VOLEURS, (Arlequin & Scaramouche)
VOLEURS, (Arlequin & Scaramouche), Ca
nevas Italien en cinq actes, représenté pour la
premiere fois sous ce titre, le Mardi 5 Décem
bre 1747. C'est exactement le même qi a été
représenté sous le titre d'
Arlequin & Scapin
voleurs, le Samedi 20 Mai 1741. Toute la dif
férence consiste en ce que le
Scapin est ici
changé en
Scaramouche; voyez l'
article Arle
quin & Scapin voleurs; il s'est glissé dans cet
article auquel nous renvoyons, une erreur qu'il
est à propos de réformer; on y lit que la piéce
est en trois actes, au lieu qu'elle est véritable
ment en cing, comme on va voir.
Quoique ce Canevas ait devancé M.
Gandini
sur le Théatre Italien de
Paris, il n'en est pas
moins de sa composition, (*) mais il y a inséré
quelques scénes connues en
Italie, & que le
Public trouveroit mauvais qu'on obmit toutes
les fois qu'en ce pays-là l'on présente des voleurs
sur la scéne. Nous allons faire usage du Cane
vas d'
Arlequin & Scaramouche, ou
Scapin
voleurs, qui nous a été confié depuis peu; l'on
y reconnoîtra aisément les scénes en question,
en le comparant avec l'extrait des
Voleurs à la
Foire. (Voyez l'
article précédent.) Nous aurons
soin de renvoyer à cet extrait, à mesure que
l'occasion va s'en présenter.
ACTEURS.
PANTALON.
LE DOCTEUR.
FLAMINIA,
fille de Pantalon.
LUCINDE,
fille du Docteur.
MARIO,
fils du Docteur.
LÉLIO,
fils de Pantalon.
CORALINE,
femme de Chambre de Fla
minia.
NICOLO,
valet de Pantalon.
UN CAPITAINE.
((*) Monsieur
Gandini y a joué le role de
Scaramouche avec
applaudissement, à la Cour & à Paris; le succès de l'Acteur
& de la piéce fut si marqué à la Cour, qu'elle y fut rede
mandée & jouée deux fois de suite.)
UN LIMONADIER.
SCARAMOUCHE,
Chef d'une bande de
voleurs.
ARLEQUIN,
voleur.
VOLEURS
déguisés en Soldats, en Archers à
en Laquais, &c.
GARÇONS DE CAFFÉ.
GARÇONS D'UN TRAITEUR.
VALETS.
ARCHERS.
La scéne est dans une ville de France.
ACTE I.
Le Théatre représente une rue d'une ville de
France, (*) dans laquelle on remarque la
maison du Docteur, & celle de Pantalon.
Arlequin voleur, se plaint à Scaramouche
son Capitaine de ce qu'il manque d'égards
pour lui; celui-ci répond que c'est sa faute, &
qu'il n'a pas de disposition au métier; ensuite
il lui donne des leçons (**) dont Arlequin pro
met de profiter, & ils se retirent. Mario entre,
& fait entendre dans un monologue qu'il est
amoureux de Flaminia, fille de Pantalon; il
frappe à la porte de ce dernier; Coraline en
sort, & lui donne une lettre de Flaminia sa
Maîtresse. Il se met à la lire; Scaramouche
l'observe de loin, & le montre à Arlequin;
celui-ci s'approche, & voyant Mario mettre la
((*) Il y a apparence que le lieu de la scéne n'est tel, que
quand la piéce se joue en
France.
(**)
Les Voleurs à la Foire commencent de même. Voyez
Voleurs (
les)
à la Foire; scéne de l'instruction.)
lettre de Flaminia dans sa poche, il le supplie,
puisqu'il sçait lire, de vouloir bien lui en lire
une qu'il lui présente. Mario veut bien avoir
cette complaisance, & pendant qu'il est appli
qué à le satisfaire, Arlequin lui vole son mou
choir, & se sauve; Mario s'apperçoit du vol,
& court après lui. Le Docteur entre, & dit
que Pantalon son ami vient de conclure le
mariage de sa fille avec un étranger fort riche,
compatriote & parent de celui qu'il destine à la
sienne, & qu'il veut l'aller féliciter; il frappe
à sa porte, Coraline ouvre, & lui dit que Pan
talon s'habille; le Docteur répond qu'il va
l'attendre au Caffé, & la quitte. Pantalon sort
de chez lui; Coraline lui rend compte de ce
que le Docteur vient de lui dire; il a fait ren
trer dans la maison, & va joindre son ami.
