Le Livre d'Enigmes de Jacques de Fonteny. Manuscrit d'une série de sonnets para-emblématiques illustrés du début du XVIIe siècle — Introduction

[Table des matières]

Remarques préliminaires - le manuscrit

Parcourir l'index des sujets d'un catalogue de bibliothèque peut provoquer quelques surprises : une recherche de ce type autour des lexèmes hiéroglyphes, emblèmes, ou cryptographie à la Herzog August Bibliothek de Wolfenbüttel a permis à Gerhard F. Strasser de débusquer un ouvrage intéressant. Parmi les ajouts les plus récents à un ensemble de manuscrits appelé “Extravagantes” (nomen est omen)1, il découvrit un recueil, unique en son genre, de poèmes illustrés datant selon l'auteur du catalogue de Wolfenbüttel de la « fin du xvie/début du xviie siècle » intitulé Livre d'Enigmes Par Jacques de Fonteny.

Le manuscrit, sans doute écrit autour de 1600, rassemble quarante-cinq feuillets de taille épistolaire dont quarante-quatre sont ornés d'une petite gravure carrée imprimée sur la moitié supérieure2. Un spécialiste de Wolfenbüttel a indiqué que le fascicule pouvait provenir du « nord de la France, fin du xvie / début du xviie siècles », ce qui viendrait corroborer la datation du catalogue. Malheureusement, ce qui est peut-être une marque d’imprimeur au fo 4 ro a jusqu’ici défié toute tentative d’identification. Le filigrane, peut-être un agneau (pascal) couronné, ne figure pas non plus dans les livres de référence. Seules vingt-six des quarante-quatre pages illustrées sont accompagnées de sonnets en français, écrits, sur presque toutes les pages, d’une très belle écriture parfois corrigée de la même main, parfois d’une autre, celle de l’auteur peut-être. Sur le fo 1 vo se trouve un texte presque illisible de vingt-six lignes, essai de quatrains, écrit de la même main que les corrections apportées aux sonnets ; à côté du texte se trouve un monogramme où l’éditeur du catalogue de Wolfenbüttel a déchiffré les initiales « J D F ». Le fait que seuls vingt-six sonnets, apparemment écrits d’une écriture italienne en vogue dans la France du XVIe siècle, accompagnent les quarante-quatre gravures – laissant dix-huit images sans texte – ne vient pas nécessairement invalider l’hypothèse selon laquelle l’écriture en général excellente indiquerait qu’il s’agit d’un exemplaire peut-être préparé pour un imprimeur, mais incomplet, auquel l’auteur lui-même aurait fait des corrections et envisagé d’ajouter d'autres sonnets.

L’identification de l'auteur de ce recueil avec le Jacques de Fonteny mentionné sur la couverture – sans doute de la main du copiste professionnel – et par le monogramme à trois lettres est encore corroborée par la publication en 1618 de l’un des vingt-six sonnets, appelé Cloches (fo 6 ro) dans l’index du manuscrit, dans un recueil intitulé Le Cabinet satyrique ou recueil des vers piquans et gaillards de ce temps3 Cette publication ne donne pas de signature au sonnet. Mais ce sonnet, L’Ænigme de la Cloche, a été vu par Pierre de L’Estoile, ami de Fonteny, qui l’a reçu le 20 février 1607 en cadeau de l'auteur, ce qui apporte une preuve de plus qu’il pourrait bien être l’auteur du manuscrit. Le fait que ce sonnet ait été inclus dans un recueil mettant en avant des vers satyriques mais aussi émoustillants et parfaitement obscènes, avant d’être écarté un an plus tard d'une deuxième édition complétée, peut-être parce qu'il a été considéré comme trop chargé d’(homo)sexualité, ou peut-être parce qu’il n'était pas assez obscène au contraire, doit nous alerter sur les sous-entendus d’au moins la moitié des sonnets du Livre d'Énigmes de Fonteny. Autre indice qu’il pourrait en être l'auteur : la publication d’un recueil4 de poèmes en 1589 « par I. de Fonteny. P. » intitulé L’Ænigme du Songe, montrant qu’il s'intéressait alors déjà aux énigmes poétiques.

L’Énigme comme genre littéraire au xviie siècle

Ce bref rappel de la production littéraire de Fonteny a permis de mettre l’accent sur certaines caractéristiques du manuscrit de Wolfenbüttel que l’on retrouve dans son œuvre. Mais un élément en particulier mérite d’être examiné plus en détail : le genre même de l’énigme littéraire, que Fonteny avait déjà intégré au Beau Pasteur, et auquel il est fait référence dans le titre du manuscrit. Ce genre à la définition floue, si l’on peut dire, appartient à un type d'écriture littéraire affectionné, l’écriture cryptée, qu’on pense aux fables, aux paraboles, aux énigmes, aux romans à clefs, ou à l’allégorie en général : tout texte ou formule qui désigne un sens second, comme les métaphores, qu’il appartient au diligent lecteur de reconnaître et de traduire. Non moins généralement théorisée ou mise en perspective par les intellectuels lettrés, elle a quant à elle un usage extensible, ludique ou philosophique, populaire ou élitiste.

L’énigme — l’un des genres les plus anciens et les plus universels — fait partie de la culture populaire comme de la culture savante, si cette distinction peut avoir un sens, depuis l’antiquité5 et les auteurs du xvie siècle avaient connaissance d’un corpus d’exemples allant de l’énigme du Sphinx, celle que les pêcheurs posent à Homère au sujet de leurs puces ou l’énigme comme jeu d’enfant dont parle Platon, pour n’en citer que quelques-uns6. Ils connaissent également le Livre des Proverbes (1:5-6) qui explique comment comprendre une parabole et son interprétation, les propos des sages et leurs mystérieuses sentences (ou énigmes) ; ils n’ignorent pas non plus celle qui est rapportée dans les Juges, où Samson (faisant allusion à des abeilles s'échappant de la carcasse d'un lion) pose aux Philistins l'énigme suivante : « De celui qui mange est issu ce qui se mange, et du fort est issu le doux » (14:14)7.

Jeu de symboles et jeu linguistique : dans ce contexte il est important de souligner que toute langue permet à un utilisateur avisé d'exprimer quelque chose qui est objectivement faux mais semble juste, ou à l’inverse une chose vraie dans un énoncé qui ne l’est pas, et de dominer ainsi son interlocuteur soumis à un test de compréhension, ou — pour résumer en une ligne le propos général de François Flahault dans « Proposition générale» : « celui qui manie un artifice de parole atteste toujours d’au moins une vérité, à savoir qu’il est capable de le manier et d’y soumettre celui qui n’en trouve pas la vérité »8. Ce que Tzvetan Todorov dit de la devinette, rapporté à l’énigme, cadre avec les vues de Flahault9 et avec l’analyse que fait Jolles des “Rätsel10. Il est important de conserver ces prémisses à l’esprit dans le cadre d’une analyse de la littérature énigmatique en France jusqu’au Livre d’Enigmes de Fonteny.

