Text

VOLEURS, (Arlequin & Scaramouche) [Auszug]
|| [260]

VOLEURS, (Arlequin & Scaramouche) VOLEURS, (Arlequin & Scaramouche), Ca nevas Italien en cinq actes, représenté pour la premiere fois sous ce titre, le Mardi 5 Décem bre 1747. C'est exactement le même qi a été représenté sous le titre d'Arlequin & Scapin voleurs, le Samedi 20 Mai 1741. Toute la dif férence consiste en ce que le Scapin est ici changé en Scaramouche; voyez l'article Arle quin & Scapin voleurs; il s'est glissé dans cet article auquel nous renvoyons, une erreur qu'il
|| [261]
est à propos de réformer; on y lit que la piéce est en trois actes, au lieu qu'elle est véritable ment en cing, comme on va voir.

Quoique ce Canevas ait devancé M. Gandini sur le Théatre Italien de Paris, il n'en est pas moins de sa composition, (*) mais il y a inséré quelques scénes connues en Italie, & que le Public trouveroit mauvais qu'on obmit toutes les fois qu'en ce pays-là l'on présente des voleurs sur la scéne. Nous allons faire usage du Cane vas d'Arlequin & Scaramouche, ou Scapin voleurs, qui nous a été confié depuis peu; l'on y reconnoîtra aisément les scénes en question, en le comparant avec l'extrait des Voleurs à la Foire. (Voyez l'article précédent.) Nous aurons soin de renvoyer à cet extrait, à mesure que l'occasion va s'en présenter. ACTEURS. PANTALON. LE DOCTEUR. FLAMINIA, fille de Pantalon. LUCINDE, fille du Docteur. MARIO, fils du Docteur. LÉLIO, fils de Pantalon. CORALINE, femme de Chambre de Fla minia. NICOLO, valet de Pantalon. UN CAPITAINE. ((*) Monsieur Gandini y a joué le role de Scaramouche avec applaudissement, à la Cour & à Paris; le succès de l'Acteur & de la piéce fut si marqué à la Cour, qu'elle y fut rede mandée & jouée deux fois de suite.)
|| [262]
UN LIMONADIER. SCARAMOUCHE, Chef d'une bande de voleurs. ARLEQUIN, voleur. VOLEURS déguisés en Soldats, en Archers à en Laquais, &c. GARÇONS DE CAFFÉ. GARÇONS D'UN TRAITEUR. VALETS. ARCHERS. La scéne est dans une ville de France. ACTE I. Le Théatre représente une rue d'une ville de France, (*) dans laquelle on remarque la maison du Docteur, & celle de Pantalon. Arlequin voleur, se plaint à Scaramouche son Capitaine de ce qu'il manque d'égards pour lui; celui-ci répond que c'est sa faute, & qu'il n'a pas de disposition au métier; ensuite il lui donne des leçons (**) dont Arlequin pro met de profiter, & ils se retirent. Mario entre, & fait entendre dans un monologue qu'il est amoureux de Flaminia, fille de Pantalon; il frappe à la porte de ce dernier; Coraline en sort, & lui donne une lettre de Flaminia sa Maîtresse. Il se met à la lire; Scaramouche l'observe de loin, & le montre à Arlequin; celui-ci s'approche, & voyant Mario mettre la ((*) Il y a apparence que le lieu de la scéne n'est tel, que quand la piéce se joue en France. (**) Les Voleurs à la Foire commencent de même. Voyez Voleurs (les) à la Foire; scéne de l'instruction.)