Lélio fils de Pantalon le remplace, & s'entre
tient seul de son amour pour Lucinde, fille du
Docteur. Scaramouche déguisé en grand Sei
gneur, (*) suivi d'Arlequin son écuyer, & de
plusieurs filoux en livrée, l'aborde poliment. Il
lui dit qu'il est un homme de qualité etranger,
qui voyage pour son plaisir, & qui a de la ré
pugnance à loger dans une auberge; il le prie
de lui enseigner la maison de quelque personne
de distinction du pays, chez qui il puisse passer
sept ou huit jours avec plus de bienséance;
Lélio trompé par le nom qu'il se donne, lui
(Il y a encore dans
les Voleurs à la Foire, une scéne
qui ressemble à celle-ci. C'est la scéne dans laquelle Trivelin
déguisé en grand Seigneur, & Arlequin en valet de Cham
bre, volent un Aubergiste. Voyez
Voleurs (
les)
à la Foire;
scéne d'un grand Seigneur & de son Valet de Chambre.)
proteste que le Docteur son pere sera très-
flatté de le recevoir, & même voyant que ce
Seigneur ordonne à son écuyer de satisfaire les
muletiers qui ont amené son bagage, & que
l'écuyer prétend n'avoir point d'argent sur lui,
il offre d'avancer la somme nécessaire, est pris
au mot, & veut resserer sa bourse, après
avoir compté l'argent aux muletiers; mais Ar
lequin la lui escamote sans qu'il s'en apperçoive.
Lélio prend congé du Seigneur étranger, après
lui avoir enseigné la demeure de son pere, en
lui disant qu'il va faire préparer son apparte
ment; mais il revient un moment après, ayant
reconnu la perte qu'il vient de faire; il prie
l'étranger de lui dire si quelqu'un de ses gens
n'auroit point ramassé sa bourse, qu'il a appa
remment laissée tomber, en croyant la remet
tre dans sa poche.
Ha!
Monsieur, s'écrie celui-
ci,
je crois que vous avez raison; je soupçonne
mon écuyer d'avoir fait le coup; c'est un coquin
dont j'ai des raisons de me défier depuis quelque
temps, & dont je me déferai dès que mes voya
ges seront finis. L'écuyer est offensé du soupçon,
& répond insolemment à son Maître qui le veut
tuer; Lélio demande grace pour lui, & se met
au-devant des coups; il est houspillé, & perd
son chapeau qu'on lui vole dans la mêlée; le
Seigneur, l'Ecuyer & les Laquais disparoissent,
& se sauvent d'un côté & l'autre de l'autre;
Lélio les poursuit & met fin au premier acte.
ACTE II.