L’humanisme affectionne le grave jeu des écritures symboliques codées11. La Renaissance hérite donc des symboles mystiques comme des jeux de société transmis par l’antiquité, les publie, les adapte et les traduit, avant d’en enrichir la collection par des textes français12. L’un des recueils de poèmes énigmatiques latins les plus importants de l’antiquité tardive est la première édition, en 1533, de cent poèmes de Symphosius ; ils font l'objet de nombreuses réimpressions à plusieurs reprises tout au long du siècle13. Au début du xviie siècle, le riche corpus de littérature humaniste néo-latine fournit des pièces nouvelles et facilement assimilables au genre, en particulier l'Ænigmatographia de Nicolas Reusner14. Cette compilation en deux parties rassemble tout le corpus – moderne et antique – sur l’énigme et rend immédiatement accessible de nombreuses sources15. En français, une série d’énigmes est publiée dès 1557 dans les Odes, énigmes et épigrammes de Charles Fontaine16, suivie en 1568 par un recueil anonyme de Questions énigmatiques17 attribué à Du Verdier et en 1582 par les Cinquante énigmes françoises d’Alexandre Sylvain18. Même les récits en prose n’hésitent pas à inclure des énigmes dans des récits, qui sont souvent eux-mêmes codés19. Bon nombre de ces recueils reprennent des matériaux plus anciens et traditionnels s’inspirant des veillées paysannes ou bourgeoises, c’est-à-dire de l’énigme comme jeu de société obéissant à des rituels très peu savants et délibérément distrayants. Si tradition savante il y a alors, il s'agit des Deipnosophistes d'Athénée, entre deux vins. Les énigmes publiées dans ce contexte n’hésitent pas à présenter avec verdeur des contenus obscènes.

Un livre en particulier marque une inflexion : il montre comment l’énigme est un jeu des question/réponse, en même temps qu’un jeu poétique, si celui qui pose l’énigme veut bien faire un effort de composition, en sonnets par exemple (avant et après l'énigme en sonnet, les formes versifiées sont ad libitum,courtes ou longues). Il influence les premiers poèmes de Fonteny dans ce genre. Il s'agit des Piacevole Notte20 de Giovanni Francesco Straparola (1480-1557). Le livre est réimprimé à plusieurs reprises et traduit en français par Jean Louveau (Première partie, 1560) puis par Pierre de Larivey (seconde partie, 1573) (nous lui donnons pour abrégé dorénavant St), puis réunis à Paris, chez L’Angelier, 1585, sous le titre : Les facecieuses Nuits […] avec des Fables et Enigmes. Selon la tradition narrative italienne, un groupe de gens cultivés se raconte à tour de rôle des aventures diverses ; chaque narrateur termine par une énigme et sa solution, car le groupe ne la trouve pas toujours. Ce texte culturel est plus noble que les débats des Escraignes dijonnaises d'Etienne Tabourot21 (par ailleurs grand amateur d'équivoques et formes ingénieuses), mais il est fondé sur le même système. Les sonnets de Larivey passent (sans nom d’auteur ni de traducteur) dans les recueils ultérieurs, Sylvain ou Colletet en 1659 par exemple.

Au début du xviie siècle, l’intérêt pour les énigmes devint plus grand encore, renforcé sans doute par l’influence des modèles italiens. Les recueils deviennent moins populaires et sont accompagnés par un discours savant qui surestime leur importance esthétique et intellectuelle au détriment de la plus évidente fonction ludique. Le recueil le plus important est publié par l’abbé Charles Cotin, qui doit sa réputation à ce recueil et aux moqueries de Molière : ses Énigmes de ce temps22, qui devient rapidement la plus connue des anthologies de textes énigmatiques, sont accompagnées d’un « Discours sur les Énigmes ». L’anthologie de Cotin est suivie, une vingtaine d’années plus tard, par le non moins ambitieux Nouveau Recueil des plus beaux Enigmes de ce temps de François Colletet23. Comme on pouvait s’y attendre, les Énigmes devinrent à la mode surtout dans les salons littéraires, même si les Jésuites reconnurent très tôt qu’elles pouvaient servir à des fins éducatives et utilisèrent des énigmes aussi bien verbales que visuelles, qu’ils faisaient remonter aux hiéroglyphes, et par association, au genre nouvellement créé de l’emblème24. Même si les énigmes sont parfois en prose, la forme versifiée — en général le sonnet — est plus courante. L’abbé Charles Cotin en fait remonter la tradition à l’antiquité grecque et romaine, citant Hérodote, Flavius Josèphe, Plutarque et même la Bible25. Dans deux introductions programmatiques, il discourt sur les sujets propres à l’énigme, excluant la vulgarité et les références religieuses, ces dernières étant déjà suffisamment obscures en elles-mêmes et peu adaptées à un public de salon. Dans la droite ligne de la Poétique d'Aristote, il souligne que l’énigme plaît tout en exerçant à la fois visuellement et verbalement l'esprit ; c’est la « clarté différée », selon la formule de Nicholas Cronk, qui « aide à rendre compte du plaisir (passager) qu’éprouve le lecteur »26. La notion de clarté différée est le subterfuge dont se sert Cotin pour défendre l’énigme à une époque où l’obscurité poétique est toujours plus condamnée à mesure que le dogme de la clarté de la langue s’impose. Comme le dit Pierre de Deimier, un contemporain de Malherbe, dans son traité poétique de 1610 : « L'obscurité est un des plus grands vices qui se treuvent en la Poësie »27. Sauf s’il s'agit d’une obscurité volontaire, un appel à l’intelligence du lecteur. Dans le cadre du corpus renaissant connu de Fonteny — et donc non encore systématiquement référé à des sens profonds — trois faits nous semblent alors à souligner pour éclairer le Livre d’Enigmes de Fonteny.

Comment un sonnet du Livre d'énigmes invite-t-il le lecteur à trouver le fin mot ?

Revenant au manuscrit de Wolfenbüttel après ce bref survol du genre de l'énigme en France, on pourrait penser, au vu du titre du recueil, que les vingt-six sonnets qui accompagnent les petites gravures contiennent tous une énigme. Ce n’est pourtant pas systématiquement le cas, ou du moins la difficulté est de divers ordres. Car, d’une part, il n’y a pas de titre à l’image ou au poème — le découvrir est l’enjeu de l'énigme, et d’autre part, le sonnet est associé à une image et l’observation de l’image peut fournir le thème.