|| [263]
lettre de Flaminia dans sa poche, il le supplie, puisqu'il sçait lire, de vouloir bien lui en lire une qu'il lui présente. Mario veut bien avoir cette complaisance, & pendant qu'il est appli qué à le satisfaire, Arlequin lui vole son mou choir, & se sauve; Mario s'apperçoit du vol, & court après lui. Le Docteur entre, & dit que Pantalon son ami vient de conclure le mariage de sa fille avec un étranger fort riche, compatriote & parent de celui qu'il destine à la sienne, & qu'il veut l'aller féliciter; il frappe à sa porte, Coraline ouvre, & lui dit que Pan talon s'habille; le Docteur répond qu'il va l'attendre au Caffé, & la quitte. Pantalon sort de chez lui; Coraline lui rend compte de ce que le Docteur vient de lui dire; il a fait ren trer dans la maison, & va joindre son ami. Lélio fils de Pantalon le remplace, & s'entre tient seul de son amour pour Lucinde, fille du Docteur. Scaramouche déguisé en grand Sei gneur, (*) suivi d'Arlequin son écuyer, & de plusieurs filoux en livrée, l'aborde poliment. Il lui dit qu'il est un homme de qualité etranger, qui voyage pour son plaisir, & qui a de la ré pugnance à loger dans une auberge; il le prie de lui enseigner la maison de quelque personne de distinction du pays, chez qui il puisse passer sept ou huit jours avec plus de bienséance; Lélio trompé par le nom qu'il se donne, lui (Il y a encore dans les Voleurs à la Foire, une scéne qui ressemble à celle-ci. C'est la scéne dans laquelle Trivelin déguisé en grand Seigneur, & Arlequin en valet de Cham bre, volent un Aubergiste. Voyez Voleurs (les) à la Foire; scéne d'un grand Seigneur & de son Valet de Chambre.)
|| [264]
proteste que le Docteur son pere sera très- flatté de le recevoir, & même voyant que ce Seigneur ordonne à son écuyer de satisfaire les muletiers qui ont amené son bagage, & que l'écuyer prétend n'avoir point d'argent sur lui, il offre d'avancer la somme nécessaire, est pris au mot, & veut resserer sa bourse, après avoir compté l'argent aux muletiers; mais Ar lequin la lui escamote sans qu'il s'en apperçoive. Lélio prend congé du Seigneur étranger, après lui avoir enseigné la demeure de son pere, en lui disant qu'il va faire préparer son apparte ment; mais il revient un moment après, ayant reconnu la perte qu'il vient de faire; il prie l'étranger de lui dire si quelqu'un de ses gens n'auroit point ramassé sa bourse, qu'il a appa remment laissée tomber, en croyant la remet tre dans sa poche. Ha! Monsieur, s'écrie celui- ci, je crois que vous avez raison; je soupçonne mon écuyer d'avoir fait le coup; c'est un coquin dont j'ai des raisons de me défier depuis quelque temps, & dont je me déferai dès que mes voya ges seront finis. L'écuyer est offensé du soupçon, & répond insolemment à son Maître qui le veut tuer; Lélio demande grace pour lui, & se met au-devant des coups; il est houspillé, & perd son chapeau qu'on lui vole dans la mêlée; le Seigneur, l'Ecuyer & les Laquais disparoissent, & se sauvent d'un côté & l'autre de l'autre; Lélio les poursuit & met fin au premier acte. ACTE II. Arlequin & Scaramouche ouvrent le second
|| [265]
