme un jeune berger de complexion délicate, vêtu d'une tunique serrée qui lui couvre les bras et les jambes et coiffé d'un bonnet phrygien.

Garasse, François Garasse, jésuite, né à Angoulème en 1585, mort le 14 juin 1631, connu par la véhémence et la grossièreté de sa parole et de ses écrits. Le livre auquel Peiresc fait allusion est La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, ou prétendus tels, contenant plusieurs maximes contraires à l'Etat, à la religion et aux bonnes moeurs combattue et renversée par le père Garasse de la Compagnie de Jésus. Paris, 1623, in 4°.

Bataille de Halberstadt. Chrétien de Halberstadt et Guillaume de Weimar se voyant abandonnés par l'électeur de Saxe prirent la résolution de joindre [248] leurs troupes à celles de Mansfeld qui se trouvait du côté de la Hollande. Tilly les poursuivit et les atteignit, le 6 août, entre Nienburg et Städtlohn où il leur infligea une sanglante défaite. Les ducs Frédéric et Guillaume de Weimar tombèrent entre ses mains et Chrétien de Halberstadt dut s'enfuir vers la Hollande.


CCCXLIX
ORDONNANCE DE L'INFANTE ISABELLE QUI ASSIGNE A RUBENS DIX ÉCUS D'ENTRETIEN PAR MOIS SUR LA CITADELLE D'ANVERS.

Doña Isabel Clara Eugenia, por la gracia de Dios,
Infanta de Spaña, etc.

Don Gaspar Ruiz de Pereda, del hábito de S. Tiago, del consejo de guerra del rey, mi señor, en estos Estados y veedor general deste su felicissimo exército, y Luis de Casuso Maeda, contador dél, saved que teniendo consideracion á las buenas partes de Pedro Paulo Rubens y á lo que ha servido á Su Magestad, para que pueda continuarlo con mas comodidad, hemos tenido por bien de señalarle, como por tenor de la presente le señalamos, diez escudos de entretenimiento al mes en el castillo de Anveres, sin obligacion de presentarse á las muestras. Por tanto os ordenamos y mandamos se los asenteis y hagais buenos en los libros de vuestros officios, para que goze dellos desde el dia de la data desta en adelante: que tal es nuestra voluntad, y que se libren y paguen segun y como á los demás entretenidos en el dho castillo. Datta en Brusselas á treinta de setiembre de mill y seiscientos y veinte y tres años. [] [] [249]

Isabel.

Por mandado de Su Alteza:

Matheo de Urquina.


V. A. señala á Pedro Paulo Rubens diez escudos de entretenimiento al mes en el castillo de Anveres, sin obligacion de presentarse á las muestras.


Original, à la Bibliothèque royale de La Haye, fonds Gérard, MS. 132.

Publié par Gachard. Histoire politique et diplomatique de Pierre-Paul Rubens, p. 265.


TRADUCTION.

Dona Isabelle-Claire-Eugénie par la grâce de Dieu Infante d'Espagne, etc.

Don Gaspar Ruiz de Pereda de l'ordre de Saint-Jacques, du Conseil de guerre du roi, mon maître, en ces Etats et Commissaire général de sa très heureuse armée et Louis de Casuso Maeda, trésorier de l'armée, sachent que, prenant en considération les mérites de Pierre-Paul Rubens et les services qu'il a rendus à Sa Majesté et afin qu'il puisse les continuer avec plus de commodité, nous avons trouvé bon de lui assigner, comme par la présente nous lui assignons, dix écus d'entretien par mois sur la citadelle d'Anvers, sans obligation pour lui de se présenter aux revues. C'est pourquoi nous ordonnons et mandons que vous l'inscriviez et le créditiez dans les livres de vos charges, pour qu'il en jouisse à partir de la date de la présente, parce que telle est notre volonté et que vous les lui comptiez ou payiez comme aux autres entretenus sur ladite citadelle. Donné à Bruxelles, le 30 septembre 1623.

Isabelle.

Par ordre de Son Altesse:

Mathieu de Urquina.


V. A. a assigné à Pierre-Paul Rubens dix écus d'entretien par mois sur la citadelle d'Anvers, sans obligation de se présenter aux revues.


COMMENTAIRE.

Gachard, en publiant l'ordonnance qui précède, fait observer que l'infante, en mettant la pension de Rubens à charge de la citadelle d'Anvers, lui fit une faveur insigne, parce que les dotations de ce genre étaient payées au moyen des fonds envoyés d'Espagne pour la solde de l'armée royale. [250] L'assignation mensuelle de dix écus fut plus tard augmentée par Philippe IV; elle était de quarante écus en 1630.

L'ordonnance de l'Infante et la mention y faite des mérites de Rubens et des services qu'il a rendus au roi ne se rapportent évidemment pas à ses travaux artistiques. Si le peintre s'est concilié la faveur de ses souverains, c'est par des actes politiques et le document qui précède prouve à toute évidence que le 30 septembre 1623, il a déjà joué un certain rôle diplomatique.

L'intervention de Rubens dans la politique de sa patrie et de plusieurs autres pays occupe une large part dans l'histoire de sa vie, une plus large encore dans sa correspondance. Nous aurons donc à nous rendre compte des événements auxquels il s'est trouvé mêlé et de la part qu'il y a prise.

C'est sans nul doute des relations politiques entre les Provinces-Unies des Pays-Bas et les Pays-Bas espagnols que Rubens s'est occupé avant le 30 septembre 1623. Rappelons brièvement dans quelle situation les gouvernants des deux contrées se trouvaient vis-à-vis les uns des autres.

La guerre entre les Pays-Bas du Nord et l'Espagne qui avait duré pendant près d'un demi siècle avait été suspendue par la trève de douze ans conclue, en 1609, entre Philippe III et les Archiducs Albert et Isabelle, souverains des Pays-Bas méridionaux, d'une part, et les Etats-Généraux des Provinces-Unies de l'autre. Longtemps avant l'expiration de la trève, on s'était préoccupé du côté des Espagnols de la question de son renouvellement; le roi y était opposé à cause des dommages que ses sujets avaient eu à subir de la part des Hollandais dans les Indes occidentales et orientales; les archiducs et leurs ministres s'y montraient favorables, à condition que les stipulations en fussent modifiées en leur faveur. L'Archiduc Albert fit part au roi, son beau-frère, de cette disposition. Philippe III répondit qu'il se refusait à tout prolongement de la trève, à moins que les Hollandais ne consentissent à déclarer libre la navigation sur l'Escaut, comme elle l'était avant la guerre, à renoncer au trafic avec les Indes orientales et à retirer leurs troupes des Indes occidentales. Il annonçait en même temps à l'Archiduc qu'il allait lui envoyer l'argent nécessaire pour mettre l'armée et la flotte en mesure de reprendre les hostilités à l'expiration de la suspension d'armes (1).

Aux approches du terme fatal, diverses personnes s'entremirent officieusement pour obtenir la soumission des Provinces-Unies à l'autorité des archiducs.

Le principal de ces médiateurs était une certaine dame Bertholde [251] van Swieten, veuve de Florent T' Serclaes, un gentilhomme mort à La Haye en 1612 et appartenant à une famille bruxelloise qui avait été fort attachée à la famille des princes de Nassau. Sa veuve partageait ses sentiments d'affection pour les princes qui se trouvaient à la tête des insurgés, tout en entretenant les meilleures relations avec les souverains des provinces méridionales. Au mois de février 1621, elle informa les archiducs que le prince Maurice de Nassau était disposé à se soumettre à condition que le roi lui assurât une haute récompense. Les archiducs chargèrent la dame T' Serclaes d'assurer le prince que s'il faisait rentrer les Provinces-Unies sous leur obéissance, il pouvait s'attendre aux plus grands honneurs et avantages. Elle rapporta cette réponse à Maurice et revint à Bruxelles au mois de mars 1621. Elle informa les archiducs que le prince de Nassau avait exprimé le désir de voir envoyer à La Haye un de leurs principaux hommes d'Etat pour traiter de la soumission avec les Etats-Généraux. Pierre Pecquius, le chancelier du Brabant, fut chargé de cette mission. La dame T' Serclaes s'était-elle laissée leurrer par le prince Maurice ou s'était-elle fait illusion sur la portée de ses paroles, toujours est-il que la mission de Pecquius n'aboutit pas et que le prince d'Orange, de concert avec les Etats-Généraux, lui signifia avec hauteur que les Provinces-Unies étaient libres et prétendaient le rester à jamais. Longtemps encore, la dame T' Serclaes continua à jouer un rôle important dans les négociations entre les Pays-Bas du Nord et les Pays-Bas Espagnols. Nous en trouvons la preuve dans le fait que, le 30 juin 1629, les Etats-Généraux de Hollande lui payèrent 150 florins pour débours qu'elle avait faits dans l'affaire de l'échange des prisonniers entre les deux pays (1).

Les hostilités ne furent pas reprises immédiatement à l'expiration de de la trève. La dame T' Serclaes et d'autres envoyés plus ou moins officiels s'entremirent encore pendant plusieurs années pour amener la paix ou au moins un renouvellement de la suspension d'armes. Les pourparlers se prolongèrent sans résultat jusqu'à la mort de Maurice de Nassau, arrivée le 23 avril 1625. C'est à ces négociations que Rubens a été mêlé avant le 30 septembre 1623; on ne sait au juste à partir de quel moment ni de quelle manière.

La lettre suivante qui porte la même date que l'octroi de l'archiduchesse Isabelle et qui fut écrite par Rubens à Pierre Pecquius prouve à l'évidence que déjà à cette époque, le grand artiste s'était mêlé activement des pourparlers entre Bruxelles et La Haye. Il continua les années suivantes [252] à intervenir dans ces négociations; il poussait de toutes ses forces à la paix entre les deux parties des Pays-Bas, et sa souveraine faisait grand cas de ses conseils et avait une entière confiance dans son dévouement au bien public. Le résident français à Bruxelles, le Sieur de Baugy, parlant de la trève, écrivait le 30 août 1624 à son gouvernement: «L'Infante preste tous les jours l'oreille aux discours que lui fait sur ce sujet Rubens, peintre célèbre d'Anvers, qui est connu à Paris par ses ouvrages, qui sont dans l'hostel de la royne-mère, lequel faict plusieurs allées et venues d'icy au camp du marquis de Spinola, donnant à entendre qu'il a pour ce regard quelque intelligence particulière avec le prince Henry de Nassau. (1)»

L'intervention de Rubens n'était donc plus un mystère, et on n'ignorait pas davantage qu'il était lié de parenté avec le principal des agents hollandais, son neveu Brant. Le même Baugy écrivit, le 6 septembre 1624: «J'ai descouvert que Rubens n'y est poussé que par son intérest et sur le désir qu'il auroit de s'assurer de la jouissance d'une succession avantageuse, qu'il attend d'ung oncle de sa femme, demeurant en Hollande, où il à charge avec lequel ledit Rubens a formé correspondance sur ce sujet (2).» Inutile d'insister sur l'inanité du reproche de cupidité adressé à Rubens; son goût personnel à se mêler de la politique de son pays et le grand cas que ses souverains faisaient de ses qualités diplomatiques expliquent mieux et suffisamment ce qui l'amena à s'occuper des affaires publiques.

Plus singulière encore est l'explication de son intervention que fournit un autre envoyé de Richelieu, le Sieur d'Espesses, résident à La Haye, qui, le 16 septembre 1624, écrivait: «J'apprends que le peintre Rubens étoit émissaire du cardinal de la Cueva, plutost afin de ruiner par la chaleur ordinaire à ces cervelles plus imaginatives que judicieuses qu'en intention de bâtir la trefve, à quoi l'on observe que ledit Seigneur a toujours paru contraire en son sentiment particulier (3)». Il est vrai que le cardinal de la Cueva était opposé à la trève, mais il est non moins vrai que le grand artiste était le confident de sa Souveraine et non l'agent d'un ministre espagnol.


[253] CCCL
RUBENS AU CHANCELIER PIERRE PECQUIUS.

Illustrissimo Signore mio colendissimo,

Hò trovato il nostro Cattolico molto afflito per la grave infirmità di suo padre, la quale, secondo il giudicio de' medici, è peremptoria, et lui ancora viene ogni giorno travagliato di una febretta quasi continua, di maniera che l'una o l'altra, o tutte due queste cause insieme, lo tratteneranno forse più di quello sarà necessario. È ben vero che lui propone in tal caso di far venire il suo zio a Lillo, per potergli dare ex propinquo relatione del suo negociato. Ma io procurerò di divertire questo pensiero quanto potrò, almeno per alcuni giorni. Quando però gli communicai la risposta, quasi se gli raddoppiò la febbre, nonostante che ciò si fece doppo una longa oratione preparatoria, et ch'egli ammirasse la summa industria, prudenza et eleganza che riluce in quella polizza, parendo impossibile di poter variare con più artificio un medesimo soggietto in tanti modi come si è fatto. In fine il Cattolico cacciò mano alla sua instruttione, et mi mostrò ivi un aphorismo che non mi piacque: ciò è ch'egli non dovesse accettar da noi o riportar altra risposta che fosse ambigua o simile a l' altre già mandate, ma sola una semplice accettatione della tregua, o niente. A che io risposi, ridendo, questi esser terrori panici da spaventar gli fanciulli, et che lui stesso non era così scocco di prestarci fede; che questo trattato secreto era senza pregiudicio delle parti, non cessando fra tanto ciascuno di far quanto poteva. Et egli mi rispose di novo quello ch' io dissi a V. S. Illustrissima, che noi si aiutavamo delle polizze del principe a gli suoi danni, mandandole in Francia per metterlo in diffidenza col re et in sospetto delli stati. Io dissi che quando il principe fosse servito di dar qualque maggior luce i securtà di questo a Sua Altezza Serenissima, che forse sene risentirebbe di tal maniera ch' egli restarebbe sodisfattissimo della sua innocenza, ma questi esser artificii e cavillationi conquisite per romper il trattato. Egli però restò sempre saldo e persistò esser vero, et che il principe potrebbe essibire, come ha fatto ad alcuni, le copie istesse mandate a [254] lui da quella corte. Alla fine si lasciò persuadere di copiar di sua mano la nostra risposta, per portarla al principe colla prima sua commodità, et l'haverebbe fatto subito, se non fosse ch' io gli dissi ch' era meglio di differire sin che passasse il parosismo et ch' egli fosse del tutto libero di febbre. Et così io la riportai meco, promettendo di tornare a vederlo, et ch' io disederava che la copia si facesse, con buona commodità sua et mia, in mia presenza: con che si acquietò, e fra tanto guadagnamo quel poco di tempo. Et io mi raccommando di vero cuore nella bona gracia di Vostra Signoria Illustrissima, et gli baccio le mani.

Di V. S. Illustrissima servitor affezzionato.
(Parafe de Rubens.)
D'Anversa, alli 30 di settembre 1623.

Hò scritto con più securtà per la confidenza grande ch' io hò nella puntualità del portatore di questa, che mi ha promesso di dar questa in propria mano di V. S. Illustrissima, et il simile farò nel rimandargli a suo tempo l' originale della risposta.

Mi dice di più il Cattolico ch' el secretario del principe (1), per la cui mano passa la speditione di questo trattato, si chiama Giunio, et è huomo molto corruptibile et che piglia d'ambo le mani, ma che il suo zio non sarebbe a proposito per guadagnarlo per tal mezzo, che per l'integrità propria giudicarebbe cattivo quel modo di procedere. Hò però credutto esser buono che V. S. Illustrissima lo sappia.

Mi pare ancora molto pericoloso che per l'avenire il Cattolico in persona comparisca a Brusselles, per il sospetto che darebbe al cardinal della Cuoeva, et perciò sarebbe meglio che lui, caso che questa volta non si rompa il commercio del trattato, al ritorno si fermasse in Anversa, et ch' io mandassi o portassi in persona la sua risposta. Ma questo non bisogna che venga da me, perchè lui forse entrarebbe in sospetto di me, crederebbe ch' io volessi escluderlo et transferir tutto il negocio nella mia persona. Et perciò, se pare necessario a V. S. Illustrissima, saria bene ch' io potessi mostrargli qualque aviso o ordine di V. S. Illustrissima a questo proposito.

[255] In questa città non si parla d'altro che del ritorno del principe de Galles in Ingliterra: ma non viene creduto universalmente, per esser venu ta la nova di Zelanda.


Original autographe, aux Archives du royaume à Bruxelles.

Publié par Gachard: Histoire politique et diplomatique de Rubens. Appendice p. 267. Traduction, p. 21.

Ad. Rosenberg, Rubensbriefe, p. 225.


TRADUCTION.
RUBENS AU CHANCELIER PIERRE PECQUIUS.

Très-illustre seigneur,

J'ai trouvé notre Catholique (1) très-affligé pour la grave maladie de son père, laquelle, selon le jugement des médecins, est décisive; lui aussi est journellement travaillé d'une fièvre presque continuelle: de manière que l'une ou l'autre de ces deux causes, ou toutes deux ensemble, le retiendront peut-être plus qu'il ne serait nécessaire. Il est bien vrai qu'il propose, en un tel cas, de faire venir son oncle (2) à Lillo, pour lui rendre compte ex propinquo de ce qu'il a négocié: mais je tâcherai, autant que cela me sera [256] possible, d'empêcher l'exécution de ce dessein, au moins pour quelques jours. Quand je lui communiquai la réponse (1), il en eut presque un redoublement de fièvre, quoique je l'eusse fait après un long discours préparatoire, et qu'il admirât la grande industrie, prudence et élégance qui brillent dans cet écrit, et en effet il paraît impossible de traiter avec plus d'art qu'on ne l'a fait le même sujet en tant de manières. Enfin le Catholique prit son instruction, et m'y montra un article qui ne me plut pas: il est dit dans cet article qu'il ne doit accepter de nous ou rapporter de réponse qui soit ambiguë ou semblable à la précédente, mais seulement une simple acceptation de la trève, ou rien. Je lui répondis que c'était là des terreurs paniques bonnes à épouvanter les enfants, et qu'il n'était pas assez simple pour y ajouter foi; que ce traité secret était sans préjudice des parties, chacune entre-temps ne cessant pas de faire ce qu'elle pouvait. Il me répliqua ce que j'ai dit déjà à votre Seigneurie Illustrissime: que nous nous aidions des écrits du prince Maurice de Nassau à son détriment, les envoyant en France, pour exciter la défiance du roi envers lui et le rendre suspect aux états. Je lui dis que, si le prince voulait donner à Son Altesse Sérénissime l'Infante Isabelle plus d'éclaircissements à cet égard, elle en manifesterait son déplaisir de telle manière qu'il ne conserverait pas le moindre doute de son innocence; que c'était là des artifices et des chicanes imaginés pour rompre la négociation. Il persista néanmoins à soutenir que c'était vrai et que le prince pourrait montrer, comme il l'a fait à quelques personnes, les copies mêmes qui lui ont été envoyées de la cour de France. A la fin il se laissa persuader de copier de sa main notre réponse, pour la porter au prince à sa première commodité; et il l'aurait fait de suite si je ne lui avais dit qu'il était mieux d'attendre que le paroxysme fût passé et qu'il fût entièrement libre de la fièvre. J'ai en conséquence rapporté la réponse, en lui promettant d'aller le revoir, et lui disant que je désirais que la copie s'en fît, à sa commodité et à la mienne, en ma présence. Il s'est contenté de cela, et ainsi nous gagnerons quelque peu de temps.

Je me recommande d'un véritable coeur à la bonne grâce de Votre Seigneurie Illustrissime, et je lui baise les mains.

De Votre Seigneurie Illustrissime
Serviteur affectionné,
(Parafe de Rubens.)
[257] Anvers, 30 septembre 1623.

J'ai écrit avec plus de liberté pour la grande confiance que j'ai en la ponctualité du porteur de la présente, lequel m'a promis de la mettre en mains propres de Votre Seigneurie Illustrissime. Je ferai de même lorsque je lui enverrai, en son temps, l'original de la réponse.

Le Catholique me dit, de plus, que le secrétaire du prince, par les mains duquel passe cette négociation, se nomme Junius (1); qu'il est homme très-corruptible et qui prend des deux mains, mais que son oncle (2) ne serait pas propre pour le gagner, car son intégrité lui ferait trouver mauvaise cette manière de procéder. J'ai cru néanmoins qu'il était bon que Votre Seigneurie Illustrissime sût cela.

Il me paraît encore très-dangereux que pour l'avenir le Catholique se rende de sa personne à Bruxelles, à cause des soupçons que cela donnerait au cardinal de la Cueva (3). Il serait mieux, pour cette raison, dans le cas où la négociation ne se romprait pas cette fois, qu'à son retour il restât à Anvers, et que j'envoyasse sa réponse ou que j'en fusse moi-même le porteur. Mais il ne faut pas que cela vienne de moi, car il pourrait peut-être entrer en soupçon à mon égard et croire que je voulusse le mettre de côté, pour rester seul chargé de toute l'affaire. Il conviendrait donc, si Votre Seigneurie Illustrissime le jugeait nécessaire, que je pusse lui montrer quelque avis ou ordre de Votre Seigneurie Illustrissime à ce sujet.

Ici on ne parle d'autre chose que du retour du prince de Galles en Angleterre; mais on n'y croit pas universellement, la nouvelle étant venue de Zélande.


COMMENTAIRE.

Pierre Pecquius, seigneur de Bouchout, de Borsbeek et de Hove, était fils de Pierre Pecquius, célèbre jurisconsulte et professeur à l'Université de Louvain. Il naquit dans cette dernière ville en 1562. Les archiducs le nommèrent membre du Conseil secret, président du tribunal militaire et, en 1614, chancelier du Brabant. Il fut chargé de plusieurs missions diplomatiques [258] en Allemagne, en Hollande et en France. Il mourut à Bruxelles, le 28 juillet 1625. Son portrait, peint par Rubens, entre 1612 et 1615, fait partie de la galerie du prince Antoine d'Arenberg à Bruxelles. Du côté de sa mère, il était allié à la famille de Pierre-Paul.

On a vu que sur les instances du prince d'Orange, rapportées à l'Infante Isabelle par la dame de T' Serclaes, l'archiduchesse chargea Pecquius de se rendre à La Haye pour traiter de la paix. Le 18 mars 1621, le Conseil secret des archiducs annonça aux Etats-Généraux que dans trois ou quatre jours Pecquius se rendrait à La Haye pour délibérer avec eux sur la trève. Cette nouvelle causa un grand émoi dans cette assemblée. Pour ne pas s'exposer au reproche de pactiser avec le gouvernement des Pays-Bas Espagnols, ils résolurent de loger Pecquius à l'hôtel. Le prince Maurice les fit revenir sur cette décision et le chancelier fut reçu comme un ambassadeur du rang le plus élevé. Pecquius exposa aux Etats-Généraux le motif de son voyage, les exhortant à rentrer sous l'obéissance des princes espagnols aux conditions à établir par un traité. Cette proposition fut rejetée avec hauteur, les représentants des Provinces-Unies déclarèrent leur Etat libre et souverain; ils se refusèrent à traiter sur un autre pied avec qui que ce fût; ils ne voulurent point délibérer sur la proposition de rentrer sous l'obéissance de l'Espagne et de renouer les liens qui les avaient unis aux provinces méridionales. Le 27 mars, Pecquius quitta La Haye: sa mission avait échoué et les tentatives faites postérieurement n'amenèrent point d'autre résultat. Il est difficile de se rendre compte de la conduite du prince Maurice. Aurait-il voulu amener la soumission de sa patrie à des conditions personnellement avantageuses pour lui, comme le croyaient les Espagnols; voulait-il leurrer ses adversaires et les amener à faire des propositions que le patriotisme des Hollandais devait leur faire rejeter d'emblée et rendre ainsi la guerre inévitable? Quoiqu'il en soit, il est inadmissible que les ouvertures attribuées à Maurice aient été sérieusement faites par lui.

Jean Brant el Catolico était, comme le dit la note de M. Gachard, un cousin de Rubens et doit avoir été fils d'un frère de Jean Brant, le beau-père de Rubens. La branche de la famille à laquelle il appartenait s'était établie en Hollande et y jouissait d'une grande considération. Il ressort de cette correspondance et d'autres pièces se rapportant aux négociations des archiducs avec les Etats-Généraux qu'il était le principal agent d'Albert et Isabelle dans cette affaire et qu'il avait pris l'initiative de ces négociations.

