CONTRASTE (le) de l'Hymen & de l'Amour
CONTRASTE (le) de l'Hymen & de l'A
mour, Comédie Françoise en prose & en trois
actes, suivie d'un divertissement, au Théatre
Italien, par M. de Sainfoix, représentée pour
la premiére fois le Samedi 7 Mars 1727. non
imprimée.
ACTEURS.
Horace, oncle de Pamphile. Le Sieur Lélio pere.
Pamphile, neveu d'Horace. Le Sieur Lélio fils.
Julie, épouse de Pamphile. La Dlle Silvia.
Alceste, Amant d'Hortense. Le Sieur Mario.
Hortense, Amant d'Alceste. La Dlle Lalande.
Arlequin, valet de Pamphile. Le Sieur Thomassin.
Trivelin, valet d'Alceste. Le Sieur Dominique.
Mlle Amila, chanteuse, femme de
Trivelin. Le Chanteur.
Mlle Beccarre, chanteuse, femme
d'Arlequin. Le Sieur Romagnesi.
La Scéne est dans la maison d'Horace.
ACTE I.
L'Auteur fait entendre dès le commence
ment de la piéce qu'on doit donner un bal
dans la maison de l'oncle de Pamphile. Deux
Chanteuses sont invitées à y venir donner un
plat de leut métier. Pamphile a composé ce
qu'elles doinvent y chanter. L'une de ces Chan
teuses est femme d'Arlequin, & l'autre a
épousé Trivelin; elles ignorent que leurs ma
ris, qu'elles ont abandonnés, soient au ser
vice, l'un de Pamphile & l'autre d'Alceste.
Le premier est marié avec Julie, & l'autre
doit épouser Hortense. Arlequin est amou
reux de la femme de Trivelin, & Trivelin
aime la femme d'Arlequin. C'est Arlequin
qui ouvre la scéne. Il salue en entrant la
Demoiselle Amila qu'il vient de quitter. Pam
phile son Maître lui ordonne d'aller porter
une lettre; Horace, oncle de Pamphile, ar
rive dans le temps que son neveu donne cette
lettre à Arlequin, il s'en faisit, & d'un ton
de colere, il demande à son neveu à qui
s'adresse cette Ambassade amoureuse. Pam
phile lui répond tranquillement qu'il n'a pour
en être éclairci, qu'a lire le dessus. Horace
est fort étonné de voir que c'est à sa femme
que Pamphile écrit, & qu'il veut sçavoir
d'elle à quelle heure il pourra avoir le plai
sir de l'entretenier. Il demande à son neveu
qu'elle est cette nouvelle maniere d'agir entre
deux personnes que l'Hymen a unies; Pam
phile lui en explique le rafinement avec des
termes qui irritent Horace, & le portent à le
menacer de le deshériter, s'il ne devient plus
sage. Alceste vient témoigner à Pamphile,
qu'il croit son ami, le plaisir qu'il ressent par
avance de son prochain Hymen avec Hor
tense; Pamphile plaisante sur tout ce qu'il
lui dit. Alceste parle des pierreries dont il
veut faire emplette pour sa future épouse;
Pamphile lui offre celles de sa femme, & lui
conseille de les revendre cinq ou six mois
après, à son exemple; Alceste trouve la pro
position trop indigne d'un honnête homme,
pour l'accepter. Hortense arrive, & témoigne
par un à parte, qu'elle hait autant Pamphile
qu'elle aime Alceste. Pamphile, pour donner
de la jalousie à Alceste, parle à Hortense avec
une confiance d'Amant aimé; Alcetse ne sçait
qu'en penser, Hortense a beau se récrier con
tre l'impudence de Pamphile, ce dernier tour
ne à son avantage tout ce qu'elle lui dit de
plus désobligeant. Elle le quitte enfin, &
donne la main à son cher Alceste. A la fin de
cet acte, Arlequin reconnoit, sous le nom de
Mlle Beccare, sa femme qu'il croyoit morte;
ils se chargent d'injures, & se congédient l'un
l'autre par ces mots: adieu, au diable.