acte comme ils ont ouvert le premier; Arle quin est tout glorieux d'avoir si bien mis en pratique les leçons de son Capitaine, qui con vient qu'il commence à se former; ils enten dent venir du monde, & se retirent. Mario entre, & se plaint du mariage que Pantalon vient d'arrêter pour sa fille, avec un étranger; Scaramouche paroit, parlant à la Cantonade, & paroissant outré de ce qu'un homme contre lequel il vient de perdre vingt louis sur sa parole, lui montre de sa défiance, & ne lui veut pas accorder vingt-quatre heures pour le payer; il en est si furieux, dit il, qu'il donneroit volon tiers pour vingt louis, un brillant qu'il a au doigt, & qui en vaut cent, afin de n'avoir plus rien à démêler avec un homme capable d'un si mauvais procédé. Mario qui a souvent éprouvé les vicissitudes du jeu, est touché de son cha grin, l'aborde, & lui offre généreusement de le tirer d'affaire, & de lui prêter de quoi dégager sa parole; Scaramouche l'accepte, à condition qu'il recevra sa bague en nantissement, Mario qui a déja ouvert sa bourse, le refuse; Scara mouche met malgré lui sa bague dans la bour se, & pendant que Mario en veut tirer vingt louis, il met la main dessus; Mario étonné la retire à lui; le Docteur survient, & Scaramou che se plaint de ce que Mario refuse de lui ren dre une bourse qu'il a laissée tomber, & qui lui appartient si bien, que sa bague qu'il désigne est dedans avec son argent. Le Docteur, après avoir vérifié le fait, donne le tort à son fils, refuse de l'entendre, & met Scaramouche en possession de la bourse, de façon qu'il s'en va
|| [266]
fort content. Il est aisé de s'appercevoir que cette scéne ressemble beaucoup a celle du Mar chand Juif, dans Les Voleurs à la Foire. (Voyez Voleurs (les) à la Foire, scéne du Marchand Juif.) Enfin, Mario après avoir désabusé trop tard son pere, se met sur les traces du voleur. Le Docteur demeuré seul, fait entendre qu'il est arrivé des troupes dans la ville, & qu'il est obligé de loger un Officier; il frappe à la porte de son logis, & ordonne à sa fille qui se pré sente, de recevoir le nouvel hôte; elle promet d'obéir, & se retire. Scaramouche qui étoit aux écoutes avec Arlequin, sort précipitam ment; Arlequin le suit; le Docteur voit pres que aussi-tôt arriver Arlequin en Officier estro pié qui a perdu ses deux jambes. Il est dans une chaise à porteurs, & les porteurs sont des filoux déguisés en soldats; pendant une scéne dans laquelle Arlequin conte ses exploits au Docteur, & comme celui-ci est prêt à l'intro duire chez lui, le véritable Capitaine qu'il doit loger arrive, & découvre la fourberie. Les porteurs & l'estropié se sauvent à toutes jam bes, & le second acte finit avec grande rumeur. ACTE III. Pantalon dit à Flaminia sa fille qu'il ne se trouve pas en argent comptant, & que le ma riage qu'il vient d'arrêter pour elle, ne pou vant manquer de l'engager à de fortes dépenses, il veut mettre en gage une partie de son argen terie, pour ne pas risquer de demeurer court dans une pareille circonstances; il ordonne à sa
|| [267]
fille de mettre à part ce qu'il en faut pour cet effet; Arlequin & Scaramouche l'observent, & le second parle à l'oreille de l'autre; ils sor tent & reviennent, Arlequin en Exempt, avec des Voleurs déguisés en Archers, & Scara mouche en Marchand qu'on arrête pour dettes. Cette fourberie est à peu près la même que celle du Marchand qu'on arrête pour dettes, dans Les Voleurs à la Foire. (Voyez Voleurs (les) à la Foire; scéne du Marchand qu'on arrête pour dettes,) & elle a le même succès. Pantalon revient chez lui, suivi du valet d'un Usurier, qui tient un sac plein d'argent, & qui vient chercher l'argentierie. Flaminia & Cora line lui content ce qui s'est passé, & il sort en coutant, pour tâcher de trouver le voleur; Flaminia rentre chez elle avec Coraline. Lélio paroît seul, & dit qu'il voudroit bien parler à sa Maîtresse; il frappe à la porte du Docteur, & Lucinde en sort. Ils ont ensemble une scéne de tendresse, dans laquelle Lucinde lui apprend que son pere l'a promise en mariage