Ce qui se dit dans la lettre relativement à Jean Brant présente un point obscur pour la filiation telle que l'expose M. Gachard. Le Catholique se propose de faire venir son oncle à Lillo. Comment, se trouvant à Anvers [259] où Rubens l'a vu, veut-il faire venir à Lillo son oncle qui demeure à Anvers, si cet oncle est Jean Brant? Ou bien Rubens a vu le Catholique en Hollande, ou bien l'oncle est une autre personne que le beau-père de Rubens et cet oncle devait venir de Hollande. Cette dernière conjecture est la plus probable.

En 1620, la paix régnait entre l'Espagne et l'Angleterre, leurs relations étaient bonnes et des deux côtés on songea à les cimenter par un mariage entre le prince de Galles, le futur Charles I, et l'infante Doña Maria, fille de Philippe III. Suivant le rêve caressé par le rot d'Espagne, une alliance formelle entre les deux pays devait en résulter; les Anglais devaient l'aider à soumettre les Hollandais et obtiendraient pour prix de leur aide une partie de l'empire dans les Indes orientales. Ces dispositions persistèrent jusqu'en 1623. Le 17 mars de cette année, le prince de Galles, accompagné du duc de Buckingham, arriva à l'improviste à Madrid pour prendre les dernières dispositions touchant le mariage projeté. Il descendit à l'hôtel de l'ambassadeur d'Angleterre. Deux jours après, le roi le reçut au palais du Prado. Les jours suivants de grandes fêtes eurent lieu à la cour et dans la ville en l'honneur de l'hôte royal et de riches présents lui furent offerts. Parmi ces derniers on cite le Jupiter et Antiope du Titien actuellement au Louvre où il est connu sous le nom de la Vénus du Prado. Le séjour du prince se prolongea pendant plus de six mois et pendant ce temps tous les arrangements furent pris au sujet du mariage, pour lequel la dispense du pape devait être demandée, les deux futurs étant de religion différente. Le roi y mit pour condition que le prince de Galles se convertirait plus tard au catholicisme, et accorderait la liberté de leur culte aux catholiques anglais. Le prince consentit, paraît-il, à ces conditions. Il quitta Madrid le 9 septembre, après avoir juré le 7 sur les Evangiles entre les mains du patriarche des Indes de tenir les stipulations matrimoniales contractées entre les deux parties. Le 21 septembre, il s'embarqua à Santander. Le 30 du même mois, la nouvelle de son départ de Madrid put donc être arrivée à Anvers.

En quittant l'Espagne, le prince avait donné plein pouvoir au comte de Bristol, ambassadeur extraordinaire d'Angleterre, d'épouser en son nom l'infante dès que le pape aurait accordé la dispense voulue. Mais le peuple anglais, autant que le peuple espagnol, se montra fort opposé à ce projet de mariage entre princes de religion différente. Les promesses du prince de Galles avaient fort probablement été faites d'un coeur léger; toujours est-il que le fiancé fit savoir au comte de Bristol de ne pas procéder aux épousailles avant d'avoir reçu de nouveaux ordres. Arrivé en Angleterre, il persuada à son père de rompre les promesses de mariage et lui présenta une union avec Henriette-Marie, soeur du roi de France, comme plus favorable à l'Angleterre. Au mois [260] de mai 1624, Jacques I fit connaître à Philippe III que le mariage ne se ferait pas et non content de faire cet affront personnel au roi, il commença les hostilités contre l'Espagne.

Le rôle que le duc de Buckingham joua dans toute cette affaire était déplorable et tel qu'on pouvait l'attendre de ce favori sans moeurs et sans loyauté politique, aussi dépourvu de talents que d'honnêteté. On n'aurait en réalité pu confier le jeune prince à un Mentor plus étourdi et plus dépravé.


CCCLI
PEIRESC A RUBENS.

Molto Ill. mio Sigre

E stato assai felice il mio viaggio da Pariggi per l'Aquitania et Gallia Narbonese sin a la casa ma ci trovai non poco soggietto di mortificatione prima per l'infirmita del Sr di Callas mio padre ch'io trovai quasi all' estremita, per dolori di calculo, de' quali e pur piacciuto a Dio liberarlo, et poi per essermi accorto quando cominciai a respirare et che volsi entrare nello mio studio, che vi erano state rubate le cosette piu preciose ch'io havessi fra le mie antiquità, cioe piu di cento cinquanta medaglie d'oro, o monete vecchie, tutte delle grandi, giache li ladri hanno havuto il tempo di cappare le grosse, et lasciar le piccole, et ce ben piu di cinquecento schudi al solo peso dell' oro, io non stimo niente quella perdita da due medaglie in poi l'una picciola di Ludovico Pio col rovescio d'una corona et inscrittione Munus divinum, et l'altra grossa di peso di dieci schudi poco meno con l'imagine di Arsinoe di Philadelpho, laquale io stimava essere il talento Thebaico Egittio. Di tutto il resto io non me ne curarei altramente ben che vi fossero alcune medaglie conservatissime et una bella serie dell' imperio occidentale, e monete rare della terza stirpe di nostri Re di Francia.

Ma il mio gran cordoglio sta nella perdita d'un studiolo picciolo di Ebano che è stato portato via tutto intiero nel quale stavano tutte le mie [261] gemme in numero di mille ducento et piu, fra le quali è rubato in mall' hora quel bel Aetione, del quale io era stato tanto fiero quel Servio Sulpicio del qual pure mi pare haverle raggionato, et un centenaio di que' tagli basilidiani con figure et inscrittioni barbare, fra le quali si vedevano cosette curiosissime, et alquante medaglie delle piu excellente ch'io haveva collocate fra le gemme, cosi di rame come d'argento, et fra esse quel Jove Heroe et molte altre cosi non volgari. C'era ancora un coffretto da tener annelli, che pur e stato via intiero tutto pieno di gioje antique legate in annelli d'oro fra l'altri una corniola di mediocre grandezza, con due teste, l'una di Claudio imperatore et l'altra d'una delle sue moglie che poteva essere la Messalina forzi piu tosto che l'Agrippina, la quale io faceva conto di mandarle. Et infinite altre cosette che sarebbono troppo lungue a recitarle et molte delle quali io non mi posso ancora accorgiere. In somma doppo il mio arrive io non ho potuto havere quiete considerabile in tal congiontura, nel concorzo d'infiniti complimenti da ricevere et da fare, et l'infinite facende et domestiche et spettanti al carico nel Parlamento dove si spende la maggior parte della giornata. Io le ne faro un poco d'indice grossiere et lo mandero all' Illmo Monsignor Noncio ancora accio di tentare se si ne potrebbe cavare qualche lume, sendo verisimile che tali cose si saranno portate a vendere fuori di questo paese. V. S. mi fara grazia di darne un poco d'aviso alli orefici et curiosi di costà per non omettere quelle diligenze ordinarie ben che io non ci habbia gran speranza.

Hebbi la settimana passata (senza sapere per qual via) una lettera di V. S. di 25 Agosto intorno al particolare del SrGevartio et del nuovo Pontificato, onde io le resto debitore di molte gratie cosi per la fatica usata nel primo, come per la participatione mostrata al mio contento nel secondo.

Et c'era ancora una postilla per avisarmi della cessatione delle lettere di V. S., il che mi leva d'ogni dubbio che si fossero smarrite alcune sue lettere. Ho usato qualche diligenza per sapere in Marsiglia che siano i corrispondenti del Sr Ferrarino, ma non l'ho potuto imparare et per cio trovando commodita d'arrivo di Mgr Nontio gli raccommandaro l'inchiusa per questa volta che poi ripigliaremo il ricapito del Sr Ferrarino. Et senz' altro, aspettando se potro ricuperare [262] alcuna particella del gusto delle cose antique il quale mi pare di dovere perdere con tanti belle curiosità, le bacio le mani di cuore.

Di Aix alli 13 Novembre 1623.

Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 750.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc: «13 novembre. A M. Rubens.»


TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Mon voyage de Paris par l'Aquitaine et la Gaule Norbonnaise jusque chez moi s'est fait d'une manière très heureuse, mais ici j'ai trouvé de bien tristes nouvelles: d'abord, la maladie de Monsieur de Callas mon père, que j'ai trouvé, pour ainsi dire, à toute extrémité par suite des souffrances causées par la pierre, de laquelle cependant il a plu à Dieu de le délivrer; puis, lorsque je commençai à respirer et que je voulus revoir ma collection, je me suis aperçu que l'on m'avait dérobé les objets les plus précieux de mes antiquités, c'est-à-dire plus de cent cinquante médailles d'or ou de monnaies anciennes, toutes grandes pièces, puisque les voleurs ont eu le temps de choisir les plus importantes pour ne me laisser que les petites. Il y en avait pour plus de cinq cents écus au poids de l'or, mais je n'attache aucune importance à la perte de ces objets, en comparaison de celle de deux médailles, une petite de Louis le pieux portant sur le revers une couronne et l'inscription Munus divinum et l'autre une grande, pesant dix écus ou un peu moins, avec la figure de l'Arsinoë de Philadelphie, que je crois être le talent thébaïque d'Egypte. De tout le reste, je ne me soucierais pas autrement, bien qu'il s'y trouvât quelques médailles fort bien conservées et une belle série de l'empire d'occident, sans compter des monnaies rares de la troisième dynastie des rois de France.

Mais mon plus grand chagrin provient de la perte d'une cassette d'ébène qui a été emportée entièrement et dans laquelle se trouvaient toutes mes gemmes au nombre de douze cents et plus, parmi lesquelles on a malheureusement volé ce bel Aëtion dont j'étais si fier, ce Servus Sulpitius dont je crois vous avoir parlé et une centaine de ces intailles basilidiennes avec les figures et les inscriptions barbares, parmi lesquelles se trouvaient des choses extrê [263] mement curieuses et quelques médailles des plus remarquables que j'avais placées parmi les pierres gravées; il y en avait en cuivre et en argent et il s'y trouvait ce Jupiter-héros et bien d'autres pièces tout aussi remarquables. Il y avait encore un coffret à bagues, qui a été entièrement enlevé; il était tout plein de pierres précieuses, encastrées dans des anneaux d'or; parmi elles se trouvait une cornaline de médiocre grandeur avec deux têtes, l'une de l'empereur Claude et l'autre d'une de ses femmes, qui pouvait être Messaline, ou plutôt peut-être Agrippine, pierre que je comptais vous envoyer. Il y avait une infinité d'autres pièces trop longues à énumérer et il y a beaucoup de choses que je n'ai pas encore pu vérifier. En somme depuis mon arrivée je n'ai pas encore eu de repos de quelqu'importance par un concours de visites à recevoir et à rendre et par les innombrables affaires domestiques ou par celles qui se rapportent à ma charge au Parlement, où je passe la plus grande partie de la journée. Je vous ferai une liste sommaire des objets qui m'ont été volés et la transmettrai à Monseigneur le Nonce, afin d'essayer s'il n'y aurait pas quelque lumière à jeter sur le vol; il est en effet clair que pareils objets seront exportés du pays pour être vendus. Vous m'obligeriez d'en donner quelqu'avis aux orfèvres et amateurs de chez vous; je vous demande cela pour ne pas négliger les précautions ordinaires, bien que je n'aie pas grand espoir de réussir.

J'ai reçu la semaine dernière une lettre de vous sans savoir par où elle m'est arrivée. Elle est datée du 25 août et se rapporte spécialement à Monsieur Gevartius et au nouveau pape. Je vous en dois beaucoup de remercîments autant pour la peine que vous vous êtes donnée auprès du premier que pour la part que vous avez prise au contentement que me cause l'élection du second.

Il y avait encore un post-scriptum pour m'avertir de l'interruption de votre correspondance, ce qui me donne l'assurance qu'aucune de vos lettres ne s'est perdue. Je me suis empressé de m'informer à Marseille quels sont les correspondants de Monsieur Frarin, mais il m'a été impossible de le découvrir. C'est pourquoi, profitant de l'arrivée de Mgr le Nonce, je lui recommanderai pour cette fois la lettre ci-jointe, plus tard nous reprendrons l'adresse de Monsieur Frarin. N'ayant rien d'autre à vous dire et en me demandant si je pourrai reprendre quelque goût aux antiquités qui me semble devoir se perdre en même temps que toutes ces belles choses, je vous salue de tout coeur.

D'Aix, le 13 novembre 1623.

[264] COMMENTAIRE.

Sieur de Callas (Reginald de Fabri), conseiller à la cour des aides de Provence, père de Peiresc. Il épousa d'abord Marguerite de Bompar, la mère de Peiresc et ensuite Catherine de Caradet. Il mourut le 25 octobre 1625.

Le vol chez Peiresc. Gassendi, son biographe, raconte ainsi le vol commis chez Peiresc: «En revenant de Paris, il se rendit d'abord dans son musée; grande fut sa consternation quand il n'y retrouva point sa cassette dans laquelle il avait réuni ce qu'il possédait de raretés les plus précieuses. On lui avait en outre enlevé des monnaies anciennes d'une valeur de mille couronnes, ainsi que douze cents pierres gravées et bien d'autres choses encore. Il regretta surtout parmi ses monnaies un talent d'Egypte ou une Arsinoë de Philadelphie valant dix couronnes, et un sou d'or de Louis le Pieux, auquel il tenait beaucoup; parmi les pierres gravées, il regrettait beaucoup une prase à l'effigie et à la légende de Servius Sulpitius, et un onyx avec la tête d'Aëtion, roi de Cilicie, coiffé d'une tiare phrygienne. Ce qui augmentait sa douleur c'est qu'il n'osa point intenter des poursuites contre celui qu'il regardait comme l'auteur du vol. Il ne le pouvait point sans révéler l'accident à son père qui de bonne foi avait confié la clef du musée à un de ses domestiques pour lui permettre de tailler la vigne qui entourait la fenêtre; il craignait en faisant connaître à son père cette malhonnêteté d'aggraver sa maladie. Il prit soin en outre que rien ne vint à sa connaissance: sur la demande si tout était en règle il répondit affirmativement. Il ne négligea cependant point de rechercher avec la plus grande vigilance les traces des objets enlevés. Je n'expliquerai pas en détail avec quelle discrétion et avec quelles précautions il s'en informa de tous côtés par des lettres ou par des amis de confiance. Je dirai seulement qu'il parvint à récupérer la majeure partie de ce qui lui tenait le plus à coeur. Il retrouva ainsi nombre de pierres gravées et en outre l'Action et le Servius Sulpitius. Il se félicita de ne point les avoir encadrées d'or; sinon elles auraient été perdues comme d'autres, qu'on avait volées pour s'emparer du précieux metal. Longtemps après, il retrouva encore le talent Egyptien ou thébaïque pour lequel il s'était tout d'abord rendu à Marseille. Il ne m'a jamais dit qu'il eût recouvré le sou d'or de Louis le Pieux.»


[265] CCCLII
PEIRESC A PIERRE DUPUY.

D'Aix, le 6 décembre 1623.

J'ay receu ici une lettre de MrRubens, laquelle m'estoit allé chercher à Bordeaux (1) et de là me fut r'envoyée icy cez jours passez, dans laquelle il me rend raison de la priere que je lui avois faicte concernant les Epigrammes latins dont se plaignoit Mr Saulmaise. Je sçavois bien que je ne les avois jamais tenus et ne pense pas les avoir jamais veus, ne rien du contenu que la coppie d'un petit cahier où estoit la Médée, mais parceque M. Rigault disoit me les avoir baillez, de crainte que ma mémoire me servist mal, puisque je n'en trouvois rien entre mes papiers, je voulus sonder tous ceux de ma cognoisçance qui les eussent peu avoir receus de ma main jusques au P. Sirmond (2), de qui je pense que je vous fiz voir la responce par escript et aprez la discussion des présents, je ne voulus pas obmettre M. Gevartius, qui lors estoit à Paris. Je seray bien aise que vous en donniez advis à Mr Saulmaise, s'il vous plaict, de ma part, afin qu'il voye d'y faire quelque diligence d'ailleurs, et qu'il regarde bien s'ils ne pourroient pas estre tombez entre les mains de ce personage qui luy a retenu sa premiere coppie du Censuel de Rheims, laquelle il avoit escripte lui mesmes de sa main. Je seray bien aise que Mr Rigault sçaiche aussy les diligences que j'y ay usées, afin qu'il examine bien sa mémoire pour voir s'il ne m'auroit poinct prins pour un autre. Et pour s'en mieux esclaircir, car difficilement au rois je tout à faict oublié une chose de cette importance, vous leur pouvez monstrer les paroles mesmes de la lettre de Mr Rubens, qui seront cy jointes.


Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, Vol. 716, fol. 6.

Publié par M. L. Tamizey de Larroque. Lettres de Peiresc aux frères Dupuy, Tome 1, p. 12.


[266] CCCLIII
RAPPORT DE L'EVÊQUE DE SÉGOVIE, PRESIDENT DU CONSEIL SUPRÊME DE FLANDRE A MADRID, AU ROI PHILIPPE IV, SUR LA REQUÊTE DE RUBENS TENDANTE A OBTENIR DES LETTRES DE NOBLESSE.

Señor,

Pedro Pablo Rubens, pintor de la señora infanta doña Isabel, refiere en su memorial que descende de parientes honrrados, que siempre han sido muy fieles vasallos de la corona de V. Md y servido en oficios príncipales: su padre, doctor en leyes, esclavin de la ciudad de Anveres; Phelipe Rubens, su hermano, secretario della; y el suplicante se ha aplicado desde su niñez á la pintura, frecuentando muchas tierras para habilitarse mas; y por la grande experienca y plática que tiene, el señor archiduque Alberto le recibió por su pintor con doscientos escudos de sueldo al año. Suplica á V. Md se sirva de concederle letras de nobleza sin pagar finanzas, atento á que es criado doméstico de S. A.

El suplicante Pedro Pablo Rubens es muy raro en son arte y muy estimado en toda Europa; y cierto que muchos principes della le han procurado sacar de Anveres con grandes promesas de honrra y dinero, y juntándose á esto ser hijo de padres honrrados y fieles vasallos de V. Md, y que el suplicante, además de la excelencia y primor de la pintura, tiene otras buenas calidades de letras y noticia de historias y lenguas, y se ha tratado siempre muy lucidamente, teniendo mucho caudal para ello. Y assí parece podria V. Md servirse de hacerle la merced y honrra que pretende de nobleza, y dispensar en la paga de finanzas.

Ordenará V. Md lo que fuere servido. En Madrid, à 29 de enero 1624.

Obispo de Segovia.


Résolution du Roi: Como parece. (Avec parafe.)


Original, aux Archives de Simancas: Secretarias provinciales, leg. 2433.

Publié par M. Gachard. Histoire politique et diplomatique de Rubens. Appendices p. 266, et par M. P. Génard. Les armes de la famille Rubens. (Bulletin Rubens. III, 69.)


[267] TRADUCTION (1).

Sire,

Pierre-Paul Rubens, peintre de la sérénissime infante doña Isabel, expose en sa requête qu'il descend de parents honorables, lesquels toujours ont été de très-fidèles vassaux de la couronne de Votre Majesté et ont rempli des charges principales; que son père, docteur ès lois, a été échevin d'Anvers, et Philippe Rubens, son frère, secrétaire de cette ville; que lui, suppliant, s'est appliqué, dès son enfance, à la peinture; que, pour s'y rendre plus habile, il a visité différents pays, et que, pour la grande expérience et pratique qu'il a de son art, le sérénissime archiduc Albert le nomma son peintre, avec deux cents écus de traitement annuel. Il supplie Votre Majesté de daigner lui accorder des lettres de noblesse, sans payer finance, attendu qu'il est serviteur domestique de Son Altesse.

Le suppliant, Pierre-Paul Rubens. est excellent en son art et très-estimé dans toute l'Europe. Il est certain que plusieurs princes ont tâché de le tirer d'Anvers par de grandes promesses d'honneurs et d'argent. Comme en outre, il est issu de parents honorables et de fidèles vassaux de Votre Majesté, qu'à son rare mérite comme peintre il joint des talents littéraires et la connaissance des histoires et des langues, que toujours il a vécu splendidement, ayant pour cela les moyens nécessaires, il paraît que Votre Majesté pourrait daigner le favoriser de la noblesse à laquelle il prétend, et le dispenser de payer finance.

Votre Majesté en décidera ainsi qu'elle jugera à propos.Madrid, 29 janvier 1624.

L'Évêque de Ségovie

(2).

Résolution du roi: Approuvée la proposition. (Avec parafe.)


[268] CCCLIV
PEIRESC A RUBENS.

Molto Illo etc.

Doppo tanti mesi di silentio d'una persona tanto cortese et amorevole quanto V. S. Illre e comparsa finalmente una sua lettera delli 25 ottobre in risposta d'una mia scrittale in barca nel venire di Bordeaux a Cadillaco. Il quale silentio m'è stato veramente di gran mortificatione et massime venendo la privatione della sua dolcissima conversatione in concorrenza con la privatione delle cose piu rare ch'io havessi raccolte in molti anni di che le scrissi piu a lungo et forzi ad nauseam questo mese addietro. Restai molto consolato all' aprire di questa sua cortesissima lettera ma havendo cercato la data et letto la postilla scrittami consecutivamente si raddopiarono li miei dolori non potendo far di meno di compatire alla tribulatione che V. S. deve havere provata nella perdita della sua figliuolina unica, gia arrivata a tanto merito; stimando che la participatione della sua amatissima consorte habbia accresciuto assai la sua afflictione di lei havendo V. S. da aggiongere al sentimento della sua perdita, il rammarico di vederne affligere ancora la madre. V. S. non e di quelli che hanno bisogno di consolatione, poi ch'ella sa la fragilita del genere humano, et la gracia che ci fa Iddio, levandoci ben spesso la pargola per farla beata et per non lasciarla esposta a gli accidenti di lungue infirmita et sinistra fortuna che sarebbono degni di maggior compassione paterna, che la morte in quell' eta d'innocenza. Anzi V. S. ha da lodare S. D. Mta d'avergliela voluto lasciar godere con tutto gusto suo a quel termine, et questo e quasi bastevole a conciliarle maggior gracia Divina, et ad ottenere altra parte piu longuia della sua santa benedittione. Io concorrero a quelli suoi voti et spero che potranno essere essauditi.

Del resto io non so a che imputare et la ritardenza del ricapito di questa sua lettera, et la lunguezza del suo silentio, se non ad un falso rumore, che fu sparzo in Pariggi poche settimane doppo la mia partita, ch'io fossi restato morto in Bordeaux. Il cui rumore puol havere operatosi che colui a chi V. S. havera indirizzato la sua lettera, [269] l'habbia ritenuta per aspettare altre nuove del fatto mio, si come e avenuto della scatola che m'era stata inviata da Roma dal SrAleandro, dentre laquale era inchiusa una figurina di legno imitata su l'antiquita d'un senatore togato dove si vede ben espresso et distinto l'Umbone, laquale mi capito solamente la settimana passata insieme con lettere del Sr Luca Torrio di Madrid et altre cosette curiose trattenutesi, molti mesi, in Pariggi et in Lyone. Et forzi che tal rumore poltra ben essere arrivato costa per mettere V. S. in dubio se m'haveva da scrivere. Questa è una carita imprestami da persona di mala fede et di grandis-sima ingratitudine che sotto quel pretesto voleva tentare come fece di cavar di mano al libraro Cramoisy le opere manoscritte del Sr Go du Vair ch'io gli haveva lasciate da stampare il che non gli riusci. Basta che siamo pur vivi ancora per gratia di Dio, et habbiamo le medesime intentioni di servirla con ogni sincerita, ben che ci manchino le medesime occasioni che potevamo haverne in corte, laquale se mutata di faccia quasi tutta intiera dal principio di questo an no in quà et par che sia in melius. Et se puo durar la pace, io credo che si potrebbe sperare miglior riuscita ancora delle proposte che s'erano fatte altre volte di avocarla in questo regno. Quanto al Sr di Lausone, io credo che la contagione possa haver caggionato che gli non le havesse scritto al tempo che V. S. mi scrive, ma voglio credere, che doppo il ritorno della Corte, egli non havera mancato di sodisfare a quel debito et quando V. S. gli haverebbe scritto due righe non credo che fosse stato mal apposito. Io gliene serviro come si deve.