Nous reviendrons sur cet ensemble constitué texte + image, mais nous noterons d’abord que, pour certaines images, la réponse à l’énigme est évidente (bague, chaine, limaçon, en gros plan) et que dans d’autres, elle est plus équivoque. Toute la question est la dénomination de ce que nous voyons : comment nommer Canne ce que nous dirions tout de suite Roseau, ou Tisserand ce que la Table désigne comme Passementier ? Au pire l’image peut susciter des ambiguïtés qui tiennent par exemple à des para-synonymes, à des mots de la même famille : comment choisir entre eau, courant, ruisseau ou rivière, ou bague et anneau ? Et comment éviter des erreurs de lecture de l'image : est-ce le roseau sur la rive ou l'eau qui coule qui est important ? En regardant une gravure paysagère, on peut parfois hésiter dans la mesure où l’attention peut porter sur plusieurs éléments de la gravure, et se disperser.

Le cahier de Fonteny a donc d’abord comme originalité de comporter la solution dans l’image imprimée. L’image n’est pas, comme dans les Emblèmes, un complément du sens ou une partie de la signification globale : elle donne le thème. Bizarres énigmes qui donnent la solution avant que l’énigme ne soit écrite. Au point qu’on en viendrait à imaginer qu'il s’agit d'un jeu de société, d’un système d’émulation, d’une sorte de cahier de vacances à compléter. Fonteny donne une image et donc un thème, et c’est au lecteur de construire le problème qui embrouille ce qui est clair. On peut ainsi imaginer que l’auteur donne la même image à plusieurs personnes comme jeu de société, et que le jeu est de comparer les résultats. La compagnie peut ensuite les lire en public, si bien qu’alors le texte (sans l'image) devient une énigme pour l'auditeur, énigme qu’on pourra peut-être, ensuite, imprimer. Mais, dans le manuscrit, la coprésence de l'image et du texte n’est qu’une redondance, le moment où le jeu d’esprit n’est pas possible, si bien qu’on peut, puisqu’il s’agit ici d’un manuscrit, faire l’hypothèse qu’il s’agit ici simple d’un brouillon préparatoire.

On notera cependant que le poème fait appel à l'activité du lecteur pour trouver un jeu linguistique et que ce poème est alors dans un nouveau rapport avec l'image ou avec le lecteur ; il ne peut plus être simplement descriptif de l'image qui ne sert pas au jeu linguistique : on pourrait dire qu’alors il est vraiment une énigme. Si Fonteny inclut en effet des énigmes dans un certain nombre de poèmes sans toujours les présenter comme telles, seuls un ou deux sonnets (fo 10 ro, 16 ro) invitent explicitement le lecteur à trouver une solution par l’onomastique : ce que l’antiquité et l’humanisme appellent un logogryphe. Trouvez le mot caché41.

Par exemple le sonnet 15 qui prend la forme d’une énigme en deux parties42, placée sous une illustration où l’on peut voir un arbre nu dans un triste paysage d'hiver sur lequel tombe la neige — le poème est à juste titre intitulé Neige dans l'index de la dernière page.

L’æsté je cours par tout, ores dans une pree
Ores au bord d’une isle où la jeunesse vient
Se bagner avec moy, mais quand l’hiver revient
Je ne cours ains je vole en diverse contree
Je viens du Ciel ça bas tout de blanc acoustree
Avec aultant de corps que le nombre on n’en tient.
Ma mere de ma perte en grandeur s’entretient,
Aussi ne suis-je pas de trop longue duree

Le dessin suggère un paysage… de pluie. Les deux quatrains orientent, comme le dessin, à penser “eau” qui court (été, baigner, courir) et tourne en neige (hiver, voler, blanc). Pour réduire le champ au bon terme, le jeu se fait linguistique :

Au nom Latin que j’ay si on adjouste encor
Trois lettres seulement qui forment le nom cor
Je seray un oiseau de couleur dissemblable
A la blancheur d'un Cigne, et dedans le mesme air
Ou je soulois couler on me verra voler,
De ma forme premiere en rien n'estant semblable.

Le lecteur doit d’abord ajouter trois lettres seulement au mot latin recherché, nix, qui désigne la neige en grande quantité (il en reste un mot d'ancien français, nyver, « grande quantité de neige tombée à la fois »43). La deuxième partie de l’énigme demande au lecteur d’y fixer les trois lettres qui forment la racine du mot, ce qui donne le nom d’un oiseau de « couleur dissemblable / A la blancheur d'un cigne », soit noir, donc, comme le suggère le texte : cor + nix = cornix, la corneille, noire. Le passage par le latin, comme ailleurs les références aux Métamophoses d'Ovide, sans être trop compliquées, suggèrent néanmoins un public ayant quelques connaissances élémentaires. Et l’on citera, pour mémoire, un autre exemple du même type : l’équivoque entre chaîne et chesne, les cailloux, dont le nom s’obtient par un nom d’oiseau, caille + ou.

Quand on constate qu’il n’y a qu’une ou deux réelles énigmes verbales dans tout le recueil, et qu’il n’y a pas, loin de là, d’énigme verbale intégrée à chacun des autres sonnets de la série, on peut se demander s’il faut en conclure que le titre général du manuscrit lui a été attribué à tort ou pour profiter de l’engouement suscité par la nouveauté de ce genre : en fait si l’appel à l’inventivité du lecteur n’est pas régulier, on attend qu’en familier de ce jeu qui commence à l’enfance, il déchiffre des descriptions auxquelles manque le thème, ou dont le thème n’est présent qu’en métaphores. Selon Ménestrier, tout repose sur les équivoques, « un mélange de ressemblance et de contrariété, d'équivoques et de convenances, de répugnances et de rapports, qui fait l’esprit et la finesse des Énigmes » et les équivoques sont « des termes et des images qui conviennent réellement à tout autre chose qu’à celle que l’on se propose pour sujet de l’énigme »44. Plus simplement : comment transformer des objets ordinaires en merveilles compliquées ? Et pour l’auditeur, comment dépister sous les merveilles des formes et des usages ordinaires ?