à un étran ger, du même pays que celui à qui Pantalon a promis Flaminia. Lélio l'assure qu'il sçaura bien mettre obstacle à ce mariage; elle rentre chez elle, & son Amant se retire. Le Docteur & Pantalon viennent ensemble; le Docteur dit à son ami qu'il vient de recevoir une lettre qui lui apprend l'arrivée prochaine de leurs gendres prétendus, & que par conséquent ils peuvent arriver d'un moment à l'autre. Scaramouche qui ne cesse point de les observer, parle à l'oreille d'Arlequin, & s'éloigne avec lui; Arle quin déguisé en Laquais, revient un moment
|| [268]
après, annoncer à Pantalon l'approche du futur époux de Flaminia, & prie qu'on tienne la porte ouverte, pour recevoir sa malle & tout son équipage; il sort; le Docteur quitte Pantalon, pour aller s'informer si celui qui doit épouser sa fille n'est pas aussi airrivé, & Pantalon entre chez lui, pour donner ordre aux choses néces saires. Le Théatre change, & représente une chambre dans laquelle il y a un lit, une bougie allumée dans un flambeau sur une table, parce que la nuit est venue, un bureau, &c. On y voit Flaminia qui se plaint à Coraline du sort que son pere lui prépare; celle ci la console; Pantalon entre, & lui annonce l'arrivée de son prétendu; elle recommence ses plaintes; elles sont interrompues par l'arrivée de Nicolo, va let de la maison, qui dit que le Laquais du Gentilhomme à qui Flaminia promise, vient d'arriver avec la malle de son Maître; Flaminia sort de fort mauvaise humeur, & est suivie de Coraline. Arlequin travesti en Laquais, apporte une malle fort pesante, avec l'aide de Nicolo, qui a été au-devant de lui après l'avoir annoncé; Pantalon ordonne à son valet d'avoir soin que ce garçon ne manque de rien, & se retire; Nicolo veut emmener Arlequin souper; il s'en défend; Nicolo a beau le presser, & se plaindre de ce qu'il lui fait perdre à lui même l'occasion de faire bonne chere aux dépens du patron, Arlequin a trop d'envie de demeurer seul pour se rendre. Enfin Nicolo voyant qu'il ne peut rien gagner, lui déclare qu'ils vont cou cher ensemble, parce qu'il n'y a pas encore de chambre prête pour lui; autre embarras pour
|| [269]
Arlequin, qui signifie à Nicolo qu'il aime à coucher seul, & qu'il préfére l'incommodité de passer la nuit sur la malle qu'il vient d'apporter, à celle de coucher deux; Nicolo répond qu'il sçait trop bien vivre pour le laisser en cet état; Arlequin pour s'en débarrasser, lui confie qu'il a sujet de craindre de lui communiquer une incommodité dont il se ressent depuis quelques jours; enfin (tranchons le mot, puisqu'on le tranche au Théatre,) il a dit-il, un peu de G..... mais Nicolo répond que cela ne l'inquiéte point, parce qu'il en a beaucoup lui même; Arlequin imparienté, lui fait une autre confidence, sça voir qu'il est sujet à de mauvais rêves; qu'il s'imagine en dormant être poursuivi par ses ennemis, & qu'il ne veut coucher avec person ne, depuis qu'il lui est arrivé de poignarder le meilleur de ses amis, qui dormoit à côté de lui, en rêvant qu'il se défendoit d'un assassin. Cet inconvénient embarrasse encore moins Ni colo que le premier, parce qu'il est dit-il aussi fort sujet à rêver, & que dès qu'on remue à ses côtés, il prend son homme en rêvant, & le jette par la fenêtre. Cela n'encourage pas Ar lequin à partager le lit de Nicolo; il se fâche tout de bon contre lui, & ce valet craignant de déplaire à Pantalon, en désobligeant le do mestique de son gendre, & en poussant plus loin son incommode civilité, le laisse tranquille & se retire. Scaramouche sort aussi tôt de la malle où il étoit renfermé; Arlequin l'éclaire; ils s'approchent du bureau qu'ils veulent for cer; Scaramouche armé d'un ciseau & d'un marteau, veut faire sauter la serrure, mais au