Venendo hora alla gemma di Messalina et poi che V. S. ne vuol in ogni modo il mio parere io non posso dissimulare che se la pietra non fosse rotta nella parte dove e nominato il marito et che vi si scorgesse chiaramente il nome di C. Silio Nerva io la stimarei al centuplo di piu, che se vi s'era da leggere il nome di Claudio, di che io non la posso risolvere per ciò che un impronto ch'io ritenni di quella pietra in cera di Spagna e tanto mal venuto in quella parte, che non vi resta altro che la lettera N avanti la voce Quod etc. et in quella fretta dove io mi ritrovai, havendo guasto tutto il pezzo di cera di Spagna ch'io haveva in saccoccia a tentare di fare impronti del taglio di Jona, liquali per la gran convexita non potevano riuscire netti da tutte le parti non mi bastò il restante di detta cera per far un altro [270] impronto che fosse intiero di detta gemma di Messalina, in quella larguezza che su la pietra. Et per non perdere l'occasione del ritorno della barca, laquale col riflusso del mare non poteva stentare di partire di Cadillaco per scendere a Bordeaux, fui costretto di serrar la scatola et piego mio, confidandomi che V. S. mene mandarebbe poi un impronto in solfo ben perfetto et ben intiero, per quanto la gemma lo comportarebbe, ricordandomi veramente che c'era un fragmento in quella parte, anzi che pareva che vi fosse una certa fissura, o apparenza di fissura (felure dichiamo in francese) laquale faceva dubitare che non s'accrescesse la rottura, se non se conduceva con gran desterita la pietra, quando sene averanno altri impronti et per cio lasciai tanto piu volontieri questo pensiero a V. S. che si poteva attendere con maggior aggio, che non m'era possibile all' hora a me. S'io devo congietturare su l'inscrittione che V. S. mi nota nella sua lettera, cioe SAL... AV Quod etc. io vorrei essaminare se la lettera A che precede il V sarebbe un R per fare portione del cognome di detto Silio, cioe Nerva per dire C. SIL. NERV o NERꜸ, ma se non m'inganna la resta nel mio impronto del cera di Spagna, par che la lettera finale sia un N ben formato, se pure non è un A et un V, congionti a questo modo Ꜹ per finire il cognome di Nerva, senza che tal transpositione habbia niente di inusitato nell' inscrittioni antique et manco il solecismo ch'erano assai frequenti in questa sorte d'intagli SAL. C. SIL. NERꜸ. SAL. C. SIL. N. overo per fare portione del nome di CLAVdio o della qualita di AVgusto. In cui caso le diro bene che si potrebbe ancora salvare il nome di Claudio se ben non vi sarebbe tanto acume poi che la moltiplicita delle moglie di Claudio avanti il suo principato con lequali fece divortio per cause assai leggiere massime con PETINA come scrive Suetonio se ben mi ricordo, alla quale successe della MESSALINA non sarebbe grande inconveniente che gli amori di Messalina con cui havessero havuto principio avanti il divortio con Petina, et dato caggione alli voti assegnati nella gemma, et ben che la qualita di Augusta non possa convenire con quel tempo, si potrebbe salvare ancor ella, se si concede che tale sorte di voti si potessero celebrare, et continuare ogni anno in giorno preciso, come s'usava ne' voti publici et privati che si facevano per la salute de' principi, si come fu practicalo in que' che Magister Collegii fratrum Arvalium fece per la salute di Nerone et di Octavia [271] sua moglie, il quale quod superioris anni Magistri voverant persolvit, et in proximum annum nuncupavit, et in que' ch'accenna Plinio nel lib. X dell' Epistole sue a Trajano, con queste parole vota pro incolumitate tua etc. etc. suscipimus Domine pariter et solvimus precati Deos ut velint ea semper solvi semperque signari. Si come anco in que' che si rinovavano in Narbona ogni anno per Augusto per la sua consorte, figli et gente sua alli IX kal. Oct. del suo natale kal. Januar. del capo d'anno, VII Id. Janu. del principio dell' imperio suo et pridie kal. Jun. quod ea die etc. judicia plebis Decurionibus conjunxit, et in altri giorni che mancano forzi nell' inscrittione, dove potevano essere mentionate altre cose de' voti annui che non havevano fundamento piu degno o piu considerabile che poteva essere a Messalina il giorno del suo sposalitio. Ne era cosa nuova che le donne facessero voti per la salute de' mariti come fecero quelle Greche allegate da Penelope appresso Ovidio:

Grata ferunt Nymphae pro salvis dona maritis
et quelle che diceva appresso il Propertio, lib. IIII eleg. III nel fine:
Armaque cum tulero portae votiva Capenae
Subscribam salvo grata puella viro.

Il che non era la pima volta poiche nel istessa elegia haveva detto la medesima che

Omnibus heu portis pendent mea noxia vota.

Io non mi ricordo veramente adesso di authorita precisa appresso gli antiqui per provare che si rendessero anniversarii li sacrificii fatti una volta, nel giorno delle nozze come erano quelli del giorno natale et parecchi altri ma non ci trovo pero tota incompatibilità, poi ch'era del numero di que' giorni o feste geniali, la cui memoria non era ingrata: massime se vi si aggiongevano voti per la salute del marito, come si vede essere stato fatto nel tempo accennato in questa gemma, et forzi che facendone disquisitione particolare negli authori classici, facilmente se ne trovarebbe qualche esempio cio che scrive Suetone che Claudio jus etc. dixit etiam suis suorumque diebus solemnibus mostra bene che si potessero celebrare in casa sua altre feste che le sue, ben che senza pompa ne strepito et notando ancora l'istesso authore congiontamente ch'el medesimo principe sponsalia filiae natalemque geniti nepotis silentio ac tantum domestica religione transegit, par che lascii [272] d'intendere qualche parita d'un caso con l'altro et per consequenza, che si potesse rinovare ogni anno la festa dell' uno come dell' altro. Ne credo che s'habbia d'escludere la moglie con la parola suorumque, nonostante le risolutioni delli Giurisconsulti in materia di successione. Anzi, se si consideran li cappricii ch'habbiamo visti negli intagli del Giaduco, si troveranno tante cose heteroclite et mal conforme alle regole cosi delle lingue latina et greca come delli ordini et regole osservate nelli riti sacri et profani et contra bonos mores che non credo che si habbia da trovar stranno che si perpetuassero non solo queste ma qualsi voglia sorte di attioni lequali dovessero essere momentane et singolari; poiche non facevano difficolta di celebrare seconde nozze durante le prime senza alcun divorzio, ne dissolutione precedente et senza vergogna di commettere cose tanto illicite.

Con questa presuppositione non sara incompatibile la qualita d'Augusta in Messalina quando ella doppo la delatione del imperio al suo marito, havera voluto rinovare annualmente li voti principiati al giorno delle sue nozze, poiche consta ch'ella sia stata la maggior causa impulsatrice al marito, accio accettasse la qualita d'imperatore che gli non ardiva accettare doppo la morte di Caligola suo nepote. Et cosi non discordarebbe la nota del II consolato del marito, quando cosi fosse che la gemma fosse stata scolpita prima che si erigessero le statue di detta Messalina et del marito, in cui tempo gli amori di C. Silio non erano ancora nati ci concorre poi il natale del marito kal. Aug. nel rovescio della gemma che non poteva rinovare la festa per il marito, che non rinovasse la memoria del piu filice giorno della vita della moglie, perche l'haveva portato all' imperio. Et poi che un giorno di tal festa non fosse mal apposito a fare ottenere ad una meretrice qualche gratia apprezzo il suo amasio, doppo la crapula quando egli havesse fatto qualche scrupulo in altra tempo; come poteva essere il divortio con Petina et lo sposalitio di Messalina. Un altra cosa non bisogna preterire, cioe che sicome intagli et gemme si trovano imitati volte li symboli di varie medaglie publiche per gusto particolare di persone private, et quelli ancora di molti tagli et gemme, dissegnate una volta di valenti huomini, cosi non bisogna maravigliarsi che si trovino imitati in diversi secoli molti intagli di questo genere itifallico anzi perche la licenza ce ne fosse piu smisurata delli altri et forzi [273] fondata in superstitioni particolari, a que' s'imaginavano d'arrivare in qualche maniera alla fortuna, senon publica al meno privata delle persone per lequali s'erano altre volte scolpite in gemme symboli conformi a quelli che volevano esse portare addozzo, et da qui viene quel gran numero di gemme nelle quali si vede scolpito il nome di Messalina et di quelli altri potenti dell' antiquita. Da qui anco potrebbe venire che imitandosi in secolo molto piu basso che Messalina qualche gemma scolpita per lei con quella corona mentulata, ci habbiano voluto aggiongere la qualita di Augusta posseduta molti anni doppo il tempo ch'ella fu damnata voti.

Restami ancora un altro pensiero un poco piu stravagante, ma a lei non voglio celare cosa alcuna, poiche cosi la commanda cioe che si come que' principi et principesse usurpavano talvolta gli vestiti, delle Deita et delli heroi, cosi facevano ancora delli principi grandi come si vede essere stato fatto di que' che pigliavano l'habito d'Allessandro magno, et come si vedeva fare questa Messalina col suo Silio celebrando la vindemia con gli habiti di Libero et Libera per aggiungere maggior riputatione alle lor lascivie et in questa maniera io vorrei credere che molte meretrici havessero in secoli posteriori a Messalina preso l'habito et nome suo privatamente con gli amisii, et poi fatto scolpire gemme al medesimo fine, et cosi di Cleopatra, Faustina et altre et di Giulio, Marco Antonio et altri ch' hebbero da fare con loro. Et chi sa che questa gemma et molte di quelle di Ciaduco non siano scolpite ad instanza di persone private mascherate di que' nomi et symboli pertinenti a persone di maggior grado, con che si potrebbe schusare la gofferia della scoltura di molti di que' intagli et l'ignoranza crassa che vi si vede cosi dell' inventori o dissignatori come delli scultori. A che proposito si potrebbe allegare ancora, ben che doppo un grand intervallo, l'essempio di quella principezza morta pochi anni sono laquale si vestiva da Venere et poi si metteva nuda in un letto sopra strapontini di arazzo nero, et si faceva venire adesso l'amatore in habito di Marte, havendo appresso il letto fanciulli ignudi in habito d'amorini che tenevano le torcie accese, accio di godersi l'un altro piu pienamente.

Questo e quanto m'occorre a dirle intorno all' applicatione di questa gemma alle persone proprie di Claudio et della moglie, ma quando si volesse in ogni modo riferire a Silio, non so se non vi potrebbe [274] essere ancora tolerabile la mentione di detto Claudio. Poiche scrive Suetonio essersi lasciato quel principe accieccare sino a tal termine che gli si lascio persuadere a sottoscrivere le tavole nuptiali et dotali convenute fra detta Messalina et l'adultero Silio, quasi come se si facessero simulatamente a posta, ad avertendum, transferendumque periculum quod imminere ipsi per quaedam ostenta portenderetur. Per la cui superstitione par che se scolpissero principalmente le gemme di questa sorte. In qual cosa non sarebbe stranno che l'adultero si fosse assonto l'istesso nome et qualita del marito, (si come n'assumeva la fonctione) per addozzarsi meglio tal pericolo, massime havendo gia allora gl' imperatore accettato in diversi luoghi dell' Imperio gli honori et culti divini, et preso loro istessi spesse volte (ben che in privato) habiti divini, come s'era introdutto in que' secoli da principi greci loro antecessori. Che cosi facendo l'adultero non par che commetesse maggior male che quando pigliava l'habito di Libero per la vindemia. Et accio non converrebbe male il giorno delle kalende d'Augusto che Claudio soleva celebrare il suo natale, per fare nella persona et habiti di Claudio, una festa et attione propria a luy medesimo, come nella vindemia egli faceva, sotto habito di Libero, una festa et attione pertinente a Libero. Il che se fosse avenuto haverebbono meritato d'essere scritto dagli historici antiqui si come le altre cose da loro accennate, ma sendo cose fatte privatamente non sarebbe maraviglia, che alcune particolarita fossero state ignorate et nondimeno rappresentate in gemme come vi si trovano rappresentati infiniti secreti non publicati da gli authori contra Trajano, Vespasiano et altri principi che non sono tassati di corruptioni simili a que' M. Antonio, Caligula, Nerone et altri generalmente condamnati dalli posteri. Et in questo modo poco importarebbe di leggere in questa gemma PRO SAL TI CLAV overo PRO SAL IMP CLAU o PRO SAL IUN CLAU, per far IVNioris, o qualsi voglia altra inscrittione appartenente all' imp. Claudio nominatamente piu tosto che a detto SILIO, se pure non piace PRO SAL IVN CL N per JUNIORIS CLAUDII NERVAE o JUNIORIS CLAUDII AUGUSTI, ben che veramente si dovrebbe postponere piu tosto che preponere la voce JUNIORIS secondo l'usanza antiqua. Et se detto Silio non usurpo la qualita d'Imperatore et Augusto e ben certo che Claudio hebbe gran paura che gli non havesse acquistato effettivamente l'imperio, massime [275] che dice Suetonio che foedum in modum trepidus ad castra confugit, nihil tota via quant esset ne sibi salvum imperium, requirens. Il che presuppone quasi l'usurpatione della qualita d'Imperatore o Augusto. Ma questo depende principalmente delli vestigii di lettere che possono essere restati su la gemma in quella parte nella quale ella e rotta, et per consequenza dell' esatezza di V. S. che lo può examinare su l'originale o su gli impronti compiti et non da me che non ho impronto perfetto in quella parte.

Vengo hora all' inscrittione de marmi trovati in Bordeaux con le statue et specialmente con quella che si crede essere di Messalina, l'una delle quali appartiene veramente all' Impre Claudio et si puo supplere in questa sorte:

TI. CLAVDIO
DRVSI F. G.
C. AVGVSTO
PONT. MAX.
TR. P. COS. II. PP.
C. IVLIVS

Ma l'altra, per quanto io posso congetturare dalli fragmenti che m'hanno mandati di Bordeaux, io non credo che si possa mai applicare a Druso, padre di Claudio ne a qualcuno altro che a Druso secondo figlio di Germanico il quale Tiberio fece morir di fame potendosi commoda-mente supplire in questa maniera:

DRVSO CAESARI [GERMA]
NICI CAESARIS [F. TI. CAES.]
AVG. N. DIVI AVG. [PRON.]
PRAEFECT. VRBIS [FLAM.]
[AV]GVSTALI

sendo di tutto fuor di proposito i suplemti che se ne facevano per applicarla a Druso padre di Claudio, il quale non fu mai adoptato nella famiglia d'Augusto, ne vi puo nocere la dignita di prefecto urbano (ben che dovesse parere di prima fronte mal compatibile nella persona d'un principe cosi giovane come era quello, se si risguarda la fontione di quella dignita ne' secoli piu bassi) ma in que' tempi non era di tanta importanza; scrivendo A. Gellio Lib. XIIII. cap. ult. che ex ea aetate praefectus fit quae non est senatoria; parlando de' prefetti urbani che [276] si lasciavano in Roma quando usciva il magistrato per andare alle ferie latine, che non era d'altro profetto urbano in que' tempi. Et cosi scrive Dione che il nostro Claudio volse che li duoi generi suoi fossero sottoposti alle regule ordinarie di passar per le cariche delli viginti jurati et poi per quella della prefectura urbana prima che d'arrivare ad alcun magistrato.

Quanto al dissegno della testa di marmo di Messalina io haveva ordinato precisamente che si facesse il proffilo et non altramente ma hanno fatto giusto al contrario et l'hanno dissegnata quasi in faccia di modo che non sene può cavar niente al proposito della conciatura de' capelli che si desiderava, et poi il dissegnatore non ha fatto cosa completa; bisognera aspettare un secondo mandato per havere il profilo.

Il duello dei Limazzoni è giusto a proposito da maritarlo con il duello de' fascini di Nicomede et Giulio, et se ben l'impronto non riusciva tanto bene per la mescolanza del cavo et di rilievo, lo vedero non dimeno ben volentieri, se non in solfo, al meno in cera, et piu tosto facendo improntar la pietra in sabbia, come le medaglie et poi gettarla in piombo che cosi restera la dispositione della mescolanza del rilievo con il cavo.

Io son quasi stracco di scrivere et credo che V. S. non sara in men stracca di leggere fin qui ma io meritava ben questa penitenza doppo un troppo lungo silentio et forzi che V. S. ne meritava ancor ella per simil caggione la sua parte. Schusiamosi dunque l'un l'altro et con tal fine doppo haverla ringratiata come fo affettionatissimamente de la cortese memoria chella tiene di me et dello stromento del moto perpetuo le bacio le mani. Di Aix alli XI febraio 1624.

Delli ricapiti per le nostre lettere o fagotti, io credo che l'ordine lasciato a V. S. partendo di Pariggi era molta buono cioè per le lettere al Sr Ferrarino et per li fagotti al Sr Taverniere. Ma poiche il Sr de Lomenie e ritornato in Pariggi credo che le lettere veniranno con gran diligenza et sicurezza se V. S. ordina al Sr Ferrarino che si degni mandarle in Pariggi in casa del detto Sr de Lomenie, dove tutti i domestici quale ch'egli si sia le ricevera volontieri, quando saranno dirette a me et sotto il mio nome, et non mancheranno di darle al padrone accio mi siano inviate per la posta, facendomi quel Sre un dispaccio ogni settimana il Lunedy sera per l'ordinario di [277] Lyone, di modo che le lettere di V. S. arrivando a Pariggi il Venerdy potranno partire il Martedy seguente et arrivare qui il decimo giorno doppo. Et io ordinero che le mie lettere vadino di qua in Pariggi sotto la coperta di detto Sr de Lomenie, dirette poi a V. S. et raccommandate a detto Sr Ferrarino. Per questa volta andera questa sotto la copertura del Vicelegato d'Avignone et di Mgr Nuntio di Brusselles et via straordinaria d'un secretario di detto Sr Vicelegato dello quale pure io mera prevaluto un altra volta, senza che V. S. mi habbia ancora fatta risposta che sia pervenuta in mie mani.

Ma se V. S. vuol mandare alcuna cosa per mare come potrebbe essere la cassetta dello stromento del suo compare potra valersi del Sr Guil. van Steenwinckel d'Amsterdam, corrispondente delli Sgi Baltasare Boyer et Abrah. Stayar di Marsiglia facendo la soprascritta a me, et a detti SSri Boyer et Stayar liquali mela manderanno qui. Et credo veramente che que' tubuli di vetro correranno manco rischio di rompersi per quella via, che quella di Pariggi, essendo difficile et quasi impossibile di sperare che la commossione del carro non guastasse ogni cosa. Et perciò tengo che il detto suo compare habbia raggione quando dice di non dovere mettere il liquore dentro que' tubuli per mettere in strada lo stromento in quel modo. Ma vorrei bene ch'egli non mettesse il liquore, quando vorrebbe far imballare lo stromento, per mandarmi detto istromento per la via del mare et il liquore in una anforetta di vetro forte in un scatolino separato, per la via di Pariggi, accio che non patisca l'humore per la frequenza delle tempesta del mare.

Mando a V. S. la copia della carta de los Alombrados, et d'una lettera che scrissi ultimamente in Italia ad un amico, in proposito d'un fragmento di antiquita Egitia, con il dissegno d'essa. Il libro del P. Garasse non l'ho havuto ancora qui da Pariggi. Ho trovato finalmente la relatione veneta di Fra Poalo ma sono in grande stento a trovare chi la possa transcrivere corettamente, lo faro al meglio se potra et in qual proposito non le voglio tacere a lei (ben che importa di non divulgarlo) che del libro della relatione del Concilio Tridentino stampato in Inghilterra se ne venuto in Venetia un essemplare scritto de mani di Fra Paolo, ma non e tutto conforme alla stampa, nella quale si son interpolate molte cose in detrimento dell' authore, et che si sono [278] accorti che l'anagramma di Pietro Soave Polano e Paolo Sarpi Veneto, ma questo sia tra li noi di gratia.


LETTRE DE MM. BOYER ET STAYAR
A Mr GUILLAUME VAN STEENWINCKEL, AMSTERDAM.

Mr par autre nous escripvrons plus au long et ce mot est seulement pour vous dire que Mr de Peiresc est bien à la Cour du Parlement de Provence personnage de grand mérite et à qui désirons extrêmement pouvoir rendre quelque digne service, désire de faire tenir en aggréation quelques caissettes ou aultre chose qu'il a cheminées par voye d'Amsterdam pour faire ce, vous supplions vouloir effectuer tout ce qu'il ordonnera de faire avec toute affection et diligence et nous nous obligeons à vous les donner en toute autre occasion.

Mr

Balt. Boyer

et

Abraham Stayar

à Marseille. Ce 4 février 1624.

LETTRE DE Mr DE PEIRESC
A Mr GUILL. VAN STEENWINCKEL, A AMSTERDAM.

Mr,

vous recevrez avec la présente une lettre de MM. Boyer et Stayar de Marseille de vous prier de recevoir pour la faire tenir de par deça, par voye asseurée, une caissette que je vous adresse à Amsterdam, laquelle m'appartient et n'est pas chose de grand valeur ni de grand poids, mais elle est un peu fragile, c'est pourquoi elle a de besoing d'estre bien recommandée au chef du navire sur lequel vous la ferez charger, afin qu'il aye en soing de la placer en lieu bien garanti et hors d'atteinte des secousses et canonnades, s'il est possible. Je joindray ceste mesme obligation à celle de ce Mr qu'il a voulu donner ceste peine et tacherai de vous en rendre en revange tout autant qu'il me sera possible, en qualité Mr, de vostre etc. A Aix, ce 12 février 1624.

Ce que vous desbourserez pour le port d'avance à Amsterdam sera fort fidèlement remboursé à Marseille aux Srs Boyer et Stayar ou au capitaine de navire qui apportera la caissette selon que vous l'ordonnerez.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. V, 706 v° à 709 v°.

Noté dans les Petits Mémoires de Peiresc à la date du 25 février 1624: «Au Sr Rubens avec le fragment du Laterculus, los Alombrados.»


[279] TRADUCTION.
PEIRESC A RUBENS.

Monsieur.

Après tant de mois de silence d'une personne aussi aimable que vous, il m'est arrivé enfin une lettre de vous, datée du 25 octobre, en réponse à celle que je vous ai écrite dans la barque allant de Bordeaux à Cadillac. Ce silence m'a été fort pénible surtout parce qu'il me privait de votre conversation si agréable et parce qu'il coïncidait avec la perte des choses les plus rares que j'ai recueillies durant de longues années, perte dont je vous ai écrit plus au long et peut-être ad nauseam le mois dernier. J'éprouvai une grande consolation en ouvrant votre lettre si affectueuse, mais ayant cherché la date et lu le post-scriptum écrit postérieurement, ma douleur se renouvela et je ne pus que compâtir au chagrin que vous devez avoir ressenti par la mort de votre fille unique qui montrait déjà tant de mérites. La douleur de votre femme bien aimée doit avoir accru votre affliction puisqu'au regret de votre perte s'ajoutait encore la douleur de voir souffrir la mère. Vous n'êtes pas de ceux qui ont besoin de consolation, parce que vous connaissez la fragilité de la vie humaine et la grâce que Dieu nous fait souvent en enlevant une jeune fille de la terre pour la faire revivre au ciel et pour ne pas la laisser exposée à de longues infirmités ou à des malheurs, épreuves plus sensibles au coeur d'un père que la mort dans cet état d'innocence. Vous avez plutôt à louer la divinité de l'avoir conservée à votre affection si longtemps et cela suffit presque à vous concilier une plus grande grâce divine et à vous obtenir en revanche une plus large part de sa sainte bénédiction. Je joins à cet effet mes voeux aux vôtres et espère qu'ils seront exaucés.

Du reste, je ne sais à quoi attribuer le retard dans l'envoi de cette lettre et la longueur de votre silence, sinon à une fausse rumeur qui se répandit peu de semaines après mon départ de Paris que j'étais mort à Bordeaux. Cette rumeur peut avoir eu pour effet que celui à qui vous avez adressé votre lettre l'a gardée pour obtenir d'autres nouvelles sur mon sort. La même chose m'est arrivée avec une boîte qui m'avait été envoyée de Rome par Monsieur Aléandre, qui contenait une figure en bois imitée de l'antique et représentant un sénateur portant la toge, dans laquelle on distinguait très bien l'umbo (1). Elle m'est arrivée seulement la semaine dernière en même temps que des lettres de Monsieur Lucas Torrio de Madrid et d'autres choses [280] curieuses retenues pendant plusieurs mois à Paris et à Lyon. Peut-être bien que cette rumeur vous est parvenue et vous a fait douter si vous deviez m'écrire. C'est une gracieuseté que m'a faite une personne de mauvaise foi et d'une ingratitude extrême qui, sous ce prétexte, voulut tenter et essaya effectivement de tirer des mains du libraire Cramoisy les oeuvres manuscrites de Monsieur Guillaume du Vair, que j'y avais laissées pour être imprimées, mais qui n'y réussit point. Il suffit que nous soyons encore en vie par la grâce de Dieu et que nous ayons la même intention de vous rendre service en toute sincérité bien qu'ici nous n'ayons pas les mêmes occasions que nous trouvions à la Cour. Là presque tout a changé de face depuis le commencement de cette année, et il paraît que tout y va mieux. Si la paix peut durer, je crois que l'on pourrait espérer encore un meilleur résultat au sujet des propositions qui vous ont été faites autrefois de vous appeler dans ce pays. Quant à Monsieur de Lausone, je crois que l'épidémie peut avoir été cause qu'il ne vous a pas écrit au moment où vous m'écriviez, mais j'aime à croire que depuis le retour de la Cour il n'aura pas manqué de satisfaire à ce devoir; je crois aussi qu'il ne serait pas mauvais que vous lui écriviez deux lignes. Je suis à votre service, comme c'est mon devoir.

