Text
Monsieur. En fin voyla ce Cavallier
1 heureusem
t. arrivé avec le Corbillon et la
monstre, ce qui a esté prins en tresbonne part, avec dev̈e gratitude et
applaudißem
t. singulier. Il n’eust pas esté besoing de ces compliments trop courtois,
et trop accomplis, dont vous en remercient infiniement les personnes interessées.
Quant a moy, j’eus part, non seulement a ceste joye, mais plus encores a l‘arrivée du
dit sieur de sa conversation, et particulierem
t. aussy par l’envoy du Commen- || [
542] taire
2 ,
qu’il m’apporta, n’ayant peu dormir, jusqu’a ce que je l’eusse achevé de lire
avidemment. Je peux bien dire avec verité que ce livre m’a vrayement renouvellé et
fait revivre, dans ma solitude, me remettant en memoire plusieurs choses paßées de
mon temps au Theatre du Monde, et en Compagnie d’un Achates
3 de belle estime, qui
seroyent peut estre sans cela, ensevelies en une perpetuelle oubliance. Ce
contentem
t. indicible pourtant, n’a quitté la Nature des satisfactions Humaines,
talonnées ordinairemt d’afflictions et de changemens, par de pertes si signalées et
inestimables, qui m’ont fait fondre en larmes, (contre ma coustüme) et chaudem
t.
deplorer la condition du siecle, avec la dissociation particuliere d’un sujet si
vertueux au de là de toute perfection humaine, voire qui meritoit d’estre chery et
honoré plus extraordinairem
t. de ses coetains et d’un chacun. Mais Dieu l’aymoit
trop, pour ne le laißer pas apres de si bonnes marques, et longues Preuves de sa
Constances et Fidelité, plus long temps encores, en ce bas Monde pervers et
tempestueux. Il meritoit la couronne celeste et glorieuse apres tant de souffrances,
et bons combats combattüs, laquelle nous ne luy devons, ni osons envier, mais
plustost nous preparer, a jmiter son exemple si rare et si fructueux. Je ne me
laßeray jamais, de lire et relire souvent ce beau livre. L’ornement d’un tel style,
la gravite et aggreable varieté des matieres, si connües la pluspart, a aulcuns de
nous autres, l’instructi- [327v] on p
r. l’avenir, les vertus incomparables de la
personne, dont est question, qui se trouvent comme en un monceau, ramaßées tout
ensemble la dedans m’en rendent la Lectüre si delicieuse et admirable, voire
profitable, que vous ne m’eußiéz sceu mieux obliger. J’appercoy bien außi, que
l’autheur du Commentaire
2, n’a pas manqué d’illustrer a bon droict, et a rehaußer
l’ancienne extraction, d’une si bonne mayson, et a instruire en cela mesmes, en
quelque façon, mon ignorance, laquelle pourtant devroit estre inexcusable en ce point
et j’ay presque honte moy mesme de confeßer, qu’une prattique si familiere, et si
frequente de tant d’années, n’ait resveillé davantage ma curiosité, a esplücher par
le menü la Genealogie d’un amy si intime et si confident. Mais le mal est, que nous
ne sommes d’ordinaire si curieux de scavoir, ce qui nous est present et proche,
croyans de temps à autre nous en informer aßéz a loysir, et ne pensants pas, que
l’absence regrettable, de ce que nous prisons et cherißons tant, nous peut facilement
surprendre, par quelque mortalité inopinée, ou autres accidents funestes, auxquels la
vie humaine est tousjours sujette. Ce n’est pas a dire, que je n’aye trouvé encores
d’autres choses, en ce livre, que je ne scavois pas auparavant, (car je n’ay jamais
veu, que bien peu de ses pappiers et memoires secrettes, hormis quelque Itineraire
d’Italie) ayant succé du Nectar et de l’Ambrosiè des particularitez de ses copieuses
Ambassades, fort delicieusement, n’en ayant auparavant, qu’une notice bien generale,
par ses Discours. C’est ce que j’avois a vous dire, sur ce sujet, vous remerciant
encores Mons
r. de ce doux entretien que m’avéz procuré, e derechef excité en moy, par
une ressouvenance si aggreable, de laquelle il est presque impoßible, que n’ayez fort
tendrement, bonne part, comme son coetain et compagnon d‘une mesme service, voire plustost d’une souveraine [328r] Vertu,
d’un mesme bon naturel, d’une mesme affection, encores que sur la fin, es dernieres
années plus
rs interests se soyent changez, suivant les resolutions coustumieres du
Monde, non ja pourtant l’amitié des ames nobles et genereuses. Mais || [
543] mon deßeing
n’estant pas icy de faire des Panegyriques aux Vivants, qui avant le trespas de ceux
qui meurent louablem
t. et en bons Chrestiens, ne se doyvent anticiper, afin d’eviter
toute sorte de blasme, sur tout, la flatterie, j’abbregeray par consequent, pour vous
dire, que je suis sans ceße, et sans fin
Mons
r. Le Vostre Tresaffec
né a vous fr[ère] se[rviteur]
PS. Mons
r. et Madame Desloges,
4 trouveront icy nos Tresaffect. recommendations. Ma
femme et moy, honorons fort leur bonne souvenance qui nous a esté (en son distinct
ésgard) renouvelée, par le Porteur du livre, dont s’agit. J’useray, selon vostre
prudent avis, de la circomspection, a l’avenir touchant l’addreßes.
Ce 28. Juillet. 1640.