|| [270]
premier coup de marteau, un chien couché dans un coin de la chambre, & qu'ils n'ont point apperçu, se leve & se met à aboyer; Scaramouche s'arrête; Arlequin flatte le chien pour le faire taire; Scaramouche donne un se cond coup de marteau; le chien redouble ses hurlements, tant qu'enfin Pantalon l'entend, & vient voir ce qui se passe dans la chambre; Scaramouche n'a que le temps de se renfermer dans la malle, & Arlequin de se fourer sous le lit, avec sa bougie toute allumée; il fait sem blant de dormir en cette situation; Pantalon regarde sous le lit, & le plaint de la fatigue énorme qui doir l'accabler, pour que le som meil l'ait surpris ainsi; il ôte la bougie de ses mains sans l'éveiller, la remet sur la table, & sort. Scaramouche quitte aussi tôt son asile; Arlequin recommence à l'éclairer, mais dès que le premier se sert de son marteau, le chien aboye de plus belle; les deux voleurs se déses pérent; Arlequin dit à Scaramouche qu'il faut se défaire de cet indiscret par un coup de mar teau, mais ils ne peuvent le joinde, & ne font que l'exciter à aboyer de plus en plus. Pantalon accourt; les voleurs regagnent leurs postes; Pantalon est surpris de la manie d'Arlequin de vouloir s'éclairer en dormant, car il n'a point abandonné sa bougie; il la lui retire encore des mains, la remet sur la table, & sort une seconde fois. Les voleurs en reviennent à leur entreprise, le chien à ses hurlements, &c. Ce jeu de Théatre des tentatives de Scaramouche & d'Arlequin, & de Pantalon attiré par les hurlements du chien, se répéte à volonté. Enfin
|| [271]
les voleurs sont pressés de si près par Pantalon, qu'Arlequin se précipite étourdiment dans la malle avec sa bougie allumée à la main, & ne laisse pour asile à Scaramouche que le dessous du lit. Panrtalon voyant le la lumiere à travers les fentes de la malle, croit que le feu y a pris; il l'examine, & est surpris de voir qu'elle n'est point fermée à clef, & encore plus, après l'avoir ouverte, de n'y trouver qu'Arlequin qui tient encore sa bougie toujours allumée; il commence à prendre du soupçon, & la lui ôtant de la main pour la derniere fois, il se met à faire des recherches dans la chambre, ne fut ce que pour examiner si ce valet n'a mis le feu nulle part; il regarde sous le lit, & ef frayé d'y voir un inconnu, il se met à crier aux Voleurs. Tous le Domestiques de la maison accourent à ses cris, à demi deshabillès, & ar més de différents ustencilles; mais ils ne peu vent dans leur surprise, prendre des mesures assez promptes pour empêcher les voleurs de se sauver; c'est la fin du troisiéme acte. ACTE IV. Le Théatre redevient comme au commencement du premier acte. Il fait jour. Mario frappe à la porte de Pantalon, & veut parler à Flaminia; Coraline ouvre, & lui ap prend que sa Maîtresse est malade de l'effroi qui lui ont causé les voleurs la nuit passée; on entend venir Pantalon, & Mario se retire; Pantalon paroit, ordonne à Coraline d'aller chercher le Médecin, & rentre chez lui; Cora
|| [272]