Venons-en maintenant au camée de Messaline, et puisque vous ne voulez d'aucune façon vous rallier à mon opinion, je ne puis dissimuler que si la pierre n'était pas cassée à l'endroit où se trouve le nom du mari et que là se montrait clairement le nom de C. Silius Nerva, je l'estimerais cent fois plus que si on pouvait y lire le nom de Claudius. Mais je ne puis pas me prononcer là-dessus parce que je n'ai gardé de cette pierre qu'une empreinte en cire d'Espagne qui est si mal venue en cet endroit qu'il n'y reste que la lettre N avant le mot quod etc. Dans la hâte que je devais faire, j'avais abimé tout le morceau de cire d'Espagne que j'avais dans une. saccoche en essayant de mouler la gemme de Jonas, que par sa forme convexe je ne réussis pas à prendre nettement en son entier, et il ne me restait pas assez de cette cire pour faire une autre empreinte de la gemme de Messaline en son entier et de la même largeur que sur la pierre. Et pour ne pas perdre l'occasion du retour de la barque, qui au reflux de la marée ne pouvait remettre son départ de Cadillac pour descendre vers Bordeaux, je fus forcé de fermer ma boîte et mon paquet. Je me tenais pour assuré que vous m'enverriez plus tard une empreinte en souffre bien parfaite et bien entière pour autant que la gemme le permettrait. Je me rappelle que réellement il y avait une cassure dans cet endroit ou plutôt qu'il paraissait y avoir une fissure ou une apparence de fissure (nous disons fêlure en français) qui faisait douter si la cassure n'augmenterait dans le cas où la pierre ne [281] serait pas maniée avec une grande habilité quand on en prendra d'autres empreintes. C'est pourquoi je vous laisse le soin de tout cela; vous pouvez vous en occuper avec plus de loisir que cela ne m'était possible en ce moment. Si je dois émettre une conjecture sur l'inscription que vous notez dans votre lettre, à savoir SAL... AV Quod etc., je voudrais examiner si la lettre A qui précède le V n'est pas un R qui pourrait faire partie du surnom de ce Silvius, c'est-à-dire Nerva pour en faire C. SIL. NERV ou NERꜸ, mais si ce qui reste dans mon empreinte en cire d'Espagne ne me trompe pas, il paraît que la lettre finale est un N bien formé, à moins que ce ne soit un A et un V réunis de cette manière Ꜹ, ce qui ferait la fin du surnom NERVA, sans que pareille transposition ait rien d'inusité dans les inscriptions antiques et il n'y aurait pas même un de ces solécismes si fréquents dans ces sortes de pierres gravées: SAL. C. SIL. NERꜸ. SAL. C. SIL. N, ou bien cette double lettre ferait partie du nom de CLAVde ou de l'épithète AVguste. Dans ce cas, je vous dirai bien qu'on peut encore sauver le nom de Claude, quoique l'inscription perdrait de son intérêt, à cause du grand nombre de femmes que Claude eut avant son élévation à l'empire, et avec lesquelles il divorça pour des causes fort légères, principalement avec Petina, comme l'écrit Suétone, si je me rappelle bien. Ce fut à cette dernière que Messaline succéda. Il n'y aurait pas grand inconvénient à admettre que sa liaison avec Messaline eût commencé avant le divorce avec Petina et eût donné lieu aux voeux exprimés sur la gemme. Et, bien que Claude ne possédât pas la qualité d'Auguste à cette époque, on pourrait expliquer encore l'emploi de ce titre si l'on admet que ces sortes de voeux pouvaient se faire et se répéter chaque année à un jour déterminé, comme c'était l'usage pour les voeux publics et privés que l'on faisait pour le salut des princes. C'était le cas de ceux que le Magister Collegii fratrum Arvalium fit pour le salut de Néron et d'Octavie sa femme, lequel quod superioris anni Magistri voverant persolvit et in proximum annum nuncupavit et dans ceux que Pline mentionne dans le livre X de ses lettres à Traian en ces termes: vota pro incolumitate tua etc. etc. suscepimus Domine pariter et solvimus precati Deos ut velint ea semper solvi semperque signari. De même encore pour ceux qui chaque année se renouvelaient à Narbonne pour Auguste, pour sa femme, ses enfants et sa famille au neuvième jour des calendes d'octobre, son jour de naissance, aux calendes de janvier, le jour du nouvel an, au septième jour des ides de janvier et au jour avant les calendes de juin quod ea die etc. judicia plebis Decurionibus conjunxit et à d'autres jours qui peut-être manquent dans l'inscription et où pourraient être inscrits d'autres voeux annuels qui n'avaient pas une raison d'être plus digne ou plus importante que pouvait l'être pour Messaline le jour de son mariage. Ce n'était [282] pas chose nouvelle que les femmes fissent des voeux pour le salut de leurs maris; c'est ce que firent les Grecques mentionnées par Pénélope dans Ovide:

Grata ferunt Nymphae pro salvis dona maritis
et celles dont parle Properce, liv. IIII, élégie III, à la fin:
Armaque cum tulero portae votiva Capenae
Subscribam salvo grata puella viro.

Et ce n'était pas la première fois que nous rencontrions pareille allusion chez ce poète, puisque dans la même élégie la même femme avait dit que

Omnibus heu portis pendent mea noxia vota.

Je ne me souviens pas, il est vrai, à présent, d'un témoignage des anciens pour prouver qu'ils rendaient annuels les sacrifices une fois faits au jour de noces, comme cela se faisait pour ceux du jour natal et pour plusieurs autres; mais cependant je n'y trouve pas d'incompatibilité, puisqu'il était du nombre de ces jours ou de ces fêtes joyeuses dont le souvenir était agréable, en particulier quand on y joignait des voeux pour le mari, comme on voit qu'il a été fait à l'époque mentionnée dans cette gemme. Peut-être qu'en faisant des recherches dans les auteurs classiques on en trouverait facilement quelque exemple. Ce que Suétone écrit que Claude jus etc. dixit etiam suis suorumque diebus solemnibus prouve bien qu'on pouvait célébrer dans sa maison d'autres fêtes que les siennes, quoique sans pompe et sans bruit. Et quand le même auteur annote encore à propos du même prince que sponsalia filiae natalemque geniti nepotis silentio ac tantum domestica religione transegit, il semble qu'il laisse entendre qu'il y a une analogie entre les deux cas et que par conséquent on pouvait renouveler chaque année la commémoration de l'un comme de l'autre de ces évènements. Je crois qu'il ne faut pas exclure la femme de ceux qui sont désignés par le mot suorum, nonobstant l'avis des jurisconsultes en matière de succession. Au contraire, si on tient compte des caprices que nous avons vus sur les pierres gravées de Chiaduc, il se trouvera tant de choses hétéroclites et non conformes aux règles du latin et du grec, aussi bien qu'à l'ordre et aux usages observés dans les rites sacrés et profanes et contraires aux bonos mores, que je ne crois pas que l'on doive trouver étrange que de pareilles choses mais encore toutes sortes d'autres actions qui devaient être momentanées et uniques se soient perpétuées, puisqu'on ne faisait pas difficulté de célébrer de secondes noces quand le premier mariage durait encore et cela sans aucun divorce ni dissolution du précédent et sans honte de commettre une chose aussi illicite.

En admettant cela, il ne sera pas impossible de voir accorder le titre d'Augusta à Messaline, quand, après l'élévation de son mari au trône, elle aura voulu renouveler chaque année les voeux faits une première fois le jour [283] de ses noces, puisqu'il est certain qu'elle a été la cause principale que son mari, après la mort de son neveu Caligula, a accepté le titre d'empereur qu'il n'ambitionnait pas. Et ainsi la mention du second consulat du mari ne serait pas en désaccord avec la vérité si la gemme avait été gravée avant que les statues du mari et de la femme eussent été érigées et dans un temps où l'amour de ce Silius n'était pas encore né. Ce qui confirme cette hypothèse, c'est la mention du jour natal du mari, les calendes d'Auguste, sur le revers de la pierre; on ne pouvait célébrer la fête du mari sans renouveler le souvenir du jour le plus heureux de sa femme qui l'avait élevé à l'empire. Et puisqu'un pareil jour de fête était propice pour faire obtenir à une courtisane quelque faveur de son amant après une action honteuse, quand dans un autre moment il aurait senti quelque scrupule à l'accorder, le divorce avec Petina et le mariage avec Messaline pouvaient compter parmi ces faveurs. Une autre cause qu'il ne faut point passer sous silence, c'est que de même que des camées et des gemmes ont été souvent copiés, de même les symboles représentés sur des médailles publiques peuvent avoir été reproduits par le goût particulier de personnes privées; il a pu en être de même pour les pierres gravées et les gemmes dessinées par des hommes de talent. Ainsi il ne faut pas s'étonner que dans divers siècles beaucoup d'intailles du genre ithyphallique aient été imitées, pour la raison même que la licence ne pouvait en être dépassée par les autres. Peut-être l'usage était-il fondé sur une superstition particulière consistant à s'imaginer qu'on arriverait de quelque manière à la fortune, sinon publique du moins privée, dont avaient joui les personnes pour lesquelles furent gravés autrefois des symboles pareils à ceux que l'on voulait porter sur soi. Cela expliquerait le grand nombre de gemmes sur lesquelles se trouve sculpté le nom de Messaline et d'autres personnages puissants de l'antiquité. De là encore pourrait venir qu'en imitant dans les siècles beaucoup plus récents que celui de Messaline quelque gemme gravée pour elle avec cette couronne de phallus, on ait voulu ajouter à l'inscription primitive le titre d'Augusta possédé par elle de longues années après l'époque où son voeu fut exaucé.

Il me reste encore une autre pensée un peu plus extravagante, mais je ne veux rien vous cacher, puisque aussi bien vous m'ordonnez de tout dire, c'est que comme ces princes et ces princesses ont usurpé si souvent les vêtements des dieux et des héros, ils ont pu le faire encore pour ceux des grands princes, comme on en a vu qui prirent l'habit d'Alexandre le Grand et comme on le voit faire par cette Messaline avec son Silius célébrant la vendange dans les habits de Bacchus et de Libera, pour ajouter plus d'éclat à leur lasciveté. Je voudrais croire que de cette manière beaucoup de [284] courtisanes, dans les siècles postérieurs à Messaline, auraient en particulier pris son habit et son nom avec leurs amants et auraient fait sculpter des gemmes dans la même intention. Elles firent de même encore pour Cléopâtre et Faustine, pour Jules-César, Marc-Antoine et d'autres qui avaient été leurs amants. Et qui sait si cette gemme et beaucoup de celles de Chiaduc n'ont pas été sculptées par ordre de particuliers qui se déguisaient sous le nom et les attributs de ces personnages d'un rang plus élevé? Ainsi pourraient s'expliquer la grossièreté de la sculpture de beaucoup de ces pierres gravées et l'ignorance crasse des inventeurs, des dessinateurs et des graveurs qu'on y remarque. A ce propos on pourrait encore citer, bien que le fait date d'un temps beaucoup postérieur, l'exemple de cette princesse qui se déguisa en, Vénus et se mit toute nue dans un lit sur un matelas en tapisserie noire, fit venir son amant en costume de Mars et, pour jouir plus pleinement l'un de l'autre, plaça auprès du lit des enfants nus avec les attributs des amours qui tenaient des torches allumées.

Je vous dis tout cela en appliquant les figures de cette gemme aux personnes de Claude et de sa femme, mais si l'on veut de toute force le faire rapporter à Silius, je ne sais si la mention de Claude ne pourrait encore être justifiée, puisque Suétone écrit que cet empereur se laissa aveugler au point de signer le contrat nuptial et dotal convenu entre Messaline et l'adultère Silius, comme s'il eût simulé de le faire à dessein ad avertendum transferemdumque periculum quod imminere ipsi per quaedam ostenta portenderetur. Il paraît que ce fut principalement par cette superstition que des gemmes de ce genre furent sculptées. Dans ce cas, il ne serait pas étonnant que l'adultère eut pris le nom et la qualité du mari lui-même comme il en avait usurpé les droits et ce pour mieux se charger d'un tel péril, surtout parce que l'empereur avait déjà accepté en divers endroits de l'empire les honneurs et le culte des dieux et pris souvent (quoiqu'en particulier seulement) leurs attributs, comme l'avaient fait dans ce siècle les princes grecs, ses prédécesseurs. En faisant cela, l'adultère ne paraît pas avoir commis un méfait plus grand que quand il prit les attributs de Bacchus pour la vendange. Le jour des calendes d'août, auquel Claude avait l'habitude de célébrer son jour natal, n'aurait pas été mal choisi pour organiser, sous le déguisement et sous le nom de Claude, une fête et une cérémonie se rapportant à lui Silius, comme il avait organisé, lors de la vendange, sous les attributs de Bacchus, une fête et une cérémonie se rapportant à Bacchus. Si pareille chose était arrivée, elle aurait mérité d'être mentionnée par les anciens historiens, comme bien d'autres faits signalés par eux. Mais c'étaient là des actions privées et il ne serait pas étonnant que quelque particularité de cette sorte fût restée ignorée et [285] eut cependant été gravée sur une gemme, comme il y a une infinité de détails non publiés par ces auteurs contre Trajan, Vespasien et d'autres princes qui ne sont pas accusés d'une corruption semblable à celle de Marc-Antoine, Caligula, Néron et d'autres empereurs universellement condamnés par la postérité. De cette manière, il importerait peu de lire sur cette gemme PRO SAL TI CLAV ou bien PRO SAL IMP CLAV ou PRO SAL IVN CLAV, pour faire IVNioris, ou quelqu'autre version se rapportant nominativement à l'empereur Claude plutôt qu'à SILIUS, à moins que l'on ne préfère interpréter les mots PRO SAL IVN CL N par JVNIORIS CLAVDII NERVAE ou bien par JVNIORIS CLAVDII AVGVSTI, bien que d'après l'usage antique le mot JVNIORIS doive plutôt suivre que précéder le nom. Si le dit Silius n'usurpa point la qualité d'empereur et d'Auguste, il est certain que Claude eut grand peur qu'il ne se fût emparé effectivement de l'empire, surtout que, comme le dit Suétone, faedum in modum trepidus ad castra confugit, nihil tota via quam esset ne sibi salvum imperium, requirens, ce qui semble supposer l'usurpation de la qualité d'empereur ou d'Auguste. Mais cela dépend principalement des traces de lettres qui peuvent être restées sur la gemme, dans l'endroit où elle est cassée et par conséquent de votre ponctualité, car vous pourrez l'examiner sur l'original ou sur les empreintes complètes, ce que je ne pourrais faire, puisque mon empreinte est défectueuse en cet endroit.

J'en arrive maintenant à l'inscription des marbres trouvés à Bordeaux avec les statues et spécialement avec celle que l'on croit être de Messaline. L'une de ces inscriptions se rapporte assurément à l'empereur Claude et peut être complétée de la manière suivante:

TI. CLAVDIO
DRVSI F. G.
C. AVGVSTO
PONT. MAX.
TR. P. COS. II. PP.
C. IVLIVS

Mais l'autre, pour autant que je puis le conjecturer d'après les fragments qui m'ont été envoyés de Bordeaux, ne peut jamais s'appliquer, me semble-t-il, à Drusus, père de Claude, ni à un autre que Drusus, second fils de Germanicus, que Tibère fit mourir de faim. Il peut facilement se compléter de la manière suivante:

DRVSO CAESARI [GERMA]
NICI CAESARIS [F. TI. CAES.]
AVG. N. DIVI AVG. [PRON.]
PRAEFECT. VRBIS [FLAM.]
[AV]GVSTALI

[286] Entièrement malheureuses sont les restitutions du texte essayées pour le rendre applicable à Drusus, père de Claude, qui ne fut jamais adopté dans la famille d'Auguste. La dignité de préfet de la ville ne peut faire difficulté (bien qu'à première vue elle dût paraître peu compatible dans la personne d'un prince aussi jeune comme il l'était, si on fait attention aux attributions de cette dignité dans les derniers siècles de l'empire), mais à cette époque elle n'était pas de si grande importance. Aulu-Gelle écrit (Liv. XIIII, dernier chapitre) que ex ea aetate praefectus fit quae non est senatoria, en parlant des préfets urbains que l'on laissait à Rome quand les magistrats quittaient la ville pour se rendre aux fêtes latines: il n'y avait pas d'autre préfet à cette époque. Dion d'Halicarnasse écrit que Claude voulut que ses deux gendres passassent par les charges des vingt jurés et puis par celle de la préfecture urbaine avant d'arriver à aucune magistrature.

Quant au dessin de la tête en marbre de Messaline, j'avais précisément ordonné qu'on le fît de profil et non autrement, mais ils ont fait exactement le contraire et l'ont dessiné presque de face, de manière qu'on n'en peut tirer aucun parti pour l'arrangement des cheveux que l'on désirait connaître, et puis le dessinateur n'a pas terminé son travail; il faudra attendre un second envoi pour avoir le profil.

Le duel des limaçons se rattache fort naturellement au duel des phallus de Nicomède et de Jules, et bien que l'empreinte ne soit pas fort bien réussie, à cause du mélange des creux et des reliefs, je ne le verrai pas moins volontiers, sinon dans le souffre au moins dans la cire ou plutôt en faisant mouler la pierre dans le sable, comme on fait pour les médailles et pour la couler ensuite en plomb, parce qu'ainsi on évitera le mélange des creux et des reliefs.

Je suis presque fatigué d'écrire et je crois que vous ne devez pas être moins las de me lire jusqu'ici, mais je méritais bien cette pénitence après mon trop long silence et peut-être que vous en méritiez tout autant pour la même raison; excusons-nous donc mutuellement, et sur ce, après vous avoir remercié, comme je le fais très affectueusement du souvenir amical que vous avez gardé de moi et de l'envoi de la machine du mouvement perpétuel, je vous baise les mains. D'Aix, le XI février 1624.

Quant aux adresses de nos lettres ou paquets, je crois que celles que je vous ai remises en partant de Paris étaient fort bonnes, c'est-à-dire pour les lettres celle de Monsieur Frarin et pour, les paquets celle de Monsieur Tavernier. Mais puisque Monsieur de Loménie est retourné à Paris, je crois que les lettres me parviendraient très rapidement et très sûrement si vous les envoyiez à Paris chez Monsieur de Loménie, où tous les domestiques, [287] quelqu'ils soient, les recevront bien volontiers si elles me sont destinées et portent mon nom. Ils ne manqueront pas de les remettre à leur maître pourqu'il me les envoie par la poste. Monsieur de Loménie me fait une dépêche chaque semaine le lundi soir pour le courrier de Lyon, de façon que vos lettres, arrivant à Paris le vendredi, pourront partir le mardi suivant et arriver ici dix jours plus tard. Et je donnerai ordre pour que mes lettres aillent d'ici à Paris sous le couvert de Monsieur de Loménie et vous soient adressées et recommandées à Monsieur Frarin. Pour cette fois, la présente ira sous le couvert du vice-légat d'Avignon et de Monseigneur le Nonce à Bruxelles et par l'entremise extraordinaire d'un secrétaire de Monseigneur le Vice-légat. Je me suis déjà servi une fois de cette voie sans que vous m'ayez fait une réponse qui me soit parvenue.

Mais si vous voulez m'envoyer quelque chose par mer, comme ce pourrait être le cas pour la caisse de l'instrument de votre collaborateur, vous pourriez vous servir de Monsieur Guillaume van Steenwinckel d'Amsterdam, le correspondant de Messieurs Balthasar Boyer et Abraham Stayar de Marseille, en l'expédiant à mon adresse et à celle de Messieurs Boyer et Stayar qui me l'enverront ici. Et je crois réellement que les tubes de verre courront moins de risque de se casser en prenant cette voie que par celle de Paris, vu qu'il est difficile et pour ainsi dire impossible d'espérer que le cahotement de la voiture ne gâte rien. C'est pourquoi je crois que votre collaborateur avait raison quand il disait qu'il ne fallait pas mettre la liqueur dans les tubes si on voulait expédier l'appareil par cette voie. Je voudrais donc bien qu'il n'y mette pas la liqueur s'il veut emballer l'instrument pour me l'envoyer par voie maritime, mais qu'il expédie par la voie de Paris la liqueur dans un cruchon de verre solide enfermé dans une boîte séparée, pour que le liquide n'ait point à souffrir en mer des fréquentes tempêtes.

Je vous envoie la copie de l'affiche des Adombrados et d'une lettre que j'ai écrite dernièrement à un ami en Italie à propos d'un fragment d'antiquité égyptienne avec le dessin de cette pièce. Le livre du Père Garasse ne m'est encore parvenu de Paris. J'ai trouvé enfin la relation vénitienne de Fra Paolo, mais je suis fort embarassé pour trouver quelqu'un qui sache le transcrire correctement, je le ferai le mieux qu'il me sera possible et à ce propos je vous dirai bien (quoiqu'il faille ne pas le divulguer) que du livre sur l'histoire du Concile de Trente, imprimé en Angleterre, il est arrivé à Venise un exemplaire écrit de la main de Fra Paolo, mais il n'est pas entièrement conforme au texte imprimé dans lequel beaucoup de choses sont intercalées au détriment de l'auteur et l'on s'est aperçu que l'anagramme de Pietro [288] Soave Polano est Paolo Sarpi Veneto, mais je vous en prie, que cela reste entre nous.

(A cette lettre se trouvaient jointes une lettre française de MM. Boyer et Stayar à Mr Guillaume van Steenwinckel à Amsterdam et une autre de Peiresc au même Mr van Steenwinckel que nous avons imprimées à la suite du texte italien.)


COMMENTAIRE.

La mort de la fille de Rubens. Cette mention est le seul renseignement découvert jusqu'à présent de la perte que Rubens subit à cette époque. Le malheureux père avait annoncé la mort de sa fille à son ami Peiresc dans une lettre datée du 25 octobre 1623, mais le post-scriptum qui renfermait la funèbre nouvelle portait une date postérieure. Il est donc à présumer que la mort de la fille unique de Rubens est arrivée entre le 25 octobre et le premier novembre 1623. Que la lettre de Rubens qui en informe Peiresc ne soit arrivée à ce dernier que vers le 10 février 1624, ne prouve point que le post-scriptum ait été ajouté au delà du temps normal qui peut s'écouler entre la rédaction d'une lettre et celle d'un alinéa supplémentaire, temps que l'on peut évaluer à deux ou trois jours au maximum. Peiresc explique le motif probable qui a causé le retard apporté à la réception de la lettre par son destinataire.

La fille de Rubens s'appelait Clara-Serena; elle fut baptisée le 21 mars 1611 dans l'église Saint-André à Anvers, ses parrains furent Philippe Rubens, frère de Pierre-Paul, et Clara de Moy, grand-mère maternelle de l'enfant (1). Dans l'inventaire de la succession de Jean Brant, le père de la première femme de Rubens, se trouvent mentionnés deux portraits d'enfants, peints à l'huile sur panneau et encadrés, l'un d'un jeune fils de Jean Brant, l'autre de sa petite-fille Clara-Serena, la fille de Rubens. Quoique l'inventaire ne cite pas le nom de l'auteur de ces portraits, il est à peine permis de douter qu'ils soient de la main de Rubens (2).

[289] Bruit de la mort de Peiresc. Gassendi raconte qu'au moment même où certains amis exprimaient leurs condoléances à Peiresc de la perte qu'il venait de faire par suite du vol de ses antiquités, ils le félicitaient de ce que pour eux il paraissait revivre, car le bruit de sa mort s'était répandu, à Paris, par un mauvais sujet, on ne sait trop dans quelle intention.

Le camée de Messaline. Il s'agit d'un camée que Peiresc avait offert en cadeau à Rubens et sur lequel, semble-t-il, la fameuse impératrice était représentée couronnée de phallus et célébrant la vendange avec son amant Silius, habillés, lui en Bacchus, elle en Libera. Beaucoup d'autres détails y étaient encore gravés. La gemme portait plusieurs inscriptions difficiles à lire. Peiresc écrit toute une dissertation sur la signification probable des figures et des inscriptions; malheureusement nous ne connaissons pas l'intaille sur laquelle roule la controverse. Il avait trouvé la gemme à Bordeaux lors de son passage au mois de septembre 1623, comme il l'écrit à Rubens dans sa lettre du 17 de ce mois. C'est également là qu'il trouva les statues dont il cherche à interpréter les inscriptions dans la suite de la présente lettre.