Arlequin & Scaramouche ouvrent le second
acte comme ils ont ouvert le premier; Arle
quin est tout glorieux d'avoir si bien mis en
pratique les leçons de son Capitaine, qui con
vient qu'il commence à se former; ils enten
dent venir du monde, & se retirent. Mario
entre, & se plaint du mariage que Pantalon
vient d'arrêter pour sa fille, avec un étranger;
Scaramouche paroit, parlant
à la Cantonade,
& paroissant outré de ce qu'un homme contre
lequel il vient de perdre vingt louis sur sa parole,
lui montre de sa défiance, & ne lui veut pas
accorder vingt-quatre heures pour le payer; il
en est si furieux, dit il, qu'il donneroit volon
tiers pour vingt louis, un brillant qu'il a au
doigt, & qui en vaut cent, afin de n'avoir plus
rien à démêler avec un homme capable d'un si
mauvais procédé. Mario qui a souvent éprouvé
les vicissitudes du jeu, est touché de son cha
grin, l'aborde, & lui offre généreusement de le
tirer d'affaire, & de lui prêter de quoi dégager
sa parole; Scaramouche l'accepte, à condition
qu'il recevra sa bague en nantissement, Mario
qui a déja ouvert sa bourse, le refuse; Scara
mouche met malgré lui sa bague dans la bour
se, & pendant que Mario en veut tirer vingt
louis, il met la main dessus; Mario étonné la
retire à lui; le Docteur survient, & Scaramou
che se plaint de ce que Mario refuse de lui ren
dre une bourse qu'il a laissée tomber, & qui lui
appartient si bien, que sa bague qu'il désigne est
dedans avec son argent. Le Docteur, après
avoir vérifié le fait, donne le tort à son fils,
refuse de l'entendre, & met Scaramouche en
possession de la bourse, de façon qu'il s'en va
fort content. Il est aisé de s'appercevoir que
cette scéne ressemble beaucoup a celle du Mar
chand Juif, dans
Les Voleurs à la Foire. (Voyez
Voleurs (
les)
à la Foire, scéne du Marchand
Juif.) Enfin, Mario après avoir désabusé trop
tard son pere, se met sur les traces du voleur.
Le Docteur demeuré seul, fait entendre qu'il
est arrivé des troupes dans la ville, & qu'il est
obligé de loger un Officier; il frappe à la porte
de son logis, & ordonne à sa fille qui se pré
sente, de recevoir le nouvel hôte; elle promet
d'obéir, & se retire. Scaramouche qui étoit
aux écoutes avec Arlequin, sort précipitam
ment; Arlequin le suit; le Docteur voit pres
que aussi-tôt arriver Arlequin en Officier estro
pié qui a perdu ses deux jambes. Il est dans
une chaise à porteurs, & les porteurs sont des
filoux déguisés en soldats; pendant une scéne
dans laquelle Arlequin conte ses exploits au
Docteur, & comme celui-ci est prêt à l'intro
duire chez lui, le véritable Capitaine qu'il doit
loger arrive, & découvre la fourberie. Les
porteurs & l'estropié se sauvent à toutes jam
bes, & le second acte finit avec grande rumeur.
ACTE III.
Pantalon dit à Flaminia sa fille qu'il ne se
trouve pas en argent comptant, & que le ma
riage qu'il vient d'arrêter pour elle, ne pou
vant manquer de l'engager à de fortes dépenses,
il veut mettre en gage une partie de son argen
terie, pour ne pas risquer de demeurer court
dans une pareille circonstances; il ordonne à sa
fille de mettre à part ce qu'il en faut pour cet
effet; Arlequin & Scaramouche l'observent,
& le second parle à l'oreille de l'autre; ils sor
tent & reviennent, Arlequin en Exempt, avec
des Voleurs déguisés en Archers, & Scara
mouche en Marchand qu'on arrête pour dettes.
Cette fourberie est à peu près la même que
celle du Marchand qu'on arrête pour dettes,
dans
Les Voleurs à la Foire. (Voyez
Voleurs
(
les)
à la Foire; scéne du Marchand qu'on
arrête pour dettes,) & elle a le même succès.