ACTE II.
Dans l'entr'acte, Pamphile a écrit une let
tre à Hortense, par laquelle il l'avertit qu'il
a fait accroire à sa femme par un faux avis,
qu'une de ses parentes est extrêmement mala
de à Versailles, ce qui l'obligera sans doute
à partir sur le champ, pour aller se rendre
auprès d'elle. Il a ajoûté dans cette lettre,
qu'à la faveur de ce stratagême, il pourra
l'entretenier dans le bal, sous le nom & sous
les habits de Julie. Hortense indignée d'une
ruse, à laquelle non seulement elle ne veut
avoir aucune part, mais qu'elle trouve tout-
à fait extravagante & de la derniére effron
terie, envoye cette lettre à Julie. Cette der
niére l'ayant perdue, elle est tombée entre les
mains d'Alceste, qui a commencé à soupçon
ner Hortense de n'être pas aussi insensible
à l'amour de Pamphile qu'elle l'a paru dans
le premier acte. Il le rend au commencement
du second à Horace, à qui il montre la fatale
lettre qu'il a trouvée. Horace n'oublie rien
pour le rassurer contre son neveu, qu'il dit
être d'un caractere à prendre des choses ima
ginaires pour des réalités. Alceste paroît guéri
de ses soupçons jaloux. Il y a plusieurs autres
scénes dans cet acte, dont peut être nous ren
versons un peu l'ordre, faute de mémoire;
mais en voici à peu près le fond. Dans une
de ces scénes, Pamphile a une conversation
avec Julie son épouse, qui ayant démêlé la
ruse de son mari, par la lecture de la lettre
qu'Hortense lui a envoyée, & qu'elle a per
due, oppose l'artifice, en faisant
croire a son mari qu'elle n'ira point au bal,
puisque son devoir l'appelle à Versailles au
près de sa parente, dont lui a appris la
maladie. Pamphile la raille sur ce devoir qui
l'arrache à son plaisir. Il a chargé Arlequin de
proposer une séparation à Julie; il dit tout
bas à Arlequin de venir à la séparation. Arle
quin lui obéit; il dit à Julie, que l'indiffé
rence que son Maître a pour elle, vient, sans
doute, de la trop longue habitude de se voir,
& que si leurs entrevûes étoient plus rares,
elles n'en deviendroient que plus picquantes.
Pamphlie applaudit à cette nouvelle décou
verte d'Arlequin: Julie en conçoit de l'indi
gnation contre un indigne époux qui est si
prêt à donner les mains à une séparation;
Pamphile lui répond que ce n'en est pas une,
mais plûtôt un nouveau moyen de se mieux
unir. Dans une autre scéne Hortense paroît
sensiblement affligée du chagrin où Alceste
paroit plongé; mais ayant appris de Julie
qu'elle a perdu la lettre de Pamphile qu'elle
lui avoit fait remettre entre les mains, elle ne
doute point, non plus que son amie, que
cette lettre n'ait été trouvée par Alceste, qui
n'aura pas manqué d'en prendre de l'ombrage.
Ce second acte finit par une scéne dans le goût
Italien, qui a été très-applaudie: la voici.