Cramoisy (Sébastien). Imprimeur-éditeur à Paris, né en 1585, mort en 1669, travailla de 1609 ou d'une date antérieure jusqu'en 1648. Il fut le premier directeur de l'imprimerie royale établie au Louvre par Richelieu, en 1640. Son frère Claude lui succéda.

Garassse (François) Père Jésuite, né à Angoulême, en 1585, orateur fougueux et grossier, connu par ses attaques contre Etienne Pasquier qui avait défendu l'université contre les Jésuites et n'avait pas menagé ces derniers. Il mourut à Poitiers, en 1631. En 1622 et 1623, il avait écrit plusieurs livres contre Etienne Pasquier, dont les fils publièrent contre lui, en 1624, une satire sanglante sous le titre d'Anti-Garasse. Garasse riposta, en 1624, par une Apologie; c'est probablement de ce dernier ourvage que Peiresc parle ici.

Fra Paolo Sarpi Veneto. Né à Venise en 1552. Il changea son nom de Pierre Sarpi en celui de Fra Paolo lorsqu'en 1565 il entra dans l'ordre des Servites. En 1585, il fut nommé procureur-général de son ordre. En 1605, il fut nommé théologien-consulteur de la république. Il défendit les droits de cet état contre les prétentions des papes et servit de conseiller politique au sénat de Venise. Il jouissait d'une réputation extraordinaire de savant et était extrêmement honoré dans sa patrie. Il est soupçonné fortement d'avoir été secrètement attaché au Calvinisme et d'y avoir voulu gagner Venise. Il mourut le 14 janvier 1623. L'ouvrage, dont parle ici Peiresc, est l'Histoire du Concile de Trente, qu'il fit paraître à Londres, en 1619, sous le nom de Pietro Soave Polano, anagramme de son nom Paolo Sarpi Veneto. L'ouvrage eut un succès considérable dans les pays protestants, fut traduit [290] en diverses langues et réédité en divers pays. Les catholiques regardent cette histoire comme l'oeuvre d'un ennemi déclaré du Concile de Trente et le livre fut mis à l'index.


CCCLV
PEIRESC A ALÉANDRE.

Egli (Cl. Menestrier) si offrisce per far dissegnare cio che sara di bisogno nello studio dell Ill. Card. Buoncompagno che mi fa ricordare d'un cameo grande come un testone che la b. m. del SigrPasqualini compro d'un Provençale dove e scolpita la caccia degli Amorini fatta delle Nymphe con una leggatura d'oro antiqua se ben mi ricordo che e cosa nobilissima si come di que' tagli scolpiti de Dioscoride et altri valenti huomini di quali io hebbi qualche impronto et si potranno inscrire in questa raccolta del SgrRubenio si cosi piace a S. S. Ill. Il vaso del Ill. Card. del Monte sarebbe molto a proposito se fosse lecito d'haverne il dissegno et di farlo scolpire in rame et publicarlo.


Carpentras, Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc. Tome I.


TRADUCTION.
PEIRESC A ALÉANDRE.

Claude Menestrier offre ses services pour faire dessiner ce que nous voudrons dans la collection du Cardinal Buoncompagno. Cela me fait souvenir d'un camée grand comme la tête que la bonne fortune de Mr Pasqualin lui fit acheter d'un Provençal et sur lequel était taillée une Chasse d'Amours par les Nymphes avec une attache antique en or. C'est, si je me rappelle bien, une des choses les plus nobles que l'on puisse voir, de même que ces pierres taillées par Dioscoride et d'autres hommes de grand talent, dont je possède quelques empreintes et qui pourront servir au recueil que prépare Mr Rubens, si cela plaît au Cardinal. Le vase du Cardinal del Monte viendrait fort à propos s'il était possible d'en avoir le dessin, de le faire graver sur cuivre et de le publier.


[291] COMMENTAIRE.

Claude Menestrier, né à Vauconcourt, en Bourgogne, se rendit à Rome, y embrassa l'état ecclésiastique et fut pourvu d'un canonicat du chapitre de Sainte-Madelène de Besançon. Le cardinal François Barberini le nomma son bibliothécaire et le chargea de recueillir en France, dans les Pays-Bas et en Espagne des antiques et des objets d'art. Il mourut à Rome en 1639. Il s'occupa beaucoup d'archéologie et de numismatique.

Card. Buoncompagno. François Buoncompagno, neveu de Grégoire XIII, créé cardinal en 1621.

Pasqualini. Lelio Paschalini, de Rome, était un antiquaire lié d'amitié avec Peiresc et en correspondance avec lui sur les objets de leurs études communes.

Card. del Monte. François-Marie, marquis de Sainte-Marie, né en 1549, mort en 1626, créé cardinal en 1588.


CCCLVI
PECQUIUS A RUBENS.

Monsieur,

Il y a quelque temps que voz lettres m'ont faict entendre vostre venue en ceste ville, pour parler de la responce demandée par le personnage qui nous est cognu. Mais, comme vous ne venez poinct, j'ay charge de suppléer à ce défault par la plume, en vous advertissant qu'es responses données par Son Altèze sur les précédents mémoires et escripts envoyez de la Haye, est comprins ce qu'elle peult déclarer de son intention sur le dernier mémoire présenté par ledict personnage, auquel vous le pourez ainsi faire entendre, et que Son Altèze s'en rapporte ausdictes déclarations précédentes. Je me recommande sur ce à voz bonnes grâces et seray tousjours,

Monsieur,
Votre très-affectionné serviteur,

P. Pecquius.

De Bruxelles, le 23 mars 1624.A Pietro Paulo Rubens.

Archives du royaume, MS. 552, p. 68. Pubié par Gachard: Histoire politique et diplomatique de P. P. Rubens, p. 25.


[292] COMMENTAIRE.

Cette lettre et celle du 30 septembre 1623 sont les seules qui nous soient parvenues de la correspondance que Rubens a entretenue avec Pecquius au cours des négociations secrètes entamées avec les Provinces-Unies au sujet du prolongement de la trêve et de la conclusion de la paix. Ces négociations, auxquelles Rubens fut mêlé dès le commencement, se poursuivirent encore pendant plusieurs années, mais sans aucun résultat.


RUBENS A PEIRESC.

Dans la vente G*** qui eut lieu (à Paris?) en février 1846 se trouvait une lettre de Rubens à Peiresc datée du 23 avril 1624, qui figurait au catalogue sous le n° 289. Nous ignorons ce qu'elle est devenue (1).


CCCLVII
PEIRESC A ALÉANDRE.

Et s'egli ha qualche bel Ritratto del naturale di quei Principi Antichi, o altre persone illustri per eruditione, o altre virtù lequali non siano ancora stati stampati, o siano megliori che non sono gli stampati, di qual si voglia materia che siano, cioè ò in cameo, ò in altre gemme di cavo, ò in marmo, ò metallo gli faremo intagliare in rame ail' istessa raccolta; della quale s'è presa la cura il SrPietro Paulo Rubenio intelligentisso in queste cose. Il quale ha già fatto intagliare in rame con grandiss. essatezza più di |cinquanta camei eccellentissi et non fa scrupulo di mescolarvi alcune teste di marmo, frà l'altre una di Demostene con la cappellatura della testa la metà rasa et l'altra assai lunga et la sua inscrittione greca laquale e cosa nobilissima.

Aix, 10 Mai 1624.

[293] Original aux Archives du Palais Barberini à Rome. Copie dans la Bibliothèque de Méjanes à Aix (Copies des lettres de Peiresc à Aléandre. M. S. 1032, p. 337). Idem dans la Bibliothèque Inguimbert à Carpentras (Minutes et copies des lettres de Peiresc, I, 180).

Publié par Eugène Müntz dans le Courrier de l'Art, 1881-1882, p. 454, sous la date du 17 mai 1624.


TRADUCTION.
PEIRESC A ALÉANDRE.

Et si vous avez quelque beau portrait d'après nature de ces anciens princes ou d'autres personnes illustres par leur érudition ou par d'autres qualités qui n'ait pas encore été gravé, ou qui soit meilleur que ceux qui ont été publiés, de quelque matière que ce soit, en camée ou en une autre pierre précieuse gravée en creux, en marbre ou en métal, nous le ferons graver sur cuivre dans le recueil dont s'est chargé Monsieur Pierre-Paul Rubens, fort intelligent dans ces choses. Il a déjà fait graver sur cuivre plus de cinquante des plus beaux camées et il ne se fait pas scrupule d'y mêler quelques bustes en marbre, parmi lesquels celui de Démosthène avec les cheveux rasés sur la moitié de la tête et fort longs de l'autre côté et avec une inscription grecque, ce qui est une fort noble chose.

Aix, 10 mai 1624.

COMMENTAIRE.

Les camées gravés. Peiresc exagère. Rubens n'avait pas fait graver cinquante camées. Ce nombre n'est pas même atteint quand on comprend dans son recueil les bustes en marbre des philosophes, généraux et empereurs. Ces derniers bustes sont au nombre de douze. Les camées comprennent 1° la Gemma Tiberiana (le camée de la Sainte-Chapelle de Paris), 2° la Gemma Augustoea (le camée de Vienne), 3° le Triomphe de Germanicus et d'Agrippine (planche inachevée), 4° le Triomphe d'un empereur (Le Triomphe de Licinius du cabinet des médailles de Paris), 5° Trois têtes de profil (Agrippine entre deux cornes d'abondance et deux portraits inconnus), 6° Six têtes gravées sur une même planche (Tibère, Germanicus Coesar et Caius Coesar, Solon, une femme coiffée d'un muffle d'éléphant et Pallas), 7° Quatre têtes de profil (Germanicus Coesar et Caius Coesar, Solon et Socrate), 8° Quatre têtes de profil (Platon, Nicias, Pallas, Alexandre le Grand). En tout vingt-et-une effigies ou scènes différentes. On connaît en outre un dessin de Rubens fait d'après un camée représentant un siège de ville [294] par des Macédoniens, dessin qui n'a pas été reproduit. Ces gravures de camée ont évidemment été faites en vue de deux recueils différents, l'un devait être exécuté par Vorsterman dont le nom figure sur les deux dernières pièces que nous avons énumérées plus haut; le second, auquel appartiennent les six premières planches, était confié à un autre artiste, probablement Nicolas Ryckmans (Voir Oeuvre de Rubens nos 1220 à 1228).

En même temps que ces camées, dit Peiresc, Rubens faisait graver des bustes en marbre. Ces mots se rapportent aux douze bustes de Philosophes, de Généraux et d'Empereurs Grecs et Romains que Rubens fit graver et publia. Cinq de ces pièces sont gravées par Pontius: les bustes de Sophocle, de Socrate, d'Hippocrate, de Scipion l'Africain et de Néron. Quatre sont gravées par Luc Vorsterman: les bustes de Démocrite, de Platon, de Brutus, de Sénèque; deux par Witdoeck: les bustes de Démosthène et de Cicéron, un par Boèce à Bolswert, celui de Jules-César. Les cinq gravures de Pontius portent la date de 1638; il en est de même pour les deux de Witdoeck et pour l'une de celles faites par Vorsterman; les quatre autres ne portent pas de date. Nous croyons que ces dernières ont été gravées avant 1624; Vorsterman travailla chez Rubens de 1618 à 1621, ce fut à cette époque probablement qu'il exécuta les trois bustes non datés; Boèce à Bolswert mourut en 1633, sa pièce fut donc faite bien avant la publication du recueil. Puisque Peiresc parle, en 1624, d'une des planches de la série qui porte la date de 1638, on serait porté à croire que celle-ci et peut-être d'autres encore ont été postdatées. Il convient cependant de remarquer que Witdoeck, le graveur du Démosthène, ne travailla pour Rubens que vers 1638 et nullement en 1624; ce qui autorise la supposition que Peiresc parle du Démosthène comme d'une oeuvre terminée, tandis qu'en réalité, en 1624, Rubens avait seulement le plan de la faire exécuter.


CCCLVIII
JEAN BREUGHEL A ERCOLE BIANCHI.

Quanto che tocca all' arte il sig. Rubbens avansa continuamente nella scienza, et oltre di quello è favorito della fortuna di modo che in honore et richezza passa a tutti quelli del n. ro tempo.


Milan. Bibliothèque Ambroisienne. Publié dans: Giov. Crivelli. Breughel o sue lettere etc. p. 328.


[295] TRADUCTION.
JEAN BREUGHEL A ERCOLE BIANCHI.

Quant à ce qui touche l'art, Rubens s'y perfectionne continuellement; il est le favori de la fortune à tel point qu'il dépasse en honneurs et en richesses tous les artistes de notre temps.


PEIRESC A RUBENS.

Sous la date du 5 juin 1624, les Petits Mémoires de Peiresc mentionnent une lettre «Audit M. Rubens avec la lettre de Saulmaise» dont les registres de Carpentras ne contiennent pas de minute.


CCCLIX
PATENTE D'ANOBLISSEMENT.

Philippe, par la grâce de Dieu, roy de Castille, de Léon, d'Arragon, des deux Sicilles, de Hiérusalem, de Portugal, de Navarre, de Grennade, de Tolède, de Valence, de Galice, de Maillorques, de Séville, de Sardaigne, de Corduwe, de Corsique, de Murcie, de Jahen, des Algarbes, d'Algésire, de Gibraltar, des isles de Canarie et des Indes tant orientales qu'occidentales, des isles et terre ferme de la mer océane, archiduc d'Austrice, duc de Bourgogne, de Lothier, de Brabant, de Lembourg, de Luxembourg, de Gueldres et de Milan, comte de Habsbourg, de Flandres, d'Arthois, de Bourgogne, de Tyrol, palatin et de Haynnau, de Hollande, de Zélande, de Namur et de Zutphen, prince de Zwave, marquis du sainct empire de Rome, seigneur de Frize, de Salins, de Malines, des cités, villes et pays d'Utrecht, d'Overyssel, de Groeninge, et dominateur en Asie et en Affricque. A tous présens et à venir qui ces présentes verront, salut. De la part de nostre cher et bien amé Pierre-Paul Rubens, nous a esté très [296] humblement remonstré quil seroit issu de parens fort honorables, qui auroient toujours esté fidèles vassaux, et servy à nos prédécesseurs, leurs princes naturels, de glorieuse mémoire, en offices et charges principales, avecq beaucoup d'intégrité, particulièrement son père Jean Rubens, docteur ès droicts, en celle d'eschevin de nostre ville d'Anvers, et Philippe Rubens, son frère, en secrétaire de ladite ville, et que le remonstrant, suivant leurs pistes et vestiges, s'auroit dès sa jeunesse applicqué à la vertu, bonnes lettres et peinture, fréquentant plusieurs royaumes et provinces pour se rendre plus capable et habile, et que, pour sa grande et rare expérience fut nostre très-cher et très-amé bon oncle l'archiduc Albert, de très-haute mémoire, et nostre très-chère et très-amée bonne tante madame Isabel-Clara-Eugenia, par la grâce de Dieu, infante d'Espaigne, etc., l'auroient par leurs lettres patentes du vingt-troisième jour de septembre l'an mil six cens et neuf, receu et retenu à l'office de peintre de leur hostel, aux gages et traictement de cinq cens florins par an et autres privilèges, franchises et libertez plus au loing déduites èsdites lettres patentes, duquel il seroit tousjours acquitté avec particulière satisfaction de leurs altezes, et désirant le continuer à l'advenir, afin aussy d'estre encouragé à nous servir avec plus de lustre, il s'est retiré devers nous, et nous a supplié très-humblement que nostre bon plaisir soit de l'honorer du tiltre et privilège de noblesse, pour luy et sa postérité née et à naistre, sans payer finance, veu qu'il est serviteur domesticque de l'hostel de nostredite très-chère et très amée bonne tante, et sur ce luy faire depescher nostres lettres patentes en tel cas pertinentes. Sçavoir faisons que nous, les choses susdites considérées, et eu esgard à la grande renommée que le suppliant a mérité et acquis par l'excellence de l'art de peinture et rare expérience en icelle, comme aussy par la science qu'il a des histoires et langues, et autres belles qualitez et parties qu'il possede, et qui le rendent digne de nostre royale faveur, avons, pour nous, nos hoirs et successeurs, de nostre certaine science, authorité souveraine et grâce spéciale, par ces présentes, audit Pierre-Paul Rubens, suppliant, et à ses enfants et postérité masles et femelles, nés et à naistre en léal mariage, accordé et octroyé, accordons et octroyons à tousjours ledit tiltre et degré de noblesse, voulons et ordonnons que ledit suppliant, ses enfans et postérité, et les descendans d'eux nés et à naistre en [297] léal mariage, comme dict est, ayant à jouyr et user, jouyssent et usent, d'icy en avant et à tousjours comme gens nobles, en tous lieux, actes et besoignes, des honneurs, prérogatives, prééminences, libertez, franchises et exemptions de noblesse, dont les autres nobles de tous nos pays et seigneuries, signament en nos Pays-Bas, ont accoustumé de jouyr, jouyssent et jouyront, et qu'il et sa postérité soyent, en tous leurs faits et actes, tenus et réputez pour nobles en touttes places, soit en jugement ou dehors, comme les déclairons et créons tels par les mesmes présentes, et que semblablement ledit suppliant soit et sera capable et qualifié pour estre eslevé à estât et dignité soit de chevalerie, ou autres, et qu'il et sa postérité puissent en tout temps acquérir, tenir et posséder, en tous nos pays et seigneuries, signament en nosdits Pays-Bas, rentes, revenus, possessions et autres choses mouvantes de nous, fiefs, arrière-fiefs et tous autres nobles tènemens, et iceux prendre et tenir de nous, ou d'autres seigneurs féodaux de qui ils seront dépendans, et, si aucunes des choses susdites ils ont jà acquises, les tenir et posséder, sans estre constraints de par nous ou d'autres les mettre hors de leurs mains; à quoy nous les habilitons et rendons suffisans et idoines. Et de nostre plus ample libéralité et munificence, avons, pour les susdites raisons, audit Pierre-Paul Rubens, suppliant, quitté, dispensé et remis, quittons, dispensons et remettons, de grâce spéciale, par ces présentes, la finance et somme de deniers qui se paye ordinairement une fois, pour et à cause de semblables octrois et annoblissemens; faisant en outre vers nous et nosdits hoirs, et successeurs les debvoirs y appertenans, selon la nature et condition d'iceux fiefz et biens acquis ou à acquérir, et la coustume du pays où ils seront situez. Et afin que l'estat de noblesse dudit suppliant et de sesdits enfants et postérité soit plus notoire, cognu et authorisé, leur avons donné, octroyé et permis, donnons, octroyons et permettons qu'il, sesdits enfans et postérité, nés et à naistre en léal mariage, comme dict est, puissent et pourront, doresenavant et perpétuellement, en tous et quelconques leurs faicts, gestes et aultres actes licites et honestes, avoir et porter les armes et les blasons qui s'ensuivent, sçavoir est: un escu parti en face, le dessus d'or à un cornet de sable, et deux quinttefeuilles aux cantons percées d'or, le dessous d'azur à une fleur de lis d'or, l'heaume ouvert estreillé, les hachemens et borlet d'or et d'argent, et, pour le cimier, [298] la mesme fleur de lis d'or, comme elles sont peintes et figurées au milieu de cesdites présentes. Si donnons en mandement à nos trèschers et féaux les chefs, présidens et gens de nos privé et grand conseils, chefz, trésorier-général et commis de nos dommaines et finances, chancellier et gens de nostre conseil en Brabant, président et gens de nostre chambre des comptes illecq, et à tous autres nos justiciers et officiers présens et à venir, leurs lieutenans et chacun d'eux endroit soy, et si-comme à luy appartiendra, et autres nos subjetz, que, sans le payement de ladite finance et somme d'argent, lesdits de nos comptes procèdent bien et deuement à la vérification et entérinement de cesdites présentes, selon leur forme et teneur, et, ce faict, ilz facent, souffrent et laissent ledit Pierre-Paul Rubens, sesdits enfans et postérité en léal mariage, de nostre présente grâce, octroy et annoblissement et de tout le contenu en cesdites présentes pleinement, paisiblement et perpétuellement jouyr et user, sans leur faire, mettre ou donner, ny souffrir estre faict, mis ou donné à aucun d'eux, contre la teneur de cesdites présentes, contredict, destourbier, ou empeschement quelcumque, car ainsy nous plaist-il et voulons estre faict, nonobstant quelcumques ordonnances, statuts, coustumes, usages et autres choses au contraire, desquelles nous avons relevé et dispensé, relevons et dispensons lesdits de nos finances et desdits comptes en Brabant, et tous autres à qui ce peut toucher ou regarder. Et, afin que ce soit chose ferme et stable à tousjours, nous avons signé ces présentes de nostre nom, et à icelles faict mettre nostre grand seel, sauf en autres choses nostre droict, et celuy d'autruy en toutes. Donné en nostre ville de Madrid, royaume de Castille, le cinquième jour du mois de juin l'an de grâce mille six cens vingt-quattre, et de nos règnes le quatrième. Signé: Philippe. Et plus bas: Par le roy: signé: J. Bruneau.


Publié d'après un manuscrit appartenant au comte de Ribeaucourt par Gachard. Particularités et documents inédits sur Rubens, p. 11. (Extrait du Trésor National, T. 1, p. 160). Publié également par le baron de Reiffenberg dans Nouvelles Recherches sur Rubens. (Extrait du tome XI, n° 7 des Bulletins de l'Académie royale de Belgique) et par P. Génard. Les armes de la famille Rubens (Bulletin Rubens III, 69).


COMMENTAIRE.

[299] Les lettres de noblesse, dont le texte précède, furent accordées à Rubens par le roi Philippe IV, sur le rapport de l'Evêque de Ségovie, daté du 29 janvier 1624 et publié plus haut par nous. Les considérations que la patente royale mentionne sont les mêmes que celles que fait valoir ledit rapport.

Les armes que le roi accorde à l'artiste anobli avaient dans leurs pièces principales été portées par ses ascendants paternels. Les écussons de deux abbés de l'abbaye Saint-Michel à Anvers offrent la plus grande ressemblance avec ceux de la famille Rubens; ceux qui les portaient appartenaient fort probablement à la famille du peintre. Le premier écu est celui d'un abbé inconnu, mais antérieur à 1564; il portait écartelé du 1 et 4 d'azur à la fleur de lys d'or; au chef d'or à deux quintefeuilles ou roses de gueules percées ou boutonnées d'or et feuillées de sinople au 2 et 3 de gueules à la croix d'argent cantonnée de quatre sceptres posés en sautoir: ces deux quartiers formant les armoiries de l'abbaye. Le second écu, qui est celui de l'abbé Guillaume de Grève, élu le 19 septembre 1564 et mort le 15 septembre 1581, est le même mais non écartelé. Les armes de la famille Rubens contenaient en outre au chef, un cor de chasse de sable lié de gueules enguiché et virolé d'or; au cimier il portait le cor de chasse de l'écu. Elles correspondaient donc parfaitement aux armoiries que Philippe IV accorde a Rubens: «un escu parti en face, le dessus d'or à un cornet de sable et deux quinttefeuilles aux cantons percées d'or, le dessous d'azur à une fleur de lis d'or;» seulement au lieu du cornet de chasse du cimier le roi accorde à Rubens le lys d'or de l'écu et change le chef de l'écu en parti en face. En anoblissant Rubens, le roi rendit possible la substitution du titre de gentilhomme de la maison de l'archiduchesse Isabelle à celui de peintre de la maison de l'archiduchesse, substitution qui probablement aura eu lieu peu après la signature des lettres royales du 5 juin 1624.

Rubens conserva ces armoiries jusqu'au 15 décembre 1630, lorsque Charles I, roi d'Angleterre, l'arma chevalier et ajouta à ses armes un canton de gueules au lion léopardé d'or, emprunté à l'écusson royal; faveur reconnue par le roi Philippe IV, le 20 août 1631 (1).


[300] CCCLX
ALÉANDRE A PEIRESC.

E venuto quà nuova della morte del pittore Rubenio, la quale fara facilmente svanire la raccolta, ch'egli andava facendo de' dissegni de' camei e medaglie antiche.

Roma21 Giuguo 1624.

Original: Paris, Bibliothèque Nationale, Correspondance de Peiresc, Tome VII, f. 200.


TRADUCTION.