Enfin dans le livret actuellement constitué, il y a une table des réponses. Ce dispositif se retrouve dans d’autres recueils imprimés : jamais le lecteur ne lit un tel recueil de la page 1 à la fin, comme un roman, mais il doit commencer par la Table s’il cherche un jeu, par un aller-retour du poème à la Table, s’il échoue à la lecture. L’index alphabétique fourni à la fin du manuscrit (fo 45 ro) apporte deux éléments de réponse : sa fonction première est bien sûr d’identifier plus précisément le sujet de chacune des quarante-quatre gravures, même si l’image, le sonnet et le titre ne correspondent pas toujours aussi clairement et immédiatement que dans Neige, l’exemple analysé plus haut. La première page manuscrite (fo 2 ro) présente par exemple un marchand faisant ses comptes et écrivant sur une tablette, mais au lieu de lui donner le nom du Marchant mentionné à la première ligne du sonnet, l’index se concentre sur un détail de l’image et l’intitule Tablettes. Ce n’est pas le seul exemple dans lequel l’index fonctionne en fait plus comme réponse à l’énigme verbale ou visuelle qu’on n'aurait pu le penser au premier abord. Mais indépendamment de cette première raison d’être, l’index trouve une autre justification plus directement liée au sujet de cette étude. Si le simple arrangement bipartite de chacune des pages, mettant en présence une gravure et un sonnet, peut en lui-même être considéré comme para-emblématique, faire intervenir l’index dans la réflexion rapproche plus encore le recueil du domaine emblématique, à proprement parler.

Une poétique du recueil ?

La forme des sonnets

Les sonnets de Fonteny suivent un des schémas de rimes habituels. La disposition en deux parties, deux quatrains / deux tercets, soulignée par une volta, ou forte césure à la fin du deuxième quatrain, est en usage en poésie française tout au long du xvie siècle, avec les rimes du sizain disposées soit en ccd eed (Marot), ou ccd ede (Peletier) alors que Pétrarque mêle les trois rimes dans les deux tercets (ced cde / cdc ede). Dans le Livre d’Énigmes, Fonteny pratique un type de sonnet qui, en plus de réarranger les six dernières lignes en un quatrain et un distique (ce que fait également Shakespeare à la même époque), place le distique au centre du poème pour arriver au schéma de rime suivant : abba abba cc dede (ou deed). Schéma rimique fréquent chez les poètes français du seizième siècle45, mais qui est en fin de siècle une forme d’archaïsme quand on le pratique exclusivement : c’est le schéma des sonnets de Marot et de Louise Labbé, alors que les autres auteurs mélangent les deux schémas.

À n’en pas douter, le passage habituel d'un huitain à deux rimes à un sizain qui en comprend trois en seulement six lignes introduit un changement de tempo dans le poème et accélère le rythme du sonnet dans sa deuxième partie plus courte. Placer le distique juste après le huitain renforce cette articulation, en particulier quand Fonteny en profite pour introduire un thème inattendu après la lecture du premier huitain, comme dans le sonnet 9. L’insertion d'un distique après les deux quatrains crée également une deuxième volta ou articulation au début du troisième quatrain, ce qui ne se remarque pas dans tous les sonnets de Fonteny. Enfin, le mètre employé par Fonteny est l’alexandrin, marqué par la césure après la sixième syllabe ; il y a peu de variations.

Le Livre d’Énigmes de Fonteny : une suite de sonnets ?

Le choix de n’inclure que des sonnets au lieu de chercher la diversité différencie ce recueil des recueils contemporains. Ainsi, ce recueil de vingt-six sonnets de Fonteny peut incontestablement être considéré comme une séquence, en particulier quand on prend en considération le premier ensemble cohérent de vingt-trois sonnets avant que ne commencent à apparaître les pages sans poèmes. Sur un total de quarante-trois gravures (sans compter le blason de la première page), vingt-six sont accompagnées d'un sonnet, les seize autres feuillets ne comportant que des illustrations. Le Livre d’Énigmes peut être considéré dans son ensemble comme une séquence thématique, unifiée par la présence dans une majorité de poèmes de références énigmatiques46.

Le texte et l’image : des énigmes para-emblématiques

L’association d’un poème et d’une image relève d’un genre qui s’épanouit à la Renaissance, l’emblème. En effet les livres d’énigmes antérieurs ne sont pas illustrés, et les descriptions et autres jeux de mots se déploient uniquement dans le discours. Faire intervenir l’image modifie le jeu et laisse à penser que le livret est destiné à la lecture individuelle et non aux conversations.

L’emblème sous sa forme canonique est composé de trois éléments : une image et un poème unifiés par un Motto, un titre ou une devise, sorte d'énigme à trois termes, dont aucun n'est une désignation absolument directe. L’initiateur du genre est Alciat dont les Emblèmes connaissent un succès foudroyant, des traducteurs et des imitateurs en nombre. Nés dans la floraison créative des imprimeurs lyonnais du premier tiers du xvie s, dont l’image (de plus en plus belle, du bois gravé à la gravure sur métal) et le produit novateur, les emblèmes relèvent eux aussi de l'écriture cryptée-métaphorique – et du produit de luxe47.

Au début des années 1600, les théoriciens commencèrent à insister sur la proximité entre énigme et emblème (sans parler des hiéroglyphes), une relation qui deviendra plus évidente encore d’après le compte-rendu fait à la fin du siècle par Claude-François Ménestrier dans son ouvrage de 1694, La Philosophie des images énigmatiques, où il est traité des énigmes, hiéroglyphiques, oracles, prophéties [...]48. L’énigme, tout comme l’emblème, comme l’affirmaient déjà les théoriciens des premiers néoplatoniciens, est la manifestation d’une expression voilée, ils ne font pas référence à un objet directement mais par le biais de la métaphore49. Si Cotin est le seul théoricien de l’énigme à citer Platon pour étayer ses dires, Ménestrier, après lui, fait référence plus spécifiquement à St Augustin, dont l’œuvre majeure était, au xviie siècle, accessible depuis peu en traduction française50. Même si la mise en page du manuscrit de Fonteny ne suit pas l’agencement tripartite de l’emblème, l’adjonction en index de vingt-six « solutions » pertinentes – qui, comme on a essayé de le montrer plus haut, ont souvent un lien un peu oblique avec la gravure et le sonnet – complète encore le dispositif para-emblématique de ce manuscrit. Enfin, la similitude avec le matériau emblématique est plus évident encore lorsqu’on se penche sur les illustrations qui sont pour le moins proches des images emblématiques — comme la troisième, un garçon secouant un noyer noir pour en faire tomber les fruits (fo 3 ro, Noix), le porc-épic (fo 14 ro, Erisson) ou l’aubergiste et son tonneau de vin (fo 18 ro, Tavernier) —, ou caractérisées par l’hypertrophie de l’objet à trouver.