Pantalon revient chez lui, suivi du valet d'un
Usurier, qui tient un sac plein d'argent, & qui
vient chercher l'argentierie. Flaminia & Cora
line lui content ce qui s'est passé, & il sort en
coutant, pour tâcher de trouver le voleur;
Flaminia rentre chez elle avec Coraline. Lélio
paroît seul, & dit qu'il voudroit bien parler à
sa Maîtresse; il frappe à la porte du Docteur,
& Lucinde en sort. Ils ont ensemble une scéne
de tendresse, dans laquelle Lucinde lui apprend
que son pere l'a promise en mariage à un étran
ger, du même pays que celui à qui Pantalon a
promis Flaminia. Lélio l'assure qu'il sçaura bien
mettre obstacle à ce mariage; elle rentre chez
elle, & son Amant se retire. Le Docteur &
Pantalon viennent ensemble; le Docteur dit à
son ami qu'il vient de recevoir une lettre qui
lui apprend l'arrivée prochaine de leurs gendres
prétendus, & que par conséquent ils peuvent
arriver d'un moment à l'autre. Scaramouche
qui ne cesse point de les observer, parle à
l'oreille d'Arlequin, & s'éloigne avec lui; Arle
quin déguisé en Laquais, revient un moment
après, annoncer à Pantalon l'approche du futur
époux de Flaminia, & prie qu'on tienne la porte
ouverte, pour recevoir sa malle & tout son
équipage; il sort; le Docteur quitte Pantalon,
pour aller s'informer si celui qui doit épouser
sa fille n'est pas aussi airrivé, & Pantalon entre
chez lui, pour donner ordre aux choses néces
saires. Le Théatre change, & représente une
chambre dans laquelle il y a un lit, une bougie
allumée dans un flambeau sur une table, parce
que la nuit est venue, un bureau, &c. On y
voit Flaminia qui se plaint à Coraline du sort
que son pere lui prépare; celle ci la console;
Pantalon entre, & lui annonce l'arrivée de son
prétendu; elle recommence ses plaintes; elles
sont interrompues par l'arrivée de Nicolo, va
let de la maison, qui dit que le Laquais du
Gentilhomme à qui Flaminia promise,
vient d'arriver avec la malle de son Maître;
Flaminia sort de fort mauvaise humeur, & est
suivie de Coraline. Arlequin travesti en Laquais,
apporte une malle fort pesante, avec l'aide de
Nicolo, qui a été au-devant de lui après l'avoir
annoncé; Pantalon ordonne à son valet d'avoir
soin que ce garçon ne manque de rien, & se
retire; Nicolo veut emmener Arlequin souper;
il s'en défend; Nicolo a beau le presser, & se
plaindre de ce qu'il lui fait perdre à lui même
l'occasion de faire bonne chere aux dépens du
patron, Arlequin a trop d'envie de demeurer
seul pour se rendre. Enfin Nicolo voyant qu'il
ne peut rien gagner, lui déclare qu'ils vont cou
cher ensemble, parce qu'il n'y a pas encore de
chambre prête pour lui; autre embarras pour
Arlequin, qui signifie à Nicolo qu'il aime à
coucher seul, & qu'il préfére l'incommodité de
passer la nuit sur la malle qu'il vient d'apporter,
à celle de coucher deux; Nicolo répond qu'il
sçait trop bien vivre pour le laisser en cet état;
Arlequin pour s'en débarrasser, lui confie qu'il
a sujet de craindre de lui communiquer une
incommodité dont il se ressent depuis quelques
jours; enfin (tranchons le mot, puisqu'on le
tranche au Théatre,) il a dit-il, un peu de G.....
mais Nicolo répond que cela ne l'inquiéte point,
parce qu'il en a beaucoup lui même; Arlequin
imparienté, lui fait une autre confidence, sça
voir qu'il est sujet à de mauvais rêves; qu'il
s'imagine en dormant être poursuivi par ses
ennemis, & qu'il ne veut coucher avec person
ne, depuis qu'il lui est arrivé de poignarder le
meilleur de ses amis, qui dormoit à côté de
lui, en rêvant qu'il se défendoit d'un assassin.