La nouvelle de la mort du peintre Rubens est arrivée ici. Elle pourrait bien faire avorter le recueil qu'il voulait faire des dessins de camées et de médailles antiques.

Rome, le 21 juin 1624.

COMMENTAIRE.

Est-ce la nouvelle de la mort de Rubens répandue à Paris, en 1622, et arrivée en retard à Rome, est-ce une alerte provenant d'une autre cause? Nous l'ignorons, mais il nous paraît probable que la seconde hypothèse seule est admissible.


PEIRESC A RUBENS.

Dans ses Petits Mémoires, Peiresc annote, sous la date du 29 juin 1624: «M. Rubens, avec le dessein de l'Athys et le modelle de sa tiare.»

Il n'existe pas de minute de cette lettre dans les papiers de Peiresc à Carpentras. Le texte de l'inscription prouve que Peiresc envoya, avec sa lettre, le dessin de l'Attis et celui de sa tiare, dont il avait parlé à Rubens dans sa lettre du 17 septembre 1623.


[301] CCLXI
PEIRESC A ALÉANDRE.

Non credo facilmente la cattiva nuova che V. S. mi da della morte del SrRubenio, poiche l'invidia delli pittori spesse volte ha fatto correre simili novi.


Carpentras, Bibliothèque et Museé Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, Tome I.


TRADUCTION.
PEIRESC A ALÉANDRE.

Je ne puis croire la mauvaise nouvelle que vous me donnez de la mort de M. Rubens, puisque l'envie des peintres a souvent fait courir pareils bruits.


CCCLXII
PEIRESC A ALÉANDRE.

Molto Illre. Sigre

Hebbi l'altr'hieri una eruditissima littera del S. Rubenio scritta in Anverze alli 12 Juglio, laquale mi fu cara molto piu del solito, per havermi levato il dubio nel quale V. S. m'haveva posto per avisarmi della voce che correva costi di sua morte, laquale io non haverre creduta veramente, per havere veduta correre altre voce simili seminate da impostori et pittori invidiosi, ma io stava sempre con qualche martello d'animo, sin ch'io ne son restato charito, ne dubito che V. S. non intenda molto volentieri questa buona nuova che sarebbe una perdita inestimabile in questo secolo, dove non si trovano persone de si gran genio quanto e quello del SrRubenio ne di tanto merito se non rarissimamente. Egli manda che va innanzi la sua opera di Camei et altre cose piu singolari dell Antiquita.

[302] Egli ha dissegnato buon numero di bassi relievi et altre cose nobili ma per non far l'opera troppo grande egli si contentava della scielta delle cose piu notabili et non faceva un impresa tanto grande quanto e quella che V. S. (mi dice) del Sr Cavredel Pozzo. Et percio io havero carissimo che si porti avanti questa opera per utile del publico. Et vorrei ben vederne qualche saggio se sara lecito.

Anzi potessimo forzi aggiongercene qualche dono di queste nostre bande che non sarebbe inutile alla sua raccolta. Poiche egli ha voelia di far stampare li dissegni del Vase dell' Ill. Card. del Monte, io credo che sia raggione di lasciargliene la dispositione et di contentarne d'aspettar l'editione ch'egli ne fara. Ma percio che opere si grandi sogliono riuscire molto lungue, io vorrei ben se fosse licito haverne un poco di copia del dissegno, che non si stampa in breve in cui caso mi sarebbe di singolare favore d'havere una copia delli foglii che se stamperanno o almeno sapere qualesia la favola che vi si vede scolpita.

Questa impresa del Sigr Cavalre del Pozzo mi fa ricordare del Sr Bosio delli Cimeterii et vorrei ben sapere in cui termini ella sia restata et quell' essito ne si puo sperare.

Di Aix alli 8 Agosto 1624.

Bibliothèque et Musée Inguimbert. Minutes et copies des lettres de Peiresc, I. 186.

Publié en partie dans le Courrier de l'Art 1881-1882, p. 466.


TRADUCTION.
PEIRESC A ALÉANDRE.

Monsieur.

J'ai reçu avant-hier une lettre très savante de Monsieur Rubens écrite à Anvers, le 12 juillet, qui me fit plus de plaisir encore que ses lettres ordinaires, pour m'avoir délivré du doute dans lequel vous m'aviez induit en me rapportant le bruit de sa mort qui a couru à Rome. Je n'y avais pas ajouté foi, il est vrai, parce que j'avais eu connaissance de tant d'autres bruits semblables qui ont été répandus par des imposteurs et par des peintres jaloux, mais je restai toujours dans une certaine inquiétude jusqu'à ce que j'aie été mieux renseigné. Je ne doute pas que vous n'appreniez très volontiers cette bonne nouvelle. En effet, sa mort serait une perte incalculable pour ce [303] siècle qui ne possède pas un artiste d'un génie aussi étendu que celui de Rubens, ni d'un mérite aussi rare. Il m'écrit qu'il avance dans son travail des camées et d'autres objets rares de l'antiquité. Il a dessiné de nombreux bas-reliefs et d'autres oeuvres remarquables; mais, pour ne pas donner trop d'étendue à l'ouvrage, il s'est contenté d'un choix des choses les plus notables et il n'en fait pas une entreprise aussi grande que celle du chevalier del Pozzo dont vous me parlez. C'est pourquoi j'aimerais bien que celui-ci fasse avancer ce travail si utile au public. Et je voudrais bien en voir un essai, s'il est permis.

Nous pourrions peut-être y ajouter quelque chose de notre côté qui ne serait pas inutile dans son recueil. Puisqu'il désire faire imprimer les dessins du vase du Cardinal del Monte, je crois qu'il sera raisonnable de l'en laisser disposer et de se contenter d'attendre l'édition qu'il en fera. Mais, puisque des oeuvres si grandes veulent beaucoup de temps pour réussir et ne s'impriment pas rapidement, je regarderais comme une grande faveur de recevoir un exemplaire des feuilles qui seront imprimées ou du moins de savoir quel est le sujet qui y est gravé.

Cette entreprise de Monsieur le Chevalier me rappelle celle de Monsieur Bosius sur les cimetières, je voudrais bien savoir où il en est resté et quel résultat on peut en espérer.

D'Aix, le 8 août 1624.

COMMENTAIRE.

L'entreprise du chevalier del Pozzo. Cassiano del Pozzo naquit à Turin, vers 1590, de famille noble et très ancienne. Il suivit les cours de l'Université de Boulogne et de celle de Pise et se livra avec ardeur à l'étude de la jurisprudence. Nommé juge au tribunal de la Rota à Sienne, il quitta bientôt cette place pour se rendre à Rome où l'attiraient ses goûts pour les antiquités. Il devint secrétaire du cardinal Francesco Barberini et fit avec lui et Aléandre le voyage de France et d'Espagne en 1625 et 1626. En passant à Avignon, au commencement de 1625, il fit la connaissance personnelle de Peiresc. Celui-ci donna au cardinal une lettre pour Rubens, occupé en ce moment à la galerie du Luxembourg. En retournant en Italie, le cardinal-légat alla voir à Aix le musée de Peiresc. L'année suivante, del Pozzo et le cardinal en allant en Espagne durent s'arrêter sur les côtes de la Provence. Peiresc alla les y voir. Del Pozzo rentra à Rome à la fin de 1626; ii y reprit le cours de ses études sur l'antiquité et renoua les liaisons avec les artistes Bernini, Pierre de Cortone, Corn. Blommaert, François Duquesnoy et Poussin. [304] Il forma à Rome un musée bien remarquable dont le catalogue descriptif forma 23 volumes in-folio avec les dessins des objets par Poussin, Pietro Testa et d'autres. Il mourut en 1657. Pendant de longues années, il étudia le plan et nourrit l'espoir de publier un ouvrage contenant la reproduction des antiquités, camées, médailles, vases faisant partie de sa collection ou appartenant à d'autres amateurs; Peiresc et Rubens devaient intervenir dans cette entreprise et nous verrons que plus d'une fois les deux amis s'en entretiennent; mais à part les camées et les bustes que Rubens fit graver, il ne fut donné aucune suite à ces vastes projets. Cassiano del Pozzo, le zélé antiquaire, ne publia aucun livre.

Le vase du cardinal del Monte. Dans sa correspondance, Peiresc revient plus d'une fois sur ce vase. Le 2 mai 1633, il écrit à Denis Guillemin: «Je ne pense pas que le larmoir de verre blanc et bleu (du cardinal de Lyon) soit venu du cabinet du cardinal del Monte, quoyque l'on vous aye dict, car c'estoit un vase plus gros que ma teste, lequel j'ay veüe dans Rome chez le dict cardinal. Et en aye l'empreinte que vous avez veüe sur laquelle M. Fredeau m'a faict la grizaille que j'avois à Boysgency, et il est bien véritable que le cardinal del Monte en avoit faict légat dans son testament en faveur de Monsieur, mais comme sa maladie fut longue, ses parents lui feirent faire ung testament posterieur en temps qu'il n'avoit plus de souvenance de la bonne volonté qu'il avoit eüe pour Monsieur, de sorte que le légat estant demeuré pour non faict le vase démeura à ses héritiers qui le vendirent six centz escus au cardinal Barberini lequel en est encores saisy (1).»

Le livre de Monsieur Bosius. Antoine Bosius, jurisconsulte et agent de l'ordre de Malte, né à Milan, étudia les catacombes et prépara un ouvrage sur ce sujet qu'il intitula Roma subterranea seu structuroe et cryptoe veterum christianorum subterraneoe. Il ne l'acheva ou du moins ne le publia point. Jean Sevarini de l'ordre de l'oratoire, le traduisit en Italien et le compléta. Ottavio Pico revit l'ouvrage, Carlo Aldobrandini le publia, en 1632, sous le titre Roma sotterranea, opera postuma, compita e disposta da Giov. Severani da S. Severino, nella quale si tratta de' sacri cimiterii di Roma, del sito, forma et uso antico di essi... nuovamente visitati, e riconosciuti dal Sig. Ottavio Pico; publicata da Carlo Aldobrandini. Roma Guglielmo Faccioti 1632, in-fol. Paul Aringhi le traduisit en latin et le publia à Rome en 1651 en deux volumes in-folio.


[] []

PEIRESC A RUBENS.

[305] Dans ses Petits Mémoires, Peiresc inscrivit, sous la date du 17 août 1624, une lettre «A M. Rubens, avec le livre de Fra Paolo, et une boitte où estent la pierre blanche des camayeulx, et une autre boitte d'empreintes et de la bague de Borrille avec le porte cloche en améthiste.»

Il n'existe pas de minute de cette lettre à Carpentras. Le «Borrille» dont il est question dans la note, est Boniface Borrili, le notaire-antiquaire d'Aix qui était en correspondance suivie avec Peiresc.


CCCLXIII
MORETUS A JEAN WOVERIUS.

Amplissime Domine.

Indicem francfurtensem mitto: atque alterum exemplar adjungo, Apelli nostro P. Rubenio (qui isthic alibi hospitatur) reddendum: qui eum cum Principe Poloniae, et nonnullis qui ipsum comitantur nobilibus atque eruditis viris, communicare desiderabat. Serenissimus Princeps se officinae Plantinianae visendae desiderio teneri non semel mihi nuntiarat: sed haud potuit, cum aliis gravioribus negotijs impeditus, tum pedis dolore, quam potissimum caussam Illmi Comites ejus mihi dixere, quibus mandarat ut saltem ipsi in viserent. Itaque his praesentibus Inscriptionem cudi curavi, quam Principi spectaturo pararam, ut erga magnum principem cultum et affectum testarer. Lege, liberius cense, et me tui amantissimum amare perge. Antverpias in officina PlantanaPostrid. kal. Octobr. 1624.


Anvers. Musée Plantin-Moretus. Archives, Registre des lettres latines écrites de 1620 à 1628, p. 145.


TRADUCTION.
MORETUS A JEAN WOVERIUS.

Monsieur.

Je vous envoie le catalogue de Francfort et j'y joins un second exemplaire qui devra être rendu à notre Apelles P. Rubens. Il est absent en ce moment, [306] mais a exprimé le désir que le livre soit communiqué au prince de Pologne et aux hommes nobles et savants qui l'accompagnent en assez grand nombre. Le prince m'avait plus d'une fois exprimé le désir de visiter l'officine plantinienne, mais il en fut empêché par des occupations plus sérieuses et par une douleur au pied. Cette dernière cause fut donnée comme la plus grave par ses illustres compagnons, auxquels il donna ordre de faire au moins eux-mêmes cette visite. Ce fut donc en leur présence que je fis tirer l'inscription que je voulais présenter au prince, en témoignage de mon respect et de mon affection envers lui. Lisez cette pièce, critiquez-la librement et croyez-moi toujours votre très dévoué.

Anvers, dans l'officine plantinienne, le 2 octobre 1624.

COMMENTAIRE.

Le catalogue de Francfort est la liste des ouvrages nouveaux qui avaient été mis en vente à la dernière foire de cette ville. Cette foire, qui se tenait deux fois par an, était le rendez-vous des principaux imprimeurs et libraires de l'Europe.

Le prince de Pologne, dont il est question ici, est Wladislas Sigismond, plus tard Wladislas VII, roi de Pologne. Il naquit en 1595 et monta sur le trône en 1632. Après un règne glorieux, il mourut en 1648, pleuré par son peuple. En 1624, il visita l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie pour se perfectionner dans l'art de la guerre. Il assista au siège de Bréda et y prit part aux combats. Le 13 septembre 1624, l'ambassadeur de France à Bruxelles, de Baugy, écrit au secrétaire d'Etat d'Ocquerre: «Le peintre Rubens est en ceste ville. L'infante luy a commandé de tirer le pourtraict du prince de Pologne.» Le portrait du prince se trouve actuellement au palais Durazzo à Gênes (Voir Oeuvre de Rubens, n° 1078).

Wladislas, en exprimant le désir de visiter l'imprimerie plantinienne, ne faisait que se conformer à l'usage général. Les princes et les personnages notables, qui passaient par Anvers, allaient admirer la célèbre architypographie et Balthasar Moretus avait l'habitude de composer en souvenir de leur visite une pièce de circonstance qu'il faisait imprimer en leur présence et dont il leur faisait hommage.

A la Bibliothèque Impériale de Berlin se trouve un manuscrit in-folio (n° 161), intitulé «Acta publica seu Fasti polonici a mayo anni 1624 ad mayum anni 1625.» Il contient la description, jour par jour, du voyage du Prince-héritier de la couronne de Pologne, Wladislas Wasa, fils aîné du roi Sigismond III et de la reine Anne d'Autriche, sa première femme. L'auteur [307] de cet itinéraire, écrit en polonais, est un des grands seigneurs de la Lithuanie, Etienne Pac, plus tard vice-chancelier de cette province, mort le 17 novembre 1640. Son journal, rédigé avant 1630 sur des notes prises pendant le voyage, commence le 17 mai 1624, jour de départ du prince de Varsovie, et finit le 25 mai 1625, quand toute la brillante compagnie retourna dans la capitale du royaume de Pologne. Le but principal du voyage du prince était de voir le siège de Bréda et de rendre visite au pape Urbain VIII. Par la Silésie, la Moravie, Vienne, Munich, Francfort, on arriva à Cologne, le 28 août. De là, le prince envoya en avant Etienne Pac à Bruxelles, pour annoncer son arrivée à l'infante Isabelle et pour y arranger tout en vue du séjour de son maître. Pac arriva le 2 septembre à Bruxelles et eut le 3 une audience de l'infante. On lui montra de suite les appartements destinés au prince dans le palais; il les admira beaucoup et ajoute dans son journal qu'il y avait «plusieurs salles remplies de tableaux très précieux, peints par les premiers maîtres néerlandais, tels que le fameux Rubens, Breughel et d'autres.» Le 6 septembre, le prince de Pologne fit son entrée à Bruxelles, il y resta jusqu'au 21. Le 21, on partit pour Bréda par Malines et par Anvers. Le prince arriva dans cette dernière ville le 22 septembre par eau et y demeura dans la maison d'un «Portugais, Simenes;» le 23, il assista à la messe à l'église des Jésuites, où il admira beaucoup les tableaux des autels, ainsi que les marbres dont les murailles étaient couvertes. Le 24, on visita «la maison où on vend les plus belles tapisseries du monde,» et la cathédrale. Le 25 septembre, Pac écrit: «Nous visitâmes les ateliers de plusieurs peintres, et c'est surtout dans la maison de Rubens, maître fameux, que nous vîmes des chefs-d'oeuvre que rien ne peut surpasser.» Le 26, on partit pour Bréda assiégé, où on resta jusqu'au 30 septembre. Le 30, au soir, on retourna à Anvers, où le prince passa encore toute la journée du 1r octobre, en y visitant encore quelques églises et une religieuse qui fut l'amie de Ste -Thérèse et que tout le monde vénérait à cause de sa sainteté. Le 2 octobre, tout le cortège revint à Bruxelles, où le prince séjourna encore jusqu'au 14 octobre. Il fut forcé d'y rester dix jours au lit à cause d'une plaie au pied et il n'a pu se lever que le 10 octobre; pendant sa maladie, l'infante lui rendait souvent des visites et les derniers jours il assista à plusieurs fêtes données en son honneur.

Le Journal de Pac a été publié à Breslau en 1854 dans un petit volume de 171 pages (1).


[308] CCCLXIV
W. TRUMBULL AU SECRÉTAIRE CONWAY.

I will begin with a secreet treaty for a peace, or a truce; managed by Petro Paulo Rubens, the famous painter; betwene the United Provinces, and those that are nowe under the Kinge of Spaine's obedience. An argument (in my poore opinyon) although they make themselves suer of Breda, and esteeme it as good as taken already that they are weary of the warres and would be content to suspende their armes. ..... The Marq. Spinola is determinately resolved either to winne Breda, or in the trenches before it, to bury his corps and his honor.


Publié par Noël Sainsbury, Op. cit. p. 68, en note.


TRADUCTION.
W. TRUMBULL AU SECRÉTAIRE CONWAY.

Je commencerai par un traité secret de paix ou de trève, négocié par Pierre-Paul Rubens, le fameux peintre, entre les Provinces-Unies et celles qui sont sous l'obéissance du roi d'Espagne. C'est là, d'après mon humble opinion, une preuve que, malgré qu'ils se croient maîtres de Bréda et regardent la ville comme prise, ils sont fatigués de la guerre et seraient bien aises de suspendre les hostilités. ...... Le Marquis de Spinola est fermement résolu de gagner Bréda ou d'ensevelir dans les tranchées son corps et son honneur.


COMMENTAIRE.

La lettre du roi Philippe IV à l'infante Isabelle du n octobre 1624 prouve que réellement il avait été question d'une suspension d'armes à conclure entre les Provinces-Unies et les Pays-Bas espagnols. Le roi s'y montrait favorable. Cependant aucune trêve ne fut conclue et la décision de Spinola de prendre Bréda ou de mourir était sérieuse. Le siège fut poussé avec ardeur et la ville fut prise le 5 juin 1625. Nous avons déjà indiqué la part prise par Rubens à ces négociations.


[309] CCCLXV
RUBENS A VALAVEZ.

Monsieur.

Je ne vous ay voulu escripre jusques à ce que j'eusse despeché vers Paris le mon[vement] perpétuel lequel j'ay fort bien acomodé en sa casse propre en laquelle il doibt faire son opération, selon l'instruction et pourtraict aultrefois envoyée à Monsr de Peiresc, comme je ferai de nouveau pour luy rafreschir la mémoire, comment il s'en doibt servir. Je croy qu'il fera bien de l'envoyer de la mesme facon, présupposant qu'il arrive bien conditionné à Paris jusques à Aix; toutesfois s'il vous plaist d'ôter la couverte et hausser le lin jusques à descouvrir le canon de verre s'il est entier vous serez bien asseuré du reste, car il n'y a danger que pour le canon, le vase est bien solide et hors de péril; ainsi y a il ung petit verre à demy plain d'eaue verde et de la mesme eau j'ay rempli le canon d'aultant quil fault pour son opération. J'ay mis encore au costé du vase une petitte boyste avec quelques empreintes de gemmes. Il m'a semblé bon de consigner ceste casse en main propre de Anthoine Muys, maistre charton par Paris, lequel a pris à sa charge de le vous faire tenir bien conservée à Paris encore que je croys qu'il n'y ira pas en personne, toutesfois c'est ung homme de bien et fort puntuel en ses promesses et luy ay baillé une lettre ouverte s'adressante à vous, remettant le prix du port à vre discrétion luy promettant que, outre la récompense ordinaire, selon le poix vous luy userez courtoisie pour la diligence qu'il usera à la conservation de ceste cassette. Il y a trois jours qu'il m'a dict que le lendemain partiroit le chariot, et si sont ilz, par les mauvais chemins, longtemps en voyage.

Je n'ay pas receu encores les lettres du cardinal d'Ossat, avec les autres livres qu'il vous a pieu de m'envoier, selon la liste incluse en vostre dernière où que j'ay veu le recueil de toutes les pièces faites par Théophile despuis sa prise jusques à présent qui me sera fort agréable, mais surtout je serois désireux de veoir son Satiricon qui fut cause de son désastre, et à esté condamné et exécuté si cruellement. J'ay tout prest le livre du Pe Scribanius intitulé: Politico Christianus, auquel [310] j'ay faict le desseing du frontespice; aussi m'a on envoié de Brusselles les ordonnances des Armoiries; mais il n'estoit pas possible d'accomoder ces livres avec nostre casse susdite, aussy n'avois-je pas encore alors les ordonnances des Armoyries. Il fauldra faire doncques un petit fagot à part et le livrer au mesme Mre Anthoine Muys. Cependant je cercheray encore quelque autre chose qui vous pourroit estre agréable. De nouvelles, il n'y a rien. Le siège de Breda se continue avec la mesme obstination, nonobstant que les pluyes sont extraordinaires et donnent grand fascherie au camp estans tous les chemins sy rompus, que les convoys marchent avec la plus grande difficulté du monde; toutesfois le prince d'Orange ne trouve moien de les battre ou empescher et s'est destourné de ceste entreprise la jugeant impossible. Le Marquis pour se délivrer de la fascherie de trouver fourrages, aussy pour refaire les chevaux, a reparty la plus part de sa cavallerie dedans les villes plus prochaines au camp, comme Herentals, Lierre, Malines, Turnault et Bolducq laquelle est à leur ayse et vient rencontrer les convoys venantz du camp pr les accompagner chacune selon ses limites. Le prince d'Orange a quelque entreprise en teste, mais on ne sçait jusques astheure si elle servira pour secourir Breda ou pour divertir le marquis. Il a faict quarante bateaux à Rotterdam, capables de gens et de chevaux, avec des pontons attachez pour mettre leurs voitures avec facilité à tous lieux en terre. Le massacreur du duc de Croy n'est pas descouvert encore, et quant à sa femme on dict qu'il lui a faict un bon douaire, mais je ne sçaurois dire présentement combien. Quant à moi, j'espère d'estre tout prest dedans six sepmaines moyennant la grâce divine, pour venir avec tout mon ouvrage à Paris avec asseurance de vous y trouver, qui me sera la plus grande consolation du monde; aussy j'espère d'arriver à tems pour voir voz festes des nopces royalles que, vraysemblablement, se feront au carnaval prochain. Cependant je me recommande bien humblement en vos bonnes grâces et vous baisant les mains de très bon coeur, je demeure, Monsieur vostre très humble serviteur

Pietro Pauolo Rubens.

d'Anvers ce 12 de décembre 1624.

Bibliothèque royale de La Haye. Copie du XVIIe siècle.

Cette lettre a été publiée d'abord par Philippe Ticknesse: A Year's journey through the Pais-Bas or Austrian Netherlands (Londres 1786, 2e édition). L'auteur raconte qu'il logeait à Bruxelles à côté de M. Gérard, membre de l'académie impériale et [311] conservateur des archives, qui avait en sa possession plusieurs lettres de Rubens, parmi lesquelles il y en avait trois en français que Thicknesse a copiées et publiées; les autres étaient en vieux italien qu'il ne comprenait pas. Mols en a pris également une copie (Registres de Mols à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Dépt des MS. 572611, p. 141). C'est d'après celle-ci que Ch. Ruelens publia cette lettre dans son P. P. Rubens. Documents et Lettres, p. 12. La présente lettre, de même que les cinq autres que possédait Gérard, appartient actuellement à la Bibliothèque royale de La Haye. Ce ne sont pas les autographes de Rubens, mais des copies faites au XVIIe siècle. Toutes les six ont été publiées par Ruelens dans le livre que nous venons de citer.

Publiée encore par Ad. Rosenberg, Rubensbriefe, p. 71.

Elle fut résumée en 7 lignes par Em. Gachet, Op. cit. p. 12.