En 1600, la rencontre récurrente sur une page de l’image et du texte était sans doute considérée comme para-emblématique, et même emblématique tout court si l’on se souvient que certains recueils d'emblèmes ne comportent aucun titre. Toutefois, il y a de grandes différences entre, par exemple, la version originale de 1540 du Theatre des bons engins de Guillaume de la Perrière et celle, plus tardive, de la Morosophie en 155351. Même si Fonteny a peut-être été influencé par des modèles similaires, bien établis à l’époque où il écrit ses sonnets, les présupposés didactiques et moraux sous-jacents de la plus grande partie de la littérature emblématique du XVIe siècle sont complètement absents de ses sonnets52.

L’originalité du recueil de sonnets de Fonteny est de faire participer l’image à la résolution de certaines des énigmes. Contrairement aux emblèmes contemporains, l’image associée à chaque sonnet ne complète pas le sens ou une partie de la signification générale — elle donne le plus souvent le thème. Dans certains cas, cela peut aller jusqu’à donner la solution de l’énigme dans l’image, c'est-à-dire avant même que le texte ne soit écrit — ce qui a pour conséquence qu’il peut y avoir plusieurs manières d’insérer l’image dans un dispositif textuel, plusieurs manières de poser l’énigme. Et surtout l’emblème devrait être dynamique : il n’a pas pour objectif de désigner un référent, objet, mais une valeur morale à travers l’objet allégorisé. Or Fonteny ne parle de valeur morale allégorisable que pour … la tortue, « miroir de charité ». Une énigme s’arrête à sa solution, l’emblème ouvre sur la spéculation philosophique. L’ostension de l’objet est donc bien la finalité des compositions de Fonteny. Mais même avec ce but limité, excluant la symbolique, les procédés de présentation ont en commun avec les gravures emblématiques une méthode de cadrage qui mettant l’objet au centre, l’agrandit. Le réalisme intègre l’objet dans le paysage, même en gros plan, avec une taille proportionnelle réclamée par la perspective : c’est le cas des énigmes où l’objet à trouver fait partie du paysage, eau, roseau ; par contre des gravures irréalistes jouent de l’hypertrophie des objets représentés (voir Clou, Rat). C’est comme un caractère typique de la gravure d’emblème ou de la première édition des Hieroglyphica d'Horapollo53, qui centrent dans un paysage convenu un objet majeur, énorme, parfois flottant et détaché de ses usages.

Fonteny a donc peut-être tâché de trouver pour ses sonnets un thème central qui l’aura amené, dans l’exécution, à rencontrer des livres d’emblèmes plus anciens. L'analyse préliminaire a montré que la disposition binaire de chaque page manuscrite peut être considérée en relation avec l’entrée correspondante dans l’index, ce qui, d’un simple point de vue formel, rapproche ce recueil du domaine de l’emblème à proprement parler. Et pourtant on reste en deça des ambitions de l’allégorisation ou de la spiritualisation auxquelles peut prétendre l’emblème.

Les gravures

Même s’il n’a pas été possible d’identifier le graveur, et même si un certain nombre de ces images a sans doute une source emblématique, il reste à comprendre pourquoi certaines des illustrations les mieux réalisées, dont les thèmes sont très proches des thèmes emblématiques, comme celui du miroir (fo 31), du bateau (fo 36), de la rose (fo 41) ou même du soufflet de forge (fo 39) n’ont pas fait l’objet d'un sonnet. Nous ne saurons jamais pourquoi Fonteny n’est pas arrivé au bout de la séquence, surtout que les gravures mentionnées à l'instant auraient dû inviter à l’écriture d'un sonnet les accompagnant. La période d’écriture du manuscrit — autour de 1600 ? après 1607 où il offre le sonnet de la cloche à son ami L'Estoile, avant la mort en 1614 de François de Villemontée dont il a célébré le mariage avec Jeanne de Verdun ? — ne voit-elle pas Fonteny au sommet de sa productivité ?

Ainsi, les quarante-quatre gravures ont jusqu’ici défié tous les efforts fait pour les identifier toutes, même si l’on trouve au fo 4 ro un monogramme décoratif, ce qui pourrait bien être la marque ou le sceau du graveur : peut-être un Y sur un A, une ellipse entourant les deux majuscules. Néanmoins, cette marque n'a été trouvée dans aucun catalogue54. Jean-Marc Chatelain, Conservateur des livres rares à la Bibliothèque Nationale (Tolbiac), propose une autre interprétation. Il lit dans cette marque "un Phi et un Y entrelacés", ce qui ne lui permet pas non plus de retrouver le nom du graveur. Il pense pour cette raison que la marque pourrait être en fait une représentation agrandie d'initiales gravées sur les deux bagues armoriées : un examen attentif permet de discerner des formes, proches de bâtons, mais non des lettres entrelacées. Il est concevable que cette gravure ait été à l’origine préparée pour un contexte différent, où les initiales aurait été accompagnées d’un poème expliquant leur signification.

Quoi qu’il en soit, les gravures sont d’une manière générale d'assez mauvaise qualité, ce qui explique peut-être l’absence de toute référence dans les catalogues à ce qui peut être considéré au fo 4 ro comme la marque de l'artiste. Fonteny a bien sûr pu avoir accès à ces gravures de deux manières différentes : soit il les a commandées pour un projet de livre précis, soit un éditeur possédant un fonds d’illustrations a voulu trouver un auteur pour ajouter des textes aux gravures. La deuxième possibilité semble la plus plausible ; le Livre d’Énigmes de Fonteny est loin d'être une publication courante à l’époque, ce type de livre étant rarement illustré, y compris dans le XVIIe siècle tardif. Le processus de fabrication n’est donc pas assuré ; on peut le raconter de deux façons : Fonteny veut faire un livre d’énigmes et commande les gravures / un éditeur dispose de gravures et a trouvé un écrivain pour mettre les textes sur les gravures. La deuxième hypothèse est préférable également parce qu’il est difficile d’imaginer que ces illustrations forment une séquence cohérente, et il est tout à l’honneur de Fonteny d’avoir réussi à unifier les sonnets accompagnant sa sélection d’images à l’aide de la forme générale de l’énigme.

On notera encore qu’il y a, dans ce recueil, certaines références picturales à des illustrations d’emblèmes du xvie siècle, comme nous l’avons signalé plus haut, ainsi que des références textuelles à des représentations emblématiques comme le cas de Deucalion et Pyrrha qui repeuplent la terre d'hommes (fo 10 ro, Caillou) — mais aucune des diverses illustrations emblématiques n’est réellement nécessaire à l’interprétation du texte, puisque Fonteny fait explicitement référence à Ovide dans le sonnet. Certaines des gravures sans sonnet sont également en parenté avec des emblèmes, par exemple l’image du miroir (fo 31 ro, Miroir), du taureau furieux (fo 44 ro, Taureau) ou du vaisseau aux voiles déployées (fo 36 ro, Navire), tandis que d’autres, comme l’image de la mule en train de trotter (fo 42 ro, Mule) ou de la meule sur un chariot (fo 33 ro, Moule), sont plus éloignées de l’imagerie emblématique typique de la période précédente.