Comme l'heure du bal approche, Trivelin
vient travesti en Cavalier, pour en conter sous
cet habit à sa chere Mlle Beccare; Arlequin y
vient aussi pour son aimable Amila qui l'y at
tend; il a pris l'habit de Pamphile son Maî
tre. Ces deux valets à bonne fortune vou
droient bien n'avoit point d'importun qui
troublât leur rendez-vous; ils se prient ré
ciproquement d'une prompte retraite, mais
aucun d'eux ne veut céder la place à l'autre. Ils
se font une confidence muturelle du sujet qui
les améne; la confidence va jusqu'à l'indis
crétion; ils se trouvent amoureux & bien
traités de la femme l'un de l'autre, ce qui est
précédé de quelques traits injurieux que cha
cun d'eux l'âche contre son rival, qu'il nom
me à mesure qu'il en fait un portrait, qui
n'est du tout point fardé; la reconnoissance
produit un désir de vengeance. L'un demande
son épée, & l'autre des pistolets. Comme
cette scéne se passe dans la nuit, leurs fem
mes, sous les noms d'Amila & de Beccare ar
rivent. Le hazard leur fait prendre le change;
chacune d'elles s'adresse à son mari, croyant
parler à son Amant; les maris querellent,
mais les femmes le prenant sur un ton plus
haut en viennent aux coups; elles battent leurs
maris, & les laissant après les avoir décoëffés.
Les deux maris se regardent l'un l'autre, sans
mot dire, pendant quelque temps, après
quoi ramassant la perruque & le chapeau l'un
de l'autre, ils se coëffent réciproquement &
s'embrassent avec beaucoup de tendresse: voilà
par où ce second acte finit.
ACTE III.
Les projets qui ont été formés dans les actes
précédens, s'éxécutent dans celui-ci. La scéne
est dans la salle du Bal. Pamphile s'y rend sous
les habits de sa femme Julie, comme il l'a
projetté dans la lettre qu'il a écrite à Hor
tense; Julie qu'il croit être partie pour Ver
sailles, & avoir donné dans le piége qu'il lui
a tendu, s'y trouve aussi travestie en Cavalier,
& feint d'en conter à la prétendue Julie;
Pamphile a beau lui protester qu'il n'est pas
Julie, le faux Cavalier est toujours plus pres
sant. Pamphile pour s'en débarasser convient
qu'il est Julie, & lui demande en grace de lui
faire quartier pour un moment; leur conver
sation est interrompue par l'arrivée des Chan
teuses Amila & Beccare; Pamphile s'échappe.
Julie voyant venir l'oncle de Pamphile, dit
aux Chanteuses que c'est Pamphile même, ne
doutant point qu'elles n'achévent d'irriter
l'oncle contre le neveu, par ce qu'elles lui
diront, en croyant parler à Pamphile même.
Ce que Julie a prévû arrive; les deux Chan
teuses apprennent à Horace que le divertisse
ment dont elles sont les principales Actrices,
est de la façon de son neveu, qui prétend par-
là brouiller Alceste avec Hortense. Le second
travestissement de Julie, est sous les habits
d'Hortense, à qui Pamphile a promis de se
montrer sous les habits de sa femme. La fausse
Hortense joue à merveille son nouveau per
sonnage, dont elle tire deux avantages; c'est
d'obliger son mari, qui la prend Hor
tense, d'acquitter la somme de trente pisto
les qu'elle doit à un Gascon, qui vient les lui
demander dans le Bal, avec une opiniâtreté
qui le force à les lui payer, pour n'être plus
troublé dans son rendez-vous avec la fausse
Hortense; le second avantage que Julie tire
de son travestissement sous le nom d'Hortense,
c'est de se faire rendre ses pierreries qu'il avoir
voulu vendre à Alceste. Après ces deux expé
ditions, Alceste arrive avec Horace; il prend
le change comme Pamphile, & croit Hortense
en rendez-vous avec Pamphile. La véritable
Hortense arrive en même temps, & lui repro
che l'injustice qu'il fait à son fidéle amour;
Julie achéve de déconcerter Pamphile en se
démasquant. Ce tour que sa femme lui vient
de jouer, achéve de le déterminer à sa sépara
tion qu'il a déja témoigné souhaiter. Julie y
consent; Horace trouve qu'elle a raison, &
dit à son indigne neveu qu'il ne doit plus pré
tendre à sa succession. La piéce finit d'un côté
par une séparation, & de l'autre par un ma
riage arrêté entre Alceste & Hortense. La
Fête qui suit roule sur le Contraste de l'Amour
& de l'Hymen. Voici un couplet du vau
deville.