COMMENTAIRE.

Cette lettre n'a plus sa suscription, mais doit avoir été adressée à M. de Valavez, frère de Peiresc, car il y est question, de nouveau, du mouvement perpétuel, dont Rubens a parlé dans sa lettre du 3 août 1623. L'appareil est décrit un peu plus amplement ici; mais il est douteux que l'on comprenne son usage et sa manière de fonctionner.

Rubens travaillait en ce moment à l'épopée de Marie de Médicis, et il annonce qu'il espère que dans six semaines il sera prêt à se rendre à Paris, pour en faire l'installation dans le palais du Luxembourg. Ce n'est pas la peinture seule qui occupe ses instants; outre le mouvement perpétuel, il y est question de pierres gravées, une branche des antiquités à laquelle Rubens s'intéressait beaucoup, et de littérature. Il vient de voir le recueil de toutes les pièces faites par Théophile, depuis sa prise, et il serait désireux de voir son Satyricon, ou plus exactement son Parnasse Satyrique paru en 1624, que nous avons déjà mentionné.

Il s'agit là du poëte français, Théophile Viaud, né à Clairac, en 1590.

L'ouvrage, dont il parle ensuite, porte pour titre exact: Caroli Scribani e societate Jesu Politicus Christianus, Philippo IV, Hisp. regi D. D. Antverpioe, apud Martinum Nutium, anno M. DCXXIV. C'est un volume in-4°; le frontispice est, en effet, de la composition de Rubens; il porte au bas: R. pinxit. Corn. Galle sculpsit et représente deux femmes tenant un écusson, sur lequel est le titre. Ce sont deux figures allégoriques, dont la signification est plus ou moins obscure: nous y voyons la Justice et la Paix. En général, on le sait, Rubens est très-raffiné dans ses allégories, et on ne les comprend pas aisément.

C'était, du reste, la mode, en ce temps-là, de les rendre aussi difficiles à deviner qu'un logogriphe d'aujourd'hui. Mariette possédait le dessin original de cette composition.

[312] La planche de ce frontispice passa plus tard dans l'imprimerie de François Foppens, à Bruxelles, qui s'en servit pour l'ouvrage: Thesaurus doctrinoe christianoe; auctore R. D. Nicolas Turlot, Bruxellis, M. DCLXVIII. Ce titre a remplacé l'autre sur l'écusson.

Le père Charles Scribani, né à Bruxelles, en 1561, fut recteur de la maison des jésuites à Anvers, et vécut quarante ans dans cette ville où il avait beaucoup d'amis, parmi lesquels Rubens. C'est lui qui fit élever la maison professe et l'église de Saint-Charles à Anvers, dont le grand peintre, comme on sait, illustra les plafonds et les autels.

Les Ordonnances des armoiries, que Rubens doit envoyer à Peiresc, nous sont inconnues. S'agit-il de l'Edit et ordonnance touchant les armoiries, tymbres et autres usurpations de baronies, chevaleries et noblesse, du 23 septembre 1595, que l'on trouve reproduit dans les Placcarts du Brabant et qui fut renouvelé en 1615? S'agit-il peut-être d'une copie des lettres de noblesse et des armoiries que le roi d'Espagne avait octroyées à Rubens, en cette même année, le 5 juin? Nous laissons ce point aux habiles en matière héraldique.

Ce que dit Rubens du massacreur du duc de Croy, s'applique à un fait très-tragique et peu connu, que l'on peut lire dans la biographie de Charles-Alexandre de Croy d'Havre, par M. Goethals, au tome III de son Histoire des lettres, des sciences et des arts en Belgique (Brux. 1842), et plus amplement encore dans l'histoire authentique du procès, publiée par M. Galesloot, dans la Revue trimestrielle, tome XXXI.

D'un caractère aussi bouillant que celui de son parent, Philippe d'Aerschot, duc d'Arenberg, qui écrivit, quelques années plus tard, à Rubens cette lettre si sotte et si insultante, que tous les historiens rapportent et flétrissent, ce seigneur avait donné un soufflet à un certain Pasturel, page de Mme de Cheverailles. Celui-ci jura de s'en venger. «Le 9 novembre 1624, dit M. Goethals, s'étant caché, à la faveur de la nuit, dans le jardin, il tira un coup de feu sur le marquis à l'instant où il passait devant la fenêtre de la salle à manger pour se rendre à sa chambre à coucher. Mortellement blessé, il eut, malgré son embonpoint, la force de marcher jusqu'à son lit... Ayant manifesté le désir de finir ses jours en costume de chartreux, on fit appeler, vers deux heures de la nuit, le procureur du couvent de Bruxelles, sans le prévenir de l'intention du marquis, de manière qu'arrivant à l'hôtel sans costume, il fut obligé de retourner au couvent. Cette fois le procureur se laissa attendre si longtemps, qu'on appela un frère mineur pour recevoir la confession du mourant. Il expira le 10 novembre 1624, vers 11 heures du matin. Après avoir été exposé en habit de saint Bruno pendant huit jours, il fut inhumé dans l'église de la Chapelle.

[313] «Le page qui avait commis cet assassinat se sauva en Italie, et, trentedeux ans après, à l'article de la mort, avoua son crime, priant son confesseur d'attendre trois ans avant de publier son aveu, dans la crainte qu'on ne déterrât ses restes comme indignes de reposer au milieu des chrétiens.»

C'est ce même duc de Croy qui est l'auteur des Mémoires guerriers de ce qui s'est passé aux Pays-Bas, de 1600 à 1606 (Anvers, Verdussen, 1642, in-4°).

Il avait épousé, en premières noces, en 1599, Yolande, fille aînée de Lamoral, prince de Ligne; et en deuxièmes noces, en 1617, Geneviève d'Urfé. C'est à celle-ci qu'il doit avoir laissé ce bon douaire dont parle Rubens, quoique en réalité, il ne lui ait laissé que le strict nécessaire.

Rubens a eu de nombreuses relations avec les Croy; il devait donc s'intéresser à ce qui arrivait dans cette famille. Au moment où il écrivait sa lettre, il ignorait encore peut-être, qu'un de ses élèves à lui, un cousin, par bâtardise, de la duchesse de Croy, un nommé Banquier, jeune peintre français, était fortement soupçonné d'être l'auteur de l'assassinat. Il faut lire sur toute cette affaire, si étrangement curieuse, l'article de M. Galesloot, article qui est un coin de rideau soulevé sur la haute société de Bruxelles en ce temps-là

La correspondance de Rubens est remplie de détails ou d'allusions de ce genre. Aidées d'un commentaire, ses lettres seraient un vrai tableau de la vie en Belgique, à l'époque des archiducs (1).


CCCLXVI
RUBENS A VALAVEZ.

Monsieur.

Je suis débiteur à deux vostres, car la première me vint un peu tard pour respondre avec le courrier de la sepmaine passée, encore qu'elle me pressoit au vif par les nouvelles que me donniez avec icelle du partement du Roy [reçues] de bouche de Mr l'abbé de St-Ambroise et toute la Cour de Paris, au plus long, au mois de febvrier, sans discerner toutesfois s'il estoit au commencement, la moitié ou vers la fin du mois. Ores Jay avec cest ordinaire receu une de Mons. [314] de Saint-Ambroise mesme dattée le 19 de ce mois, par laquelle il me demande de part de la reine mère le temps précis auquel je pourrais livrer mes pièces à Paris sans y adjouster autre chose et sans faire mention du partement de la Cour, et sans me presser aulcunement, ains au contraire, il m'envoye encore une mesure d'une pièce (que Monsieur le cardinal de Richelieu vouldroit de ma main), laquelle il me deplaist n'estre pas plus grande car je n'ay garde de manquer à son service. Je luy ay respondu que s'il y a si grande haste, comme il m'a adverty par vostre moyen, que je pourray (me donnant Dieu, vie et santé) parachever le tout pour la fin de janvier prochain, mais s'il n'y a pas une presse sy grande qu'il seroit mieulx de me donner un peu de commodité pour laisser sécher les couleurs à leur ayse affin qu'on puisse enroller et empacqueter les tableaux sans danger d'y gaster quelque chose; aussy fault-il compter 15 jours pour le moins pour le voyage du chariot qui portera les tableaux de Brusselles à Paris, estant les chemins du tout rompus et gastez; nonobstant tout cela, je m'oblige, moyennant la grâce divine, de me trouver au plus long terme avec tous les tableaux à Paris à la fin de febvrier. Mais s'il est nécessaire de venir plustost je ne manqueray à mon debvoir sur quoy je le prie très instamment de m'aviser asseurement, au plustost qu'il sera possible pour sçavoir comment je me dois gouverner, car je ne vouldrois manquer, en quelle façon qu'il feust de me trouver à Paris avant le partement de la Cour. Je vous prie aussy de vouloir presser Monsr de St. Ambroise de m'advertir asseurement du terme préfix à ma venue, sans faulte quelconque et aussy de vostre part survenant quelque nouveauté ou changement touchant la partense du Roy, je vous supplie d'avoir soing de me le faire sçavoir promptement que sera un accroissement (s'il est possible qu'elles s'aggrandissent encore) de mes obligations envers vous. J'ay receu dès avant-hier le pacquet avec les livres, compris en vostre liste lesquelz y sont tous, mais je ne pensois qu'ils fissent un si grand fardeau. Les lettres du cardinal d'Ossat sont en meilleure forme que je n'ay veu encore; et celles de Duplessis-Mornay me sont aussi trèsaggréables car il ne me souvient pas d'en avoir ouy parler en nostre quartier y estant toutesfois le personnage cogneu et renommé de ses aultres oeuvres et sa disputte avec du Perron. Je ne vous sçaurois paier que de remerciemens car je ne trouve icy chose digne de vostre curiosité [315] et de Monsr le conseiller vostre frère; je n'ay pas encore baillé au Charton le livre du Pe Scribanus, avec les Ordonnances des armoiryes, cuydant de trouver quelque aultre galanterie; mais il n'y a rien selon mon advis que un livre latin tout fraîchement de la main de Monsr Cifflet de Sacra sindone Vesumtina aut sepultura Christi, lequel me semble bien gentil et je l'auray demain et avec le premier chariot qui partira, je les vous envoieray tous trois ensemble. J'ay aussy fait faire le dessein de la mummie que j'ay en toute perfection à contemplation de Monsr vostre frère, mais je ne l'ose pas mettre avec les livres pour ce qu'il la fauldroit placer trop menuement, et me semble qu'il seroit plus asseuré, encore que ce n'est qu'une feuille de papier, de l'enroller dedans mes peinctures aussy pour la garder mieux de la midité [humidité]. Toutesfois j'y penseray encores car elle est preste, et je ne vouldrois tenir si long temps la curiosité suspendue. Cependant, Monsieur, je vous prie d'estre [persuadé] de me tenir pour tout vostre, et s'il y auroit danger de ne vous trouver à Paris, tardant trop, je ne manqueray de me haster expressément pour ce seul respect; vous m'obligerez de m'en advertir ponctuellement, et me faisant part de vos bonnes grâces, asseurezvous que je seray tout le durant de ma vie.


Bibliothèque royale de La Haye. Copie du XVIIe siècle.

Copie dans Mols, Bibliothèque royale de Bruxelles MS. 572611 p. 145.

Publié par Ch. Ruelens. P. P. Rubens Documents et Lettres (1877, p. 20) et par Ad. Rosenberg, Rubensbriefe, p. 74.


COMMENTAIRE.

La lettre précédente de Rubens est du 12 décembre; depuis cette date jusqu'au 26, il avait reçu de M. de Valavez deux lettres auxquelles il s'excuse de n'avoir pas répondu immédiatement. Et nous verrons plus loin qu'entre le 26 décembre 1624 et le 10 janvier 1625, il y avait eu déjà un échange de missives entre eux.

Rubens achève les tableaux du Luxembourg: on le presse et on lui fait des commandes nouvelles. Le cardinal de Richelieu veut avoir une oeuvre de lui. Nous ne saurions préciser quelle est celle qui fut exécutée.

Arrivons à présent aux ouvrages dont Rubens parle dans sa lettre. Ce sont d'abord les Lettres du cardinal d'Ossat à Henri IV et à M. de Villeroy (1594-1604). Elles furent publiées, pour la première fois, à Paris, en 1624, [316] 1 vol. in-fol. Une 2e édition en parut la même année; Paris, jouxte la copie imprimée par Joseph Bouillerot, in-4°.

On sait que les lettres de cet habile négociateur de l'absolution de Henri IV et plus tard du divorce du même roi avec Marguerite de Valois, sont un livre classique en diplomatie. Il devait plaire à Rubens qui déjà s'essayait un peu dans cette science.

Nous verrons d'ailleurs, par l'ouvrage qui suit et par d'autres encore, combien Rubens se tenait au courant des affaires de son temps et combien lui plaisaient les livres traitant des questions politiques.

Rubens parle ensuite des Mémoires de messire de Philippes de Mornay, seigneur du Plessis Marli, etc., contenans divers discours, institutions, lettres et dépêches par lui dressées, depuis l'an 1572 jusques à l'an 1589, etc. Imprimé l'an 1624, 1 vol., in-4°.

Il s'agit du tome 1er des Mémoires; le tome IIe ne parut qu'en 1628. On voit avec plaisir Rubens, — seul peut-être parmi ses compatriotes, — s'intéresser à ce vertueux et sincère ami de Henri IV, quoique au point de vue politique, il le sût adversaire implacable de l'Espagne et par conséquent des Pays-Bas.

Nous ne reproduirons pas ici sa biographie; qu'il nous suffise de dire que la dispute avec le cardinal du Perron eut lieu à propos d'un ouvrage de Duplessis, intitulé: De l'institution, usage et doctrine du saint Sacrement de l'eucharistie en l'Eglise ancienne, comment, quand, et par quels degrés la messe s'est introduite à sa place. La Rochelle, 1598, p. in-4°.

Cet ouvrage fut vivement attaqué par du Perron, évêque d'Evreux, plus tard cardinal et archevêque de Sens, qui en démontra les nombreuses erreurs d'érudition. L'auteur défia l'évêque à un combat... théologique, qui eut lieu à Fontainebleau, le 4 mai 1600; Mornay y fut convaincu d'inexactitude dans quelques citations, puis le colloque prit fin sans solution. Mais les suites en furent néanmoins assez mauvaises pour Duplessis et pour le parti protestant dont il était l'âme et le soutien. Rubens pouvait dire avec raison que «le personnage étoit connu par ses oeuvres et sa dispute avec du Perron.»

Duplessis-Mornay avait été autrefois chargé d'une mission du roi de Navarre, le futur Henri IV, auprès du prince d'Orange et des Etats des Pays-Bas, et comme attaché au duc d'Anjou. Pendant son séjour ici, il avait publié chez Plantin, à Anvers, en 1581, la première édition de son fameux ouvrage: De la vérité de la religion chrétienne: contre les athées, épicuriens, paiens, juifs, mahomédistes, et autres infidèles. Lors de la sotte équipée du duc d'Anjou sur Anvers en 1583, Duplessis-Mornay était, par malheur, retourné auprès du roi de France et n'avait, par conséquent, pu empêcher cette entreprise dont [317] il parle dans ses lettres avec la plus grande douleur et la plus profonde indignation. Il s'était fait des amis, dans notre pays, par ses manières droites et l'élévation de son caractère, et à Anvers, plus d'une famille devait se souvenir de lui.

Jo. Jac. Chiffletii de Linteis sepulchralibus Christi servatoris crisis historica. Antverpioe, ex officina Plantiniana, apud Balthasarem Moretum, et viduam Joannis Moreti et Jo. Meursium. MDCXXIV. 1 vol. in-4°.

Jacques Chifflet, naquit à Besançon, en 1558. Il voyagea par toute l'Europe, s'occupant surtout d'étudier les musées, les bibliothèques et les collections d'antiquités. Devenu magistrat de sa ville natale, il fut envoyé chez l'archiduchesse Isabelle, qui en fit son premier médecin et l'envoya en Espagne auprès de Philippe IV. Il y fut retenu au même titre, et, en outre, y écrivit, par ordre de ce roi, l'Histoire de l'ordre de la Toison d'Or. De retour en Belgique, il y fut successivement premier médecin et conseiller du cardinal Ferdinand et de ses successeurs au gouvernement. Il est mort en 1660, âgé de 72 ans, après avoir publié de nombreux ouvrages dont plusieurs traitent des sujets d'archéologie ecclésiastique.

Dans le livre ci-dessus, dédié au nonce apostolique, J. F. des comtes Guidi da Bagno, archevêque de Patras, il traite la question des suaires de Jésus-Christ et s'efforce de prouver que celui de Besançon est le véritable. Le vénérable Bède avait donné l'histoire de cette relique.

«Après la résurrection, dit-il, ce suaire avait été dérobé par un juif qui s'était fait chrétien et qui le conserva jusqu'à sa mort à cause des richesses dont il avait été comblé, grâce à lui. A sa dernière heure, il demanda à ses fils lequel voulait le suaire, lequel le patrimoine paternel: l'aîné choisit celui-ci, le plus jeune prit le talisman sacré. Peu de temps après, l'aîné vit diminuer ses richesses jusques à la pauvreté; le cadet, au contraire, vit croître les siennes avec sa foi que ses enfants conservèrent jusqu'à la cinquième génération. Ensuite, il tomba entre les mains d'incrédules dont il n'augmenta plus que les richesses. Plus tard, il devint l'objet d'un litige entre héritiers: ceux-ci prennent pour arbitre Mahuvias, roi des Sarrazins, qui fit jeter le suaire dans un grand feu. Mais le suaire s'en échappe en volant par les airs où il plane longtemps comme pour se jouer, et s'en va tomber enfin doucement entre les mains de quelqu'un du peuple chrétien. Ce suaire a huit pieds de long.»

Pour Chifflet, le suaire de Besançon est bien celui de l'historiette de Bède et la meilleure preuve c'est qu'il a huit pieds, tandis que celui de Turin en a douze. «Le livre en lui-même est plein de recherches et d'érudition, dit le Père Nicéron, mais l'auteur y témoigne trop de crédulité.» Nous irions [318] bien jusqu'à dire qu'il y témoigne surtout beaucoup de courtisanerie. Les archiducs, dont Chifflet était le médecin, tenaient en haute prédilection ce que les théologiens nomment les grandes reliques. Ils avaient envoyé à Besançon de beaux et riches ornements pour l'autel du Suaire. Philippe II avait fait exécuter par un artiste nommé ab Argento quelques copies de cette relique: il s'en trouvait une à Anvers chez le margrave Henri de Varick. Sans aucun doute, rien ne pouvait flatter plus agréablement les archiducs qu'un ouvrage où l'érudition coule à flots, pour essayer d'établir un fait qui tient plus de la dévotion confiante que de la science sévère.

Quoiqu'il en soit, ce livre est curieux: nous y trouvons entre autres, à la page 171, la description et la gravure d'un marbre que Rubens avait apporté d'Italie et qui représente un enfant enveloppé dans ses langes.

Dans cette lettre et dans une autre que nous donnerons plus loin, Rubens parle d'une momie. Est-il question là d'une momie qui lui appartient? Il semble qu'oui.

Sur ce sujet, qu'il nous soit permis de résumer un petit chapitre de nos mémoires personnels, chapitre intitulé: Comme quoi nous avons manqué de posséder une momie de Rubens.

Tous ceux qui ont connu feu M. Schayes, le très-regretté conservateur du Musée de la Porte de Hal, se rappelleront qu'il avait, dans son magasin particulier de bric-à-brac, une superbe momie avec sa caisse parfaitement conservée. Il avait acquis ce cadavre passé au bitume, à la vente des objets de curiosité provenant du cabinet de M. Van Parys, cabinet qui s'est dispersé aux enchères à Bruxelles, vers 1850. Or, M. Van Parys était le dernier descendant de Rubens par Alexandre-Joseph, petit-fils du peintre.

Il était de tradition, à ce qu'il paraît, que la momie en venait aussi. M. Schayes en proposa l'acquisition à l'Etat: la proposition ne fut pas acceptée. Plus tard, le savant archéologue essaya de passer la pièce à plus d'un de ses amis et connaissances et entre autres à nous, non pas pour en tirer profit, car il l'eût cédée à perte; mais c'était un objet encombrant et ses enfants en avaient peur. Il en demandait 400 fr., ce qui n'est guère pour une momie. Depuis, je ne sais ce qu'elle est devenue.

Nous avons regretté plus d'une fois de n'avoir pas acquis cette égyptienne - car elle l'était. Nous eussions demandé à M. Delgeur, le plus savant de nos égyptologues, le déchiffrement des textes de cercueil et des papyrus insérés entre les bandelettes qui n'étaient pas entièrement déroulées. Quel roman on eût construit avec un canevas contemporain peut-être de Thoutmès III! Théophile Gautier l'a fait depuis; il eût été digne, lui, l'enthousiaste de Rubens, de posséder la momie du grand artiste.

[319] Pour rentrer dans le domaine du concret, nous devons dire que nous ne voyons pas figurer de momie dans l'Etat et compte des biens du grand maître, publié par M. P. Génard, au tome II du Bulletin des archives d'Anvers. Il est vrai que cet Etat ne renferme que les biens les plus importants et qu'une momie n'y pouvait figurer, comme une foule d'autres, que pour mémoire.

Après cela, dans la lettre de Rubens, il peut être question aussi d'une momie que possédait Chifflet et dont celui-ci parle longuement dans l'ouvrage ci-dessus: elle s'y trouve même en gravure (1).


CCCLXVII
RUBENS A M. DE VALAVEZ.

Monsieur.

Je suis bien ayse que vous avez receu le mo[uvemen]t perpétuel assez bien conditionné comme je croy puisque le tuyau de verre n'est pas rompu. Je croy que Monsieur votre frère a encore la recette que je luy ay envoyée il y a longtemps, comme il le fauldra mettre en oeuvre. Toutesfois, en cas de quelque manquement, je luy raffreschiray la mémoire avec la première commodité ce que je devoys avoir fait désja. Mais je vous prie estre servy de croire que moiennant la brièveté du temps pour achever les peinctures de la Royne-Mère et aultres occupations encore je suis l'homme le plus occupé et oppressé du monde. Je vous remercie de la minutte instruction que me donnez touchant mon affaire, laquelle se confronte du tout avec ce que M. de Saint-Ambroise m'en escript à sçavoir: qu'il fault que je me retrouve avec tous mes tableaux à Paris au 2, 3 ou pour le plus long au 4e de febvrier, lequel terme est si court qu'il me fault résouldre d'asteure à quitter la main de mes tableaux; car aultrement il n'y en auroit poinct de temps pour sécher les couleurs ni pour le voyage d'Anvers à Paris, ce nonobstant il n'y aura pas des plus grands inconvénients pour cela, car aussy bien falloit y retoucher tout l'ouvrage ensemble, au lieu propre (j'entends) mis en [320] oeuvre en la galerie mesme, et s'il y manque un peu plus ou moins, il passera tout en un coup, et sy je travaille à ce qu'il fault faire en Anvers, ou à Paris, il tourne tout au mesme compte, car ancor que je croy qu'il y aura du mesconte au temps du partement de Madame, comme il y tousjours quelque retardement aux affaires des grandz je ne me veux pas fier en cela, ains estre précis en painture, aultant qu'il me sera possible, ce qui me donne de la peine, plus que tout le reste, est que le tableau de Monsr le Cardinal ne pourra estre, selon mon advis, du tout parachevé et quand il le fust, ce ne seroit pas possible de le porter si fresche mais encore que je désire de servir ce seigneur, surtout sachant combien importe sa bonne grâce, je ne croy pas qu'il importe beaucoup de parachever ce tableau à Paris ou à Anvers. En conclusion, il demeurera, comme j'espère, satisfait de ma diligence, aussy bien que la Royne-Mère, aussy je trouverray quelque subject à sa fantasie selon vostre advis. Touchant le désir que Madame monstre d'avoir, de veoir mes peinctures avant son partement, je me trouve fort obligé, et seray bien ayse de lui pouvoir donner ce contentement; aussy Monsieur le prince de Galles, son époux, est le prince plus amateur de la peinture qui soit au monde. Il a eu quelque chose de ma main et m'a demandé, par l'agent d'Angleterre résidant à Brusselles avec telle insistance mon pourtraict, qu'il n'y eut aulcun moyen de le pouvoir refuzer encores qu'il ne me sembloit pas convenable d'envoyer mon pourtraict à un prince de telle qualité mais il forza ma modestie, et je vous asseure que se l'alliance projettée eust succédée, j'eusse esté contrainct de faire un voyage en Angleterre, mais estant esvanouye cette amitié, en général, s'est aussy reffroidy le commerce des particuliers comme la fortune des grandz tire avec soy tout le reste. Mais quant à moy je vous asseure que je suis aux affaires publicques lthomme le moins appassionné du monde sauves tousjours mes bagues et ma personne; mais j'entends (ceteris paribus) que j'estime tout le monde pour ma patrie; aussy je croys que je serois le très bien venu partout. On tient icy la Valtoline toute perdue et qu'il y a très bonne intelligence entre le Pape et le Roy de France. Voilà tout quant à cela; mais touchant Bréda, le marquis Spinola s'obstine, de plus en plus, à vouloir la place, et, croyez-moi, s'il n'est envoyé par commandement exprès de son maistre, pour obvier à quelque nouveau accident ailleurs (ce que je ne croys pas), [321] il n'y a force qui puisse secourir la ville, tant elle est bien assiégée. Aussy du commencement il n'a jamais fait son compte de la prandre par force mais l'imbloquer seullement. On fait des grandz apprestz de guerre pour la deffense des Provinces d'Artoys, Luxembourg, Haynault et Flandres. Dieu vueille que je puisse aller et venir seurement avant qu'il y ait quelque rotture. Je n'ay aultre chose pour ceste fois que de vous bayser bien humblement les mains et me recommander de tout mon coeur en vos bonnes grâces, vous asseurant que je le seray tout le durant de ma vie.