Le fait qu’il y ait un premier bloc de sonnets (1-23, fo 2 ro- 24 ro) avant la première gravure sans texte (fo 25 ro), puis un sonnet (fol. 26 ro) suivi par trois illustrations “nues” (fo 27 ro- 29 ro) avant une autre gravure commentée (fo 30 ro), quatre illustrations “nues”(fo 31 ro- 34 ro) et le dernier sonnet (fo 35 ro) suivi des neuf dernières illustrations “nues” (fo 36 ro- 44 ro) peut difficilement être le résultat de la reliure du manuscrit. Il est plus plausible que Fonteny ait écrit des sonnets pour accompagner les illustrations qui se prêtaient le mieux à son thème énigmatique et qui inspiraient sa créativité — même si certaines des illustrations sans texte, comme celle du miroir, thème emblématique éculé (fo 31 ro), ou du bateau en pleine mer (fo 36 ro), auraient pu justement l’inspirer. D’autres gravures, qui ont sans doute moins d’attrait poétique, comme l’image de qualité médiocre représentant la meule sur son chariot (fo 33 ro) et dont le nom en index, Moule, ne correspond plus pour nous à l’illustration55, ou la mule au trot, tout aussi mal représentée (fo 42 ro), n’ont pas non plus stimulé la créativité de Fonteny.

Mais cela soulève la question de la composition de l’ensemble des quarante-trois (+1) illustrations. Pour des raisons qui vont de la qualité de l’exécution aux sujets représentés, elles sont tellement hétéroclites qu'il aurait fallu un poète d'une force créatrice hors du commun pour concevoir un sonnet pour chacune d'entre elles qui ait un lien avec le cadre général de l’énigme. Fonteny a-t-il, pour ainsi dire, tout simplement jeté l’éponge, par faiblesse, ou par ennui, ou parce qu’il ne s’agissait là, pour le moment, que d’une esquisse, d’un brouillon destiné à quelques-uns – de ses proches, de ses amis, de ses protecteurs –, en d’autres termes d’une proposition entre soi destinée, ou non, à être reprise pour une possible publication ?

Conclusions

S’il n’y a pas lieu de douter que ce manuscrit de Fonteny est une œuvre intéressante, voire fascinante, à travers laquelle on peut voir un (encore) jeune auteur chercher à se faire une place sur la scène littéraire parisienne du premier XVIIe siècle, il est clair que le Livre d’Énigmes est de qualité inégale. Certains sonnets sont excellents, et complètent à merveille la gravure qui leur est jointe, mais bon nombre d'entre eux auraient mérité d'être retravaillés par leur auteur au-delà des corrections interlinéaires. Le dialogue entre gravure et sonnet est fructueux dans bon nombre de cas, et l’on se demande comment Fonteny aurait procédé pour certaines des autres illustrations qui ne suggèrent pas toutes immédiatement un sujet adapté à ce type de poésie. Ce qui étonne, c'est la très grande qualité de l'écriture du copiste, qui laisse penser que le manuscrit conservé à la Herzog August Bibliothek est en effet un début d'exemplaire d'éditeur – que Fonteny avait peut-être l’intention de compléter en ajoutant de nouveaux poèmes comme le fo 30 pourrait l’indiquer.

Remerciements

Nous aimerions remercier Dr. Thomas Stäcker et Dr. Christian Heitzmann, Herzog August Bibliothek, Wolfenbüttel, pour l’enthousiasme avec lequel ils ont accueilli d’abord la suggestion de faire publier ce manuscrit en ligne dans la Wolfenbütteler Digitale Bibliothek de la HAB. La première édition—en anglais—de 2012 n’aurait pu aboutir sans le grand sérieux du travail éditorial fait par Dr. Eva Christina Glaser, qui a préparé avec l'aide de Dr. Stäcker les épreuves du texte pour la publication en ligne. Pour la deuxième édition Mr. Torsten Schaßan —avec l'aide de Mme Claudia Eis— s’est occupé du même travail éditorial difficile, et nous lui devons une profonde gratitude pour sa participation active. Prof. Dr. Gotthardt Frühsorge, Wolfenbüttel, et Dr. Heitzmann ont prêté main forte à la difficile identification du blason figurant sur le manuscrit. Exprimons ici notre reconnaissance pour les bibliothécaires du département des manuscrits et des incunables à la Bayerische Staatsbibliothek de Munich, un soutien aux différentes étapes de ce projet.

Toute notre gratitude va au Professeur Anne-Elisabeth Spica, Université de Metz, pour ses remarques avisées sur la nature (para-)emblématique du manuscrit et pour avoir contacté à ce sujet Dr. Jean-Marc Chatelain à la Bibliothèque Nationale afin de tenter d'analyser les gravures de ce manuscrit et d’identifier le ou les mystérieux graveurs, à Mme Sylvie Reese-Dusserre, Cagnes-sur-Mer, pour ses précieuses suggestions concernant l’interprétation des sonnets originaux et leur transcription.