line va faire sa commission; Scaramouche & Arlequin sont à portée d'entendre l'ordre de Pantalon, projettent un nouveau travestisse ment pour le second des deux voleurs, & s'en vont. Le Docteur arrive, & dit dans un mono logue, qu'il vient d'apprendre que les affaires des parens du gendre qu'il a choisi, & de celui qu'a choisi Pantalon, ne sont pas en si bon ordre qu'on le lui avoit fait accroire, que ce dérangement est apparemment la cause de leur retardement, & qu'il vient en faire part à son ami. Coraline revient, & lui apprend qu'elle vient d'avertir un Médecin pour Flaminia, & ils entrent ensemble chez Pantalon. Le Théatre change, & représente une chambre à coucher. On y voit Flaminia assise dans l'équipage d'une personne indisposée, avec Pantalon, le Doc teur & Coraline, qui l'exhortent à prendre courage. On frappe à la porte; Coraline va voir ce qu'on demande, & revient annoncer {???d}e Médecin; on lui donne ordre de le faire entrer; elle introduit Arlequin habillé en Mé decin, & sort; pendant une scéne dans laquelle on voit Arlequin se tirer, de son mieux, du role dont il s'est chargé, Coraline revient fort ef frayée, & dit que Mario & Lélio sont attaqués par des voleurs; on court en tumulte à leur secours; la malade reste seule avec le Médecin, qui malgré ses cris emporte l'argenterie qui est dans la chambre, & se sauve avec son butin. Pantalon revient aux cris de Flamina, & lui dit de se consoler, & que ce n'est rien. Vous êtes donc arrivé à temps, répond elle? Sans doute, replique Pantalon. Flaminia le félicite
|| [273]
d'avoir ainsi arrêté le voleur qui emportoi son argenterie, & Pantalon est fort surpris de cet éclaircissement, d'autant qu'en disant que ce n'étoit rien, il entendoit parler du péril dans lequel on leur avoit annoncé que se trouvoient son fils & celui de son ami. Le Théatre change encore, & redevient somme au commence ment du premier acte. On voit ensemble le Docteur, Mario son fils, & Lélio. Le Docteur témoigne sa joie de les voir hors de danger. Pantalon survient; il apprend au Docteur ce qui est venu à sa connoissance sur l'amour de Mario pour sa fille, & de son fils pour Lucinde; il ajoute qu'après ce qu'il a sçu de lui même sur l'état du bien des gendres qu'ils attendoient, il croit qu'ils n'ont rien de mieux à faire que de referrer leur ancienne amitié par un double mariage, sans attendre davantage ceux à qui ils ont promis leurs filles. Le Docteur consent à tout; les deux peres frappent à leurs portes, & appellent Lucinde & Flaminia qui se por tent mieux. Elles sont charmées de cette nou velle; mais cet entretien est encore intercepté par Scaramouche & Arlequin, qui se préparent à leur faire de nouvelles piéces à cette occa sion. Le Théatre change, & représente le Jardin de la maison d'un Traiteur; on y voit entrer Mario, Flaminia, Lélio, Lucinde, Coraline, Pantalon & le Docteur, en bonne disposition de se réjouir; ils demandent le Traiteur; Scara mouche se présente sous cette figure, leur cer tifie qu'ils sont dans une maison où rien ne leur manquera, & où ils n'auront qu'à parler pour être servis, leur conseille de commencer
|| [274]
par se débarrasser de tout ce qui pourroit les incommoder, & sous ce prétexte, s'empare des épées, des cannes, des chapeaux, des éven tails, & autres nipes, tant d'hommes que de femmes, dont on a coutume de se défaire en se mettant à table; il disparoît avec tout cela, & est remplacé par Arlequin mis en petit-Maître, qui leur dit qu'ayant appris que d'honnêtes gens se réjouissoient dans ce jardin, il a cru qu'un homme de son mérite & de sa qualité ne leur déplairoit pas en venant prendre part à leurs plaisirs; ensuite il demande une prise de tabac, n'en trouve point de son goût, après avoir essayé de celui de tous ceux qui composent la compa gnie, mais trouve les tabatieres extrê mement belles, & s'en faisit pour les considérer de plus près; puis il leur propose de leur faire goûter d'un tabac admirable. En effet, il en présente à tous dans