J'ay baillé à Anthoine (Muys), un petit paquet de trois livres seullement ou deux pour dire mieulx, car les Ordonnances des Armoiries sont d'une feuille seullement. Les deux aultres sont le Prince Cristianopoliticq du P. Scriban et Mr Cifflet, de Linteis Salvatoris; et vous asseure que vous les paierés bien cher car ce maistre Anthoine n'a jamais voulu avoir moins pour le port que deux francz; de quoy je me remetz à vous, de rabattre ce que vous semblera hors de raison, lequel selon mon advis est plus que la moictié. La mummie n'y est pas, laquelle je porteray avecq les tableaux.

Monsieur...D'Anvers, ce 10 de l'an 1625.

Bibliothèque royale de La Haye. Copie du XVIIe siècle.

Copie dans Mols; Bibliothèque royale de Bruxelles, MS. 527611 p. 159.

Publié par Ch. Ruelens, P. P. Rubens. Documents et Lettres. 1877, p. 28 et par Ad. Rosenberg, Rubensbriefe, p. 77.


COMMENTAIRE.

Il est de nouveau question ici de ce Mouvement perpétuel dont s'occupait Rubens en collaboration avec un compère. C'est ici le lieu de parler plus amplement de ce collègue du peintre.

Il se nommait Montfort.

Dans une lettre adressée de Londres, le 23 novembre 1629, à Gevaerts, lettre que l'on peut voir en original à la bibliothèque de Bourgogne, à Bruxelles. Rubens écrit ceci: «La présente n'a pas d'autre but que de vous faire savoir comment j'ai recommandé aujourd'hui à M. Montfort, avec toutes sortes d'instances, selon vos désirs, la demande de M. Louys de Romere. Il me serait désagréable que mon compère eût songé à quelque autre, comme il pourrait [322] facilement arriver, puisque, selon toute apparence, cet office ne manquera pas de solliciteurs: je me rappelle qu'il y en eut beaucoup pendant la vie du Sieur Robiano, qui demandèrent sa survivance (1).»

M. Alex. Pinchart, dans une excellente notice, a déjà émis l'opinion que ce Montfort n'est autre que Jean de Montfort, sculpteur, fondeur, graveur en médailles, et à cette époque, depuis le 2 avril 1613, maître général des monnaies de Brabant (2). Nous croyons qu'il a entièrement raison. Il s'agit, selon toute apparence, dans la lettre de Rubens, d'un emploi à conférer à la Monnaie d'Anvers, après la mort d'un Robiano. Or, le contre-waradin de cet établissement était alors Gaspar de Robiano, frère de Balthasar, trésorier général.

Rubens était lié avec Robiano et avec Montfort. Celui-ci avait occupé, depuis 1602, diverses charges à la Monnaie d'Anvers. Artiste très remarquable, auteur de plusieurs médailles estimées, il a subi, comme tant d'autres, l'ascendant du grand Pierre Paul. «Les progrès réalisés dans la gravure de coins pour la frappe des monnaies, dit très bien M. Genard (3), doivent paraître bien naturels, quand on sait que des hommes tels qu'Otho Voenius et Rubens, liés d'amitié avec les waradins et les maîtres de la Monnaie, se plaisaient à visiter fréquemment les ateliers.»

En effet, Montfort a été honoré de la dédicace d'un des ouvrages d'Otho Voenius: Emblemata sive symbola a principibus, viris ecclesiasticis ac militaribus aliisque usurpanda, Bruxelles, 1624; il a eu son portrait deux fois peint par Van Dyck. L'un des deux se trouve à Florence, l'autre à Vienne. Ce portrait a été gravé par P. de Jode le Vieux et porte pour inscription: D. Johannes de Montfort, Alberti S. S. et Isabellae aularum primarius constitutor et exornator, nec non Regis Catholici monetarum citra montes consiliarius, et magister generalis, nobiliumque dominarum palatii serenissimoe Isabellae inviolatus custos. Ce latin mystérieux veut dire qu'il était «aposentador» ou fourrier de la Cour, Conseillier, maistre général des monnoyes de Sa Majesté catholique ès Pays-Bas, garde des Dames de la sérénissime Isabelle.

Il était non-seulement graveur en médailles, mais encore plus ou moins sculpteur ou fondeur, car c'est lui qui a signé le lion de cuivre doré, du poids de 6000 livres, qui orne le mausolée des ducs de Brabant Jean Il et Antoine de Bourgogne, à Sainte-Gudule, à Bruxelles. Montfort fut anobli le [323] 12 mai 1625, par Philippe IV et mourut vers 1649, car, en cette année, il était remplacé dans ses fonctions de maître général des monnaies par Gisbert Cleraert.

Il avait épousé Françoise Van Zeverdonck, fille de Nicolas et de Marie Smeyers, dont il eut quatre fils et deux filles.

a) Anne-Marie qui épousa André de Fresne (ou de Fren), secrétaire du Conseil de Brabant. Ceux-ci eurent deux enfants, Antoine de Fresne, président du Conseil de Luxembourg, marié à Anne-Marie Steenhuyze, et Isabelle de Fresne, née le 11 décembre 1624, qui devint, le 21 octobre 1656, la deuxième épouse du célèbre David Teniers;

b) Elisabeth-Sophie, qui épousa Michel Plavilla, premier official de la secrétairerie d'Etat.

Parmi les fils de Montfort, l'un, Philippe, devint en 1628 son adjoint en qualité d'assistant, et devait lui succéder; mais il doit être mort avant son père.

Cette note généalogique nous fournit l'occasion d'une conjecture quant au motif pour lequel Rubens nomme Montfort, son compère. Selon toute probabilité, le peintre aura été le parrain de l'un ou l'autre des enfants de Montfort. Nous savons par le curieux travail de M. Genard: Les grandes familles artistiques d'Anvers (Revue d'histoire et d'archéologie, t. I et II) que les artistes, ses compatriotes, briguaient à l'envi l'honneur de faire tenir leurs enfants sur les fonts du baptême par l'illustre peintre ou de l'avoir pour témoin de leur mariage. C'est ainsi que plus tard, au 22 juillet 1637, il préside à l'union d'Anne Breughel avec David Teniers, qui se maria, comme nous venons de le voir, en secondes noces avec la petite-fille de Montfort.

En dépit de ce que nous avons dit précédemment nous ne croyons pas devoir nous abstenir tout à fait de parler de ce mouvement perpétuel dont s'occupait Rubens. De Reiffenberg a déjà fait remarquer que «cela prouve simplement l'immense activité du génie de Rubens qui se portait avec avidité au-devant de toute science et de toute nouvelle invention.» Gachet, dans une note à la lettre du peintre à Peiresc, du 9 août 1629, dit: «La recherche du mouvement perpétuel fut l'une des manies de cette époque. Rubens luimême s'y laissa prendre.»

Nous nous sommes demandé si le grand artiste s'est bien occupé de cette chimère qui consiste à vouloir trouver le moteur constant, inépuisable, la force se remontant sans cesse elle-même, la mécanique possédant en quelque sorte sa vie propre, une vie sans déperdition et sans fin. Nous ne le croyons point. Le fait serait en contradiction avec ses connaissances si exactes, si nettes, et avec son caractère porté au scepticisme plutôt qu'à la crédulité.

[324] A cette époque, nous le savons bien, il y avait des chercheurs de panacée universelle, d'or potable, de quadrature du cercle, de mouvement perpétuel: il y en a eu de tout temps et la race n'en est pas éteinte. Or, il est plus d'un passage dans ses lettres où il se moque ouvertement de ces malheureux adeptes de l'impossible. «J'ai lu, dit-il à Peiresc, le 10 août 1623, un petit livre publié par la société des Rose-Croix, dans lequel on trouvait la vie et la mort glorieuse et mystérieuse de leur premier fondateur, ainsi que leurs statuts et ordres. Je n'ai vu dans tout cela que des alchimistes, feignant de posséder la pierre philosophale et c'est, effectivement, une insigne imposture.»

Et dans sa lettre au même Peiresc, du 9 août 1629, datée de Londres: «Je n'ai vu le très fameux philosophe Drebbel que dans la rue, et je n'ai échangé avec lui que trois ou quatre paroles en chemin... Cet homme est, comme dit Machiavel, un de ces objets qui, dans l'opinion vulgaire, paraissent plus grands de loin que de près. On m'assure ici, en effet, que depuis tant d'années il n'a rien produit que cet instrument d'optique, dont le canon est perpendiculaire, et qui agrandit démesurément les objets qu'on place au-dessous, et ce mouvement perpétuel dans un anneau de verre (moto perpetuo nel anello di vetro) qui n'est en vérité qu'une bagatelle.»

L'homme qui parle avec tant d'irrévérence des Rose-Croix et surtout de Drebbel, le premier des charlatans de la science de ce temps, cet homme ne peut pas avoir essayé de marcher sur leurs traces. Sa puissante imagination ne se fourvoyait point hors du domaine de l'art.

Le mouvement perpétuel de Rubens est donc toute autre chose que le grand désideratum des chercheurs de quintessence.

Le jugement qu'il vient de porter sur Drebbel nous met sur la voie de la vérité; il reconnaît la découverte de l'instrument d'optique qui n'est autre que le microscope, il traite de bagatelle le perpetuum mobile.

Il peut avoir vu l'instrument à Londres en 1629. Mais, en 1625, il ne pouvait le connaître que par une description énigmatique, donnée par Drebbel lui-même, en quelques lignes. Dans la dédicace, à Jacques Ier, de son ouvrage: Een cort tractaet, etc. (Petit traité de la nature des éléments, comment ils sont la cause du vent, de la pluie, de l'éclair, du tonnerre, etc. Rotterdam, 1621), le physicien hollandais parle de son invention et, pour autant qu'on le comprenne, elle consistait en une sorte de planétaire auquel il avait adapté quelques rouages pour produire en petit ou plutôt pour constater simplement les phénomènes atmosphériques. Cet appareil agissait sous l'action d'un liquide composé, ou, comme dit Drebbel, par l'antipathie de deux liquides, dans un tube circulaire de verre que Rubens nomme l'annello di vetro et Gaspar Schott l'annulus vitreus. [325] Drebbel connaissait la dilatation des liquides, car entre les inventions qu'on lui attribue, on compte aussi celle du thermomètre.

Le perpetuum mobile de Drebbel n'était donc, selon toute probabilité, qu'un instrument destiné à constater les perturbations atmosphériques, courants, pressions, hygrométrie, etc., c'est-à-dire le mouvement perpétuel qui se produit dans le milieu où nous vivons: motus perpetuus... qui a causis naturalibus perpetuo mobilibus dependet a sole, luna..., meteorum agitatione, etc. (1).

C'est en ces termes que le Père G. Schott établit la distinction entre les deux sortes de mouvemevt perpétuel, dans son curieux livre: Mechanica hydraulico-pneumatica (Francfort, 1657, p. 340).

Usant d'un jeu de mots pour donner à son invention un air mystérieux, Drebbel nommait les mouvements de l'atmosphère d'un nom analogue à celui que les géographes donnaient aux mouvements des eaux de l'Océan: pour ceux-ci les courants constants étaient aussi un motus perpetuus. Dans la description énigmatique de son perpetuum mobile, Drebbel semble dire qu'il le met en relation avec ce qu'il nomme le primum mobile, c'est-à-dire le mouvement astronomique.

Le mouvement perpétuel de Rubens devait être un instrument de moyenne grandeur, puisqu'il se logeait dans une caisse que l'on envoyait, sans user de précautions exceptionnelles, comme un vulgaire colis, d'Anvers à Aix en Provence. Il se composait d'un canon de verre, dans lequel était une certaine quantité d'eau verde et d'un autre petit verre à demi-plein de cette même eau verde qui est l'agent de l'opération chimique ou physique.

Dans ce programme, on ne rencontre aucun des ingrédients dont on se servait pour créer une machine travaillant à perpétuité par sa force sans cesse rétablie par elle-même. Nous voyons dans l'instrument de Rubens une sorte d'indicateur météorologique. Cette eau verde était quelque chose d'analogue à l'alcool rougi dont on se sert aujourd'hui dans le thermomètre ou au mercure de la cuvette de nos baromètres.

Pour nous, il est probable que Rubens et Montfort ont essayé de réaliser les inventions de Drebbel dont la renommée était considérable, surtout depuis le livre que celui-ci avait publié en 1621. Or, dans ce livre, il est uniquement question de météorologie, et le mouvement perpétuel construit par l'habile physicien pour le roi Jacques ne devait être autre chose qu'un instrument se rattachant à l'étude de l'atmosphère.

Une seconde preuve de l'attention que portait Rubens aux découvertes de Drebbel, peut se tirer de la lettre du 3 août 1623, que nous avons publiée. [326] Il promet de demander à son compère, outre le mouvement perpétuel, un petit miroir agrandissant les objets. Ne serait-il pas question là d'une sorte de microscope? Dans le texte de cette lettre donné par Chardon de la Rochette, on lit il specchietto, ce qui veut dire petit miroir; dans la copie de Mols on lit il specchiale, un mot qui ne se trouve pas dans les dictionnaires, mais qui, s'appliquant à une chose nouvelle, pourrait bien avoir été créé par Rubens, par analogie avec occhiale, lunette. Nous nous bornons à cette conjecture.

L'alliance projetée dont parle Rubens, est le projet de mariage entre le prince de Galles et l'infante Marie d'Espagne, projet formé dès 1616 par Jacques Ier et qui fut rompu par Buckingham après le voyage si romanesque que ce favori fit avec le prince de Galles à Madrid en 1623.

Le grand peintre a-t-il été mêlé à la négociation de ce mariage qui devait, selon lui, donner la paix à l'Europe? Les documents qui le prouvent font défaut; mais il n'y a pas lieu d'en douter. Le fait ressort de cette lettre, et d'un rapport de Gerbier publié par Sainsbury (p. 68).

La rupture du mariage et la conclusion d'une union nouvelle avec la soeur du roi de France étaient une cause de guerre que l'Angleterre avait intérêt d'éviter.

La cour anglaise connaissait bien l'ascendant de Rubens sur l'archiduchesse Isabelle; elle fit donc des avances au peintre. L'agent d'Angleterre résidant à Bruxelles, William Trumbull fut chargé de demander le portrait de Rubens, et, à ce qu'il semble aussi, de lui porter une invitation de se rendre en Angleterre. Trois mois après, Rubens et Buckingham négociaient ensemble à Paris.

Il y aurait à écrire tout un commentaire psychologique sur la phrase: Mais quant à moi, je vous assure que je suis aux affaires l'homme le moins appassionné du monde, etc. Nous nous en garderons. D'abord la phrase est obscure, du moins dans cette proposition incidente: sauve toujours mes bagues et ma personne, proposition qui nous paraît absolument en opposition avec le reste. On courrait le risque d'un jugement bien téméraire en se prononçant, de manière ou d'autre, sur le caractère ou la moralité d'un homme tel que Rubens d'après quelques mots mal transcrits peut-être.

La question de la Valteline dont parle Rubens est très embrouillée: c'est une sorte de partie d'échecs jouée entre plusieurs puissances et dans laquelle on finit par ne plus reconnaître les partenaires. Le fond de l'affaire était un droit concédé, depuis plus d'un siècle, à la France de faire dans ce canton de la Suisse, des levées d'hommes pour ses armées. Or, ce droit était vivement jalousé par l'Espagne, par la république de Venise et par d'autres Etats: il y avait là une mine de chair à canon dont chacun d'eux [327] voulait le monopole. Il faut lire dans les Mémoires du cardinal de Richelieu l'exposé de ces complications auxquelles les politiques, avec leur perfidie habituelle, mêlèrent la question religieuse.

Enfin, le pape fut nommé arbitre; mais ses irrésolutions ne satisfirent aucune des parties. En France, on le tenait pour favoriser l'Espagne; en Espagne, on disait que le pape n'était plus catholique, mais qu'il était devenu très-chrétien; jeu de mots sur les titres que portaient les souverains des deux pays. C'est à cela que Rubens fait allusion.

Si l'on s'occupait, même aux Pays-Bas, de cette question, en apparence si lointaine, c'est que, dans les plans de l'Espagne, la Valteline était sur la route des armées espagnoles pour se rendre en Belgique (1).


CCCLXVIII
PEIRESC A VALAVEZ.

Monsieur mon frère,

J'oubliois de vous dire que MrRubens m'escript que Mr l'Ambassadeur de Flandres luy a faict instance pour recouvrer le calendrier MS. que feu Mr Schilder m'avoit donné. Vous scavez ce que je vous en avois dit aultrefoys. Je vous prie de le luy tesmoigner, à sçavoir que la première foys que je l'eus, Mr Schilder me l'avoit presté disant qu'il appartenoit au Sr Présidant d'Arras, et que lors j'en fis faire des portraicts et extraicts que j'envoyay à Rome pour les faire imprimer en taille douce avec les commentaires de M. Aleandro, comme je m'asseure qu'ils seront imprimez de faict tost ou tard. Et peu aprez ledict Sr Schilder estant venu à Paris, et monstrant de désirer de le recouvrer, je le luy rendis avec mes trez humbles remerciemens, luy tesmoignant néantmoings beaucoup de regret de voir que cette pièce courust fortune de retomber entre les mains des persones qui n'en fussent pas curieuses comme elle méritoit, attendu mesme que la moitié dudict kalendrier manquoit et se trouvoit avoir esté restituée par quelque bon homme qui ne s'y cognoissoit guières, et qui avoit fort mal rencontré, et luy dis que si [328] j'avois la commoditè d'en jouyr à mon aise et d'y employer mes amys et conférer mes recueils de l'Antiquité, mesmes avec le secours de l'édition qu'en avoit desjà faite le Sr Hervart de Bavières, j'oserois me promettre de pouvoir restaurer les figures qui manquoient, selon que les Anciens représentoint semblables choses. Allors il me dit que ledict Sr Présidant d'Arras le luy avoit souvent offert en don et qu'il avoit faict scrupule de l'accepter, dont je le tançay bien fort et autant qu'il peut estre permis à un ami. Il le r'emporta donc en Flandres en s'en retournant, et me promit de tascher de l'obtenir en pur don dudict Sr Présidant, auquel cas il me le rapporteroit, et m'en feroit le maître. Et de faict revenant quelques mois aprez il me le r'apporta avec mille compliments d'honneur et de courtoisie, et passant en Hespagne, me dit que ledict Sr Présidant luy avoit tesmoigné d'estre marry que la chose ne fust de plus de conséquance pour l'en obliger, et employa les mesmes termes de sa part en mon endroict de moy, qui fus obligé par le sentiment de mon debvoir et de mon obligation de procéder en son endroict comme j'ay accoustumé de procéder envers mes amys, et luy donnay tout plein de galanteries et de pièces curieuses qui pouvoient bien aller à l'équivalant et possible l'oultre passer; et néantmoings de surabondance, je luy promis que venant faulte de moy, luy survivant, j'aurois soing de luy faire retomber en main, avec les restaurations et observations que je pourrois y avoir faictes; et que venant à s'imprimer, je ne manquerois point de faire tesmoigner en public l'obligation qu'il en debvoit avoir non seulement à luy, mais encores audict Sr Président d'Arras. Ce qui ne fut pas fait à cachettes, car, si je ne me trompe, le Sr Torius y estoit présent, et quelque autre de son païs, qui répéta souvent et en riant cette condition d'héritage au survivant. Cela fut cause que comme auparavant je n'avois pas osé me dispenser d'envoyer l'original à Rome, de crainte des dangers des chemins, afin de le pouvoir mieux garentir à son premier maistre, lorsque je le fus devenu, je me dispensay de l'envoyer à Rome par commodité bien asseurée, où il fut très bien receu, et où il est encore en main de personne si qualifiée, que je fairois grand scrupule de le luy tirer des mains, tant qu'il luy plaira d'en user; m'asseurant toutefoys que je le pourray recouvrer tost ou tard, quand il faudra mettre cette pièce en lumière. Or parce que j'aurois receu quelque petit tort d'un bon père que vous cognoissez, qui m'avoit refusé la communication [329] d'un feuillet d'un livre M. S. et que je sçavois bien que cette pièce icy estoit grandement de son goust, je creus qu'elle me pouvoit fournir un moyen bien innocent de me vanger de sa discourtoisie, en ne luy communiquant pas cette pièce, et de faict je ne la voulus point laisser sortir de mes mains afin qu'il n'eust pas l'advantage de la voir sans mon sceu ou mon consentement. Mais je ne peus pas si bien faire qu'il ne sceut d'où elle estoit venue et c'est vraysemblablement luy qui a faict depuys agir ledict Sr Président, pour redemander la pièce maintenant que ledict Sr Schilder est décédé, et qu'il ne peut pas tesmoigner ce qui s'y est passé.

Quand M. Rubens sera arrivé à Paris, vous l'en pourrez entretenir, et luy dire que, comme je n'ay rien que je luy voulusse reffuser, je serois bien marry de luy refuser cette pièce, et que je la luy donnerois trez volontiers quand je sçaurois qu'il la voulust accepter de ma main, si je l'avois en mon pouvoir, mais vous sçavez bien où elle est. Et si je la puis recouvrer, je ne manqueray poinct de l'en advertir, pour en disposer, comme il peult faire de tout ce que j'ay et que j'auray jamais de plus précieux. Mais tousjours peult-il bien asseurer ledict Sr Présidant qu'il ne sera poinct frustré de l'honneur qui luy en doibt redonder en public, et que nonobstant le droict que je pensois avoir sur la pièce je serois si marry d'avoir esté instrument de l'en priver (quand je serois asseuré que ce fust contre son bon gré) que je fairay tous efforts à moy possible pour la recouvrer et la remettre à sa disposition, et attendant cela si je puis apprendre en quoy consiste sa curiosité, soit en livres, ou en autres singularitez, je tascheray de luy en faire avoir telle récompence que je pourray juger compétante et cappable de le contenter. Asseurez-en Mr Rubens de ma part, afin qu'il le fasse entendre audict Sr Ambassadeur, à qui je suis serviteur en mon particulier et dont j'honore infiniment la vertu et le mérite. Mais c'estoit un trop long discours pour le luy faire par lettre, attendu mesme que j'en laisse encores la moitié, dont vous pourrez vous ressouvenir et l'en entretenir de bouche. Et je m'asseure que ledict Sr Ambassadeur ne debvra pas trouver si estrange cette procédure dudict Sr Schilder qui estoit tant de ses amys, parce que je sçay bien qu'ils ont practiqué ensemble quelque chose de semblable. Et que ledict Sr Schilder s'en allant en Espagne et n'osant pas y porter tous les papiers qu'il avoit en son pouvoir (à [330] cause de la liberté qui y pouvoit estre possible plus grande que les plus sévères ne font semblant de vouloir souffrir), il les laissa en dépos audict Sr Ambassadeur à la charge qu'ils demeureroient au plus vivant d'eux deux. Comme il a practiqué aussy envers le Sieur Torius, qui se trouva prez de luy lors de son décez, à qui il laissa tous les papiers qu'il avoit lors prez de luy. Je serois trop long si je vous disois là dessus ce que le deffunct m'avoit dit aultrefoys du feu Sr Denys de Villiers, chanoine de Tournay, qui avoit promis l'héritage de ses papiers et singularitez à tous ses amys, et puis se mocqua du monde, et luy disoit qu'il les vouloit distribuer