1Wolf-Dieter Otte, Herzog August Bibliothek : Die neueren Handschriften der Gruppe Extravagantes. Partie 2, Vol. 18 of Kataloge der Herzog August Bibliothek, Neue Reihe, Francfort, Klostermann, 1987, p. 63, ms. No. 117.5 Extrav.
2Les Sections I-IV de cette préface sont basées en partie sur un chapitre présenté dans un recueil d'articles présentés en 2008 à l’Université de Szeged (Hongrie) : Gerhard F. Strasser, « Livre d’Enigmes. Legal and Cosmic Order in an Early 17th-Century Para-Emblematic Manuscript by Jacques de Fonteny », The Iconology of Law and Order (Legal and Cosmic), Papers in English & American Studies, XXI, Anna Kerchy, Attila Kiss and György E. Szönyi (dir.), Szeged (Hongrie), JATE Press, 2012, p. 179-192, surtout p. 179-184.
3Sieurs de Sigognes, Regnier, Motin, Berthelot, Maynard, et autres des plus signalez Poëtes de ce Siecle, Paris, A. Estoc, 1618, réédité comme vol. 3 de la Collection des Satiriques Français, Paris, Librairie du Bon Vieux Temps, 1924, p. 360-361. Frédéric Lachèvre, Les recueils collectifs de Poésies libres et satiriques publiées depuis 1600 jusqu'à la mort de Théophile (1626), vol. 5 de Le libertinage au xviie siècle, Paris, 1929, reprint Genève, Slatkine, 1968, p. 212-216, donne la référence à l’édition 1618 du Cabinet, même si à la page 43 il mentionne par erreur dans sa liste “Jean de Fonteny” comme auteur d’un seul sonnet publié dans le recueil. La première ligne citée par Lachèvre (« On ouvre et rompt ma mère alors que je suis faite ») diffère un peu du premier vers du fo 6 du Livre d’Énigmes, et même s’il y a d’autres différences textuelles mineures, le titre indiqué dans le Cabinet : « Énigme. Une cloche (sonnet) » confirme qu’il s'agit bien du même poème.
4Un exemplaire à la British Library ; une autre édition en 1639.
5Voir Nicolas Cronck, « The Enigma of French Classicism : A Platonic Current in Seventeenth-Century Poetic Theory », French Studies XL (3), 1986, p. 270-271.
6Présentation par Florence Vuilleumier-Laurens des Enigmes de Cotin, Paris, STFM, 2003, p. xlv-xlviii.
7Raymond T. Ohl « Symphosius and the Latin Riddle », Classical Weekly 25, 1932, p. 209.
8François Flahault, « Spéculation du conte populaire sur l’idée d’énigme », Poétique no 45, L'Enigme, février 1981, p. 21.
9Tzvetan Todorov, « La devinette », in Les genres du discours, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1978, p. 233-235.
10André Jolles, Formes simples, Paris, Seuil, coll. Poétique, 1973, p. 103 sq., surtout p. 126-149.
11Florence Vuilleumier-Laurens, La Raison des figures symboliques à la Renaissance et à l’âge classique. Fondements philosophiques, théologiques et rhétoriques de l’image, Genève, Droz, 2000.
12L’excellente édition des Enigmes de Cotin par Florence Vuilleumier-Laurens (STFM, 2003) donne une étude précise sur le retour de l’énigme dans la tradition humaniste, d’abord par la littérature néo-latine, et ceci dans toute l’Europe. Voir aussi Gilles Polizzi, « L’énigme au xvie siècle, orientations bibliographiques », RHR, vol. 59, 2004, p. 63-72.
13Symphosii Veteris Poetae Elegantissimi erudita ac Arguta et festiva Aenigmata (éditées par Joachim Perion) Paris, 1533 ; 2e éd. Paris, 1537. Edition par Pierre Pithou, Paris, 1590. Voir Raymond T. Ohl, The Enigmas of Symphosius, Philadelphie, University of Pennsylvania, 1928, et l’édition récente de Symphosius par Tim Leary, Londres/ New York, Bloomsbury Publishing, 2014.
14Nicolas Reusner, Aenigmatographia, sive Sylloge ænigmatum et gryphorum convivialium, ex variis auctoribus collectorum, Francfort, Palthenius, 1602.
15Florence Vuilleumier-Laurens, Présentation des Enigmes de Cotin, p. xliv.
16Charles Fontaine, Odes, énigmes et épigrammes, Lyon, Jean Citoys, 1557 ; voir Archer Taylor, The Literary Riddle before 1600, Berkeley et Los Angeles, Univ. of California Press, 1948, p. 108-111.
17A. D. V. [= Du Verdier, Antoine], Questions enigmatiques, recreatives et propres pour deviner et y passer le temps aux veillées des longues nuicts, Lyon, Rigaud, 1568.
18Les titres complets donnent un programme d’utilisation : Questions enigmatiques et récréatives et propres pour deviner et y passer le temps aux veillées des longues nuicts, avec les réponses subtiles et autres propos joyeux, Lyon, B. Rigaud, 1568 (désigné dans nos relevés par Q) ; Cinquante enigmes françoises d'Alexandre Sylvain [Alexandre van den Bussche] , avec les expositions d'icelles, ensemble quelques Ænigmes espagnolles dudict autheur, le tout dédié à la Royne Elisabeth douairière de France, Paris, Beys, 1582 (AS).
19Voir les notes de Marie-Madeleine Fontaine au roman de Barthélemy Aneau, Alector,Genève, Droz, 1996, qui donne p. 406-407 une liste des recueils de poèmes qui comportent quelques énigmes (Marguerite de Navarre 1547, Tyard 1555, Fontaine 1557) et des récits (Rabelais 1534, Des Périers 1548, et Aneau lui-même). Elle en signale dans des endroits inattendus : Sentences, autoritez de Senèque, Lyon, Saugrain, 1558, avec vingt énigmes dites Questions enigmatiques fort joyeuses, p. 86-95.
20Giovanni Francesco Straparola, Venise, Comin da Trino, 1550 ; les deux parties réunies à Venise, Comin da Trino, 1557.
21Etienne Tabourot, Les Escraignes dijonnoises, Paris, Richer 1614 ; Les Bigarrures du seigneur des Accords, Où est traité de toutes sortes de folies, Paris, Richer, 1582 ; Les Bigarrures, avec les Apophtegmes du sieur Gauliard, Paris, Richer, 1585.
22Charles Cotin, Recueil des Enigmes de divers Autheurs, et leur explication, en 3 parties, Paris, P. David, également intitulé Recueil des Enigmes de ce temps (à nouveau en 3 parties), Paris, Quinet, 1638, réimprimé à Paris en 1646, 1655, 1658, 1661, et dans d’autres villes. Édition par Florence Vuilleumier-Laurens, STFM, 2003.
23François Colletet, Nouveau Recueil des plus beaux Enigmes de ce temps, Paris, Loyson, 1659.
24Voir Jennifer Montagu, « The Painted Enigma and French Seventeenth-Century Art », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 31, 1968, p. 307-335, surtout p. 307-309.
25L'énigme que Samson pose aux Philistins (Juges, 14) ; et on pourrait y annexer le genre des paraboles.
26Nicolas Cronk, art. cit., p. 273-275.