Cet inconvénient embarrasse encore moins Ni
colo que le premier, parce qu'il est dit-il aussi
fort sujet à rêver, & que dès qu'on remue à
ses côtés, il prend son homme en rêvant, & le
jette par la fenêtre. Cela n'encourage pas Ar
lequin à partager le lit de Nicolo; il se fâche
tout de bon contre lui, & ce valet craignant
de déplaire à Pantalon, en désobligeant le do
mestique de son gendre, & en poussant plus
loin son incommode civilité, le laisse tranquille
& se retire. Scaramouche sort aussi tôt de la
malle où il étoit renfermé; Arlequin l'éclaire;
ils s'approchent du bureau qu'ils veulent for
cer; Scaramouche armé d'un ciseau & d'un
marteau, veut faire sauter la serrure, mais au
premier coup de marteau, un chien couché
dans un coin de la chambre, & qu'ils n'ont
point apperçu, se leve & se met à aboyer;
Scaramouche s'arrête; Arlequin flatte le chien
pour le faire taire; Scaramouche donne un se
cond coup de marteau; le chien redouble ses
hurlements, tant qu'enfin Pantalon l'entend,
& vient voir ce qui se passe dans la chambre;
Scaramouche n'a que le temps de se renfermer
dans la malle, & Arlequin de se fourer sous le
lit, avec sa bougie toute allumée; il fait sem
blant de dormir en cette situation; Pantalon
regarde sous le lit, & le plaint de la fatigue
énorme qui doir l'accabler, pour que le som
meil l'ait surpris ainsi; il ôte la bougie de ses
mains sans l'éveiller, la remet sur la table, &
sort. Scaramouche quitte aussi tôt son asile;
Arlequin recommence à l'éclairer, mais dès que
le premier se sert de son marteau, le chien
aboye de plus belle; les deux voleurs se déses
pérent; Arlequin dit à Scaramouche qu'il faut
se défaire de cet indiscret par un coup de mar
teau, mais ils ne peuvent le joinde, & ne font
que l'exciter à aboyer de plus en plus. Pantalon
accourt; les voleurs regagnent leurs postes;
Pantalon est surpris de la manie d'Arlequin de
vouloir s'éclairer en dormant, car il n'a point
abandonné sa bougie; il la lui retire encore
des mains, la remet sur la table, & sort une
seconde fois. Les voleurs en reviennent à leur
entreprise, le chien à ses hurlements, &c. Ce
jeu de Théatre des tentatives de Scaramouche
& d'Arlequin, & de Pantalon attiré par les
hurlements du chien, se répéte à volonté. Enfin
les voleurs sont pressés de si près par Pantalon,
qu'Arlequin se précipite étourdiment dans la
malle avec sa bougie allumée à la main, & ne
laisse pour asile à Scaramouche que le dessous
du lit. Panrtalon voyant le la lumiere à travers
les fentes de la malle, croit que le feu y a
pris; il l'examine, & est surpris de voir qu'elle
n'est point fermée à clef, & encore plus, après
l'avoir ouverte, de n'y trouver qu'Arlequin qui
tient encore sa bougie toujours allumée; il
commence à prendre du soupçon, & la lui
ôtant de la main pour la derniere fois, il se
met à faire des recherches dans la chambre,
ne fut ce que pour examiner si ce valet n'a mis
le feu nulle part; il regarde sous le lit, & ef
frayé d'y voir un inconnu, il se met à crier
aux
Voleurs. Tous le Domestiques de la maison
accourent à ses cris, à demi deshabillès, & ar
més de différents ustencilles; mais ils ne peu
vent dans leur surprise, prendre des mesures
assez promptes pour empêcher les voleurs de
se sauver; c'est la fin du troisiéme acte.
ACTE IV.
Le Théatre redevient comme au commencement
du premier acte. Il fait jour.
Mario frappe à la porte de Pantalon, & veut
parler à Flaminia; Coraline ouvre, & lui ap
prend que sa Maîtresse est malade de l'effroi
qui lui ont causé les voleurs la nuit passée; on
entend venir Pantalon, & Mario se retire;
Pantalon paroit, ordonne à Coraline d'aller
chercher le Médecin, & rentre chez lui; Cora
line va faire sa commission; Scaramouche &
Arlequin sont à portée d'entendre l'ordre de
Pantalon, projettent un nouveau travestisse
ment pour le second des deux voleurs, & s'en
vont. Le Docteur arrive, & dit dans un mono
logue, qu'il vient d'apprendre que les affaires
des parens du gendre qu'il a choisi, & de celui
qu'a choisi Pantalon, ne sont pas en si bon
ordre qu'on le lui avoit fait accroire, que ce
dérangement est apparemment la cause de leur
retardement, & qu'il vient en faire part à son
ami. Coraline revient, & lui apprend qu'elle
vient d'avertir un Médecin pour Flaminia, &
ils entrent ensemble chez Pantalon. Le Théatre
change, & représente une chambre à coucher.