une tabatiere de bois, en finissant par Pantalon, qui le trouve bon par complaisance, & à qui il dit: ! bien, je vous fais présent du tabac & de la tabatiere; je viens de me rappeller une petite affaire qui ne me permet pas d'avoir plus longtemps le plaisir de demeurer avec vous. En même temps il se met en devoir de sortir; on l'arrête, & l'on lui fait observer qu'il est bien le maître de s'en aller, mais qu'il oublie un préalable nécessaire, & chacun lui parle de sa tabatiere; vous vous mocquez, répond Arleqin: j'ai dit à Monsieur que je lui en faisois présent, ajoûte-t il, en mon trant Pantalon; là-dessus il fait de nouveaux efforts pour s'échapper, mais se voyant ferré de trop près, & qu'on veut absolument qu'il
|| [275]
reprenne son présent, & rende toutes les taba tieres qu'il emporte, il se met en colere, & demande pour qui l'on le prend, & si un hom me comme lui a l'air d'un filou; en un mot il les brave, & veut se couper la gorge avec cha cun d'eux; ils courent tous à leurs épées & à leurs cannes, mais Scaramouche a eu trop d'at tention à prévenir le désordre, & n'a eu garde de leur laisser des armes offensives. Les domes tiques du Traiteur accourent à leurs cris, com me ceux de Pantalon sont accourus aux cris de leur Maître, à la fin du troisiéme acte; ils sont armés de la même maniere, mais aussi inutilement, puisqu'Arlequin a le temps de se sauver pendant ce tumulte, & le quatriéme acte finit. ACTE V. Le Théatre représente un Caffé. Tous les Acteurs qui étoient à se réjouir dans le jardin du Traiteur, sont rassemblés dans le Caffé; Scaramouche arrive déguisé en Mar chand de bijoux, & leur vole leurs montres, pendant qu'ils sont occupés à choisir & à mar chander; il sort; Arlequin lui succéde, déguisé en Marchand de billets de lotterie, & fait sa main de ce qui a pû échapper à l'exactitude de Scaramouche; ils ne s'apperçoivent qu'ils sont encore volés, qu'après le départ d'Arlequin; ils s'en prennent au Maître du Caffé & à ses garçons; nouveau désordre; on va chercher un Commissaire; Scaramouche arrive en robe, & Arlequin fait le personnage de son Clerc.
|| [276]
Pendant que le Commissaire est occupé à l'inter rogatoire, & occupe les intéressés, son Clerc s'amuse à décrocher la pendule; quelqu'un s'en apperçoit; le Clerc & le Commissaire se sau vent, & sont suivis de près. Le Théatre change, & représente un appartement de la maison de Pantalon. Le Docteur entre avec lui, ils disent que les voleurs sont encore échappés, & qu'on vient d'avertir la Justice qui en fait la re cherche; Mario & Lélio surviennent, & an noncent que ces coquins sont enfin pris; là- dessus on les amene, & on leur déclare qu'ils n'ont qu'à se préparer à ramer; ils demandent grace, mais ils ne voyent point d'apparence de l'obtenir. Tout d'un coup Arlequin se met à crier: au feu; on s'empresse avec effroi pour sçavoir de quoi il est question; les frippons fai sissont ce moment pour s'échapper; on les pour suit; le Théatre redevient comme au commen cement du premier acte; Arlequin & Scara mouche arrivent en courant, l'un par un côté, l'autre par un autre; ils se rencontrent, & se disent qu'ils ont mis en défaut leurs ennemis, mais qu'ils commencent à devenir trop célé bres pour pouvoir demeurer en sureté dans le pays, & que le meilleur parti qu'ils ayent à prendre, est celui de retourner à Bergame leur partie; ils s'en vont ensemble, & terminent ainsi le cinquiéme acte & la Comédie. Extrait Manuscrit.


XML: http://diglib.hab.de/edoc/ed000146/gandini_voleurs_org.xml
XSLT: http://diglib.hab.de/edoc/ed000146/tei-transcript.xsl