27Pierre de Deimier, L'Academie de l'art poëtique, Paris, Jean de Bordeaulx,1610, cité par Jennifer Montagu, « The Painted Enigma ...», art. cit., p. 307.
28Nous reporterons dans les notes des sonnets les coincidences thématiques et certaines formules qui peuvent avoir engendré la forme française de Fonteny.
29Symphosius lui-même emprunte à Martial, voir l'introduction de Tim Leary, op. cit., p. 7.
30Claude Gaignebet, « Le chauve au col roulé », Poétique, no 8, 1971, p. 442-446 ; voir aussi C. Gaignebet, Le Folklore obscène des enfants, Paris, Maisonneuve et Larose, 1974.
31Voir l'article cité de Gaignebet dans Poétique, 1971.
32Et de pratique esthétique ! Depuis longtemps, Lazare Sainéan (La Langue de Rabelais, Paris, E. de Boccard, 1922-1923) a fait la liste des métaphores rabelaisiennes.
33Voir Obscénités renaissantes / Renaissance obscenities, préface de Michel Jeanneret, Hugh Roberts, L. Wajeman et Guillaume Peureux (dir.), Genève, Droz, 2011.
34Olivier Leplatre, « L'impertinence des images : mont(r)er. À propos de l’Enigme joyeuse pour les bons esprits et du Centre de l'amour », in Impertinence générique et genres de l'impertinence (xvie- xviie siècles), Isabelle Garnier et Olivier Leplatre (dir.), Cahiers du GADGES, 10, 2012. Voir aussi : Licences et censures poétiques. La littérature érotique et pornographique vernaculaire à la Renaissance, RHR no 68, juin 2009 ; Joan DeJean, The Reinvention of obscenity. Sex, Lies and Tabloids in Early Modern France, Chicago, Univ. of Chicago, 2002 ; et Obscenités Renaissantes, op. cit..
35Voir les notes ventilées dans les poèmes. Procèdent à une transposition sexuelle, dans tout ou partie du poème (11 poèmes) : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 12, 18, 35 ; beaucoup de contenus latents portent à la violence : ouverture, écartèlement, césarienne, viol, maquerellage ; de relations fille /mère, 16, 17 (dans les deux cas la fille engrosse sa mère). Quelques trous ne servent à rien de ce qu’on croirait, ainsi de l’énigme 26, Fumée.
36Claude-François Ménestrier, La Philosophie des images énigmatiques, où il est traité des énigmes, hiéroglyphiques, oracles, prophéties [...]. Lyon, Guerrier Baritel / Paris, Veuve Daniel Horthemels, 1694, p. 80.
37Nicolas Reusner, Ænigmatographia, op. cit., p. 3 ; traduction Marie-Madeleine Fragonard.
38Symphosius, Paris, Cyaneus, 1533. Une grosse tortue, comme marque d'éditeur, ressemble à la tortue de l'image du fo 35 ro de notre manuscrit.
39Nicolas Reusner, Picta poesis Ovidiana, Francoforti, Ad Mœnum, 1580, fo 44 vo. Voir l’exemplaire numérisé sur le site de la Bayerische Staatsbibliothek [cote Res/A.Lat.a 1327] : http://daten.digitale-sammlungen.de/bsb00027986/image_92
40« Aussitot les Minéides s'enfuient en ces oiseaux dont le nom vient du nom du soir, car elles cherchent les ténébres, et fuient la lumière du soleil, cherchant les abris dans le brouillard, elles volent la nuit ».
41Fonteny a publié plusieurs recueils d'anagrammes, qui participent à cette poétique du mot caché : comment un nom de personne contient, en mêlant les lettres autrement, le mot caché, la devise, etc, qui révèle son être profond.
42Marcel Bernasconi, Histoire des Énigmes, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 1964, p. 42-45. Marcel Bernasconi établit une “Classification des jeux d'esprit” selon laquelle l’énigme en deux parties du sonnet 15 est un logogriphe où le mot nouvellement créé a plus de lettres que le mot que l’on cherche à trouver.
43Walter von Wartburg, Französisches etymologisches Wörterbuch : eine Darstellung des galloromanischen Sprachschatzes, Bâle, Zbinden, 1955, VII, col. 156-157.
44Claude-François Ménestrier, Poetique de l’Enigme, édité par Michel Charles dans la revue Poétique no 45, L’Enigme, 1981, p. 28-52.
45Clive Scott, The Poetics of French Verse. Studies in Reading, Oxford, Clarendon, 1998, p. 107-110.
46Michael R. G. Spiller, The Sonnet Sequence : A Study of Its Strategies.Twayne Studies in Literary Themes and Genres, New York [et. al.], Twayne [et. al.], 1997, p. 14-34.
47Allison Saunders, The Sixteenth-Century French Emblem Book : A Decorative and Useful Genre. Genève, Droz, Travaux d’Humanisme et Renaissance, 1988 ; Laurence Grove et Daniel Russell, The French Emblem : Bibliography of Secondary Sources, Genève, Droz, Travaux d’Humanisme et Renaissance, 2000 ; Laurence Grove, Emblematics and Seventeenth-Century French Literature : Descartes, Tristan, La Fontaine and Perrault, Charlottesville (Virginia), Rookwood Press, 2000. Nous utiliserons pour les comparaisons le volumineux répertoire d’emblèmes de Arthur Henkel and Albrecht Schöne, Emblemata : Handbuch zur Sinnbildkunst des xvi. und xvii. Jahrhunderts. Stuttgart, Metzler, 2 vols. et Supplement to the First Edition, 1967 / 1976.
48Ménestrier, Claude-François, La Philosophie des images énigmatiques, où il est traité des énigmes, hiéroglyphiques, oracles, prophéties [...]. Lyon, Guerrier Baritel/ Paris, Veuve Daniel Horthemels, 1694.
49William Empson, The Seven Types of Ambiguity, Londres, Chatto and Windus, 1930 ; Franz Gunthner, « Le New Criticism », Langue Française, 7, 1970, p. 96-101, et surtout p. 98-99.
50Nicolas Cronk, art. cit., p. 278-281.
51Guillaume de La Perrière, Le Theatre des bons engins, auquel sont contenus cent Emblèmes, Paris, D. Janot, 1540 ; Guillaume de La Perrière, La Morosophie de Guillaume de la Perriere Tolosain, Contenant Cent Emblemes moraux [...], Lyon, M. Bonhomme, 1553.
52Voir Allison Saunders, The Sixteenth-Century French Emblem Book : A Decorative and Useful Genre, Genève, Droz, Travaux d’Humanisme et Renaissance, 224, 1988, en particulier p. 162-165.
53Après plusieurs éditions latines, le texte d'Horapollo, De hieroglyphicis notis, découvert dans l’édition Alde de 1505, connait une première traduction en français qui est aussi la première édition accompagnée de gravures sous le titre Les sculptures ou graveures sacrees d’Orus Apollo, Paris, Kerver, 1543, édition remaniée et améliorée en 1553.
54Michael Bryan, Marks and Monograms of Early English and Continental Engravings, Londres, H. G. Bohn, 1816.
55Moule, pour meule, comme dans le terme Remouleur.
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