On y voit Flaminia assise dans l'équipage d'une
personne indisposée, avec Pantalon, le Doc
teur & Coraline, qui l'exhortent à prendre
courage. On frappe à la porte; Coraline va
voir ce qu'on demande, & revient annoncer
{???d}e Médecin; on lui donne ordre de le faire
entrer; elle introduit Arlequin habillé en Mé
decin, & sort; pendant une scéne dans laquelle
on voit Arlequin se tirer, de son mieux, du role
dont il s'est chargé, Coraline revient fort ef
frayée, & dit que Mario & Lélio sont attaqués
par des voleurs; on court en tumulte à leur
secours; la malade reste seule avec le Médecin,
qui malgré ses cris emporte l'argenterie qui est
dans la chambre, & se sauve avec son butin.
Pantalon revient aux cris de Flamina, & lui
dit de se consoler,
& que ce n'est rien. Vous
êtes donc arrivé à temps, répond elle?
Sans
doute, replique Pantalon. Flaminia le félicite
d'avoir ainsi arrêté le voleur qui emportoi son
argenterie, & Pantalon est fort surpris de cet
éclaircissement, d'autant qu'en disant
que ce
n'étoit rien, il entendoit parler du péril dans
lequel on leur avoit annoncé que se trouvoient
son fils & celui de son ami. Le Théatre change
encore, & redevient somme au commence
ment du premier acte. On voit ensemble le
Docteur, Mario son fils, & Lélio. Le Docteur
témoigne sa joie de les voir hors de danger.
Pantalon survient; il apprend au Docteur ce
qui est venu à sa connoissance sur l'amour de
Mario pour sa fille, & de son fils pour Lucinde;
il ajoute qu'après ce qu'il a sçu de lui même
sur l'état du bien des gendres qu'ils attendoient,
il croit qu'ils n'ont rien de mieux à faire que de
referrer leur ancienne amitié par un double
mariage, sans attendre davantage ceux à qui
ils ont promis leurs filles. Le Docteur consent
à tout; les deux peres frappent à leurs portes,
& appellent Lucinde & Flaminia qui se por
tent mieux. Elles sont charmées de cette nou
velle; mais cet entretien est encore intercepté
par Scaramouche & Arlequin, qui se préparent
à leur faire de nouvelles piéces à cette occa
sion. Le Théatre change, & représente le Jardin
de la maison d'un Traiteur; on y voit entrer
Mario, Flaminia, Lélio, Lucinde, Coraline,
Pantalon & le Docteur, en bonne disposition
de se réjouir; ils demandent le Traiteur; Scara
mouche se présente sous cette figure, leur cer
tifie qu'ils sont dans une maison où rien ne
leur manquera, & où ils n'auront qu'à parler
pour être servis, leur conseille de commencer
par se débarrasser de tout ce qui pourroit les
incommoder, & sous ce prétexte, s'empare des
épées, des cannes, des chapeaux, des éven
tails, & autres nipes, tant d'hommes que de
femmes, dont on a coutume de se défaire en se
mettant à table; il disparoît avec tout cela, &
est remplacé par Arlequin mis en petit-Maître,
qui leur dit qu'ayant appris que d'honnêtes gens
se réjouissoient dans ce jardin, il a cru qu'un
homme de son mérite & de sa qualité ne leur
déplairoit pas en venant prendre part à leurs
plaisirs; ensuite il demande une prise de tabac,
n'en trouve point de son goût, après avoir essayé
de celui de tous ceux qui composent la compa
gnie, mais trouve les tabatieres extrê
mement belles, & s'en faisit pour les considérer
de plus près; puis il leur propose de leur faire
goûter d'un tabac admirable. En effet, il en
présente à tous dans une tabatiere de bois, en
finissant par Pantalon, qui le trouve bon par
complaisance, & à qui il dit:
Hé!
bien, je
vous fais présent du tabac & de la tabatiere;
je viens de me rappeller une petite affaire qui
ne me permet pas d'avoir plus longtemps le
plaisir de demeurer avec vous. En même temps
il se met en devoir de sortir; on l'arrête, & l'on
lui fait observer qu'il est bien le maître de s'en
aller, mais qu'il oublie un préalable nécessaire,
& chacun lui parle de sa tabatiere;
vous vous
mocquez, répond Arleqin:
j'ai dit à Monsieur
que je lui en faisois présent, ajoûte-t il, en mon
trant Pantalon; là-dessus il fait de nouveaux
efforts pour s'échapper, mais se voyant ferré
de trop près, & qu'on veut absolument qu'il
reprenne son présent, & rende toutes les taba
tieres qu'il emporte, il se met en colere, &
demande pour qui l'on le prend, & si un hom
me comme lui a l'air d'un filou; en un mot il
les brave, & veut se couper la gorge avec cha
cun d'eux; ils courent tous à leurs épées & à
leurs cannes, mais Scaramouche a eu trop d'at
tention à prévenir le désordre, & n'a eu garde
de leur laisser des armes offensives. Les domes
tiques du Traiteur accourent à leurs cris, com
me ceux de Pantalon sont accourus aux cris
de leur Maître, à la fin du troisiéme acte; ils
sont armés de la même maniere, mais aussi
inutilement, puisqu'Arlequin a le temps de se
sauver pendant ce tumulte, & le quatriéme acte
finit.
ACTE V.
Le Théatre représente un Caffé.
Tous les Acteurs qui étoient à se réjouir dans
le jardin du Traiteur, sont rassemblés dans le
Caffé; Scaramouche arrive déguisé en Mar
chand de bijoux, & leur vole leurs montres,
pendant qu'ils sont occupés à choisir & à mar
chander; il sort; Arlequin lui succéde, déguisé
en Marchand de billets de lotterie, & fait sa
main de ce qui a pû échapper à l'exactitude de
Scaramouche; ils ne s'apperçoivent qu'ils sont
encore volés, qu'après le départ d'Arlequin;
ils s'en prennent au Maître du Caffé & à ses
garçons; nouveau désordre; on va chercher
un Commissaire; Scaramouche arrive en robe,
& Arlequin fait le personnage de son Clerc.
Pendant que le Commissaire est occupé à l'inter
rogatoire, & occupe les intéressés, son Clerc
s'amuse à décrocher la pendule; quelqu'un s'en
apperçoit; le Clerc & le Commissaire se sau
vent, & sont suivis de près. Le Théatre change,
& représente un appartement de la maison de
Pantalon. Le Docteur entre avec lui, ils disent
que les voleurs sont encore échappés, &
qu'on vient d'avertir la Justice qui en fait la re
cherche; Mario & Lélio surviennent, & an
noncent que ces coquins sont enfin pris; là-
dessus on les amene, & on leur déclare qu'ils
n'ont qu'à se préparer à ramer; ils demandent
grace, mais ils ne voyent point d'apparence de
l'obtenir. Tout d'un coup Arlequin se met à
crier:
au feu; on s'empresse avec effroi pour
sçavoir de quoi il est question; les frippons fai
sissont ce moment pour s'échapper; on les pour
suit; le Théatre redevient comme au commen
cement du premier acte; Arlequin & Scara
mouche arrivent en courant, l'un par un côté,
l'autre par un autre; ils se rencontrent, & se
disent qu'ils ont mis en défaut leurs ennemis,
mais qu'ils commencent à devenir trop célé
bres pour pouvoir demeurer en sureté dans le
pays, & que le meilleur parti qu'ils ayent à
prendre, est celui de retourner à Bergame leur
partie; ils s'en vont ensemble, & terminent
ainsi le cinquiéme acte & la Comédie.
Extrait
Manuscrit.